ISSN: 0851-0881
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Quelques données sur langues et discours
identitaires dans le Maroc contemporain
Mohamed Maayouf
How to cite this article: Maayouf, Mohamed. (2010). Quelques données
sur langues et discours identitaires dans le Maroc contemporain.
Langues et Littératures, 20, 125-143.
LANGUF.S ET LITl'ERATURES, VOL. 20, 2010, pp . 125 -143
QUELQUES DONNEES SUR LANGUES ET DISCOURS
IDENTITAIRES DANS LE MAROC CONTEMPORAIN
Mohamed MAAYOUF,
Université de Provence Aix-Marseille I, France
Introduction
Il n'est pas inutile de rappeler que la langue n'est pas seulement
un moyen de communication, mais aussi un symbole d'identité, une
manière de pensée et de perception des faits, et que les habitudes
langagières constituent les fondations de la vision du monde.
Le thème de la langue et l'identité est devenu dans les dernières
décennies, l'un des thèmes majeurs des préoccupations des chercheurs
en sciences humaines, d'une manière générale, et en sociolinguistique
spécialement, "nous voyons ainsi, le créneau de la langue s'étendre de
la phonologie la plus technique (toujours nécessaire) jusqu'à la
psychologie des profondeurs[ ...]. La pratique quotidienne nous révèle
comment les mots ne cessent pas de nous faire passer de constats
phonologiques à des enjeux identitaires" (Grandguillaume, 1997:13).
Seulement, le thème de l'identité dans son rapport avec la langue reste
un sujet intraitable à l'intérieur d'une prétention théorique exclusive,
quelle que soit son appartenance disciplinaire. Ainsi, la psychologie, la
sociologie, l'anthropologie, l'idéologie, la politique, etc., chacun de
ces champs de réflexion propose des ouvertures spécifiques pour
approcher l'identité.
Si les linguistes accordent autant d'importance aux processus
identitaires, « c'est parce que en tant que mises en mots, ils notifient
une inscription, une importance et par conséquent, une place au sein
des réseaux complexes de la vie sociale. Aussi les categories dont se
sert tout un chacun pour apprehender le monde sont langagières et en
tant que telle elles jouent un role primordial dans la differentiation
des uns par rapport aux autres >> (Laroussi, 1997:23).
Le probleme de l'identité revêt une acuité particulière au Maroc
en raison des crises majeures que traversent, actuellement, le monde en
general et le monde arabe en particulier, en mettant en cause Ia
légitimité d'une affirmation identitaire. Ainsi les discours de l'identité
cormaissent une veritable inflation ces derniers temps, avec "la remise
en question d'un ensemble d'acquis historique comme l'idée de
souveraineté, de Nation, de frontières {. . . J, 1' ère de la mondialisation,
l'émigration accélérée des corps, des imaginaires, etc., posent des
questions sérieuses sur soi et sur l'autre, sur l'ancrage spatial, sur le
rapport aux temps et sur les nouvelles perceptions du reel. Ces
mutations profondes mettent certaines couches fragiles, ou fragilisées,
dans un dilemme parfois incontournable: affirmer d'une manière
"pathologique", ou du moms exagérée, son identité; ou bien accepter
la perte de ses fondements. Un choix presque tragique, entre
"l'intégrisme et la désintégration." (Affaya, 2003:286)
Dans cette contribution, nous allons voir, a travers des figures
emblématiques qui caractérisent les différents discours sur la langue au
niveau national, comment au Maroc trois composantes
ethnolinguistiques animent le débat sur l'identité sociolinguistique du
pays. Nous allons voir aussi comment le parler des bilingues citadins,
base sur le métissage linguistique, peut incarner une sorte de
compromis entre ces différentes identités.
Les Langues Parlées au Maroc
La situation linguistique au Maroc est marquee par la
coexistence de langues différentes qui se distinguent par leur histoire,
leur distribution géographique, leur typologie langagiere et leur
fonction sociolinguistique. Ces langues sont les langues nationales, la
langue berbère et ses -variétés Ct la langue arabe avec ses différentes
variétés dialectales, de l'autre côté les langues étrangères, la langue
francaise et la langue espagnole.
Le berbère se présente sous trois variétés de parler réparties en:
Tarifit dans le nord et dans une partie du Maroc oriental, le Tamazight
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dans le Moyens-Atlas et dans la region sud-est et le Tasheihite utilisé
en Haut-Atlas, le Souss et 1'Anti-Atlas. Les frontières entre les aires
dialectales ne sont pas toujours évidentes, et ii est difficile de delimiter
avec precision les lignes d'usages qui séparent les différentes aires
linguistiques.
A l'instar du monde arabe, au Maroc, la langue arabe se présente
sous deux formes: l'arabe standard (AS), jugé comme étant une langue
savante, conservatrice et servant les besoins de la communication
écrite. Ii correspond a la langue liturgique, littéraire et administrative,
mais ii n'est la langue matemelle d'aucune communauté ni d'aucun
groupe, et l'arabe dialectal (AD), appelé aussi l'arabe marocain (AM),
plus ouvert au changement et servant uniquement les besoins de la
communication orale.
Cette situation diglossique est caractérisée par l'existence, en
premier lieu, d'une forme classique codifiée dans les livres de
grammaires et des dictionnaires. C'est la variété que les linguistes, a la
suite de Fergusson (1959) , appellent haute (H). En second lieu, il y a
la variété du quotidien, de la communication informelle et de 1' echange
intime. Cette variété, dite basse (B) n'est pas enseignée a l'école, elle
est employee dans la maison, Ia famille Ct le milieu de travail manuel.
L' arabe marocain, appelé aussi <<addarijjax (langue courante),
comporte également plusieurs variétés que l'on peut considérer comme
des ethnolectes. Ainsi nous trouvons:
- Le parler citadin (dit mdini) est utilisé dans les grandes villes
traditionnelles comme Méknès, Fès, Marrakech, Rabat, Sale,
Tétouan...
- Le parler montagnard (dit feb11) est utilisé dans la region
nord-ouest
- Le parler bédouin (dit 3rubi) est employé dans les plaines
atlantiques, notamment le Gharb, la Chauia, les Doukkala et les Abda,
il est utilisé aussi dans les plaines intérieures comme le Haous de
Marrakech, le Tadla et le Souss.
-Le parler bédouin (dit bedwi) des communautés d'origine
hilalienne installées sur les plateaux du Maroc oriental
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-Et enfin le parler hassane (dit 3ribi) des communautés
d'origine maâquilienne des regions sahanennes.
A côté des langues nationales, les langues étrangères, et pour des
raisons historiques et socio-économiques, enrichissent le marché
linguistique marocain. Ainsi on trouve la langue espagnole dont la
presence au Maroc remonte a la colonisation espagnole amorcée des
1885 dans les provinces du sud et consolidée dans les provinces du
nord par le traité franco-espagnol de 1912. Après l'indépendance du
Maroc, la langue espagnole a perdu son statut de langue dominante
pour ne garder qu'une faible position dans les regions anciennement
sous domination espagnole.
En ce qui concerne la langue francaise, imposée a l'aube de la
proclamation du protectorat, sa situation au Maroc est pnvilégiée
puisque c'est celle de tous les secteurs socioculturels, notamment
dans l'enseignement, l'administration, l'économie et la culture. En
revanche, cette langue est actuellement en perte de vitesse, comme
elle ne l'a jamais été auparavant, au detriment de d'autres langues
concurrentes comme 1' anglais par exemple.
Composantes Ethnolinguistiques et Discours Identitaires au Maroc
Une crise identitaire endémique semble caractériser le Maroc du
XXlème siècle, tiraillé entre son fond berbère, ses références arabo-
islamiques et ses affinités occidentales. Mais au Maroc, l'élément
identitaire est beaucoup plus complexe car elle n'est pas souvent
corrélée a l'identité etbnique. En effet, Ii est reconnu que l'identité est
touj ours définie par rapport a une communauté a un groupe social et
que le comportement langagier est conçu comme une série d'actes
d'identité a travers lesquels les locuteurs révèlent autant leur identité
personnelle que le role social auquel ils aspirent, voire le groupe social
auquel us voudraient adherer.
Ainsi, le débat sur la langue, au Maroc, prend souvent un aspect
idéologique, il se manifeste clairement quand "ii s'agit de poser le
problème en termes d'authenticité et d'attachement a l'Islam — la
religion révélée dans la langue arabe; la lettre que porte la parole
sacrée — ou encore ii a fallu opposer a la culture envahissante du
colonisateur, la voix de la mémoire, celle d'un passé glorieux, appelé
par incantation ou encore ii s'agit de projeter la construction d'une
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identité prospective avec sa double dimension culturelle et
scientifique" (El Gharbi, 1993:32). Ainsi, on peut relever,
schématiquement, trois discours qui animent le débat sociolinguistique
au Maroc: le discours des nationalistes arabes et des islamistes, le
discours des berbérophones et le discours de l'altérité.
Discours des Nationalistes Arabes et des Islamistes
Le discours des nationalistes arabes et des islamistes—salafistes
marocains représente deux tendances du milieu du traditionalisme,
fondé sur le conservatisme culturel et linguistique. En effet, les
nationalistes panarabistes, influences par le discours pan-arabique de
Nasser et du Parti Baas arabe, voient dans Ia langue arabe le seul
idiome permettant 1'unité de la Nation arabe et l'évolution de la
culture nationale. Pour eux, les langues nationales représentent un
facteur de cohesion privilégiée des nations et les états coIncident
nécessairement avec des territoires linguistiques. us voient dans la
multitude des langues une entrave a la constitution de la grande patrie
arabe qui passe, selon eux, aussi et surtOut par 1'unification
linguistique. Ce courant, constitué en majorité par des forces sociales
arabisantes et surtout par des enseignants formés aux principes de
l'arabisme militant, tente de survaloriser Ia langue et la culture arabe
en dévalorisant les autres langues et cultures existantes, a savoir la
langue des berbères et la langue de l'ex-colonisateur.
Mohamed Abd Al-Jabri est un des intellectuels marocains
arabisant, auteur prolifique, depuis 1971, année de la publication de sa
these sur "La Assabiya et l'Etat". Ii flit, et est toujours, un des plus
grands défenseurs du panarabisme et un des fins connaisseurs
marocains de la pensée arabe contemporaine qui ont vécu pendant fort
longtemps de lamentation sur un passé glorieux dont l'emblème est,
entre autres, la presence de leurs ancétres a Grenade, oi l'Empire arabe
était pourvoyeur de connaissances et de pouvoir.
Méme s'il n'a jamais renié son origine amazighe, Abd Al-Jabri a
une conception spéciale de la culture nationale du Maroc (Abd Al-
Jabn, 1980), laquelle est arabe de langue Ct d'esprit. Pour lui, la culture
nationale ne se définit, en raison de sa forme, ni par le terroir, m par la
position géographique, ni par l'origine ethnique, elle se définit
essentiellement par Ia langue Ct qu'on ne peut traduire notre
humanisme qu'à travers une description arabe nationaliste. La culture
129
marocaine, pour lui, doit être arabe d'esprit et de langue, elle représente
Ia pensée, les sentiments et les emotions, c'est la culture en elle-méme.
Le français est percu par les tenants de ce discours comme
portant ombrage a la légitimité de l'arabe. Ainsi, us critiquent la "force
logistique" dont bénéficie la langue française sur les plans
économique, financier et politique, et estiment que Ic francais est passé
de statut de langue de colonialisme a. celui de langue de l'impénalisme
(Al-Ouadghiri, 1993). On se rappelle des polemiques soulevées par
l'attribution du prix Goncourt, en 1987, au romancier marocain Tahar
Benjelloun, critique, pour avoir choisi la langue de l'ex-colonisateur
pour s'exprimer.
Les islamistes, eux, voient dans la langue arabe, langue sacrée,
langue de la révélation, l'idiome de l'Oumma islamique. C'est pour
cette raison que ce discours nationaliste-arabo-islamiste appelle a une
arabisation totale au Maroc, dans la mesure oü l'arabisation, selon eux,
est le seul moyen pouvant sauvegarder Ia personnalité nationale et
empécher l'assimilation et la dissolution dans la culture étrangère. Ce
discours voit dans Ia francophonie un synonyme de dépendance
culturelle a I'égard de la France et empêche l'arabe de se développer
en conduisant a une alienation culturelle. Ii n'est pas étonnant pour
Abdesslam Yassine de constater que l'individu est tout a fait inadapté
et ne peut comprendre la société dont il est originellement issu. Pour
lui, ce qui est plus triste c'est qu'il ne peut s'identifier complètement ni
avec l'une ni avec 1' autre des cultures et ni l'une ni 1' autre des
communautés ne l'adopte entièrement. Ii est constaniment tiraillé,
étant cuiturellement hybride et aliéné.
La lutte ne se limite pas seulement contre Ia langue française,
qui est considérée, ainsi, comme responsable de l'aliénation
linguistique et cuitureile, mais aussi contre le berbère qui, scion cc
discours, reste le symboic de la division Ct de Ia Fitna (le désordre). En
effet, la langue berbère a toujours été percue comme un facteur
potentiei de division qui peut nuire a 1'unité du peuple, et les poiitiques
conduites par les autorités coloniales dans un but de division, ont
constitué un facteur défavorabic a ia promotion et la reconnaissance de
La langue berbère.
Dans un livre du leader isiamiste Abdeslam Yassine (1997), qui,
ii faut le rappeler, est d'origine berbère, Dialogue avec un ami
130
amazigh, et dans lequel ii répond a la demande de Mohamed Shafik,
militant berbériste, d'instaurer la langue berbère dans l'école
marocaine, le salafiste expose les raisons de Ia non-legitimation de sa
demande et répond d'une manière acerbe a ses revendications, <di n'y
a de science, ni du fiqh, ni de coran que par la langue et Ia lettre
arabes >>, (Yassine, 1997:81). Pour Abdesiam Yassine (1997), << une
langue populaire comme le berbère ne peut relever le défi attendu
d'une langue modeme dans un monde de concurrence et de
mondialisation >> (Nous traduisons), (Yassine, 1997:264)
L'identité linguistique est ainsi, au Maroc, est beaucoup plus
complexe car elle n'est pas souvent corrélée a i'identité ethnique. Le
fondamentalisme de Abdeslam Yassine comme le nationalisme d'Abd
Al-Jabri se placent, ainsi au-dessus des considerations ethniques; us se
situent respectivement au niveau de "1'universalité du message
islamique" pour Yassine et du "panarabisme salvateur" pour Al-jabri.
Discours des Berbérophones
Le discours des berbérophones, produit surtout par une elite
francisée, présente le berbère comme langue de l'identité marocaine,
minorée et marginaiisée par 1'arabe. Les tenants de ce discours voient
dans Ia langue berbère comme étant le seul moyen d'accès a la culture
authentique et nationale, parce que, scion cette elite, cue est Ic véhicule
d'un riche environnement cuiturel nécessaire a tout progrès.
Pour Chafik (1984), figure de proue du paysage intellectuel
marocain, leader du mouvement amazigh, le Maroc est arabe par 1'une
de ses langues et de ses cultures, et amazigh par son identité et son
peuple. Militant de premiere heure, ii a toujours milité pour
l'enseignement du berbère. Pour lui, le berbère a toutes les
caractéristiques d'une langue de 1'école (Chafik, 1991). Ii était demère
le manfeste pour la reconnaissance officielle de 1 'amazighité du
Maroc en 2000, il s'agit d'un document expliquant les sept
revendications des du mouvement culture! amazigh: la
reconnaissance constitutionnelle de l'amazigh comme langue nationale
et officielle, i'enseignement de la langue amazighe, la réécriture de
l'histoire marocaine, la valorisations des arts amazighs, i'arrêt
immédiat de l'arabisation touchant les regions des amazighs,
l'introduction de i'amazigh dans les médias officiels Ct Ic soutien aux
associations et la presse amazighs.
131
Ce discours berbériste était, aprés de longues années de combat
et de revendication, derriere la renaissance dans les dernières dix
années de la langue Ct culture berbére, lequel combat a été couronné
par la creation en 2001 de l'Institut Royal pour la Culture Amazigh
(IRCAM) et l'entrée du berbère dans les écoles marocaines a partir de
l'année scolaire 2003-2004.
Sujet encore très sensible au Maroc, 1'identité berbère,
composante essentielle de la culture marocaine, commence a être
reconnue officiellement, suite aux efforts aussi d'un puissant réseau
associatif qui milite pour la rehabilitation historique de la berbérité du
Maroc et Ia reconnaissance du berbère comme langue officielle et la
politique linguistique au Maroc connaIt une evolution dans les dix
dernières années reflétant ainsi l'aboutissement de la concurrence que
se sont livrés les groupes linguistiques en contact. Ainsi on passe d'une
orientation civique a une idéologie pluraliste on les décideurs
consentent a passer d'une politique assimilationniste a une politique
plus tolérante envers la diversité linguistique du pays.
Discours de 1'Altérité
Enfin, le troisiême discours, plus pragmatique, essaie de manier
une connaissance de soi et une reconnaissance de I' autre, et considère
que la berbérité, l'arabité et la francophonie des marocains ne
s'excluent pas mutuellement, mais sont plutôt complémentaires;
l'arabe et le berbére jouissent du role de l'identité nationale et le
français, comme l'anglais, du role des langues de l'ouverture sur le
monde extérieur. Pour ce discours, "reconquérir l'authenticité ne
signifie pas se réduire a une authenticité unique et figee mais accepter
les composantes linguistiques et culturelles telles qu'elles ont été
légués par l'histoire" (Benzakour, 2000: 60). Les tenants de cc
discours revendiquent Ic statut d'une identité plurielle, métisse, comme
toute identité, prise dans la dynamique de l'histoire, contre le mythe
fondamentaliste de la pureté de l'origine. Ce discours, qui était
jusqu'au là sans assise sociale réelle, et qui était l'apanage d'une
minorité constituée de l'intelligentsia ouverte sur la culture
occidentale, connait actuellement une croissance ascendante au scm de
Ia masse populaire surtout après les attentats intégristes de 2004.
Selon le modèle d'acculturation interactif de Bourhis, (Bourhis,
2000) qui met l'accent sur les changements d'identité
132
ethnolinguistique Ct leur repercussion sur le comportement langagier,
les tenants de cc discours appelés les intégrationnistes (qui cherchent a
maintenir les traits importants de leur identité linguistique et culturelle
tout en adoptant une autre langue et une autre culture), qu'ils
appartiennent a des groupes de forte ou faible vitalité seront
probablement des bilingues additifs, plus enclins a l'altemance codique
pour exprimer une identité biculturelle ou plurielle. Parmi les tenants
de cc discours, on trouve les écrivains marocains d'expression
française qui considèrent Ia langue française comme une langue
d'amour, un code esthetique qui permet d'accéder a un univers
symbolique oü les frontières linguistiques et culturelles ne sont pas de
mise puisque la langue premiere de l'écrivain travaille en profondeur
sa langue d'accueil, ce qui contribue a créer par le biais de la bi-langue
un métissage culture! (Khatibi, 1982).
L'un des représentant de ce discours, c'est 1'essayiste,
sémiologue et romancier Abdelkebir Khatibi qui présente sa vision de
l'interculturalité sous la forme de "l'éloge du métissage culture! en
arguant que le métissage est une donnée structurelle de l'histoire de
toute l'humanité; cependant la pluralité linguistique et culturelle peut
étre assumée ou non; si die n'est pas assumée, la hierarchic qui la
fonde peut générer l'intolérance et Ia violence; en revanche, si elle est
bien gérée, die peut étre source d'épanouissement pour toute la
communauté" (Boukous, 1995: 175).
Les deux premiers discours chauvinistes marques par
1'inflexibilité de leur croyance, essaient de défendre une idée révolue
et caduque, celle de pureté originelle et etbnique. Un concept
éminemment dangereux qui porte les germes de l'exclusion et de la
negation de I'autre, de tous les autres. Ces idées-là ne sont pas
adéquates dans un Maroc pluriel, fondé, depuis la nuit des temps, sur la
tolerance et l'enrichissement mutuel de tous ces constituants culturels.
La culture berbére, et la culture arabe, avec leur parler et leurs us et
coutumes, sont constitutives de l'identité marocaine.
Ces différents discours contradictoires sur les langues et les
cultures se reflètent dans Ic discours individuel de chaque locuteur
marocain et marque, en fait, le trébuchement, le malaise d'une société
qui n'arrive pas a se decider a choisir dans tout son patrimoine culture!
133
et linguistique entre cc qui est benefique et ce qui est nuisible pour
die, si cue veut aspirer a un lendemain meilleur.
Identité, Identification et Malaise Identitaire
Ii n'est pas inutile de rappeler non plus que l'identité marocaine
est faite d'apports multiples. Depuis l'époque phénicienne, le Maroc a
été le lieu de rencontre de civilisations multiples: différents peuples s'y
sont succédés, chacun ayant introduit des apports qui constituent
l'originalité de la civilisation marocaine. Ainsi, un grand nombre
d'identités se superposent, se croisent, s'opposent et se contredisent:
identité islamique, identité arabe, identité berbére et identité
francophone ou occidentale et d'autres sont en perpétuelle interaction.
Ce qui pousse Laroussi (1997), Bennis (2006) et, avant eux, Khatibi
(1983) a attester qu'il vaut mieux parier d'identification que d'identité
(Khatibi pane d'identisation) pour cc qui concerne les pays du
Maghreb. Pour Laroussi, "i'identité se présente moms comme une
entité figee que comme un processus de référenciation dynamique et
évolutif suivant des cntères complexes. Panier pour identification et
non pour identité, c'est insister sur le processus et la flexibilité du
phénomène identitaire" (Laroussi, 1997: 23-24).
En effet, identité reiève de i'Ego (collectif ou individuel) et
conduit a la recherche forcenée de la difference, de i'autonomie et de
la singulanité, par contre identflcation: relève de l'Alter, pousse a
briser les forces du particularisme et a dissoudre la spécificité en vue
de 1 'integration dans des entités plus vastes.
La société marocaine est soumise a de très nombreuses
contradictions. Elle est a la fois plus ouverte que jamais aux vents de la
mondialisation économique et culturelle, mais en même temps, die est
prise dans un tissu de contradictions intenses, que l'on peut résumer
par la double tentation du repli identitaire et de l'ouverture sur 1'autre.
Ii ressort de ces contradictions un paradoxe, voire un déchirement
d'une société partagée entre l'attachement a une identité séculaire, un
passé glorieux mais révolu, et le désir d'accéder a une forme de
progrès économique et social que l'on nomme couramment la
modemité >>, et c' est de cette difficulté de concordance que j aillit cc
malaise identitaire. Le monde moderne auquel les Marocains veulent
accéder davantage leur a été apporté par le biais du francais et donc
avec tout i'environnement d'une culture étrangère; mais pour eux,
134
renoncer a leurs cultures, c'est accepter l'aliénation, ce qui constitue
une veritable abdication de la personnalité. D'une part, on conçoit la
langue arabe et la langue berbère comme langues privilégiées
d'expressions identitaires et, d'autre part, on est fasciné par le mode de
vie occidentale et on rêve du progrès, de Ia technologie et du
modernisme.
Ce qui explique le paradoxe de certains fervents de I' arabisation
ou de berberisation, qui parallèlement, a un discours idéologique,
n'hésitent pas a envoyer leurs enfants a l'école de la Mission française
ou a l'étranger, "la prise de conscience du décalage qui existe entre les
deux cultures a suscité, d'une part, un engouement excessif pour la
culture occidentale considérée comme le seul moyen de progrés et,
d'autre part, une certaine attitude de détachement vis a vis de la culture
arabo-musulmane considérée comme dépassée. En fait plus que d'un
conflit des cultures, ii s'agit pour cette génération de jeunes, d'un
déchirement de Ia personnalité prise entre Ia modernité et la tradition.
La quête de l'identité, mais aussi les difficultés, pour ne pas dire
l'inaptitude a se determiner par rapport a I'un ou a l'autre pole
d'attraction" (Fitouri, 1983: 28).
La génération actuelle, en assistant d'un côté a un assaut
permanent et inlassable, livré aux valeurs traditionnelles et aux
structures sociales qui les sous-tendent, a unc attitude réductionniste,
couplée d'irrespect et d'accusations farfelues de la langue nationale
(responsable de la baisse du niveau de l'enseignement, du manque de
precision, du chomage...), et de l'autre coté a une diabolisation des
systêmes de valeurs occidentales, a une ati i tude réductionniste rendant
le francais responsable de tous les maux de Ia société, ne sait plus oü se
dormer de Ia tête, ne sait plus au juste a quel système de valeurs se
référer, finit par sombrer dans un "vestige existentiel" que les
responsables politiques n'essaient toujours pas de comprendre. Si
certains trouvent dans l'engagement islamiste une utopie capable de
leur faire oublier les maiheurs de leur quotidien précaire, d'autres,
fascinés par la culture et le mode de vie occidental, par les paraboles et
le monde de la Toile, errent dans une alternative idéalisée : la fuite vers
l'Occident. Ii est connu que toute politique linguistique est
nécessairement liée au projet de société et a la manière dont la société
définit son avenir. Ainsi, toute politique linguistique doit être fondée
sur les principes d'une identité culturelle citoyenne globale de la
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nation, d'une diversité ethnique et d'une universalisation de progrès et
de savoir.
Dimension Symbolique du Métissage Linguistique
Le rapport des Marocains aux langues, présentes dans le pays,
n'est pas un phénomène sociolinguistique isolé, mais ii est le résultat
d'un ensemble de circonstances historico-socio-politiques. Le recours
des bilingues marocains a l'alternance des langues, arabe, berbère et Ia
langue francaise ne traduit-il pas une revendication d'une identité
plurielle? Ne symbolise-t-il pas la pluralité des systèmes de valeurs
mises en exergue dans les interactions?
Comme on a Pu le démontrer (Maayouf, 2007), l'aspect
linguistique du multilinguisme au Maroc ne constitue au fait qu'une
des nombreuses facettes d'une réalité plus vaste mettant en presence
non seulement plusieurs langues, mais aussi plusieurs cultures et
civilisations qui entrent en contact, et dont chacune possedent un statut
bien particulier et que la communication verbale reflète dans son
aspect formel.
Le Francarabe, Symbole de la Communication Interculturelle
Le contact prolonge, surtout dans les centres urbains du Maroc,
entre le francais et l'arabe marocain, a conduit d'une part, a l'influence
réciproque entre les deux langues, d'autre part a 1'émergence d'une
variété linguistique combinant sur le plan lexical, morphosyntaxique et
discursif 1'arabe marocain et le français: le francarabe. Une variété
devenue non seulement une des modalités d'expressions les plus
usuelles des locuteurs bilingues marocains, mais aussi une donnée
culturelle de base dans le paysage socioculturelle du pays.
Le concept hybnde francarabe (earnassjja en arabe), associant
deux dimensions linguistiques, est souvent utilisé par les linguistes
maghrébins pour référer au discours mixte mélangeant l'arabe et le
francais. Ii s'agit d'un usage compose de langues distinctes, a savoir
l'arabe et le francais, dont le locuteur maltrise parfaitement ou
approximativement la competence linguistique, ce qui génère au
niveau de la performance des structures phoniques, lexicales et
syntaxiques hybrides. Au Maroc, le francarabe reste un code
136
multiforme, compte tenu des variétés linguistique qui interviennerit
dans la composition de ce mode de parler. Si le français reste
relativement un idiome identique chez presque tous les locuteurs (ii
s'agit du francais standard, usuel, appris a l'école, les autres variétés
peuvent aller de l'As jusqu'à l'Am et ses différentes variétés aux
spécificités régionales.
Lefrancarabe (Am/fr) est né d'un désir des locuteurs a se forger
une langue pratique et simple. La variété dialectale de l'arabe est une
variété simple mais dénuée de termes techniques, alors que la langue
francaise et la variété standard de l'arabe sont connues par leur
complexité et par des difficultés a manier les règles de leur grammaire.
C'est donc par souci de simplification que le francarbe a été mis en
circulation. Ii fallait contourner la complexité du francais et se libérer
du carcan des langues nationales très conservatrices qui étouffent toute
expressivité, et ce pour répondre a un double besoin: satisfaire les
exigences d'une société en mutation socioculturelle (appropriation
fonctionnelle), et satisfaire les besoins langagiers de ses utilisateurs.
Dc cc fait, le mélange linguistique devient le refiet d'une
situation socioculturelle oü non seulement deux langues qui se côtoient
mais aussi deux cultures, deux modes de vie, deux modes de valeurs et
de pensée dans une société en pleine mutation identitaire. L'alternance
de codes constitue, ainsi, une forme de communication interculturelle
qui implique la tolerance et la valorisation du pluralisme linguistique,
tout en évitant les crispations identitaires des nationalistes et puristes
ou des mondialistes hegemoniques. L'alternance de codes AmIFr au
Maroc peut être considérée comme un compromis entre des attitudes
traditionnelles représentées par la variété dialectale et la modernisation
représentée par la langue de l'ex-colonisateur. Nombreux sont ceux
qui voient dans le phénomène d'alternance, dans 1'esprit un regard sur
l'organisation des rapports de forces sur le plan politique, économique
et culturel darts le contexte mondial, le résultat d'une decadence non
seulement linguistique mais aussi civilisationelle. En effet, jusqu'au
debut du XXème siècle, la culture a été percue comme une entité bien
distincte des autres, bien délimitée par des frontières; des lors, tout
contact d'une culture avec une autre risque d' en altérer la pureté et
dans cc cas, le processus d'acculturation est percu comme une atteinte
a la culture authentique.
137
Dire que le francais a été introduit au Maroc par l'ancien
colonisateur est un fait historique que personne ne conteste. Mais
continuer a le concevoir comme une séquelle de la colonisation est
tout a fait different. C'est pour cette raison qu'il faut traiter la question
du métissage dans toute sa profondeur historique, et non pas comme
un phénomène éminemment moderne et contemporain. Le métissage
au Maroc et au Maghreb, d'une manière générale, est constitutif de
son être et un indice d'ouverture sur l'autre. Ainsi, ii ne faut pas
s'inscrire, de ce fait, dans une vision du métissage sous le signe
exciusif du traumatisme colonial, du choc du contact avec une culture
conquérante et de I'acculturation dans un contexte de domination
forcée. En dénoncant l'intrusion de la langue française, on dénonce
d'abord et avant tout Ia domination de Ia culture occidentale, et on
dénonce la réalité peu satisfaisante vécue par la société marocaine.
Les personnes qui alternent sont vues comme des aliénés, fascinés par
le mode de vie occidental. Et ces derniers pour se défendre tendent, a
donner de leur situation une image negative et a décrire leur manière
de parler en des termes péjoratifs. Pour expliquer ce refus a l'egard de
l'alternance, pour reprendre LUdi (1995), ii faut bien sür prendre en
consideration des facteurs d'ordre socioculturels et psychologiques, en
particulier l'idéologie dominante dans nos sociétés et qui s'avère
fortement intériorisée par les acteurs sociaux, une idéologie qui
répugne a tout métissage quel qu'ilsoit et méme si celui-ci s'avère
dans son contexte social propre une réponse creative et appropriée.
Loin des ces jugements dépréciatifs, par le recours des locuteurs
a l'alternance de langues, on assiste a une construction d'une identité a
multiples dimensions qui ne se limite pas a des faits de contact de
langues de surface mais les transcendent. Ii s'agit d'un phénomène
d'appropriation plus profond qu'on le pense. A partir de deux systèmes
culturels, souvent opposes, cette appropriation est en phase de donner
forme a une identité pluriculturelle et plurilingue (LUdi, 1995).
Actuellement, on assiste au Maroc a une evolution marquante.
Loin de l'état d'esprit qui a présidé aux critiques acerbes formulées a
l'égard du ?tbilinguisme sauvage" (Moatassime, 1974), accuse de
promouvoir un déracinement de la conscience collective et de la
personnalité individuelle, de nos jours, le bilinguisme qu'entretient
l'arabe marocain avec le francais est assume et vécu paisiblement par
les bilingues. Ii s'agit d'un bilinguisme dialectal non conflictuel. Aussi
138
est-il souhaitable, écrivait déjà Fitouri (1983: 216), "dans 1' elucidation
du problème des contaminations et interferences linguistiques, de
depasser la problématique des linguistes et des pédagogues et de voir,
derriere les phénomènes purement linguistiques ce qui, dans l'activité
intellectuelle du locuteur bilingue, conditionne profondement
l'élaboration du discours non seulement de point de son organisation
dans l'espace (langage écrit), ou dans le temps (langage oral), mais
aussi et surtout du point de vue des contenus de pensée et des notions
que doit véhiculer l'une ou l'autre langue: l'essentiel étant Ic contenu
du message plutot que sa forme ou le canal qu'il emprunte". Pour
Khatibi, le métissage linguistique et culturel au Maroc est une
philosophie de la convivialité, une attitude humaniste qui intègre les
différentes facettes de la mosaique culturelle, les facettes du dedans (la
culture berbère et Ia culture arabo-musulmane), et les facettes de
dehors (les apports de l'Afrique et ceux de l'Occident).
Ii est toujours bon de rappeler qu' au cours de leur histoire, les
Marocains ont été amenés a utiliser de nombreux idiomes plus au
moms métissés; berbères, latins, arabe, arabo-berbère, hébreux et
judéo-arabe. Ainsi donc, la pluralité des référents culturels était et
constitue toujours, en elle-même, une source de richesse. II est
important de signaler aussi que l'interculturalité va generalement de
pair avec le métissage linguistique, Ainsi, le francarabe dans sa
dimension linguistique et culturelle est Ic signe, pour nous, de
l'existence d'une composante francophone dans la genèse historique et
culturel du Maroc.
Le métissage linguistique, explique Boukous (1995:177), n'est
pas nécessairement ce mésolecte fait d'imperfections et
d'approximations du locuteur, ce serait plutot une appropriation locale
de la langue, l'alternance de codes "devient alors une source de
jouissance intellectuelle et esthétique, la possibilité inespérée de
s'exprimer en deux ou plusieurs langues, d'entrecroiser leurs
structures, d'entrechoquer leurs resonances et d'entremêler leurs
vocalités. Le dialogisme qui affleure dans l'usage de la bilangue
expnme l'endroit et l'envers de l'identité du bilingue, et Ia
francophonie de devenir un bien symbolique transnational et non plus
une propriété hexagonale, une chance inouIe pour le locuteur de
passer du cbs a I'ouvert."
139
Le champ socioculturel marocain est devenu actuellement
l'espace d'un métissage de différentes cultures, de différentes langues:
berbère, arabe, francais, anglais... et refiète un phénoméne
socioculturel actuel, celui du plurilinguisme, du mélange de cultures et
d'ouverture sur l'autre; un métissage a la fois de langues et de cultures,
oü se développe le theme très actuel de Ia communication plurilingue
et interculturelle, bref de l'universalisme.
La musique, pour ne prendre que cet aspect, miroir et refiet des
changements de la société, est devenue au Maroc un lieu privilégié de
l'interculturel et de plurilinguisme. La musique marocaine est devenue
un mélange de styles, de rythmes et de langues également, chose qui
souligne l'aspect d'ouverture sur l'Autre des artistes marocains. En
utilisant le discours mixte, ces artistes veulent, ainsi, dépasser le
contexte local pour orienter leur message vers un public international.
Cette creation de nouvelles figures identitaires permet d'échapper au
dilemme de toute une génération, si cc n'est de tout un peuple, de
choix contradictoire, rester dans une identité d'origine, hérité, a
laquelle chacun est attachée ou la renier pour s'ouvrir sur d'autres
cultures. Cette contradiction est levee par la revendication a la fois
d'une affiliation identitaire hyperlocale et d'une affiliation plus vaste,
mondiale et planétaire oü chacun peut se reconnaltre comme <<citoyen
de monde>>. Ainsi, on remarque que cc genre de melange, sur le plan
culturel, est valorisé et revendiqué, alors que dans la vie courante c'est
une pratique très répandue mais presque touj ours dévalorisée dans les
representations dominantes. Le Maroc a toujours été un lieu de
rencontre de différentes langues, un espace de contact des cultures dont
les traces sont ineffaçables. Ii ne faudrait pas non plus donner
l'impression que le tout identitaire se réduit a la bipolarité parfois
pacifique, parfois conflictuelle arabe/francais. Le soubassement
pluriculturel du Maroc s'est constitué, et même s'est raffermi, d'une
période a l'autre de l'histoire de cette partie de l'Afrique; il serait très
réducteur de parler, de ne voir au Maroc que le bilinguisme ou le
biculturalisme; c'est du plurilinguisme qu'il faudrait parler pour
traduire les réalités du terrain.
La promotion de la diversité culturelle, qui reste une réalité
socioculturelle, dans ses différentes dimensions, devient une nécessité
au Maroc, car le pays est multiple (au plan humain, linguistique et
culture!). Autrement dit, il ne s'agit pas exciusivement de glorifier les
140
dimensions occidentales et arabes de ce pays, mais egalement ses
dimensions amazighe et gnawis (négro-africaine) et, donc, les regions
qui composent ce pays multiethnique. La presence de Marocains de
différentes cultures et confessions doit être également prise en compte.
D'autant plus que dans tous les domaines culturels se remarquent des
signes, des apports berbères, arabes Ct juifs. C'est seulement par le
respect et la defense de la diversité des cultures et la defense des
identités linguistiques qu'on peut faire face a la mondialisation qui, si
elle n'est pas maItrisée, favoriserait 1'uniformisation. Au Maroc, Ia
meilleure issue des différentes querelles identitaires serait, en
definitive, dans la démocratisation des instances de pouvoir et de Ia
société, et par la reconnaissance de Ia diversité culturelle du pays, en
explorant ses profondeurs socio-culturelles.
Ainsi, nous rejoignons Blanchet (1998), pour "plaider ici pour cc
que l'on appelle désormais les "theories du métissage", pour un
multilinguisme et multiculturalisme organisé et complémentaire oii
chacun s'affirme lui-même en s'ouvrant aux autres, car nous sommes
tous métis, tous plurilingues, tous différents et pourtant en relation. La
pureté, l'unicité, est un concept idéologique boiteux et dangereux. On
commence par le purisme linguistique, puis on passe a 1'uniformité
culturelle, a la purification ethnique, de l'ethnocide au genocide. Tout
cela participe, a des degrés divers, du même principe insupportable Ct
suicidaire de mépris de l'Autre et de Ia glorification de Soi-même
comme modèle unique (ou du mépris de Soi-même et de la
glorification de 1'Autre, qui en est l'autre facette)". Et nous ajoutons
que la culture universelle, synthèse des différentes civilisations
humaines, est la propriété de toute 1'humanité, ii faut s'y intégrer sans
complexe.
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