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Copie de RÉVISIONS DROIT DES BIENS a finir

Le document traite des notions juridiques de biens et de patrimoine selon le Code civil, en distinguant les biens corporels et incorporels, ainsi que les droits patrimoniaux. Il aborde également la définition du patrimoine, ses caractéristiques, et les implications de la transmission des biens à la mort d'une personne. Enfin, il présente diverses classifications des biens, notamment en termes de fongibilité, de consommation, et de distinction entre meubles et immeubles.

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Le document traite des notions juridiques de biens et de patrimoine selon le Code civil, en distinguant les biens corporels et incorporels, ainsi que les droits patrimoniaux. Il aborde également la définition du patrimoine, ses caractéristiques, et les implications de la transmission des biens à la mort d'une personne. Enfin, il présente diverses classifications des biens, notamment en termes de fongibilité, de consommation, et de distinction entre meubles et immeubles.

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CHAPITRE PRÉLIMINAIRE : DROIT DES BIENS ET

THÉORIE DU PATRIMOINE
Section 1 : La notion de bien
Le Code civil emploie le mot bien selon deux approches :

§1. Bien : chose objet d’un droit individuel


Sens courant : bien = chose corporelle (maison, voiture, etc.)
Les biens sont les choses pouvant faire l’objet d’un droit réel, conférant une utilité à leur
titulaire.
Art. 543 C. civ : on peut avoir un droit de propriété, de jouissance ou des services fonciers
sur un bien.
Les biens peuvent être :

- Corporels : objets matériels


- Incorporels : œuvres de l’esprit, informations, actifs numériques

Certaines choses ne sont pas des biens : celles insusceptibles d’appropriation (air, mer,
lumière – choses communes, art. 714 C. civ)

§2. Biens : droits patrimoniaux


Les biens sont aussi des droits patrimoniaux, ayant une valeur économique et
pouvant intégrer un patrimoine (Art. 526 C. civ). Exemples :

- Droits de créance (obligation de prestation entre débiteur et créancier)


- Droits de propriété intellectuelle : droit d’auteur, brevet, marque

Droits réels sur une chose :

- Propriété, nue-propriété, usufruit, usage, habitation


- → Ce sont des biens car ils sont évaluables et cessibles

Droits personnels : créances → biens incorporels détachés de toute chose

Propriété intellectuelle :

Biens incorporels : non physiques (musique, texte, invention)


Ni totalement droit réel ni totalement droit personnel → régime hybride mais traité comme un
bien.

La nature juridique des animaux


Avant : considérés comme choses
Depuis loi du 16 février 2015 : les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité (Art.
515-14 C. civ)

1
Régime juridique mixte : soumis aux règles des biens mais reconnaissent leur sensibilité
On peut avoir un droit réel sur un animal, ex : droit de propriété

La distinction des personnes et des biens/choses


Personnes (physiques/morales) = sujets de droit, non objets → ne peuvent être des biens
Parents n’ont pas la propriété de leurs enfants → ils exercent des
droits/pouvoirs Exception historique : esclavage (jusqu’en 1848 en France)
Corps humain :

- Pas un bien au sens juridique


- Principe : indisponibilité du corps humain
- On peut donner certaines parties (sang, organes), pas les vendre

Les droits extra-patrimoniaux


Droits non évaluables en argent, donc hors patrimoine, donc pas des biens :

- Libertés publiques (droit de manifester)


- Droits politiques (vote)
- Droits de la personnalité (image, voix)

Section 2 : La notion de patrimoine


Définition du patrimoine
Développée par Aubry et Rau à la fin du XIXe siècle et adoptée par la jurisprudence, la
notion de patrimoine désigne l’ensemble des rapports de droits évaluables en argent.

Il comprend :

- L’actif : droits réels + créances (face active des droits personnels). - Le passif :
dettes (face passive des droits personnels).

Le patrimoine est une enveloppe contenant les biens et les dettes d’une personne, qui peut
être vide ou remplie.

Caractéristiques générales :

- Toute personne (physique ou morale) a un patrimoine, dès la naissance (sauf infans


conceptus) jusqu’à la mort.
- Un individu ne peut avoir qu’un seul patrimoine, sauf exception prévue par la loi
(principe d’unicité).

Conclusion : Le patrimoine est un ensemble indivisible de biens et d’obligations (art. 2284 C.


civ), y compris les biens futurs.

2
§1. L’intérêt de la notion de patrimoine
A. Patrimoine et transmission à cause de mort
À la mort, la personnalité juridique cesse, et le patrimoine est transmis :

- Aux héritiers légaux (désignés par la loi) ou


- Aux légataires (désignés dans un testament).

La transmission comprend les biens et les dettes :

- Successeurs universels : héritent de tout, en indivision jusqu’au partage. -


Héritiers à titre universel : reçoivent une fraction du patrimoine.

Ils continuent juridiquement la personne du défunt.

B. Patrimoine et recouvrement des créances


En cas de dette non honorée, les créanciers peuvent saisir les biens du débiteur (hors biens
insaisissables).

Base juridique : art. 2284 C. civ → Le débiteur répond de ses dettes sur tous ses biens
présents et à venir.

= Droit de gage général des créanciers

§2. Les caractères du patrimoine


Réservé aux personnes physiques et morales → Le patrimoine est lié à la personnalité
juridique.
Inaliénable dans sa totalité de son vivant → Seuls ses éléments peuvent être cédés, la
transmission globale n’a lieu qu’à cause de mort.
Unicité : Une seule personne = un seul patrimoine (fusion avec celui du défunt lors de la
succession).

Exceptions à l’unicité :
- Biens immobiliers déclarés insaisissables
- Acceptation à concurrence de l’actif net
- Fiducie (loi du 19 fév. 2007)
- Entrepreneur individuel (EI)

§3. La remise en cause de la conception classique du


patrimoine
Influencée par le droit allemand (patrimoine d’affectation), la conception classique d’un
patrimoine unique est remise en question.

3
Exemple : Un entrepreneur peut affecter une partie de ses biens à son activité pro, laissant
le reste dans son patrimoine personnel.

Évolutions législatives :
- Loi du 11 juillet 1985 : Création des EURL/ EARL (patrimoine propre à la société).
- Loi du 15 juin 2010 : Création de l’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité
limitée) → création d’un patrimoine d’affectation sans personne morale.

Formalités : Déclaration dans un registre selon le statut (registre du commerce, des métiers,
greffe…).

Loi du 14 février 2022 : Création de l’EI (entrepreneur individuel)


Patrimoine pro séparé du patrimoine perso par défaut, sans déclaration.
Régime fixé aux articles L. 526-22 à L. 526-31 C. com.
Critère d’affectation : utilité du bien pour l’activité professionnelle → difficile à évaluer (ex. :
voiture utilisée pour le pro et le perso).

Grande nouveauté : art. L. 526-27 C. com → l’entrepreneur peut céder, donner ou apporter
en société son patrimoine professionnel en totalité, ce qui est une rupture avec
l’insaisissabilité du patrimoine global.

Section 3 – Les diverses classifications des biens

Paragraphe 1 : Les classifications propres aux choses


A. Les choses appropriées, les choses sans maître et les choses communes

1. Les choses sans maître

 Certaines choses n’ont pas de propriétaire mais sont appropriables : elles sont dites
res nullius ou res derelictae.

 Immeubles sans maître : ils appartiennent à l’État ou à la commune (Art. 539 C. civ ;
Art. L. 1123-1 et -2 CGPPP).

o Si succession ouverte depuis 30 ans ou impôts fonciers non payés depuis 3


ans → immeuble devient communal (puis intercommunal, conservatoire,
État).

 Meubles sans maître : peuvent devenir appropriables par occupation, selon leur
nature.

4
a) Res nullius (choses n’appartenant à personne)

 Bien sans propriétaire n’ayant jamais été approprié.

 Appropriables par occupation (ex : animaux sauvages).

 Art. 714 C. civ : usage commun à tous, mais encadré par lois de police (ex : permis
de chasse/pêche).

b) Res derelictae (choses abandonnées)

 Chose dont le propriétaire manifeste l’intention de s’en débarrasser.

 Ex : canapé sur le trottoir.

 Appropriation par prise de possession → nécessite une volonté claire d’abandon.

o Jurisprudence : bijoux déposés dans un cercueil = pas une res derelictae.

c) Les épaves (choses perdues)

 Chose égarée involontairement, toujours propriété de quelqu’un.

 Ex : portefeuille trouvé par terre.

 Inventeur ≠ propriétaire, sauf au bout de 30 ans (prescription acquisitive).

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 Régimes spéciaux pour épaves terrestres, maritimes, fluviales (Art. 717 C. civ).

d) Les trésors

 Art. 716 C. civ : « Toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut
justifier sa propriété, et découverte par hasard. »

 Conditions jurisprudentielles :

1. Meuble

2. Caché ou enfoui

3. Aucun propriétaire identifiable

4. Découvert par hasard

 Si trouvé sur fonds d’autrui → partage 50/50 avec propriétaire du terrain.

e) Biens archéologiques

 Art. L. 541-4 à 541-5 Code du patrimoine :

o Après 2016 : tout bien archéologique trouvé appartient à l’État.

o Avant 2016 : possible partage entre l’État, le propriétaire du sol, l’inventeur.

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2. Les choses communes
Définition : Choses insusceptibles d’appropriation dont l’usage profite à tous (article 714 C.
civ).

Exemples : l’eau des rivières, l’air, la lumière du soleil.

Évolution : Certaines peuvent être appropriées (ex : air liquéfié, eau minérale).

Caractéristiques : Pas besoin d’en être propriétaire pour les utiliser ; usage commun à tous.

B. Les biens fongibles et non fongibles


Biens fongibles : Interchangeables dans un rapport juridique.
Exemples :

- 1L de lait
- Voiture de série

- Argent

Biens non fongibles : Non interchangeables juridiquement.


Exemples :

- Tableau de maître
- Cheval de course

Exception : Une chose non fongible peut devenir fongible si les parties le décident
contractuellement (ex : promo immobilière).

Remarque : La fongibilité dépend de la nature et de la volonté des parties (ex : code civil
2024 ayant appartenu à une personne célèbre = non fongible).

C. Les biens consomptibles et non consomptibles


(Articles 1874 et 1587 C. civ)

Biens consomptibles : Se consomment à l’usage, détruits en totalité ou progressivement.


Exemples : nourriture, essence, argent, savon.

- Matériellement consomptible : substance détruite par usage (ex : essence)


- Juridiquement consomptible : perte de propriété à l’usage (ex : argent)

Distinction difficile avec les biens usés :


→ Usure accélérée ≠ consomptible (ex : tube de lance-roquettes = bien usé, pas
consomptible)

Exemples croisés :

- Fongible + consomptible : stylo jetable

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- Fongible sans être consomptible : voitures identiques
- Consomptible sans être fongible : bouteille de vin rare

D. Les biens frugifères et non frugifères


Bien frugifère : Produit des fruits sans altérer sa substance.

Fruits naturels : Spontanés (châtaignes, fleurs sauvages)


Fruits industriels : Mi-naturels, mi-humains (pommes cultivées)
Fruits civils : Revenus perçus par un tiers (intérêts bancaires, loyers)

Distinction “fruit” vs “produit” :

- Fruits : périodiques, sans altération (ex : loyers)


- Produits : pas renouvelés, altèrent la substance (ex : pierre extraite d’une carrière)

Cas intermédiaires :

- Exploitation forestière raisonnée (10 % par an) = fruits

- Coupe à blanc = produits

§2. Distinction entre meubles et immeubles


Références :
Article 517 C. civ (immeubles)
Article 527 C. civ (meubles)

Les articles concernent à la fois les choses et les droits.

A. Choses mobilières et immobilières


1. Immeubles

a) Immeubles par nature : → Choses non destinées à être déplacées.

Exemples : terrain, bâtiment, arbres, récoltes non cueillies (Art. 518 à 520 C. civ)

→ Sous-catégorie : immeubles par incorporation Ex

: fenêtres, portes, plomberie fixées à une maison

b) Immeubles par destination : → Biens meubles considérés comme immeubles du fait de


leur affectation à un immeuble. (Art. 524 C. civ)

Deux types :

Affectation à l’exploitation ou à l’usage du fonds (lien économique)

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- Ex : tracteurs, pressoirs, fauteuil de dentiste
- Condition posée par la jurisprudence : indispensable à l’exploitation du fonds

Fixation à perpétuelle demeure (lien physique)

- Ex : miroir scellé, statues dans niche


- Nécessite volonté du propriétaire + fixation permanente

Remarques :

- Immobilisation suppose propriété commune du meuble et de l’immeuble (ex :


locataire ≠ immobilisation)
- Article 525 C. civ : présomption d’immobilisation (ex : objet scellé au plâtre)
→ Présomption simple : peut être renversée par preuve contraire

Fin d’immobilisation : détachement physique ou économique (ex : vente du tracteur).

Intérêt juridique : → Applique le régime des immeubles (saisie, compétence judiciaire, etc.)

2. Les choses mobilières


a) Les meubles par nature
Définition (art. 528 C. civ) :

Sont meubles par nature les biens pouvant être transportés d’un lieu à un autre.

- Ce sont les choses susceptibles de déplacement et qui ne sont ni affectées à


l’exploitation d’un fonds, ni attachées à perpétuelle demeure.
- Exemples : voiture, stylo, vêtement, montre…

Distinction langage courant / droit :

- En langage courant, un meuble est ce qui sert à garnir un logement (table, chaise,
armoire…).
- En droit, un meuble = tout ce qui n’est pas immeuble. Le Code civil (art. 534) parle
alors de “meubles meublants” pour désigner les meubles destinés à l’usage ou à la
décoration des appartements.

Article 534 C. civ :

- Meubles meublants = objets décoratifs ou d’usage courant dans une habitation. -


Ne comprend pas : collections de tableaux ou de porcelaines utilitaires.

Intérêt de la qualification de “meuble meublant” :

Enjeux civils :

- Nécessité du consentement des deux époux pour disposer des meubles meublants
du logement familial (art. 215 C. civ).

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- Une vente ou un legs d’une maison “meublée” inclut uniquement les meubles
meublants (art. 535 al. 2 C. civ).
- En cas de décès, le conjoint survivant peut bénéficier d’un droit d’usage sur les
meubles meublants.

Enjeux fiscaux : Les meubles meublants sont évalués forfaitairement à 5 % dans le cadre
des droits de succession (art. 764 CGI).

b) Les meubles par anticipation


Définition : Notion jurisprudentielle : biens immobiliers considérés comme meubles par un
acte juridique avant leur transformation physique.

Exemples : Blé vendu sur pied, Arbres destinés à être coupés, Matériaux à extraire d’une
carrière.

Régime juridique : Le contrat porte sur un meuble (donc soustrait aux règles de publicité
foncière). Les règles moins contraignantes des ventes mobilières s’appliquent (ex. : fiscalité
allégée).

B. Droits mobiliers et droits immobiliers


Les biens (meubles ou immeubles) peuvent être supports de droits réels (ex. droit de
propriété), eux-mêmes mobiliers ou immobiliers selon la nature du bien.

1. Les droits immobiliers


a) Les droits immobiliers corporels (art. 526 C. civ)

Sont immeubles :

- L’usufruit d’un immeuble,


- Les servitudes (ex. : servitude de passage),
- Les actions en revendication d’un immeuble.

Autres exemples : Droit d’usage et d’habitation sur un logement (art. 625 C. civ).

b) Les droits immobiliers incorporels

Action en justice (art. 30 CPC) = droit subjectif.

Elle n’est ni un droit personnel, ni un droit réel, mais :

- Elle est immobilière lorsqu’elle tend à revendiquer un immeuble (art. 526 C.


civ). - Ex. : action négatoire de servitude (contester le droit de passage
d’un voisin).

Créance à caractère immobilier :

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- Ex. : obligation de délivrance d’un bien immobilier après une vente. → Il
s’agit d’un droit personnel, mais à caractère immobilier.

Intérêt de la qualification : Elle détermine la compétence du juge (attribution et territorialité).

2. Les droits mobiliers


Article 527 C. civ : Sont meubles par nature ou par détermination de la loi.

Article 529 C. civ : Sont meubles par détermination de la loi :

- Créances (sommes d’argent),


- Actions dans les sociétés (actions, intérêts dans les compagnies), - Rentes
viagères ou perpétuelles (de l’État ou de particuliers).

Attention :

Ne pas confondre :

- Action en justice (art. 30 CPC) = droit subjectif,


- Action de société = part sociale ou action dans une entreprise (ex. SA, SAS).

Partie 1 : Le droit de propriété


Le droit de propriété est le droit réel par excellence, le plus complet et le plus fréquent. Il
concerne tous les types de biens, meubles ou immeubles.

Plan général :

- Définition du droit de propriété


- Portée et modalités
- Acquisition
- Règles spécifiques à la propriété immobilière

Titre 1 : Les notions de propriété, possession et


détention
Il faut distinguer trois notions :

- Propriété : droit légal de disposer d’un bien


- Possession : exercice de fait sur un bien (le comportement du propriétaire)
- Détention : possession au nom d’un autre (ex. : locataire)

11
Chapitre 1 : La notion de propriété
1. Origines historiques

Paléolithique : Apparition du sentiment de propriété à travers la possession d’objets (armes,


outils).
Sociétés primitives : Propriété collective de territoires, pas de propriété individuelle de la
terre chez les nomades.
Néolithique : Avec la sédentarisation et l’agriculture, naissance de la propriété foncière
individuelle.

2. Antiquité

Le droit romain a développé une conception juridique avancée de la propriété, fortement


reprise par le droit français.
Cependant, l’héritage romain a été déformé par le droit féodal avant d’être repris par le
Code civil.

3. Féodalité

Prééminence de la propriété foncière sur les biens meubles (considérés comme peu
précieux).
Deux types de propriété :

- Domaine éminent : propriété du seigneur


- Domaine utile : usage du paysan, transmissible et grevé de redevances

Existence aussi de biens communaux : propriété collective des villages.

4. Révolution de 1789 et conception individualiste

Rupture avec le système féodal.


Propriété devient un droit individuel, sacré et inviolable (DDHC de 1789 : articles 2 et 17). Le
Code civil de 1804 consacre une vision absolue et perpétuelle du droit de propriété.

5. Développement du concept au XIXe et XXe siècle

Extension du droit de propriété à :

- La propriété intellectuelle (littéraire, artistique, industrielle)


- Des niveaux juridiques multiples : civil, constitutionnel, européen

6. Consécration juridique

Constitution française (via le préambule de 1958)


Conseil constitutionnel (décision de 1982 sur les nationalisations)
Convention EDH : article 1 du protocole additionnel n°1
Charte des droits fondamentaux de l’UE (article 17) – 2000

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Extension paradoxale : montée des limitations sociales
Malgré son caractère fondamental, le droit de propriété a subi de nombreuses restrictions,
notamment depuis la fin du XIXe siècle.

1. Mouvement de socialisation du droit

Le droit devient plus social, notamment avec la création du droit du travail.


Le modèle absolutiste de la propriété est de plus en plus remis en question.

2. Limitations concrètes du droit de propriété

Nationalisations : 1946 (ex : Renault) 1981-82 (sous Mitterrand)


Servitudes d’utilité publique : Exemple : urbanisme (réglementation des constructions)
Droit au logement :

- Loi du 6 juillet 1989 (protection des locataires)


- Difficile pour un propriétaire de récupérer son bien face à un squatteur ou un ex-
locataire

Section 1 : Les caractères du droit de propriété


Le droit de propriété est un droit réel, c’est-à-dire un droit qui porte directement sur une
chose (corporelle ou incorporelle).

Il présente trois caractères fondamentaux : Absolu, Exclusif, Perpétuel

§1. Un droit absolu


Le propriétaire peut faire ce qu’il veut de sa chose : l’utiliser, la vendre, la prêter, la louer ou
même la détruire.

Article 544 du Code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la
manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou
règlements. »

Donc, ce droit n’est pas totalement absolu : il est limité par la loi.

Exemples :

- Pour démolir une maison, il faut un permis de démolition.


- Pour construire sur un terrain, il faut un permis de construire.
→ Ce sont des limites imposées par le droit de l’urbanisme.

§2. Un droit exclusif


En principe, seul le propriétaire peut exercer les droits sur sa chose.

Il peut interdire à un tiers d’en faire usage, sans avoir à prouver un préjudice.

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Exemple : Si je possède un vélo, je peux interdire à quelqu’un de l’utiliser, même si je ne
m’en sers pas.

Mais il existe des exceptions à cette exclusivité :

- Indivision / copropriété : plusieurs personnes peuvent être propriétaires ensemble.


- Servitudes : limitations légales de la propriété (ex : obligation de laisser un passage
vers la plage).

§3. Un droit perpétuel


Le droit de propriété ne s’éteint pas avec le temps et se transmet aux héritiers à la mort du
propriétaire.

Mais certains droits semblables à la propriété ne sont pas perpétuels :

- Usufruit, droit d’usage, d’habitation : cessent à la mort de leur titulaire.


- Droits de propriété intellectuelle : ont une durée limitée.

Exemples :

- Droits d’auteur : durent toute la vie de l’auteur + 70 ans après sa mort (Article L123-1
CPI).
- Brevets : durent 20 ans à partir du dépôt (Article L611-2 CPI).

Principe fondamental : Le droit de propriété est imprescriptible, c’est-à-dire qu’il ne disparaît


pas même si on n’utilise pas le bien (Article 2227 du Code civil).

Exemple célèbre : Un héritier a pu récupérer des objets 38 ans après leur dépôt dans une
banque → la propriété n’avait pas disparu.

Mais attention : des limites indirectes existent

Délais pour revendiquer un bien =


Par exemple, si une entreprise fait faillite, un propriétaire n’a que 3 mois pour revendiquer
un meuble (Article L.624-9 Code de commerce).

Prescription acquisitive (ou usucapion) =


Si une autre personne utilise et possède le bien de manière continue et publique pendant un
certain temps, elle peut devenir propriétaire.

→ L’ancien propriétaire perd alors son droit.

Section 2 : Les attributs du droit de propriété


Définition : Les attributs de propriété sont les droits qui composent le droit de propriété.

Théorie classique :

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- USUS : Droit d’user de la chose.
Exemple : Conduire sa voiture.

- FRUCTUS : Droit de percevoir les fruits de la chose.


Exemples : Fruits naturels : pommes d’un pommier.
-> Tant qu’elles sont attachées à l’arbre = immeubles.
-> Tombées = meubles.
Fruits civils : loyers perçus d’un appartement loué.

- ABUSUS : Droit de disposer de la chose (la vendre, la donner, la détruire).


Peut céder le droit à titre gratuit ou onéreux.
Peut aussi constituer des droits réels au profit d’un tiers.
Exemples : Donner une servitude de passage à un voisin. Constituer un usufruit
(cession de l’us us + fructus).

Démembrement de propriété :

- Usufruitier : a l’us us + fructus.


- Nu-propriétaire : a l’abusus.
Ne peut que vendre ou donner le bien.

Chapitre 2 : La possession
Section 1 : L’analyse du concept de possession
§1. Nature et objet de la possession

A. Nature de la possession

Propriété = droit subjectif.


Possession = fait juridique (≠ droit).
→ Peut produire des effets de droit (ex : prescription acquisitive après 30 ans).

Article 2255 du Code civil : « La possession est la détention ou la jouissance d’une chose ou
d’un droit, exercée par soi-même ou par autrui en notre nom. »

Possession = apparence d’un droit, même si on n’est pas le véritable titulaire.


Rapport physique + psychologique avec une chose.

B. Objet de la possession

Droit romain : possession = rapport à une chose corporelle.


→ Apparence de propriété, même sans être propriétaire réel.

Évolution : extension à la possession de droits → théorisation des biens.

Exemples :

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- Possession d’un usufruit = on agit comme un usufruitier.
- Possession d’une servitude ou d’un gage = on agit comme si on en était titulaire.

→ Deux formes :

- Possessio rei : possession d’une chose.


- Possessio juris : possession d’un droit.
→ Toute possession = possessio juris car elle implique l’apparence d’un droit.

Conclusion : Même la possession d’une chose corporelle donne l’apparence d’un droit (ex :
propriété).→ La possession = possession d’un droit (d’après doctrine critique).

§2. Les éléments constitutifs de la possession

Possession = fait juridique composé de 2 éléments :

A. Le corpus
Élément objectif : ensemble des comportements matériels qui donnent l’apparence du droit.

Exemples :

- Pour une maison : habiter, louer, percevoir les loyers, faire des travaux.
- Pour un usufruit : utiliser le bien, percevoir les fruits, faire des travaux. - Pour une
créance : percevoir les intérêts, agir en justice.

→ Corpus = apparence concrète du droit exercé.

Remarque :

- Actes juridiques seuls insuffisants pour le corpus.


- Les actes matériels sont essentiels (jurisprudence).

Limite : Les mêmes comportements peuvent être faits par un propriétaire ou un usufruitier →
ambiguïté.

→ Nécessité de l’animus pour compléter.

B. L’animus
Élément subjectif : volonté de se comporter comme titulaire d’un droit, qu’on le soit ou non.

Deux formes :

- Animus domini : se vouloir propriétaire.


- Animus rem sibi habendi : volonté de posséder une chose pour soi.

Exemples :

- Une personne utilise, entretient et loue une maison → intention d’être propriétaire.

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- Possession d’un gage : détention d’un objet avec volonté de le vendre en cas de
non-paiement → comportement du créancier gagiste. - Usufruit : intention d’être
usufruitier.

Distinction importante : animus ≠ bonne foi

-> Bonne foi = croyance réelle d’être titulaire.


On peut avoir l’intention sans la croyance (ex : voleur).

Exemple :

Un voleur a :

- le corpus (possession physique), - l’animus (intention de garder pour lui), → Mais il


n’est pas de bonne foi.

Récapitulatif schématique :

Élément Définition Exemple

USUS Droit d’usage Conduire une voiture

FRUCTUS Droit de percevoir les fruits Loyer, pommes

ABUSUS Droit de disposition Vendre/détruire le bien

Corpus Habiter, louer, agir en justice


Apparence extérieure du
droit (comportement)

Animus
Volonté d’être titulaire d’un Se vouloir propriétaire ou
droit usufruitier

Bonne foi
Croyance réelle d’être Achat d’un bien sans savoir
titulaire s’il est volé

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§3. L’apparition, la disparition et le maintien de la possession
A. L’apparition de la possession

La possession naît lorsque le corpus (maîtrise matérielle de la chose) et l’animus (intention


de se comporter en propriétaire) sont réunis.

Biens corporels mobiliers : le corpus naît dès que l’on emporte la chose, même si c’est un
vol.
Biens immobiliers : le corpus ne peut être appréhendé physiquement. Il se manifeste:

- Par la remise des clefs


- Par des actes matériels (ex : clôturer un champ)
- Virtuellement, via un constitut possessoire : le possesseur garde la chose pour le
compte du nouveau propriétaire
- Via un représentant : le mandataire prend possession pour le compte du mandant

=> Les deux éléments (corpus + animus) sont indispensables.

B. Maintien et disparition de la possession

Principe : La possession disparaît dès que l’un des deux éléments (corpus ou animus) est
perdu.

Perte d’un objet/vol = perte du corpus


Vente = perte de l’animus
Jet d’un objet = perte des deux éléments

Exceptions admises par la jurisprudence :

1. Possession exercée corpore alieno

Le possesseur conserve sa possession par le corpus d’autrui (ex : locataire, emprunteur).Ex


: un propriétaire met son bien en location → il reste possesseur via le locataire qui est un
détenteur précaire.

Le corpus est partagé (ex : loyers encaissés par le bailleur, usage par le locataire) Ex :
gage → le débiteur garde la possession du droit de propriété, le créancier gagiste
possède un droit de gage. Deux possessions peuvent coexister sur des droits
différents.

2. Possession maintenue solo animo (immobilier uniquement)

Même sans actes matériels, la possession peut se maintenir par l’animus seul, à condition
qu’elle ait été initialement constituée avec corpus + animus.

Ex : propriétaire d’un champ qui n’en fait plus usage mais se veut toujours propriétaire.
Limite : la possession cesse si un tiers prend possession effective de l’immeuble. Cette
théorie ne s’applique pas aux meubles, car la maîtrise matérielle y est plus facile à
conserver.

18
Intérêt : éviter la perte de possession en cas d’inactivité prolongée.

§4. Possession et détention précaire


A. La notion de détention précaire

La détention ressemble à la possession mais elle s’en distingue par l’absence d’animus.

Possession stricto sensu = corpus + animus


Détention précaire = corpus sans animus
Synonymes : possession pour autrui, possession précaire, détention

Exemples :

- Emprunteur d’un vélo : il a l’apparence d’un propriétaire mais ne le souhaite pas →


détention précaire
- Créancier gagiste : possesseur d’un droit de gage (corpus + animus de gagiste, mais
pas propriétaire)
- Usufruitier : possède en tant qu’usufruitier, pas en tant que propriétaire
- Gage avec entiercement : un tiers conserve la chose pour le compte du gagiste → il
est simple détenteur précaire

=> La détention ne permet pas de prescrire (pas d’usucapion), contrairement à la


possession.

B. Règles de preuve et d’opposabilité

Différence clé : l’animus est psychologique et donc difficile à prouver.

Il peut évoluer dans le temps (apparaître ou disparaître)


Le législateur a prévu des règles de preuve/prescriptions pour faciliter le travail du juge
Le juge doit trancher même en cas de doute (pas de déni de justice)

=> Présomption de possession : premier outil à la disposition du juge pour l’aider à


déterminer la réalité d’une possession.

1. La présomption de possession
Article 2256 du Code civil : « On est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de
propriétaire, s’il n’est prouvé qu’on a commencé à posséder pour un autre. »

Présomption de l’animus : Si une personne exerce un corpus (maîtrise matérielle), on


présume l’animus (volonté de posséder pour soi).

Présomption de propriété : Si l’on ne sait pas quel droit est possédé (gage, usufruit,
propriété), on présume qu’il s’agit de la propriété.

Présomption simple (→ preuve contraire possible) : La possession peut être renversée si on


prouve qu’elle était dès le départ précaire (= détention pour autrui).

19
Conséquences :

- Si on prouve que la possession est précaire, on parle de détention : corpus sans


animus.
- L’adversaire peut se contenter de prouver que l’entrée en possession s’est faite à
titre précaire, sans prouver qu’elle l’est encore aujourd’hui.

2. La présomption de perpétuité de la détention


précaire
Article 2257 du Code civil : « Quand on a commencé à posséder pour autrui, on est toujours
présumé posséder au même titre, s’il n’y a preuve du contraire. »

Si la possession initiale était précaire (ex : locataire, prêt à usage), cette situation est
présumée se poursuivre.
L’adversaire n’a pas à prouver la précarité actuelle, seulement l’origine précaire.

Conséquences :

- Même si le détenteur change d’état d’esprit (ex : veut devenir propriétaire), ce


changement n’est pas présumé par la loi.
- Il faudra prouver une interversion du titre pour rendre cette transformation opposable
aux tiers.

3. L’interversion de titre
Définition :
Changement de la nature de la possession :

- Détenteur → possesseur
- Possesseur → détenteur

A. Interversion contractuelle
1. Constitut possessoire : Le possesseur devient détenteur (ex : vend une chose qu’il
continue à garder pour le compte d’autrui).

2. Traditio brevi manu : Le détenteur devient possesseur (ex : l’emprunteur achète


l’objet). Avantage : Facilement prouvable par contrat (surtout s’il est écrit).

B. Interversion non contractuelle


Plus délicate car sans acte juridique clair.

a) Changement d’état d’esprit spontané

Ex : Un locataire décide qu’il est désormais propriétaire → apparition de l’animus.

20
Mais :

- Article 2257 C. civ présume la perpétuité de la détention précaire.


- Article 2270 C. civ : « On ne peut pas prescrire contre son titre. »
→ La simple volonté de changer d’état d’esprit ne suffit pas pour rendre l’animus
opposable aux tiers.

b) Transmission héréditaire

Les héritiers d’un détenteur précaire héritent aussi de la précarité (article 2267 C. civ).
Même s’ils croient être propriétaires, leur possession n’est pas reconnue si les conditions de
l’article 2268 ne sont pas remplies.

4. Les deux cas d’interversion opposable aux tiers


(article 2268 C. civ)
a) Par l’intervention d’un tiers
Ex : Le locataire achète le bien à une personne qui se prétend propriétaire.

Ce changement de titre est opposable au vrai propriétaire car il résulte d’un évènement
extérieur.
Deux conditions :

- Bonne foi : le possesseur ne savait pas que le vendeur n’était pas le vrai
propriétaire.
- Le corpus doit refléter la possession réelle (ex : cesser de payer les loyers).

b) Par contradiction au droit du propriétaire


Le détenteur s’oppose clairement au droit du propriétaire (ex : refus explicite de payer les
loyers en affirmant être propriétaire).
Une manifestation claire de l’animus est nécessaire.
Le simple fait d’arrêter de payer sans explication ne suffit pas.

Effets de l’interversion opposable


Le détenteur devient plein possesseur.
Ce changement ouvre la voie à la prescription acquisitive (usucapion), si les conditions de
durée sont remplies.

Section 2 : Les qualités et les vices de la possession


Le principal effet de la véritable possession (corpus + animus) est l’acquisition d’un droit par
usucapion (prescription acquisitive).

21
Mais seule la possession, et non la simple détention, permet de prescrire un droit.

Les conditions pour prescrire :


Il faut que la possession réunisse certaines qualités, sans quoi elle est viciée et ne permet
pas la prescription.

L’article 2261 du Code civil les énumère : « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession
continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. »
Attention :

- L’interruption n’est pas un vice, mais une disparition temporaire de la possession.


- La précarité (ex : détention au nom d’autrui) n’est pas un vice non plus, elle exclut
simplement l’animus donc la possession.

Donc, les 4 qualités essentielles sont :

- Continuité (vs discontinuité)


- Paisibilité (vs violence)
- Publicité (vs clandestinité)
- Univocité (vs équivoque)

§1. Possession continue / vice de discontinuité


Une possession est discontinue quand le corpus n’est pas exercé de manière régulière. Tout
dépend du type de bien : → On ne possède pas un bateau comme une haie. Ce qui compte,
c’est ce que ferait un propriétaire normal.

Exemples :

- Un bateau de plaisance utilisé seulement l’été : possession continue.


- Même bateau utilisé une fois tous les 5 ans : discontinuité.
- Haie taillée selon le rythme habituel du type de haie : continue ou discontinue selon
le cas.

→ Le juge apprécie la situation selon le bien et le comportement habituel d’un propriétaire.

§2. Possession paisible / vice de violence


Article 2263 C. civ. : « Les actes de violence ne peuvent fonder une possession capable de
prescrire. La possession utile ne commence que lorsque la violence a cessé. »

La violence comprend :

- Vol, effraction, menaces


- Violence physique ou morale

Seule la victime peut invoquer ce vice (vice relatif).

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Deux positions doctrinales :

- La violence initiale vicie définitivement la possession.


- La violence peut cesser : la possession n’est plus viciée une fois la violence
terminée → prescription possible après.

Jurisprudence : la violence peut vicier au début ou en cours de possession. → La


prescription repart de zéro une fois la violence terminée.

§3. Possession publique / vice de clandestinité


La possession est clandestine quand elle est volontairement cachée.

Exemples :

- Sortir une voiture seulement la nuit


- Entrer dans un immeuble par une porte dérobée

Mais tout dépend du type de bien :

- Garder un lingot d’or dans un coffre : pas clandestin


- Ne jamais utiliser une voiture : peut être clandestin

→ La dissimulation doit être intentionnelle.

→ La prescription ne commence qu’une fois la possession rendue publique.

→ Ce vice est relatif : seule la personne à qui on a caché la possession peut l’invoquer.

§4. Possession univoque / vice d’équivoque


La possession est équivoque quand on ne sait pas si la personne possède en son nom ou
pour un autre.

Exemples :

- Un héritier utilise un bien tout seul : il semble agir comme un coindivisaire, donc
possession ambiguë
- Un concubin prétend posséder un meuble chez lui, mais sans preuve : la possession
est équivoque car le corpus est partagé

→ Ce vice est absolu : tout le monde peut l’invoquer.

Section 3 : Les effets de la possession

→ Possession viciée = pas d’effets

→ Possession non viciée : plusieurs effets :

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Faire présumer que le possesseur est titulaire du droit possédé= Cela se traduit par le fait
que si l’on agit en revendication contre le possesseur et qu’on se prétend propriétaire, on
doit prouver notre droit. La possession fournit une apparence de droit, le possesseur
bénéficie d’une sorte de présomption de titularité de ce droit, celui-ci peut être renversé par
la preuve contraire (contrat d’acquisition) → présomption quasi-légale ou jurisprudentielle
car elle ne découle pas de la loi. Autrement dit, le possesseur dont la possession n’est pas
viciée est en position de force, c’est à son adversaire de renverser sa position en prouvant
positivement son droit.

La possibilité d’acquisition du droit possédé = usucapion ou prescription acquisitive= Les


modalités d’acquisition varient selon la nature du bien. Traditionnellement pour les meubles,
on utilisait rarement le concept d’usucapion. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

La possession non-viciée est de bonne foi et entraîne l’acquisition des fruits de la chose →
En principe, les fruits appartiennent au propriétaire de la chose = article 547 du CC : “Les
fruits naturels ou industriels de la terre, Les fruits civils, Le croît des animaux, appartiennent
au propriétaire par droit d’accession.” (= Mode d’acquisition d’un droit, en particulier de la
propriété, et qui s’applique par exemple au fait que l’on est propriétaire de l’agneau qui est
né de notre brebis).

→ Les fruits peuvent également être attribués à toute personne détenant un titre, un droit
quelconque sur ceux-ci :

- L’usufruitier qui a l’usus et le fructus

- Locataire d’un immeuble qui comporte un jardin avec des arbres fruitiers

En principe, le simple possesseur n’a pas le droit aux fruits de la chose dont il est
possesseur, car ils appartiennent au propriétaire.

→ Il serait sévère d’exiger la restitution des fruits à chaque fois au propriétaire du bien de la
part d’un possesseur, car il arrive que le possesseur agisse en toute bonne foi, et les fruits
sont donc consommés par les possesseurs. Condamner le possesseur à restituer ses fruits
en valeur pourrait revenir à le ruiner. Cependant, il ne l’a pas mérité, car il était de bonne foi
et se croyait propriétaire.

C’est en distinguant les possesseurs de bonne foi et ceux de mauvaise foi que le droit
attribue un certain régime (art. 549 et 550).

1ère hypothèse : Le possesseur de mauvaise foi

Le possesseur de mauvaise foi doit restituer les fruits en valeur. De plus, il aura le droit à
une indemnité pour les frais qu’il aura engagés pour la perception des fruits. En effet,
parfois, pour percevoir les fruits, on doit dépenser de l’argent (par exemple, frais de récolte ;
lorsque l’on a mis en location un appartement, mais que le locataire a cessé de payer, et
quand on engage la procédure, ça coûte de l’argent, comme la saisine d’un huissier).

Cette solution pour le possesseur de mauvaise foi est admise par la jurisprudence qui
s’appuie sur l’article 548 du Code civil : “Les fruits produits par la chose n’appartiennent au

24
propriétaire qu’à la charge de rembourser les frais des labours, travaux et semences faits
par des tiers et dont la valeur est estimée à la date du remboursement.”

2ème hypothèse : Le possesseur de bonne foi

→ Article 550 : Le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en
vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.

Le possesseur est de bonne foi au moment de la perception des fruits, il se croyait


propriétaire de la chose frugifère.

→ Article 549 : Le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de
bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au
propriétaire qui la revendique ; si lesdits produits ne se retrouvent pas en nature, leur valeur
est estimée à la date du remboursement.

=> Cet article lui permet de s’approprier les fruits de la chose sans avoir à rembourser le
propriétaire = régime de faveur envers ce possesseur de bonne foi qui se croyait
propriétaire.

La définition à l’article 550 signifie que pour bénéficier de l’article 549, c’est-à-dire pour avoir
le droit de conserver les fruits sans avoir à les restituer, le possesseur doit avoir cru être
titulaire d’un

Section 3 : Les effets de la possession


Possession viciée = pas d’effets

La possession viciée ne produit aucun effet juridique.

Possession non viciée : plusieurs effets

Présomption de titularité du droit possédé= La possession d’un bien présume que le


possesseur est titulaire du droit. Si quelqu’un revendique la propriété, il doit prouver son
droit, la possession fournissant une apparence de droit. Cette présomption est quasi-légale
et peut être renversée par la preuve du contraire (par exemple, un contrat d’acquisition).

Possibilité d’acquisition du droit possédé : usucapion ou prescription acquisitive = Les


modalités varient selon la nature du bien. Traditionnellement, l’usucapion était rarement
utilisée pour les meubles, mais c’est moins vrai aujourd’hui.

Acquisition des fruits de la chose pour un possesseur de bonne foi = En principe, les fruits
appartiennent au propriétaire de la chose (art. 547 du CC). Cependant, un possesseur de
bonne foi peut conserver les fruits consommés pendant sa possession.

- Possesseur de mauvaise foi = Doit restituer les fruits en valeur, mais peut
demander une indemnité pour les frais engagés dans leur perception (frais
de récolte, par exemple).

25
(Article 548 du Code civil : le possesseur de mauvaise foi doit rembourser
les frais faits par des tiers).

- Possesseur de bonne foi = (Article 550 du Code civil) : Il est de bonne foi
lorsqu’il possède en croyant être le propriétaire, et peut conserver les fruits
de la chose qu’il perçoit, même s’il apprend plus tard qu’il n’en est pas le
véritable propriétaire. La bonne foi cesse lorsqu’il découvre qu’il n’a pas de
droit sur la chose.

Section 4 : La protection de la possession


Pourquoi protéger la possession ?

Titularité présumée du droit possédé : Lorsqu’il y a une coïncidence entre le possesseur et


le propriétaire, il faut protéger la possession.
Empêcher les actions violentes de tiers : Un possesseur, même sans droit, ne doit pas être
victime d’agissements physiques de tiers pour enlever sa possession.

Protection juridique de la possession

Article 2278 du Code civil : La possession est protégée contre les troubles qui la touchent,
sans avoir à se poser la question de la titularité du droit sous-jacent.
Les actions possessoires permettent de faire cesser un trouble à la possession,
indépendamment de l’existence d’un droit sur la chose.

Actions possessoires

Avant 2010, trois actions possessoires existaient pour protéger la possession :

- Action en réintégration
- Complainte
- Renonciation de nouvel œuvre

Cependant, depuis 2015 et la loi du 16 février, ces actions ont été abrogées, car jugées
obsolètes. Elles ont été remplacées par des procédures plus simples et rapides, telles que
les référés.

Référés

Procédure rapide et provisoire : Par exemple, si quelqu’un construit un mur devant votre
porte empêchant l’accès à votre propriété, vous pouvez demander, en référé, la destruction
du mur. Le juge ordonnera la remise en état sans avoir à se prononcer sur la titularité du
droit.
Article 835, alinéa 1er du Code de procédure civile : Ce texte permet de demander, même
en présence d’une contestation sérieuse, des mesures conservatoires en référé pour
protéger la possession.

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Titre 2 : La portée du droit de propriété : les limites aux
caractères absolu et exclusif du droit de propriété
1. Les servitudes : limite au caractère exclusif
Définition : Droit réel qui profite à un fonds dominant au détriment d’un fonds servant
(voisin).
Le fonds servant est grevé d’une servitude : le propriétaire n’en a pas l’usage exclusif.

Exemples de servitudes :

- Servitude de passage : droit de passer sur le fonds voisin.


- Servitude de vue : ouverture possible même en violation des distances légales (si
ancienneté ou accord).
- Servitude d’écoulement des eaux : le fonds en contrebas doit supporter l’eau du
fonds dominant.

→ Effet : Le propriétaire du fonds servant partage l’usage = atteinte au caractère exclusif.

2. Limites au caractère absolu du droit de propriété


Section 1 : Les inaliénabilités et les limites au droit de disposer

Inaliénabilité = impossibilité de céder un bien = atteinte à l’abusus (droit de disposer).


Clause d’inaliénabilité :

- Valable si : (1) Temporaire et (2) Justifiée par un intérêt sérieux et légitime (Art. 900-1
Code civil).

- Sanction : toute vente faite en mépris de cette clause est nulle.


- Durée possible = vie du disposant (ex : maison familiale donnée à un enfant jusqu’à
décès des parents).

3 types d’intérêt :

- Disposant (ex : conserver bien dans la famille)


- Bénéficiaire (ex : protéger un ami prodigue)
- Tiers (ex : préserver l’usage pour une colonie de vacances)

Inaliénabilités légales : ex : protection du patrimoine culturel (interdiction d’exportation).

Le droit de préemption : autre limite au droit de disposer librement

Droit pour une personne de se substituer à un acheteur.


Exemples :

- SAFER : droit sur terrains agricoles (Code rural).


- Préemption urbain : communes (Code de l’urbanisme).

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- Préemption locataire : logement loué (loi 6 juillet 1989, art. 15).

→ Effet : le propriétaire ne choisit plus librement l’acheteur = limite à l’absolutisme du droit.

3. Théorie des troubles anormaux du voisinage et de l’abus de droit


Théorie de l’abus de droit

Un droit mal utilisé peut engager la responsabilité civile.


Exercice fautif = malveillance, négligence, imprudence.
Exemple célèbre : fausses cheminées bloquant la lumière du voisin (arrêt Colmar, 1855).

Théorie des troubles anormaux du voisinage

Même sans faute, un trouble anormal (ex : bruit excessif) engage la responsabilité.

→ Base juridique : Article 1240 du Code civil = « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause
à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Sanctions
possibles : Dommages-intérêts. Cessation du trouble.

Section 2 : La théorie des troubles anormaux du voisinage


Cette théorie a été développée par la jurisprudence, notamment dans un arrêt de la Cour de
cassation de 1844. Aucun texte de loi ne l’a créée, même si certains textes contribuent à
l’organiser.

Elle se rapproche de la théorie de l’abus de droit, mais s’en distingue par son domaine
d’application, ses conditions et ses effets juridiques.

§1. Le domaine d’application de la théorie des troubles anormaux du


voisinage
Contrairement à l’abus de droit, cette théorie ne s’applique qu’aux relations de voisinage,
c’est-à-dire entre personnes dont les propriétés sont proches.

Les troubles concernés :

Ils sont nombreux :

- Bruit, même si l’auteur prend toutes les précautions (ex : activité bruyante par
nature).
- Poussières, fumées, odeurs, vibrations, etc.
- Autres exemples reconnus par la jurisprudence :
Privation de lumière due à une construction conforme aux règles.
Chute massive de feuilles d’un arbre.
Dépréciation d’un bien à cause de la proximité d’un ancien bordel légal (avant 1946).

Caractéristiques :

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Elle est liée à l’usage ou à la présence d’un immeuble.
Elle relève à la fois du droit des biens (immobilier) et du droit de la responsabilité.

Exemples jurisprudentiels :

Cass. 2001 : immeuble de 72 logements remplaçant des vignes = trouble anormal car la vue
d’un voisin est gâchée.
Cass. 2001 : transformation d’une maison individuelle en 7 logements loués = trouble du
voisinage (perte d’harmonie et de tranquillité).
Les locataires peuvent aussi être responsables.

§2. Les conditions d’application de la théorie des troubles anormaux du


voisinage
A. Une responsabilité sans faute

Contrairement à l’abus de droit, aucune faute n’est requise.


La seule condition est l’existence d’un trouble anormal, considéré comme un préjudice en
soi.
Pourtant, les juges invoquent souvent à tort l’article 1240 du Code civil (responsabilité pour
faute) ou l’article 544 (droit de propriété) pour fonder leur décision.

Exemple important : Cass. 3e civ., 16 mars 2022 : un acquéreur d’immeuble a été jugé
responsable d’un trouble causé avant son achat. → C’est donc la propriété elle-même qui
fonde la responsabilité.

B. Le seuil d’anormalité

Tous les troubles ne sont pas condamnables : seuls ceux qui dépassent les inconvénients
normaux du voisinage.
Les juges apprécient souverainement l’anormalité, en fonction :

- de la nature et de l’intensité du trouble, - du contexte géographique.

Exemples :

- Une usine bruyante est plus tolérable dans une zone industrielle que dans une zone
résidentielle.
- Les odeurs de lisier sont normales à la campagne, moins en ville.

C. L’incidence de la préoccupation

Question : Peut-on échapper à sa responsabilité si l’activité gênante existait avant l’arrivée


du plaignant ?

→ Réponse nuancée selon les juridictions :

- Jurisprudence administrative : admet la préoccupation individuelle → le plaignant


savait à quoi s’attendre.
- Jurisprudence civile : longtemps hostile, mais assouplie depuis 1976 avec la loi.

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Article L.113-8 du Code de la construction et de l’habitation : Pas de réparation si le permis
de construire, l’achat ou le bail est postérieur à l’activité en cause, et que celle-ci respecte la
loi.

Exemple : Si un lotissement est construit après une piste de karting, les riverains ne peuvent
pas se plaindre sauf si l’activité a changé (ex : ouverture étendue).

§3. La réparation des troubles anormaux du voisinage


Deux formes principales de réparation :

- Dommages-intérêts
- Réparation en nature (ex : abattage d’un arbre, réduction d’activité, isolation
phonique…)

→ Aujourd’hui, les juges privilégient de plus en plus les réparations en nature, parfois

combinées aux dommages-intérêts. Titre 3 : L’acquisition de la propriété

Deux grands modes d’acquisition :

Mode dérivé : transfert du droit de propriété entre vifs (donation, échange) ou à cause de
mort (succession, testament).
Mode originaire : création d’un nouveau droit de propriété dans un patrimoine, sans transfert
d’un précédent propriétaire. Exemples : occupation, possession, prescription acquisitive
(usucapion), accession.

Les modes originaires d’acquisition de la propriété :


Section 1 : L’acquisition par occupation

Définition : s’approprier une chose sans maître (res nullius ou res derelicta).
Exemples :

- Objet abandonné (res derelicta) devient propriété dès l’appropriation.


- Chasseur tuant un animal sauvage (res nullius) en devient propriétaire.

Trésors : également concernés par l’occupation selon le Code civil.

Section 2 : L’acquisition par l’effet de la possession

La possession, situation de fait, permet parfois d’acquérir un droit, notamment la propriété


via l’usucapion.

§1. L’usucapion ou prescription acquisitive


A. Conditions générales de l’usucapion

Bien susceptible d’usucapion

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- Article 2260 C. civ. : les biens hors du commerce juridique sont
imprescriptibles (ex : cocaïne, armes de guerre, biens publics).

Biens publics = inaliénables + imprescriptibles (L.3111-1 CGPPP).


Certains biens peuvent être aliénables mais imprescriptibles (ex : monuments historiques,
L.621-17 code du patrimoine).

Possession non viciée

Conditions :

- Non violente
- Publique
- Univoque
- Continue

Exclusion :

- Actes de pure faculté : exercice normal d’un droit (ex : percer un jour dans un
mur privatif).
- Actes de tolérance : usage permis par le véritable propriétaire (ex :
entreposer des outils dans un appentis prêté par un voisin).
- Ces actes ne constituent pas une possession utile à la prescription.

B. Délais de la prescription acquisitive

1. Prescription trentenaire

Article 2272 al. 1 C. civ. : 30 ans de possession non viciée pour acquérir la propriété
(meuble ou immeuble).
Attention à ne pas confondre avec la prescription extinctive (5 ans pour une créance,
art. 2224).
Certaines servitudes se perdent aussi après 30 ans de non-usage (art. 2227).

2. Prescription abrégée (10 ans)

Article 2272 al. 2 C. civ. : Prescription possible après 10 ans si trois conditions sont
réunies :

- Bonne foi au moment de l’acquisition (présumée, art. 2274, sauf preuve


contraire). Si mauvaise foi survient ensuite, elle ne fait pas obstacle à
l’usucapion abrégée (art. 2275).
- Bien immobilier (pas applicable aux servitudes).
- Juste titre : acte translatif, à titre particulier, non entaché de nullité absolue.
Exemples : vente, donation, legs particulier.
Ne sont pas des justes titres : Actes déclaratifs (ex : partage successoral).
Contrats non translatifs (ex : prêt, dépôt). Actes nuls (ex : pour vice de forme
ou cause illicite)

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2. La computation (le calcul) des délais
A. Règles générales
Article 2228 C. civ : La prescription se compte en jours, pas en heures.
Le premier jour ne compte pas.
Article 2229 C. civ : La prescription est acquise lorsque le dernier jour est accompli (expire à
minuit).

Exemple : Possession d’un terrain débutée le 1er juillet 2010 à 15h → prescription abrégée
de 10 ans

→ le délai commence le 2 juillet 2010 à 00h, expire le 1er juillet 2020 à minuit.

B. Mécanismes perturbateurs de la computation


a) La jonction des possessions

Article 2265 C. civ : On peut joindre à sa possession celle de son auteur (héritage, vente,
etc.).

Exemple : Vendeur A a possédé 2 ans, son vendeur B 4 ans → moi 0 an → je dois posséder
4 ans pour compléter 10 ans.

Cas spécifiques :

- Héritier à titre universel : on incarne le défunt, on reprend sa situation juridique


(même bonne ou mauvaise foi).
- À titre particulier : on ne reprend pas sa situation mais on peut ajouter sa possession
à la nôtre.

Synthèse :

- Bonne foi + juste titre → prescription de 10 ans


- Mauvaise foi ou possession mixte → prescription de 30 ans
- Si l’actuel possesseur est de bonne foi mais qu’un ancien ne l’était pas → deux
options : Posséder seul pendant 10 ans, Renoncer à sa bonne foi et cumuler pour
arriver à 30 ans

b) L’interruption de la prescription

Effet : le délai repart de zéro

Interruption naturelle : perte de la possession (ex : perte d’animus ou de corpus) Article


2271 C. civ : prescription interrompue si le possesseur est privé plus d’un an de la
jouissance d’un bien par le proprio ou un tiers.

Pourquoi 1 an ? Pour éviter qu’une courte privation remette à zéro la prescription.

Interruption civile :

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- Article 2241 C. civ : Une demande en justice interrompt la prescription (même si la
juridiction est incompétente ou la procédure annulée).
- Article 2240 C. civ : La reconnaissance du droit du propriétaire par le possesseur
interrompt également la prescription (et fait perdre l’animus).

→ Dès qu’un procès commence, le délai repart à 0, et ne recommence qu’à la fin de


l’instance (article 1242).

c) La suspension de la prescription

Différence avec l’interruption :

- Suspension : le délai est mis en pause, mais reprend là où il s’était arrêté.


- Exemple : prescription de 30 ans → 7 ans déjà écoulés → suspension → 2 ans
après, ça reprend à 7 ans → reste 23 ans.

Causes de suspension :

- Entre époux ou partenaires PACSés


Article 2236 C. civ : la prescription ne court pas entre époux/PACSés
Objectif : préserver la paix du ménage

- Mineurs non émancipés / majeurs en tutelle


Article 2235 C. civ : la prescription ne court pas contre eux (sauf pour certains
paiements périodiques)
- Empêchement d’agir (loi, convention ou force majeure)
Article 2234 C. civ
Prescription suspendue si une personne est dans l’impossibilité d’agir (coma,
catastrophe naturelle…)
Adage : “Contra non valentem agere non currit praescriptio”

Précision jurisprudentielle : Si la personne avait encore suffisamment de temps d’agir après


l’empêchement, alors pas de suspension admise.

C. Les effets de l’usucapion


Une fois la prescription acquisitive (usucapion) réalisée, il convient de s’interroger sur les
conséquences juridiques qui en découlent.

1. L’effet rétroactif de la prescription


Même en l’absence de texte, doctrine et jurisprudence s’accordent à reconnaître un effet
rétroactif à l’usucapion. Cela signifie que le possesseur est considéré comme propriétaire
depuis le début de sa possession, une fois le délai prescrit écoulé. Il s’agit ici d’une fiction
juridique.

33
Exemple : Une personne possède un immeuble pendant 30 ans. À la fin de ce délai, elle
devient propriétaire, mais rétroactivement, elle est censée l’être depuis le premier jour de
possession.

Justification de cette rétroactivité : Elle vise à protéger les tiers qui ont contracté avec le
possesseur avant que le délai soit écoulé.

Ex : Si le possesseur loue l’immeuble avant la fin de la prescription, la rétroactivité permet


de considérer qu’il était déjà propriétaire à ce moment-là, protégeant ainsi le locataire.

En revanche, les actes passés par l’ancien propriétaire peuvent être remis en cause s’il
s’avère rétroactivement qu’il ne l’était plus à la date de l’acte.

2. La possibilité de renoncer à l’usucapion


Le possesseur peut renoncer au bénéfice de la prescription, expressément ou tacitement.
Cela s’explique par la dimension moralement discutable de l’usucapion (acquisition par
inertie du propriétaire initial).

Mais cette liberté connaît trois limites :

1ère limite (Art. 2250) : On ne peut renoncer à l’avance à une prescription non encore
acquise.

Principe issu du droit des obligations : on ne peut renoncer à un droit que lorsqu’on l’a déjà
acquis.

2ème limite (Art. 2252) : Celui qui ne peut exercer lui-même ses droits (ex : mineur,
incapable) ne peut renoncer seul à la prescription acquise.
Car renoncer à la prescription revient à aliéner un droit, il faut donc avoir la capacité
juridique d’aliéner.

3ème limite (Art. 2253) : Les créanciers ou toute personne ayant intérêt à ce que la
prescription soit acquise peuvent s’y opposer.
Même si le possesseur renonce, un créancier peut invoquer la prescription à sa place.

Exemple : Un débiteur usucape un bien. Son créancier peut s’opposer à la renonciation, car
cela préserverait le bien dans le patrimoine du débiteur, et donc le gage du créancier.

§2. Les règles propres à la matière mobilière


Les meubles présentent certaines spécificités :

- Ils sont facilement déplaçables


- Leur traçabilité est limitée
- Les transactions orales sont fréquentes

Ces caractéristiques expliquent pourquoi le risque d’acquisition à non domino est plus élevé
avec les meubles.

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C’est pourquoi, l’article 2276 al.1 du Code civil pose un principe fondamental : « En fait
de meubles, possession vaut titre » Cela a deux effets :

1. L’effet acquisitif
La possession d’un meuble permet au possesseur de devenir immédiatement propriétaire,
même si le bien provient d’un non-propriétaire (sous conditions).

Mais la jurisprudence impose deux critères :

- Bonne foi : le possesseur devait croire qu’il recevait la chose du véritable


propriétaire.
- Possession non viciée : paisible, publique, continue et non équivoque.

Limite (art. 2276 al.2) :


Si le meuble a été perdu ou volé, le propriétaire initial peut le revendiquer pendant 3
ans, même contre un possesseur de bonne foi.
Ce délai est de forclusion (non susceptible de suspension).
Précision (art. 2277 al.1) :
Si le possesseur a acheté le bien dans une foire, marché ou auprès d’un professionnel,
le propriétaire ne peut le récupérer qu’en remboursant le prix d’achat.

En revanche, si la possession est viciée ou de mauvaise foi, ni l’effet acquisitif immédiat ni la


protection de l’art. 2276 ne s’appliquent.
Dans ce cas, seul un délai de 30 ans permettrait au possesseur de devenir propriétaire
(prescription de droit commun).

2. L’effet probatoire
Cela concerne les conflits entre le possesseur et son auteur (ou ses héritiers), lorsqu’aucun
des deux n’a de preuve écrite (ex : vente ou prêt oral).

En l’absence de preuve, l’article 2276 permet de présumer qu’un transfert de propriété a eu


lieu.
Cette présomption bénéficie au possesseur : c’est à l’auteur de prouver que le bien a été
prêté et non vendu.

Conditions de cette présomption :


- Possession exempte de vice (utile)
- La bonne foi est généralement présumée, sauf preuve contraire

Section 3 : L’acquisition de la propriété par accession


Théorie de l’accessoire
Principe : Une chose accessoire suit le régime juridique de la chose principale.
Adage : L’accessoire suit le principal.

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But : Éviter la pluralité de régimes juridiques pour des choses liées.
Cette théorie fonde la théorie de l’accession.

Théorie de l’accession
Article 546 Code civil : Le droit d’accession permet au propriétaire d’une chose de devenir
aussi propriétaire de tout ce qui s’y unit ou en provient, naturellement ou artificiellement.
Deux formes :

- Accession par production


- Accession par incorporation

§1. L’accession par production


1. Les fruits
Article 547 Code civil : Le propriétaire a droit aux fruits naturels, industriels, civils, et au croît
des animaux.
Exemple : Les petits d’une chienne appartiennent à son propriétaire.

Article 549 Code civil : Le possesseur de bonne foi peut garder les fruits. Le possesseur
de mauvaise foi doit les restituer. Limites au droit d’accession :

- Un titre peut attribuer les fruits à un tiers (ex : usufruitier, locataire).


Exemples :
Usufruitier = a le droit aux fruits.
Locataire = peut consommer les fruits du pommier du jardin loué.

2. Les produits
Non mentionnés par le texte, mais admis dans la pratique.
Exemple : Pierres extraites d’une carrière = appartiennent au propriétaire de la carrière.

§2. L’accession par incorporation


A. L’accession à un meuble
Article 551 Code civil : Tout ce qui s’incorpore à une chose appartient au propriétaire.

Trois formes d’incorporation mobilière :

L’adjonction : Union de deux choses conservant leur individualité.


Ex : Tableau + cadre ; bague + diamant.

La spécification : Transformation d’une matière en un objet nouveau.


Ex : Or transformé en bijou, bois travaillé en commode.

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Le mélange : Fusion de matières rendant la séparation difficile.
Ex : Métaux fondus pour former du bronze ; peinture sur une voiture.

Conflits de propriété :

Article 565 Code civil :

- Al. 1 : Le juge statue selon l’équité naturelle.


- Al. 2 : Des règles-conseils sont fournies (art. 565 à 577), mais rarement utilisées.

En pratique : Les contrats ou article 2276 (possession vaut titre) règlent souvent les litiges.
Attention : Accession mobilière = uniquement pour meubles corporels.

B. L’incorporation à un immeuble
Article 552 al. 1 : « La propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous ».
Tout ce qui est ajouté ou intégré à un immeuble appartient au propriétaire du sol.
Ex : Bâtiments construits sur un terrain ; cave creusée sous un terrain.

Formes d’incorporation immobilière :

L’accession naturelle : Provoquée par la nature (eaux, animaux attachés à un immeuble).


Exemples :

- Alluvion (dépôt de terre par une rivière).


- Avulsion (portion de terrain emportée).
- Lapins de garenne, pigeons qui changent de pigeonnier.

Articles applicables : 556 à 564 Code civil + codes environnement, rural, pêche maritime,
CGPPP.
Attention : Pas toujours une vraie accession (ex : propriétaires déjà titulaires de la moitié
d’une rivière).

2. L’accession artificielle
Définition générale
L’accession artificielle intervient en matière immobilière lorsqu’une construction ou plantation
est réalisée sur un immeuble.
Principe : la chose construite ou plantée devient automatiquement la propriété du
propriétaire du sol, sans qu’il ait à accomplir un acte.
Adage : Superficies solo cedit → la superficie (ce qui est construit) cède au sol.

Principes fondamentaux
Accessibilité automatique et immédiate : aucune formalité n’est requise.
Exemples jurisprudentiels concernent souvent des constructions sur le terrain d’autrui.

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Exception : Locataire constructeur
En cas de bail immobilier, la construction reste propriété du locataire jusqu’à l’expiration du
bail.
À ce moment-là, l’accession joue et le bailleur devient propriétaire.

Contrats dérogatoires
Il est possible de contractualiser des règles différentes de celles prévues par la loi :

- Droit de superficie : permet au constructeur de devenir propriétaire de ce qu’il a bâti.


- Bail à construction / emphytéotique : le propriétaire du terrain autorise la
construction, perçoit un loyer, puis récupère la propriété de la construction à terme.
- Possibilité d’écarter définitivement l’accession : la construction reste propriété du
constructeur même après la fin du bail.
- Les parties peuvent aussi prévoir une accession immédiate, même si la loi la

retarde. Cas complexe : bénéficiaire difficile à identifier

Arrêt du 17 décembre 2002 :

- Époux séparés de biens, terrains voisins, construction commune.


- La maison et le hangar sont majoritairement sur le terrain de la femme → elle
devient propriétaire.
- Principe : Major pars trahit ad se minorem → la partie majeure attire la mineure.
- Le mari a été indemnisé.

a) Construction avec les matériaux d’autrui


Article 554 du Code civil :

- Le propriétaire du sol doit payer la valeur des matériaux à la date du paiement.


- Il peut aussi devoir des dommages-intérêts en cas de mauvaise foi.
- Le propriétaire des matériaux ne peut pas les reprendre.

Conditions pour indemnisation supplémentaire :


Faute du constructeur
Préjudice pour le propriétaire des matériaux
Lien de causalité entre les deux

b) Construction sur le terrain d’autrui


Article 555 du Code civil :
Si un tiers construit avec ses propres matériaux, le propriétaire du terrain peut :

- Conserver la construction et indemniser : Soit le coût des matériaux + main-d’œuvre


(à l’état actuel), Soit la plus-value apportée au terrain.

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- Exiger la démolition, aux frais du tiers (aucune indemnité si mauvaise foi).

Si le constructeur est de bonne foi, il doit être indemnisé et ne peut être forcé à démolir.

Notion de bonne/mauvaise foi :


Bonne foi = possesseur en vertu d’un acte translatif de propriété et ignorant ses vices.
Un locataire, même autorisé à construire, n’est pas de bonne foi (arrêt Kalil, 12 juillet 2000).

Portée des règles :


L’article 555 est supplétif → les parties peuvent y déroger par contrat.
Inapplicable en cas d’empiètement intégral sur le terrain d’autrui → démolition exigée
(jurisprudence sur l’empiètement).

3. La théorie des impenses


Définition
Impenses = dépenses faites sur un immeuble.
S’applique lorsque le possesseur n’a pas construit, mais a réalisé des travaux (ravalement,
réparations, etc.).
Théorie jurisprudentielle issue de diverses branches du droit (successions, obligations,
usufruit…).

3 types d’impenses :
a) Impenses nécessaires

Indispensables pour éviter la détérioration de l’immeuble.


Ex. : réparation d’une toiture après une tempête.
Remboursées au possesseur, indépendamment du bénéfice qu’il en a tiré.

b) Impenses utiles

Apportent une plus-value, sans être indispensables.


Ex. : installation de double vitrage.
Le propriétaire choisit de rembourser :

- Soit la valeur de la plus-value subsistante.


- Soit le montant de la dépense.

c) Impenses somptuaires/voluptuaires

Dépenses de confort ou esthétiques qui ne génèrent pas de plus-value.


Ex. : repeindre un mur dans une couleur différente. Aucune
indemnisation.

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Titre 4 : Les règles spécifiques à la propriété
immobilière
Chapitre 1 : L’étendue de la propriété immobilière
La propriété immobilière concerne non seulement le sol, mais aussi l’espace au-dessus et
en dessous du terrain.

Section 1 : La propriété du sol

Le propriétaire du sol bénéficie de deux droits principaux :

§1. Le droit au bornage

Article 646 C. civ. : Tout propriétaire peut obliger son voisin à borner les terrains contigus. Le
bornage est réalisé par un géomètre, qui pose des bornes physiques et établit un procès-
verbal.
Ce droit est important en cas de litige de limite entre voisins.

§2. Le droit de se clore

Articles 647 et 648 C. civ. + Code rural : Tout propriétaire peut clôturer son terrain (mur, haie,
grillage…).
Exception : Article 682 → interdiction de se clore si une servitude de passage est imposée
(accès à la voie publique).
Conséquences du droit de clôture :

- Perte du droit de parcours et de vaine pâture.


- Le terrain devient inaccessible au bétail des autres.

Article 663 C. civ. : Obligation de se clore en ville ou faubourg. Si deux terrains sont bâtis,
les voisins peuvent être contraints de participer à la construction d’un mur mitoyen (hauteur
réglementée).
Jurisprudence : S’applique uniquement si les terrains sont bâtis (habitation, cour, jardin).
Type de clôture imposable : uniquement un mur, pas un grillage.
Hauteur : Selon les usages locaux ou article 663 (ex. : 3,2 m dans les villes > 50 000
habitants).

Section 2 : La propriété du dessus et du dessous

Article 552 al. 1 C. civ.

La propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous (présomption légale, sauf preuve
contraire).

§1. La propriété du dessus

Le propriétaire est présumé propriétaire de l’espace aérien au-dessus du terrain.


Théoriquement : propriété jusqu’à l’atmosphère.
En pratique : limitée par :

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- Règlements d’urbanisme.
- Servitudes (ex. : interdiction de construire, limitation de hauteur). - Passage
d’installations (ex. : câbles, avions, etc.).

Article 552 al. 2 C. civ. : Le propriétaire peut construire/planter, sauf servitude contraire.
Article 673 C. civ. : Il peut couper les racines ou branches empiétant sur son terrain.
Le droit de propriété peut être divisé en volumes (ex. : droit de superficie).

§2. La propriété du dessous

Le propriétaire est présumé propriétaire des tréfonds (sol, roches…).


Article 552 al. 3 C. civ. : Il peut construire ou fouiller sous son terrain, sauf limitation par :

- Code du patrimoine : L531-1 : fouilles archéologiques → autorisation obligatoire.


L541-1 : les vestiges archéologiques appartiennent à l’État.
- Code minier L131-1 : l’exploitation de mines nécessite une autorisation
administrative.
- Propriété du dessous = limitée et théorique, surtout pour les ressources ou vestiges.

Chapitre 2 : La preuve de la propriété immobilière


Principe général :

Article 1359 C. civ. impose un écrit pour les actes juridiques > 1500 €, mais insuffisant pour
prouver la propriété.
Un acte de vente ne prouve pas à lui seul que le vendeur était propriétaire.
→ Nécessité de prouver l’origine du droit (chaîne des propriétaires).

Liberté de la preuve (jurisprudence) :

La propriété immobilière se prouve par tout moyen, y compris :

- Possession prolongée.
- Paiement de taxe foncière. - Nom dans le cadastre.

Le juge apprécie souverainement la valeur de chaque élément.

Prescription acquisitive (usucapion) :

Possession non viciée pendant 30 ans = preuve de propriété.


Possibilité de faire la jonction des possessions successives pour atteindre 30 ans.
Notaire effectue une recherche d’antériorité sur 30 ans via la publicité foncière.

Cas de conflit entre deux acquéreurs :

Article 30 du décret du 4 janv. 1955 (publicité foncière) :

- Si deux personnes achètent le même bien d’un même vendeur, le premier qui publie
gagne.
- Même si l’autre a acheté avant, la publication prime.

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Conclusion générale :
Le droit de propriété est très complet (sol, dessus, dessous).
Il est limité par des textes, des servitudes, ou l’intérêt général.
La preuve de propriété est libre, mais repose souvent sur la probabilité et l’appréciation du
juge.

Partie 2 : Propriété individuelle et propriétés collectives


I. Contexte historique et conception révolutionnaire
En 1789, les révolutionnaires (bourgeoisie) avaient une conception très individualiste de la
propriété.
L’idée dominante : la propriété est un droit individuel.
Ils rejettent la propriété collective, fréquente sous l’Ancien Régime.

II. Existence persistante des propriétés collectives


Malgré la vision de 1789, la propriété collective a toujours existé et continue d’exister.

A. Les trois formes principales dans le Code civil :

L’indivision (copropriété ordinaire)


La mitoyenneté (clôtures séparant deux fonds)
La propriété par appartement (ancien nom de la copropriété)

B. Autres formes pratiques de propriété collective :

Propriété collective sur un puits


Propriété de cour commune (ex. : 3 maisons en U avec une cour centrale commune)
Propriété collective de chemins (chemin partagé entre voisins)

Section 1 : La copropriété ordinaire (= indivision)


Définition :
Un bien appartient à plusieurs personnes simultanément et globalement.
Chacun a une quote-part théorique mais est propriétaire de la totalité du bien.

Exemple : Un couple achète un appartement en indivision : chacun est propriétaire de la


totalité avec une fraction définie (ex. 40%-60%).

L’indivision n’est pas une personne morale.


Contrairement à une SCI, l’indivision n’a pas de personnalité juridique.

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Sources légales : Articles 815 à 815-18 du Code civil
Trois types d’indivision :

Successorale : après décès, les héritiers sont en indivision jusqu’au partage.


Post-communautaire : biens communs après divorce, régis par les articles 815 et suivants.
Conventionnelle : amis ou partenaires achètent ensemble un bien.

Convention d’indivision (Articles 1873-1 à 1873-18) :

Facultative mais utile pour organiser la gestion : usage, nomination d’un gérant, règles
d’occupation, etc.

Indivision particulière : La communauté matrimoniale


Tant que le mariage dure, les biens communs forment une communauté (articles 1400 et
suivants). Après dissolution : deviennent biens indivis (régime des articles 815 et suivants).

§1. Usage des biens indivis


Article 815-9 C. civ. :

- Chaque indivisaire peut user du bien dans le respect des droits des autres.
- En cas de jouissance exclusive, une indemnité de jouissance est due, même sans
occupation effective.

Si désaccord → le juge peut attribuer une jouissance privative à l’un des indivisaires
(provisoirement).

§2. Gestion de l’indivision


1. Actes de conservation :
Article 815-2 C. civ. Tout indivisaire peut prendre des mesures nécessaires pour conserver
le bien, même sans urgence.

Ex : réparer un toit après une tempête, faire venir un vétérinaire.

2. Actes d’administration (majorité des 2/3)

Article 815-3 C. civ.

Les indivisaires ayant au moins 2/3 des droits peuvent :

- Effectuer des actes d’administration,


- Donner un mandat d’administration,
- Vendre des meubles indivis pour payer dettes,
- Conclure certains baux (hors agricoles ou commerciaux).

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Exemple : mise en location d’un appartement indivis.

3. Actes de disposition : unanimité requise

Nécessitent l’accord de tous les indivisaires.


Ex : vendre une maison de campagne indivise.

Sanction du non-respect des règles (2/3 ou unanimité) :


Inopposabilité de l’acte aux autres indivisaires.
Ex : un vend seul un bien indivis => la vente n’est pas nulle, mais non opposable aux autres.

Attention : céder une quote-part est libre.


On peut vendre ou donner sa part (ex. : 1/14), car il ne s’agit pas du bien lui-même.

Sortie du blocage dans l’indivision


1. Article 815-5-1 C. civ. : Demande d’autorisation judiciaire pour vendre
Conditions :

- Les demandeurs détiennent au moins 2/3 des droits.


- L’aliénation ne doit pas porter atteinte excessive aux droits des autres.

Procédure :

- Déclaration d’intention d’aliéner devant notaire.


- Notification aux autres indivisaires (via commissaire de justice).
- En cas de refus ou de silence => saisie du juge.
- Le bien sera alors vendu par licitation (vente aux enchères).

2. Article 815-5 al. 1 : Acte passé seul en cas de refus bloquant


Un indivisaire peut être autorisé à agir seul si le refus d’un autre met en péril l’intérêt
commun.

3. Article 815-6 : Mesures urgentes


Le président du TJ peut autoriser toute mesure urgente nécessaire à l’intérêt commun.

Conclusion
Le législateur a prévu plusieurs mécanismes pour fluidifier l’indivision et éviter les blocages :

- Mesures urgentes,
- Autorisations judiciaires en cas de refus injustifié, -
Procédures spécifiques pour vendre un bien.

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§3. Cessation de l’indivision
Article 815 du Code Civil : L’indivision peut être cessée à tout moment par un partage, sauf
en cas de sursis par jugement ou convention. Le partage est l’acte qui met fin à l’indivision
en attribuant à chaque indivisaire une portion concrète des biens.

1. Définition du partage

Le partage est une opération où les copropriétaires attribuent une portion privative de biens.
Il peut être total (tous les biens partagés) ou partiel (seuls certains biens partagés,
l’indivision restant sur d’autres).

2. Types de partage

Amiable : Par accord entre les indivisaires. Exemple : dans une indivision successorale, on
partage une maison, une voiture et un appartement entre les héritiers.

Notarié : Nécessaire pour des biens immobiliers afin de procéder à la publicité foncière.
Privé : Pour des biens meubles, signé entre indivisaires.
Judiciaire : Lorsque l’accord amiable échoue, un indivisaire peut saisir le juge pour ordonner
le partage.

3. Le principe de partage :

Nature du partage : En principe, les biens sont partagés en nature, mais parfois, cela n’est
pas possible (ex : vente d’un bien immobilier).
Vente : Si un bien ne peut pas être partagé en nature (ex : une maison), le juge peut
ordonner sa vente, et les fonds sont répartis entre les indivisaires.

4. Le droit au partage

Article 815 : Chaque indivisaire a le droit de demander un partage. Il s’agit d’un droit de
l’ordre public qu’on ne peut renoncer à l’avance.
Droit constitutionnel : Le Conseil constitutionnel a reconnu ce droit comme étant
constitutionnel en 1999.
Le partage peut être différé par jugement (article 820, délai de 2 ans maximum) ou par
convention entre indivisaires.

5. Le sursis au partage

Sursis judiciaire (Article 820) : Le juge peut reporter le partage pendant 2 ans si un partage
immédiat pourrait nuire à la valeur des biens.
Convention : Les indivisaires peuvent aussi convenir de rester en indivision pour une durée
indéterminée ou déterminée, mais la durée déterminée ne peut excéder 5 ans (articles 1210
et 1211).

6. Les créanciers et l’indivision

Créanciers des biens indivis : Les créanciers ayant une créance antérieure peuvent saisir
les biens indivis avant le partage pour récupérer leur dû (article 815-17).Créanciers

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personnels des indivisaires : Ils ne peuvent pas saisir la quote-part d’un indivisaire tant que
l’indivision perdure, mais peuvent intervenir dans le partage (article 815-17).

7. Les conventions d’indivision

Durée déterminée : Les conventions peuvent fixer une durée déterminée (max. 5 ans),
renouvelable.
Indivision à durée indéterminée : Chaque indivisaire peut demander le partage à tout
moment, sauf s’il agit de mauvaise foi ou à contretemps (article 1873-3).

8. Le droit de préemption et la saisie

Droit de préemption : Les coïndivisaires ont un droit de préemption sur la quote-part d’un
indivisaire qui souhaite vendre, mais ce droit ne s’applique pas en cas de saisie judiciaire.
Saisie d’une quote-part : En cas de saisie par un créancier, ce dernier peut parfois
provoquer le partage ou se substituer à l’acheteur lors d’une vente aux enchères (droit de
substitution).

9. Conclusion

L’indivision a vocation à être temporaire, et peut être dissoute à tout moment par partage
amiable, judiciaire ou par convention entre indivisaires. Les créanciers ont des droits
spécifiques, notamment en cas de créances antérieures à l’indivision.

Section 2 : La copropriété des immeubles bâtis

L. n° 65-557 du 10 juillet 1965 et D. n° 67-223 du 17 mars 1967

Principe de la copropriété : La copropriété repose sur une personne morale (le syndic) qui
gère le syndicat. Le syndicat n’est pas propriétaire mais a pour objet la gestion de
l’immeuble, en particulier les parties communes.
Propriétaires : Ce sont les membres de l’assemblée générale. Chaque copropriétaire
possède une partie privative (ex. appartement) et une quote-part des parties communes (ex.
escalier).
Parties privatives et communes : Les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque
copropriétaire. Les parties communes sont en indivision entre les copropriétaires, sans
possibilité de partage ou licitation (article 815 alinéa 1 du Code civil).
La copropriété n’est pas une indivision : La copropriété porte sur l’immeuble divisé en lots,
chaque lot comportant une partie privative et une quote-part des parties communes. Les
parts de copropriété sont exprimées en millièmes, en fonction de la valeur relative des lots
(superficie, consistance, etc.).

Section 3 : Les copropriétés de voisinage

§1. La mitoyenneté des clôtures

Art. 653 à 670 C. civ.

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Définition : La mitoyenneté est une indivision forcée concernant les clôtures séparatives
(murs, haies, fossés). Elle concerne deux voisins et implique une copropriété commune.
Types de clôtures :

- Privative : Appartient exclusivement à un propriétaire.


- Mitoyenne : Appartient en copropriété aux deux voisins. Elle peut être créée par
convention, volonté unilatérale ou prescription.

Presomptions de mitoyenneté : Le mur est présumé non mitoyen si un côté présente un plan
incliné pour l’écoulement de l’eau de pluie (article 654 du Code civil).
Cession forcée de mitoyenneté (article 661 C. civ.) : Un propriétaire peut rendre mitoyen un
mur privatif, en remboursant une part des dépenses engagées pour la construction du mur.
Obligation de se clore (article 663 C. civ.) : Le voisin peut contraindre l’autre à participer à la
construction ou réparation d’une clôture.
Articles 657 et 662 : Ces articles précisent les droits d’utiliser un mur mitoyen pour des
constructions, mais si cela nuit au voisin, un accord ou une décision d’expert est nécessaire.

§2. La copropriété des éléments affectés à l’usage commun de plusieurs fonds

Exemples de copropriété : Chemins et cours communes. Un chemin peut être partagé entre
plusieurs agriculteurs, et une cour peut être partagée entre voisins.
Distinction avec la servitude : La cour commune n’est pas une servitude, elle est partagée
entre propriétaires.
Textes applicables aux chemins : L’article L. 162-1 du Code rural précise que les chemins
d’exploitation sont présumés être en propriété collective des propriétaires riverains. L’usage
de ces chemins est commun à tous, mais la propriété est partagée individuellement (droit de
passage pour tous).

Partie 3 : Les démembrements du droit de propriété

Le démembrement du droit de propriété consiste à diviser ce droit en plusieurs droits réels


distincts.

Démembrement au sens strict : Le droit de propriété est scindé en trois droits réels : l’usus
(droit d’utilisation), le fructus (droit de percevoir les fruits) et l’abusus (droit de disposer du
bien). Exemple : vente de la nue-propriété avec réserve d’usufruit.
Démembrement au sens large : Ne casse pas le droit de propriété en morceaux mais porte
atteinte à un aspect de celui-ci, comme l’exclusivité. Exemple : un droit de passage.

Les servitudes constituent un exemple de démembrement limité, où le droit de propriété sur


un terrain peut être grevé au profit d’un autre terrain.

Certains contrats, qualifiés de baux, entraînent des droits réels pour le preneur :
l’emphytéose (bail emphytéotique), le bail à construction, etc. Exemple : le droit de
superficie dans le cas d’un bail à construction.

Chapitre 1 : Les droits réels de jouissance spéciale (DRJS)

Section 1 : L’usufruit

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Articles 578 à 624 du Code civil

Définition : L’usufruit est le droit de jouir d’une chose dont quelqu’un d’autre a la propriété,
tout en conservant la substance du bien (Article 578 C. civ.). L’usufruitier a l’usus et le
fructus, mais pas l’abusus, qui appartient au nue-propriétaire.
Types de biens concernés : L’usufruit peut porter sur des biens corporels ou incorporels,
meubles ou immeubles (par exemple, parts de société).
Usufruit légale : Exemple : droit d’usufruit du conjoint survivant sur les biens d’une
succession (Article 757 C. civ.).

Section 2 : Constitution de l’usufruit

L’usufruit peut être acquis par trois moyens :

- Par la loi : Exemples : usufruit légal du conjoint survivant ou des parents sur les
biens des enfants mineurs (Article 386-1 C. civ.).
- Par la volonté humaine : Souvent dans un testament ou par donation.
- Par prescription : Rarement, mais possible si l’usufruit est acquis par la possession
prolongée.

Section 3 : Droits et obligations de l’usufruitier

Articles 582 à 616 du Code civil

Droits de l’usufruitier :

- Fruits : L’usufruitier a droit aux fruits naturels, industriels ou civils (Article 582 C. civ.).
- Exemple de fruits : Mûres sur un terrain (naturels), loyers (civils), produits
agricoles (industriels).

Actes d’administration : L’usufruitier peut administrer le bien, y compris le louer, mais ne


peut vendre le bien, car il ne détient pas l’abusus (Article 595 C. civ.).

Quasi-usufruit : Lorsque l’usufruit porte sur des biens consomptibles (ex. nourriture, argent),
le régime est particulier (Article 587 C. civ.).

2. Les obligations de l’usufruitier


Article 600 – Inventaire contradictoire

L’usufruitier doit effectuer un inventaire contradictoire des biens objets de l’usufruit, auquel le
nu-propriétaire doit être invité. Cet inventaire permet de prouver la consistance et la qualité
des biens, évitant ainsi des reproches pour dégradation qui n’aurait pas eu lieu.

Article 601 – Cautionnement

L’usufruitier doit fournir une caution (une personne, pas d’argent), garantissant la bonne
exécution de ses obligations. Si l’usufruitier ne trouve pas de caution, il peut se tourner vers
le juge pour faire un serment (caution juratoire) de restituer les biens.

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Article 603 – Caution juratoire

Si l’usufruitier ne trouve pas de caution, il peut faire un serment devant un juge de restituer
les biens. Le juge peut accepter ou refuser ce serment.

Obligations liées aux réparations

Article 578 : L’usufruitier doit entretenir la chose.


Article 505 : L’usufruitier est responsable des réparations d’entretien, le nu-propriétaire des
grosses réparations.
Article 606 : Définit les grosses réparations : murs, poutres, couvertures, etc.
La jurisprudence est partagée concernant certaines réparations, comme le ravalement de
façade (grosse réparation ou entretien ?).

L’usufruitier peut être déchu de son usufruit en cas de manque d’entretien (Article 618).

Charges pesant sur la chose

Article 608 : L’usufruitier est responsable des charges annuelles (ex : impôts, taxe foncière).

- Charges périodiques (impôts locaux, électricité, etc.) : À la charge de l’usufruitier.


- Charges non périodiques (réparations majeures) : À la charge du nu-propriétaire.

Dettes attachées au bien

Article 611 : L’usufruitier n’est pas tenu des dettes hypothécaires, mais peut les payer et se
retourner contre le nu-propriétaire.
En cas d’usufruit universel, l’usufruitier doit contribuer aux dettes (Article 612).

Extinction de l’usufruit (Article 617)

L’usufruit s’éteint par :

- La mort de l’usufruitier.
- L’expiration du terme.
- La consolidation (réunion des qualités d’usufruitier et de propriétaire).
- Le non-usage pendant 30 ans. - La perte totale de la chose.

Autres causes d’extinction

Clause de réversibilité : L’usufruit peut être reporté sur une autre personne après la mort de
l’usufruitier.
Article 619 : L’usufruit accordé à une personne morale est limité à 30 ans.
Prescription extinctive : L’usufruit peut s’éteindre par non-usage pendant 30 ans.
Perte totale du bien : L’usufruit s’éteint si le bien disparaît.
Déchéance judiciaire : En cas de mauvaise gestion ou de dégradation par l’usufruitier
(Article 618).
Renonciation de l’usufruit : L’usufruitier peut renoncer à son droit (Article 622), sous réserve
des créanciers.

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Vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété (Article 621) : Le prix de la vente se
répartit entre la valeur de l’usufruit et celle de la nue-propriété.

Section 2 : Le droit d’usage et d’habitation

Articles 625 à 636 du Code civil

Double caractère des droits d’usage et d’habitation

- Intuitus personae : Ces droits sont constitués pour une personne déterminée
(l’usager) et sa famille immédiate (conjoints et enfants). Ils ne peuvent pas être
transférés ou cédés.
- Caractère alimentaire : Ces droits visent à garantir les conditions de vie minimales
de l’usager, incluant la nourriture et le logement.

Le droit d’usage :

- Le droit d’usage englobe l’usus et le fructus, mais est limité aux besoins de l’usager
et de sa famille immédiate (articles 630 et 631).
- L’usager ne peut louer la chose ni céder son droit.

- Si la chose est frugifère, l’usager peut en tirer des fruits uniquement pour ses
besoins immédiats et ceux de sa famille. - Ce droit est incessible et insaisissable.

Le droit d’habitation :

- Plus restrictif que le droit d’usage, il ne permet que l’usus d’habitation sur un
logement, limité à la famille de l’usager.
- Ce droit est également incessible et insaisissable (article 634).

Droits temporels et viagers :

- Depuis la loi du 3 décembre 2001, deux variantes légales du droit d’usage et


d’habitation existent : Droit temporaire : Le conjoint survivant bénéficie d’un droit de
jouissance d’un an sur le logement du défunt et son mobilier (article 763).
Droit viager : Le conjoint survivant peut jouir d’un droit viager d’usage et d’habitation
(article 764), qui peut inclure la possibilité de louer le logement si ce dernier n’est
plus adapté à ses besoins.

Conditions légales de jouissance :

- Article 631 : L’usager ne peut louer ni céder son droit.


- Article 634 : Le droit d’habitation ne peut être cédé ni loué.

Caractère inaliénable et insaisissable : Ces droits sont inaliénables, c’est-à-dire qu’ils ne


peuvent être ni vendus ni transférés. Par conséquent, ils sont également insaisissables.
Toutefois, le bien peut être insaisissable mais aliénable.

Modifications contractuelles et débat théorique : Les règles des articles 625 à 636 sont en
grande partie supplétives, ce qui permet de les modifier par contrat. Toutefois, une

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modification substantielle peut remettre en cause le caractère du droit (par exemple, si un
droit est accordé à une personne morale qui n’a pas de besoin alimentaire ni d’habitation).

Section 3 : Les droits réels de jouissance spéciale (DRJS)

Droits réels de jouissance générale vs spéciale :

- Les droits d’usufruit, d’usage et d’habitation sont des droits de jouissance générale,
privant le propriétaire de l’ensemble de l’utilisation d’un bien.
- Les droits réels de jouissance spéciale (DRJS) sont plus limités et ne privent le
propriétaire que d’une partie de l’utilité du bien.

Exemples de DRJS : Droit de chasse et de pêche : Un propriétaire peut accorder à une


association de chasseurs un droit de chasse sur son terrain, sans pour autant en priver
l’utilisation générale du bien. Ces droits ne sont ni des droits d’usage ni des servitudes, mais
des DRJS.

Controverse doctrinale sur la liste des droits réels : L’article 543 du Code civil ne précise pas
si la liste des droits réels est limitative. Certains auteurs soutiennent l’existence d’un
numerus clausus, tandis que d’autres admettent la liberté de création de nouveaux droits
réels.

La jurisprudence a confirmé, notamment dans l’arrêt “Caquelard” du 13 février 1834, qu’il n’y
a pas de numerus clausus pour les droits réels.

Évolution de la jurisprudence :

- Depuis 2012, plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont confirmé l’absence de


numerus clausus et la possibilité de créer de nouveaux DRJS.
- Dans l’arrêt “Maison de poésie” (2012), un contrat a attribué un droit exclusif d’usage
d’un étage à une personne, que la Cour de cassation a qualifié de DRJS, bien que
certains estiment que cela devrait être un droit de jouissance général.

Durée des DRJS : La durée des DRJS peut être perpétuelle ou limitée à 30 ans dans
certaines situations, notamment pour les personnes morales.

Chapitre 2 : Les servitudes

Section 1 : Notion et classifications


§1. Notion de servitude

Définition : Une servitude est un droit réel qui impose une charge sur un immeuble (le fonds
servant) pour l’usage et l’utilité d’un autre immeuble (le fonds dominant), appartenant à un
autre propriétaire. Elle est régie par l’article 637 du Code civil.

Caractéristiques :

- Les servitudes ne concernent que des immeubles.

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- Elles sont liées au droit de propriété : charge pour le fonds servant, utilité pour le
fonds dominant.
- Elles sont perpétuelles sauf mention contraire (par exemple, servitude de passage
pour 2 ans dans un contrat).
- Elles sont transmissibles avec les fonds concernés, tant activement qu’implicitement.

Exemple : Si un jardin est grevé d’une servitude de passage, le propriétaire du fonds servant
ne pourra pas utiliser le chemin comme bon lui semble (pas de construction ni plantation).

Types de servitudes :

- Servitudes naturelles : par exemple, l’écoulement des eaux.


L’article 640 interdit au propriétaire du fonds inférieur d’empêcher l’écoulement
naturel des eaux (pluviales, sources, etc.).
- Servitudes légales de passage en cas d’enclave : prévoient le droit de passage d’un
fonds enclavé pour accéder à la voie publique (articles 682 à 685-1 du Code civil).
- Servitudes de distances de plantation et de constructions : les plantations doivent
respecter des distances minimales, par exemple, 50 cm pour les arbres de moins de
2 m, et 2 m pour les arbres plus grands (article 671 et 672).

Les vues et les jours : définis par les articles 675 à 680.

- Jour : ouverture dans un mur non mitoyen sans permettre de voir chez le voisin.
- Vue : ouverture permettant de voir chez le voisin.
Vue droite : doit respecter une distance de 1,90 m (article 678).
Vue oblique : à 60 cm minimum.
- Les vues peuvent devenir des servitudes après 30 ans d’usucapion si non
contestées.

Autres servitudes : Il existe des servitudes spécifiques dans le domaine public, comme
celles liées à EDF ou à des aménagements militaires.

§2. Classification des servitudes

Servitudes d’intérêt privé et public :

- Privées : imposées pour l’utilité de l’immeuble voisin.


- Publiques : comme les servitudes liées à l’armée ou aux télécommunications,
interdisant des constructions sur certaines zones (article 689).

Servitudes continues et discontinues :

- Continues : s’exercent en permanence sans intervention humaine (ex : vues).


- Discontinues : nécessitent l’intervention du titulaire, comme une servitude de
passage.

Servitudes apparentes et non apparentes :

- Apparentes : visibles par des aménagements extérieurs (ex : chemin ou porte).

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- Non apparentes : non visibles, comme une servitude de passage sans indication
externe.

Servitudes positives et négatives :

- Positives : autorisent le titulaire à faire quelque chose (passage, puisage, pacage).


- Négatives : interdisent au propriétaire du fonds servant de faire certaines choses
(ex : interdiction de construire ou de construire au-dessus d’une certaine hauteur).

Section 2 : Les modes d’établissement de servitudes


Sources des servitudes

Article 639 du Code civil : Les servitudes peuvent dériver de trois sources principales :

- Situations naturelles des lieux (ex : écoulement de l’eau dû à la gravité).


- Servitudes légales ou réglementaires (ex : servitude de passage en cas d’enclave). -
Servitudes de fait de l’homme (par conventions entre propriétaires).

A. Servitudes établies par titre (Article 686 C. civ.)

Les propriétaires peuvent établir des servitudes sur leurs terrains à condition que cela ne
porte pas atteinte à l’ordre public.

Exemples :

- Servitude de vue
- Servitude de passage
- Servitude d’écoulement des eaux usées

B. Servitudes établies par prescription (Article 691 C. civ.)

Les servitudes continues et apparentes peuvent être acquises par prescription (30 ans
d’usage sans opposition).

Exemple : un droit de passage sur un terrain voisin.

Prescription trentenaire : Pour qu’une servitude soit acquise, il faut une possession non
viciée et non clandestine.

C. Servitudes établies par la destination du père de famille (Article 692 C. civ.)

Lorsqu’un seul propriétaire divise son terrain, les installations destinées à servir l’autre fond
sont présumées être des servitudes.

Exemple : installation de canalisations pour l’eau, ou d’une vue.

Section 3 : Exercice des servitudes


Article 696 à 702 C. civ.

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Article 696 : Certaines servitudes peuvent impliquer d’autres servitudes (ex : servitude de
puisage qui inclut la servitude de passage).
Article 697 : Le propriétaire du fonds dominant peut réaliser les travaux nécessaires à
l’exercice de la servitude, aux frais de celui-ci.
Articles 701 et 702 : Les propriétaires ne doivent rien faire qui puisse aggraver la situation
de l’autre partie.

Section 4 : Extension des servitudes


Articles 703 à 710 C. civ.

Causes d’extinction des servitudes :

- Disparition de la chose sur laquelle la servitude porte (ex : terrain détruit).


La servitude renaît si la chose est rétablie dans son état.
- Confusion (Articles 705 et 706) : Réunion des deux fonds en un seul patrimoine.
- Prescription extinctive : Si la servitude n’est pas utilisée pendant 30 ans (sauf
servitudes légales).
Les servitudes légales et celles résultant de la situation naturelle des lieux ne
s’éteignent pas par non-usage.

- Renonciation à son droit par l’une des parties.


- Arrivée du terme extinctif (ex : servitude conventionnelle).

Chapitre 3 : Les Beaux Spéciaux Constitutifs de Droits Réels


Les beaux (emphytéose, bail à construction, bail réel immobilier, etc.) sont des contrats qui
créent des droits réels au profit du preneur. Ces contrats permettent au locataire de jouir de
certains droits, comme s’il était propriétaire d’une partie du bien.

Exemples de beaux :

- Emphytéose : Droit réel d’usage et de jouissance d’un bien pendant une longue
durée, avec obligation d’améliorer le bien.
- Bail à construction : Permet au locataire de construire sur un terrain pendant une
certaine durée.
- Bail réel immobilier : Donne au preneur un droit réel pour exploiter un bien
immobilier.
- Bail réel solidaire : Une forme de bail impliquant des obligations réciproques.

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