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Les Menaces Internes A L Independance de La Justice

Le document aborde les menaces internes à l'indépendance de la justice, soulignant que ce sujet demeure d'actualité malgré les études antérieures. Il met en lumière la diversité des situations judiciaires dans les pays francophones, où l'indépendance de la justice est souvent compromise par des influences politiques et sociales. Enfin, il insiste sur la nécessité d'une justice indépendante pour garantir les droits de l'homme et la démocratie, tout en reconnaissant que des conditions matérielles et statutaires doivent être remplies pour que cette indépendance soit effective.

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Les Menaces Internes A L Independance de La Justice

Le document aborde les menaces internes à l'indépendance de la justice, soulignant que ce sujet demeure d'actualité malgré les études antérieures. Il met en lumière la diversité des situations judiciaires dans les pays francophones, où l'indépendance de la justice est souvent compromise par des influences politiques et sociales. Enfin, il insiste sur la nécessité d'une justice indépendante pour garantir les droits de l'homme et la démocratie, tout en reconnaissant que des conditions matérielles et statutaires doivent être remplies pour que cette indépendance soit effective.

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Les menaces internes à l’indépendance de la justice

Alioune Badara Fall

To cite this version:


Alioune Badara Fall. Les menaces internes à l’indépendance de la justice. L’indépendance de
la justice, Nov 2007, Dakar, Sénégal. pp.Sous-thème I, 2007, AHJUCAF. <hal-00490034v2>

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abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
M. Alioune Badara FALL

Monsieur Alioune Badara FALL,


Professeur de droit public à l’université Montesquieu Bordeaux IV (France)
agrégé des facultés en droit public,

Directeur Adjoint du Centre d'études et de recherches


sur les droits africains et sur le développement institutionnel
des pays en développement (CERDRADI).

Choisir de traiter au début de ce 21ème siècle d’une question qui porte sur l’in-
dépendance de la justice, et plus précisément sur les menaces qui pourraient peser sur
elle, pourrait paraître aux yeux de bon nombre d’observateurs comme dépassé ou inu-
tile, voire anachronique, tant ce thème a fait l’objet d’études fort intéressantes et com-
plètes. Que l’on ne s’y trompe pas cependant. D’abord, l’importance de ce sujet tient à
sa problématique qui fait de l’indépendance de la justice un débat, sinon constant, du
moins toujours renouvelé dès lors qu’elle est menacée en permanence, directement ou in-
directement, par divers phénomènes, structures, institutions, organes gouvernementaux
ou étatiques, dont l’impact plus ou moins important sur le fonctionnement de la justice
dépend de facteurs historiques, culturels, idéologiques voire religieux de chaque Etat
confronté aux mêmes questions liées à la démocratie et à l’Etat de droit. Ensuite - et
c’est cela qui donne une dimension inédite et actuelle à cette problématique de l’indé-
pendance de la justice - ce thème est traité et discuté dans le cadre d’un congrès qui réu-
nit presque l’ensemble des pays francophones. Ceci est loin d’être anodin pour plusieurs
raisons.

La francophonie a la particularité de rassembler, à travers un élément culturel en


commun qui est la langue française, un ensemble de pays fort hétéroclite car situés dans
des zones géographiques différentes et de nature sociale et politique variée ou opposée,
certains d’entre eux étant industrialisés et très démocratisés, d’autres moins développés
et encore peu respectueux de principes de l’Etat de droit et de la démocratie, malgré
leur volonté déclarée de les rendre effectifs.

Or, la francophonie s’est toujours préoccupée des questions relatives aux Droits de
l’homme, au respect des principes démocratiques et à l’instauration de l’Etat de droit
dans les pays qui revendiquent leur appartenance à cet espace culturel. Celui-ci devient
ainsi un élément fédérateur en ce qu’il diffuse et encourage la défense de ces principes
dans cet espace, sans distinction dans ces entités étatiques car en définitive, autant les
droits de l’homme doivent être reconnus à tout individu quel que soit sa race ou son
origine géographique – un homme vaut toujours un homme – autant la démocratie ne
peut faire l’objet de variantes dans son effectivité et sa manifestation, selon telle ou telle
région du monde. Il en est de même pour l’Etat de droit : ses modalités et ses principes

7
Sous-thème  : Les menaces internes

doivent rester universels et demeurent les mêmes, quel que soit le pays ou la société qui
s’en réclame.

L’heureuse initiative de l’AHJUCAF d’organiser ce congrès à Dakar sur l’indé-


pendance de la justice participe de cette construction. En effet, peut-on parler de respect
des droits de l’homme, de démocratie et d’Etat de droit sans l’existence d’une justice in-
dépendante ? Certes Montesquieu dans sa théorie de la séparation des pouvoirs lui avait
donné une « fonction pratiquement nulle » (en le confinant pratiquement dans son rôle
fondamental qui est celui de dire le droit), mais aujourd’hui, nul ne peut ignorer l’im-
portance que le juge5 – et de façon plus large la justice – revêt encore plus dans les so-
ciétés modernes. La justice, qu’elle soit une autorité ou un pouvoir, est un des attributs
essentiels de la souveraineté de tout Etat.

En tant que telle, elle fait partie des organes les plus importants d’un pays, tant
par son statut par rapport aux autres pouvoirs que par son rôle. L’action de la justice
partout est de plus en plus attendue, les populations étant elles-mêmes de plus en plus
conscientes de la nécessité pour les juges de dire le droit et de défendre leurs libertés
lorsqu’elles sont menacées, notamment par les autorités politiques ou administratives.

Mais l’indépendance de la justice, condition sine qua non pour l’efficacité dans
son action et sa crédibilité aux yeux des citoyens, dépend d’une combinaison de plu-
sieurs conditions, c'est-à-dire de l’organisation et du fonctionnement de la justice, du sta-
tut, des attributions et des moyens du juge. Ces divers éléments varient selon les pays
et ont une influence également différente en fonction de la place du politique, du social,
de l’idéologie ou de la religion dans le système étatique considéré. La diversité des pays
- et par conséquent celle des situations - étant l’autre particularité de l’espace franco-
phone, le problème de l’indépendance de la justice apparaît relatif parce que dépendant
de la manière dont la justice est perçue, conçue et organisée et de l’évolution que l’ap-
pareil judicaire a lui-même connue depuis son existence dans le pays considéré. Ainsi,
les pays francophones occidentaux se distinguent-ils nettement sur ce point, des autres
pays situés en Afrique, en Asie et dans les pays d’Europe de l’Est récemment sortis de
l’orbite de la domination soviétique.

Cette diversité de situations que ne montrent pas les réponses fournies par ces
mêmes Etats au questionnaire qui leur a été proposé6 , justifie une présentation préli-
minaire des différentes catégories de pays qui composent cet espace francophone qui se
distinguent par leur cadre géographique et politique dans lequel leur justice est ren-
due.

D’abord, le premier groupe d’Etats ayant répondu à ce questionnaire est consti-


tué de pays européens faisant preuve, a priori, d’une longue tradition démocratique7 .

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M. Alioune Badara FALL

Loin de penser ou de dire que le juge bénéficie d’une totale indépendance dans ces pays
– ce serait bien évidemment faux -, il est permis d’avancer l’idée que la justice y évolue
et s’y exerce dans une « atmosphère » globalement démocratique où la séparation des
pouvoirs et l’indépendance du juge n’y sont pas constamment et systématiquement vio-
lées de manière flagrante. Depuis quelques années par exemple, le juge français procède
régulièrement, avec ténacité et courage, à la moralisation de la vie publique en mettant
en examen plusieurs hommes politiques de tout bord, y compris un président de la Ré-
publique en fonction qui n’a dû son salut qu’à une décision du Conseil constitutionnel.
Mais même dans ces pays, l’indépendance du juge n’est jamais complètement acquise et
fait l’objet d’une conquête permanente.

La deuxième catégorie d’Etats francophones ayant répondu au questionnaire est


constitué de pays d’Afrique du Nord et du Sud du Sahara, dont le système institution-
nel et politique est pour une large part, une reproduction du modèle français. Dès leur
accession à l’indépendance, ils ont logiquement institué un appareil judiciaire à côté des
organes législatif et exécutif. Le principe de la séparation des pouvoirs que les Consti-
tutions africaines, dans leur quasi-totalité, ont également consacré devrait permettre au
juge de bénéficier théoriquement d’une indispensable indépendance vis-à-vis des autres
organes constitutionnels pour faire respecter la loi, les droits et libertés individuels. Cela
concerne également les juridictions car lorsqu’un tribunal où siègent les magistrats n’est
pas indépendant vis-à-vis de l’exécutif et d’autres organes, les juges eux-mêmes qui le
composent ne peuvent prétendre être indépendants.

Les premières décennies après l’accession de ces pays à la souveraineté internatio-


nale ont toutefois révélé que le juge africain, loin d’être indépendant, était sous la do-
mination d’un exécutif fort, marqué par un chef de l’Etat omnipotent et d’un corps
législatif dont les actes ne faisaient l’objet pratiquement d’aucun contrôle. Aujourd’hui
l’importance que revêtent le juge et la justice en Afrique semble renforcée dans l’esprit
des Africains depuis l’amorce d’un vaste mouvement de démocratisation dans la grande
majorité des pays d’Afrique subsaharienne. Une bonne administration de la justice est
apparue indispensable à l’instauration de la démocratie et à l’enracinement de l’Etat de
droit dans ces Etats longtemps marqués par la domination d’un parti politique, voire
d’un homme, au mépris des institutions où sont pourtant inscrits les principes de gou-
vernement les plus démocratiques et les plus respectueux des droits de l’homme.

Le processus de démocratisation entamé au début des années 1990 laissait croire


que cette indépendance de la justice, si longtemps ignorée ou bafouée, allait enfin de-
venir réalité, même si une telle conquête devait se réaliser progressivement. Les plus
hautes autorités de ces Etats africains n’ont cessé depuis l’amorce de cette démocratisa-
tion politique sur le continent, de rappeler et d’insister sur la nécessité d’un appareil ju-
diciaire indépendant et impartial. Ces attributs permettraient au juge, pièce centrale de


Sous-thème  : Les menaces internes

cet appareil judiciaire, d’être à la fois le protecteur naturel des libertés individuelles
contre les atteintes émanant notamment des pouvoirs publics, et de manière plus géné-
rale, un des acteurs de ce processus de démocratisation par une correcte application du
droit, en dehors de toute pression ou autre contrainte extérieure.

Cette importance du juge est également renforcée par l’existence d’instruments ju-
ridiques internationaux, dont ceux élaborés par l’Organisation Internationale de la Fran-
cophonie qui a adopté plusieurs déclarations dans lesquelles, les gouvernants ont affirmé
leur attachement aux principes démocratiques, à l’Etat de droit et au respect des droits
et libertés des individus. Ces déclarations se situent dans la perspective définie par la
Charte de la francophonie adoptée en 1996 et révisée en 1997 au sommet de Hanoï,
ainsi que dans les autres chartes ou déclarations intervenues depuis le troisième sommet
de la Francophonie de Dakar en 1989. Ces déclarations constituent, à n’en pas douter,
des instruments juridiques dont la Francophonie a voulu se doter pour inciter les Etats
à atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés en matière de démocratie et d’instauration de
l’Etat de droit.

Il s’agit de déclarations et plans d’action adoptés successivement par la troisième


Conférence des ministres francophones de la justice du Caire en 1995, par les ministres
et chefs de délégation des Etats et Gouvernement des pays ayant la langue française en
commun à Bamako en 2000 (à l’issue des travaux du Symposium international sur le
bilan des pratiques de la démocratie, des droits et libertés dans l’espace francophone) ou
encore par les ministres chargés de la Culture à Cotonou en 2001. Si la Déclaration de
Bamako innove pour avoir été expressément consacrée à la notion de démocratie, celle
du 7 février 2003 d’Abuja viendra s’articuler plus particulièrement autour de la pri-
mauté du droit, de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Fort de toutes ces dispositions constitutionnelles ou législatives, des règles édic-


tées par les instances internationales et des nombreux discours d’hommes politiques al-
lant dans le sens d’un renforcement de l’institution judicaire pour une démocratie
effective en Afrique, on est en droit de s’attendre à ce que les populations africaines,
longtemps privées de moyens de protestation ou de contestation face à un pouvoir po-
litique connu pour son omnipotence chronique, puissent enfin assister au renouveau du
juge. L’indépendance du juge en Afrique n’est pas un vain mot. Elle se situe aujourd’hui
et plus qu’avant, au carrefour des vifs débats touchant le processus actuel de démocrati-
sation dans les pays africains. Elle doit cependant être appréhendée d’un triple point de
vue : l’indépendance de la justice suppose d’abord que le juge soit à l’abri de l’influence
ou de la domination des autres pouvoirs publics de l’Etat. Mais il faut admettre ensuite
qu’elle doit être protégée des pressions provenant des partis politiques notamment de
l’opposition, des syndicats et, de manière générale, de la société civile. Enfin, l’indé-
pendance de la justice doit être envisagée dans son sens large : les déclarations de prin-

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M. Alioune Badara FALL

cipe ne suffisent pas ; encore faudrait-il que d’autres conditions matérielles, statutaires,
financières etc. soient également remplies pour que le juge puisse en toute sérénité ren-
dre la justice.

En matière d’organisation de la justice, les pays africains n’en sont pas à leurs dé-
buts - contrairement aux pays de l’Est qui découvrent aujourd’hui les lueurs des sys-
tèmes judiciaires libéraux, après avoir été victimes pendants très longtemps des
pesanteurs ou influences du système de type soviétique. Les résultats ne sont pourtant
pas à la hauteur des espérances : si dans certains pays une amélioration s’est effectivement
fait sentir8 , le constat fait par la doctrine d’aujourd’hui est que la justice en Afrique est
en « panne ». Parmi les causes de l’inefficacité de l’appareil judiciaire en Afrique, l’inef-
fectivité de l’indépendance des juges semble être un des facteurs les plus déterminants.
Les raisons de cette ineffectivité sont multiples, mais il est possible d’en dégager certaines
dont des solutions à court ou moyen terme devraient être trouvées si l’on veut que le pro-
cessus de démocratisation qui caractérise les régimes politiques africains aujourd’hui
soit également encadré, accompagné par un appareil judiciaire crédible. L’indépendance
de la justice en Afrique restera une utopie si ces réalités demeurent inchangées.

La troisième catégorie concerne les pays d’Europe de l’Est qui ont décidé d’adop-
ter le modèle libéral occidental une fois qu’ils se sont débarrassés du système commu-
niste, en vigueur avant la chute du mur de Berlin et l’implosion du bloc soviétique.
Plusieurs réformes de la justice sont intervenues dans ces pays et ont introduit, dans la
plupart des cas, les principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice
dans les nouvelles institutions politiques. Dans ces pays, l’Etat de droit y a précédé la
démocratie pluraliste, laquelle ne sera effective qu’à l’issue d’un processus plus ou moins
long. Pour cette raison, il a été soutenu que cet Etat de droit, établi par la Constitution
- donc par le « haut », - induit naturellement l’idée de garantie juridictionnelle. Les «
nouveaux » juges ainsi impliqués, notamment les juges constitutionnels, représentent
dorénavant, pour ces Etats comme pour les populations, l’espoir que la justice y sera
exercée avec indépendance et impartialité, dans le respect du principe de la séparation
des pouvoir qui met en place un autre type de relations différent de celui de l’unité des
pouvoirs que connaissaient ces régimes.

Mais il ne faut surtout pas négliger que cette nouvelle tâche du juge dans les pays
d’Europe de l’Est, qualifiée par certains d’ « historique », sera confrontée à des traditions
et cultures politiques différentes et durablement ancrées dans les comportements de ces
mêmes acteurs de l’appareil judiciaire.

Dans les pays d’Asie enfin – dernière catégorie d’Etats où l’on retrouve quelques
pays francophones – le fait constitutionnel est très récent et sa tardiveté s’explique es-
sentiellement par le maintien de traditions politiques où les rapports entre le droit et le


Sous-thème  : Les menaces internes

politique ont empêché l’émergence d’une tradition constitutionnelle. L’exemple du Viêt-


Nam montre notamment combien l’influence persistante du modèle communiste so-
viétique est présente encore aujourd’hui dans les institutions du pays La réforme
constitutionnelle de 2002 n’a pas fondamentalement bouleversé l’édifice institutionnel
mis en place par la Constitution de 1992. Il faut parler ici de continuité et non de rup-
ture véritable avec le passé : « l’Etat de droit socialiste » y est toujours consacré9 . Le pays
s’est toutefois engagé dans un vaste programme de réformes des institutions judiciaires10
(dans le cadre d’une réforme plus large des institutions étatiques) mais pour l’heure,
elles n’ont pas encore fourni à l’appareil judiciaire du pays, tous les principes garantis-
sant une bonne administration de la justice et l’indépendance de la magistrature. Il faut
cependant noter que si le principe de la séparation des pouvoirs, étranger à la concep-
tion étatique vietnamienne, n’est nulle part inscrit dans les institutions, le principe de
l’indépendance du juge est largement affirmé. Il est d’abord contenu dans l’article 130
de la Constitution11 , mais il ne profite qu’aux juges et assesseurs et non aux membres
du parquet.

Il est ensuite inscrit à l’article 5 de la Loi sur l’organisation judiciaire de 2 avril


2002 qui rappelle la même disposition constitutionnelle, et enfin à l’article 2 de l’Or-
donnance du 14 mai 1994 sur le statut des juges et assesseurs populaires, qui dispose «
qu’au cours du jugement, les juges et les assesseurs sont indépendants et n’obéissent
qu’à la loi ». L’affirmation de ce principe d’indépendance dans les dispositions vietna-
miennes ne suffit pas à mettre le juge à l’abri de contraintes que lui imposerait ce sys-
tème unitaire, hiérarchisé et centralisé, les circonscriptions du pays étant toutes placées
sous l’autorité du pouvoir central. Pour preuve, le Parti communiste du Viêt-Nam avait
adopté le 2 janvier 2002 une résolution définissant les objectifs majeurs des réformes ju-
diciaires parmi lesquels figurait « le renforcement de la direction du Parti à l’égard de
la justice ».

Cette présentation de l’appareil judiciaire dans ces différentes catégories d’Etats et


à partir de leur système institutionnel et politique respectif, montre la diversité des si-
tuations et interdit toute généralisation. Il ressort surtout de tout cela que le problème
de l’indépendance de la justice est plus préoccupant dans les pays ayant encore une fai-
ble expérience démocratique qu’il ne l’est dans les Etats démocratiques occidentaux
comme la Belgique, le Canada, la France ou la Suisse. Aussi, préférons-nous traiter de
cette question de manière réaliste et pragmatique, en orientant l’essentiel de nos déve-
loppements sur les problématiques que soulève l’indépendance de la justice dans cette
majorité d’Etats en cours de démocratisation politique où les relations entre le juge et
les pouvoirs publics notamment, s’inscrivent dans un rapport de forces d’une nature
toute particulière. Cette démarche ne nous empêchera pas, bien évidemment, de traiter
de quelques questions qui se rapporteraient, le cas échéant, aux problèmes que soulève
l’indépendance du juge dans les pays occidentaux.

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M. Alioune Badara FALL

Notre travail porte sur les menaces internes à l’indépendance du juge. Tel que le thème
est formulé, on devrait se situer à l’intérieur même de la juridiction où évolue le juge
pour identifier, exposer et analyser les éléments qui seraient susceptibles de menacer son
indépendance. Cela est bien sûr possible et le sujet est bienvenu car rares sont les travaux
qui sont consacrés à cet aspect de l’indépendance du juge. Mais si l’on s’en tient de façon
stricte, on méconnaîtrait le caractère complexe de l’appareil judiciaire où divers facteurs
sont entremêlés ou inter liés de telle manière qu’un élément, supposé être à l’extérieur
de la justice et n’ayant apparemment aucune incidence sur la marche de celle-ci, s’avé-
rera déterminant par la suite sur le fonctionnement de l’appareil judiciaire, et même
plus encore sur l’indépendance du juge. Celle-ci se trouve en effet, au carrefour de plu-
sieurs paramètres, pouvant aller de la simple autorité du chef hiérarchique de la juri-
diction à laquelle il appartient aux organes les plus importants de l’Etat, en passant par
les syndicats ou des acteurs de la société civile. Cela est d’autant plus vrai que l’indé-
pendance de la justice, impliquée par une séparation des pouvoirs (qui ne peut s’inter-
préter comme une rupture totale), ne signifie pas un isolement du juge vis-à- vis des
autres institutions: indépendant doit être celui-ci, mais il doit continuer à exercer sa
fonction essentielle qui est celle de juger et qui est l’une des trois fonctions de l’Etat.

Il est reconnu que l’indépendance du juge n’est pas une fin en soi ; elle est plutôt
un moyen par lequel on parviendrait à une « bonne justice », c'est-à-dire une justice
impartiale qui assurerait une égalité de tous les justiciables devant la loi. Cette notion
d’indépendance a fait l’objet de nombreuses tentatives de définitions dont le mérite est
de chercher à déterminer le sens et la portée, et dont il faut admettre la complexité mal-
gré son apparente simplicité. La place que l’on a voulu assigner à la justice et l’évolution
que celle-ci a suivie par la suite dans l’organisation et le fonctionnement de l’Etat, à côté
d’autres organes constitués, ne sont pas étrangères à cette complexité

Dans sa plus simple expression, le principe d’indépendance signifie que le juge est
séparé de l’exécutif comme du législatif, en ce sens qu’il dit le droit et applique la loi,
sans en référer à l’un ou à l’autre de ces deux autres organes constitutionnels, ou à au-
cune autre instance ou élément extérieur à l’institution judiciaire, ni subir leur influence
ou leur pression lorsqu’il rend la justice à l’occasion des conflits qu’il tranche, ou lorsqu’il
prend des sanctions prévues par la loi pour les délits et les crimes commis. C’est le sens
général que l’on peut donner au principe de l’indépendance de la justice, en sachant
qu’une telle définition n’épouse pas l’ensemble des éléments que recouvre ce principe aux
contours encore imprécis.

Dans certains Etats, l’avènement du principe est le résultat de toute une évolution
institutionnelle et politique12 , alors qu’il est transposé dans d’autres pays du fait de
l’héritage colonial13 , ou par un phénomène de mimétisme14 . Ailleurs, c’est l’influence


Sous-thème  : Les menaces internes

anglo-saxonne qui a été déterminante15 , à moins qu’il ne s’agisse d’un apport d’expé-
riences étrangères et multiples16 . Cette affirmation du principe d’indépendance découle
de la logique même de la séparation des pouvoirs que l’on retrouve également dans les
Constitutions de nombreux Etats.

Sa définition n’est pourtant pratiquement jamais formulée dans les textes


constitutionnels, législatifs ou réglementaires17 . Cela n’est guère surprenant car si le
problème de l’indépendance du juge se pose dans tous les Etats et tous les systèmes
judiciaires qui se réclament de la démocratie, il a cette particularité d’être à la lisière
de la justice et du politique. Ainsi, son degré d’effectivité dépend-t-elle très étroite-
ment de celui de la démocratisation du système politique considéré et de l’existence
ou non d’un Etat de droit18 . L’on comprend dès lors que l’indépendance de la justice
ne puisse ni se poser, ni se réaliser dans les mêmes termes partout. Mais si les textes
n’ont généralement pas donné de définition à ce principe d’indépendance, les Etats l’ont
pratiquement consacré dans l’organisation de leur justice, en rapport avec les autres or-
ganes étatiques. Dans plusieurs de ces pays, le principe est expressément inscrit soit di-
rectement dans la Constitution, soit dans la loi organique portant sur le statut de la
magistrature, soit dans d’autres lois organiques organisant la profession judiciaire comme
celle des Cours constitutionnelles. Celles-ci occupent par ailleurs une place importante
dans la Constitution de la majorité des pays ayant répondu au questionnaire, où un cha-
pitre entier leur a été consacré dans l’ordre constitutionnel19 . Du coup, elles ne sont pas
partie intégrante du pouvoir judicaire20, sauf pour certaines d’entre elles21.

Dans de telles conditions, autant dire que l’indépendance du juge, pour avoir un
sens, a plus que jamais besoin de garanties organisées au sein de l’institution judiciaire
qui en assurera la protection, après le Chef de l’Etat, garant de l’indépendance de l’au-
torité judiciaire suivant par exemple le cas français.

Toutefois, le juge et la justice, dans les systèmes politiques d’aujourd’hui, ne sont


plus perçus de la même façon qu’auparavant. Un phénomène apparu il y a quelques an-
nées dans les pays occidentaux démocratiques notamment – qui se développe de plus en
plus et qui, dans un avenir plus ou moins proche, concernera certainement les pays en
voie de démocratisation – vient favoriser de façon extraordinaire, l’ascension du juge
dans la hiérarchie des pouvoirs, modifiant du coup la perception que l’on se faisait de lui
et surtout de ses fonctions : la juridisation de la société. Elle se manifeste par l’appro-
priation par le Droit des domaines naguère accaparés par le politique pour ne pas dire
par les hommes politiques.

Ce mouvement du « Politique» rattrapé par le « Droit»22 va bouleverser les fron-


M. Alioune Badara FALL

tières matérielles et les sphères respectives d’intervention classique des membres de l’exé-
cutif et de l’organe judiciaire. Ce phénomène est dû à la transformation de la société, de-
venue exigeante en matière de gestion des affaires publiques et sur les questions touchant
aux droits de l’homme. Le juge apparait dorénavant, et de plus en plus, comme à la fois
l’arbitre entre les pouvoirs publics (le juge constitutionnel par exemple) et l’autorité de
sanction (magistrat ou juge administratif) à leur encontre en cas de manquement aux «
devoirs » et aux « obligations » dans le cadre de leurs activités d’intérêt général, et sous
le regard attentif des citoyens constamment informés par les médias. Le juge ne se limite
plus à l’exécution de loi, ni ne se présente comme un simple gardien de la liberté indi-
viduelle ; il semble devenir cette autorité que les médias mettent à la une à chaque fois
qu’une affaire le transforme en spécialiste de la médecine (problème de l’euthanasie)
d’histoire (affaire Papon), des finances (affaire Elf) ou d’agronomie (les Organismes Gé-
nétiquement Modifiés et le procès Bové) etc. Autant de domaines de la vie quotidienne
presque complètement étrangers au juge dans le passé, mais qui aujourd’hui témoignent
de la hardiesse et de la témérité du magistrat qui n’hésite pas à mettre en examen n’im-
porte quelle personnalité dans n’importe quel domaine, pour exercer la justice telle que
définie par la loi.

Apparait ainsi dans nos démocraties, un juge quelque peu adulé et légitimé, ce qui
n’est pas sans entraîner des complications dans la hiérarchie classique entre ces pouvoirs.
La première des interrogations que suscite cette tendance du juge à se « dresser » contre
les autres organes concerne sa propre légitimité par rapport à la leur, dès lors qu’il s’érige,
presque naturellement, en une sorte de « gouvernement des juges », ce fait tant redouté
en France…Autrement dit, l’on est en droit avec la doctrine23 , de se poser la question
de savoir s’il ne faut pas identifier cette « légitimité plurielle » du juge que cette même
doctrine a cru déceler dans nos sociétés modernes à partir du moment où le suffrage po-
pulaire ne se présente plus comme la seule légitimité24 . Nous n’insisterons pas davan-
tage sur ce réel phénomène qui certes mériterait des analyses plus approfondies, sauf à
dire qu’il ne nous parait plus judicieux, ni réaliste de traiter aujourd’hui des questions
liées à l’indépendance du juge et de la justice sans les replacer dans ce nouveau contexte
de juridisation du politique, dans le cadre plus général de la démocratisation des sys-
tèmes politiques.

Cela nous amène à dire encore une fois, que les menaces internes à l’indépendance
de la justice ne sont pas toujours et nécessairement à l’intérieur de l’appareil judiciaire ;
elles peuvent également provenir de l’extérieur de manière plus insidieuse. Dans tous les
cas, elles existent et semblent prendre de l’ampleur du fait même de l’ascension du juge
et, parallèlement, des crises que connaissent les autres pouvoirs constitués, en particu-
lier le pouvoir exécutif. Nous tenterons de les identifier dans l’organisation (I) et dans


Sous-thème  : Les menaces internes

le fonctionnement (II) de l’appareil judiciaire.

I - Les menaces internes portees a l’independance du juge dans


l’organisation de la justice

Les premières menaces internes qui risquent de porter atteinte à l’indépendance


du juge sont celles qui proviendraient du statut qui organise sa carrière. Ce statut est or-
ganisé de manière unilatérale par les textes de loi dans tous les pays où la profession de
juger est institutionnalisée. Il s’agit donc d’un domaine où la négociation entre le futur
magistrat et l’administration qui fixe les conditions de recrutement n’est pas prévue et
cela n’est que pure logique. On imagine mal qu’un magistrat (et de manière plus géné-
rale un fonctionnaire) vienne « discuter » des conditions d’exercice de sa fonction de
juger avec les pouvoirs publics avant d’exercer sa profession. Comme pour les fonction-
naires, le recrutement constitue une « réquisition », et même si celle-ci est « consentie
» (le candidat se présente au concours en toute connaissance de cause), elle transforme
les agents de l’Etat en « agents du gouvernement »25 . Mais ce caractère unilatéral du
recrutement ne veut pas dire autoritarisme : les candidats à la fonction de juger dans un
Etat démocratique savent qu’une fois recrutés, ils bénéficieront a priori de garanties
suffisantes pour exercer leur profession en toute indépendance. En effet, celle-ci est pré-
servée grâce à leur statut contenant des garanties structurelles liées à l’organisation de
l’appareil judiciaire et des garanties formelles d’ordre matériel qui leur permettent
d’exercer leur profession à l’abri de toute dépendance Les principes de séparation des
pouvoirs et d’indépendance du juge veulent que celui-ci ne soit soumis à aucune pres-
sion, ni contrainte ou influence de quelque organe ou individus que ce soit. Il apparait
toutefois que le juge est souvent mis en « sarcophage » par ce statut et du coup, son in-
dépendance théoriquement affirmée, s’en trouve bien amoindrie. L’importance de ces at-
teintes aux garanties statutaires accordées au juge varie bien évidemment selon les pays.

A – Les limites statutaires

Elles peuvent provenir de l’organisation hiérarchique de l’appareil judiciaire, mais


aussi des règles statutaires proprement dites.

1 – Les pesanteurs hiérarchiques

Il peut paraitre curieux et même paradoxal d’évoquer la notion de hiérarchie en


matière de justice dès lors qu’elle implique une idée de subordination qu’il est difficile
de concevoir dans ce domaine. Il faut cependant accepter l’idée que la justice, en tant que
service public, est également concernée par la hiérarchie. L’organisation hiérarchique


M. Alioune Badara FALL

permet non seulement de structurer le corps judiciaire, mais elle protège le citoyen
contre l’arbitraire grâce au recours qu’il pourra éventuellement exercer lorsqu’il fait l’ob-
jet d’une décision de justice qui ne lui donne pas satisfaction

Ce principe de hiérarchie touche à la fois les magistrats (qui forment ainsi un corps
hiérarchisé) et les juridictions ; il permet de situer les responsabilités et donne une cer-
taine cohésion au corps judiciaire. En matière de justice toutefois, cette hiérarchie est par-
ticulière et n’entraîne pas une dépendance du juge à l’égard de ses supérieurs ou de sa
juridiction lorsqu’il s’agit des juges du siège. Tel n’est pas le cas pour les magistrats du
parquet qui obéissent à d’autres règles à ce sujet.

La hiérarchie au sein des juridictions ne soulève pas de problèmes particuliers. Le


principe du double degré de juridiction par exemple en France, est destiné à rendre une
meilleure justice en permettant au requérant qui n’est pas satisfait de la décision rendue
par la première juridiction, de saisir la juridiction hiérarchiquement supérieure. Et si
celle-ci devait rendre une décision contraire, cela ne constituerait pas une atteinte à l’au-
tonomie de la décision de la juridiction inférieure dès lors que chaque juridiction est
libre de statuer comme elle l’entend et quelle que soit sa place dans la hiérarchie.

En revanche, la hiérarchie entre les personnes crée des rapports plus complexes et
soulève plus de questions quant à l’indépendance du magistrat. D’abord, ce pouvoir hié-
rarchique ne concerne nullement la prise de décision ; celle-ci relève de la seule
conscience de chaque juge qui n’a de compte à rendre ni à son chef de juridiction, ni à
qui ce soit. Cela dit, les chefs de juridictions sont investis de pouvoirs administratifs
qui peuvent constituer des menaces à l’indépendance du juge s’ils ne sont pas limités
aux nécessités du service. Il leur revient en effet le pouvoir de réglementer l’organisation
des audiences, de pourvoir aux affectations et d’évaluer l’activité professionnelle de ma-
gistrats placés sous leur autorité (élément important pour leur avancement). Même si des
garanties entourent ces pouvoirs pour éviter tout arbitraire de leur part, le juge n’est
pas à l’abri de pressions ou de sanctions de la part de ses supérieurs hiérarchiques, si les
rapports qui les lient dans le service ne sont pas d’une parfaite sérénité.

La situation est toute différente pour les magistrats du parquet qui sont dans un
véritable lien de dépendance vis-à-vis de leurs autorités hiérarchiques, même dans leur
prise de décision, à l’opposé des magistrats du siège26 . Ainsi en en France par exemple,
« les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hié-
rarchiques et sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice »27 . Cette dis-
position a été généralement reprise par la majorité des pays africains et a entraîné de
nombreuses controverses et critiques. Elle reste en effet au cœur des préoccupations ac-
tuelles sur l’indépendance de la justice, certains souhaitant une totale rupture entre le
parquet et le gouvernement. L’opinion publique ne comprend pas toujours cette possi-

7
Sous-thème  : Les menaces internes

bilité laissée au ministre de la justice de donner des instructions à un « magistrat », no-


tamment lorsque des personnalités politiques sont mêlées à des« affaires » révélées au
grand public par les médias. Une suspicion est vite née dans l’opinion publique lorsque
le ministre, évoquant le principe de l’opportunité des poursuites, demande au parquet
des « classements sans suite » de ces affaires.

2 – Les restrictions relevant directement des règles statutaires

A l’observation des textes relatifs au statut du juge dans la quasi-totalité des pays étu-
diés, il apparait que les magistrats n’échappent pas totalement à l’emprise directe ou in-
directe des autorités politiques. Presque partout, le juge est sous le contrôle d’un Conseil
National de la Magistrature, présidé par le Chef de l’Etat. La fonction principale de ce
Conseil est de garantir le respect des règles de fonctionnement du service public de la
justice et la protection des magistrats contre les éventuelles pressions du pouvoir poli-
tique. C’est dans cet esprit que l’indépendance des magistrats et leur inamovibilité
constituent des principes qui leur ont été reconnus comme une garantie pour une bonne
administration de la justice. Pourtant, les observateurs sont unanimes pour constater
l’existence de dysfonctionnements au sein de cet important organe qui ne cesse de sus-
citer débats et projets de réforme.

a- Le Conseil Supérieur de la Magistrature et l’indépendance du juge

Dans beaucoup de pays ayant en commun l’usage de la langue française, existe un


Conseil Supérieur de la Magistrature qui vient assister le Président de la République
garant de l’indépendance de la justice28 . Ces Conseils n’ont pas toujours fait l’objet de
commentaires élogieux. En France, de nombreux conflits sont intervenus au fil des ans
entre le Conseil et le gouvernement, notamment en matière de notation et d’avance-
ment des magistrats. L’ascension du juge depuis quelques années par ce phénomène de
ju n’a pas aidé à calmer les esprits. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les propos
du Garde des Sceaux Dominique Perben qui avait fait comprendre lors de la présenta-
tion de ses orientations politiques, qu’il souhaiterait que la Chancellerie puisse avoir la
possibilité de contourner les avis du Conseil Supérieur de la Magistrature en ce qui
concerne les sanctions disciplinaires des magistrats du parquet. Ce Conseil appelle au-
jourd’hui d’autres réformes qui ne sauraient certainement tarder.

En Afrique, les magistrats ne cessent de dénoncer les dysfonctionnements, tant au


sujet des nominations qu’au niveau des sanctions prises à leur encontre dans le cadre de
procédures disciplinaires. La notation, les nominations et autres promotions, dans bon
nombre de ces pays, sont loin d’être transparentes et ne semblent obéir à aucun critère
précis et objectif. Dans de certains pays africains, des textes ont expressément organisé
des moyens destinés à contourner ce principe d’inamovibilité (Sénégal, Burkina-Faso,

8
M. Alioune Badara FALL

Guinée…). Le constat fait dans le passé concernant l’emprise du Conseil National de la


Magistrature reste le même et les magistrats semblent être encore sous le contrôle de cet
organe, hérité du système français, qui fait l’objet de beaucoup de critiques et de réti-
cences29 .

Les divers Conseils supérieurs de la Magistrature sont généralement suspectés de


connivence avec le pouvoir en place et ne disposent, le plus souvent, d’aucune crédibi-
lité, aussi bien au sein de la magistrature elle-même qu’auprès des populations de plus
en plus attentives aux décisions rendues par la justice de leurs pays. Dans la majorité des
Etats, le Conseil de la magistrature dont la mission essentielle et première est d’assurer
le bon fonctionnement du service public de la justice et la garantie de l’indépendance
des magistrats, est présidé par le Président de la République. Dans certains pays, le
Conseil est composé de membres de droit (au Sénégal par exemple, il s’agit, selon l’ar-
ticle 2 de la loi organique n° 92-26 du 30 mai 1992, du Président du Conseil d’Etat,
du Premier Président de la Cour de cassation et du Procureur Général près la Cour de
cassation, des Premiers Présidents des Cours d’Appel et des Procureurs généraux de ces
Cours) et des membres élus (au nombre de six au Sénégal : trois titulaires et trois sup-
pléants élus par leurs pairs parmi les magistrats, aux termes de l’article 3 de la même loi
organique), alors que dans d’autres pays comme la Guinée, le ministre de la justice, Vice-
président du conseil, ainsi que les cinq autres membres sont nommés par le Président
de la République.

Les magistrats africains se retrouvent ainsi dans une situation de dépendance vis-
à-vis de cette Haute autorité. Même en l’absence du Président de la République ou du
ministre de la justice en tant que Vice-président, le Conseil de la Magistrature semble
garder toute son influence sur le corps judiciaire. Il n’est pas exclu qu’il en soit de même
dans les pays où cet organe a fait l’objet de réformes destinées probablement à atténuer
la présence excessive des plus hautes autorités de l’Etat dans ce Conseil. En effet, le
Conseil de la Magistrature au Togo est désormais présidé par le Président de la Cour su-
prême ; au Mali, c’est aussi le Président de la Cour suprême qui préside le Conseil lorsque
la poursuite concerne un magistrat du siège, et par le Procureur général près la Cour su-
prême s’il s’agit d’une incrimination dirigée contre un magistrat du parquet. Au Bénin,
le Président de la Cour suprême est venu remplacer le ministre Garde des sceaux au
poste de Vice-président.

Ces modifications sont mineures et ne semblent pas affecter de manière décisive


l’influence directe ou indirecte du pouvoir politique sur le fonctionnement de la justice,
l’indépendance ou la carrière des magistrats à travers le Conseil de la magistrature. Il ne
serait pas exagéré de penser que la nomination ou le recrutement de ces magistrats reste
sous le contrôle des hommes politiques qui voudraient s’assurer avant tout, que les
hommes installés à ces postes leur seraient acquis ou ne manifesteraient aucune hostilité


Sous-thème  : Les menaces internes

à leur égard. A ce sujet, la transparence n’est pas de rigueur dans les juridictions africaines
à propos de la notation, des nominations ou promotions des magistrats. Au Burkina
Faso, la doctrine a fait remarquer que le Conseil National de la Magistrature a long-
temps été exclu de l’examen des questions concernant l’indépendance ou l’inamovibilité
des magistrats. Des réformes sont en cours dans ce pays, mais il est peu probable que le
fonctionnement de cet organe fasse l’objet de modifications susceptibles d’introduire
suffisamment de transparence dans la gestion de la carrière des magistrats.

b- Les restrictions au principe d’inamovibilité

En Afrique, la réalité que traduisent les Conseils de magistrature dans leur com-
position comme dans leur fonctionnement, ne favorise pas les principes d’indépendance
et d’inamovibilité solennellement inscrits dans les textes. Cela est d’autant plus paradoxal
que les atteintes à ces principes ont été aménagées par les textes juridiques eux-mêmes30.
Ainsi au Sénégal (mais c’est le cas dans la majorité de ces pays), le principe d’inamovi-
bilité est mis en échec par l’article 5 de la loi organique portant statut des magistrats31.
Il permet à l’exécutif d’arguer des « nécessités du service » pour neutraliser les juges op-
posés au dictat du pouvoir politique. Ainsi, il peut procéder, avec l’accord du Conseil su-
périeur de la Magistrature, à des déplacements de magistrats sans avoir besoin de
solliciter leur accord, et surtout sans que cela ne soit objectivement commandé par les
impératifs du service. Cette entorse au principe d’inamovibilité est par ailleurs doublée
d’une autre : l’article 68, alinéa 2 de la loi organique sur le statut des magistrats permet
d’assurer l’intérim si le nombre de magistrats disponibles dans la juridiction est insuf-
fisant.

De telles dispositions ne sont pas propres au seul cas sénégalais. On les retrouve
également en Mauritanie par exemple, au Bénin ou encore au Burkina Faso pour ne citer
que ces quelques exemples. Au Burundi, le Conseil Supérieur de la Magistrature est
resté longtemps inféodé au pouvoir politique en place. Resté pratiquement inactif pen-
dant une très longue période, il ne s’est semble-t-il réuni en assemblée qu’en novembre
2004 pour dresser le bilan du fonctionnement de la justice dans le pays.

Ces atteintes aux principes d’indépendance et d’inamovibilité sont régulièrement


dénoncées par les magistrats, tant au niveau des nominations qu’au sujet des sanctions
prises à l’encontre des juges, notamment dans le cadre des procédures disciplinaires. La
déclaration et le plan d’action du Caire adoptés en 1995 incitent pourtant les Etats fran-
cophones à éliminer « toute entrave à l’indépendance des magistrats, premiers garants
d’une Justice accessible et efficace, en leur assurant les moyens statutaires et matériels
nécessaires à l’exercice de leurs fonctions… ». Le Conseil d’Etat sénégalais est allé dans
ce sens en annulant pour illégalité (méconnaissance du principe d’inamovibilité des ma-
gistrats) deux décrets présidentiels qui avaient procédé à des affectations/sanctions de ma-

0
M. Alioune Badara FALL

gistrats à leur insu. La Cour constitutionnelle béninoise a également affirmé avec force
la nécessité de respecter le principe d’indépendance de la justice dans des affaires où le
pouvoir politique tentait de contenir l’appareil judiciaire. La Cour précisa en effet que
« le respect du principe de l’inamovibilité exige que le magistrat ait été individuelle-
ment consulté à la fois sur les nouvelles fonctions qui lui sont proposées et les lieux pré-
cis où il est appelé à les exercer…Les éléments de cette consultation constituent les
conditions de la procédure minimale exigée pour la garantie de l’indépendance des ma-
gistrats du siège »32. Le Conseil constitutionnel sénégalais n’avait pas hésité auparavant
à annuler une loi organique pour inconstitutionnalité dès lors qu’elle violait entre au-
tres, le pouvoir d’indépendance du pouvoir judiciaire33.

Ces décisions jurisprudentielles ne sont pas récentes, mais elles ont fait dire à la
doctrine africaine que l’on est en train d’assister à la « résurrection de la justice consti-
tutionnelle » ; elles ne semblent pas remises en cause aujourd’hui, mais elles sont assez
isolées dans les pays francophones d’Afrique y compris ces dernières années. Aussi la
doctrine invite-t-elle de tous ses vœux le législateur africain à procéder à des réformes
textuelles substantielles pour que les magistrats soient à l’abri de l’influence de l’exécu-
tif. Ces réformes s’imposent, d’autant plus qu’à cette violation chronique du principe
d’indépendance de la justice et de celui de la séparation des pouvoirs, s’ajoute une in-
gérence aussi néfaste que réelle du pouvoir politique dans l’exercice de la justice et lar-
gement constatée et dénoncée.

Le système français n’est pas non plus à l’abri de telles atteintes au principe d’ina-
movibilité. Certes le magistrat y est aussi protégé – certainement mieux que dans nom-
bre de pays -, contre les déplacements, les suspensions, les révocations arbitraires34, mais
ces dispositions souffrent aussi de quelques atténuations compte tenu des exigences du
service public. D’abord, comme tout individu, les magistrats peuvent être victimes de
maladie, et comme tout travailleur, ils ont droit à des congés et les femmes, à des congés
de maternité. Ces interruptions de travail ont amené le législateur à adopter une loi or-
ganique pour organiser le remplacement de ces juges momentanément empêchés et le
système a été progressivement élargi par les lois organiques du 19 janvier 1995 et 30 mai
2001. A cela, il faut ajouter la possibilité discrétionnaire des chefs de Cour d’appel de
procéder à un système de « délégation de magistrat » sur un autre poste35.
Autant d’hypothèses qui peuvent porter atteinte au principe d’inamovibilité du juge
français dès lors qu’il s’agit de moyens à la disposition du gouvernement qui peut les uti-
liser dans un esprit différent de celui pour lequel ils ont été envisagés, ce qui bien évi-
demment atténuerait « illégalement » la portée de l’indépendance du magistrat. Pour
pallier ce risque, la doctrine a proposé l’adoption d’un principe d’inamovibilité «tem-
poraire » où une durée de la fonction de juge à tel ou tel poste est déterminée à l’avance.
Si à la date d’entrée de cette fonction, le magistrat concerné sait qu’il ne peut dépasser
cette durée, il n’y aura pas d’atteinte à son indépendance. La loi organique du 30 mai
2001 est allée dans ce sens en limitant à sept ans l’exercice des fonctions de président ou


Sous-thème  : Les menaces internes

de procureur de la République dans un même tribunal.

c- Recrutement et carrière du magistrat

Le magistrat, comme tout agent de l’Etat, est soucieux de poursuivre une bonne
carrière dans sa profession sans se préoccuper d’autres questions que celles liées à la na-
ture et à l’exercice de son activité. Parler de menaces au sujet de la carrière du juge pa-
raitrait contradictoire avec l’idée d’indépendance du magistrat affirmée directement ou
indirectement par les textes des pays étudiés. Pourtant, un juge qui ferait preuve d’une
très grande indépendance aux yeux de son chef hiérarchique, ou à l’égard des autorités
exécutives ou politiques en place, pourrait voir sa carrière menacée et son indépendance
bien amoindrie. Les magistrats sont plus ou moins attentifs à la perspective d’un avan-
cement dans leur carrière avec les garanties dont ils bénéficient à cet effet et sont donc
bien conscients qu’ils ne sont pas à l’abri de sanctions. Cette menace sur leur indépen-
dance et leur intégrité est présente tout au long de leur carrière36, du recrutement à la
cessation de leur fonction, qu’il s’agisse des magistrats du siège, du parquet ou des juges
administratifs lorsqu’ils existent.

Le recrutement en lui-même ne pose pas de problèmes particuliers en soi, s’agis-


sant des atteintes à l’indépendance du juge. Toutefois, il faut distinguer les situations
selon le mode de recrutement qui peut se faire soit par voie de concours37, soit sur titre38
ou les deux à la fois39. Au stade de l’intégration dans la carrière judiciaire par voie de
concours, les risques d’atteinte à l’indépendance du juge n’existent pas ou ne sont pas fa-
cilement identifiables. Dans tous les cas, les conditions du concours sont connues du
public et on verrait mal un pouvoir politique afficher dès cette première phase son in-
tention de soumettre les futurs magistrats à sa domination.

En revanche, le rejet des candidatures pour des raisons autres que celles liées au ser-
vice public – définies et encadrées par la loi - et destiné à écarter des candidats pour leur
loyauté, leur dévouement ou pour leur opposition - notamment idéologique40 - au ré-
gime en place constituerait à coup sûr, ce que nous qualifierons d’atteinte anticipée à l’in-
dépendance du juge. Ce risque existe partout, plus particulièrement dans les pays où le
recrutement se fait sur titre. Il est encore aujourd’hui plus plausible dans les pays d’Eu-
rope de l’Est récemment séduits par le modèle occidental.

En effet, les récentes études sur l’indépendance et le recrutement des magistrats


dans ces pays de l’Est, quel que soit le mode de leur désignation ou de nomination, ne
sont guère optimistes quant à la disparition rapide de telles pratiques. L’une de ces études
a porté plus particulièrement sur les réformes de la justice dans les pays de l’Est mem-
bres (ou associés) de la Francophonie41 . L’auteur y décrit une situation très embryonnaire
et encore balbutiante en matière d’organisation judiciaire dans ces Etats. Une situation

2
M. Alioune Badara FALL

qui résulte du fait que ces Etats postcommunistes ont hérité du système judiciaire so-
viétique, et si les réformes entamées aujourd’hui portent à la fois sur les structures et la
formation du personnel de l’appareil judiciaire, le poids de la culture juridique anté-
rieure est encore bien présent dans l’organisation et le fonctionnement de la justice. On
le sait, à l’époque communiste, le système judiciaire était complètement dominé et
contrôlé par le pouvoir politique, c'est-à-dire par le parti communiste. L’étude précitée
de Monsieur Frison-Roche a également montré que l’ensemble des acteurs politiques de
la transition, qu’il s’agisse des communistes ou de leurs adversaires, avait la crainte que
les futures élections ou alternances politiques « amènent au pouvoir un parti hégémo-
nique (de droite ou de gauche) qui profiterait de ce lien de dépendance pour (re)utiliser
le système judiciaire à l’encontre de ses adversaires politiques ». Aussi, ont-ils tous créé
- pour pallier ce risque – un organe spécialisé auquel il a été confié la gestion du « pou-
voir judiciaire » - lequel devait être indépendant des autres pouvoirs, plus particulière-
ment du pouvoir politique en place – et l’organisation « du bon fonctionnement de la
justice en dehors de toute ingérence d’où qu’elle vienne »42. Les nominations de magis-
trats dans certains de ces pays de l’Europe de l’Est, membres ou associés à la Franco-
phonie, n’étaient pas, semble-t-il, d’une grande transparence. L’Union européenne –
ayant certainement eu des doutes sur l’objectivité de certaines nominations - a exigé
l’organisation de concours préalables à toute nomination de magistrats, ce qui a amené
certains de ces pays à changer d’attitude

Certes la question de l’indépendance dans ces pays rencontre les mêmes problèmes qu’ail-
leurs. Seulement, l’introduction récente d’un nouvel idéal de justice et les réformes ju-
diciaires qui en ont découlé - avec notamment l’apparition de juridictions
administratives dans certains de ces pays en vue de contrôler la légalité de l’action ad-
ministrative et celle des actes administratifs43 - donnent à cette question une dimen-
sion toute particulière dans les systèmes postes-communistes encore marqués par les
séquelles d’une culture et d’une pratique communiste durant l’ère soviétique. L’indé-
pendance sera difficile à conquérir car les résistances persistent et semblent y être encore
plus fortes qu’ailleurs44 . A titre d’exemple, en Pologne sous l’ancien régime, l’indé-
pendance des juges n’était pas organisée en dehors de « la protection du régime de la Ré-
publique de la Pologne ». Ainsi, il n’y avait pas à l’époque d’incompatibilité entre la
fonction de juge et le mandat parlementaire, raison pour laquelle, le président de la
Haute Cour administrative du pays avait conservé son mandat parlementaire et le poste
de président de la Commission des lois de la Diète jusqu’en 1981, date à laquelle il est
devenu ministre de la justice. Doit-on s’attendre à ce que cette conception de gouver-
ner disparaisse du jour au lendemain ? La volonté affichée par les nouveaux gouvernants
de modifier le fonctionnement institutionnel de ces pays nous permet d’être optimiste,
mais les résistances ne manqueront pas de se manifester.

Ceux sont donc des Etats qui vivent encore une période de transition démocratique45,


Sous-thème  : Les menaces internes

où règne particulièrement une certaine incertitude, avec des compromis politiques qui
ne permettent pas pour l’heure, d’aboutir à de véritables réformes. Si des organes spé-
cialisés ont été créés dans tous ces Etats pour s’occuper du pouvoir judiciaire et s’ils ont
tous été dotés de pouvoirs importants, les principes proclamés tels que la séparation des
pouvoirs et l’indépendance de la justice, n’ont pas fait l’objet d’une application exem-
plaire46. Dans un tel contexte, on imagine aisément que si le statut des magistrats est or-
ganisé dans toutes les Constitutions de ces pays, dans la pratique les principes
d’indépendance et d’inamovibilité n’ont pas toujours l’effectivité espérée. La carrière des
magistrats est gérée par les Conseils de chacun de ces pays qui se chargent de proposer
au président de la République ou au parlement la nomination des juges.

Bien évidemment, comme partout ailleurs, l’indépendance de la justice est une


quête permanente dont le processus peut être plus ou moins long selon le cas. On ne
doute pas que ces pays – à qui l’Union européenne apporte une aide matérielle et finan-
cière, ainsi qu’un appui d’experts pour la réalisation de telles réformes – pourront, pro-
gressivement mais sûrement, s’assurer que la séparation des pouvoirs et l’indépendance
des magistrats et de la justice seront effectives.

Les quelques décisions jurisprudentielles dont nous disposons concernant ces


membres (ou associés) de la francophonie des pays de l’Est47, semblent aller dans ce sens.
En Albanie48, en Bulgarie49, en Macédoine50 et en Roumanie51, une jurisprudence en-
courageante montre que des mutations sont en train de se produire dans ces pays quant
à la protection des principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice

Cela dit et pour revenir sur l’ensemble des pays francophones, les règles liées à
l’avancement ont été fixées par les textes dans tous les pays ayant en commun l’usage de
la langue française, mais les situations sont extrêmement variées. Dans la pratique, les
difficultés apparaissent et montrent que le juge n’a pas toutes les garanties nécessaires à
sa fonction et à son indépendance. La situation la plus révélatrice de cette perte d’indé-
pendance est celle décrite en Haïti52. Au Sénégal, la doctrine n’a pas non plus manqué
de formuler des réserves sur les garanties accordées au juge ; le fonctionnement du
Conseil Supérieur de la Magistrature y est fort critiqué par les magistrats en matière de
nomination et de promotion « qui ne se feraient pas selon des critères objectifs »53. Mais
c’est surtout la notation des magistrats qui fait l’objet de plus de suspicion parce qu’elle
ne se faisait pas, semble-t-il, « dans les meilleures conditions ». En France, des interro-
gations ont été également émises à ce sujet.

Le terme même de « notation » qui cache mal un caractère trop discrétionnaire et


le risque d’un arbitraire de la part de l’autorité hiérarchique, a amené le législateur fran-
çais à le remplacer par « l’évaluation de l’activité professionnelle de chaque magistrat »54.
C’est pour les mêmes raisons, toujours en France, qu’on a remanié ce système né en 1906


M. Alioune Badara FALL

par un décret du 7 juin 1993 pour introduire une plus grande transparence55.

Concernant la cessation des fonctions, l’indépendance des juges semble pas générale-
ment protégée. Elle est fonction de l’âge de la retraite, mais le juge peut être révoqué
pour insuffisance ou faute professionnelle. La situation en Haïti à ce sujet devrait être ex-
ceptionnelle56

II - Les atteintes internes portées à l’indépendance du juge dans


le fonctionnement de l’appareil judiciaire

La première limite interne à l’indépendance du juge et des juridictions que l’on


ne souligne pas assez souvent, mais qui est tout aussi réelle et importante que les autres,
est d’ordre financier et matériel. S’y ajoutent d’autres facteurs qui matériellement pro-
viennent de l’extérieur de l’appareil judiciaire, mais qui de manière latente et insidieuse,
peuvent être en définitive perçus comme des menaces internes.

A. Crise financière et indépendance du juge

En ce qui concerne d’abord les moyens accordés aux juridictions, les études géné-
ralement faites sur leurs conditions matérielles et financières, notamment dans les pays
africains, ont montré des insuffisances notoires pouvant affecter l’exercice d’une « bonne
justice » et au-delà, entraîner une incapacité du juge à bien mener sa tâche57. Une perte
de crédibilité auprès des justiciables et de son indépendance vis-à-vis des autres pouvoirs
de l’Etat peut en résulter.

Il a été noté, lors des rencontres précédentes entre les pays francophones sur les
questions liées à la justice, que toutes les Cours constitutionnelles ont établi un lien di-
rect entre indépendance et autonomie budgétaire. Or, seules quelques juridictions parmi
elles étaient globalement satisfaites des conditions financières et matérielles dans les-
quelles elles se trouvaient. Ce sont les Cours qui bénéficient d’une véritable autonomie
budgétaire58. Une situation dans laquelle ne se trouve pas la majorité des autres Cours
dont le budget est dans la plupart des cas fonction des disponibilités financières de l’Etat
; parfois il est le résultat d’une difficile négociation entre le gouvernement et l’Assem-
blée nationale avant son adoption. Dans certains pays, le budget alloué à la justice est le
plus faible parmi les budgets de l’Etat59. On peut imaginer la situation des juridictions
inférieures et surtout celles éloignées de la capitale du pays et des grandes villes.

En quoi la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice peuvent-elles


avoir un lien quelconque avec les conditions matérielles et financières de la justice si ce
n’est qu’aucune juridiction, ni aucun magistrat, ne pourrait appliquer sereinement la
justice s’il ne dispose pas d’un minimum de moyens ? Force est de reconnaitre que dans


Sous-thème  : Les menaces internes

tous les Etats francophones d’Afrique, ces moyens manquent de manière cruciale. Le
budget alloué au ministère de la justice ne dépasse généralement pas 1% du budget na-
tional. Il s’ensuit un manque considérable de moyens matériels : les bureaux sont in-
suffisants, exigus et vétustes, les machines à écrire ne sont guère en nombre suffisant
pour permettre la rédaction rapide des jugements et autres actes liés aux décisions de jus-
tice, ce qui contribue largement à la lenteur chronique de la justice et les conséquences
qui s’ensuivent quant à l’exigence d’un « délai raisonnable » pour les jugements.

Ensuite, c’est la situation financière et matérielle même des magistrats qui ne leur
épargne pas d’éventuelles pressions. Ils reçoivent une rémunération souvent très faible
pour la fonction qu’ils occupent, même si l’on note, dans certains pays, un effort des
pouvoirs publics pour améliorer leur situation60. La faible rémunération des magistrats
en Afrique les met dans une situation de précarité telle qu’ils jouissent de moins en
moins de la « notabilité » auprès de ceux qui les saisiraient éventuellement pour rendre
la justice ou de ceux qu’ils auraient condamnés. Peut-on vraiment concevoir qu’un juge
vienne partager le même autobus (n’ayant à sa disposition aucun autre moyen de trans-
port) avec un prévenu qu’il vient de condamner, même d’une peine légère ? La situa-
tion est pourtant courante dans certains pays d’Afrique. En dehors des risques
d’agression, un tel juge bénéficiera difficilement de toute l’autorité nécessaire dont il
aura besoin pour exercer en toute indépendance sa profession. A ces problèmes, s’ajou-
tent un manque de personnel et un déficit en matière de formation, d’information et de
documentation.

B- Fonctionnement de la justice et exercice de la fonction de juger :


la responsabilité du juge et des pouvoirs publics

Lorsque nous avions traité de la question hiérarchique dans les rapports liant le
juge à ses supérieurs, nous avions rappelé que la décision que celui-ci est appelé à pren-
dre à propos d’un litige qu’il a la charge de trancher ne peut relever que de sa seule
conscience ; il n’a de compte à rendre ni à son chef de juridiction, ni à qui que ce soit.
Tout ceci pour dire que le bon fonctionnement de la justice, et par conséquent l’admi-
nistration d’une « bonne justice », dépendent dans une très large mesure, de l’intégrité
du juge lui-même face à ses obligations statutaires et à l’intérêt du service. De là, on es-
time qu’il peut dès lors constituer, ou un élément interne de crédibilité de la justice
dans son pays si son intégrité professionnelle n’est pas mise en cause, ou une menace in-
terne à l’indépendance de sa juridiction – et donc de sa propre indépendance - dans le
cas contraire. Il arrive que cette deuxième hypothèse soit celle que connaissent certaines
juridictions. Les raisons qui ont amené cette situation dans certains pays sont multiples
et peuvent avoir des origines diverses. Nous en avions mentionné certaines dans une
M. Alioune Badara FALL

étude antérieure61. Il n’est toutefois pas inutile d’en reprendre quelques unes dans le
cadre de cette étude car elles restent encore d’actualité.

1 - Le juge et son milieu

L’indépendance du juge dépend de plusieurs facteurs. Sa crédibilité en est un. Nul


doute qu’en Afrique, nombreux sont les magistrats qui font preuve journellement d’une
compétence et d’un comportement exemplaire dans l’exercice de leur fonction comme
à l’extérieur de leur service. Ce n’est pas toujours le cas62. Conscients des garanties et des
larges protections dont ils font l’objet, certains magistrats se sont donnés des libertés in-
compatibles avec les exigences de leur fonction. Là c’est un juge qui, sans raison appa-
rente, n’a pas traité une affaire sur une durée de deux ans alors qu’elle avait été déjà mise
en délibéré, obligeant le médiateur de la République – qui a qualifié ce fait de déni de
justice - à intervenir pour permettre aux requérants d’obtenir une décision de justice
(Sénégal). Ailleurs, c’est le laxisme d’un juge qui a été dénoncé à l’occasion d’une or-
donnance de référé qui a duré du mois d’août au mois d’avril de l’année suivante (Côte-
d’Ivoire) ou la méconnaissance du droit à être jugé dans un délai raisonnable dans une
affaire où le requérant a attendu 14 ans avant d’être jugé (Bénin), voire 25 ans (Bur-
kina-Faso)63.

Sans confondre vie privée et activité professionnelle des juges, la réputation de


ceux qui ont la charge de rendre la justice tient encore une très grande place dans l’opi-
nion publique. Certains comportements liés à la moralité des magistrats ont été décriés
(alcoolisme, femmes en instance de divorce et venues au tribunal à cet effet). Au niveau
interne des juridictions, de telles données fragilisent le magistrat qui « prêtent le flanc
» à ses supérieurs et certainement aussi aux autorités exécutives, d’où des risques de
perte d’indépendance vis-à-vis d’eux.

Ces premières menaces qui relèvent même de l’éthique du magistrat, restent in-
formelles et rares ; d’autres en revanche sont plus sournoises et plus redoutables.

2- Les menaces intrinsèques (inhérentes ?) à la fonction de juger

Elles touchent au fonctionnement de la justice, sont de plusieurs ordres et sont di-


rectement ou indirectement les conséquences d’une certaine politisation de la justice
dans certains pays d’Afrique

C’est d’abord des prises de position de magistrats incompatibles – et surtout in-


compréhensibles – avec la fonction de juger au sens moderne et démocratique du terme.
Rappelons qu’il y a à peine quelques années en République Démocratique du Congo,
c’est une véritable soumission du juge aux directives du parti qui avait été organisée par

7
Sous-thème  : Les menaces internes

les gouvernants64 qui n’hésitaient pas à prendre des sanctions à l’encontre des magis-
trats récalcitrants. Aujourd’hui, la justice semble y présenter un aspect plus conforme aux
principes démocratiques. Dans d’autres pays, cette politisation de la justice est plus sub-
tile. Elle se manifeste à travers des craintes - souvent justifiées - éprouvées par certains
magistrats, de se voir infliger des sanctions de toutes sortes. Elle peut également s’affi-
cher à travers des prises de position de magistrats convaincus que les décisions de jus-
tice ne devraient pas entraver les décisions administratives ou gouvernementales qui
iraient dans un sens prétendument favorable au développement politique et économique
du pays. Les restrictions apportées aux libertés sur un tel fondement, constituent « un
mal nécessaire » que la collectivité doit momentanément supporter au prix d’un épa-
nouissement futur (qui pourrait être par ailleurs bien hypothétique…). Des décisions de
justice montrent assez nettement cette inféodation de la justice au pouvoir politique65.

Ensuite, la politisation à l’intérieur même de la justice passe par le maintien d’une


politique jurisprudentielle obsolète, mais que l’on alimente parce qu’elle est favorable
aux décisions prises par le pouvoir en place. En d’autres termes, elle est dissimulée dans
des notions juridiques, dont certaines sont parfois incomprises de la population - la so-
ciété ne les ayant pas elle-même secrétées - telles l’intérêt général, l’atteinte à la sureté
de l’Etat, la haute trahison, l’acte de gouvernement66 ou encore la notion d’ordre pu-
blic. Pendant longtemps, celle-ci a par exemple permis au juge sénégalais d’accepter la
légalité de décisions administratives interdisant des réunions ou des manifestations pu-
bliques alors qu’elles étaient manifestement illégales, avant que le nouveau Conseil
d’Etat ne vienne mettre un coup d’arrêt à cette jurisprudence quelque peu complai-
sante67.

Enfin, l’impartialité, qu’il revient au juge de sauvegarder en toute « conscience »,


constitue aussi un des facteurs d’indépendance, même si elle est à distinguer de cette der-
nière68. Si l’indépendance de la justice signifie l’exclusion de tout lien de dépendance vis-
à-vis des pouvoirs législatif et exécutif, ou vis-à-vis de tout autre acteur ou phénomène,
l’impartialité en appelle à la conscience du juge qui doit s’assurer que la décision qu’il
a prise n’a subi l’influence d’aucun élément étranger dans l’exacte application de la règle
de droit aux faits de l’affaire qui lui est soumise. L’impartialité, à propos des menaces in-
ternes, soulève quelques questions, notamment lorsque le juge reproduit à l’intérieur
de sa juridiction ou dans les procès, des éléments liés à son origine ou milieu religieux,
partisan ou syndical. Par exemple, l’élection des juges suisses par le parlement fédéral qui
prend en compte des éléments d’ordre idéologique, politique et régional, culturel etc.69.
Si le magistrat issu de ces différents « milieux » ne rompt pas le lien qui les unit, se po-
sera alors la question de son indépendance et de son impartialité70. L’appartenance à un
syndicat d’un magistrat peut également être source de dépendance et d’absence d’im-
partialité71.

8
M. Alioune Badara FALL

Cela dit, il est bien possible que le juge s’affranchisse de toutes ces pesanteurs
pour affirmer son indépendance et son impartialité. En France, le Commissaire du gou-
vernement fait l’objet de nombreuses critiques quant à sa présence dans les délibéra-
tions des juridictions administratives, ce qui fit intervenir la Cour européenne des droits
de l’homme pour rappeler l’importance dans un Etat de droit du principe d’impartialité
dans les procès72.

Enfin, doit-on rappeler que la publication des affaires introduites auprès des tri-
bunaux73, ainsi que la publicité des débats constituent des garanties à l’indépendance des
juges dans le fonctionnement de la justice.74

3- Indépendance judiciaire et transparence financière : la lutte contre


la corruption

Le développement économique de ces Etats semble considérablement ralenti, sinon


gravement compromis par l’absence de transparence des actes juridictionnels intervenus
dans les transactions financières ou dans les opérations de marché. Dans ces domaines,
il y a de manière générale, un manque crucial d’éthique professionnelle dans le secteur
commercial privé. Plus particulièrement, les magistrats ne disposent pas de textes lé-
gislatifs et réglementaires suffisamment précis et adéquats ou adaptés, d’où leur inca-
pacité à donner confiance aux investisseurs étrangers détenteurs de capitaux suffisants et
seuls susceptibles d’investir dans des projets de développement viable. Et s’ils en dis-
posent, ils ne les appliquent pas de manière correcte lorsqu’ils succombent à la pratique
de la corruption ou autres comportements répréhensibles. Les impératifs de la mondia-
lisation imposent aux pays africains une certaine moralisation de l’appareil judiciaire
sans laquelle, les malversations financières, les détournements de deniers publics et la cor-
ruption ne trouveraient aucune solution à court terme. A ce niveau, apparaissent d’au-
tres facteurs aussi déterminants que les précédents : bas salaires, conditions matérielles
de travail déplorables etc.

Comme pour la plupart des Etats africains, le Sénégal a jugé bon de mettre en
place une politique destinée à assainir davantage l’appareil judiciaire, en invitant les
magistrats à avoir plus d’éthique dans leur fonction. Les autorités sénégalaises ont en effet
insisté sur ce qu’elles ont appelé « la gouvernance judiciaire », en précisant que dans un
contexte démocratique, les politiques de l’Etat dans ce secteur visent à promouvoir l’exis-
tence d’une justice viable, efficace, impartiale et favorable au développement écono-
mique. A cet effet, ces autorités reconnaissent que la corruption, même si elle est difficile
à définir, constitue « un phénomène majeur » contre lequel les instances nationales et
internationales doivent absolument lutter. La « gouvernance judiciaire » aura ainsi pour
objectif de réduire cette corruption grâce à une véritable promotion de l’éthique dans le
pays et dans tous les secteurs, à l’amélioration des procédures de passation des marchés
publics, la simplification des formalités administratives, la mise en place d’un pacte d’in-
Sous-thème  : Les menaces internes

tégrité entre les usagers et le secteur public, la rationalisation de la chaîne des dépenses
publiques, l’implication de la société civile et surtout, la création d’un Observatoire sur
la lutte contre la corruption.
Cette préoccupation est loin d’être théorique car la corruption concerne tous les do-
maines d’activités de l’Etat en Afrique, y compris la justice elle-même.

Le Sénégal vient d’être le théâtre d’une affaire de corruption présumée de magis-


trats haut placés dans l’appareil judiciaire (mois de juin juillet 2006), dont les faits ont
été largement diffusés dans la presse écrite et par la radio (diffusion à travers les ondes
des radios privées de l’enregistrement des discussions entre le corrupteur et les juges
corrompus et les sommes d’argent réclamées par ces derniers). L’un des magistrats, per-
sonnage central de l’affaire, a été mis à la retraite anticipée, tandis qu’un autre a été af-
fecté dans une autre zone géographique et un troisième suspendu de ses fonctions
pendant une durée de cinq ans, même si le motif de corruption n’a pas été retenu à leur
encontre par la Cour de cassation sénégalaise, juge en la matière.

Conclusion
De tout ce qui précède, il apparaît que le juge occupe, dans tous les pays franco-
phones à qui le questionnaire a été préposé, une place centrale dans leur système juri-
dique et politique respectif. Cela ne veut certainement pas dire que le juge est un «
acteur » devant intervenir dans l’arène politique au même titre que les organes législa-
tif et exécutif ; loin de là. Sa fonction reste celle « de juger »75. Il n’en demeure pas
moins que tant pour l’instauration de l’Etat de droit que pour le respect des droits et li-
bertés individuels, les populations attendent du juge qu’il remplisse son rôle, c’est à dire
faire respecter la loi et s’assurer que les principes démocratiques comme les droits de
l’homme ne sont pas impunément bafoués. Bien évidemment, sans une réelle indépen-
dance - dans le cadre d’une séparation des pouvoirs - garantie à la fois par des textes et
confirmés dans la pratique, ce rôle du juge ne sera que théorique.

Dans les pays occidentaux, l’avancée démocratique est plus poussée que dans les
Etats pauvres. Il n’en demeure pas moins que l’Etat de droit et la démocratie consti-
tuent une quête permanente, et se présentent comme des défis quotidiens jamais défi-
nitivement acquis. Pour preuve, la Cour européenne des droits de l’homme se montre très
vigilante à l’égard des Etats européens quant au respect des principes d’organisation ju-
ridictionnelle parmi lesquels figurent l’indépendance de la justice76 et l’impartialité du
tribunal77, conformément aux dispositions des articles 5 et 6 de la Convention euro-
péenne des Droits de l’Homme.

Les pays de l’espace francophone africain ont les moyens d’y faire face ; pour cela
de profondes mutations au sein de la justice nécessitent d’être entreprises et accompa-
gnées, tout particulièrement par les autres acteurs constitutionnels et politiques (majo-
rité et opposition etc.) de ces pays. On souhaite que les profondes mutations qui sont en
cours dans certains de ces pays soient accompagnées, tout particulièrement par les au-
tres acteurs constitutionnels et politiques (majorité, opposition, etc.) de ces pays.

70
M. Alioune Badara FALL
 Nous utiliserons indifféremment les termes de magistrat et de juge dans la suite de l’étude.

En effet, si le principe d’indépendance de la justice est affirmé dans les textes importants - notamment dans la
Constitution - de plusieurs de ces pays, cette identité de vue n’est que théorique ; dans la pratique, les situations
divergent selon les Etats et vont du pire (subordination du juge au pouvoir politique en place) au meilleur des
cas (indépendance réelle et impartialité du magistrat).

7 Il s’agit de la Belgique, du Canada, de la France et de la Suisse.

8 La nombreuse jurisprudence de la Cour constitutionnelle du Bénin est très riche de décisions annulant beau-
coup de lois en matière électorale et dans le domaine des droits et libertés. Cela est significatif de la volonté de
certains juges africains de rendre effectifs les principe de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la jus-
tice.

L’article 2 nouveau dispose en effet que « L’Etat de la République socialiste du Viêt-Nam est un Etat de Droit
socialiste du peuple, par le peuple, pour le peuple. Tous les pouvoirs d’Etat appartiennent au peuple dont la
base est constituée par l’alliance de la classe ouvrière avec le paysannat et l’intelligentsia ». La référence ici à la
notion d’Etat de droit signifie-t-elle la soumission des pouvoirs publics et des autorités administratives vietna-
miens au respect des règles de droit, et lesquelles ? La domination du système par le Parti laisse croire que cet «
Etat de droit socialiste » n’a ni la même dimension, ni la même portée que celui que nous connaissons dans les
démocraties occidentales.

0 V. Résolution N°  -NQ/TW du 2 juin 200 sur la Stratégie de réformes judiciaires jusqu’à 2020.

 « Dans l’exercice de leur pouvoir juridictionnel, les juges et les assesseurs populaires sont indépendants et
ne sont soumis qu’à la loi ».

2 Par exemple, la France qui a pu ainsi influencer un nombre important de pays n’ayant pas eu la même évo-
lution.

 C’est le cas du Maroc, fût-il un simple protectorat français, ainsi que les pays francophones d’Afrique au sud
du Sahara et Madagascar qui ont pratiquement repris les dispositions constitutionnelles françaises de  8 à ce
sujet (v. les réponses au questionnaire). Tel est également le cas de la Belgique où la loi des  -2 août 7 0, qui
fût à l’origine de la dualité de juridiction en France, a été appliquée.

 Les nouveaux pays de l’Europe de l’Est.

 Canada.

 Egypte : « La justice est ouverte pour profiter des expériences ou des modèles étrangers » (réponse à la ques-
tion 2, p. 2 du questionnaire).

7 Parfois, ce sont les acteurs mêmes de l’appareil judiciaire qui nous livrent leur conception de cette indépen-
dance de la justice et de celle du juge. Dominique COMMARET, Avocat général près la Cour de Cassation fran-
çaise disait à ce sujet : « L’indépendance est une obligation astreignante, imposant une vigilance individuelle (et
collective) à l’égard de toutes les formes de pression, de même une lucidité personnelle du magistrat à l’égard
de toutes les allégeances qui risquent d’entamer sa distance nécessaire, y compris vis-à-vis de ses propres pré-
dilections. De même que le sens de la justice procède d’abord de la confrontation à l’injuste, la liberté du ma-
gistrat commence par la prise de conscience de sa non liberté » ; v. Rapport de synthèse, colloque sur « La
responsabilité des juges » organisé les 2 et 2 mars  à l’Ecole Nationale de Magistrature.

8 Les réponses à la question  montrent que l’instauration de l’Etat de droit n’est pas encore faite partout et n’est
pas intervenue au même moment dans les pays qui peuvent s’en réclamer aujourd’hui.

 Albanie, Belgique, Bulgarie, Burkina-Faso, Burundi, Cameroun, Comores, Congo-Brazzaville, Egypte, France,
Gabon, Guinée-Equatoriale, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Moldavie, Slovénie, Togo.

20 Dans certains pays (Belgique, Egypte, Mauritanie, Moldavie et Roumanie), aucune mention spéciale n’est
faite, de manière, expresse à propos de l’indépendance la Cour constitutionnelle, mais les Cours de ces Etats ont
pris le soin de relever que cette indépendance est tout de même reconnue dans la loi organique sur le fonction-
nement de la juridiction, ou encore dans les dispositions posant le principe de leur soumission à la seule auto-
rité de la Constitution, ou disposant que leurs décisions ne peuvent faire l’objet d’aucun recours.

7
Sous-thème  : Les menaces internes

2 Liban, Maurice, Niger, Sénégal et Suisse. Il faut toutefois préciser que pour le cas du Sénégal, si le Conseil
constitutionnel est intégré dans le chapitre consacré au pouvoir judiciaire, cela est purement formel ; en réalité,
a juridiction constitutionnelle sénégalaise a un statut qui lui est propre et une loi qui lui est spécifique dans l’or-
dre juridictionnel

22 Pour reprendre une expression devenue courante dans la doctrine française.

2 V. J-C Menard « Réflexions sur « l’indépendance du juge judiciaire », Revue de la recherche juridique, Droit
prospectif, 200-

2 V. L. Cohen – Tanugi, Les métamorphoses de la démocratie, O. Jacob,  8 , cité par J-L Menard, art. précité,
p. 27

2 C’est la conception de la fonction publique en France que la doctrine (Hauriou, Burdeau) a longtemps dé-
fendue et que l’on retrouve dans la fonction publique de la plupart des Etats francophones d’Afrique.

2 Certes il existe des aménagements…

27 Art.  de l’Ordonnance n° 8-270 du 22 décembre  8.

28 C’est le cas au Bénin, au Burkina-Faso, au Cameroun, en Egypte, en France, au Gabon, en Guinée, à Mada-
gascar, au Mali, au Niger et au Niger ou encore au Sénégal

2 V. G. Masson, Les juges et le pouvoir, éd. Moreau/syros,  77, p. 28 et s.

0 Il faut admettre que le principe d’inamovibilité n’est pas fondamentalement incompatible avec les besoins du
service public. Il n’est par exemple pas toujours souhaitable qu’un magistrat soit maintenu à son poste pour une
période très longue, ne serait-ce que pour des besoins de mobilité. Cette raison n’est malheureusement pas par-
fois, celle qui motive les décisions de mutations dont les magistrats font l’objet.

 Loi n° 2-27 du 0 mai  2

2 V. DCC. 7-0 du 0 juin  7

 CC Sn 2 juin  

 C’est l’article  de la Constitution du  octobre  8 qui pose le principe de l’inamovibilité des magistrats
«Les magistrats du siège sont inamovibles ». L’ordonnance du 22 décembre vient préciser sa portée en disposant
que « le magistrat du siège ne peut recevoir sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avance-
ment ».

 Article L 22- du Code de l’organisation judiciaire (COJ).

 Dans certains pays, il n’existe pas encore de texte sur le déroulement de la carrière du magistrat ; tel est par
exemple le cas en Hongrie où un projet de loi est déposé dans ce sens (réponse à la question 2, p. 2), mais aussi
en Suisse où « il n’existe aucun cursus du juge » (réponse à la question 2, p. 27)

7 C’est le cas de la majorité des pays ayant répondu au questionnaire.

8 Au Canada et en Suisse, le recrutement des magistrats se fait au sein d’anciens professionnels du droit qui ne
sont pas nécessairement obligés de passer un concours d’entrée. Ce mode de recrutement a souvent été critiqué
au Canada, raison pour laquelle il a fait l’objet d’une réforme pour éviter que l’opinion publique ne pense que
la justice est inféodée à l’exécutif à l’origine de telles nominations. Ce mode de recrutement pose par ailleurs des
problèmes liés à l'impartialité dans la mesure où les candidats recrutés pourraient se sentir obligés de « ren-
voyer l’ascenseur ».

 Dans certains pays, une voie appelée « latérale » permet à des personnes d’accéder à la fonction de magistrat
en fonction de l’expérience juridique acquise.

0 Le Conseil d’Etat français a très tôt assuré le contrôle de la légalité des décisions administratives refusant des
candidats aux concours de la fonction publique et motivées par des discriminations fondées sur les opinions

72
M. Alioune Badara FALL
politiques. (l’arrêt de principe est celui du CE, Ass. 28 mai  , Barel, cl. Maxime Letourneur ; RPDA  , p.
 , conclusions et p. 7, note Charles Eisenmann.). En l’espèce, la candidature du requérant à l’Ecole Natio-
nale d’Administration (ENA) avait été refusée pour ses opinons communistes.

 F. Frison-Roche, « La réforme du système judiciaire dans les Balkans membres (à part entière ou associés) de
l’Organisation Internationale de la Francophonie (Bulgarie, Moldavie et Roumanie – Albanie et Macédoine) »,
Rapport de l’Observatoire sur l’état des pratiques de la démocratie et des droits de l’homme dans l’espace fran-
cophone, OIF, 200 .

2 L’appellation de cet organe varie selon les pays : Haut Conseil de la justice (Albanie), Conseil de la Magistra-
ture de la République (Macédoine), Conseil Judiciaire Supérieur (Bulgarie), Conseil Supérieur de la Magistrature
(Roumanie), Conseils des Hauts Magistrats (Moldavie).

 A. B. FALL, « Les juridictions administratives dans les pays de l’Est », Mélanges S. MILACIC, à paraître en
décembre 2007.

 V. X. BOISSY, La séparation des pouvoirs, œuvre jurisprudentielle, éd. Bruylant, pp. 20-

 M. FRISON-ROCHE précise par ailleurs que pour être en conformité avec les normes démocratiques inter-
nationales, ces pays ont également instauré un triple degré de juridictions (ère instance, Appel et cassation) et
inscrit dans leur Constitution l’interdiction de mettre en place des tribunaux d’exception. Ils ont consacré dans
toutes ces Constitutions des développements importants sur les droits de l’homme que la justice doit protéger
et faire respecter.

 Le même auteur avait noté que « l’organisation du pouvoir judiciaire avait le double avantage d’afficher de
la démocratie tout en restant « verrouillé » par le biais de certaines nominations ». C’est dire que l’organisation
même de ces juridictions ne répond pas encore aux critères retenus dans les démocraties modernes en matière
de justice.

7 Cités par X. BOISSY, op. cit.

8 A propos de l’indépendance statutaire du pouvoir judiciaire, la Cour constitutionnelle albanaise sanctionna,


par deux fois, l’immixtion des pouvoirs exécutifs et législatifs dans la compétence du pouvoir judiciaire par une
loi du mai  7 sur le contrôle financier des personnes morales. Cette loi permettait à l’administration d’agir
à la place du juge et portait ainsi atteinte à son indépendance statutaire. (Cour constitutionnelle albanaise, Dé-
cision n° du 2 janvier  ).

 La Cour constitutionnelle a affirmé qu’elle accomplirait ses fonctions de manière indépendante et qu’elle
n’était pas « une institution du système judiciaire », la Cour est bien un « organe de contrôle de constitutionna-
lité indépendant des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire » (Cour constitutionnelle bulgare, Décision n° 8,
 . La même Cour devait également dégager le principe d’autonomie budgétaire du pouvoir judiciaire. Elle
posa le principe selon lequel, il revient au Conseil Supérieur Judiciaire de préparer ce budget particulier, et si le
gouvernement peut émettre des réserves, il doit dans tous les cas l’intégrer tel quel dans le budget qui sera pré-
senté au parlement (Cour constitutionnelle bulgare, Décision n° ,  janvier  ).

0 Sur la protection du fonctionnement régulier des institutions judiciaires, la Cour constitutionnelle macédo-
nienne a jugé contraire au droit de propriété et au principe de la séparation des pouvoirs certaines lois spéciales,
datant de la période communiste, qui protégeaient les propriétaires fonciers de toute éventualité de restitution
au moyen d’une action judiciaire (Cour constitutionnelle macédonienne, Décision du 8 mars  8).

 La Cour constitutionnelle roumaine a admis que la formation d’autorités administratives chargées de rendre
certaines décisions de nature juridictionnelle, n’occulte en rien l’existence du pouvoir judiciaire dont la voie est
ouverte à tout justiciable qui intente un recours, au nom du principe constitutionnel de libre accès à la justice
(Cour constitutionnelle roumaine, Décision n° . du 2 juin  

2 « Aucune classification n’existe en ce qui concerne les juges (réponse à la question 22-a, p. 2 2 du question-
naire) ; « Aucune règle ne gouverne l’avancement (réponse à la question 22-b, p. 2 7 du questionnaire) ; plus si-
gnificative encore est la réponse à la question 22-c (p. 270) du questionnaire) : « On peut présumer que pour
accorder une promotion à un Juge, c'est-à-dire le faire passer à un tribunal supérieur, l’autorité de nomination
considère son ancienneté, rarement son mérite personnel ; mais souvent ce n’est pas le cas, l’avancement se fait
sur la base des relations personnelles ou de recommandations ». Il serait bien étonnant que les magistrats haï-
tiens soient les seuls à vivre une telle situation…, même si ailleurs, ce serait dans une moindre mesure.

7
Sous-thème  : Les menaces internes
 Cf. D. SY, « La condition de juge en Afrique : l’exemple du Sénégal », in Les défis des Droits fondamentaux,
Actes des Deuxièmes journées scientifiques du réseau Droits fondamentaux de l’Agence Universitaire de la
Francophonie (AUF), tenues à Québec du 2 septembre au 2 octobre  , Aupelf-Uref, éd. Bruylant/AUF, 2000,
p. .

 Cette évaluation qui constitue un des éléments déterminants dans la carrière du magistrat, peut en effet sus-
citer bien des doutes comme le fait remarquer R. PERROT en ces termes : « Quels que soient les termes utili-
sés, on se trouve ici en présence d’un problème assez irritant, dont on comprend certes la nécessité, mais qui
introduit un ferment de sujétion que l’on évoque jamais sans une certaine gêne quand on pense à la dignité du
juge et à son indépendance… », Institutions judiciaires, Montchrestien, douzième édition, 200 , p. 7

 La réforme dont le Conseil a fait l’objet en   ne semble pas avoir atteint ses objectifs. Le comité Balladur
chargé de réfléchir sur l’adaptation des institutions actuelles de la Vème République devra certainement proposer
d’autres réformes comme l’exclusion du Chef de l’Etat et du Garde des Sceaux de ce Conseil, lequel sera doré-
navant présidé par une personnalité indépendante n’appartenant ni au parlement, ni à l’ordre judiciaire mais
nommé par le président de la République.

 « Présentement aucune règle ne régit la carrière des juges. Les juges de paix sont à la merci d’une révocation
qui peut survenir à tout moment. Ceux des autres juridictions qui détiennent un mandat ne sont pas du tout as-
surés de voir ce dernier renouvelé à expiration » (réponse à la question 2

7 V. entre autres, « L’indépendance des juges et des juridictions », ACCPUF, OIF, Bulletin n° 7, novembre 200
et la synthèse des questionnaires par Mme PAUTI, Secrétaire générale de l’ACCPUF.

8 Il s’agit de la France et du Gabon. Dans ces deux pays, les Cours établissent leur budget à partir de leurs be-
soins, lequel budget sera voté avec la loi de finances par le parlement, sans qu’il fasse l’objet de discussion
(contrairement aux autres pays occidentaux –Suisse, Belgique – et africains où le budget est discuté devant le
parlement). Au Gabon, une loi de finances qui réduit les moyens financiers de la Cour peut être censurée. La Cour
constitutionnelle du Bénin avait aussi annulé deux lois de finances qui avaient réduit ses dépenses de fonction-
nement

 Par exemple en Albanie, le budget est chaque année revu à la baisse depuis 200 (réponse à la question ,
p. ) alors qu’en France, il est en hausse depuis 2002.

0 Les magistrats sénégalais ont vu leurs rémunérations substantiellement améliorées en  8 avec l’octroi d’une
allocation de judicature, et une augmentation importante de salaires depuis quelques années.

 A. B. FALL, « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du
juge dans les systèmes politiques en Afrique », in Les défis des Droits fondamentaux, Actes des Deuxièmes jour-
nées scientifiques du réseau Droits fondamentaux de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), tenues
à Québec du 2 septembre au 2 octobre  , Aupelf-Uref, éd. Bruylant/AUF, 2000, p. 0 - .

2 Bien évidemment, ceci n’est pas le propre des pays africains, loin de là ; des magistrats peu consciencieux ou
peu vertueux se rencontrent partout y compris bien évidemment dans les pays occidentaux. Le vol d’une carte
bancaire par un magistrat français participant à un colloque dans un pays étranger avait récemment fait la chro-
nique judiciaire en France, un fait que la presse a largement diffusé par la suite (magistrat finalement condamné
par les tribunaux).

 Aff. Kabore Ali Noaga c/ Derme Moussa, rapportée par S. YONABA, Indépendance de la justice et droits de
l’homme, le cas du Burkina Faso, éd. Pioom,  7, p.  . Tous les faits cités ici ont été condamnés par les tri-
bunaux de ces pays respectifs.

 Les propos du procureur de l’époque étaient sans équivoque sur l’inféodation de la justice au gouvernement :
« Le Conseil judiciaire n’est pas une institution propre, mais un organe par lequel le MRP (parti au pouvoir), -
et donc son Président car ce dernier en est l’incarnation – exerce la mission de rendre la justice. De ce fait, le ma-
gistrat zaïrois est non pas à proprement parler le mandataire du Président, mais en quelque sorte le Président
lui-même exerçant sa mission de dire le droit (…) quiconque s’insurge contre ses décisions désobéit au Président
du MRP lui-même (…). Le magistrat zaïrois doit-il prendre de plus en plus conscience de l’importance de sa
mission et rendre la justice en âme et conscience de militant » (propos rapportés par M.E. BOSHAB, « La mi-
sère de la justice et justice de la misère en République Démocratique du Congo », Revue de la Recherche Juri-
dique,  8, , p. )

7
M. Alioune Badara FALL
 V. A. B. FALL, article précité, p. 2.

L’utilisation de la notion a été fortement critiquée par la doctrine lorsque les autorités camerounaises par
exemple l’ont évoquée pour justfier une convocation par décret du corps électoral en vue d’une élection prési-
dentielle anticipée en  2. Le Ministre de la jeunesse et des sports de ce même pays l’avait également évoquée
lorsque la FIFA s’était opposée à la décision de dissolution de la Fédération camerounaise de foot-ball qu’elle avait
prise.

7 Dans une affaire d’expulsion décidée par le Ministre de l’intérieur, le Conseil d’Etat sénégalais a annulé l’ar-
rêté ministériel qui selon lui « se borne à justifier la mesure édictée (…) sans qu’aucun élément contenu dans la
décision elle-même, ou dans un document annexe à celle-ci ne renseigne sur les dites nécessités alors que la dé-
cision querellée, en tant que mesure de police, devant être motivée surtout qu’elle est défavorable au requérant,
puisqu’elle lui retire les avantages liés à son statu de réfugié » (Conseil d’Etat sn, 27 octobre  , Seydou Ma-
madou Diarra)

8 La plupart des réponses fournies dans le questionnaire lient ces deux éléments qu’elles considèrent comme
complémentaire. La réponse du Sénégal est assez significative à ce sujet : « Le principe de l’indépendance des
juges proclamés par les articles 88 et 8 de la constitution et celui de l’impartialité des magistrats résultant de
l’article  du statut des magistrats constituent le fondement et la justification du pouvoir de juger. Les deux prin-
cipes sont nécessairement en corrélation ».

Le même problème se pose au Liban ou le recrutement inclut la représentation confessionnelle.

70 Cette précaution est expressément mentionnée par les textes béninois qui exigent des magistrats apparte-
nant à l’association dans laquelle ils se sont regroupés, de déclarer leur indépendance vis-à-vis de cette corpo-
ration pour ce qui concerne l’exercice de leur fonction

7 Est-ce pour cette raison que dans certains pays (Liban, Pologne, Sénégal, Canada), les magistrats ne peuvent
se constituer en syndicat ? Il faut préciser toutefois qu’au Sénégal où les magistrats sont également interdits de
grève (comme en France), existe une amicale qui s’apparente en une simple association d’ordre corporatif (Union
des Magistrats du Sénégal). En revanche, le droit de se syndiquer est reconnu (parfois par la Constitution elle-
même comme en République tchèque et en Moldavie) dans certains autres Etats (Bénin, France, Togo).

72 CEDH, 2 avril 200 , MARTINIE c/ France.

7 A ce sujet, le secret de l’instruction en matière pénale pose un certain nombre de problèmes, raison pour la-
quelle il fait l’objet de beaucoup de controverses. D’une part, il se justifie par l’intérêt de la poursuite (qui s’op-
pose à ce que le public soit régulièrement informé des recherches effectuées par le juge d’instruction) et celui
du suspect – qui peut être injustement mis en cause – sur la base de la présomption d’innocence. D’autre part,
il est critiqué parce que perçu par certains (les avocats notamment) comme attentatoire aux droits de la défense.
Le débat reste encore vif en France par exemple, et tout laisse croire qu’il revient au juge pour l’instant et dans
le respect des textes, d’assure l’équilibre entre ces deux impératifs.

7 La publicité des débats est un principe généralement admis. Il est par exemple posé par l’article de la
Convention européenne des droits de l’homme, même s’il fait l’objet de certaines exceptions, par ailleurs limi-
tativement énumérées.

7 La justice semble tout de même jouer aujourd’hui un rôle important de contre-pouvoir dans nos sociétés dé-
mocratiques contemporaines… (V. F. HOURQUEBIE, Sur l’émergence du contre-pouvoir juridictionnel sous la
Vème République, Bruylant, 200, 77 pages.

7 CEDH, 22 octobre  8, affaire Sramek (le rapporteur, membre du tribunal, était le subordonné de l’agent
public qui avait saisi le tribunal et qui en même temps, représentait le gouvernement du Land autrichien
concerné devant le même tribunal. Dans de telles conditions, la Cour a estimé que l’indépendance du tribunal
n’était pas suffisamment garantie.

77 Un même magistrat ne peut, au plan national, à la fois ordonner le maintien en détention préventive d’un in-
culpé, le renvoi en jugement, et assurer par la suite la présidence du tribunal correctionnel chargé de juger le
prévenu. La Cour a mis en doute l’impartialité du tribunal ; affaire Ben Yaacoub c/ Belgique, 27 novembre  87
; voir également affaire De Cubber, 2 octobre  8 (un magistrat belge avait successivement occupé dans la
même affaire, les fonctions de juge d’instruction et de juge du premier ressort)

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