Polemocene_irenocene_et_securocene_au_Cameroun
Polemocene_irenocene_et_securocene_au_Cameroun
Résumé :
Proposer la polémocène et l'irénocène, voire la sécurocène, comme concepts et grilles de lecture de la gouvernance
de la sécurité au Cameroun participe de la formulation d'une analyse des dynamiques politiques, diplomatiques et
sécuritaires qui président à la gestion afropolitaine de la sécurité par cet Etat. Cet afropolitanisme sécuritaire s'observe,
tant en interne que sur le plan régional et mobilise des ressources essentiellement polarisées vers l'utilisation prioritaire
des ressources nationales, tant dans la gestion des menaces intérieures telles que le sécessionnisme en zone anglophone
et le terrorisme de l'Etat Islamique et l'insécurité maritime posés en menaces régionales. Ces deux positions traduisent
une méfiance croissante à l'égard des solutions étrangères au continent dans la gestion de l'insécurité et la recherche
de la paix. Cette approche conciliante entre souveraineté et panafricanisme apparaît comme une option qui pourrait
être mobilisée comme paradigme de gestion de la sécurité et des conflits par les États africains.
Abstract:
Suggesting the employment of the Polemocene, Irenocene, or Securocene, as frameworks for governing security in
Cameroon, is a fundamental aspect of exploring the political, diplomatic, and security dynamics that dictate the
management of security in this state as part of the Afropolitan model. This approach to security, termed Afropolitan,
can be observed both within national borders and regionally. It utilizes resources that prioritize internal threats such
as secessionism in the Anglophone zone, Islamic State terrorism, and regional threats like maritime insecurity. The
positions reflect a growing mistrust of external solutions in managing insecurity and striving for peace. This
reconciliatory approach towards sovereignty and pan-Africanism presents a viable option that African nations could
utilise as a model for the handling of security and conflict.
Au sortir du système colonial, assurer la paix et la stabilité des jeunes nations naissantes constituaient
deux des principaux enjeux auxquels les pays africains devaient faire face1, et la gestion maitrisée de
ces dernières a rarement été aisée, voire maitrisée par les Etat africains eux-mêmes. L’avènement de
la multipolarité et des reconfigurations dynamiques de la société internationale1 n’y changeront pas
grand-chose. Avec plus d’une dizaine d’opérations de maintien de la paix 2 menée par les nations
1 Lire Ganapathy-Doré, Geetha. « Du tiers-monde au monde multipolaire : l’évolution du paradigme du non alignement
dans la reconfiguration de l’ordre mondial », Revue Française d'Histoire des Idées Politiques, vol. 42, no. 2, 2015, pp.
117-139.
2 Lire Novosseloff, Alexandra. « Engagement de l’ONU en Afrique : un état des lieux », Revue Défense Nationale, vol. 792,
3 Anatole Ayissi, Anatole .« Le défi de la sécurité régionale en Afrique après la guerre froide, vers la diplomatie
préventive et la sécurité collective », Travaux de recherche de l’UNIDIR, New York et Genève, no 27, 1994, cité dans
D. Bach et L. Sindjoun, « Ordre et désordre en Afrique », Polis, Revue camerounaise de science politique, vol. 4, no 2,
1997, p.
3-18,
4 Nay,Olivier. Fragile and failed states: Critical perspectives on conceptual hybrids, International Political Science Review
7 Bagayoko-Penone, Niagalé, Eboe Hutchful, et Robin Luckham. « Hybridité et gouvernance de la sécurité en Afrique. Entretien
du lac Tchad », Afrique contemporaine, vol. 239, no. 3, 2011, pp. 157-159.
9 Issa, Saibou. « La prise d’otages aux confins du Cameroun, de la Centrafrique et du Tchad : une nouvelle modalité du
banditisme transfrontalier », Polis/R.C.S.P. /C.P.S.R., Vol. 13, Numéros 1-2, 2006, p. 126.
10 Machikou, Nadine. « Utopie et dystopie ambazoniennes : Dieu, les dieux et la crise anglophone au Cameroun », Politique
202.
Que ces dynamiques soient internes, avec la lutte contre le phénomène des coupeurs de routes14, la
grande criminalité transfrontalière15, et la gestion de ce qu’il convient d’appeler pour des besoins
heuristiques et opératoires la crise anglophone16 , ou encore sous-régionales et régionales, avec la
gestion de la crise Boko Haram 17 et la piraterie maritime dans le Golfe de Guinée 18 , on note
l’émergence d’une conscience stratégique propre aux acteurs africains, entendue comme la capacité
de construction par ces derniers des schèmes heuristiques, programmatiques et opérationnels
définissant les menaces et les mécanismes visant à les combattre. Ces instruments cognitifs,
prévisionnels et capables d’être opérationnalisés se structurent autour des socles et référents
afropolitains pour inscrire ces acteurs continentaux dans une perspective d’autonomisation
stratégique et opérationnelle dans le traitement des crises et conflits fragilisant le continent sur les
plans politique, militaire et sécuritaire. En analysant ainsi les configurations actancielle et
opérationnelle de ces menaces de grande ampleur à la sécurité et à la souveraineté au Cameroun,
à travers les modèles de la polémocène et de l’irénocène, on peut observer quelques points saillants
qui permettent de comprendre la posture camerounaise dans la gestion de la sécurisation de l’Etat.
Il s’agit notamment d’un comportement stratégique postulant le primat des solutions nationales
dans le management des questions sécuritaires internes d’une part (I), et des choix stratégiques
traduisant une forme de régionalisme sécuritaire afropolitain comme technologie pacificatrice et
sécurisatrices (II).
La gestion des questions sécuritaires et le traitement des situations de forte dégradation de la sécurité
au Cameroun ont toujours fait l’objet d’une prise en charge interne dans une dimension
prévisionnelle et curative. De l’analyse des dispositions pertinentes des instruments cognitifs
constituant ce qui pourrait être considéré comme les socles de la politique nationale de défense et
14 Gaulme, François. « Saïbou Issa. Les coupeurs de route. Histoire du banditisme rural et transfrontalier dans le bassin
du lac Tchad », Afrique contemporaine, vol. 239, no. 3, 2011, pp. 157-159.
15 Issa, Saibou. « La prise d’otages aux confins du Cameroun, de la Centrafrique et du Tchad : une nouvelle modalité du
Haram comme menace à la sécurité au sein des Etats de la CBLT : la prédominance des approches réalistes face à une
menace phénoménologiquement holiste, Institut des Relations Internationales du Cameroun, Thèse de Doctorat-
PhD. en Relations Internationales, 2019.
18 Koungou, Léon. « Piraterie et insurrections dans le golfe de Guinée », Politique étrangère, vol., no. 2, 2018, pp. 117-129.
de sécurité de ce pays19 telle que la loi sur la défense nationale de 1967 20, et d’autres éléments
synoptiques21, on peut observer la manifestation d’une volonté forte de formuler des dispositifs
propres pertinents à l’effet d’assurer la sécurité et la défense du pays. Des ressources politiques, aux
ressources économiques en passant par les ressources normatives, opérationnelles et humaines, le
Cameroun privilégie d’abord l’usage des moyens nationaux de réponse, une attitude stratégique qui
traduit le primat de l’approche nationale dans le management des épisodes de dégradation de la
sécurité sur le plan interne. Ce primat s’illustre dans la consécration politique et stratégique
pertinente de la gestion des préoccupations et des menaces sécuritaires usuelles sur le plan interne
A), et dans la gestion de certains problèmes de fragilité sécuritaire (B) 17.
Comme tout Etat faisant face à des problèmes de sécurité, le principe de la réponse nationale
apparait comme un truisme, une évidence, puisque l’un des éléments les plus importants de la
statolité c’est la capacité pour chaque Etat d’assurer la gestion de sa sécurité par ses propres moyens.
Face aux menaces à la sécurité de l’Etat et des populations usuelles d’ordres divers, le paradigme du
primat de l’approche nationale a permis au Cameroun de gérer avec un certain succès nombre de
problèmes. C’est ainsi qu’on peut observer l’illustration de cette option dans la formation des
ressources humaines des forces armées et de police dédiée à la gestion des crises (1), et Ia maitrise
du phénomène des coupeurs de routes (2).
1- La formation des ressources humaines des FDS dédiées à la gestion des crises
La formation au Cameroun des ressources humaines des forces armées africaines et de l’océan
indien est motivée par trois principaux enjeux stratégiques importants (a) et se décline dans une
perspective afropolitaine claire (b).
19 Hameni Bieuleu, Victorin. Politique de défense et sécurité nationale du Cameroun, Paris, Harmattan, 2012, 519 p.
20 Il s’agit de la Loi n°67/LF/9 du 12 Juin 1967 portant organisation générale de la défense.
21 Il s’agit entre autres des discours présidentiels, des diverses lois et règlementations spéciales encadrant et
déclinant la vision camerounaise en matière de sécurité et de défense. 17 Il s’agit ici des forces de défense nationale
ou forces de type martial.
interne on peut évoquer l’acquisition des expertises professionnelles et académiques. Les Forces de
défense et de sécurité sont formées au sein d’un réseau d’écoles et de centre d’instruction à tous les
niveaux des enseignements militaire et sécuritaire22. Sur le plan international, l’enjeu se décline en
termes de recherche de l’intérieure, les voies et moyens d’un rayonnement international de
Yaoundé, notamment aux niveaux régional et sous-régional. Ces tendances afropolitaines de
formation empruntent des voies précises.
b- Des tendances afropolitaines de Yaoundé dans la formation des ressources humaines des
armées
22Susnjara,Philippe. « Révolution dans les affaires militaires africaines », Revue Défense Nationale, 2016/7 (N° 792),
p. 38-42.
Les coupeurs de route sont des groupuscules d’hommes armés interceptant les voyageurs dans
le but de les dépouiller de leur argent et de certains biens à valeurs économique et financière
importantes. Communément appelés zarguinas par les populations des trois régions septentrionales
du pays, le phénomène des coupeurs de route a constitué une menace importante à la sécurité pour
les particuliers et le développement du commerce entre le Cameroun, et trois de ses principaux
voisins, à savoir le Tchad23, le Nigéria et la République Centrafricaine. Par le développement d’une
approche combinant la création et la coordination des moyens sécuritaires étatiques et les
dynamiques participatives impliquant les mêmes communautés locales à travers des mesures
vigilantistes, la menace fut fortement jugulée pas seulement au Cameroun, mais dans l’espace
transfrontalier tout entier. Les lectures de cette approche permettent de distinguer un traitement
national de la menace qui obère à une dynamique qui opère d’abord par la mobilisation des forces
gouvernementales (a) et ensuite par l’application d’une approche civilo-militaire qui s’appuie sur les
communautés locales (b).
23 Issa, Saïbou. « L'embuscade sur les routes des abords sud du Lac Tchad », Politique africaine, vol. 94, no. 2, 2004, pp. 82-
104.
24 Issa, Saïbou. « La prise d’otages aux confins du Cameroun, de la Centrafrique et du Tchad : une nouvelle modalité du
banditisme transfrontalier », Polis/Revue Camerounaise des Sciences Politiques, Vol. 13, 2007, N° 1-2.
25 Lire L’Œil du Sahel (n° 228 du 26 février 2007), dont la une titre : « Insécurité, les Mbororo fuient le Grand Nord, ils
israéliennes a été créée en 1999 par le Président Paul Biya pour gérer cette menace en combinant les approches
sécuritaires et militaires tout en étant aidée par la population et les autres Unités des forces de défense lui fournissant
du renseignement. En 2001, cette unité spéciale change de nom et devient le Bataillon d’Intervention Rapide tout en
améliorant sa spécialisation fonctionnelle et logistique face à d’autre défis militaro-sécuritaires.
b- De la mobilisation des approches civilo-militaires par l’association des populations locales
27 Pluriel de lamido, chef traditionnel et religieux local dirigeant un lamidat. Ils sont généralement Peuhls, mais pas toujours.
28 Les Lawane et Dajouro sont chefs territoriaux selon des divisions précises au sein d’un lamidat. Le Lawane a préséance sur
le Djaouro qui renvoie de manière explicite à un chef de quartier.
29 Seignobos, Christian. « Le pulaaku, ultime recours contre les coupeurs de route. Province du Nord au Cameroun »,
30Saha, Frédéric, et al. « Production des risques dits « naturels » dans les grands centres urbains du Cameroun », Natures
Sciences Sociétés, vol. 26, no. 4, 2018, pp. 418-433.
dépendance extérieure, notamment dans la gestion de l’explosion d’un dépôt de munitions dans la
capitale (b).
a- La gestion des catastrophes du Lac Nyos et de Nsam dans une perspective de légère
ouverture
Si la gestion de la catastrophe du Nyos avait fait de milliers de morts et les secours avait été
menées de façon inefficace, notamment du fait d’une réponse institutionnelle peu adéquate et
déficiente, la gestion de deux catastrophes impactant la sécurité humaine et la sécurité militaire vont
révéler une amélioration des réponses face à ce type de catastrophes31. Il s’agira de la catastrophe
de Nsam en Février 1998, et l’explosion de la poudrière au quartier général dans la ville de Yaoundé,
capitale du pays. La catastrophe de Nsam débute le 14 février 1998, où deux citernes de la société
ferroviaire nationale sont renvoyées à la gare de Mvolyé suspectant la présence d’hydrocarbures de
nature frauduleuse sur le site de la Société Camerounaise des Dépôts Pétroliers (SCDP). La chute
desdites voitures contenant du carburant ayant entrainé l’écoulement de plus de la centaine de
milliers de litres, puis attiré des milliers de populations pauvres qui vinrent pour s’approvisionner
de manière frauduleuse du liquide, au mépris des règles de sécurité favorisé par le caractère poreux
de la barrière de protection des installations de la SCDP au point d’arrêt ferroviaire de Mvolyé. Si
l’incendie entraina directement les pertes en vies humaines de plus de 250 personnes, force est de
constater que la mobilisation populaire des riverains 32 conjuguée à l’action des éléments de la
protection civile et des forces de défense et de sécurité ont pu freiner la spirale incendiaire et permis
le transport des personnes brulées. Si au cours de cette catastrophe le Cameroun a bénéficié de la
coopération internationale, notamment française pour mener les secours, il est important de noter
que le gros des actions a été mené par des acteurs nationaux de types institutionnels et non étatiques.
Cette catastrophe qui a montré les vulnérabilités des mécanismes de sécurisation du transport et de
l’entreposage des hydrocarbures a permis au gouvernement camerounais de sécuriser davantage ces
derniers en essayant d’éloigner au maximum les populations des lieux d’entreposage des réserves
de ces liquides inflammables, notamment dans les lieux de transport ferroviaires. Toutefois, ils ne
31 Plusieurs mesures normatives et institutionnelles ont permis de combler les lacunes nationales en la matière. Il
s’agit notamment de la signature du décret n° 98/031 du 9 mars 1998 portant organisation des plans d’urgence et
des secours en cas de catastrophe ou de risque majeur, la mise sur pied du Conseil National de la Protection Civile
l’affinement des plans d’Organisation des secours (ORSEC) qui précisent et améliore la coordination des réponses
étatiques, et la sensibilisation populaire aux mesures de secourisme diverses à travers les actions publiques et de
certaines ONG.
32 Molo,Brice. « Une géohistoire des catastrophes rumorogènes au Cameroun : les éruptions limniques de Njindoun et
Dans la nuit du 10 au 11 février 2001, croyant à un putsch militaire, les populations des environs
du quartier Ngoa Ekelle sont réveillées par les bruits des déflagrations en provenance du Quartier
Général de l’armée, non loin du Ministère en charge de la défense. Ces bruits d’explosifs
proviennent d’une série d’explosions ayant eu lieu dans la poudrière militaire du Quartier général,
où l’incendie de quelques dépôts de minutions a semé la panique et troublé le moral des populations
riveraines dont certaines avaient déjà opté de quitter la ville sans savoir avec certitude ce qui se
passe. Ce genre d’incident qui dans certains pays entraine les interventions de l’expertise
internationale, au Cameroun a fait strictement l’objet d’un traitement interne sans l’aide d’aucune
puissance extérieure, africaine ou non africaine. Elle traduit ainsi une affirmation importante et
structurante de la souveraineté nationale, et le triomphe d’une vision camerounaise fortement
autocentrée dans la gestion des menaces à la sécurité qui triomphe aussi dans la gestion auto-
centrique des excroissances sécuritaires de la gestion de la crise anglophone.
La crise politico-militaire qui sévit dans les régions anglophones, et sa gestion par des moyens
propres par le Cameroun se comprend d’abord à travers ses logiques génétiques et options prises
par le politique pour la traiter (a) et ensuite, par une élucidation des dynamiques opérationnelles
peu ouvertes à l’extérieur qui structurent ce management national (b).
33 Avodo Avodo, Joseph. Le préconstruit du vivre-ensemble dans l’espace discursif camerounais. JEYNITAARE. Revue
panafricaine de linguistique pour le développement, 1(1), 2021. En ligne. DOI : 10.46711/jeynitaare.2021.1.1.1
34 Lire Metzger, Chantal. « L’empire colonial allemand. Brève histoire – Longue mémoire », Outre-Mers, vol. 394-395,
Tout en prônant les valeurs unificatrices dans la diversité et le caractère hétérogène de la société
camerounaise de par ses composantes sociologiques, anthropologiques en essayant de concilier le
passé, le pouvoir de Yaoundé opte pour une approche mobilisant le duopole armée-nation pour
vaincre dans une perspective contre-insurrectionnelle les chefs sécessionnistes38 les plus radicaux.
On peut observer que ces derniers se sont davantage repliés dans les Forêts du Labialem, du Boyo
et les plaines de la Mezam et d’autres terrorisant les populations par des attaques sporadiques
associées au développement de la terreur qui massacrent femmes et enfants, pillent les récoltes et
développent le trafic illicite de substances psychotropes. Cette approche civilo-militaire qui obéit à
une logique de nexus paix-sécurité et développement, permet aux forces de défense et de sécurité
nationales de gagner le cœur des populations qui malgré la terreur, réussissent à collaborer avec les
forces gouvernementales, résolues à ne céder aucun pan du territoire national à des sécessionnistes.
Il est à noter que cette approche civilo-militaire est favorisée par les dispositifs de pardon mis en
35 « Dialogue entre Jacques Derrida, Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy », Rue Descartes, vol. 52, no. 2, 2006,
pp. 86-99.
36 Owona, Joseph. La décentralisation camerounaise, Yaoundé, l’Harmattan, 2011.
37 Après l’organisation du grand dialogue national le… il promulgue dans la foulée de son vote le 24 décembre 2019 la
Field Marshall, General Idi Amin Dada of Momo, General Obi of Muyuka, General Andrew of SOCADEF, General Spirito
of Momo, General Cross and die of Mankon, General Shina of Bambalang, General Koraman of Bali et plusieurs
dizaines d’autre
place par le Gouvernement, et les divers plans de reconstruction et d’aménagements 39 de ces zones
à l’économie substantiellement affectées 40 . Ce choix de l’auto-centrisme sécuritaire manifesté à
plusieurs égards, et face à plusieurs évènements mettant en danger la sécurité interne, des
populations et l’intégrité territoriale permet d’opiner que les logiques du leadership national
constituent le paradigme dominant du management de la sécurité et de la défense au Cameroun
dans la gestion des problèmes strictement internes. Son choix dans la crise anglophone est
spécifiquement visible dans les transactions avec les sécessionnistes et l’offre de paix de l’Etat faites
à ces entrepreneurs de la violence.
De la lutte contre les formes usuelles de criminalité, aux politiques de protection civile en
passant par les menaces à visée désintégratives, les forces inspirantes et les forces agissantes de la
sécurisation de l’Etat et de ses populations se construisent autour de la primauté de la volonté
nationale et des moyens nationaux, de la mobilisation rationnelle et stratégique des référentiels
cognitifs et opérationnels tel que le concept défense populaire 41 sémantiquement proche de la
grande stratégie de Basil Lidell Hart. Pour cet auteur : « le rôle de la grande stratégie consiste en
effet à coordonner et diriger toutes les ressources de la nation ou d’une coalition afin d’atteindre
l’objet politique de la guerre, but défini par la politique fondamentale. »42 ; le couplage des
approches martiales aux approches économiques dans la gestion des crises et des menaces, et enfin
la méfiance envers les solutions extérieures qui ne sont pas totalement exclues, le Cameroun
demeurant un Etat ouvert sur plusieurs plans, mais davantage plus précautionneux sur le
management de ses difficultés sécuritaires. Ce kérygme stratégique comportemental de l’Etat du
Cameroun trouve aussi son expression dans les dynamiques du régionalisme sécuritaire.
39 Augé, Axel, et Christel Dior Tamegui. « Le Génie militaire au Cameroun. Une force duale pour l’aménagement du
territoire et le développement », Revue internationale des études du développement, vol. 245, no. 1, 2021, pp.
201223.
40 L’offre de pardon offerte dans la foulée du grand Dialogue national de septembre 2019, est accompagné de la mise
en place du CNDRR et l’adoption des plans de reconstruction des zones fortement touchées par les menaces
sécuritaires, et un décret du premier Ministre faisant de ces trois régions des zone économiques sinistrées.
41 Lire Kotoko, Mahamat Ahmed. La défense populaire au Cameroun : comprendre un concept, Yaoundé, l’Harmattan, 2020.
42. Liddell Hart, Basil H. Stratégie, Perrin, 1999, p. 394
expérience non négligeable « dans la quête collective de recherche de solutions durables aux conflits
» 43 . Dans cet enchevêtrement d’acteurs mondialisés et régionalisés, le Cameroun se positionne
comme un acteur dont la rationalité stratégique se structure autour de la vision de son leader pour
qui : « le Cameroun doit déployer toute l’énergie dont il est capable pour contribuer au renforcement
de l’unité africaine aux niveaux continental, régional et sous régional » 44 . Elle s’observe
particulièrement dans la participation aux actions relevant du régionalisme sécuritaire tant au niveau
continental de manière générale qu’au niveau sous régional. Cette rationalité laisse notamment
entrevoir la prépondérance d’une approche auto-centrique à travers une perspective afropolitaine
où triomphe le local contain stratégique entendu comme la construction et implémentation d’une
capacité propre à fournir des moyens et des efforts susceptibles d’être contrôlés par l’Etat dans
l’optique d’influer de manière significative sur les dispositifs politiques, juridiques et opérationnels
de la paix et la sécurité à l’international, et en l’occurrence aux solutions régionales et/ou sous
régionales. Cette manifestation d’une tendance à une forme de comportementalisme stratégique
afropolitain dans l’engagement de Yaoundé dans le traitement des crises et conflits régionaux
violents démontre un tropisme vers une orientation stratégique afropolitaine du régionalisme
sécuritaire dans la gestion des menaces sécuritaires continentale (A) et une orientation similaire dans
le traitement des menaces transnationales sur le plan sous régional(B).
Malgré les controverses et clivages du régionalisme sécuritaire africain45, l’APSA apparait comme
le dispositif par excellence formulé par l’ensemble des Etats de l’Union Africaine dans le but de
préserver la paix et la sécurité sur le continent. Dans cette institutionnalisation de la gouvernance
sécuritaire en Afrique46, la participation du Cameroun aux mécanismes régionaux de construction, de
consolidation et d’opérationnalisation de l’APSA s’inscrit dans une perspective afropolitaine qui
traduit une volonté forte de Yaoundé de prendre part à toutes les étapes et faits relatifs à la
construction des solutions africaines au niveau continental. Cet afropolitanisme sécuritaire du
43 Lecoutre, Delphine. « Le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, clef d'une nouvelle architecture de stabilité en
Afrique ? », Afrique contemporaine, vol. 212, no. 4, 2004, pp. 131-162.
44 Biya, Paul. Pour le libéralisme communautaire, , Editions Pierre Marcel-Favres, 1988, 158p.
institutionnalisation de la gouvernance du secteur sécuritaire », Afrique contemporaine, vol. 218, no. 2, 2006, pp. 49-67.
Cameroun se joue davantage dans la boite noire 47 des formulations de solutions politiques et
diplomatiques par les instances habilitées, et dans la fourniture des troupes sur le plan opérationnel
pour soutenir toute entreprise sécurisatrice et pacificatrice en Afrique. Cela est particulièrement visible
dans la participation active à la construction de l’architecture de paix et de sécurité africaine (1) et
dans l’opérationnalisation des initiatives de soutien à la paix de l’Union (2).
47La référence à la Boite Noire renvoie ici au fonctionnement des instances et organes africains chargés de fabriquer
les décisions susceptibles d’être prises par l’Union à l’effet d’engager une operation de nature militaro sécuritaire et
les diverses initiatives à la paix. Il s’agit entre autres du sommet des Chefs d’Etats et de gouvernement, du Conseil de
paix et de sécurité, et éventuellement du Commissariat en charge des Affaires politiques, de la paix et de la sécurité
(PAPS)
48 Bedzigui, Yann. « Les mutations de la sécurité collective de l’Union africaine », L’Académie des sciences morales
et politiques éd., Annuaire français de relations internationales. 2021. Éditions Panthéon-Assas, 2021, pp. 257-
275.
positionnement du Cameroun au sein de ce dispositif régional, il importe d’abord de comprendre
brièvement l’APSA (a), et ensuite de mettre en lumière les dynamiques comportementales proprement
dites de Yaoundé au sein de cet instrument de la gestion de la sécurité collective sur le Continent
Africain (b).
a- De l’essence de l’APSA
Comme dispositif régional de gestion de la paix et de la sécurité sur le continent africain, l’APSA
est un dispositif structuré autour de quelques principaux points. A l’observation, trois principales
instances structurent l’armature de l’architecture de paix et de sécurité de l’Union africaine, il s‘agit
entre autres de de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, du Conseil de Paix et de sécurité
et du Commissariat à la paix et à la sécurité. L’activisme diplomatique de Yaoundé lui permet de
participer pleinement aux différentes sessions de deux principaux organes à savoir le Sommet et le
Conseil de paix et de sécurité où sa récente réélection en février 202249 comme membre permanent
constitue la constance de l’importance stratégique de cette instance qui élabore les mécanismes visant
à définir les solutions africaines au sein de APSA.
49 Le Cameroun a été réélu en février 2022 comme membre permanent du CPS pour le compte de l’Afrique Centrale
50 La « diplomatie de présence » est un des fondements de la politique étrangère du Cameroun.
51 Autorisation donnée à travers la Résolution no S/RES/2628 (2022).
- l’« engagement à promouvoir le constitutionnalisme, les principes de séparation des
pouvoirs et d'indépendance du pouvoir judiciaire, la promotion du pluralisme politique
avec la pleine participation des citoyens, conformément à la Charte africaine sur la
démocratie, les élections et la gouvernance (ACDEG) et à la Déclaration de l'Union sur les
principes régissant les élections démocratiques (…) »52 ;
- Outre cette position de principe, cette instance appelle à une opérationnalisation complète
de la Force africaine en attente (FAA), et pose l'impératif d'un financement adéquat des diverses
politiques de sécurité continentales et de lutte contre le terrorisme, sans oublier la capacitation
des experts de l’Union.
Ce comportement qui traduit une certaine forme de marque spécifique, est constitutif de l’ADN
du comportement stratégique du Cameroun dans toutes les dynamiques sécuritaires historiques et
actuelles où la recherche de solutions nationales apparait comme le kérygme de son action. C’est
dans cette dynamique que s’inscrit aussi sa participation à l’opérationnalisation des initiatives de
soutien à la Paix de l’Union africaine.
Les initiatives de soutien à la paix de l’Union Africaine connaissent plusieurs contraintes, tant
le continent fait face à plusieurs menaces qui empêchent ces dernières de fonctionner de manière
optimale. L’un des points faibles des mécanismes africains de préservation de la paix et de la sécurité
collective en Afrique a toujours été l’opérationnalisation des solutions et intentions formulées par
52Union Africaine, XVIème session extraordinaire de la conférence de l'union africaine sur le terrorisme et les
changements anticonstitutionnels de gouvernement en Afrique, Déclaration sur le terrorisme et les changements
anticonstitutionnels de gouvernement, Malabo le 29 Mai, 2022.
les acteurs politiques et diplomatiques, tant celles-ci sont sujettes à moult contraintes, notamment
financières ; techniques et logistiques… Cependant, ces contraintes ne sont pas des obstacles
infranchissables dans la mesure où les Etats africains pourraient davantage fournir d’efforts en ce
sens. C’est notamment le cas du Cameroun dont la participation opérationnelle pourrait être
examinée.
Le Cameroun fait figure d’Etat modèle dans les dynamiques d’opérationnalisation de l’APSA.
Ce comportement qui vise à construire une sorte de panafricanisme sécuritaire se comprend dans la
mesure où Yaoundé apparait comme l’une des principales places de la sécurité continentale en
Afrique, puisqu’elle a donné son accord pour abriter une des Bases Logistiques de la FAA au
Cameroun (BLC), socle opérationnel de l’APSA et de ses avatars (ici il s’agit d’éventuelles émanations
des instruments sécuritaires des Communautés économiques régionales (CER). Le voyage en 2013
du Général Sekouba Konaté Haut-Représentant de l’Union africaine pour l’opérationnalisation de
la (FAA), vient préciser l’engagement du Cameroun d’abriter la FAA et en 2018,
l’opérationnalisation du site de la BLC est entamée de fait par la signature du Ruban symbolique y
relatif par le Chef du Gouvernement Camerounais Philémon Yang qui précisera le 05 janvier 2018
: « cette infrastructure devra soutenir les militaires africains en attente de déploiement rapide,
dans une zone précise, en temps de crise »53 . Cette posture est aussi visible à travers l’accueil sur
son sol par le Cameroun de certains dispositifs régionaux en matière de sécurité et de sureté
Maritime. En acceptant que certaines institutions de l’Architecture de Yaoundé sur la sécurité et la
sureté maritimes soient sur son sol et en assurant aussi le fonctionnement d’une bonne partie de la
logistique, le Cameroun participe de manière active à la construction et à l’implémentation des
dispositifs régionaux de sécurité et de sureté maritime en Afrique, notamment au sein du Golfe de
Guinée. Dans l’opérationnalisation des centres de surveillances, la localisation géographique au
Cameroun du Centre Interrégional de Coordination et du Centre multinational de Coordination de
la Zone D participent de cette logique.
53Propos du Chef du Gouvernement Camerounais lors de l’inauguration et de la cession de la base logistique à l’Union
Africaine.
Figure no 2 : Architecture de Yaoundé
Source : https://www.gogin.eu/architecture-de-yaounde/
54Wassouni F. & Gwoda A. Boko Haram au Cameroun : dynamiques plurielles, (Dir.), Editions Peter Lang S.A., , 2017.
55Courtin, Nicolas. « Comprendre Boko Haram. Introduction thématique », Afrique contemporaine, vol. 255, no. 3, 2015,
pp. 13-20.
FIgure no 4 : Emplacement des bases de la Force Multinationale Mixte
Figure no 3 : Les 9 piliers de la SSRRR
Source : https://adf-magazine.com/fr/2018/04/une-region-se-rallie/
Sourcehttps://cblt.org/strategie-de-stabilisation-regionale/
56Lire Seignobos, Christian. « Chronique d’un siège. Boko Haram dans le lac Tchad 2015-2016 », Afrique contemporaine, vol.
259, no. 3, 2016, pp. 139-167.
Schéma no 6 : Polémocène du Bassin du Lac Tchad Schéma no 7 : Irénoscène dans le Bassin du Lac Tchad
À cet afropolitanisme sécuritaire de Yaoundé au niveau continental, on peut aussi évoquer sa déclinaison
au plan sous-régional.
Dans sa participation aux diverses entreprises visant à pacifier et à sécuriser des territoires en
Afrique de manière générale, avec une forte prégnance de son action Centrale et de l’Ouest, le
dynamisme de Yaoundé est visible à travers plusieurs éléments allant de la formation des cadres et
autorités militaires et de police (a), et à une participation accrues aux actions régionales collectives
en matière de sécurité (b).
a- La formation des cadres des forces de défense et de police
57Bagayoko-Penone. Niagalé Et Hours Bernard (Dir.), États, ONG et production des normes sécuritaires dans les pays
du Sud, L’Harmattan, Paris, 2005 ; Jean-Pierre COLIN, « un continent en transition », in l’Afrique dans les relations
internationales, F.R.I., Vol XIII, 2012.
• les divers concours financiers apportés par Yaoundé au Tchad lors du récent dialogue
politique inclusif du mois d’Aout 2022, et à la RCA lors du « Dialogue républicain » de Bangui
en mars 2022.
• L’assistance en matière de protection civile dans la gestion des catastrophes en Guinée
Equatoriale en à la suite de l’explosion de Bata en 2021 58.
Loin des tâtonnements diplomatiques des jeunes Etats africains59, on constate que le Cameroun
se trouve en phase avec sa vision d’une Afrique autocentrée dans la recherche des solutions auto-
centriques face aux problèmes de sécurité dans la sous-région, y compris dans la lutte contre
l’insécurité maritime dans le Golfe de Guinée.
58 Dans ce cadre, le président Paul Biya autorise lundi 15 mars 2021, une mission humanitaire suite à la catastrophe
ayant frappé cet Etat le 7 mars 2021. Elle est essentiellement constituée d’expert militaires en déminage, en santé
militaire et diver dons pour la prise en charge humanitaire des blessés.
59 Ntuda Ebode, Joseph Vincent. « De la politique étrangère des États africains : ruptures et continuités d’une diplomatie
EWANGUE (sous la direction de), Enjeux géopolitiques en Afrique centrale, Paris, l’Harmattan, 2010.
pourquoi le Cameroun et les Etats s’y situant développent des mécanismes fonctionnels de sécurité
collective à l’effet de traiter dans une perspective régionale les différentes menaces qui y
apparaissent.
Face aux exigences d’efficacité et de transnationalité des menaces dans le golfe de Guinée, le
Cameroun pour assurer la défense et la sécurité bleues souscrit pleinement aux mécanismes
régionaux forgés par les Etats de cet espace. L’émergence de l’Architecture de Yaoundé dans la ville
éponyme à la suite du Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEEAC, de la CEDEAO
et de la Commission du Golfe de Guinée sur la sureté et la sécurité maritimes dans le Golfe de
Guinée les 24 et 25 juin 2013 entre dans cette perspective africaine de défense et de sécurité bleues.
Pour l’hôte de cette conférence, en s’adressant à ses homologues, le message est clair : « nous
devons prendre nos responsabilités pour que l’Afrique, en général, et le golfe de Guinée, en
particulier, ne soient plus jamais meurtris par les actes criminels des pirates »63. Ce plaidoyer du
Chef de l’Etat Camerounais auprès de ses homologues trouvera tout son écho auprès de ses pairs
qui décident de s’engager : « sans réserve à travailler ensemble pour assurer la promotion de la
paix, de la sécurité et de la stabilité dans l’espace maritime de l’Afrique Centrale et de l’Afrique
de l’Ouest par la mobilisation des moyens opérationnels adéquats tant institutionnels que
logistiques »64. Ces divers actes traduisent cette volonté pertinente des Etats Africains à prendre en
charge eux-mêmes la gestion de la lutte contre toutes les menaces liées à l’insécurité maritime dans
le Golfe de Guinée qui pourraient déboucher sur des mécanismes opérationnels pertinents. Cet
instrument Chargé de la mise en œuvre opérationnelle d’une stratégie régionale à venir de sécurité
et sûreté maritime en Afrique centrale et de l'Ouest regroupe plus de 19 Etats repartis en 3 centres
parmi lesquels le Centre interrégional de coordination (CIC) à Yaoundé au Cameroun, et de ses
deux composantes sous régionales que sont le Centre Régional de Sécurité Maritime de l’Afrique
Centrale (CRESMAC) dont
63 Biya, Paul. Discours d’ouverture de sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEEAC, de la CEDEAO et de
la CGG sur la sûreté et la sécurité maritimes dans le Golfe de Guinée, Yaoundé, le 24 juin 2013.
64 Déclaration des chefs d’État et de Gouvernement des États de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’ouest sur la
Conclusion
Bibliographie :
1- Augé Axel, « les réformes de la sécurité et de la défense en Afrique subsaharienne : vers une institutionnalisation de
la gouvernance du secteur sécuritaire » Afrique Contemporaine, 2006, vol 2, n° 218, pp. 49-67.