La politesse
d’après
Orrechioni
Les stratégies de politesse
• La politesse apparaît comme un
moyen de concilier le désir
mutuel de préservation des faces,
avec le fait que la plupart des
actes de langage sont
potentiellement menaçants pour
certaines de ces faces.
A partir de là, les locuteurs choisissent
différentes stratégies en fonction des trois
facteurs suivants:
• le degré de gravité du FTA;
• la distance sociale (D) qui existe entre les
interlocuteurs;
• leur relation de pouvoir (P).
• L'idée étant que la politesse
d'un énoncé doit, en
principe, croître en même
temps que D (distance
sociale),P (relation de
pouvoir) et le "poids" du
FTA (degré de gravité ).
Deux types de politesse
• La politesse négative est
de nature abstentionniste
ou compensatoire: elle
consiste à éviter de
produire un FTA, ou à en
adoucir la réalisation.
• La politesse positive est de
nature productionniste :
elle consiste à effectuer un
acte de langage valorisant :
cadeau ou compliment.
Les manifestations linguistiques de la politesse
a. politesse positive
• Les formules de politesse positive
se prêtent volontiers à la
formulation intensive ("merci mille
fois" et jamais "merci un peu".)
• D'une manière générale, les
locuteurs ont tendance à adoucir la
formulation des actes menaçants, et
à renforcer celle des actes
valorisants; à litotiser les énoncés
impolis et hyperboliser les énoncés
polis ("c'est vraiment délicieux!"
mais "c'est un petit peu salé pour
mon goût.")
• b. politesse négative
• La meilleure façon d'être
(négativement) poli, c'est d'éviter
de commettre un acte qui, tout
en ayant sa place dans
l'interaction, risquerait d'être
menaçant pour le destinataire
(critique, reproche, etc.)
• Mais cette stratégie d'évitement
n'est évidemment pas
généralisable. Supposons donc
que le locuteur réalise l'acte
projeté : la politesse impose alors
de l'amortir, en recourant à l'un
ou l'autre de ces procédés que les
chercheurs appellent des
adoucisseurs.
• Comme tous les signes manipulés
dans l'interaction, ces adoucisseurs
peuvent être de nature paraverbale
ou non verbale : voix douce, sourire
ou inclinaison latérale de la tête.
Quant aux adoucisseurs de nature
verbale, ils se répartissent en
procédés substitutifs vs
accompagnateurs.
Les procédés de substitution.
Formulation indirecte
• "Tu peux fermer la porte ?" ou "Il y a
un courant d'air." vs "Ferme la
porte!”
• "Tu n'as pas fait la vaisselle?" vs "Tu
devais faire la vaisselle."
Désactualisateurs
• d. modaux
• "Tu pourrais fermer la porte ?" vs "Ferme la
porte!”
• d. temporels
• "Je venais vous demander si ...”
• d. personnels
• "On ne fume pas ici !" vs "Ne fumez pas
ici !"
d. énonciatifs
• "Les devoirs n'ont pas été remis!"
vs "Vous n'avez pas rendu vos
devoirs!”
• "Quelqu'un a vu mes lunettes ?"
vs "Cherchez mes lunettes !"
Pronoms de politesse
• Vous de politesse.
• Nous
• "Nous allons ouvrir la bouche!" vs "Ouvrez la
bouche!”
• On
• "on a perdu ?" vs "Tu as perdu ?"
• On
• "On a gagné!" vs "Nous avons gagné!"
• Euphémisme et litotes
• "C'est pas très sympa / intelligent,
ce que tu viens de faire." vs "C'est
moche...”
• "J'aimerais autant [= je ne veux
pas] que vous ne fumiez pas."
Euphémisme et litotes
• "C'est pas très sympa / intelligent, ce que tu
viens de faire." vs "C'est moche...”
• "J'aimerais autant [= je ne veux pas] que vous
ne fumiez pas."
Trope communicationnel
• Ce procédé consiste à feindre
d'adresser un énoncé menaçant à
quelqu'un d'autre que celui
auquel on le destine
véritablement.
• Dans "La femme du boulanger" de
Marcel Pagnol, le mari trompé fait
des violents reproche à la chatte
Pomponnette qui s'est absentée
du domicile, mais se montre plein
d'attention pour sa volage épouse
qui en est bouleversée.
• Ah! Te voilà, toi ? Regarde, la voilà la
Pomponnette... Garce, salope, ordure, c'est
maintenant que tu reviens ? Et le pauvre
Pompon, dis, qui s'est fait un mauvais sang
d'encre pendant ces trois jours ! Il tournait, il
virait, il cherchait dans tous les coins... Plus
malheureux qu'une pierre, il était... Et elle,
pendant ce temps-là avec son chat de
gouttières... Un inconnu, un bon à rien... Un
passant du clair de lune... Qu'est-ce qu'il avait,
dis, de plus que lui ?
• (Sa femme, baissant la tête) – Rien.
Les formules adoucissantes
Enoncé préliminaire
• requête
"Vous avez un moment ?"
• question
"Je peux te demander quelque chose ?"
• critique, objection
"Je peux te faire une remarque ?"
• invitation
"Tu es libre ce soir ?"
Enoncé réparateur
• excuse
"Je vous demande pardon... ”
• justification
"Il y avait des embouteillages
terribles."
• minimisateur
"Je voulais simplement vous demander... ”
• modalisateur
"Il me semble que... ”
• désarmeur
"Cela m'ennuie de te déranger mais... ”
• amadoueur
"Sois gentil, passe-moi le sel. "
Bilan sur la politesse
Le système de la politesse indique:
• que la politesse est un ensemble de
procédés que le locuteur met en oeuvre
pour ménager ou valoriser son
partenaire d'interaction;
• que la politesse est la norme. Les
comportements impolis sont "marqués"
par rapport aux comportements polis.
La grande question pour les
interactants est donc la suivante :
• Comment concilier la
préservation de soi et le respect
d'autrui ?
• Comment faire pour être poli
sans trop se sacrifier soi-
même ?
• Respecter les règles de la
politesse, c'est donner à
l'interaction des chances pour
que "ça marche".
• Or tous les participants à
l'interaction ont généralement
intérêt à ce que celle-ci
fonctionne dans les meilleures
conditions...
• La politesse est un phénomène universel,
comme est universelle l'importance attachée
au territoire, et à la face, dans les relations
interpersonnelles comme dans les relations
entre États - les grands conflits
internationaux ne se ramènent-ils pas
toujours à des enjeux de puissance et de
gloire ?
• Mais ce phénomène universel a des visages
bien différents selon les cultures et les
sociétés.