Cours 2025
Cours 2025
Notes de cours :
HISTOIRE DES FAITS ECONOMIQUES
ET SOCIAUX
INTRODUCTION GENERALE
Définition
Ce cours est intitulé Histoire des faits économiques et sociaux.
Objectifs
Le présent cours a come principe : revisiter le passé pour comprendre le
présent et anticiper l’avenir. Ainsi son objectif se conçoit à trois niveaux :
L’objectif premier de ce cours est de donner aux étudiants l’envie de lire les
œuvres originales de grands auteurs en économie. Aucun cours ne peut
remplacer cette lecture et les extraits qui pourront être lus durant l’exposé
de ce cours risquent d’être mal interprétés si vous n’êtes pas capables de les
restituer dans les œuvres
L’objectif est ici de renforcer leur intérêt sur la science économique dans
son ensemble en leur proposant une vision un peu différente de celle qu’ils
pouvaient avoir dans des cours descriptifs ou instrumentaux.
Plan du cours
Pour atteindre les objectifs ci-haut cités, le cours sera étalé sur deux grandes
sections et chacune d’elle en chapitre
Bibliographie
1. BARRERE A., LE HERON E. et LEVY P. Histoire de la pensée
économique : la formation des premiers systèmes d’économie politique,
Tome 1, Ed. CUJAS, Paris, 1994
2. BENECHI R. et NOUSCHI M., Histoire économique contemporaine : la
croissance aux XIXe et XXe siècles, 2è Ed, Ellipses, Paris, 1990
3. BERNIER B., La pensée économique contemporaine, Dunod, Paris,
2001
4. BRASSEUL J., Histoire des faits économiques et sociaux : De la
révolution industrielle à la Première Guerre mondiale, 2è Ed, Armand
Colin, Paris, 2004
5. CARSALADE Y., les grandes étapes de l’histoire économique, Éd. de
l'école polytechnique, Paris, 2002
6. CHAVANCE B., MAGNIN E., MOTAMED-NEJAD. R, SAPIR J.
Capitalisme et socialisme en perspective. Evolution et transformation
des systèmes économiques, Paris, la découverte, 1999
7. DEQUIEDT V., « Grands courants de la pensée économique
contemporaine », notes de cours, Université d’Auvergne-Clermont-
Ferrand 1, 2009-2010
8. CHALMIN P., Une brève histoire économique d’un long XXè siècle, Ed.
Francois Bourin, Paris, 2019
9. MAZEROLLE F., Histoire des faits et des idées économique, Ed
Gualino, Paris, 2OO6
10. PASCAL P., Précis de l’histoire économique, Ed. Ellipses, Paris, 2006
11. VILLEY D. et NEME C., Petite histoire des grandes doctrines économiques, Ed.
Genin, Paris, 1939.
5
INTRODUCTION
Avant A. Smith, les analyses étaient partielles et ne s’intéressaient qu’à quelques problèmes
économiques particuliers, et non à l’économie dans sa globalité. Ce n’est qu’avec les
classiques qu’on va avoir à la fois des analyses de crises, fluctuations, croissance, …
Ils puisent dans les prémices philosophiques de la pensée économique, puis les précurseurs
seront les mercantilistes et les physiocrates.
Le courant mercantiliste est très hétérogène (15e au 17e siècle, la diversité dans le temps et
dans l’espace). Les thèmes économiques sont principalement la réflexion sur le commerce
international, le rôle de la monnaie et l’intervention de l’Etat dans l’économie.
Le courant physiocrate (18e siècle), notamment avec Quesney et son tableau économique
(1758)
Le seul créateur de richesse est l’agriculture. Le libéralisme est justifié par aucune
entrave de l’agriculture, et les agriculteurs sont appelés « la classe productive » tandis
que l’industrie ne créé rien, elle transforme les matières premières produites par
l’agriculture et le commerce ne fait que déplacer la production agricole et industrielle.
Les physiocrates posent les bases du libéralisme en considérant que la propriété privée
est primordiale, que la rencontre de producteur et d’acheteur crée « le bon prix » sans
pour autant parler de marché et encore moins en étant affleuré par l’idée
d’autorégulation. Ils préconisent déjà le « laissez faire, laisser passer », la baisse des
impôts et la baisse de multitude d’impôts en un seul et unique bas qui servirait aux
besoins de la défense nationale, ainsi que la mise en place d’une politique apte à juger
les atteintes aux intérêts des particuliers.
Le tableau économique de Quesney, qui regroupe la population en plusieurs agrégats,
montre une vision synoptique de l’économie française à son époque. Il établit des flux
réels ou monétaires entre les différents agrégats, ce qui n’est pas sans rappeler le
circuit de la comptabilité nationale.
LE COURANT CLASSIQUE
Le courant classique du 18e siècle est caractérisé par une évolution radicale des mentalités,
des valeurs, des techniques et de processus économiques. Il s’agit de ce que l’on appelle la
première révolution industrielle. La puissance économique réside davantage dans la
détention de biens de production que dans la sphère des échanges. C’est en Angleterre,
première grande puissance à l’époque, avec Adam Smith (1723-1790), Thomas Malthus
(1766-1834), David Ricardo (1772-1823) ; puis en France avec Jean Baptiste Say (1767-
1832) que naît la pensée libérale classique.
Malgré la pluralité de leurs travaux1, les auteurs classiques parviennent à forger une
analyse qui repose sur quelques grands principes.
L’individu est un être rationnel, il est le seul capable de juger et de décider ce qui est bon pour
lui. L’interventionnisme de l’Etat, même à but louable est donc pervers dans ses
conséquences. Chaque individu poursuit son intérêt particulier (utilitarisme) par la
maximation des satisfactions et la minimisation de l’effort (hédonisme). Ce postulat smithien
a été précisé par Jeremy Bentham avec la plus grande netteté.
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Principales œuvres : recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations d’Adam Smith (1776).
Traité d’économie politique de Jean Baptiste Say (1803). Principes de l’économie politique et de l’impôt de
David Ricardo (1817). Principes d’économie politique de Thomas Malthus (1820)
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L’harmonisation des intérêts étant naturelle, il n’y a dès lors aucune raison pour qu’un
pouvoir politique-Etat fasse passer l’intérêt général au-dessus de la somme des intérêts privés.
Le rôle de l’Etat selon Von Mises (1983, p. 39) est de « garantir le fonctionnement sans
heurts de l’économie de marché contre la fraude et la violence tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur du pays »
L’Etat doit donc se garder d’intervenir au-delà de son domaine naturel (Etat gendarme)
d’autant plus qu’en apportant atteinte aux libertés économiques, il engage les hommes sur la
route de la servitude. Les libertés économiques sont « le Rampart des autres libertés » déclare
Hayek (1947), et la meilleure garantie de liberté est la propriété privée des moyens de
production : « notre génération a oublié que la meilleure garantie de la liberté est la
propriété privée non seulement pour ceux qui la possèdent mais presque autant pour ceux qui
n’en ont pas. C’est parce que la propriété des moyens de production est répartie entre un
grand nombre d’hommes agissant séparément que personne n’a un pouvoir complet sur nous
et que les individus peuvent agir à leur guise. » (Hayek, 1947)
La loi des débouchés de Jean Baptiste Say stipule que « toute offre crée ses débouchés » c’est-
à-dire que l’offre crée une demande équivalente.
b. L’analyse de la production
L’analyse de la production chez les classiques repose essentiellement sur les 4 piliers suivant :
la division du travail, la théorie de la valeur, la loi de débouchés de J-B Say, la théorie
quantitative de la monnaie.
La division du travail
Chez les classiques, le processus de production est la combinaison des facteurs de production
(terre, travail, capital). Plus la spécialisation des tâches ou encore la division du travail est
poussée, plus le produit obtenu (la combinaison des facteurs de production) sera élevé
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(efficace). Dans son ouvrage « la recherche sur la nature et les causes de la richesse des
nations » Adam Smith introduira la division du travail en s’appuyant sur le célèbre exemple
de la manufacture d’épingles :
« Un ouvrier tire le fil de la bobine, un autre le dresse, une troisième coupe la dressée, un
quatrième empointe, un cinquième est employé à émoudre le bout qui doit recevoir la tête.
Cette tête est elle-même l’objet de deux ou trois opérations séparées : la frapper est une
bésogne particulière : blanchir les épingles est une autre : c’est même un métier distinct et
séparé que de piquer les papiers et d’y bouter les épingles : enfin, l’important travail à faire
une épingle est divisé en dix-huit opérations distinctes ou environ, lesquelles, dans certaines
fabriques sont remplies par autant des mains différentes quoi que dans d’autres le même
ouvrier en remplisse deux ou trois » (1776)
Par la suite, la division du travail sera à la base de la doctrine du libre-échange prônée par les
classiques. En effet, Adam Smith souligne dans le chapitre II des « recherches sur la nature et
les causes de la richesse des nations » que c’est « la certitude de pouvoir troquer tout le
produit de son travail qui excède sa propre consommation, contre un pareil surplus du
produit du travail des autres qui peut lui être nécessaire, qui encourage chaque homme à
s’adonner à une occupation particulière et à cultiver et perfectionner tout ce qu’il peut avoir
de talent et d’intelligence pour cette espèce e travail » (1776). Ainsi, puisque c’est la faculté
d’échanger qui donne lieu à la division du travail, l’accroissement de cette dernière sera
limitée par l’étendue de la faculté d’échanger, ou en d’autres termes, par l’étendue du marché.
La théorie de la valeur
Elle s’interroge sur les richesses qu’il faut produire. C’est également l’une des questions les
plus controversées du 19e siècle, on distingue généralement deux écoles ; l’école Anglaise
basée sur la valeur d’échange et l’école Française basée sur la valeur de l’utilité. Adam Smith
et Ricardo se sont engagés sur la voie d’une théorie objective de la valeur, recherchant au-delà
de la valeur d’usage des biens (subjective et variable d’une situation à une autre), les
fondements d’une valeur d’échange acceptable par tous. Selon Adam Smith, « il s’agit
d’examiner quelles sont les règles que les hommes observent naturellement en échangeant les
marchandises l’une contre l’autre ou contre l’argent. Ces règles déterminent ce qu’on peut
appeler la valeur relative ou échangeable des marchandises » (1776)
Cette approche ne concerne que les biens reproductibles. Pour Smith, à l’état primitif, il
n’existe qu’un seul facteur de production, le travail. Le rapport de valeur de deux biens sera
alors directement en proportion de la quantité de travail nécessaire pour les obtenir : « la
valeur d’une denrée quelconque pour celui qui la possède et qui n’entend pas en user ou la
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consommer lui-même, mais qui a intention de l’échanger pour autre chose est égale à la
quantité de travail que cette denrée le met en état d’acheter ou de commander. Le travail est
donc la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise » (1776).
Dans un état plus avancé, il faut tenir compte du profit du capital et de la rente foncière
incorporée dans chaque produit. Ce n’est plus une théorie de la valeur travail, mais une
expression du coût de production. Smith propose cependant de ne pas abandonner le travail et
d’estimer la valeur des biens en termes de travail commandé ou équivalent salarié.
Ricardo rappelle que les quantités proportionnelles de travail nécessaire pour obtenir chaque
objet paraissent être la seule règle d’échange possible. La valeur d’échange se ramène à une
quantité de travail incorporé (travail consacré aux outils et aux machines)
De son côté, J-B Say, suivant une tradition déjà bien établie en France par Turgot (1769)
revient sur la théorie subjective de la valeur, l’utilité. Dans son traité d’économie politique,
Jean Baptiste Say précise que « si les hommes attachent de la valeur à une chose, c’est en
raison de ses usages : ce qui est bon à rien, ils n’y mettent aucun prix. Cette faculté qu’ont
certaines choses de pouvoir satisfaire aux divers besoins des hommes qu’on me permette de
la nommer utilité…. La production n’est point création de matière, mais une création
d’utilité. Elle ne se mesure point suivant la longueur, le volume ou le poids du produit, mais
suivant l’utilité qu’on lui donne » (1803). Une formulation rigoureuse de l’utilité ne sera
donnée qu’à la fin du 19e siècle avec l’introduction concomitante de la rareté. La théorie de la
valeur serait alors liée à l’utilité et la rareté d’un bien.
Elle souligne que « c’est la production qui ouvre des débouchés aux produits » (1803, P138).
Par la suite, cette loi a donné lieu à quelques polémiques.
Certains l’ont assimilée au précepte « toute offre crée sa demande » et reproche à l’approche
classique son incapacité à saisir la portée de la demande. Or Jean Baptiste Say était tout à fait
conscient de l’importance de la demande. En insistant sur les débouchés, il souhaitait
simplement rappeler que les produits s’échangeaient contre d’autres produits et que la
monnaie ne remplissait « qu’un office passager dans ce double échange » (1803). Dès lors,
l’achat d’un produit ne pourrait être fait qu’avec la valeur d’un autre produit. Dans ces
condition, « plus les facteurs sont nombreux et les productions variées et plus les débouchés
sont faciles, variés et vastes »
Cette théorie rappelle que la monnaie est un voile, elle sert uniquement à faciliter les
transactions économiques. La monnaie est une marchandise comme une autre ; sa seule
fonction est de servir d’intermédiaire des échanges. Dans son traité d’économie politique JB
Say note que « la marchandise intermédiaire qui facilite tous les échanges (la monnaie), se
remplace aisément dans ce cas-là par d’autres moyens connus des négociants et bientôt la
monnaie afflue, par la raison que la monnaie est une marchandise et que toute espèce de
marchandise se rend aux lieux om l’on en a besoin ».
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Considérer que la monnaie est un voile, revient à accepter le raisonnement suivant : toute
hausse de M doit correspondre à une hausse de Y (c’est parce que les transactions
économiques augmentent, que l’on a besoin de plus de monnaie.)
3. La répartition
a. La théorie de la rente est associée à deux apports. Malthus et Smith considère que
la rente foncière est considérée comme un don gratuit de la nature récupérée par
les propriétaires fonciers en vertu de leur pouvoir monopole de détention de la
terre. De leur côté Ricardo et Mill introduisent le principe de la rente différentielle
comme la terre est limitée, les rendements sont décroissants. On admet ainsi que
les nouvelles terres qui seront mises en chantier, seront de moins en moins fertiles.
b. La théorie de l’intérêt : les classiques considèrent que le profit et l’intérêt sont
assimilables. Smith avance que le produit est la part de la richesse produite qui
revient aux capitalistes. Pour Ricardo, il s’agit de faire une soustraction entre la
valeur créée et la part allant aux salariés pour assurer leur entretien, la part aux
propriétaires fonciers en vertu de la rente différentielle. En fait, dans l’approche
libérale, le profit rémunère le risque de l’entrepreneur et des apporteurs des
capitaux. Le profit d’aujourd’hui est la condition des investissements de demain.
c. La théorie du salaire présente deux versions complémentaires.
La première de court terme s’appuie sur la théorie des fonds de salaires (A. Smith,
J-S Mill). La masse salariale (le salaire multiplié par le nombre des travailleurs) est
considérée comme prédéterminée par le montant des capitaux accumulés (épargne)
par les capitalistes pour engager le processus de production.
La seconde, de long terme, introduit le salaire naturel (Malthus, Ricardo). Le
travail est une marchandise qui a un coût de production correspondant au
minimum nécessaire à l’entretien de l’ouvrier et de sa famille.
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Dans nombreuses théories classiques, les marchés s’ajustent par eux-mêmes, on dit qu’ils
s’autorégulent. Cependant, vu que l’économie et le marché sont victimes de crises régulières,
on peut se poser des questions sur la capacité du marché à réagir en cas des crises continues.
De plus, l’apparition des crises fréquentes remet en question la stabilité naturelle du marché et
met en lumière son potentiel de déséquilibre.
Deux questions se posent alors : le marché peut-il être le seul outil de régulation, d’adaptation,
de stabilité et de prospérité ? L’Etat doit-il intervenir afin de maintenir le marché ?
A ces deux questions, les économistes classiques répondront d’une position globalement
libérale. Selon eux, les actions et interactions économiques s’équilibrent spontanément ou
comme Smith l’illustre via la « main invisible ». L’interventionniste de l’Etat ne peut que
dérégler le fonctionnement normal de l’économie et coûter aux contribuables. Selon cette
école de pensée, l’économie, en s’équilibrant, se divise ou se spécialise donnant à chaque
acteur une tâche particulière permettant une augmentation globale de la production. Pour que
cette division du travail existe, Adam Smith, mettra en évidence la nécessité de l’épargne.
L’épargne est un préalable nécessaire pour investir et afin de faire progresser la société.
Enfin, la pensée classique est centrée sur la création des richesses et sur l’importance de
l’offre et de la demande au sein de cette création. Cependant le 18e et le 19e siècle sont encore
dominées par les pénuries, quasi tous les produits répondent donc à un seul besoin, ce postulat
n’est plus envisageable aujourd’hui où des nombreuses surproductions existent.
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Apparue dans la seconde moitié du 19e siècle, la pensée néoclassique tire son origine dans les
travaux de Léon Walras, Vilfredo Pareto et Alfred Marshall. Trois notions sont essentielles :
L. Walras (1834-1910), V. Pareto (1848-1923), A. Marshall (1842-1924)
1. Le calcul à la marge
La théorie néoclassique cherche l’explication des phénomènes économiques au niveau des
comportements individuels guidé par le principe de rationalité. C’est la démarche de la
microéconomie. Le modèle de l’homo oeconomicus insiste sur le fait que tout comportement
relève d’un calcul, d’un choix explicite ou implicite, …
Toutefois, la théorie néoclassique admet qu’à court terme, seul le facteur travail parvient à
s’adapter (le facteur capital a besoin d’un certain temps d’adaptation)
Le prix du marché résulte de l’égalisation entre le coût marginal et l’utilité marginale qui,
appréhendé du point de vue du producteur, prend le nom de recette marginale. A long terme,
le prix du marché est égal au minimum du coût moyen et le profit pur égal à 0. Les facteurs de
production (travail, capital) sont rémunérés en fonction de leur productivité marginale. Ainsi
le salaire réel est égal à la productivité marginale du travail.
L’équilibre partiel (équilibre sur un seul marché), cher à Alfred Marshall est souvent opposé à
l’équilibre général, dont la paternité revient à Léon Walras.
Dans son ouvrage éléments d’économie politique pure (1874), Léon Walras précise la
condition d’équilibre général : « l’échange des plusieurs marchandises entre elles sur un
marché régi par la libre concurrence est une opération par laquelle tous les porteurs soit,
d’une, soit de plusieurs d’entre ces marchandises, soit des toutes, peuvent obtenir la plus
grande satisfaction de leurs besoins compatible avec cette condition que non seulement deux
marchandises quelconques s’échangent l’une contre l’autre suivant une proposition commune
et identique, mais que de lus, ces deux marchandises s’échangent contre une troisième
quelconque suivant deux propositions dont le rapport soit égal à la première.
L’équilibre général est la fonction d’un prix d’équilibre sur chacun des marchés existants.
La théorie néoclassique identifie quatre marchés : le marché des biens et services, le marché
du travail, le marché des titres et le marché de la monnaie.
Les agents économiques sont à la fois demandeur et offreur sur l’ensemble des marchés (ainsi
les ménages demandent des produits sur le marché des biens, offrent leur force de travail sur
le marché du travail, demandent les actifs financiers sur le marché des titres, demandent de la
monnaie). La théorie néoclassique insiste sur l’interdépendance des 4 marchés, en précisant
(grâce aux égalités comptables emplois-ressources des agents) que l’équilibre sur les marchés
du travail, de la monnaie et des titres, permet de conclure que le marché des biens et des
services est également en équilibre.
Par ailleurs, Léon Walras suppose l’existence d’un commissionnaire-priseur qui centralise
toute l’information sur le volume et les conditions de transactions, et propose des prix. Les
prix étant donnés, les agents, dissociés en unité de consommation (le consommateur maximise
sa fonction d’utilité sous une contrainte budgétaire) et une unité de production (le producteur
maximise son profit sous une contrainte d’une fonction de production), vont manifester leurs
offres et leurs demandes correspondantes. Cette confrontation entre offres et demandes pour
un certain système des prix s’effectuera sans qu’aucun échange n’ait eu lieu. Le prix évoluera
en fonction de l’excès de l’offre (la demande) sur la demande (offre) pour aboutir à un
nouveau système de prix. Le processus d’ajustement continuera (sans que s’effectue aucun
échange) jusqu’à ce qu’il existe un système de prix pour tous les opérateurs et pour chaque
bien, l’offre soit égale à la demande, et que les échanges ne puissent s’effectuer en dehors de
ce même système de prix. Vilfredo Pareto précisera que l’équilibre général est un optimum,
c’est-à-dire qu’il est impossible d’améliorer la satisfaction à l’équilibre et qu’il n’y a plus de
possibilité d’échange. L’équilibre avec un système de prix unique aboutit ainsi à la
maximisation des satisfactions pour l’ensemble des agents économiques.
La théorie néoclassique est normative dans la mesure où les équilibres ne sont pas ce qui est,
mais ce qui doit être. D’une certaine manière, il faut donc modifier le réel dans le sens des
hypothèses du modèle.
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Ceci explique l’utilisation courante du modèle de concurrence pure et parfaite. Sur le marché,
le prix est unique compte tenu de la rationalité des comportements sous les hypothèses : de
fluidité du marché (circulation de l’information), de transparence du marché (l’information est
disponible à tous) ; d’atomicité de l’offre et de la demande (aucun agent ne peut agir sur le
marché), d’homogénéité des produits (produits standards) et d’absence de barrières à l’entrée.
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1. La recherche de la plus-value
Le courant Marxiste s’oppose à la théorie libérale en démontrant que l’organisation capitaliste
de la société aboutit à l’exploitation de la plus grande partie de la population par les
détenteurs des moyens de production. La société se divise donc en deux grandes classes qui
s’affrontent : le prolétariat (qui détient la force de travail) et la bourgeoisie (qui détient le
capital).
Marx part du principe que la force de travail (seule source de valeur) n’est pas payé par le
capitaliste au prorata de la valeur qu’elle a permis de créer, mais marchandise comme les
autres, à sa valeur d’échange (qui suite à la théorie du minimum vital, correspond au temps de
travail exigé pour produire les biens nécessaires à sa production). Le capitaliste récupère à son
profit la différence qui constitue la plus-value (ou encore surtravail).
2. La crise du capitalisme
Pour Karl Marx, la crise du capitalisme est inéluctable et ceci pour plusieurs raisons :
Les décisions des agents économiques ne sont pas coordonnées. D’une part, la
production et la consommation sont des opérations disjointes. Les biens sont produits
pour être vendus en échange de monnaie, et non pour satisfaire la demande, ce qui
entraine des désajustements entre production et consommation.
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D’autre part, l’investissement est réalisé par les entreprises capitalistes dans les
branches susceptibles de procurer des taux de profit élevés sans pour autant qu’une
demande effective soit assurée. Si l’économie est décomposée en deux sections
productives : l’une des biens de production (section I), l’autre des biens de
consommation (section II). L’absence de coordination de l’investissement empêche la
réalisation permanente des conditions d’équilibre d’une telle économie.
L’économie capitaliste fait apparaître un problème de sous consommation ouvrière.
L’entrepreneur individuel, en cherchant à maximiser ses profits, va faire pression sur
les salaires qui représentent un coût. Or ces salaires sont un élément de la demande
effective (cette situation devrait s’accentuer avec la croissance du salariat). Ceci
caractérise une situation de surproduction par rapport à la demande effective. Le
marché va sanctionner cette surproduction en entraînant une baisse des prix qui va
elle-même provoquer une baisse de taux de profit. Cette baisse du taux de profit va
inciter les capitalistes à investir dans d’autres prix et du taux de profit provoque une
baisse de la production, de l’emploi et du pouvoir d’achat. C’est la dépression.
Enfin la recherche d’une plus-value toujours importante (notamment grâce à des
salaires bas, que Marx appelle Minimum de substance) et la concurrence entre
capitalistes devraient provoquer la paupérisation des ouvriers et un blocage dans le
développement du système capitaliste. Cette contradiction doit entraîner la destruction
du capitalisme et l’avènement du socialisme (l’un des fondements de l’idéologie
socialiste repose sur l’abolition des moyens privés de production, source
d’exploitation du prolétariat, il faut lui substituer des moyens collectif s de
production).
Cette crise du capitalisme est un phénomène structurel, il existe en effet une cause
profonde (à rechercher dans les contractions du système capitaliste) et une cause
immédiate (concurrence permanente entre capitalistes, le développement économique,
l’accumulation du capital en vient à créer les conditions d’une surcapacité et de
production par rapport à la demande effective). Dans le même temps, elle est cyclique et
régulatrice. Marx considère que de la crise va naître la reprise. La dépression entraine une
dévalorisation d’une partie du capital productif qui n’est plus à mesure de produire
suffisamment de profit. Ce processus a trois conséquences :
La concentration industrielle ;
La réduction du taux de salaire permettant la hausse du surplus pour les entreprises
restantes ;
La hausse du taux de profit (qui est le rapport entre la valeur du surplus, qui augmente,
et la valeur du capital engagée, qui diminue)
La théorie de la régulation trouve son origine dans une critique sévère et radicale du
programme néoclassique qui postule le caractère autorégulateur du marché. Elle entend pour
cela bénéficier des apports des disciplines voisines telle que l’histoire, la sociologie, les
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sciences politiques et sociales avec lesquelles elle entretient des multiples relations (emprunt
et transformation des notions, importations d’hypothèses, exploitation des quelques questions
identiques ou voisine).
Dans son ouvrage la théorie de la régulation : une analyse critique, Robert Boyer (1986)
précise que la généralisation de l’échange marchand rend les crises possibles. Il introduit une
notion intermédiaire, celle de régime d’accumulation, suggérant que de telles contradictions
peuvent être surmontées : « on désignera sous ces termes l’ensemble des régulations assurant
une progression générale et relativement cohérente de l’accumulation du capital, c’est-à-dire
permettant de résorber ou d’étaler dans le temps les distorsions et déséquilibres qui naissent
en permanence du processus lui-même » (1986. P.46). En ce sens les crises économiques
majeures sont des crises de mutation entre une régulation ancienne qui ne permet plus la
croissance économique et une nouvelle régulation qui permettra de résoudre les causes
profondes de la crise.
L’origine même de ces régularités apparaîtra au travers des formes institutionnelles, définies
comme la codification d’un ou plusieurs rapports sociaux fondamentaux. R. Boyer introduit
cinq formes institutionnelles (la monnaie, le rapport salarial, la concurrence, les modalités
d’adhésion au régime international, l’Etat) intervenant dans la détermination du régime
d’accumulation. Cet ensemble des concepts intermédiaire permet à Boyer de définir la notion
de régulation : « on qualifiera du mode de régulation tout ensemble des procédures et de
comportements individuels et collectifs, qui a la triple propriété de : produire les rapports
sociaux fondamentaux à travers la conjonction des formes institutionnelles historiquement
déterminées, soutenir et piloter les le régime d’accumulation en vigueur, assurer la
compatibilité dynamique d’un ensemble……………………………………………………………….
Le mode de régulation décrit ainsi comment les formes institutionnelles à travers leurs
moyens d’actions, conjuguent et contraignent les comportements individuels tout en
déterminant les mécanismes d’ajustement sur les marchés. Ces moyens d’action au nombre de
trois sont les suivants :
La loi, la règle ou le règlement, définis au niveau collectif, ont pour vocation
d’imposer par la coercition, directe ou symbolique et médiatisée, un certain type de
comportement économique aux groupes et individus concernés.
La recherche d’un compromis, issus de négociation insistant sur le fait que ce sont
les agents privés ou de groupes qui, partant de leurs intérêts propres, aboutissent à un
certain nombre de conventions régissant leurs engagements mutuels.
L’existence d’un système de valeurs ou des représentations suffisant pour la routine
remplace la spontanéité et diversité des pulsions et initiatives privées. De tels
exemples se retrouvent dans les croyances religieuses, dans les règles de bonne
conduite, dans les vues sur l’avenir selon Keynes.
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La théorie générale s’attaque à la loi de Say « l’offre crée sa demande » (qui suppose
implicitement que le système économique fonctionne à pleine capacité) et au rôle
stabilisateur de marchés. Une théorie serait incapable d’étudier les problèmes se
rapportant au chômage (involontaire) et au cycle économique. Les crises économiques
(surproduction, chômage,…) sont synonymes d’une défaillance des marchés et de la
loi de l’offre et de la demande. Une solution au problème serait une intervention de
l’Etat, c’est-à-dire une substitution du public au prix (on passe de l’Etat gendarme à
l’Etat providence). Cette intervention de l’Etat s’effectue au travers des politiques
économiques.
La théorie générale a pour vocation de présenter le fonctionnement du système
économique pris dans son ensemble. En considérant les revenus globaux, les profits
globaux, la production globale, l’emploi global, l’épargne et l’investissement global,
bien plus que les revenus, l’emploi, la production, … d’industries, d’entreprises ou
d’individus considérés isolement. Ainsi l’égalité de l’épargne et de l’investissement
qui est nécessairement vérifiée dans l’ensemble du système ne l’est nullement dans le
cas d’individus isolés. L’analyse Keynésienne est donc avant tout une approche
macroéconomique.
La théorie générale a également pour vocation de démontrer que le volume réel de la
production et de l’emploi dépend non de la capacité de production ou du niveau
préexistant du revenu, mais des décisions courantes des produire, lesquelles dépendent
à leur tour des décisions d’investir et de l’estimation actuelle des montants de la
consommation courante et future. Dès que l’on connaît la propension à consommer et
à épargner, on peut calculer le niveau des revenus et partant les niveaux de la
production et de l’emploi qui assurent l’équilibre du profit lorsque l’investissement
nouveau est d’un montant donné.
La théorie générale insiste sur le rôle joué par l’investissement. On peut ainsi penser
que celui-ci constitue le remède spécifique au chômage involontaire. (tout du moins à
court terme). Mais l’analyse de court terme ne doit pas être confondue avec la thérapie
de long terme. Le remède spécifique au chômage, c’est l’accroissement de la
consommation laquelle est la fin de l’activité économique, et non l’augmentation de
l’investissement qui n’en est que le moyen.
19
L’investissement est par nature instable : il résulte en effet des prévisions sur la
rentabilité du capital. Plus précisément de l’efficacité marginale du capital
(comportement des entrepreneurs) u niveau de l’intérêt qui dépend en partie du
comportement des ménages (demande de monnaie).
La théorie générale est une théorie de la monnaie (la monnaie de crédit). La théorie
générale de l’emploi et les monnaies sont étroitement liées.
Keynes stipule que le chômage est le résultat d’une insuffisance de la demande effective.
L’Etat peut agir sur les 2 composantes de la demande globale. 2
Dans les faits, l’action de l’Etat se traduira par une politique budgétaire expansive (dépenses
recettes), plus précisément l’Etat va chercher à augmenter ses investissements publics.
L’impact sur l’économie plus que proportionnel. C’est ce que l’on appelle « effet
multiplicateur »
Généraliser l’étude des déséquilibres en considérant que les agissements sont lents à
s’effectuer
Déterminer les fondements microéconomique de la macroéconomique Keynésienne.
2
L’investissement n’est avantageux que si l’efficacité marginale du capital est supérieure au taux d’intérêt
(effet de levier). Il existe une relation inverse entre le taux d’intérêt et l’investissement.
21
Si l’on parle « de révolution industrielle », ce n’est pas pour mettre l’accent sur le caractère
rapide de l’industrialisation mais pour souligner qu’elle est au cœur d’une transformation
fondamentale du mode de fonctionnement de l’économie et de la société qui représente à la
fois un changement quantitatif et une mutation qualitative.
A. L’EVOLUTION INTELLECTUELLE
Bien avant qu’apparaissent les innovations techniques décisives, une évolution intellectuelle,
qui s’étend sur plusieurs siècles, transforme l’attitude de l’homme occidental vis-à-vis de son
environnement.
Dans les civilisations anciennes, l’homme se trouve soumis aux forces de l’univers dont il ne
comprend pas les ressorts. Il s’en accommode par la magie ou la religion d’où découle le rôle
éminent des sorciers, des devins et des clercs. S’il maitrise certaines technologies
rudimentaires, leur puissance et les conditions d’existences ne lui permettent d’espérer qu’une
survie de groupe. L’individu n’existe que par et pour le groupe. L’individualisme n’a pas de
sens. Les civilisations judéo chrétiennes amorcent un lent renversement de cette conception en
développant les notions de progrès, de domination de la terre, par l’homme, de terre promise.
Mais dominations et progrès se situent longtemps au niveau spirituel. La renaissance, en
exaltant la puissance humaine et en focalisant l’attention sur les aspects profanes de la vie,
présente la nature come un objet de conquête et ouvre a voie à une emprise de l’homme sur le
monde. En orientant l’esprit humain vers les intérêts matériels, elle développe un courant
individualiste.
Avec Calvin, la Réforme conduit au capitalisme, au point que certains auteurs estimeront que
celui en est « l’inventeur ». Sa théologie comporte s la thèse de la corruption radicale de la
nature humaine par le péché originel et de la prédestination. Pour les Calvinistes qui pensent
que la nature humaine est imperméable à la grâce, la réussite matérielle est la seule manière
de prouver qu’on est en état de grâce.
22
Pour l’homme qui cherche à déterminer s’il est ou non prédestiné au salut, la seule méthode
consiste à observer objectivement les résultats de ses actes. La qualité des fruits prouve la
qualité de l’arbre. Le travail apparait alors, non pas comme un simple moyen, mais comme le
véritable témoignage du salut. Ce travail n’a jamais de fin. Il faut persévérer sans cesse. Plus
ses résultats sont considérables, plus est apparent signe que l’homme est élu de Dieu. Mais le
profit réalisé par le travail n’est qu’un signe et un moyen mis à sa disposition pour continuer à
travailler. Le pire de péché c’est le luxe qui dissipe une partie de profits. L’empêchant ainsi
d’être réinvestit pour rendre un autre travail plus efficace et plus dynamique.
Par ailleurs l’austérité aboutit à une certaine uniformisation dans les comportements, dans les
vêtements en particulier, favorable à une production qui commence à ressemble à la
production en série. L’opposition en luxe oriente la production vers des biens répondants aux
besoins simples de la masse des hommes et limite la consommation en encourageant
l’accumulation des richesses : accumuler le capital sans jamais en jouir, sans jamais s’en
considérer comme propriétaire, mais en l’envisageant comme un dépôt, telle est la valeur
suprême pour le puritain.
Cette conception va pénétrer les artisans et une petite bourgeoisie naissante qui va avoir le
sentiment de représenter la vertu. La révolution industrielle va jaillir en particulier d’un
groupe des travailleurs épargnants énergétiques, sortis du peuple dur, pour eux-mêmes comme
pour les autres. Dans cette optique, la vie des affaires, l’épargne, l’austère calcul du
comptable, le persévérant labeur de l’entrepreneur, l’exploitation des travailleurs et
l’accumulation du capital prennent une saveur chrétienne.
23
Dans la conception chrétienne classique, le véritable bonheur n’existe que dans l’autre
monde. Cela justifie que pour parvenir au paradis, on fasse tous les sacrifices sur cette terre
qui n’est qu’une vallée des larmes dans laquelle gémissent et pleurent les hommes (gementes
et flentes in hae lacrimanim valle)
Jusqu’au XVIIe siècle, les chrétiens sont unanimes, l’objectif de l’homme est le salut, le
bonheur pour l’éternité et non pas le bonheur en ce monde. Avec la réforme un changement se
produit : en assimilant la réussite matérielle et le succès économique à un signe de l’élection
divine et donc à une promesse du salut, les protestant amorcent une évolution qui va
transformer un devoir, faire son salut à un droit naturel, la recherche individuelle du bonheur.
Des philosophes comme Cadillac font triompher l’idée de bonheur au XVIIIe siècle. Par leurs
suites les théologiens finissent par admettre que la quête du bonheur dans la vertu est louable
car elle s’enracine dans la volonté divine qui a fait le monde pour l’homme. Philosophes et
théologiens s’accordent pour en faire une loi naturelle dont le respect permet d’assurer le
bonheur de tous.
Le XVIIIe siècle découvre ainsi le bonheur. Aucun mot n’a peut-être été employé aussi
souvent dans la littérature morale et politique. Saint Just, rapportant devant la convention le
14 ventôse an II.3 mars 1794, s’écrie « Que l’Europe apprenne que vous ne voulez pas un
malheureux ni un oppresseur sur le territoire Français : que cet exemple fructifie sur la terre,
qu’il y partage l’amour de la vertu et du bonheur. Le bonheur est une idée neuve en Europe »
Dès 1776, la déclaration d’indépendance des Etats-Unis indiquait que la recherche du bonheur
était un droit inaliénable octroyé par le créateur. Quant à elle, la constitution Française de
1793 précise que : « le but de la société est le bonheur de tous.
Le chloroforme fait son apparition à la même époque, et scandale, la reine Victoria s’en fait
donner pour accoucher.
Enfin, les épidémies, la peste, la grippe sont assimilés à des punitions divines. « Ils avaient de
grandes douleurs en la teste, ensemble en estomac, ès reins et ès jambes et avaient fièvre
continue avec délire et frénésie. » ainsi Ambroise Paré décrit les grippes de l’épidémie.
Mais faute de pouvoir incriminer un virus, on pense à l’époque que la grippe est une punition
de Dieu, due à l’attitude du roi Louis XII envers le pape Jules II.
24
A partir du 18e siècle, les attitudes évoluent en Europe occidentale où l’homme se prépare
moralement et intellectuellement, à assumer tout à la fois la maitrise technique de la terre et le
règne du capital.
B. LA TRANSITION DEMOGRAPHIQUE
Au début du XIVe siècle, une évolution climatique défavorable se traduit par des suites des
mauvaises récoltes. Elles déclenchent des crises alimentaires, famines et disettes
s’accompagnent des maladies et d’épidémies. Il y a d’abord des maladies endémiques comme
la rougeole et la tuberculose qui frappent une population sous-alimentée et par conséquent
affaiblie. Au milieu du siècle, la peste noire, venue d’Orient, pénètre en Europe occidentale
par les ports méditerranéens. En France, Marseille est la première ville touchée. L’Europe
perd plus de la moitié de ses habitants. Vers 1450, la population européenne connait son
niveau le plus bas ; puis une certaine reprise commence à s’amorcer, mais ne se généralise
que très progressivement au début du 16e siècle. Les démographes estiment qu’en 1500, la
population européenne n’a pas encore retrouvé son niveau de 1300. A partir de 1640 se
produit un nouvel accident climatique : le « petit âge glaciaire ». L’hiver qui se prolonge et
l’automne précoce ne laisse pas le temps de mûrir aux céréales. C’est le cas de terribles
années 1690, les plus froides depuis sept siècles. Ces accidents naturels s’accompagnent
d’une succession d’instructions paysannes et des révoltes « frumentaires ».
Bossuet écrit alors au roi : « ce qui soutient vos peuples, c’est qu’ils ne peuvent se persuader
que votre Majesté sait tout »
Confrontée à une mortalité qui ne peut être notablement réduite, chaque société traditionnelle,
pour assurer sa survie, doit élever sa fécondité au niveau qui aboutit à une natalité au moins
égale à cette mortalité qui joue le rôle de variable de commande pour employer un langage de
cybernétique. Il en découle un ensemble des règles, notamment religieuses, de traditions et de
comportements qui subordonnent très étroitement les femmes à un rôle de mères d’enfants
aussi nombreux que possible.
25
Toute société qui aurait dérogée à ces règles aurait rapidement été condamnée à extinction.
« L’ancien régime biologique » est particulièrement contraignant pour les femmes en
imposant un état de grossesse permanent.
Cette baisse de la mortalité concerne d’abord les jeunes, notamment les femmes à la naissance
d’enfants moins nombreux, puis les adultes, puis les enfants : au cours du XVIIIe Siècle, 75%
des enfants parviennent à l’âge de 2Oans. La mortalité infantile baissera en suite de façon
continue de 20% au milieu du XIXe Siècle, à 10% en 1920, 3% en 1960 et puis moins de 1%
aujourd’hui.
Il est vraisemblable que la relation consciente entre mortalité et fécondité s’est établi au
niveau de a famille. Une fois que le phénomène de baisse de la mortalité est avéré, ce qui
prend 60 à 90 ans, les familles se rendent compte qu’il n’est plus nécessaire d’avoir autant
d’enfants dont l’éducation est une charge et qui émiettent les héritages. La réaction collective
de la société est l’élévation de l’âge du mariage : 26 à 27 ans pour les femmes, 29 à 30 ans
pour les hommes.
26
La réaction individuelle des ménages consiste à allonger les intervalles entre les naissances
par les procédés contraceptifs appelés « Pestes blanches », par les autorités religieuses en
perte d’influence. On pense notamment au « funeste secret » évoqué par BOSSUET.
Dans l’immédiat une mutation de la famille se produit, les sentiments sont plus forts car la
possibilité de garder un enfant en vie l’individualise en fait un objet irremplaçable d’affection
et des soins. Les mères sont encouragées à développer avec leurs enfants des liens affectifs
plus solides dont l’allaitement devient un symbole. C’est l’Epoque où pédagogues et
philosophes comme JEAN JACQUES ROUSSEAU s’intéressent aux normes éducatives, où
l’on invente les jeux pour enfants qui sont traités en « petits adultes » et apparaissent dans le
portrait. On développe le thème de la transmission de l’héritage et de l’ascension sociale qui
suppose une concentration des aspirations sur un nombre réduit d’enfants selon le dicton :
« un seul veau du champs ». C’est ainsi qu’apparait la conception individualiste de la
propriété, promue à l’enfant par la bourgeoisie et la paysannerie aisée, que la déclaration de
Droit de l’homme et du citoyen érigera en droit inviolable et sacré, base du libéralisme
économique.
C. LA REVOLUTION AGRICOLE
1. EN ANGLETERRE
Il se produit dès le XVIe siècle en Angleterre une première évolution liée à l’élevage du
mouton. Grâce à des améliorations techniques dans certaines cultures, les grands propriétaires
décident d’affectent une partie de leur terre à l’élevage, plus avantageux pour eux que les
cultures traditionnelles, et expulsent les petits fermiers ou contraignent certains petits
propriétaires à céder leur terre. Le mouvement reste toutefois limité mais il tend à renforcer la
concentration agraire.
Le système traditionnel de culture est « open field » qui est un système d’assolement triennal,
chaque sole étant mise temporellement en jachère une année sur trois. Les terres arables de
chaque paroisse sont reparties en ensembles des trois soles. La première est consacrée à une
céréale riche comme le blé ou l’orge qui use le sol, la deuxième à une plante pauvre, la
troisième reste en jachère pour régénérer le sol. Chaque année les cultures sont les mêmes
mais tournent au tour d’une sole à la voisine. Le cycle se boucle en trois ans. Par ailleurs, le
système de la « vaine pâture » est appliqué : c’est le droit pour tous les possesseurs de bétails,
paysans ans terres, journaliers et mêmes artisans, de laisser paître leurs bêtes sur les soles en
jachère, pendant les périodes de cultures, puis, après la récolte, sur l’ensemble du territoire.
Ce système permet à une masse considérable des personnes de subsister dans les campagnes.
2. EN FRANCE
La France, où 85% de la population est rurale au XVIIIe siècle, contre 65% en Angleterre,
connait une situation plus diversifiée. Il existe d’abord des zones de libres propriétés
paysannes, les « alleux », en Languedoc, provenance ou Béarn. Une autre exception est
constituée par les régions où survit le servage : Franche-Comté, bourgogne, Nivernais. En
dehors de ces zones exceptionnelles le domaine seigneurial, laïc ou ecclésiastique, est
composé d’une « réserve » des terres concédées aux paysans, les « tenures », et de terrains
« communaux ».
Depuis le XVIIe siècle, on assiste à une extension des tenures qui finissent par représenter
45% des terres à la veille de la révolution. Ces 45% correspondent à des terres arables tandis
que les réserves comprennent des forêts et la plus grande partie des terres incultes. Avec les
réserves la noblesse possède 35% des terres et le clergé 20%. Ces sont sujets à une forte
disparité géographique. Les tenures représentent en moyenne 2/3 des terres dans le Midi : la
moitié dans l’Est, 1/3 dans le Nord ET 1/5 dans l’Ouest.
Les techniques agricoles sont médiocres, les équipements et instrument rudimentaires. Les
rendements sont donc faibles. Pour les céréales on le calcul en nombre des grains récolté pour
un grain semé. Pour le Blé ils sont en moyenne de 5 grains récoltés pour le semé, ce qui
présente à peu près 6 quintaux à l’hectare, mais les disparités sont fortes au tour de cette
moyenne : 8 à 10 pour les meilleures terres et 2 à 4 dans les régions pauvres. Si l’on enlève le
grain nécessaire aux futures semences, il reste donc un produit net extrêmement variable sur
lequel pèse une fiscalité lourde. Influencés par les physiocrates, des seigneurs cherchent à
s’inspirer du modèle Anglais.
Depuis Colbert, des édits royaux permettent le partage de biens communaux. Par le triage, le
seigneur en récupère au moins les tiers. Ces partages autorisés par les arrêts du conseil du roi,
ne donnent aux paysans que peu des terres. Ils s’estiment lésés et les contestent.
Dès le XIIe et XIIIe siècle, avec les croisades, les relations commerciales se développent.
28
Comme on s’aperçoit vite qu’il est risqué de transporter les espèces métalliques et que les
échanges ont vocation à s’équilibrés en valeur, on découvre la lettre de change qui devient un
moyen de paiement à longue portée.
Au cours du XVIIIe Siècle, les banques comprennent qu’au-delà du rôle de circulation des
lettres de changes, des compensations par jeu d’écritures, de virement de compte à compte,
elles peuvent pallier l’insuffisance des monnaies métalliques par l’octroi des crédits dépassant
le montant de leurs dépôts. Pour peu que leur clientèle ait été fidélisé, non seulement les
crédits ne s’accompagnent pas de retrait en numéraires, mais au contraire ils engendrent des
nouveaux dépôts. A la même époque, l’usage du chèque se repend. Des banques accordent
des crédits à des commerçants en les autorisant à tirer sur elle des chèques qui sont honorés ;
ils le sont plus au moins parce que, dans cette période, des très nombreuses banques se
créent ; il y en a trop ; des crises et des faillites bancaires se produisent et durent jusque vers
le milieu du XIXe siècle.
En d’autres termes, le surplus agricole qui se concentre pour l’essentiel entre les mains de
landlord est recyclé par le système bancaire. L’abondance des capitaux monétaire se traduit
par une baisse du taux d’intérêt à long terme. De 10% vers 1620, il passe à 6% vers 1650 pour
tomber à 3% aux environs de 1750. Cette baisse en favorisant les placements à long terme
rend possible le développement des infrastructures de communication.
Sous l’ancien régime, les lenteurs et les imperfections de moyens de transport constituent une
limitation permanente de l’essor économique. Lorsque l’on parle des routes, il ne faut pas
commettre l’erreur de se référer aux routes goudronnées du 20 è siècle où le trafic coule de
lui-même.
29
Pour les marchandises, les deux moyens de transport utilisés sont des troupeaux de mules.
Parfois plusieurs milieux, et des voitures de roulages à deux ou quatre roux. Comme les routes
sont en terre, dès qu’il pleut les fondrières se remplissent d’eau. Les bêtes pataugent. Les
voitures avancent péniblement dans la boue : il faut les pousser dans les côtes. Dans les
régions argileuses où il pleut souvent comme le Pas-de-Calais, on utilise même des traineaux
qui glissent sur la boue. Selon l’expression célèbre de Paul Valéry, « Napoléon va à la même
lenteur que Jules Cesare ». En étoile autour de grandes villes il existe quelques tronçons pavés
comme la côte de garde en Meudon. La « route du roi », pavée d’Orléans à paris, est tout à
fait exceptionnelle.
Si les grandes routes, dites « postales » suscitent l’admiration et l’envie des voyageurs
étrangers, elles négligent les vastes zones de campagnes qui restent condamnées à une demi-
asphyxie. Il n’en reste pas moins qu’à la fait du 18è siècle la création des routes et des canaux
permet de multiplier les échanges et de substituer à de petits marchés locaux un véritable
marché d’ampleur national qui ouvre la voie au règne qui s’amorce de l’économie de marché.
Avec les invasions barbares les villes fondées par Rome sont en partie saccagées et désertées.
On revient à une société à base d’économie rurale fondée sur le domaine. Les souverains eux-
mêmes n’ont plus de capital et circulent des domaines en domaines. L’organisation du
domaine est conçu pour faire vivre les seigneurs et ceux qui en dépendent. Les
agglomérations urbaines n’ont qu’exceptionnellement une importance économique : centres
religieux, souvent résidence d’un évêque, elles sont reliées d’un regroupement naturel d’un
artisan d’art autour des demeures urbains des évêques et des officiers royaux. Dans les
domaines producteurs et consommateurs se confondent : l’échange des produits d’un domaine
à l’autre serait bien difficile en raison de l’insécurité. Les produits agricoles sont consommés
sur place. Chaque domaine s’efforçant de produire ce qui lui est nécessaire même quand les
conditions physique s’y prêtent mal. C’est ainsi, par exemple, que l’on s’obstine à cultiver la
vigne à Normandie, voire aussi de l’Angleterre. A partir du IXe et surtout de Xe et XIIe siècle
l’Europe connait des progrès dans les techniques et les méthodes agricoles : colliers rigides du
cheval qui devient un « moteur » agricole. Charrue à avant-train assolement triennal,
amélioration du vignoble, sélection des moutons à laine. On constate alors une amélioration
des rendements et une progression de la production qui, en dépassant les besoins de la
consommation locale, tend à se déverser au dehors. La généralisation des droits de « ban » en
est l’une des illustrations. Ces bans de vendage, des fauchaisons, des moissons,… sont un
monopole de vente dont jouissent pendant un certain délai les seigneurs désirés de couler
l’excédent des produits de leurs réserves.
Les habitants des villes se concertent à une production artisanale préindustrielle qu’ils
échangent contre les produits agricoles des campagnes.
Si les échanges se développent, leur organisation s’insère dans le triple cadre du « marché
fermé », des règlements corporatistes et de la loi morale qui découle des prescriptions d’ordre
religieux.
L’époque est profondément marquée par une osmose de la vie civile de la vie religieuse.
Constatant le développement des échanges, l’église se préoccupe d’établir des principes
économique conciliant les saluts de chrétiens et l’intérêt de la collectivité particulièrement
bien formulés dans la « somme théologique » que Saint thomas d’Aquin (1235-1274) rédige
à la demande du Pape. La doctrine thomiste précise notamment les notions de « juste salaire »
qui doivent régir les relations entre le producteur et le consommateur dans un contexte
d’équité. « L’égalité arithmétique » et de justice commutative : chacun doit recevoir
l’équivalent de ce qu’il fournit.
Définie sur base de « l’estimation commune », la commune mesure, le juste prix concilie le
gain licite auquel a droit le producteur et la production à laquelle a droit le consommateur.
Face aux risques de « l’égoïsme des maîtres », l’estimation commune de juste salaire assure
au travailleur une rémunération qui procure au bénéficiaire et à sa famille les moyens
d’existence en conformité avec les conditions de vie des habitants de la cité. Juste salaire et
juste prix constituent les obligations morales très fortes car en vertu de la loi religieuse. Leur
méconnaissance expose leur auteur à la damnation.
Plusieurs facteurs expliquent l’essor de l’industrie cotonnière : d’abord le prix bas et constant
de la matière première ; ensuite cette matière est importée et non produite par les agricultures
locales au détriment des autres besoins de la consommations humaine ; contrairement à la
laine et au lin, la production textile de coton peut s’accroitre sans autre limite que celle de
débouchés : par ailleurs, tant en Angleterre qu’à l’exportation ce textile qui peut être bouilli ;
enfin cette fibre par sa résistance se prête mieux au travail mécanique que le lin ou la laine.
apparait avec la « navette volante », inventée par John Kay en 1735, permet de doubler la
production par ouvrier. Il en découle une « disette de fil » qui est produit par un rouet
traditionnel. En 1763, Thomas HIGHS invente une machine à filer qui permet la production
similaire de plusieurs fils par un seul ouvrier, à qui il donne le prénom de sa fille le « spinnig
Jenny ». trois ans plus tard James Hargreaves perfectionne cet instrument qui comble en partie
le retard de la filature sur le tissage. En 1768 Richard Arkwright crée avec la « water frame »
les premières filatures mécaniques. L’équilibre est alors rompu au profit de filatures. Les
tisserands sont débordés, il faut attendre le 19è siècle et la généralisation automatique de
Georges Cartwright, inventé en 1784 dont le battant n’est plus actionné à la main mais par
une courroie de commande pour voir s’établir un équilibre stable entre le tissage et la filature.
Ainsi une innovation en appelle une autre et on se trouve en présence d’une succession de
progrès technique qui prend un caractère révolutionnaire. Les nouveaux métiers battent plus
vite. Il faut donc remplacer le traditionnel châssis des bois, devenu trop fragile par un cadre
métallique. L’industrie textile en pleine expansion stimule le progrès de la métallurgie qui
conduira au « puddlage » en 1794 et au procédé « bessemer » en 1855.
B. LA TRILOGIE FER-CHARBON-VAPEUR
Aussi les hauts fourneaux sont installés à proximité des forêts et leurs productions butent sur
des contraintes de disponibilité en bois. L’usage du fer est très limité et la plus part des
mécanismes font un large appel au bois. Jusqu’au 18è siècle on parle « du règne du bois
omniprésent ». quant aux mines de charbon, on se heurte au problème de l’élimination de
l’eau avec des techniques de pompages aux performances limitées.
L’idée d’utiliser la pression de la vapeur d’eau remonte à Salomon de Caux en 1615. En 1663
le marquis de Worcester reprend cette idée et réalise à Vauxhall, aux environs de Londres une
« fontaine à vapeur ».
33
En 1698 Savery imagine un appareil dénommé « pompe à vapeur » qui consiste à une
chaudière mise en communication avec une enceinte au moyen d’une canalisation munie d’un
robinet. On ouvre le robinet et la vapeur remplit l’enceinte qui communique avec la nappe
d’eau pour une soupape d’admission. Lorsqu’on ferme le robinet, la condensation de la
vapeur crée un vide qui aspire l’eau dans l’enceinte. On ouvre alors le robinet et une nouvelle
quantité de vapeur refoule l’eau par l’intermédiaire d’une soupape d’échappement. Bien
qu’elle ait un rendement désastreux, cette pompe connait de très nombreuses applications
dans les mines de charbons anglaises.
2. L’ESSOR DE LA SIDERURGIE
Jusqu’à la fin du 18è siècle la pénurie de bois bride le développement de la sidérurgie. La
fabrication de la fonte et du fer se fait au charbon de bois et entraine un prélèvement forestier
plus rapide que le renouvèlement naturel à un point tel que la reine Elisabeth Ire est amenée à
en interdire le développement. L’Angleterre importe massive de lingots de fer de suède dont
les réserves en minerais de fer et en bois paraissent inépuisables. Constatant l’accroissement
des besoins de fer pour le pompe à feu dans les mines de charbon, même si ces besoins sont
limités au stricte nécessaire, des multiples inventeurs s’efforcent d’utiliser le « charbon de
terre » dans la fabrication du fer, tentatives qui se soldent par des échecs jusqu’à ce que en
1735, le grillage du charbon, par Abraham Darby, permettent d’utiliser le coke dans la
fabrication de la fonte, mais il faudra attendre 1784 pour l’utiliser dans la fabrication du fer
grâce au puddlage mise au point par Henry Corte. Avec le puddlage commence la
concentration des industries sidérurgiques, surtout lorsque la découverte du laminage et
l’invention de la presse hydraulique par Joseph Bramah en 1796, permettent la production de
masse
3. LA MECANISATION
Les rassemblements humains qui en découlent sont par ailleurs rendus possibles par
l’application de la vapeur au développement de transport, notamment par le chemin de fer.
Au début du 18è siècle, les railles font leur apparition en Angleterre où l’extraction minière
les utilise pour faciliter le roulement des véhicules, les wagons soit à l’intérieur de galerie, soit
entre les puits d’extraction et les quais d’embarquement du charbon. La traction est d’abord
animale. Les premiers rails sont en bois, puis en fonte à partir de 1767 et en fin en fer en
1805.
Cependant, ce mode de transport ne prend une extension considérable qu’à partir du moment
où est inventé un instrument de traction adapté : la locomotive à vapeur.
C. LE « LAISSER FAIRE »
Après des siècles qualifiés d’obscurs, un courant philosophique veut apporter à l’homme du
18è siècle les bénéfices de lumières de l’intelligence pour éclairer tous les domaines et
notamment celui qu’on commence à appeler « l’économie politique ». Les philosophes
affirment que les libertés sont des droits naturels de l’homme. LOCKE évoque la « liberté
naturelle » de l’homme et ne reconnait aucun pouvoir qui lui soit supérieur. VOLTAIRE
envisage une société politique où « la liberté consiste à ne dépendre que des lois ». Contre la
règlementation étouffante des corporations, les théoriciens du 18 è siècle comme les
physiocrates français ou les classiques anglais avec ADAM Smith, réclament la liberté
économique. Ils sont persuadés qu’il existe des lois naturelles qui bien mieux que l’Etat ou
toute autorité, seraient en mesure d’assurer l’utilisation efficace des forces productives.
35
Au nom de la liberté d’entreprendre, c’est l’ensemble des régimes corporatifs qui doit être
aboli. En Angleterre, les corporations peu structurées connaissent un déclin rapide. En France
des nombreuses mesures législatives sont par contre nécessaires.
En France, sous Louis XIV, avec Colbert, qui vise notamment un objectif de qualité, des
règlementations deviennent plus sévères et plus minutieuses. Les manufactures royales ne
constituent que des exceptions dans un système industriel où les métiers subsistent dans leur
forme traditionnelle. Continuant la politique de ses prédécesseurs, Colbert part l’édit de 1673,
s’efforce de rendre effective l’organisation de tous les métiers en jurandes dont les statuts
doivent être approuvés par lettres patentes. Se trouve dès lors complétée une théorie
d’intervention complète de l’Etat en matière d’organisation et de fonctionnement de
l’industrie, reposant sur la notion d’ordre public, qui prend ainsi la place de l’influence morale
de la doctrine de l’Eglise. La damnation est remplacée par la sanction civile, amende ou
prison. L’action publique s’exerce par l’intermédiaire des intendants et des parlements, dont
les attributions règlementaires sont mises en œuvre par la police des métiers.
Sous Louis XV, le désir de favoriser la production du pays multiplie les interdictions à
l’entrée des produits étrangers. C’est le cas par exemple des toiles peintes, dont la vogue est
considérable à la cour, dont la fabrication est admise en 1759 alors qu’elle était interdite
précédemment.
La doctrine libérale trouve un large écho dans l’opinion publique et notamment à l’occasion
des cahiers de doléances, rédigés en vue de la réunion des Etats généraux, qui contiennent des
avis formulés oar les adversaires de la règlementation. On les trouve particulièrement dans les
cahiers du tiers Etat du baillage de Nemours établit par le physiocrate Dupont. La
règlementation y est tenue pour « une grave atteinte à la liberté naturelle, elle est donc
condamnable en elle-même ». ses « inconvénients éclatent encore davantage si l’on considère
les conditions dans lesquelles elle est exercée » notamment à cause de « tracasseries
continuelles à l’égard de certains fabricants ».
pratiquement pas utilisée cette main d’œuvre. D’une part les lois des pauvres (poor laws)
bloquent le déplacement ; d’une part, un ouvrier ne peut exercer ce métier qu’après 7 ans
d’apprentissage.
Les mesures connues sous le nom de lois des pauvres sont édictées en 1536 et en 1595 dans le
but de réprimer la mendicité et le vagabondage. Leurs conséquences sont extrêmement
graves. En effet, tout pauvre ou tout individu qui risque de tomber dans la mendicité doit être
renvoyé dans sa paroisse d’origine om il est enfermé, s’il n’y trouve pas du travail dans une
« work-house » et pris en charge par sa paroisse. Tandis que l’industrie naissante manque de
main d’œuvre, les chômeurs sont ainsi privés de la liberté de déplacement. Cette mesure,
compréhensible dans une société en évolution rapide. Et ce qui est plus grave cette situation
entraine un trafic odieux : les paroisses surchargées vendent aux entrepreneurs les pauvres
(notamment les enfants). On peut se référer au cas d’Oliver Twist.
Le laisser passer interne se repend assez facilement en France et en Angleterre. En France les
entraves fiscales au commerce intérieur sont stigmatisées par les physiocrates. Aussi
l’Assemblée constituante décide que les marchandises doivent librement d’une province à
l’autre et repousse les douanes à la frontière en supprimant le 2 Novembre 1790 tous les droits
de traite. De marché de marque. A partir de 1834 à l’initiative de la Prusse une union
douanière entre les Etats Allemands est créée, Le Zollverein. Les marchandises circulent
librement entre les Etats qui la composent, comme si l’ensemble formait un Etat unique. A
l’égard des pays tiers, des droits de douane uniforme sont appliqués par tous les Etats
membres qui prennent l’habitude de collaborer sous la direction de la Prusse. En unifiant le
marché intérieur Le Zollverein stimule la croissance économique.
En revanche jusqu’au début du 19è siècle, les échanges internationaux sont soumis à des
mesures de prohibition et de protection douanière. Le libéralisme à sens unique au bénéfice
des entrepreneurs explique les difficultés que rencontrent le libre-échange et la suppression
des barrières douanières. La première initiative vient de l’Angleterre qui est avantagée par son
avance industrielle. Sous l’influence de landlords, les grands propriétaires fonciers de « corn
laws » prohibant ou limitant les importations de Blé sont votés en 1815. Dans les principes de
l’économie politique de l’impôt (1817) DAVID Ricardo développe deux théories. A partir
d’une théorie de la répartition des revenus, il démontre que sans importations des grains
étrangers, il produit un blocage du développement industriel : avec l’augmentation de la
37
population, la nécessité d’emblaver des terres moins fertiles pousse le prix du Blé
nécessairement unique, à la hausse : si les salaires des ouvriers, fixés au minimum nécessaire
à la subsistance, augmentent en valeur nominale, ils restent constants en valeur réel ; le profit
des entrepreneurs industriels sont progressivement comprimés dans un état qui se resserre
sans cesse ; en fin les propriétaires fonciers, classe oisive, voient leur part dans la répartition
des revenus grossir sans cesse. La libre importation de Grains sauverait les profits et
permettrait du même coût à la progression industrielle de se développer. Promouvoir le libre-
échange, c’est laisser le cercle fatal qui entraine le profit à la baisse et l’économie à la
régression. Par ailleurs, avec la théorie du commerce international, Ricardo démontre que les
intérêts de toutes les nations qui y participent convergent.
Progressivement, les industriels comprennent que la cherté du Blé Britannique les oblige à
payer des salaires trop élevés, handicap majeur pour une industrie dont les débouchés sont en
grande partie extérieurs. En 1841, Richard Cobden, leader du mouvement libre-échangiste de
l’école de Manchester, lance une violente campagne qui aboutit malgré l’opposition des
propriétaires terriens et grâce à l’appui du Premier Ministre Robert Peel, à la suppression de
« Corn laws » ainsi que des « acte de navigation » de 1649.
En France, la marche vers le laisser passer est plus lente et plus hésitante et trouve sa
justification théorique avec les physiocrates. Les privilèges des compagnies de commerce sont
supprimés en 1769. Une première tentative de liberté du commerce des grains par Turgot
en1774 bute sur « la guerre de farine » causée par la mauvaise récolte et entraine le
remplacement de Turgot par Necker qui revient aux pratiques antérieures.
38
I. Définitions
1. Le système économique
Un système est un ensemble d’éléments interdépendants. Tous ces éléments n’en sont pas
simplement juxtaposés, le système est doté d’un mécanisme de régulation qui tend, sauf crise
majeure, à assurer sa reproduction, c’est-à-dire à la fois sa stabilité et son dynamisme. Un
système est tel que, si un élément ou une des relations entre les éléments est modifié, alors
c’est l’ensemble du fonctionnement qui est affecté.
2. Le capitalisme
Trois grandes approches du capitalisme entant que système économique peuvent néanmoins
être distinguées :
La première approche, inspirée par Karl Marx considère que le capitalisme est un mode de
production dont le rapport social fondamental est le salariat. Dans ce cadre, une société est en
présence du capitalisme lorsqu’une partie de la population (les prolétaires) ne peut subsister
qu’en vendant sa force de travail sur le marché. Ainsi c’est la transformation de la force de
travail en marchandise (contre un salaire) qui est au cœur du capitalisme. Toutefois, pour
Marx, toute économie n’est pas capitaliste : il peut en effet y avoir échange marchand entre
des producteurs individuels indépendants qui mettent en œuvre leur force de travail pour leur
propre compte. Le capitalisme est généralement caractérisé par la domination des rapports
39
marchands, mais il est possible de concevoir une économie fondée sur le salariat dans laquelle
les rapports marchands ne joueraient qu’un rôle mineur.
Pour Marx, le capitalisme est donc un mode de production (au sens de système économique)
qui assure un développement important des forces productives et qui est le meilleur moyen
d’accroitre la richesse dont l’existence est menacée à long terme en raison de ses
contradictions (baisse tendancielle du taux de profit notamment).
Dans ce cadre, les économistes libéraux définissent le capitalisme par la propriété du capital et
de l’ensemble des instruments des productions, la liberté, le droit de transmettre son
patrimoine et la régulation par le marché. Le capitalisme ou (économie du marché en
l’occurrence) est donc caractérisé par son aspect décentralisé (chaque agent décide librement
de sa contribution à la production, de ses choix de consommateur, etc.) et ce sont les
mécanismes automatiques du marché qui assurent la compatibilité des décisions individuelles,
notamment à travers les informations véhiculées par le système des prix.
La troisième approche met davantage l’accent sur les valeurs culturelles et politiques. En
effet ces derniers sont considérés comme des premiers par rapport aux facteurs économiques.
Cette approché est notamment développée par Jean BAECHLER pour qui les expressions
« développement économique » et « capitalisme » sont équivalentes. Enfin c’est le régime
politique démocratique (ou en voie de démocratisation) qui explique le capitalisme car sont
les mêmes principes qui sous-tendent les deux modes d’organisation : liberté individuelle,
respect des droits (et en particulier du droit de propriété) etc.
Considéré comme essentiel, le droit de propriété donne à tout titulaire d’un bien le pouvoir
d’en user et d’en retirer ce qu’il est susceptible de procurer (argent, bien-être, satisfaction
personnelle, échange contre un autre bien ou service, ...). Le droit de propriété permet aux
individus d’exploiter les biens de production qu’il possède. Interdire le droit de propriété
empêche l’accumulation de capital et donc la création des richesses. En outre, le simple fait de
restreindre le droit de propriété de façon autoritaire par l’Etat (fiscalité, réglementations,…)
limite le potentiel de développement économique car la confiance disparaît ou s’étiole, et avec
elle la prise des risques et la volonté de projection dans le temps.
La libre entreprise et la propriété des moyens de production donne naissance à un revenu (le
profit) élément caractéristique du système capitaliste à l’origine des capitalistes : toute
personne réalisant un profit est dite capitaliste.
41
Toutefois, la plus grande part de profit est en fait réinvestie dans les entreprises pour assurer
l’accroissement des moyens de production, et ainsi perpétuer l’accumulation des richesses
nécessaires au développement des sociétés dont la taille et les besoins s’accroissent.
Il n’existe donc pas un capitalisme mais des capitalismes. A partir de cinq critères
(concurrence, système financier, gouvernance d’entreprise, protection sociale et système
éducatif), il est possible de distinguer cinq principales formes des capitalismes :
Chaque modèle de capitalisme présente une configuration particulière des divers critères :
Les marchés des produits sont dérégulés, il y a des faibles réglementations administratives et
une faible intervention et un faible contrôle de l’Etat.
b. Le rapport salarial
La protection de l’emploi est faible même en cas de licenciement abusif, il y a une forte
flexibilité du salaire, une décentralisation de la négociation salariale. Les licenciement et
embauches sont faciles mais les indemnités des licenciements sont faibles en cas de renvoi
injustifié.
c. Secteur financier
Le secteur financier est fondé sur le marché. La propriété des sociétés cotées, grandes ou
moyennes est très dispersée avec l’introduction de l’actionnariat. Il y a une grande importance
des investisseurs institutionnels (fonds d’investissement) qui possède un fort pourcentage
d’actions. Le marché financier est très actif (prise de contrôle, fusion et acquisition).
42
Ces marchés sont très développés et marqués par l’introduction du capital risque (fort
pourcentage du PIB, accent sur les projets de haute technologie : biotechnique et
informatique).
Cette situation permet une réaction rapide au nouveau marché, favorise le dynamisme
industriel et augmente la prise des risques.
d. Protection sociale
e. Education
Il y a une importance modérée de la concurrence par les prix et très forte par la qualité. La
protection est faible contre les firmes et l’investissement étranger.
Il y a une forte protection de l’emploi et une certaine stabilité qui permet une absence de
contrainte à court terme et donc des stratégies à long terme. Les syndicats sont modérément
forts dans la politique de l’emploi actif.
c. Secteur financier
Le monde capitaliste rhénan et Anglo-saxon s’oppose. Par exemple, l’Angleterre s’est très tôt
industrialisée dans des secteurs marqués par une intensité de capital plus faible (comme le
textile). L’industrialisation Allemande est passée par l’acier qui nécessite d’importants
volumes de capital et qui peuvent plus facilement être fourni les banques (Gabel 2000) par
exemple les OPA, pratique courante dans le modèle anglo-saxon sont rares dans l’univers
rhénan.
Le marché des produits est réglementé, l’Etat est très engagé et la concurrence est très forte et
se fonde sur la qualité de ce qui implique un risque pour les salariés. Les investissements
étrangers sont très importants.
b. Le rapport salarial
La protection de l’emploi est modérée. Les politiques de l’emploi sont actives, les relations
industrielles sont coopératives et la présence des syndicats est très forte.
c. Le secteur financier
Il y a une forte concentration de la propriété une faible sophistication des marchés financiers,
une forte importance des investisseurs institutionnels. C’est un système basé sur une forte
concentration des banques.
d. La protection sociale
Il y a un haut niveau de protection sociale et une forte participation de l’Etat ce qui permet
aux salariés d’être plus flexibles.
e. L’éducation
Il y a beaucoup de dépenses pour les domaines publics avec un fort taux de scolarisation. La
formation professionnelle est très importante, et l’accent est mis sur les compétences
spécifiques et la formation permanente.
44
4. Capitalisme asiatique
La concurrence est très forte et dirigée par le prix et la qualité plutôt que réglementée. Il y a
une forte imbrication entre l’Etat et les grandes firmes, il y a une forte protection contre les
firmes et l’investissement étranger.
Les marchés financiers ne sont pas sophistiques. Il y a une forte concentration des propriétés,
des banques et un développement du capital-risque.
d. Protection sociale
Faible niveau de protection sociale, les dépenses sociales publiques et la part des dépenses
sociales dans le PIB sont faibles.
Il y a un fort taux de scolarisation, l’accent est mis sur la qualité de l’éducation secondaire qui
fournit une main d’œuvre homogène prête à acquérir les compétences spécifiques dans la
société. Une forte importance de l’éducation technique.
5. Le capitalisme méditerranéen
La protection sociale est limitée mais les dépenses pour les retraites sont importantes.
Inégale répartition des riches avec les zones de capitalisme triomphante des zones
avec forte concentration d’industrie
Naissance de la crise économique
Chômage
Dans le 25 pays les plus riches du monde (ceux de l’OCDE) il y avait en 1994 36 millions des
chômeurs. Les emplois qui ont pu être crées ont été de très faible productivité et se sont
accompagnés d’une diminution des salaires réels. Dans les 10 dernières années, les 500 plus
grandes entreprises du monde ont licencié en moyenne 400000 salariés par an malgré la forte
augmentation de leur bénéfice.
Pauvreté et exclusion
Naissance d’une nouvelle doctrine : le libéralisme fondé sur le libre-échange. Sa devise est
« laisser-passer, laisser faire ». Cette doctrine a aussi favorisé la conquête coloniale car les
industries étaient à la recherche des débouchés.
47
En 1945 s’ouvre pour le monde occidental une période tellement exceptionnelle que
l’économiste Jean Fourastié inventera, après coup en 1979, l’expression de « Trente
Glorieuses » pour ces années allant de la fin de 1945 à 1974.Les anglo-saxons parleront quant
à eux de « golden age » ce qu’Agnus Madison, le statisticien de l’OCDE, résumera comme un
« âge d’or constitué par une prospérité sans précédente », mais aussi comme une anormalité
dans l’histoire économique. Sans aller jusqu’à cette exagération, on ne peut que souligner le
caractère exceptionnel de ces années, non seulement par le niveau de croissance atteint, mais
surtout par la mise en place dans le monde occidental, sous diverses formes, d’un modèle
donnant une place centrale à l’Etat dans ses fonctions de répartition (Etat-providence) et
d’intervention (Etat entrepreneur). De ce point de vue, les Trente Glorieuses apparaissent bien
comme une parenthèse qui se refermera avec la crise de 1974.
Mais quelques chiffres d’abord pour camper le décor : durant ces années, la
croissance économique mondiale fut de 4.9% par an, ce qui donne une croissance per capita
de 2.9%. La production industrielle progressa de 5.6% par an et les échanges de 7%. Pour les
seuls pays « développés », la croissance entre 1950 et 1973 est de 3.9%, ce qui revient, durant
ces vingt-trois années, à une multiplication par 2.4 de leurs PIB réels. A titre de comparaison,
ces mêmes pays n’avaient connu qu’une croissance de 1.3% entre 1880 et 1913, et de 2%
durant les années folles. C’est pour l’Europe, où il faut bien sûr tenir compte d’un « effet
reconstruction » que la croissance est la plus forte : +4.6% pour les douze pays d’Europe
occidentale (+3.8% per capita). Mais, parti plus tard et plus loin, le Japon fit encore mieux
avec une croissance moyenne de 8% par an. Tout ceci se déroula sous le parapluie
bienveillant des Etats-Unis.
La « Pax Americana »
Pour la première fois de l’histoire en temps de paix, les Etats-Unis épousent leur
destin de puissance planétaire dans un équilibre entre l’Ouest et l’Est que certains qualifièrent
de « westphalien »3, face à l’URSS. Raymond Aron parlait, quant à lui, de « République
impériale américaine ». Ce fut particulièrement le cas dans le champ économique et les Etats-
Unis furent pendant près de trois décennies les gardiens des grands équilibres assurant au
monde une stabilité comme il n’en avait jamais connu : le rôle central du dollar dans le
3
En référence aux traités signés en 1648 pour mettre un terme à la guerre de Trente Ans
48
système de Bretton Woods, celui du « loan rate » sur les marchés agricoles internationaux, la
protection donnée au cartel des « sept sœurs » sur le marché du pétrole en sont quelques
exemples. Mais la politique américaine ne s’arrêta pas là : c’est aussi le début de l’aide au
développement, qu’elle soit alimentaire comme pour la célèbre PL 480 permettant au début
des années 1950 l’aide alimentaire à l’Inde ; qu’elle soit financière en direct ou au travers de
la Banque mondiale ; ou qu’elle soit humaine avec la création par Kennedy du Peace Corps.
D’une autre manière, les Etats-Unis se lancèrent aussi dans une forte politique
d’investissements directs à l’étranger (IDE), partout dans le monde. Les entreprises
américaines dominent ainsi des secteurs comme l’aéronautique ou l’automobile et
représentent 48% de la production automobile mondiale.
Alors que dans l’entre-deux-guerres, l’Europe avait encore joué un rôle important au
niveau scientifique et dans la diffusion des technologies, ce sont les Etats-Unis qui vont
désormais assumer le relais en profitant d’ailleurs d’un courant, ininterrompu
jusqu’aujourd’hui, d’immigration des cerveaux, chassés dans un premier temps puis attirés
par des conditions de travail sans équivalent en Europe. Entre 1945 et 1965, 35% des prix
Nobel scientifiques sont américains, dont une bonne partie d’origine étrangère : entre 1966 et
1995 (ce qui reflète bien les travaux de l’après-guerre), la part des Etats-Unis est de 58%.
Dans les années 1950, les missions de productivité européenne se succèdent aux Etats-Unis
pour essayer d’apprendre du modèle américain, y compris dans le domaine nouveau du
« management ». Ainsi, tous les distributeurs européens se rendent-ils à Dayton, dans l’Ohio,
aux séminaires organisés par NCR (National Cash Register) pour écouter Bernado Trujillo, le
gourou de la distribution, leur parler de libre-service, de supermarchés et des centres
commerciaux. C’est de là que naîtra l’invention du premier supermarché Carrefour, en
France, à Sainte-Geneviève-des-bois, en 1962 ; la référence des hôtels.
L’un des héritages majeurs de la seconde guerre mondiale avait été la place centrale occupée
par les Etats dans la gestion des économies de guerre et la mise en œuvre dans les premières
années de l’après-guerre des promesses sociales de l’époque se caractérisant par le
développement de l’Etat-providence.
Dans les décennies suivantes, chaque pays connut sa propre évolution, donnant malgré tout
une place déterminante à l’Etat sous toutes ses formes, au point que l’on parle « d’économie
49
mixte ». Mais derrière cette notion quelque peu vague, ce sont des véritables « modèles » qui
virent le jour : modèle rhénan ou alpin, modèle scandinave, modèle français et même un
modèle anglo-saxon. On peut en fait distinguer surtout des modèles « néo-étatiques », des
modèles de concertation et puis le cas particulier des Etats-Unis, sans d’ailleurs que cette
classification quelque peu arbitraire n’empêche d’inévitables chevauchements.
En grande partie suite au rôle joué par les Etats-Unis, l’époque fut marquée par une
exceptionnelle stabilité des marchés internationaux. C’était bien sûr le cas des changes, au
moins jusqu’au milieu des années 1960 et aux premiers réajustements monétaires (dévaluation
du sterling en 1967, du franc en 1968, réévaluation du mark en 1960). Ce fut aussi le cas des
matières premières avec nombre de prix fixés par des cartels de compagnies productrices pour
le pétrole, les métaux non ferreux ou l’acier. Sur les marchés agricoles, les Etats-Unis jouèrent
aussi un rôle déterminant et les seules véritables instabilités furent celles de produits tropicaux
comme le sucre, le café ou le cacao.
Jamais, en fait, la prospérité, ni surtout le sentiment de prospérité, n’avait été aussi grande
qu’en cette fin des années 1960. C’était aussi la première fois dans l’histoire que pareille
situation se produisait dans un système économique assez éloigné du libéralisme qui, jusque-
là, avait traditionnellement présidé aux phases de la révolution industrielle et d’expansion. En
cela, les Trente Glorieuses sont une exception et le resteront par la suite, ce qui explique la
nostalgie avec laquelle elles ont été considérées en Europe et surtout en France. Et pourtant,
cette prospérité se révéla bien fragile en non seulement du fait des mutations géopolitiques de
la planète, mais surtout sous les coups de la contestation de toute une jeunesse issue de la
génération du « baby-boom », remettant en cause le modèle de la consommation de masse,
rêvant d’autres paradis idéologiques et contribuant à mettre, au début des années 1970, un
terme brutal à ce qui reste une des plus belles périodes de l’histoire économique
contemporaine.