SlideShare une entreprise Scribd logo
L’ORDRE
DES MÉDECINS
Rapport public thématique

Décembre 2019
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sommaire
Procédures et méthodes................................................................................ 5
Délibéré.........................................................................................................11
Synthèse ........................................................................................................13
Récapitulatif des recommandations ...........................................................25
Introduction..................................................................................................27
Chapitre I De sérieuses défaillances de gestion ........................................29
I - Une organisation peu propice au changement...........................................29
A - Une modernisation trop lente ......................................................................... 29
B - Des fonctions bénévoles généralement indemnisées....................................... 35
C - Un ordre qui empiète sur le champ syndical................................................... 42
II - Des comptes souvent incomplets et insincères ........................................45
A - Des ressources incomplètement retracées....................................................... 45
B - Un patrimoine mal comptabilisé et sous-estimé ............................................. 50
C - De sérieux manquements dans la tenue des comptes locaux .......................... 53
III - Une gestion dispendieuse .......................................................................59
A - Des dépenses mal contrôlées, parfois irrégulières .......................................... 59
B - Des politiques d’achat et de gestion immobilière peu rigoureuses ................. 64
C - Une gestion des ressources humaines peu encadrée ....................................... 72
Chapitre II Des missions administratives et juridictionnelles mal
assurées .........................................................................................................79
I - Un contrôle insuffisant de l’exercice de la profession et de la
déontologie.....................................................................................................80
A - Une absence de contrôle de l’actualisation des compétences des
médecins............................................................................................................... 81
B - Un bilan en demi-teinte du contrôle de l’insuffisance professionnelle
des médecins......................................................................................................... 82
C - Un contrôle hétérogène des contrats entre médecins et avec l’industrie......... 89
D - Une faible implication de l’ordre des médecins dans l’accès aux soins.......... 95
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
4
II - Un manque chronique de rigueur dans le traitement des plaintes............98
A - Une majorité de signalements non soumis à conciliation ............................... 99
B - Des absences de poursuites disciplinaires qui suscitent des
interrogations...................................................................................................... 104
C - Le traitement des plaintes pour des faits à caractère sexuel.......................... 105
III - Une justice disciplinaire marquée par de nombreuses
insuffisances.................................................................................................108
A - Une professionnalisation de la justice disciplinaire à achever...................... 109
B - Des conditions d’indépendance et d’impartialité des juridictions
imparfaitement remplies..................................................................................... 113
C - Des évolutions procédurales nécessaires ...................................................... 118
IV - Une transformation à opérer.................................................................124
A - Une nécessaire recentralisation au niveau national des responsabilités
stratégiques......................................................................................................... 125
B - L’ouverture de la gouvernance aux non médecins........................................ 126
Conclusion générale...................................................................................131
Liste des abréviations ................................................................................133
Réponses des administrations et des organismes concernés...................135

L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Procédures et méthodes
En application de l’article L. 143-6 du code des juridictions
financières, la Cour des comptes publie chaque année un rapport public
annuel et des rapports publics thématiques.
La compétence de la Cour pour contrôler les comptes et la gestion
de l’ordre national des médecins repose sur les dispositions de l’article
L. 111-7 du code des juridictions financières, qui l’autorise notamment à
exercer un contrôle sur les organismes habilités à recevoir des cotisations
légalement obligatoires. Le Procureur général de la Cour a rendu un avis de
compétence sur ce contrôle le 6 avril 2018.
*
Aux termes de l’article L. 120-1 du code des juridictions financières,
les membres de la Cour des comptes ont la qualité de magistrats.
La Cour des comptes est en outre habilitée, sur le fondement de
l’article L. 141-5 dudit code, à accéder à tous documents, données et
traitements, de quelque nature que ce soit, relatifs à la gestion des services
et organismes soumis à son contrôle ou nécessaires à l'exercice de ses
attributions, et à se les faire communiquer.
Enfin, aux termes de l’article L. 141-7 du code des juridictions
financières, les membres et personnels de la Cour des comptes peuvent
demander aux autorités administratives indépendantes et aux autorités de
contrôle et de régulation tous renseignements utiles à l'exercice de leurs
attributions, sans qu'un secret protégé par la loi puisse leur être opposé.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour, et donc aussi bien l’exécution de ses contrôles et enquêtes que
l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la
collégialité.
L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et
statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La contradiction implique que toutes les constatations et
appréciations ressortant d’un contrôle ou d’une enquête, de même que
toutes les observations et recommandations formulées ensuite, sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
6
La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication.
Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs.
Leur rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et
de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés
de façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au
moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de contre-
rapporteur et veille à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les
projets de rapports publics.
*
La Cour a compétence sur les organismes habilités à recevoir des
impositions de toute nature et des cotisations légalement obligatoires, de
même que sur les organismes habilités à recevoir des versements
libératoires d’une obligation légale de faire1
. Elle est donc fondée à
contrôler l’ordre des médecins, organisme de droit privé chargé d’une
mission de service public dont les cotisations sont obligatoires.
L’instruction de ce contrôle, qui a mobilisé sept personnes, s’est
déroulée entre avril 2018 et janvier 2019. Le contrôle a porté sur les
exercices 2011 à 2017 inclus. Les observations de la Cour ont été actualisées
en tant que de besoin et certains faits plus anciens générateurs de désordres
constatés sur la période contrôlée sont évoqués.
Le présent rapport résulte des constats effectués lors du contrôle du
Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) et d’un échantillon
significatif de conseils locaux.
21 conseils départementaux de l’ordre des médecins (CDOM) ont
fait l’objet d’un contrôle sur place2
entre mai et novembre 2018, 8 ont fait
1
Article L. 133-4 du code des juridictions financières.
2
Ont fait l’objet d’un contrôle sur place les conseils départementaux de Paris,
Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine, Mayenne, Indre, Yonne, Bouches-du-Rhône,
Alpes-Maritimes, Var, Nord, Rhône, Gironde, Haute-Garonne, Ille-et-Vilaine,
Loire-Atlantique, Hérault, Nord-Pas-de-Calais, Réunion, Haute Corse, Corse du Sud et
Bas-Rhin.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
PROCÉDURES ET MÉTHODES 7
l’objet d’un contrôle approfondi sur pièces3
et 17 autres ont transmis des
pièces relatives aux indemnités des élus et aux opérations immobilières, ce
qui correspond au total à 46 conseils départementaux.
Les 24 conseils régionaux4
de l’ordre des médecins (CROM) ont
transmis des éléments relatifs aux indemnités versées aux élus. A 14 d’entre
eux a été adressé un questionnaire plus complet. Parmi ces derniers, 9 ont
fait l’objet d’un contrôle sur place5
.
L’examen des missions juridictionnelles a reposé quant à lui sur les
pièces recueillies auprès des 24 chambres disciplinaires de première
instance, placées auprès des CROM.
Le contrôle a notamment eu pour but d’évaluer la prise en compte, par
l’ordre, des recommandations faites par la Cour à la suite de son précédent
contrôle de 2011 ainsi que la transposition, au sein de l’ordre, des
dispositions issues des ordonnances du 16 février et 27 avril 2017 relatives
à l’adaptation des dispositions législatives relatives aux ordres des
professions de santé et au fonctionnement des ordres des professions de
santé.
Il a été complété par des comparaisons internationales qui ont permis
d’approfondir l’analyse de l’organisation des ordres des médecins du
Québec, de Belgique et du Royaume-Uni6
.
Plusieurs dizaines de décisions rendues par les chambres
départementales de première instance et par la chambre disciplinaire
nationale ont été examinées. Il a en outre été fait usage des dispositions des
articles L. 141-9 du code des juridictions financières et L. 83 du livre des
procédures fiscales, qui habilitent les magistrats financiers à demander la
communication des données bancaires et fiscales des personnes liées aux
organismes qu’ils contrôlent.
On rappelle que sous réserve du respect des secrets protégés par la loi,
la Cour peut rendre publiques toutes les observations définitives qui
concluent ses travaux. Leur publication ne préjuge pas des autres suites, non
publiées, qu’elle est susceptible de leur réserver, notamment des saisines de
la Cour de discipline budgétaire et financière ou des autorités judiciaires.
3
Ont fait l’objet d’un contrôle sur pièces les conseils départementaux de l’Aveyron, du
Loir-et-Cher, du Val-de-Marne, d’Indre-et-Loire, de Côte-d’Or, du Loiret, de la
Guadeloupe et de la Guyane.
4
Ils sont 15 depuis le 1er
janvier 2019.
5
Ont fait l’objet d’un contrôle sur place les conseils régionaux d’Île-de-France, du
Nord-Pas-de-Calais, de Rhône-Alpes, de PACA, de Corse, des Pays-de-la-Loire, de La
Réunion, de Midi-Pyrénées et d’Alsace.
6
Ce parangonnage a été réalisé à partir d’échanges avec ces ordres, de documents
transmis par le CNOM et grâce au conseiller pour les affaires sociales du Québec.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
8
Le rapport d’observations provisoires relatif au contrôle de la gestion
et de l’exercice des missions de l’ordre des médecins, délibéré par la Cour
des comptes le 22 février 2019 a, dans le cadre d’une procédure de sécurité
renforcée, été soumis à la contradiction selon les procédures inscrites au
code des juridictions financières. Le Conseil national de l’ordre a adressé
en retour une réponse nourrie, dont il a été délibéré le 23 mai 2019, ainsi
que des réponses reçues des ministères concernés, du Conseil d’État et de
la Caisse nationale d’assurance maladie. Des observations définitives
composées de trois cahiers7
ont été adressées à l’ordre des médecins en juin
2019. Elles ont contribué à l’élaboration d’un projet de rapport public
thématique, délibéré le 12 juin 2019, qui a fait l’objet d’une contradiction
avec 40 destinataires dont les CDOM et CROM cités dans le rapport entre
le 4 juillet et le 18 septembre. L’analyse de ces réponses a conduit à corriger
quelques éléments factuels et à ajuster la rédaction de certaines
observations.
Le projet de rapport soumis pour adoption à la chambre du conseil a
été préparé, puis délibéré le 20 septembre 2019, par la sixième chambre,
présidée par M. Morin, président et composée de M. Selles, conseiller
maître, contre-rapporteur, Mmes Saliou, Carrère-Gée, conseillères maîtres,
M. Rabaté, conseiller maître, M. de la Guéronnière, conseiller maître,
président de section, Mme Bouzanne des Mazery, conseillère maître,
M. Appia, conseiller maître, ainsi que, en tant que rapporteures,
Mmes Hamayon, conseillère maître, Assous, conseillère référendaire,
Bove, rapporteure extérieure, et Apparitio, vérificatrice des juridictions
financières.
Il a été examiné et approuvé, le 1er
octobre 2019, par le comité du
rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de
M. Migaud, Premier président, Mme Moati, M. Morin, Mme Pappalardo,
rapporteure générale du comité, MM. Andréani et Terrien, Mme Podeur,
M. Charpy, présidents de chambre, et Mme Hirsch de Kersauson,
Procureure générale, entendue en ses avis.
*
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des
comptes : www.ccomptes.fr.
Ils sont diffusés par La Documentation Française.
7 Cahier n° 1 et son annexe : présentation générale de l’ordre des médecins ;
cahier n° 2 : éclairages sur la situation particulièrement dégradée de certains conseils ;
cahier n° 3 : traitement des plaintes et du contentieux disciplinaire.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
PROCÉDURES ET MÉTHODES 9
Carte n° 1 : conseils départementaux de l’ordre des médecins
(CDOM) ayant fait l’objet d’un contrôle approfondi
dans le cadre de la présente enquête
Source : Cour des comptes
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Délibéré
La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil en formation
ordinaire, a adopté le rapport public thématique intitulé L’ordre des
médecins.
Elle a arrêté ses positions au vu du projet communiqué au préalable
aux ministres et organismes concernés et des réponses adressées en retour
à la Cour.
Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent la
seule responsabilité de leurs auteurs.
Ont participé au délibéré : M. Migaud, Premier président,
Mme Moati, MM. Morin, Andréani, Terrien, Mme Podeur, M. Charpy,
présidents de chambre, M. Briet, Mme Ratte, présidents de chambre
maintenus, MM. Racine, Cazala, Barbé, Lefebvre, Ténier, Lair,
Mme Monique Saliou, MM. Guédon, Zerah, Guéroult, Feller, Le Mer,
Glimet, Perrin, Albertini, Mmes Bouzanne des Mazery, Soussia,
MM. Basset, Fulachier, De Combles de Nayves, Giannesini, Bouvard,
Montarnal, Mme Mercereau, conseillers maîtres.
Ont été entendus :
- en sa présentation, M. Morin, président de la chambre chargée des
travaux sur lesquels les opinions de la Cour sont fondées et de la
préparation du rapport ;
- en son rapport, Mme Pappalardo, rapporteure générale, rapporteure du
projet devant la chambre du conseil, assistée de Mme Hamayon,
conseillère maître, M. de la Guéronnière, conseiller maître,
Mme Assous, conseillère référendaire, Mme Apparitio, vérificatrice,
rapporteurs devant la chambre chargée de le préparer, et de M. Selles,
conseiller maître, contre-rapporteur devant cette même chambre ;
- en ses conclusions, sans avoir pris part au délibéré, Mme Hirsch de
Kersauson, Procureure générale, accompagnée de Mme Camby,
Première avocate générale et de Mme Le Sueur, substitut général.
M. Lefort, secrétaire général, assurait le secrétariat de la chambre du
conseil.
Fait à la Cour, le 3 décembre 2019.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Synthèse
L’ordre des médecins est un organisme privé chargé d’une mission
de service public. Il a été créé en 1945 par une ordonnance qui, rompant
avec l’organisation de la profession médicale mise en place par le régime
de Vichy, a posé le principe selon lequel il revient aux syndicats de
défendre les intérêts professionnels et à l’ordre d'assurer la discipline de la
profession. Au contraire des syndicats, l’adhésion à l’ordre est obligatoire
ainsi que le paiement de la cotisation (dont le montant unitaire est de 335 €
en 2019). Avec plus de 300 000 médecins inscrits, l’ordre dispose d’un
budget annuel d’environ 85 M€.
Son rôle est de veiller au respect des principes de moralité, probité,
compétence et dévouement indispensables à l’exercice de la médecine et à
l’observation par les médecins de leur code de déontologie fixé par décret.
Les conseils départementaux de l’ordre des médecins sont
notamment chargés de l’inscription au tableau (c’est-à-dire sur la liste des
médecins autorisés à exercer) et de l’organisation des conciliations
obligatoires quand une plainte est déposée contre un médecin devant
l’ordre. Les conseils régionaux, créés il y a 11 ans, abritent les chambres
disciplinaires de première instance (CDPI) et sont les interlocuteurs
privilégiés des agences régionales de santé.
En dépit d’un contrôle de l’Inspection générale des affaires sociales
(IGAS) en 2000, d’un contrôle de la Cour des comptes en 2011 et d’un
contrôle de la mission d’inspection des juridictions administratives (MIJA)
en 2013, l’ordre des médecins n’a procédé qu’à une petite partie des
changements qui lui étaient recommandés : sa gestion reste caractérisée par
des faiblesses, voire des dérives, préoccupantes, son fonctionnement ne
s’est pas suffisamment modernisé, des missions importantes qui justifient
son existence sont peu ou mal exercées, le Conseil national n’exerce qu’un
contrôle ténu sur les conseils départementaux ou régionaux. Toutefois,
nombre de conseillers ordinaux s’efforcent d’exercer leurs missions au
mieux.
Le contrôle mené par la Cour des comptes en 2018 a porté sur le
Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), mais aussi sur
46 conseils départementaux de l’ordre des médecins (CDOM) sur 101,
dont 21 ont fait l’objet d’un contrôle sur place et 8 d’un contrôle approfondi
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
14
sur pièces, et sur l’ensemble des conseils régionaux de l’ordre des médecins
(CROM), dont 9 ont fait l’objet d’un contrôle sur place. Les constats de la
Cour ont conduit l’ordre des médecins à mettre en œuvre en 2019
quelques-unes des recommandations formulées à l’occasion du contrôle et
à annoncer des mesures correctrices.
Un ordre sociologiquement peu représentatif du corps médical
en activité, une gouvernance fermée
Le fonctionnement et l’organisation des ordres ont fait l’objet de
modifications importantes avec les ordonnances de 2017, qui ont largement
repris les recommandations effectuées par la Cour après le contrôle de
l’ordre des chirurgiens-dentistes.
En particulier, l’ordonnance du 27 avril 2017 a modifié les modalités
d’élection des conseillers à tous les échelons, afin d’instaurer la parité entre
hommes et femmes via un scrutin à un tour reposant sur des candidatures de
binômes paritaires. La parité à tous les échelons territoriaux ne sera
cependant pas atteinte, au sein de l’ordre des médecins, avant 2022, une fois
achevé le renouvellement par moitié de l’ensemble des conseillers. L’ordre
a en effet choisi, contrairement à l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes par
exemple, de ne pas renouveler intégralement ses instances dès les premières
élections suivant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
La lente mise en œuvre de ces dispositions nouvelles se reflète dans
sa composition et le faible renouvellement des élus, par ailleurs peu
représentatifs du corps médical. L’ordre compte en effet 3 311 conseillers
ordinaux mais moins d’un tiers sont des femmes (et seulement 9 % au
CNOM) alors qu’elles représentent près de la moitié du corps médical et près
de 60 % des médecins nouvellement inscrits à l’ordre9
. L’âge moyen des
membres du Conseil national est de 68 ans contre 51 ans pour les médecins
actifs. Le taux d’abstention aux scrutins ordinaux (75 %) est important et les
cumuls de mandats fréquents.
9
Études et résultats n° 1061, mai 2018, DREES.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
SYNTHÈSE 15
Graphique n° 1 : part des libéraux, âge moyen et part des femmes
parmi les conseillers ordinaux du CNOM et le corps médical
Source : Cour des comptes d’après CNOM et DREES.
Les fonctions ordinales sont des fonctions bénévoles qu’il est
néanmoins possible d’indemniser dans la limite de trois fois le plafond de
la sécurité sociale soit 121 572 € par an10.
L’esprit de bénévolat réputé animer les fonctions ordinales est
inégalement présent : si certains conseillers perçoivent des indemnités
modestes, d’autres au contraire bénéficient d’indemnités confortables11,
qui peuvent être abondées par des remboursements de frais dont les
justifications, au vu des investigations de la Cour, sont parfois incertaines,
voire inexistantes.
10
Loi du 21 juillet 2009 (codifiée à article L. 4125-3-1 du code de santé publique),
complétée par un décret (codifié à l’article D. 4125-8 du même code).
11
Au CNOM, les seize membres du bureau ont perçu au total plus d’un million d’euros
d’indemnités en 2017.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
16
Tableau n° 1 : évolution des indemnités mensuelles brutes forfaitaires
des principaux membres du bureau du CNOM
2011 2012 2013
2014
à 2018
Président 9 582 € 9 869 € 10 048 € 9 177 €
Secrétaire gal
8 211 € 8 211 € 8 211 € 8 211 €
Secrétaires gaux
adjoints 7 245 € 7 245 € 7 245 € 7 245 €
Trésorier 7 245 € 7 245 € 7 245 € 7 245 €
Source : CNOM
En 2017, les indemnités (10 M€) et les frais (4,1 M€) représentaient
17 % du budget annuel réalisé de l’ordre dans son ensemble. Dans le
budget du Conseil national, les dépenses de communication et les
indemnisations et frais des élus ont représenté plus du quart des dépenses
réalisées en 201712.
De grands désordres comptables et de gestion
Les ressources de l’ordre sont tirées, pour l’essentiel, des
cotisations dont s’acquittent les médecins. Chaque cotisation est ventilée
entre conseil départemental, conseil régional et Conseil national.
Les ressources du Conseil national ont crû nettement plus vite que
celles de l’ordre : +40 % sur la période contre + 24 % pour l’ordre dans son
ensemble, du fait d’une modification des quotités de cotisation allouées aux
différents échelons territoriaux.
12 Sur un périmètre de charges de 29 M€, les éléments exceptionnels de l’exercice
(cessions d’actifs et dotations aux amortissements de 15,7 M€) étant déduits des
dépenses réalisées totales (44 788 734 €).
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
SYNTHÈSE 17
Graphique n° 2 : évolution des quotes-parts nationale,
départementale et régionale des cotisations encaissées
(base 100 en 2011)
Source : Cour des comptes, à partir de données CNOM
L’ordre, qui ne tient pas encore de comptes combinés13
, n’a pas une
connaissance exhaustive de ses ressources, de son patrimoine ou de ses
réserves. À l’exception du Conseil national, aucun conseil n’établit de bilan
ni de compte de résultat selon les normes du plan comptable général. 33 %
des conseils départementaux et 14 % des conseils régionaux contrôlés
n’ont pas été en mesure de transmettre dans leur totalité les documents
comptables demandés par la Cour. La comptabilité de plusieurs
départements n’a pas été tenue pendant plusieurs années et l’une d’entre
elles avait été détruite avant le passage de la Cour.
Les cotisations des médecins font l’objet d’une comptabilisation
irrégulière et incomplète, ce qui participe de l’insincérité des comptes. Les
comptes annuels établis par le Conseil national ne retracent que la quote-
part nationale des cotisations ; les cotisations sont enregistrées au moment
de leur encaissement et non au moment où elles sont appelées, ce qui n’est
pas conforme au principe de comptabilité en droits constatés et aboutit à
sous-estimer les produits ; une fraction de la cotisation est inscrite
directement en compte de réserves au bilan, sans passer par le compte de
résultat, ce qui minore le montant des produits issus des cotisations de près
de 7 %.
13
Ils deviennent obligatoires à compter de l’exercice 2019.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
18
Outre son défaut d’exhaustivité, le patrimoine comptabilisé de
l’ordre est sous-évalué, du fait notamment de l’existence d’une dizaine de
sociétés civiles immobilières (SCI) créées, financées et détenues par des
conseils départementaux aux seules fins de porter, en lieu et place de
l’ordre, la propriété du siège, dont la valeur, de ce fait, n’apparaît pas dans
les comptes de l’ordre. Les écritures comptables sont souvent
approximatives et peuvent être entachées d’erreurs, voire délibérément
faussées comme la Cour a pu le relever parfois.
Tableau n° 2 : évolution des ressources du Conseil national
En milliers
d’euros
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
2011-
2017
Cotisations 20 953 21 767 22 155 24 227 27 201 29 342 30 788 +47 %
Produits
financiers
49 111 163 1 420 173 315 140 +186 %
Qualifications 111 129 122 116 209 161 138 +24 %
Source : Grands livres du CNOM 2011-2017
Le Conseil national se révèle défaillant dans la mission de contrôle
des conseils territoriaux et de gestion du patrimoine de l’ordre que le
législateur lui a confiée. Il ne dispose pas d’un dispositif de contrôle interne
et de maîtrise des risques. Le déploiement d’un même logiciel comptable,
à tous les échelons de l’ordre, que la Cour appelait déjà de ses vœux lors
du contrôle de 2011, n’était toujours pas achevé en 2018. Sans service de
contrôle de gestion professionnel, dont la création avait pourtant été
recommandée par la Cour en 2011, l’ordre soumet les comptes des
départements à une commission de contrôle composée d’élus parfois eux-
mêmes responsables, au niveau local, de désordres, voire d’irrégularités.
Cette absence de contrôle, dans les départements comme au niveau
national, a permis que soient tolérés, outre des achats coûteux effectués
sans mise en concurrence, de fréquentes dépenses étrangères aux missions
de l’ordre.
En 2018, l’ordre des médecins emploie 583 salariés (en progression
de 10 % en 7 ans) qui représentent 520 équivalents temps plein (ETP) :
128 travaillent au Conseil national, 346 dans les conseils départementaux
et 46 dans les conseils régionaux.
Le coût moyen annuel d’un ETP est de l’ordre de 85 000 € au
CNOM, 67 000 € dans les CROM et 54 000 € dans les CDOM.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
SYNTHÈSE 19
Graphique n° 3 : poids des CDOM, des CROM et du CNOM en ETP
et en charges de personnel
Source : Cour des comptes d’après CNOM (2018 pour les ETP et 2017 pour la masse salariale)
Les dépenses de personnel du Conseil national ont augmenté de
58 % sur la période 2011-2017. Sa politique salariale est particulièrement
avantageuse : les salaires et les primes sont élevés. A contrario, dans
certains conseils départementaux les rémunérations peuvent être
inférieures aux préconisations du CNOM.
Graphique n° 4 : évolution des primes au CNOM entre 2011 et 2018
Source : CNOM, graphique Cour des comptes
La gestion des ressources humaines doit être professionnalisée, tant
sont grandes les disparités de rémunérations et d’avantages sociaux. Il
convient de mettre fin définitivement à la pratique des recrutements
favorisant les liens familiaux.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
20
L’ordre dispose de réserves très abondantes (152 M€ dont 106 M€
de disponibilités) qui représentent près de deux années de cotisations de
l’ensemble des médecins.
Graphique n° 5 : évolution des disponibilités de l’ordre 2011-2017
Source : Cour des comptes d’après données CNOM
L’ordre se caractérise par une gestion peu rigoureuse et en partie
opaque des fonds qui lui sont confiés par les médecins cotisants, alors
même qu’il s’investit insuffisamment dans ses missions les plus
essentielles.
Des missions administratives inégalement exercées
La tenue du tableau (c’est-à-dire de la liste des médecins autorisés à
exercer) est effectuée par les conseils départementaux dans des conditions
correctes mais avec des outils aujourd’hui dépassés. Il s’agit d’une mission
essentielle puisque nul ne peut exercer la profession de médecin s’il n’est
inscrit à l’ordre. De la même façon la reconnaissance des qualifications14
fait l’objet d’un suivi attentif par l’ordre. L’effort de pédagogie entrepris
par le Conseil national – avec la publication, sur son site, de référentiels
métiers – est à saluer.
D’autres missions importantes souffrent en revanche de graves
lacunes. L’ordre ne vérifie pas le respect des obligations de développement
professionnel continu (DPC) par les praticiens. Cette mission visant à
14 Tout médecin inscrit au tableau peut constituer un dossier de demande de
qualification en qualité de médecin spécialisé qui sera examiné par les commissions
nationales de qualification de l’ordre.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
SYNTHÈSE 21
assurer la qualité des soins est largement perdue de vue, tant par les conseils
départementaux que par le Conseil national.
La mission de détection et d’accompagnement, par les conseils
régionaux de l’ordre, des praticiens dont l’insuffisance professionnelle ou
l’état de santé rend dangereux l’exercice de la médecine, souffre
d’approches trop différenciées selon les conseils régionaux. Le cadre
règlementaire, inadapté, doit évoluer.
Le contrôle du respect, par les médecins, des règles déontologiques
de la profession, qui est la raison d’être de l’ordre, n’est pas exercé de
manière satisfaisante : les conventions que les médecins concluent avec
l’industrie pharmaceutique et qui doivent être obligatoirement transmises
aux conseils départementaux de l’ordre ne sont pas examinées par ces
derniers. Elles ne sont pas non plus utilisées à des fins statistiques ou de
contrôle, tandis que le cumul des montants perçus par un praticien au titre
des conventions qu’il a conclues n’est pas calculé et donc jamais vérifié. À
titre illustratif, entre 2016 et 2018, 82 conventions ont été transmises à
l’ordre pour des prestations assurées par le Pr X, chef de service à temps
complet dans un CHU, pour un montant de 726 000 €, tandis qu’un
pneumologue a participé à onze congrès internationaux, invité par des
sociétés spécialisées dans les dispositifs médicaux respiratoires. Ces
exemples montrent combien l’absence de vision globale des avantages
reçus par un praticien est problématique pour apprécier les risques de perte
d’indépendance encourus par les médecins.
De ce fait, jusqu’en 2018 le contrôle exercé par l’ordre était
largement inopérant, malgré des prises de position publiques fortes du
Conseil national pour un dispositif plus exigeant. Depuis janvier 2019,
cette mission a été reprise par le Conseil national, ce qui devrait être de
nature à garantir une plus grande rigueur et une homogénéité de traitement
des dossiers.
Par ailleurs, tous les contrats conclus par des médecins, de quelque
nature qu’ils soient, dont la loi impose la transmission pour avis à l’ordre,
sont examinés par les conseils départementaux de manière très hétérogène.
La plupart des conseils départementaux de l’ordre ne disposent pas en leur
sein des compétences juridiques nécessaires. La gestion des demandes de
remplacement de médecins, obligatoirement soumises à l’ordre,
consommatrice de temps et source de retards, doit, quant à elle, être
simplifiée.
Le Conseil national doit diffuser des directives précises aux
différents conseils départementaux, pour éviter toute inégalité de
traitement entre les professionnels.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
22
Délaissant le cœur de ses missions, l’ordre intervient par ailleurs de
plus en plus sur le terrain de la défense des intérêts de la profession, alors
que les règles législatives qui encadrent son action depuis 1945 lui
imposent de veiller au respect, par les médecins, de la déontologie ainsi
qu’à l’honneur et à l’indépendance de la profession et lui interdisent
d’empiéter sur les missions des syndicats.
Un manque de rigueur dans le traitement des plaintes
et une justice disciplinaire marquée par des dysfonctionnements
Pour veiller au respect, par tous ses membres, de leurs devoirs
professionnels édictés par le code de déontologie15
, l’ordre est doté d’un
pouvoir disciplinaire (qui ne s’applique pas toutefois aux médecins chargés
d’une mission de service public, notamment hospitaliers), qu’il exerce via
trois fonctions distinctes : le traitement des plaintes et signalements qu’il
reçoit ou dont il peut être à l’origine, la gestion des chambres disciplinaires
et celle des sections des assurances sociales (SAS), qui constituent toutes
deux des juridictions autonomes relevant de l’ordre administratif et
soumises à ce titre au contrôle du Conseil d’État16
.
Les principaux manquements reprochés aux médecins ont trait à la
qualité des soins, aux certificats de complaisance, ainsi qu’aux
comportements inadéquats avec les patients ou avec des tiers.
15
Le code de déontologie médicale est préparé par le Conseil national de l’ordre des
médecins et édicté sous la forme d’un décret en Conseil d’État, codifié aux articles
R. 4127-1 à R. 4127-112 du code de la santé publique.
16
Les premières jugent et sanctionnent les manquements des médecins au code de
déontologie et les secondes jugent des abus et fraudes à l’assurance-maladie. La
chambre disciplinaire nationale (CDN) est la juridiction d’appel.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
SYNTHÈSE 23
Graphique n° 6 : types de manquements examinés par les CDPI
en 2017
Source : Cour des comptes d’après CNOM
L’ensemble de ces trois missions a fait l’objet de contrôles de
l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 200017
, de la Cour en
2011 et de la Mission d’inspection des juridictions administratives du
Conseil d’État (MIJA) en 2013. Les trois rapports font le constat d’une
hétérogénéité et parfois de carences tant dans le traitement des plaintes
adressées aux conseils départementaux que dans la qualité de leur
transmission aux chambres disciplinaires.
Près de vingt ans après ces premiers constats et malgré la
médiatisation de plusieurs procédures où l’ordre a été mis en cause pour
avoir retardé la condamnation de médecins fautifs, la situation n’a guère
évolué. Les conditions d’indépendance et d’impartialité des juridictions
ordinales ne sont qu’imparfaitement réunies : l’absence de suivi des
plaintes et de leurs suites au niveau national, la distinction infondée faite
par les conseils départementaux entre « doléance » et plainte qui conduit à
ne transmettre aux chambres disciplinaires qu’une minorité des
signalements de patients, une hétérogénéité de traitement des litiges
suivant les conseils départementaux, le manque de rigueur dans la gestion
des conflits d’intérêts des médecins chargés de juger leurs pairs et les
atteintes à l’impartialité témoignent des limites de l’activité juridictionnelle
de l’ordre, même si la plupart des membres assesseurs des juridictions
disciplinaires s’efforcent d’exercer ces missions avec sérieux.
17
Seul le traitement des litiges par les conseils départementaux a été contrôlé.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
24
Ces constats plaident pour des adaptations susceptibles de mieux
garantir l’indépendance et l’efficacité des juridictions ordinales et les droits
des patients.
Des évolutions structurelles nécessaires
L’ensemble des observations sur l’exercice des missions montre que
l’intérêt des patients est souvent négligé. C’est pourquoi il paraîtrait utile
de s’inspirer des dispositifs tant français qu’étrangers qui, à travers la
participation des usagers et de personnalités indépendantes, garantissent
une meilleure démocratie sanitaire. Ainsi, à l’instar du General Medical
Council (GMC) du Royaume-Uni, dirigé à parité par des médecins et des
non médecins, l’ordre des médecins et les patients gagneraient à une
gouvernance ouverte à des personnalités extérieures au monde médical.
Les dérives constatées en matière d’indemnités, de frais et de
gestion renforcent la nécessité pour l’ordre d’adopter des règles de gestion
plus rigoureuses et de se doter de compétences nouvelles.
Les ordonnances de 2017 sont un premier pas dans cette direction,
mais elles ne suffiront pas à opérer la mutation nécessaire de cette
institution à qui la puissance publique a entendu confier des missions
essentielles au fonctionnement de notre système de santé.
Le nombre élevé des dysfonctionnements, relevés dans un nombre
significatif des conseils territoriaux contrôlés, conduit à dresser un constat
préoccupant du fonctionnement et de la gestion de l’ordre ainsi que de
l’exercice des missions qui lui sont confiées par la loi. Est ainsi mise en
évidence une mauvaise gestion des cotisations ordinales des médecins.
Le Conseil national de l’ordre des médecins a, dans sa réponse, pris
l’engagement de remédier à certains manquements constatés lors du
contrôle. La Cour vérifiera la mise en œuvre effective des mesures
correctrices annoncées lors de prochains contrôles.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Récapitulatif des recommandations
De sérieuses défaillances de gestion (CNOM)
1. Centraliser au niveau national l’émission et la comptabilisation des
appels à cotisation pour la totalité des cotisations appelées.
2. Gérer les disponibilités de l’ordre au niveau national (réitérée) et
utiliser les excédents de trésorerie pour baisser la cotisation.
3. Encadrer et harmoniser les montants des indemnités versées aux élus
et rendre public leur montant sur une base annuelle et nominative.
Adopter un cadre clair applicable à l’ensemble des remboursements de
frais et sanctionner tout écart.
4. Mettre en place un dispositif de contrôle interne et de contrôle de
gestion.
Des missions administratives et juridictionnelles mal assurées
5. Mettre en place un dispositif national de suivi et de relance des
déclarations de développement professionnel continu (DPC) des
médecins (réitérée) (CNOM – Ministère de la santé).
6. Permettre un exercice partiel aux médecins affectés par une infirmité
ou une maladie à l’instar des dispositions applicables aux médecins
reconnus en insuffisance professionnelle (Ministère de la santé).
7. Créer un portail unique mettant en cohérence les systèmes
d’information « Transparence Santé » et « anti-cadeaux »
(Ministère de la santé).
8. Faire de la lutte contre les discriminations dans l’accès aux soins une
priorité de l’ordre et doter la commission « refus de soins » des
moyens nécessaires, sur le budget de l’ordre (CNOM).
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
26
9. Modifier le code de la santé publique pour (Ministère de la santé) :
- encadrer juridiquement le traitement des « doléances » ;
- rendre obligatoire le dépaysement du traitement de tout
signalement concernant un élu de l’ordre jusqu’à la saisine de
la chambre disciplinaire de première instance ;
- élargir les commissions de conciliation à des personnes tierces
extérieures à l’ordre pour traiter les cas de plaintes formulées
par les usagers ;
- permettre aux patients de porter plainte auprès de l’ordre contre
tout praticien, quel que soit son statut, à l’exception des
médecins exerçant une mission d’expertise ou de contrôle.
10. Rendre obligatoire la publication des mesures nominatives de radiation
ou de suspension d’exercer, le temps de la sanction, pour améliorer la
sécurité des patients (Ministère de la santé).
Des évolutions nécessaires en matière de gouvernance
11. Regrouper au Conseil national, qui serait seul doté de la personnalité
civile, toutes les décisions stratégiques (Ministère de la santé).
12. Associer à la gouvernance du Conseil national, en tendant vers la
parité, des médecins et des non médecins (personnalités qualifiées,
magistrats, représentants d’association de patients, universitaires
notamment) désignés par une instance indépendante de l’ordre
(Ministère de la santé).
13. Limiter à deux le nombre de mandats successifs au sein d’une même
instance (réitérée) (Ministère de la santé).
14. Vérifier les déclarations d’intérêt des élus ordinaux et les publier sur
les sites internet des conseils de l’ordre (CNOM).
15. Revoir le règlement intérieur de l’ordre pour rendre obligatoire le
dépaysement de l’examen des contrats d’un élu ordinal y compris avec
l’industrie (CNOM).
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Introduction
L’ordre des médecins est un organisme privé chargé d’une mission
de service public. Nul ne peut exercer la médecine en France s’il n’est
inscrit à l’ordre18
. L’ordre jouit de l’indépendance financière : non
seulement la cotisation à l’ordre est obligatoire, mais c’est au
Conseil national que la loi confie la responsabilité d’en fixer le montant.
Avec plus de 290 000 médecins inscrits19, l’ordre dispose d’un budget
annuel d’environ 85 M€. L’ordre comptait en 2018, 3 311 élus et employait
583 salariés, dont les deux tiers travaillent dans les conseils
départementaux et un quart au Conseil national.
Les revenus tirés de la cotisation, dont le montant est de 335 € en
2019, ont augmenté de 11,6 % sur la période contrôlée, ce qui a permis à
l’ordre de constituer au fil des ans des réserves supérieures à 152 M€, soit
près de deux années de cotisations.
L’ordre s’est vu confier les mêmes missions que les autres ordres
des professions de santé. Il remplit ainsi des missions administratives, au
premier rang desquelles se place la tenue du tableau auquel tout médecin a
l’obligation d’être inscrit pour exercer, des missions réglementaires de
contrôle du respect des règles de déontologie par les professionnels et des
missions juridictionnelles. L’ordre abrite en effet la juridiction disciplinaire
des professionnels médecins, qui juge et sanctionne les manquements au
code de déontologie. Enfin, l’ordre intervient sur les grands sujets de santé
publique comme la télémédecine, la e-santé ou encore le débat relatif à la
fin de vie20
.
18 À l’exception des médecins appartenant aux cadres actifs du service de santé des
armées et des médecins fonctionnaires qui ne sont pas appelés à pratiquer la médecine
dans le cadre de leurs fonctions.
19
Dont 226 000 médecins en activité.
20
Selon la réponse du Conseil national de l’ordre à la Cour : « Il peut être affirmé que
l’ordre a été co-rédacteur de la proposition de loi Claeys-Leonetti et que son action a
permis son adoption. Il est à l’origine du projet de décret d’application de la loi ».
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
28
L’enquête de la Cour, conduite en 2018, qui fait suite à un premier
contrôle de la Cour mené en 2011 sur les exercices 2007-2010, a concerné
les exercices 2011 à 2017. En tant que de besoin, des faits antérieurs ont
été examinés, lorsque leurs effets se faisaient sentir sur la période
contrôlée. Le contrôle a porté sur le Conseil national (37 % des ressources
de l’ordre) mais aussi sur 46 conseils départementaux et l’ensemble des
conseils régionaux. Cet échantillon est suffisamment large pour que les
problèmes qui y ont été relevés soient considérés comme représentatifs de
l’ordre dans son ensemble.
En dépit des changements introduits par les ordonnances de 2017
dans le fonctionnement des ordres des professions de santé, l’ordre des
médecins peine à se moderniser alors même qu’il s’investit de plus en plus
dans la défense des intérêts professionnels, qui, au vu du code de la santé
publique (CSP), ne relève pas de ses missions mais uniquement de l’action
syndicale.
Malgré des évolutions intervenues en 2019 à la suite du contrôle de
la Cour, l’ordre des médecins n’a que peu progressé en matière de gestion
et de tenue des comptes depuis 2011, les principales recommandations de
la Cour en la matière n’ayant pas été mises en œuvre. Des ressources
importantes et une insuffisance de contrôle par le Conseil national de la
gestion locale, en dépit de ses obligations, ont favorisé les désordres
comptables et une gestion dispendieuse (I).
Des missions règlementaires de l’ordre, tendant au contrôle du
respect des règles de déontologie par les professionnels notamment, via les
avis rendus sur les contrats entre professionnels ou le contrôle des relations
médecins-industrie, sont exercées de manière hétérogène selon les
conseils. La justice disciplinaire souffre pour sa part de sérieux
dysfonctionnements. Des progrès ont été réalisés dans quelques domaines
et certains élus exercent leur mission avec les qualités et compétences que
l’on peut attendre de garants du respect des principes de moralité, de
probité, de compétence et de dévouement indispensables à l’exercice de la
médecine tels qu’énoncés à l’article L. 4121-2 du CSP. Néanmoins, les
constats de ce contrôle, considérés dans leur ensemble, appellent un
changement profond, passant par une évolution de la gouvernance, un
recentrage des missions autour de la sécurité des patients, une remise en
ordre comptable et une modernisation de la justice ordinale (II).
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Chapitre I
De sérieuses défaillances de gestion
I - Une organisation peu propice au changement
A - Une modernisation trop lente
L’ordre des médecins a été créé par l’ordonnance n° 45-2184 du
24 septembre 1945, qui a mis fin, comme l’indique l’exposé des motifs, à
une « très fâcheuse confusion », héritée de l’interdiction des syndicats par
le régime de Vichy, consistant à confier au même organisme la défense des
intérêts professionnels et la discipline de la profession. L’un des objectifs
de ce texte était ainsi de faire cesser cette confusion.
L’ordre est un organisme privé chargé d’une mission de service
public. La cotisation à l’ordre est obligatoire21 et lui permet de jouir de
l’indépendance financière. Il accomplit sa mission par l’intermédiaire de
101 conseils départementaux, de 15 conseils régionaux ou interrégionaux22
et autant de chambres disciplinaires. Ces différents échelons
d’organisation, fixés par le législateur, sont dotés de la personnalité civile
et exercent leurs missions sous le contrôle du Conseil national23.
21
Article L. 4122-2 du CSP.
22
Depuis l’entrée en vigueur, en 2019, de la réforme portée par l’ordonnance du
16 février 2017 contre 24 CROM précédemment et au moment du contrôle.
23
Art. L. 4123-1 et L. 4124-11 du CSP.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
30
1 - Un fonctionnement qui ne favorise pas le renouvellement
des élus
a) Une réticence au changement
Les règles de fonctionnement des ordres ont été assez sensiblement
modifiées par deux ordonnances en 201724 : renforcement des pouvoirs de
contrôle, instauration de la parité hommes-femmes, fixation à 71 ans de
l’âge limite pour se porter candidat aux élections ordinales, durcissement
du régime des incompatibilités, certification des comptes combinés,
application de règles d’achats inspirées de celles des marchés publics,
refonte des modalités de rémunération des présidents de juridictions
disciplinaires, etc.
Le Conseil national de l’ordre des médecins a fait connaître ses
réticences à l’adoption de plusieurs de ces mesures25
. Il a notamment
considéré que l’introduction d’incompatibilités supplémentaires était de
nature à « entraver le bon fonctionnement des conseils »26
, que l’obligation
faite à l’ordre de payer les indemnités des présidents de juridictions
« constituait une ingérence dans les finances de l’ordre » et que la mise en
œuvre de la parité était « choquant[e] par sa brutalité arithmétique et
dogmatique »27. À l’issue du renouvellement partiel issu des élections de
juin 2019, le nouveau Conseil national ne compte encore que 15 femmes
sur 56 membres et le nouveau bureau 2 sur 17.
L’introduction d’une limite d’âge a, quant à elle, fait l’objet d’une
contestation vigoureuse de la part de deux conseils territoriaux, qui ont
introduit en 2018 un recours contre cette disposition28
.
24 Ordonnance n° 2017-192 du 16 février 2017 et ordonnance n° 2017-644 du
27 avril 2017.
25
La mise en œuvre de ces réformes reste très progressive. La parité par exemple se fait
au rythme des renouvellements des conseils et ne sera ainsi complète qu’en 2022.
26
Lettre du président du CNOM au président de la République du 23 mars 2017.
27
Bulletin du conseil national, n° 49, mai-juin 2017, p. 4.
28
Annulée par le Conseil d’État en mai 2018, pour non dépôt du projet de loi de
ratification de l’ordonnance dans les délais impartis, cette disposition a été réintroduite
dans le code de la santé publique (article L. 4125-8) par la loi n° 2019-774 du
24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 31
b) Des élus ordinaux peu représentatifs du corps médical en activité
Au 1er
janvier 2018, 45 % des 226 000 médecins en activité en
France sont généralistes et 44 % exercent au moins partiellement à
l’hôpital29
; parmi les conseillers ordinaux, ces proportions sont
respectivement de 60 % et 16 %.
Contrairement aux règles applicables à l’ordre des pharmaciens, il
n’est pas nécessaire pour un médecin d’être en activité pour prétendre à un
mandat ordinal. De ce fait, la part des retraités au sein de l’ordre – tous
échelons confondus – était en 2018 de 14 %, mais de 40 % au sein du
Conseil national et près du tiers des conseillers avaient 71 ans ou plus.
L’absence de limite d’âge lors des élections ordinales de juin 2019 n’a pas
permis un renouvellement en profondeur du Conseil national.
Les femmes sont sous-représentées : elles constituent 31 % des élus
ordinaux (9 % seulement au Conseil national) mais 46 % du corps médical
et plus de la moitié des médecins de moins de 60 ans. Même quand elle est
atteinte d’un point de vue arithmétique, la parité n’est pas effective dans le
partage des responsabilités : la proportion de femmes exerçant des
fonctions de président, trésorier ou secrétaire général n’est que de 19 % et
on ne compte à ce jour que 14 présidentes de conseils départementaux.
Par ailleurs, le taux de participation aux élections ordinales est faible
(25 % en moyenne et 13,5 % à Paris).
2 - Des mandats caractérisés par leur longévité et le cumul
Les conseillers ordinaux sont élus pour six ans et renouvelés par
moitié tous les trois ans. Non dématérialisée, l’élection est génératrice de
coûts pouvant atteindre 100 000 € dans les plus gros conseils. À la
différence des pharmaciens et des infirmiers, l’ordre des médecins n’a en
effet pas souhaité recourir au vote électronique30.
Les 3 311 conseillers de l’ordre des médecins prolongent leurs
fonctions sur de longues périodes, le nombre de mandats consécutifs au
sein d’une même instance ordinale n’étant pas limité : sept à huit ans en
moyenne, mais l’exercice d’un mandat pendant plus de 20 ans n’est pas
isolé.
29 Études et résultats n° 1061, mai 2018, DREES.
30
Prévu à l’article L. 4125-6 du CSP.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
32
Le cumul de plusieurs mandats est courant, même si le durcissement
du régime d’incompatibilités posé par l’ordonnance n° 2017-192 du
16 février 2017 a entraîné une légère diminution du nombre d’élus détenant
plus d’un mandat (passé de 382 en 2014 à 346 en août 2018). Au moment
de l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, 100 conseillers étaient en
situation d’incompatibilité31
. En dépit de courriers du Conseil national les
invitant à démissionner de l’une de leurs fonctions, trois élus continuaient,
en novembre 2018, à cumuler des fonctions devenues incompatibles.
3 - De fréquents problèmes de gouvernance nuisant à l’image
de l’institution
Les conflits de gouvernance au sein des conseils ne sont pas rares
(Gironde, Rhône, Bas-Rhin, Bouches-du-Rhône, La Réunion) et nuisent à
l’image de l’ordre des médecins. Ils peuvent dans certains cas conduire à
des contentieux entre dirigeants d’un même conseil, entraînant des frais
d’avocats souvent financés par les cotisations ordinales : 14 530 € pour le
Rhône en 2018, plus de 36 000 € pour les Bouches-du-Rhône en 2017 et
2018.
Le cas du conseil départemental de l’ordre
des Bouches-du-Rhône
En 2015, la désignation d’un nouveau président au sein du conseil de
l’ordre des Bouches-du-Rhône a donné lieu à de graves dissensions, les
orientations retenues par les nouvelles instances ayant été mal perçues par
l’ancien président et plusieurs de ses proches, également membres du conseil.
Dès juillet 2016, les dysfonctionnements se sont multipliés et des pressions se
sont exercées pour pousser le nouveau président à la démission. Devant son
refus de démissionner, des poursuites disciplinaires ont été engagées par le
conseil départemental à son encontre. Une première plainte, rejetée en
première instance en mai 2017, a été suivie de sept autres, déposées en 2017
et 2018, pour des propos publiés sur internet qui, comparant notamment
l’ancien président et ses partisans à « des dictateurs d’une société bananière »,
outrepassaient « les usages communément tolérés à l’occasion de campagnes
électorales ». En appel, la chambre disciplinaire nationale a infligé un blâme
au président élu en 2015. Rendu de ce fait inéligible pour trois ans, il n’a pas
pu se présenter aux élections de février 2018.
31
26 incompatibilités pour cumul de fonctions au sein de deux conseils,
58 incompatibilités pour cumul d’une fonction de président ou secrétaire général d’un
conseil et d’une fonction d’assesseur de chambre disciplinaire et 16 situations de double
incompatibilité.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 33
Cette situation a abouti à la dissolution du conseil par l’agence
régionale de santé (ARS) en juillet 2018. Cette décision, suspendue dans un
premier temps par le tribunal administratif de Marseille, a été confirmée, en
janvier 2019, par le Conseil d’État, qui a relevé que le conseil « était
notoirement traversé de violents conflits compromettant gravement sa
légitimité , que vingt-et-un des quarante-six membres titulaires et
suppléants avaient démissionné […], que le conseil départemental avait, en
raison de ce conflit, porté plainte contre quatre de ses propres membres et
que […] une ultime mission de conciliation effectuée par le Conseil national
avait échoué ». De nouvelles élections en avril 2019 ont conduit à l’élection
d’une présidente.
Le coût des différends interpersonnels et des dysfonctionnements
divers (dix interventions d’huissiers, deux changements de serrures, des
agents de sécurité, un système de surveillance et des frais
d’affranchissement inutiles notamment) s’est élevé à plus de 80 000 € en
2017-2018 financés sur les cotisations des médecins.
4 - L’insuffisante prise en compte des risques de conflits d’intérêts
Toutes les précautions ne sont pas prises par l’ordre pour se
prémunir contre les risques de conflits d’intérêts32 encourus par ses
représentants, même si le règlement intérieur adopté le 13 décembre 2018,
à la suite du contrôle de la Cour, consacre désormais un chapitre à
l’obligation spécifique de leur prévention.
Les élus du Conseil national remplissent une déclaration d’intérêts33
depuis juin 2016, mais ces déclarations sont sommaires et ne sont pas
vérifiées par l’ordre. C’est ainsi que l’un de ses membres non élu a omis
de déclarer les rémunérations qu’il avait perçues de laboratoires
pharmaceutiques, alors qu’il siégeait au sein de la commission des relations
médecins industrie et qu’un de ses proches travaillait pour un laboratoire
français. Il ne lui a pas été demandé de compléter sa déclaration.
32 Le conflit d’intérêts désigne « toute situation d’interférence entre un intérêt public et
des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer
l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » (art. 25 bis de la loi du
13 juillet 1983).
33
Il s’agit d’une initiative de l’ordre, non d’une obligation légale.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
34
Par ailleurs, il est des cas où les liens connus entre un élu ordinal et
un médecin conduisent à jeter un doute sur l’impartialité d’une décision.
Ainsi en est-il de l’autorisation de continuer à exercer, notifiée par la
formation restreinte d’un conseil régional à un spécialiste exerçant en
clinique, victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) en octobre 2017,
en dépit de l’avis du collège d’experts. Participaient en effet à cette
formation restreinte décisionnaire le PDG de la clinique – et président de
l’ordre départemental – ainsi qu’un autre médecin y possédant des parts,
dont les intérêts étaient donc en jeu dans l’affaire.
Les garde-fous pour prévenir les conflits d’intérêts sont encore plus
faibles quand la personne mise en cause est elle-même un conseiller
ordinal. L’obligation de délocaliser la conciliation en cas de plainte contre
un élu ordinal, introduite par l’ordonnance de 2017, n’est pas toujours
respectée. Ainsi, à La Réunion, une plainte introduite en novembre 2017
par un médecin contre l’un de ses confrères, élu du conseil régional, a été
traitée sur place. En Haute-Corse, non seulement la plainte déposée en
2018 par une patiente contre une élue ordinale n’a pas été délocalisée, mais
la suite qui lui a été donnée n’était pas conforme aux textes.
Aucune règle spécifique de dépaysement n’étant non plus prévue
pour l’examen par l’ordre des contrats ou des avantages consentis par
l’industrie pharmaceutique à un élu ordinal, l’impartialité nécessaire ne
peut être garantie. Ainsi, dans un département du sud de la France, les
conditions dans lesquelles sont rendus les avis de l’ordre sur les contrats
conclus par les établissements que dirige son président34 ou par ceux d’un
concurrent direct de son laboratoire ne permettent pas de garantir
l’impartialité nécessaire dès lors qu’il sont rendus par un conseil dont le
président est à la fois juge et partie.
En l’absence de cadre contraignant, l’impartialité du traitement
d’une affaire concernant un conseiller ordinal ne repose que sur le sens de
la déontologie de quelques-uns. Cela peut s’avérer insuffisant, comme le
montrent les exemples relevés par la Cour. Il conviendrait de rendre, dans
ces situations, la délocalisation obligatoire.
34
Par ailleurs conseiller régional de l’ordre, également co-gérant du seul laboratoire de
biologie médicale implanté localement et PDG d’une clinique.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 35
B - Des fonctions bénévoles généralement indemnisées
La loi du 21 juillet 200935
a posé le principe du bénévolat des fonctions
ordinales. Elle prévoit également que les conseillers ordinaux peuvent être
indemnisés, le montantdes indemnitésétant limité à trois fois leplafondannuel
de la sécurité sociale, soit 121 572 € en 201936
. Une demi-journée ne peut être
indemnisée au-delà de 10 % du plafond mensuel, soit 337 € en 2019.
La conjugaison de ces deux principes n’a conduit que quelques
conseils37
à considérer, à l’instar d’autres ordres de professions de santé, que
l’indemnité, pour conserver le caractère bénévole des fonctions ordinales,
visait seulement à compenser une perte d’activité et devait donc être
différenciée en fonction des situations (retraités, libéraux, salariés). Pour plus
de 80 % des autres, ce n’est pas le cas. Le constat est le même pour les conseils
régionaux, dont trois seulement sur 24 ont mis en place une indemnité
différenciée selon le statut : Auvergne, Midi-Pyrénées et Bourgogne.
S’ils sont membres d’un bureau, les élus peuvent percevoir une
somme forfaitaire en lieu et place des indemnités au temps passé.
Les élus ordinaux sont par ailleurs remboursés des frais engagés en
raison de leur mission (transport, repas et hébergement).
Malgré des tentatives de réforme du système indemnitaire au sein de
l’ordre des médecins, il n’existe pas jusqu’à présent de barème uniforme sur
le territoire. Par conséquent, les pratiques d’indemnisation des élus varient
fortement d’un conseil à l’autre, dans un contexte d’augmentation moyenne
de 28 % depuis 2011. En 2017, les indemnités (10 M€) et les frais (4,1 M€)
représentaient 17 % du budget annuel de l’ordre dans son ensemble.
1 - Des irrégularités constatées au Conseil national
En 2017, le Conseil national a versé aux élus 2,2 M€ d’indemnités38
et pris en charge 2,6 M€ de frais. Ces dépenses, en augmentation de 33 %
depuis 2011 malgré des mesures d’économies décidées sur les frais
(moindres indemnités forfaitaires sans justificatif), s’expliquent
notamment par l’organisation de congrès et par l’augmentation de 9 % du
nombre de réunions.
35 Portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires
(HPST).
36
Cette limite, fixée par décret, est supérieure de 33 % au bénéfice net moyen d’un
médecin généraliste (source : union nationale des associations agréées).
37
Seuls sept CDOM sur 46 différencient l’indemnité selon le statut actif/retraité et
quatre selon le statut libéral/hospitalier.
38
2,06 M€ sont versés aux 54 élus nationaux et 135 500 € à d’autres conseillers.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
36
a) Des indemnités élevées, parfois supérieures
au plafond réglementaire
Au CNOM, les seize membres du bureau ont perçu au total plus d’un
million d’euros d’indemnités en 2017, soit en moyenne 68 000 € par
personne. Pour les 40 % d’élus retraités – l’âge moyen des membres du
bureau est de 71 ans –, ces montants élevés ne constituent pas une
compensation de perte d’activité professionnelle mais bien un revenu
complémentaire.
Parmi ces membres, six ont perçu des indemnités forfaitaires39
représentant au total plus de 500 000 €, soit près de 90 000 € par personne.
Tableau n° 3 : évolution des indemnités mensuelles brutes forfaitaires
de certains membres du bureau
2011 2012 2013
2014
à 2018
Président 9 582 € 9 869 € 10 048 € 9 177 €
Secrétaire gal
8 211 € 8 211 € 8 211 € 8 211 €
Secrétaires gaux
adjoints 7 245 € 7 245 € 7 245 € 7 245 €
Trésorier 7 245 € 7 245 € 7 245 € 7 245 €
Source : CNOM
Aucune délibération attestant de la fixation de ces indemnités par le
bureau ou par le conseil en réunion plénière, comme le prévoit l’article
D. 4125-8 du CSP, n’a pu être communiquée40 à la Cour. À défaut de
délibération, ces indemnités sont dépourvues de fondement juridique.
En dépit du plafond réglementaire élevé, le président du Conseil
national en exercice de 2007 à 2013 s’est fait verser irrégulièrement, avec
l’accord du secrétaire général, des indemnités d’un montant supérieur de
près de 9 000 € au plafond annuel, en considérant abusivement que le
calcul du plafond de la sécurité sociale devait s’entendre net de cotisations
39 Sont concernés le Président, le Secrétaire général, les trois Secrétaires généraux
adjoints et le Trésorier. Les autres membres touchent des indemnités de présence de
483 € par jour, montant stable depuis 2013.
40
Seules ont été produites deux diapositives projetées lors de l’adoption du budget des
exercices 2014 et 2015.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 37
CSG-CRDS41. Ce sont ainsi plusieurs dizaines de milliers d’euros qui ont
été indûment perçus et devraient donc être remboursés au Conseil national.
Son successeur, dès son élection en 2013, a mis fin à cette pratique
et fixé sa propre indemnité au niveau du plafond alors en vigueur.
b) Une inflexion récente mais encore insuffisante de la politique
de remboursements de frais
En matière de remboursement de frais, des pratiques abusives ont eu
cours pendant des années, qui ont amené le Conseil national à revoir sa
politique en 2015. Il a alors limité les remboursements sans justificatifs à
18,50 € par repas et 65,50 € par nuitée et instauré un remboursement aux
frais réels, plafonné à 250 € par jour42. Cette mesure a entraîné une
diminution de 37 % des frais hors congrès43
des élus nationaux entre 2014
et 2015, passés de 1,3 M€ à 0,8 M€, soit une économie d’environ
500 000 €. À titre d’exemple, les remboursements versés au secrétaire
général du Conseil national ont été divisés par trois entre 2011 et 2017.
Tableau n° 4 : évolution des remboursements de frais du président
et du secrétaire général
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Président 17 517 € 15 994 € 23 492 € 19 876 € 8 640 € 6 247 € 5 806 €
SG 64 639 € 34 701 € 29 932 € 38 917 € 30 925 € 28 215 € 20 044 €
Source : calculs Cour des comptes, d’après données CNOM
Auparavant, pour un déplacement d’une journée, les conseillers
nationaux étaient remboursés, à hauteur d’un forfait de 250 € – ou de 100 €
pour les médecins résidant à Paris ou en petite couronne.
L’ancien président du Conseil national a perçu, entre 2010 et 2012,
en plus de ses indemnités supérieures au plafond, des « forfaits sans
nuitée », assimilables à des indemnités, qui, sur ses trois dernières années
de mandat, ont conduit à un dépassement annuel du plafond de la sécurité
sociale de plus de 78 000 €. Plusieurs autres conseillers nationaux ont
dépassé le plafond autorisé pour le même motif.
41
Par définition, le plafond de la sécurité sociale, qui sert de référence pour le calcul
des cotisations sociales, ne peut s’entendre que brut.
42
180 € pour une nuit d’hôtel et 35 € par repas.
43
Depuis 2011, le CNOM organise annuellement un congrès (coût de 1,3 M€ en 2017),
associant des élus de chaque département et région, qui explique l’augmentation
importante des frais, passés de 1,6 M€ à 2,6 M€ entre 2011 et 2017.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
38
La Cour considère, comme elle l’avait déjà indiqué en 2011, que,
pour les médecins résidant en région parisienne, ces forfaits sans nuitée
constituent de fait une rémunération qui doit être soumise à cotisations.
Depuis janvier 2018, les remboursements sans justificatifs ont
totalement été supprimés. Cette mesure, qui devrait mettre fin à ces abus,
a en tout état de cause divisé par quatre entre 2017 et 2018 les
remboursements de l’un des vice-présidents du CNOM (ceux-ci sont
passés de 24 000 € à 5 640 € fin octobre 2018).
c) Des remboursements de frais abusifs
En principe, les élus du Conseil national habitant Paris ou la petite
couronne ne bénéficient pas de la prise en charge de frais d’hébergement
et de repas pour les réunions qui se tiennent au siège. Pourtant, deux vice-
présidents du Conseil national, dont la résidence principale, déclarée
comme telle aux services fiscaux44, est à Paris, ont par l’utilisation d’une
autre adresse en province, déclarée à l’ordre comme leur résidence
principale, perçu des remboursements de frais.
L’un a ainsi reçu, entre 2015 et 2017, un montant total de 46 651 €,
l’autre un montant, pour la même période, de 54 785 €. Si leur résidence
principale est bien à Paris, alors ces montants leur ont été réglés indûment
et doivent être remboursés à l’ordre.
Depuis la suppression en 2015 du forfait de 250 € versé sans
justificatif, un autre élu national, membre de la commission de contrôle des
comptes, s’est fait rembourser ses nuitées à Paris, dans l’appartement où
réside un de ses enfants, sur présentation de factures de 200 € par nuitée45
établies par une SCI dont il est propriétaire.
Le Conseil national a ainsi remboursé à cet élu, depuis 2015,
29 520 €46
, sur présentation des factures de cette SCI, dont il n’ignore
pourtant pas le caractère discutable, comme l’atteste un courrier du 18 mars
2015 signé du trésorier47
.
44
Au moins pour l’impôt sur la fortune immobilière.
45
Qui lui permettent de se faire rembourser 180 € par nuitée, soit le plafond fixé par le
CNOM.
46
Ces sommes n’ont par ailleurs pas été déclarées aux services fiscaux.
47
« Notre structure ne procèdera à aucune vérification, [mais] notre commissaire aux
comptes est parfaitement habilité à faire toutes les investigations qu’il pourrait juger
nécessaires. Celles-ci pourraient entraîner, le cas échéant, des requalifications fiscales
tant au niveau de la SCI que du conseiller ayant présenté ces notes, dont notre Conseil
ne pourrait, en aucun cas, être tenu pour responsable ».
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 39
Ainsi, non seulement, le Conseil national a continué de régler au
conseiller ces factures litigieuses, mais il l’a assuré qu’il ne contrôlerait pas
plus avant la réalité des frais ainsi remboursés.
Le double remboursement de frais du président
du conseil départemental de l’ordre du Rhône, vice-président
du Conseil national
L’ancien président du conseil départemental du Rhône a bénéficié
pendant plusieurs années d’un double remboursement de ses frais d’hôtel,
par le Conseil national d’une part, par le conseil départemental du Rhône
d’autre part.
Sur la période 2011-2013, il a ainsi perçu indûment plus de 26 000 €,
qu’il a remboursés au conseil départemental en avril 2018. En octobre 2018,
la chambre disciplinaire de Bretagne, saisie par le Conseil national (dans le
cadre d’un dépaysement), l’a condamné, alors qu’il avait pris sa retraite, à
deux années d’interdiction temporaire d’exercer la médecine, dont une avec
sursis.
Ces doubles remboursements frauduleux remontaient en réalité à
2007 et la Cour estime, sur la base des documents fournis par le Conseil
national et le conseil départemental, que c’est un total de 40 000 € qui lui a
été indûment versé.
Lors de ses déplacements à Paris, cet élu était hébergé par un proche,
qui lui louait, au prix de 180 € par nuit, – soit le montant plafond des
remboursements pratiqués par le CNOM – un studio à Levallois Perret.
Le Conseil national n’a pas mis en œuvre les diligences
indispensables, dès lors que, considérant les faits comme une « erreur et
pas une faute », il a refusé d’abord la démission présentée par cet élu en
201648
, puis a renoncé à examiner les remboursements antérieurs à 2011
alors qu’il détenait la preuve que les faits avaient débuté en 2007, et enfin
s’est abstenu de procéder à des vérifications auprès d’autres élus se trouvant
dans la même situation. Les membres du Conseil national ont reçu les
remerciements de l’ancien président du conseil du Rhône pour leur
« exceptionnelle confraternité ».
Le conseil départemental du Rhône qui a, quant à lui, laissé perdurer
ces agissements, affiche dans une lettre aux élus ordinaux de mars 2018 une
« confiance totale » au Dr R. et en appelle à la confraternité élémentaire en
estimant que « nul ne peut s’attribuer le monopole de l’éthique ou de la
déontologie ».
48 Selon le mémoire en défense du Dr R. non contredit par le Conseil national, son
Président aurait écarté sa démission en 2016.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
40
2 - Des situations très contrastées dans les conseils territoriaux
a) Des niveaux d’indemnités très hétérogènes
L’examen de la situation de 46 conseils départementaux et de
24 conseils régionaux montre que les modalités d’indemnisation et de
remboursement de frais sont particulièrement hétérogènes.
Les indemnités servies aux conseillers territoriaux se montent à
7,8 M€ en 2017, ce qui représente une augmentation depuis 2011 de 33 %
pour les Conseils départementaux de l’ordre des médecins (CDOM) et de
39 % pour les Conseils régionaux de l’ordre des médecins (CROM). Bien
que le Conseil national ait recommandé que les indemnités ne dépassent
pas 20 % du budget, 32 conseils locaux dépassent cette limite. Dans
l’ancien conseil régional de l’ordre de Picardie49
, le poids des indemnités
était même de 41 % des charges totales. Aucune sanction n’est prévue pour
les conseils qui outrepassent les consignes.
Ces montants recouvrent en réalité des situations très diverses. Ainsi,
certains petits conseils ne versent pas d’indemnité forfaitaire aux élus de leur
bureau50
. Parmi les conseils comptant plus de 6 000 médecins inscrits, il y a
un rapport de 1 à 5 entre Paris qui consacre 446 000 € à l’indemnisation de ses
26 élus et l’Hérault qui consacre 81 000 € à celle de ses 21 élus.
De plus, les indemnités servies pour une même mission varient du
simple au quintuple selon les conseils : ainsi les indemnités d’assemblée
plénière sont de 56 € dans les Hauts-de-Seine, 136 € dans le Nord, 207 € dans
le Rhône. Elles étaient de 320 € dans l’ancien conseil régional d’Alsace51
.
Enfin, des indemnités ne sont pas toujours versées à bon escient :
ainsi en Alsace, le président du CROM a perçu en 2018 une indemnité de
320 € pour se rendre aux vœux du préfet ou encore assister à une projection
sur les médecins déportés ; la vice-présidente a perçu 460 € pour assister
aux obsèques de l’épouse d’un conseiller, remboursés depuis.
Certains élus jouant le rôle de lanceurs d’alerte ont dénoncé ces
pratiques sans parvenir toutefois à les infléchir notablement52
.
49 Fusionné à compter de 2019 avec le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais au sein
du nouveau conseil régional des Hauts de France.
50
Fin 2018, Corse-du-Sud, Haute-Corse, Indre, Isère, Loir-et-Cher, Mayenne, Moselle,
Seine-Maritime, Guyane. Le budget des conseils départementaux comptant un faible
nombre d’inscrits ne leur permet pas toujours de verser des indemnités à leurs élus sur
des territoires où la problématique de l’accès aux soins notamment nécessite pourtant
un investissement important de leur part.
51
Fusionné à compter de 2019 au sein du nouveau conseil régional Grand Est.
52
Notamment dans le Bas-Rhin, La Réunion et le Rhône. Dans un cas, le conseil
départemental de l’ordre a été invité à se prononcer sur l’opportunité de porter plainte
au disciplinaire contre l’un d’entre eux en raison de son attitude jugée
« anti-confraternelle et calomnieuse ».
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 41
À la suite du contrôle de la Cour, une harmonisation des indemnités
des élus devrait être mise en œuvre dès le 1er janvier 2020. Il ne faudrait
toutefois pas que cette harmonisation se traduise par une augmentation du
montant global des indemnités versées.
b) Des indemnités parfois irrégulières et des remboursements
de frais insuffisamment justifiés
Les indemnités servies par les conseils départementaux ne sont pas
toujours régulières : il arrive, dans quelques cas, que les « vacations »
dépassent les plafonds réglementaires, comme à La Réunion, qui
indemnise la participation à la commission des contrats à hauteur de 414 €
la demi-journée (alors que le plafond est de 327 € en 2017) ou que, dans
des cas plus fréquents, le montant des indemnités ne soit pas fondé sur une
décision prise en assemblée plénière53
.
En l’absence de règles fixées par le Conseil national, la procédure
de remboursement de frais est hétérogène et peu formalisée. Rares sont les
conseils qui établissent des ordres de mission et qui conditionnent le
remboursement des frais à la présentation de justificatifs.
Le stationnement en ville des médecins
Les véhicules des médecins arborant le caducée peuvent bénéficier
de mesures de tolérance en matière de stationnement. Ces tolérances,
censées s’appliquer aux seules visites à domicile et en cas d’urgence, ont
fait l’objet de larges abus. De ce fait, les villes sont moins enclines à
accorder des régimes dérogatoires spécifiques aux médecins.
Comme d’autres villes, Paris a créé, à compter du 1er
janvier 2018, un
régime dérogatoire, en instituant une « carte Pro soins à domicile »54
. Alors que
l’instruction des demandes de cartes relève de la ville de Paris pour les
infirmiers, les sages-femmes et les orthophonistes, elle a été confiée, pour les
médecins, à la demande de l’ordre, au conseil départemental de l’ordre de
Paris55
. Près de 1 000 cartes ont été attribuées dont certaines à des médecins qui
ne remplissaient pas les conditions pour en bénéficier.
53
C’est le cas notamment au conseil régional d’Ile-de-France et dans les conseils
départementaux de Haute-Corse, Haute-Garonne, Gironde et Var. Plusieurs conseils
ont depuis mis fin à cette irrégularité.
54
Cette carte est destinée aux professionnels de santé exerçant à Paris et effectuant plus
de 100 visites à domicile par an.
55
Les masseurs-kinésithérapeutes s’adressent également à leur conseil départemental.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
42
Parmi eux, près d’un élu sur deux du conseil départemental de Paris
bénéficie de la carte Pro soins à domicile, sans remplir les conditions
d’attribution et sans qu’aucun relevé d’activité justificatif des visites à
domicile leur ait été demandé.
C - Un ordre qui empiète sur le champ syndical
1 - Des relations longtemps intriquées
La genèse de l’ordre et le fait que les élus ordinaux soient issus, pour
beaucoup, du monde syndical explique l’étroitesse des relations qu’il
entretient depuis sa création avec les syndicats de médecins. La fréquence
du cumul des mandats syndicaux et ordinaux par les mêmes médecins a
longtemps accentué ce phénomène.
L’ordonnance du 16 février 2017, qui a durci le régime des
incompatibilités entre certaines fonctions syndicales et ordinales56
, vise à
éviter la confusion entre ces responsabilités, mais ses dispositions sont
encore mal connues, mal appliquées ou sujettes à interprétations
divergentes. Les conseillers territoriaux ne remplissaient pas en 2018 de
déclaration d’intérêts, alors que la bonne application de la disposition
relative aux compatibilités de fonctions l’exigeait. Leurs fonctions
électives non ordinales n’étaient, de fait, pas connues de l’ordre. De plus,
l’un des trois principaux syndicats de médecins n’avait même, au moment
de l’enquête de la Cour, jamais entendu parler de ce nouveau régime. Le
règlement intérieur adopté en décembre 2018, après le contrôle de la Cour,
prévoit désormais l’obligation, pour tous les élus, d’établir une déclaration
d’intérêts mentionnant leurs fonctions électives.
Enfin, le Conseil national a une lecture des dispositions relatives aux
incompatibilités moins restrictive que le ministère chargé de la santé
puisqu’il estime que l’incompatibilité ne concerne que les syndicats
constitués entre médecins, permettant par exemple à certains élus de
continuer à cumuler des fonctions de président d’un conseil départemental
et d’une fédération de l’hospitalisation privée.
2 - Une conception extensive de son rôle par l’ordre
L’ordre est chargé de veiller au respect des règles de déontologie et
d’assurer la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession
médicale.
56
Art. L. 4125-2 du CSP.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 43
Dans les faits, l’ordre des médecins, à l’instar des autres ordres déjà
contrôlés par la Cour, intervient fréquemment dans le champ de la défense
des intérêts professionnels et sort régulièrement du champ déontologique
au regard duquel il devrait apprécier l’impact des réformes qui lui sont
soumises pour avis.
Le Conseil national est certes chargé d’« étudie[r] les questions et
projets qui lui sont soumis par le ministre chargé de la santé57
» mais au
regard de ses seules missions. Il ne lui appartient pas de se saisir lui-même,
à l’occasion par exemple d’élections présidentielles, de sujets politiques ni
de critiquer des textes législatifs ou réglementaires une fois qu’ils sont
adoptés. Toute communication à caractère revendicatif se situe clairement
hors du champ des missions d’un ordre, comme l’a rappelé la Cour de
discipline budgétaire et financière (CDBF) dans un arrêt du 29 novembre
2018 relatif à l’ordre des chirurgiens-dentistes58.
Pourtant, se considérant comme le représentant de tous les
médecins, l’ordre, encouragé parfois par les pouvoirs publics eux-mêmes
qui le sollicitent sur des questions se situant hors de son champ de
compétences, se positionne comme un interlocuteur privilégié sur les
réformes de santé à venir. Dans la préface de son ouvrage Santé : explosion
programmée paru en 2018, le président de l’ordre évoque d’ailleurs « les
291 000 médecins praticiens dont nous portons la parole, là où la
multiplicité des syndicats professionnels rend difficile une représentation
homogène de notre profession ».
Dans son bulletin de mai 2015, l’ordre présentait comme l’une de
ses missions le fait de « défendre les intérêts de la profession au plan
européen »59
. Or, ni au plan européen ni au plan national, il n’incombe à
l’ordre de défendre les intérêts de la profession. Le caractère obligatoire de
l’inscription place en effet l’ordre dans une situation très différente des
syndicats : d’une part, dès lors qu’il regroupe tous les médecins, il ne peut
en aucun cas exprimer un point de vue politique qui les engagerait tous ;
d’autre part, il dispose d’un budget sans commune mesure avec ces
derniers, ce qui rend les risques de mésusage plus élevés. Toute confusion
entre missions ordinales et missions syndicales est en effet préjudiciable au
bon emploi des fonds de l’ordre.
57
Art. L. 4122-1 du CSP.
58
« Le fait pour l’ordre d’avoir pris en charge des dépenses liées à une action étrangère
à ses missions légales et règlementaires [en l’espèce, une campagne de communication
lancée en 2015 contenant des messages clairement revendicatifs contre la future loi
santé] constitue une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses ».
59
Revue médecins (bulletin de l’ordre des médecins), n° 39 avril-mai 2015.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
44
3 - Un glissement sensible de la communication
vers des actions relevant du champ syndical
La communication de l’ordre est le reflet de ce glissement vers le
champ syndical. Elle a été réformée en profondeur en 2013, pour placer
l’ordre en acteur incontournable des débats sur la profession médicale et
l’évolution du système de santé ; elle tend de plus en plus à remettre en
cause l’action des pouvoirs publics.
La stratégie 2015-2017 a ainsi comporté un intense lobbying contre
la loi dite « Touraine », puis le lancement, à l’automne 2015, d’une grande
consultation nationale60, pour un coût estimé à 1 M€, destinée à positionner
l’ordre au premier plan dans la négociation des textes d’application de la
loi susvisée61 et à porter ses revendications auprès des candidats à la
présidentielle.
La synthèse des avis recueillis à l’occasion de cette consultation a fait
l’objet d’un livre blanc, très critique sur l’organisation actuelle du système de
santé. L’ordre y formule des recommandations dont certaines visent la
revalorisation du mode de rémunération des médecins, la refonte de leur
système d’assurance sociale ou encore la suppression du caractère obligatoire
du tiers payant, tous sujets sur lesquels il n’est pas légitime à intervenir.
Le Conseil national a poursuivi ses actions en 2019, à l’occasion de la
discussion de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système
de santé, en organisant la campagne « Ma santé 2022 : de la parole aux
actes ! » pour débattre publiquement du projet de loi et de sa mise en œuvre.
Cette confusion des rôles est préjudiciable à l’image de l’ordre et à
l’exercice de ses missions, elle est difficilement compatible avec son rôle
de gardien impartial de la déontologie de la profession. Les budgets
correspondant aux actions qui ne relèvent pas de l’ordre sont autant de
moyens qui ne sont pas consacrés aux missions légales, dont l’enquête de
la Cour a montré qu’elles étaient souvent délaissées, comme dans les cas
du contrôle de la formation continue ou des relations médecins-industrie
(cf. infra).
60
Cette consultation a consisté en 13 rendez-vous avec les principaux acteurs du
système de santé, 16 grands débats avec 2 000 médecins, une consultation de la
profession en ligne (35 000 médecins ont répondu) et un sondage auprès du grand
public (4 000 participants).
61
L’ordre reconnaît, dans le bulletin n° 42 diffusé au début de l’année 2016, que « l’année
2015 a été marquée par un travail de lobbying parlementaire intense sur la loi de santé.
Aujourd’hui, tout reste à faire quant aux modalités de sa mise en application. 2016 promet
d’être une année de bataille sur les décrets d’application et des ordonnances. (…) À l’aube
d’échéances électorales, le travail de l’ordre est appelé à s’intensifier ».
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 45
II - Des comptes souvent incomplets
et insincères
La Cour a constaté de nombreuses insuffisances et irrégularités.
Certaines d’entre elles avaient déjà été relevées lors de son précédent
contrôle mais n’ont pas donné lieu à des mesures correctrices.
Ces insuffisances, et plus largement le défaut de rigueur dans la
gestion et de contrôle dans l’usage des fonds issus des cotisations, ainsi que
les multiples carences du contrôle interne, ont rendu possibles non
seulement des erreurs et des approximations dans les pratiques comptables
mais également des détournements de fonds constatés en plusieurs
endroits.
A - Des ressources incomplètement retracées
1 - Des ressources abondantes en augmentation rapide
Les ressources de l’ordre se composent à 99 % des cotisations des
médecins. La cotisation est obligatoire62
et versée par toute personne
inscrite au tableau, qu’elle soit physique ou morale. La cotisation 2018
fixée par le Conseil national, se monte à 335 € pour les médecins actifs et
les sociétés d’exercice libéral (SEL) et 95 € pour les retraités et les
médecins qui, n’exerçant pas sans être retraités, souhaitent rester inscrits
au tableau.
Les cotisations annuelles appelées représentaient un montant de près
de 84,3 M€ en 2017 et les cotisations encaissées un peu plus de 79 M€. Ces
chiffres ne sont que des estimations. En effet, les cotisations étant perçues
directement par les conseils départementaux, en l’état actuel de la
comptabilité, et faute pour l’ordre de disposer à ce jour de comptes
combinés retraçant l’ensemble de ses opérations, il n’est pas possible
d’avoir une vue d’ensemble des ressources du Conseil national, des
conseils départementaux et des conseils régionaux confondus.
62
Sont toutefois exemptés les réservistes sanitaires – s’ils n’exercent la profession qu’à
ce titre –, les cadres actifs du service de santé des armées ainsi que les médecins
fonctionnaires d’État ou territoriaux qui ne sont pas appelés, dans l’exercice de leur
fonction, à exercer la médecine.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
46
L’irrégularité de certaines ressources tirées
des qualifications
L’ordre, qui doit veiller au maintien des compétences indispensables
à l’exercice de la médecine63
, a mis en place une procédure pour les
médecins désireux d’obtenir une qualification de spécialiste différente de
celle qui leur a été reconnue à l’issue de leur formation initiale.
Or, le Conseil national conditionne le dépôt d’un dossier de
qualification à l’obligation, pour le demandeur, de s’acquitter de frais de
dossiers de 140 €. Un total de 138 000 € a ainsi été collecté par les conseils
départementaux en 2017 et reversé au Conseil national.
Rien ne permet de justifier la facturation de frais de dossiers non
prévus par le code de la santé publique et relatifs à une mission de service
public financée par ailleurs par la perception de cotisations obligatoires.
L’ordre a indiqué à la Cour, à l’issue du contrôle, avoir suspendu la
perception de ces recettes tirées des dossiers de qualification.
L’évolution dynamique du montant des cotisations encaissées
(+24 % sur la période 2011-2017) s’explique à la fois par l’augmentation
du nombre de cotisants (290 973 médecins inscrits à l’ordre en 2017, soit
+10 % par rapport à 2011) et par l’évolution du montant unitaire de la
cotisation, passée de 300 € en 2011 à 333 € en 2017, soit une augmentation
de +11 %64.
Outre la croissance de la cotisation, le Conseil national a bénéficié
d’une augmentation de la quotité qui lui revient, passée de 35 % à 39 %,
alors que celle allouée aux départements a diminué dans le même temps de
53 % à 49 %. En conséquence, les ressources du Conseil national ont crû
nettement plus vite : +40 % contre +24 % pour l’ordre dans son ensemble,
comme l’illustre le graphique suivant.
63 Art. L. 4121-2 du CSP.
64
En 2018, la cotisation a de nouveau augmenté, passant à 335 €, montant inchangé en
2019.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 47
Graphique n° 7 : évolution des quotes-parts des cotisations
encaissées65 (base 100 en 2011)
Source : Cour des comptes, à partir de données CNOM
2 - Un enregistrement comptable irrégulier des cotisations
a) Un schéma comptable qui ne retrace pas le produit des cotisations
Le législateur a entendu donner au Conseil national la maîtrise des
ressources de l’ordre et le pouvoir de veiller à leur répartition harmonisée.
À cet effet, il ressort des dispositions combinées du code de la santé
publique et du règlement de l’Autorité des normes comptables de juin 2014
que seul le Conseil national est habilité à émettre le bordereau d’appel de
cotisation et à inscrire à son compte de résultat, en produits, le montant
total de la cotisation appelée et, en charges, le reversement des quotes-parts
aux conseils territoriaux.
Or ce schéma comptable n’a pas été retenu, puisque l’ordre a confié
aux conseils départementaux le soin de recouvrer la cotisation, sans que
celle-ci apparaisse toutefois dans leurs comptes pour son montant intégral.
65
Parts nationale, régionale, départementale.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
48
Le Conseil national contrevient également aux dispositions du code
de la santé publique pour le financement des chambres disciplinaires : alors
que la loi lui impose expressément66 de préciser la part de la cotisation
consacrée au fonctionnement de ces chambres, le Conseil national
considère qu’il appartient « à chaque conseil régional de fixer le montant
nécessaire au fonctionnement de la chambre disciplinaire ».
b) Une comptabilisation incomplète des cotisations annuelles
La comptabilisation des cotisations présente aujourd’hui de
nombreuses irrégularités, qui empêchent de donner une image fidèle des
produits de cotisations, des créances sur les médecins et de leurs
dépréciations.
En premier lieu, les comptes annuels établis par le Conseil national
ne retracent que la quote-part nationale des cotisations, soit 30,8 M€ sur
84,3 M€ en 2017. Les conseils locaux comptabilisent quant à eux leurs
parts respectives (49 % pour les départements et 12 % pour les régions).
Aucun document ne permet aujourd’hui de rendre compte de manière
précise, fiable et exhaustive des ressources annuelles totales de l’ordre.
En second lieu, les cotisations sont enregistrées au moment de leur
encaissement et non au moment où elles sont appelées, ce qui n’est pas
conforme au principe de comptabilité en droits constatés67
et aboutit à
sous-estimer les produits. L’ordre n’a pas tenu compte des observations de
la Cour, qui critiquait déjà en 2011 ce mode d’enregistrement des
cotisations et le qualifiait de « comptabilité d’engagement à géométrie
variable ».
En troisième lieu, il est impossible de disposer d’une estimation
fiable du montant annuel des cotisations restant à recouvrer68, en raison
non seulement de l’absence de transcription comptable des cotisations
appelées, mais aussi de l’hétérogénéité des modes de comptabilisation de
ces restes à recouvrer.
66 L. 4122-2 du CSP.
67
Le fait générateur de la créance est bien l’appel à cotisation envoyé en début d’année.
68
Ce montant peut être évalué à au moins 11 M€ par an.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 49
Selon les conseils en effet, les méthodes d’estimation des cotisations
à recouvrer varient69 ; le reste à recouvrer d’une même créance peut être
constaté de façon différente selon qu’il s’agit de la part nationale ou de la
part départementale70
; enfin le taux de dépréciation des créances varie de
2 % à 100 % selon les départements, sans justification.
En dernier lieu, ni les exonérations de cotisations (environ 800 000 €
en 2017), ni les pertes sur créances irrécouvrables ne sont comptabilisées.
Le recouvrement des cotisations n’étant ainsi ni conforme aux textes
ni efficient, l’ordre doit le revoir en profondeur. En particulier, il doit
mettre en place une comptabilisation en droits constatés des cotisations dès
leur appel et pour l’intégralité de leur montant, ainsi qu’une comptabilité
auxiliaire par médecin en l’absence de laquelle la situation de chaque
médecin cotisant reste inconnue.
Une fraction de ces cotisations est par ailleurs irrégulièrement
soustraite du compte de résultat pour alimenter des fonds de réserve.
c) Des fonds de réserve irréguliers
Le Conseil national prélève chaque année, sur la quote-part de
cotisation71 qui lui revient, un montant forfaitaire, destiné à alimenter un
ou plusieurs fonds : un fonds d’harmonisation des charges, un fonds
d’entraide, un fonds de modernisation de l’institution et, en 2011, un fonds
de projets informatiques. Seuls les deux premiers sont décrits au règlement
intérieur et au règlement de trésorerie. Le solde total des fonds représente
fin 2017 près de 5,2 M€.
En 2017, sur la quote-part de la cotisation nationale de 131 €, le
prélèvement a représenté 9 € et un total prélevé de 1,87 M€.
Cette ponction d’une fraction de la cotisation, inscrite directement
en compte de réserves au bilan, sans passer par le compte de résultat, ne
donne pas une image sincère des produits issus des cotisations puisqu’il en
minore le montant de près de 7 %. Le Conseil national de l’ordre a indiqué
avoir réaffecté, suite aux recommandations de la Cour, trois des quatre
fonds en cause.
69
Elles sont fondées sur un nombre d’exercices d’appel allant de 1 à 13 : un seul exercice
d’appel en Mayenne et dans le Rhône, quatre au Conseil national, cinq constatés dans les
Bouches-du-Rhône (qui indique recouvrer l’intégralité des cotisations, indépendamment
de leur ancienneté), dix dans les Hauts-de-Seine et treize à Paris.
70
Une même cotisation impayée depuis deux ans apparaîtra dans les restes à recouvrer
du Conseil national, pour la quote-part qui lui revient mais pas dans ceux du conseil
départemental du Rhône, pour la quote-part départementale, puisque ce conseil ne
prend en compte, pour son calcul, qu’une seule année de cotisations impayées.
71
À l’exception des cotisations retraités.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
50
En dépit de l’ensemble de ces irrégularités, les comptes du Conseil
national de l’ordre des médecins ont été certifiés chaque année par les
commissaires aux comptes.
B - Un patrimoine mal comptabilisé et sous-estimé
1 - Des réserves financières qui représentent près de deux années
de cotisations
Les réserves de l’ordre, qui n’apparaissent nulle part sous forme
agrégée, se montent à fin 2017 à près de 152 M€, ce qui représente 1,9 année
de cotisations moyennes. Encore s’agit-il d’une estimation reconstituée sur
une base déclarative. Ces réserves sont, pour l’essentiel, placées en comptes
à terme ou, plus rarement, en valeurs mobilières de placement.
Tableau n° 5 : montant des réserves de l’ordre (M€) en 2017
National Départements Régions Total
35,1 100,4 16,5 152
23 % 66 % 11 % 100 %
Source : Cour des comptes d’après données comptables de l’ordre
Ces réserves sont essentiellement liquides, comme le montre le
graphique ci-dessous. Les disponibilités de l’ordre dans son ensemble ont
augmenté de 61 % sur la période 2011-2017 pour atteindre un montant de
près de 106 M€.
Graphique n° 8 : évolution des disponibilités de l’ordre 2011-2017
Source : Cour des comptes d’après données CNOM
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 51
Sauf exception, les conseils départementaux et régionaux confient
la gestion de leur trésorerie à leurs établissements bancaires.
Mais en optant, en dépit des textes, pour un circuit de recouvrement
des cotisations décentralisé, le CNOM s’est privé de la possibilité de gérer
sa trésorerie de manière plus efficiente, globalement, au niveau national.
Les conditions obtenues pour le placement des 105,9 M€ de disponibilités
de l’ordre dans son ensemble seraient probablement plus intéressantes que
celles obtenues par chacun des conseils locaux pris isolément.
Par ailleurs, le niveau significatif de ces disponibilités, qui continue
d’augmenter, aurait pu inciter l’ordre à stabiliser, voire à baisser le montant
de la cotisation ordinale de l’ensemble des médecins.
2 - Un patrimoine immobilier incomplètement retracé
en comptabilité
Malgré l’obligation que lui fait la loi de « gére[r] les biens de l’ordre,
défini[r] sa politique immobilière et contrôle[r] sa mise en œuvre72
», le
Conseil national n’a pas de connaissance précise de la valeur de son
patrimoine immobilier. La valorisation de ce patrimoine, estimé en 2018,
sur une base déclarative, à 110,3 M€73
, n’a été réalisée qu’à la demande de
la Cour.
Il est en réalité sous-estimé, 13 conseils locaux n’ayant pas
enregistré dans leur bilan, pour un montant d’au moins 1,42 M€74
, la valeur
des parts de SCI qu’ils détiennent. La part des immobilisations corporelles
des conseils départementaux non comptabilisées peut être estimée à près
de 5 %75
.
72 Article L. 4122-2 du CSP.
73
Valeur comptable (54,5 M€ pour le Conseil national, 42,7 M€ pour les conseils
départementaux et 13,1 M€ pour les conseils régionaux).
74
Le montant exact ne peut être connu avec certitude dans la mesure où, dans certains
départements, comme l’a relevé la Cour, les comptes de la SCI sont soit inexistants, soit
incomplets.
75
Dont 3,3 % issus des comptes des SCI et 1,7 % estimés par un calcul de
proportionnalité.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
52
3 - Un défaut de suivi manifeste des actifs mobiliers
L’inventaire des actifs mobiliers76
du Conseil national, d’un
montant total de 4,5 M€ en valeur brute à fin 2017, n’est pas assuré de
façon régulière et complète77
.
Des écarts d’une valeur d’environ 300 000 € ont été relevés entre les
matériels informatiques comptabilisés et ceux effectivement recensés78
au
moment du contrôle. 8 % des actifs étaient ainsi manquants parmi lesquels
des tablettes, téléphones mobiles, ordinateurs fixes et portables. Environ
200 équipements étaient absents du patrimoine physique du Conseil
national79.
Certains biens ont été conservés par des élus qui ont quitté l’ordre
(smartphones, tablettes), d’autres ont été laissés dans les anciens locaux
(imprimantes, onduleurs), par exemple.
Au plan local, les conseils départementaux contrôlés ne réalisent ni
inventaire physique de leurs actifs mobiliers, ni suivi des biens mis à la
disposition du personnel ou des élus, comme en témoigne l’absence de
restitution de tablettes par d’anciens élus ayant quitté le conseil
départemental des Bouches-du-Rhône80
.
Au total, l’absence d’inventaires et la fiabilité incertaine des
comptes des conseils empêchent de connaître précisément la réalité et la
valeur du patrimoine immobilier et mobilier de l’ordre. Une telle situation
comporte des risques pour la bonne conservation de ce patrimoine.
76 Matériel informatique et mobilier de bureau.
77
Pour mémoire, l’état des immobilisations permet un suivi extra comptable du
patrimoine d’une entité (un inventaire doit avoir lieu au moins une fois par an). Cet état
doit correspondre à ce qui figure en comptabilité.
78
« Concernant le matériel informatique, suite aux tableaux de Mr L., je vais procéder
à la sortie de 288 K€ correspondant au matériel figurant dans les immobilisations mais
sorti dans les faits » (mél du 24 août 2018 de la directrice financière du CNOM).
79
À la suite du contrôle de la Cour, le Conseil national, après un nouveau recensement,
indique que le montant des équipements manquants serait dix fois moindre.
80
Seules trois tablettes ont été restituées après le contrôle sur place de la Cour.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 53
C - De sérieux manquements dans la tenue
des comptes locaux
En dépit de l’obligation légale qui est la sienne de « valide[r] et
contrôle[r] la gestion des conseils81 », le Conseil national s’est montré
défaillant dans l’exercice de cette mission.
1 - Un contrôle interne défaillant
Le Conseil national a presque toujours validé les comptes annuels
des conseils locaux, quand bien même ceux-ci étaient erronés ou
incomplets, et n’a pas mis en place les outils et les moyens lui permettant
d’exercer réellement le contrôle qui lui incombe.
a) Une commission de contrôle des comptes à l’efficacité limitée
La commission de contrôle des comptes instituée par le législateur
auprès du Conseil national examine les comptes annuels des conseils
locaux repérés par ses services comme posant problème. Cet examen donne
lieu à des courriers d’observation et, le cas échéant, à un signalement à la
direction générale des relations internes (DGRI) qui peut diligenter un
contrôle sur place.
La commission a ainsi constaté quelques dysfonctionnements
comptables évidents : absence de comptes, bilans déséquilibrés, absence de
reprise, en début d’exercice, des soldes des comptes de bilan de l’exercice
précédent par exemple. En matière de gestion, elle a relevé des budgets
manifestement sous ou surévalués, des non-paiements à l’URSSAF, des
indemnités irrégulières.
Cependant, en dépit des critiques de la commission, les comptes de
ces départements ont continué à être validés par le Conseil national.
81
Article L. 4122-2 du CSP.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
54
Une composition problématique de la commission
de contrôle des comptes
Parmi les dix membres de cette commission figurent des élus
occupant ou ayant occupé des fonctions au bureau des conseils
départementaux dont les comptes et la gestion sont les plus désorganisés.
L’un a été successivement vice-président, trésorier et enfin secrétaire
général d’un département des Hauts-de-France et n’a pu ignorer les
détournements de fonds qui y ont eu lieu ni la manière dont l’ordre les a couverts.
Un autre, vice-président d’un conseil d’outre-mer ayant multiplié les
erreurs de gestion et comptables, a confié à son fils avocat la majeure partie
des dossiers de contentieux de ce conseil départemental82
.
Un troisième est élu d’un conseil d’outre-mer, dont il fut trésorier
adjoint jusqu’en juin 2012. Ce conseil n’a pas été en mesure de produire les
comptes 2011 et de très graves désordres (détournements de fonds,
disparition de pièces justificatives, présentation de comptes inexacts,
pratique des chèques en blanc), y ont été identifiés.
Il semblerait approprié que ne soient désignés, au sein de cette
instance que des élus qui ne sont pas impliqués, directement ou
indirectement, dans la tenue inexacte des comptes ou la mauvaise gestion
du conseil local dont ils sont élus.
b) Un contrôle de gestion inexistant
L’ordre des médecins ne s’est doté d’un contrôleur de gestion qu’en
mai 2012. Il a cependant quitté l’ordre six mois plus tard, à l’expiration de sa
période d’essai, le Conseil national ayant estimé que « l’organisation n’était
pas prête ». Depuis cette date, aucun autre contrôleur de gestion n’a été recruté.
Le Conseil national sous-estime l’étendue des dysfonctionnements
et l’ampleur des besoins de contrôle83. Il appréhende mal la nécessité de
mettre en place un dispositif de contrôle interne rigoureux, alors même
qu’il y a été invité par la Cour des comptes dès 2011. L’absence d’un tel
dispositif en 2018 pour un organisme gérant plus de 85 M€ de ressources
annuelles versées par l’ensemble des médecins français, réparties entre
plus de 120 conseils territoriaux et disposant de 152 M€ de réserves
apparaît critiquable. Les observations formulées en 2011 par la Cour
demeurent donc plus que jamais d’actualité.
82 En 2014-2015 et pour un montant de 20 013 € en 2016 sur un total de frais d’avocats
de 22 513 €.
83
En décembre 2015, le secrétaire général considérait que « les outils de trésorerie sont
valables, les personnels sont compétents » et confirmaient selon lui « la bonne gestion
de notre institution ».
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 55
c) Un cadre comptable incomplet posé par le Conseil national
À la veille de l’entrée en vigueur de l’obligation légale d’établir des
comptes combinés à compter de 2019, les instructions comptables adressées
par le Conseil national à chaque conseil sont très insuffisantes au regard des
enjeux qui s’attachent à l’homogénéité et à la fiabilité des comptes appelés à
être intégrés dans le périmètre de combinaison. Le support de comptabilité
qui a été diffusé est à la fois incomplet, partiel et imprécis84.
L’ordre n’a achevé le déploiement d’un logiciel comptable unique
qu’en 2018. Pour autant, l’absence d’interface avec l’applicatif de gestion
du tableau oblige à une double saisie des encaissements85 qui favorise les
incohérences. L’absence d’états de rapprochement entre les données des
deux applications ne permet pas en outre de garantir la complétude et
l’exactitude des écritures comptables relatives aux cotisations.
2 - De multiples désordres dans les comptes locaux
Enl’étatactuel,lescomptesdel’ordrenesontpasenétatd’êtrecombinés.
a) Des comptes incomplets ou entachés de nombreuses erreurs
Sur un ou plusieurs exercices de la période contrôlée, certains
conseils n’ont pas été en mesure de présenter leurs comptes à la Cour, non
plus que les pièces justificatives, talons de chèques, relevés bancaires.
De fréquentes disparitions de documents comptables
Dans sept conseils, la Cour a constaté l’absence ou la disparition des
grands livres et balances.
Elle a constaté également la destruction de l’ensemble des documents
comptables et administratifs antérieurs à 2016 dans un conseil du Sud de la
France86
et la disparition de nombreuses pièces justificatives dans trois conseils.
84
Il ne traite pas des méthodes d’estimation des dépréciations et des provisions pour
risques et charges, ni des méthodes de comptabilisation de l’entraide versée aux
médecins et à leurs ayants droits. Il est partiel s’agissant des actifs immobilisés et
imprécis quant à l’estimation des cotisations restant à recouvrer.
85
Sauf pour les paiements dématérialisés, qui ne nécessitent qu’une seule saisie
manuelle dans SAGE, le logiciel de gestion comptable de l’ordre.
86
Par courrier du 4 octobre 2018, son président a indiqué à la Cour : « A l’occasion de
la recherche des pièces demandées, nous avons découvert la disparition de l’ensemble
des documents comptables et administratifs antérieurs à l’année 2016. Ayant contacté
la secrétaire en fonction à l’époque, celle-ci nous a indiqué avoir détruit l’ensemble des
pièces avant son départ ». Cette salariée avait en effet détruit toutes les pièces
comptables (grands livres, factures, talons de chéquiers) antérieures à 2015, alors que
le code de commerce fait obligation à tout organisme de conserver ces pièces pendant
dix ans. La disparition des pièces a été constatée lors du contrôle de la Cour.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
56
Lorsqu’ils sont présents, les comptes comportent fréquemment des
erreurs, dont les plus répandues concernent les écritures de bilan, de résultat et
de report à nouveau, ainsi que les écritures relatives aux immobilisations,
souvent parcellaires et parfois très éloignées des règles comptables87
.
Au bilan de nombreux départements, le résultat de l’exercice reporté
dans les comptes de gestion ne correspond pas à celui calculé à partir des
balances. La variation du report à nouveau d’une année sur l’autre ne
correspond pas à l’affectation du résultat. Les montants de ces écarts
peuvent dépasser 100 000 €88. Par ailleurs, en contravention avec les règles
comptables89
, les terrains font souvent l’objet d’un amortissement en même
temps que les constructions, ce qui a pour effet de minorer la valeur de
l’actif net de l’ordre.
En matière de placements financiers, des anomalies ont également
été décelées. Au conseil de La Réunion, ils apparaissent au bilan l’année
de leur souscription puis disparaissent sans raison. Ainsi deux comptes de
dépôt à terme (DAT) de 100 000 € au total, souscrits en 2011, ont été
inscrits à l’actif du bilan 2011 mais ont disparu de l’actif les années
suivantes, alors même qu’ils n’ont été clôturés qu’en 2013 pour l’un et
2014 pour l’autre.
b) Des comptes délibérément faussés
Dans plusieurs conseils départementaux, la comptabilité est non
seulement incomplète et entachée d’erreurs mais également émaillée
d’écritures délibérément faussées. C’est le cas des conseils départementaux
de l’ordre de La Réunion et du Pas-de-Calais.
Dans le premier conseil, le processus d’engagement de la dépense
contrevenait jusqu’en 2018 aux règles de séparation entre la personne qui
décide la dépense et celle qui en assure le règlement. Un ancien président
a ainsi pu signer seul des chèques à son nom en règlement de ses indemnités
et de divers frais. La chaîne de validation de la dépense présentait de graves
anomalies : les fonctions de saisie des écritures comptables et de paiement
étaient confiées à la même personne ; l’ancien trésorier signait ainsi des
chèques en blanc pour la secrétaire comptable, sans contrôler l’usage
qu’elle en faisait.
87 Le Conseil national a ainsi imposé à un conseil départemental d’inscrire à son bilan la
valeur d’achat de ses nouveaux locaux (563 303 €), nette du produit de la revente des anciens
locaux (245 000 €). L’erreur n’a été rectifiée qu’en 2012, cinq ans après l’acquisition.
88
C’est, au vu des investigations de la Cour, le cas d’au moins quatre conseils
départementaux et régionaux entre 2011 et 2014.
89
La comptabilisation des actifs immobiliers par composant est une obligation qui
découle du règlement du CRC n° 2002-10.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 57
Rien n’était mis en place pour empêcher ni même détecter les
détournements auxquels se sont livrés successivement plusieurs salariées
entre 2014 et 2018, pour un montant total supérieur à 130 000 €.
Le mode opératoire utilisé par chacune de ces salariées était le
même : elles s’établissaient des chèques à elles-mêmes, utilisant
notamment les chèques en blanc laissés par le trésorier, et passaient au
grand livre des écritures tendant à camoufler en frais de voyages, en
règlement de prestataires ou en indemnités versées à des élus, les
détournements opérés.
L’incurie du contrôle a d’ailleurs permis que l’une de ces salariées
continue à établir des chèques à son nom pendant son absence de plusieurs
mois, sans que quiconque s’en aperçoive. Des chèques de cotisations
adressés à l’ordre par des médecins ont également été détournés.
L’encaissement des cotisations souffrait des mêmes faiblesses : non
seulement des sommes d’argent en liquide ont disparu du coffre-fort en
201890
, mais 82 chèques de cotisations non encaissés depuis plusieurs mois
y ont également été trouvés par les rapporteurs lors du contrôle de la Cour
(pour plus de 27 000 €).
Des faits similaires ont été constatés dans le conseil départemental
du Pas-de-Calais.
Des détournements de fonds répétés au CDOM
du Pas-de-Calais
Dans un contexte où le président alors en fonction avait procédé à
des détournements pour son compte91
, une première salariée a détourné des
sommes à son profit de 2008 à 2011, date à laquelle les faits ont été
découverts. Aucune action pénale ni disciplinaire n’a été intentée, aucune
procédure de licenciement n’a été engagée ni aucune mention portée à son
dossier.
90
Plusieurs enveloppes censées contenir des sommes en liquide pour des montants
explicitement mentionnés ont été découvertes par la Cour en grande partie vidées de
leur contenu.
91
Les élus du conseil avaient accordé jusqu’en 2011 à leur président, des prêts
« d’honneur » et des « avances », pour un montant total dépassant 120 000 €. La dette
de cet élu ordinal, condamné au pénal pour abus de confiance à l’encontre de l’ordre
puis radié définitivement par la chambre disciplinaire en 2013, n’a été apurée qu’en
mars 2013.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
58
En avril 2011, il lui restait encore à rembourser près de 46 000 €.
Elle a alors perçu de l’ordre, en plus de son salaire, une somme présentée
comme une prime de « départ en retraite » d’un montant de 43 500 €92
sans
pour autant cesser son activité. Elle a en effet continué à travailler pour
l’ordre, pour le même salaire, jusqu’en mars 2012. En définitive, tout s’est
passé comme si, pour lui permettre de rembourser les sommes détournées à
son profit, les élus ordinaux avaient décidé de lui octroyer, sous couvert
d’un départ en retraite fictif, une indemnité – à laquelle elle ne pouvait
prétendre – d’un montant correspondant approximativement au solde des
sommes restant à rembourser. Les élus du bureau ont donc organisé ou
couvert ces agissements.
Une autre salariée du même conseil a commis des détournements à
son profit pour près de 39 000 €, à la suite desquels elle a été licenciée pour
faute grave en août 2012, puis condamnée à 6 mois de prison avec sursis par
le tribunal correctionnel en 2016 pour abus de confiance, à la suite d’une
plainte déposée par le CNOM. Le conseil départemental, quant à lui, n’a pas
estimé devoir porter plainte.
Le contrôle de la Cour a mis en évidence que cette salariée avait
également détourné des chèques, jusqu’à son licenciement, au profit d’une
ancienne salariée, pour un montant d’au moins 19 000 €. Ces détournements
étaient faussement enregistrés, dans les comptes, comme règlements de la
taxe sur les salaires ou cotisations URSSAF.
Ainsi, dans les deux départements, l’absence de tout contrôle de la
part des élus, notamment du président et du trésorier, a permis à des
salariées d’établir une comptabilité délibérément faussée ainsi que des
chèques et des virements, en leur faveur ou celle de proches, au détriment
de l’ordre.
La désignation d’un expert-comptable dans chaque conseil local, la
transmission périodique au Conseil national des pièces justificatives de
dépenses des conseils locaux, une séparation stricte entre la personne qui
décide d’une dépense et celle qui en assure le règlement et la généralisation
des paiements par virement avec signature électronique obligatoire du
trésorier constituent des voies prioritaires de redressement de ces situations
dégradées.
92 Ce montant ne correspond en rien au montant auquel elle pouvait prétendre en
application de la convention collective qui se montait à 14 337 €.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 59
III - Une gestion dispendieuse
L’ordre des médecins dispose de ressources abondantes, supérieures
à ses besoins. L’analyse des encaissements de cotisations, des réserves et
des disponibilités montre que l’institution est prospère. Combinée à de
grandes faiblesses managériales, organisationnelles et comptables ainsi
qu’aux insuffisances du contrôle interne, cette situation a favorisé des
pratiques contestables. Celles-ci se matérialisent par des avantages indus
accordés à des conseillers ou des salariés, par une entraide parfois
détournée de son objet social, voire abusive, et par une politique d’achat
peu rigoureuse.
A - Des dépenses mal contrôlées, parfois irrégulières
1 - Des dépenses déraisonnables, parfois étrangères
aux missions de l’ordre
Nombreux sont les conseils dont les comptes retracent des dépenses
sans rapport avec leurs missions de service public.
a) Des dépenses de communication pas toujours effectuées
à bon escient
Les dépenses de communication du Conseil national ont été
multipliées par 2,6 sur la période, passant de près de 1,5 M€ en 2011 à près
de 4,1 M€ en 2017. Un tiers de ces dépenses est consacré au congrès annuel
de l’ordre, qui rassemble près de 1 000 personnes.
À cela s’ajoute le coût du bulletin d’information national (diffusé en
version papier à l’ensemble des médecins inscrits au tableau) pour 1,3 M€
en moyenne et des bulletins papier encore édités par une quarantaine de
conseils départementaux en 2017, pour environ 420 000 €. Au total donc,
l’ordre dépense chaque année plus de 1,7 M€ pour des bulletins dont la
diffusion par courrier n’apparaît plus nécessairement adaptée. Une
diffusion par courriel suffirait à garantir la correcte information des
professionnels et serait source d’économie.
La qualité des contenus publiés par certains conseils est par ailleurs
extrêmement variable et a pu donner lieu à des dérives, comme en Loire-
Atlantique ou dans l’Hérault.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
60
Des expressions publiques inappropriées en Loire-Atlantique
et dans l’Hérault
Le bulletin du conseil de l’ordre de Loire-Atlantique, « Loire Océan
médical », publiait jusqu’à une date récente, non seulement des articles
professionnels et des comptes rendus sur l’activité du conseil mais aussi des
billets d’humeur rédigés par l’un des vice-présidents, signé « Provocatrix ».
Ces billets d’humeur, supprimés depuis peu du site du conseil
départemental, prenaient la forme de pamphlets à connotation politique, fort
éloignés de la déontologie dont l’ordre est censé être le garant. Ils visaient
le gouvernement en général et la ministre chargée de la santé en particulier
et étaient régulièrement assortis de dessins caricaturant les acteurs publics
visés. Ils contenaient de virulentes critiques non seulement de la politique
de santé mais aussi de la politique de sécurité routière ou de la politique
fiscale du gouvernement.
La lettre du conseil de l’ordre de l’Hérault de mai 2013 contenait,
quant à elle, un billet signé du président en fonction à l’époque, contre lequel
le Conseil national a porté plainte devant la chambre disciplinaire en raison
du caractère homophobe, anti procréation médicalement assistée (PMA),
empreint de vulgarité et peu respectueux des règles de déontologie.
Il est primordial en revanche que l’ordre devienne un relais fiable et
rapide des pouvoirs publics pour la diffusion des messages d’informations
à caractère sanitaire, comme l’est l’ordre des pharmaciens. Depuis 2016,
les médecins ont obligation légale de déclarer à l’ordre une adresse
électronique afin d’être tenus informés des messages diffusés par les
autorités sanitaires. Le recueil des adresses électroniques n’a été mis en
œuvre par l’ordre qu’au début de l’année 2018.
b) D’autres dépenses contestables
Il n’est pas rare que les conseils territoriaux de l’ordre prennent en
charge directement, sur leurs ressources, des achats de cadeaux au
personnel ou aux élus ordinaux, à l’occasion de naissances, mariages,
départs en retraite ou anniversaires. En conséquence, toutes sortes de
dépenses, se situant hors du champ des missions ordinales, sont réglées
grâce aux cotisations des médecins. Il s’agit de cadeaux destinés aux élus
ordinaux ou à leur famille, allant de places d’opéra à des coffrets-voyage
en passant par des stylos de marque mais aussi de cadeaux divers offerts
aux salariés, comme un vélo d’une valeur de 2 000 €, financé à 80 % par
le conseil de Loire-Atlantique à une salariée pour son départ en retraite.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 61
Même si les montants ne sont pas très élevés, ces dépenses
témoignent d’une insuffisante rigueur dans la gestion des deniers de
l’ordre. Il n’est pas dans ses missions de prendre en charge des dépenses
qui incomberaient, partout ailleurs, aux personnes physiques concernées et
non à la personne morale qui les emploie.
2 - Une entraide généreuse, très hétérogène et parfois versée à tort
L’ordre des médecins a, comme les autres ordres des professions de
santé, la faculté d’organiser toutes œuvres d’entraide et de retraite au
bénéfice de ses membres et de leurs ayants droits.
Le Conseil national s’est doté à cet effet d’une commission
d’entraide composée de sept membres93
, qui examine les demandes
d’entraide émanant des médecins ou de leurs ayants droit ainsi que des
conseils départementaux. Les montants versés par cette commission ne
retracent cependant pas l’entraide totale allouée par l’ordre. Tous les
conseils départementaux en effet consacrent une partie de leur budget à
l’entraide, dans des proportions très variables.
Le montant annuel total consacré à l’entraide n’est pas connu. Sur
la période 2015-2017, il est en tout état de cause supérieur à 1 M€ (dont un
quart versé par le Conseil national) selon les estimations auxquelles a
procédé la Cour.
a) Des pratiques d’entraide hétérogènes et sans justificatifs
Aucune règle n’était fixée jusqu’en 2019 quant aux conditions à
remplir pour bénéficier de l’entraide, aux montants maximum qui
pouvaient être alloués ou aux types de pièces justificatives qui devaient être
jointes à la demande94. Par conséquent il existait jusqu’à cette date une
grande hétérogénéité, voire une grande iniquité, dans la manière dont les
dossiers étaient instruits selon les départements.
93
Elle peut s’adjoindre jusqu’à cinq membres ayant voix consultative. Siègent ainsi
actuellement l’Aide aux familles et entraide médicale (AFEM), le groupe Pasteur
Mutualité (GPM), le fonds d’action sociale de la caisse autonome de retraite des
médecins de France (CARMF) et le Conseil national de gestion des praticiens
hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG).
94
À l’exception du conseil départemental de l’ordre de Paris.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
62
Non seulement les montants alloués variaient du simple au décuple
pour un même type de dossier selon les départements (400 à 500 € en
Loire-Atlantique contre 4 000 à 5 000 € dans l’Hérault), mais les règles
d’attribution de l’aide étaient très diverses entre conseils voire au sein d’un
même conseil. De nombreux dossiers ont fait l’objet d’une instruction
sommaire et ne comportaient aucune pièce justificative95
, ce qui conduit à
s’interroger sur le bien-fondé des versements effectués.
b) Des aides injustifiées
Dans de nombreux des cas, l’aide a été versée à des médecins qui
n’avaient pas réglé leurs cotisations à la caisse autonome de retraite des
médecins de France (CARMF) et devaient faire face – en raison de maladie
ou d’accident – à de graves difficultés financières, la caisse refusant de leur
verser des indemnités journalières ou une pension d’invalidité.
Le conseil départemental se substitue alors au praticien défaillant en
lui permettant de régler ses arriérés de cotisations. C’est le cas pour deux
médecins de La Réunion, dont l’un a reçu 8 000 € du conseil
départemental, alors même que le Conseil national lui avait refusé le
bénéfice de l’entraide en raison de ses arriérés auprès de la CARMF.
Autre exemple de justification incertaine, à La Réunion également,
un médecin, qui purgeait une peine de prison à la suite de sa condamnation
à 12 ans de réclusion criminelle pour viol sur mineur, a bénéficié en
décembre 201396 d’une aide de 3 000 € « pour ses enfants », versée par le
conseil départemental.
c) Des prêts irréguliers accordés à des médecins
Ignorant les dispositions du code de la santé publique qui réservent
aux seuls médecins inscrits au tableau et à leur famille le bénéfice de
l’entraide, plusieurs conseils ont accordé des aides financières à des
médecins radiés ou non-inscrits. C’est le cas dans le Rhône en 2016, pour
un médecin radié en 2010, en Mayenne en 2016 pour un médecin radié la
même année, et au Conseil national en 2017 pour un médecin ayant reçu
notification d’un refus d’inscription.
95
L’examen d’une trentaine de dossiers traités, entre 2011 et 2017, par sept conseils
départementaux montre qu’une majorité de dossiers sont acceptés malgré le caractère très
incomplet, la raretéou l’incohérencedespiècesjustificatives. Certains conseils, comme celui
de l’Hérault, ne demandent jamais l’avis d’imposition. Le montant de l’aide n’est, de ce fait,
pas fonction de la situation financière du demandeur ou de ses ayants droit.
96
Sa radiation de l’ordre n’a été prononcée qu’en 2015.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 63
Par ailleurs, des prêts ont été consentis, dans quatre au moins des
départements contrôlés, à des médecins, parfois même à des élus ordinaux,
dans des conditions irrégulières.
S’il ne semble pas interdit à l’ordre, en principe, de consentir des
prêts, au titre de l’entraide, à des médecins en difficulté, encore faut-il que
ces prêts revêtent un caractère social97. À défaut, ils sont irréguliers et
l’ordre en avait conscience. C’est ce qui ressort d’un courrier adressé en
2018 par le conseil de l’Hérault à un médecin tardant à rembourser un prêt
de 8 500 € accordé en septembre 2017 : « Je me permets de vous rappeler
que ce prêt est totalement illégal […]. C’est pourquoi je vous prie de bien
vouloir procéder à son remboursement dans les meilleurs délais ».
Dans les faits, les conseils départementaux n’adoptent pas toujours
les mesures de suivi nécessaires à une gestion rigoureuse des encours : les
motifs des prêts sont rarement précisés, les échéanciers ne sont pas toujours
respectés ni même établis. Ainsi dans l’Hérault, sur quinze prêts consentis
entre 2011 et 2017, douze ne comportent pas de motif, trois ne comportent
pas d’échéancier, un comporte un échéancier établi un an après l’octroi du
prêt, et au moins quatre n’ont pas été remboursés dans les délais.
Enfin, plusieurs conseils départementaux ont accordé des prêts à des
élus ordinaux pour des motifs qui relevaient, à l’évidence, davantage du
service amical rendu à un pair que de l’aide sociale octroyée à un confrère
dans le besoin.
Le conseil de l’Hérault a ainsi octroyé en 2013 à une élue ordinale,
suite au cambriolage de son domicile, un prêt d’un montant de 10 000 €,
versé en août. Le contrat de prêt a été établi postérieurement à la date de
remise du chèque. Le dernier remboursement a eu lieu en octobre 2017,
soit trois ans après la date prévue à l’échéancier initial et deux ans après la
date prévue à l’échéancier renégocié.
Le même conseil a décidé, en mai 2015, d’accorder à son ancien
président, en fonction de 2009 à 2015, un prêt de 3 500 €, destiné à financer
ses frais d’avocat, dans une affaire de manquement à la déontologie
l’opposant au CNOM. Pour plus de discrétion, la décision d’accorder ce
prêt a été prise par un « bureau restreint » de trois personnes. Le prêt a
ensuite été transformé en don par décision du conseil départemental en
juin 2016.
97
Article L. 511-6 du code monétaire et financier.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
64
B - Des politiques d’achat et de gestion immobilière
peu rigoureuses
1 - Une politique d’achat non maîtrisée, sans supervision ni suivi
À compter du 1er
janvier 2020, les ordres devront respecter les
principes de liberté d’accès à la commande, d’égalité de traitement des
candidats et de transparence des procédures définis par l’ordonnance
n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.
L’examen des achats effectués par le CNOM montre l’ampleur des
réformes à mener à bien d’ici là pour définir une politique d’achats et en
fixer les procédures. Le Conseil national ne connaît ni le nombre ni le
montant de ses engagements vis-à-vis de ses fournisseurs et de ses
prestataires. Les contrats, conventions, marchés, ne sont ni recensés, ni
centralisés. Les conditions d’achats au sein de l’ordre suscitent de
nombreuses questions.
2 - Des consultations d’entreprises plus formelles que réelles
Quoique n’y étant pas astreint formellement par les textes, le CNOM
a consulté plusieurs entreprises pour la fourniture de certaines prestations.
L’exemple ci-après montre néanmoins que cette consultation n’a été
organisée que dans le but de confirmer le choix du prestataire déjà
pressenti, associé qui plus est à la définition des besoins.
Choix du fournisseur de logiciel des chambres disciplinaires
de première instance (CDPI)
Lors de la réunion du bureau du 24 novembre 2011 examinant les
offres des différents prestataires, le secrétaire général du CNOM indique
que « la Direction du système d’information (DSI) du Conseil national a
lancé une consultation pour la réalisation d’une application permettant la
gestion des plaintes auprès des CDPI. (…) À la clôture de la procédure le
Conseil national a reçu cinq offres. La DSI préconise de retenir la société X
qui en outre dispose d’un avantage concurrentiel puisque c’est elle qui a
réalisé les études initiales et qui a participé à la rédaction du cahier des
charges support de l’appel d’offres. Le Bureau donne son accord. »
Sur la période 2011-2017, cette société a perçu 1 806 000 € du CNOM.
Les marchés passés à l’occasion de l’aménagement dans les locaux
du nouveau siège (rue Léon Jost dans le 17ème arrondissement de Paris)
illustrent eux aussi, avec un degré de gravité supplémentaire, les
défaillances dans ces procédures d’achat et les conséquences financières
qu’elles ont eues pour l’ordre.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 65
3 - Les marchés passés pour l’aménagement du siège du CNOM
L’aménagement du nouveau siège a en effet donné lieu à des travaux
importants. Leur coût total n’a pas été maîtrisé, ni même arrêté de façon
précise jusqu’au contrôle de la Cour. Le dossier de l’aménagement et de
l’équipement audio-vidéo de la salle du conseil illustre en particulier la
faiblesse de l’analyse des besoins, l’absence de mise en concurrence, les
lacunes de la contractualisation et du suivi de l’exécution, le
désengagement des élus du bureau.
L’entreprise chargée de cette prestation a perçu, entre 2016 et 2018,
2,1 M€ sans qu’aucune décision du bureau ou de l’assemblée du Conseil
national ait été prise de lui confier ce chantier. Ni le choix de la société, ni
le type d’équipement souhaité, ni le coût du projet n’ont été discutés au
sein du bureau.
Un cahier des charges a été co-rédigé avec le futur prestataire début
2017. Ce document, qui n’a pas été publié ni diffusé, ne donne à la
procédure que l’apparence d’une consultation en bonne et due forme. Les
développements relatifs à la cotation des offres et aux critères de
pondération des candidats qu’il contient visent seulement à créer une
illusion de mise en concurrence et de transparence.
La contractualisation avec la société prestataire n’a pas davantage
été formalisée. Le CNOM n’a pu fournir ni contrat, ni pièce valant acte
d’engagement sur une offre précise et détaillée de fournitures et de pose de
matériels et d’équipements. 2,1 M€ ont été réglés à cette société sur la base
de 72 devis établis entre novembre 2016 et mai 2018, dont six seulement
ne présentent pas d’anomalies98.
Au surplus, l’inventaire ne permet pas l’identification des matériels
achetés et leur positionnement physique au siège de l’ordre. Les
équipements de la salle du conseil ont été portés globalement en
immobilisations dans les comptes.
98 Dans 68 % des opérations, la facture a été émise avant ou en l’absence de « bon pour
accord ». Dans 21 dossiers, toutes les opérations sont datées du même jour : le devis, la
demande d’autorisation de dépense, le bon pour accord et la facture.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
66
4 - L’immobilier du Conseil national : des cessions engendrant
des plus-values en trompe l’œil
Le Conseil national était installé, jusqu’à son départ pour le quartier
du parc Monceau en 2017, dans différents locaux du boulevard
Haussmann99.
Afin de mener à bien et de financer, pour partie, son projet de
déménagement et de regroupement de ses services dans son nouveau siège,
le Conseil national a vendu les actifs qu’il possédait boulevard Haussmann.
Malgré la présentation flatteuse qui en est faite dans les comptes rendus
des instances de l’ordre en raison d’une plus-value de près de 100 % sur
l’actif le plus important (soit 14,5 M€), ces ventes n’ont pas toutes permis
de dégager des plus-values. La vente d’un de ces locaux, situé au n° 178 de
ce boulevard s’est même soldée par une perte importante.
L’assemblée plénière de l’ordre a en effet entériné en
décembre 2011 le projet d’achat d’un local commercial en rez-de-chaussée
du 178, boulevard Haussmann.
Ce local et ses annexes (cave, garage et parking) ont coûté
1 607 500 €. Le CNOM a acquitté pour le seul local commercial, d’une
surface de 62,7 m²100
, un prix de 18 899 € le m².
Ce local a été revendu en 2017. Contrairement à la présentation qui
en est faite devant le bureau en janvier 2017, il ne s’agit pas d’« une
excellente opération immobilière qui sera concrétisée lorsque le Conseil
national aura déménagé rue Léon Jost ». La plus-value réalisée sur la vente
des locaux adjacents du n° 180101 masque en réalité la perte importante
réalisée sur celle du n° 178. L’ordre a en effet cédé pour 800 000 € le bien
acheté cinq ans plus tôt 1,6 M€.
Par ailleurs, en mai 2008, le CNOM avait acquis un appartement au
2ème étage du 170 boulevard Haussmann pour un prix 3 287 700 €, dont il
s’est également dessaisi à l’occasion du transfert rue Léon Jost.
99
Locataire de deux appartements au n° 178 ; propriétaire depuis 2003 d’un immeuble
au n° 180 ; propriétaire au n° 170 d’un appartement acheté en 2008 et transformé en
bureaux ; propriétaire depuis 2012, en rez de chaussée du n° 178, d’un local commercial
transformé en bureaux.
100
Selon le métrage réalisé le 3 février 2015.
101
Acheté en 2003 à 15,5 M€, il a été revendu en 2017 pour 31 M€.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 67
Bien qu’ayant reçu102 une proposition d’achat pour 3 450 000 €, le
président a obtenu une autorisation pour signer un compromis de vente
pour 3 340 000 €, soit 110 000 € de moins que l’offre d’achat initiale. La
plus-value sur ce bien acquis en 2008 ne s’est par conséquent élevée qu’à
52 300 €.
L’appréciation portée par le Conseil national103 sur l’ensemble des
opérations : « Nous réalisons une plus-value immobilière significative
grâce à nos prédécesseurs que nous devons remercier d’avoir acheté les
différents espaces qui se sont accumulés (180, 178 et 170) » doit donc être
nuancée. Si grâce à la vente du n° 180 la plus-value globale est proche de
15 M€, le n° 170 n’a permis qu’une faible plus-value et le n° 178 a
correspondu à une moins-value de 800 000 €.
5 - Dans les conseils locaux, des achats immobiliers permis
par des réserves confortables, sans stratégie d’ensemble
La Cour a constaté que de nombreux conseils locaux avaient, avec
l’appui du Conseil national, procédé à des acquisitions immobilières
coûteuses, choisissant d’utiliser ainsi des réserves abondantes.
a) Des achats parfois coûteux, doublés d’aménagements dispendieux
Si certains des conseils contrôlés sont installés dans des locaux
standards et conformes à ce qu’on peut attendre d’un bâtiment accueillant
du public, comme dans l’Indre, l’Yonne ou la Seine-Saint-Denis, d’autres
sièges apparaissent somptuaires. Outre le conseil départemental des
Bouches-du-Rhône, qui exerce ses missions 555 avenue du Prado dans la
villa « Nadar »104
, le conseil régional de l’ordre de PACA (trois salariées)
a acheté en 2012, sur les hauteurs de Marseille, une villa avec vue dégagée
de 318 m² avec un jardin et une piscine pour 1 700 000 € et y a engagé des
travaux d’aménagements pour près de 1 150 000 €105
.
102
PV de la session des 30 et 31 mars 2017.
103
PV de la session des 15 et 16 juin 2017.
104
La restauration de cette villa a été particulièrement coûteuse en raison du classement
d’une partie du bâtiment comme « monument remarquable ». Le coût des travaux a
aussi été majoré par l’utilisation de marbre, de mobilier de prix (pour plus de 120 000 €)
et par le comblement de la piscine de la villa. De plus, au fond du jardin, des locaux
sont laissés à l’abandon.
105
Dont 72 000 € de travaux de réfection de la piscine. Le conseil régional élu en février
2019 a indiqué souhaiter quitter ces locaux.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
68
Le conseil départemental des Alpes-Maritimes a de son côté acheté
des locaux qu’il laisse inutilisés : en 2014 un deux-pièces de 46 m² pour
220 000 €, puis en 2015, un studio de 35 m² pour 130 000 €.
L’abondante trésorerie disponible au sein de certains conseils locaux
permet la réalisation d’opérations immobilières sans recourir à l’emprunt
ou de façon accessoire. Cette facilité à mobiliser des ressources propres fait
perdre de vue à certains conseils la recherche de l’investissement le plus
efficient pour l’ordre.
Photo n° 1 : locaux du CDOM de l’Indre
Source : Cour des comptes
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 69
Photo n° 2 : locaux du CDOM des Bouches-du-Rhône
Source : Cour des comptes
Photo n° 3 : locaux du CROM de Provence-Alpes-Côte d’Azur
Source : Google Maps
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
70
b) Des achats subventionnés par le Conseil national
et fréquemment réalisés auprès de professionnels de santé
L’importance des subventions accordées par le CNOM pour
compléter les financements propres ou bancaires contribuent à
déresponsabiliser certains conseils locaux qui sur-dimensionnent leurs
projets immobiliers.
Les critères d’attribution de ces aides nationales, en théorie fondés
sur la règle des trois tiers106, sont en réalité à géométrie variable.
L’acquisition, au prix fort, de biens de prestige, engage durablement
les ressources de l’ordre sans garantie de plus-value à la revente comme
l’ont montré notamment certaines opérations immobilières du Conseil
national.
La fréquence des achats réalisés auprès ou en faveur de professionnels
de santé – et non de professionnels de l’immobilier – pose en outre un
problème de fond quant au juste prix, payé ou reçu. Un conseil départemental
du sud de la France, représenté par son président, a ainsi conclu l’achat, en
2006, d’un appartement de 74 m² pour le prix de 170 000 €. Or, le vendeur
était une SCI détenue par le président lui-même et son épouse.
Sur les 46 opérations dont les actes notariés ont pu être consultés, le
contrôle a en effet permis d’identifier 13 opérations d’achat ou vente par
autant de conseils locaux à des professionnels de santé. L’achat et
l’aménagement des locaux de l’ordre à La Réunion en sont l’illustration.
La politique immobilière de l’ordre à La Réunion
À La Réunion, le conseil départemental et le conseil interrégional de
l’ordre partagent des locaux en copropriété, via une SCI.
Les erreurs relevées dans les baux conclus entre cette SCI et les deux
conseils pour une durée de 15 ans (surfaces erronées, montant des loyers
mentionnés ne correspondant pas aux montants acquittés) ont conduit la
Cour à analyser l’ensemble de l’opération d’acquisition et d’aménagement
de ces locaux.
106
« Elles sont basées sur la « règle » du : un tiers, un tiers, un tiers. C’est-à-dire que le
Fonds d'harmonisation accorde un tiers du montant du financement, un tiers est basé
sur les fonds propres qu’apporte le [conseil départemental] et un tiers est basé sur de
l'emprunt » (source : procès-verbal de la session du CNOM des 10-11 octobre 2013).
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 71
Il en ressort que les locaux occupés par l’ordre ont été acquis en 2008
à la société LDI détenue par un médecin, le Dr L., pour un montant total de
822 250 €. Ni le projet immobilier lui-même, ni le choix d’un montage via
une SCI n’ont été votés par les assemblées plénières des deux conseils.
Les locaux ont été achetés « bruts de décoffrage », les travaux
d’aménagement intérieur étant laissés à l’initiative de l’acquéreur. Le
CDOM a fait réaliser ces travaux par la société du Dr L.. Aux 660 000 €
versés pour l’achat des locaux se sont donc ajoutés 162 250 € pour les
aménagements, le tout au bénéfice du seul Dr L..
Depuis le contrôle de la Cour, le CDOM et le conseil interrégional
ont confié la gestion de la SCI à un cabinet comptable, de façon à ce que
soient revues les superficies et la répartition des frais de loyers, de charges
et de remboursements de prêts.
Ces opérations font peser des interrogations sur les diligences faites
par ces conseils pour trouver le bien répondant à leurs besoins au meilleur
prix, ou l’acheteur le plus offrant dans le cas d’une revente. Lorsqu’au
surplus les locaux achetés s’avèrent peu ou pas adaptés aux missions qui
leur sont confiées (ne permettant pas notamment de disposer d’un espace
suffisant pour recevoir les médecins en toute confidentialité), lorsque leur
coût d’entretien est élevé ou la valeur à la revente potentiellement
défavorable, l’ensemble de l’opération n’est pas justifiable.
L’opération de rachat par l’ordre, dans le département de la
Seine-Saint-Denis, des parts de la SCI détenues par un syndicat en situation
financière délicate relève d’un cas de figure similaire.
Le financement déguisé d’un syndicat en Seine-Saint-Denis
En 1984, le conseil départemental et le syndicat Union 93 ont acquis
conjointement pour 1,5 MF (aujourd’hui estimée à 1,2 M€) une maison de
660 m² située à Villemomble (93) via une SCI commune.
Le syndicat détenait 25 % des parts de cette SCI (3 800 parts d’une
valeur de 15,24 € sur un total de 15 000 parts). En 2015, pour aider l’Union
93 à faire face à des difficultés financières, le conseil de l’ordre a accepté
de lui acheter 3 000 de ses parts au prix de 80 € l’unité, soit un total
240 000 €. Cette décision a été non seulement validée par le Conseil
national mais également financée par lui, à hauteur de 80 000 €107
.
107 Extrait du PV du conseil du 24-25 septembre 2015 : « Le conseil accueille une union
syndicale dans sa domus medica. Cette union ayant des difficultés financières est prête
à vendre ses parts de la SCI pour 240 000 €. Le conseil demande le tiers de cette somme.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
72
Ce rachat ne répondait à aucun besoin d’agrandissement des locaux
du conseil de l’ordre.
C - Une gestion des ressources humaines peu encadrée
La gestion des ressources humaines est placée sous la responsabilité
du secrétaire général du Conseil national, qui, assurant également
l’ordonnancement des dépenses, jouit d’une très grande liberté d’action.
1 - Une forte croissance des effectifs
L’ordre des médecins comptait en août 2018, 583 salariés (en
progression de 10 % en 7 ans) qui représentent 520 équivalents temps plein
(ETP) : 128 travaillent au Conseil national, 346 dans les conseils
départementaux et 46 dans les conseils régionaux.
L’augmentation de 26 % des frais de personnel entre 2011 et 2017
est largement tirée par la masse salariale du Conseil national qui a
augmenté de 58 % en lien avec une hausse de 40 % de ses effectifs, passés
de 90 à 128 ETP, hausse justifiée selon le Conseil national par l’extension
de ses missions. En outre, l’utilisation des contrats à durée déterminée est
fréquente.
Tableau n° 6 : évolution des frais de personnel 2011-2017
M€ 2011 2017
Évolution
2017/2011
Conseil national 6,9 10,9 58 %
Conseils départementaux 16,5 18,7 13 %
Conseils régionaux 2,5 3,1 23 %
Total 26,0 32,6 26 %
Source : Cour des comptes d’après CNOM
La Commission [du fonds d’harmonisation] est d’accord pour les aider à hauteur de
80 000 € ».
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 73
2 - Une politique salariale hétérogène avec des niveaux
de rémunération particulièrement élevés
a) Au Conseil national
La politique salariale du Conseil national est particulièrement
avantageuse : les salaires sont élevés, les augmentations et les primes
généreuses.
Le salaire brut annuel moyen au Conseil national est de 56 000 €108
et la moyenne des dix rémunérations les plus élevées est de 100 000 €
bruts109 en 2017, c’est-à-dire proche de celle d’un PU-PH110 en milieu de
carrière et supérieure de 50 % à celle d’un cadre111. Le salarié le mieux
rémunéré du Conseil national a perçu en moyenne 8 900 € nets par mois en
2017, ce qui le place 7 % au-dessus du seuil des 1 % de salariés les mieux
rémunérés du secteur privé (8 280 € en 2015112).
À la rémunération de base s’ajoutent, en particulier pour les salariés
de la direction informatique, des astreintes et des heures supplémentaires
qui représentent un complément de salaire annuel de l’ordre de 8 000 €
pour les intéressés. Le total des primes versées a beaucoup augmenté,
passant de 10 900 € en 2011 à 54 200 € en 2018113
.
108
Soit 50 % de plus que le salaire moyen en France (35 976 € en 2015 selon l’INSEE),
ce qui s’explique en partie par une part élevée de cadres et d’agents de maîtrise, un âge
moyen de près de 44 ans et une ancienneté moyenne de 11 ans.
109
130 000 € pour la rémunération la plus élevée.
110
Professeur des universités-praticien hospitalier.
111
Salaire moyen mensuel d’un cadre : 5 564 € (source INSEE et DADS, données 2015
publiées en 2017).
112
Source : INSEE Première n° 1738, février 2019.
113
Le niveau exceptionnel des primes 2018 étant expliqué par le déménagement du
siège du CNOM. Trois des cadres les mieux rémunérés ont perçu une prime
exceptionnelle de 7 000 € début 2018.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
74
Graphique n° 9 : évolution des primes au CNOM entre 2011 et 2018
Source : CNOM, graphique Cour des comptes
Les fiches de poste sont rares et les salariés ne sont pas évalués de
manière formalisée chaque année. De ce fait, les augmentations peuvent
être décorrélées des résultats ou de l’attitude au travail des salariés. Ainsi,
un salarié, mis à pied pendant trois jours en raison de manquements, a reçu
l’année suivante une prime exceptionnelle de 1 500 €.
b) Dans les conseils départementaux et régionaux
En l’absence de convention collective applicable à tous, les niveaux
de rémunération sont disparates et globalement moins attractifs qu’au
Conseil national. Certains salariés sont ainsi moins bien rémunérés que leurs
homologues d’autres conseils, voire moins que ce que préconise le Conseil
national. Dans un département de taille importante, le salarié en charge des
relations médecins-industrie a été embauché au salaire de 1 600 € alors que
la rémunération minimum recommandée par le CNOM pour un niveau
brevet de technicien supérieur (BTS) était de 1 825 € en 2015.
À l’inverse, nombreux sont les conseils qui servent à leurs salariés
des rémunérations excessives compte tenu de leurs responsabilités et de
leur niveau de diplôme ou d’expérience. Dans un conseil régional du sud
de la France, la greffière perçoit 85 277 € bruts, contre environ 25 000 €
pour ses collègues. Elle bénéficie en outre, comme les autres salariés de ce
conseil, d’une prime d’ancienneté qui majore de 18 % son salaire, d’un
13ème
mois, d’une prime de « vacances » versée en juin pour 2/3 du salaire
brut mensuel avec ancienneté et d’une prime de novembre pour 3/4 du
salaire brut sans ancienneté.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 75
Enfin, en matière de revalorisation salariale, il existe autant de cas
de figure que de conseils. Dans le département du Bas-Rhin, les salaires
augmentent depuis 1999 de 1 % au 1er janvier et de 1,5 % au 1er juillet ; le
conseil départemental de l’Aveyron a fait preuve de plus d’inventivité, en
indexant certains salaires sur la cotisation ordinale, avec toutefois un
plancher d’augmentation garantie de 3 %114
.
En dépit de rémunérations attractives servies dans les plus gros
conseils départementaux, le niveau des personnels est souvent insuffisant
pour faire face correctement aux missions de service public, qui requièrent
de réelles compétences juridiques. Ainsi, le conseil de l’ordre de Paris
a-t-il versé, en 2017, 181 468 € d’honoraires à une avocate chargée
d’assurer une permanence juridique et déontologique, de le représenter
devant les juridictions disciplinaires, de rédiger des articles dans le bulletin
du conseil départemental et d’assister à diverses réunions.
3 - Un manque de professionnalisme de la gestion
des ressources humaines
a) Des ruptures conventionnelles coûteuses
Le Conseil national assortit les licenciements, quel qu’en soit le
motif, du versement d’indemnités de rupture conventionnelle généreuses.
Au total, sur la période contrôlée, plus de 540 000 € d’indemnités de
départ115 ont été versées, allant de 27 000 € à 135 000 € par salarié.
Ainsi une salariée licenciée en 2018 pour son « incapacité à
travailler en équipe », a perçu, outre ses indemnités de licenciement, un
« complément d’indemnité » et des « dommages-intérêts » à hauteur de
81 000 €, portant le total des indemnités versées à 110 000 € nets, soit près
de 18 mois de salaire.
b) Des licenciements abusifs
À l’inverse, certains conseils départementaux ont pu, dans de rares
cas, procéder à des licenciements injustifiés, sans les assortir du versement
de dommages-intérêts, sauf en y étant contraints par décision de justice.
114
Au cours des trois dernières années, la clause de progression des salaires
quoiqu’inscrite dans les contrats des salariés n’a, selon le conseil, pas été appliquée et
la progression s’est limitée à 2,8 % en 2016, 2,5 % en 2017 et 1 % en 2018.
115
Hors départs à la retraite, hors cotisations et contributions.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
76
Ainsi une secrétaire administrative du Pas-de-Calais, licenciée en
2014 du fait de son absence prolongée pour raison de santé116, a contesté
son licenciement devant les prud’hommes et obtenu gain de cause, le
conseil de l’ordre ayant été condamné en appel à lui verser 15 000 € de
dommages et intérêts. Le conseil départemental de l’ordre, lié pourtant par
contrat avec un avocat, s’est donc risqué, sans plus d’analyse juridique, à
prononcer un licenciement manifestement entaché d’irrégularité, qui
l’exposait à un contentieux dont il pouvait facilement s’apercevoir qu’il
serait perdu.
c) Dans le sud de la France, l’absence de contrôle
sur des salariées présentes pendant plus de 35 ans
Dans une région du sud de la France, les relations de confiance qui
se sont nouées avec des salariées restées en fonction 48 ans pour l’une et
38 ans pour l’autre ont conduit les élus ordinaux à leur abandonner, sans
contrôle, la gestion des conseils.
Ainsi, au conseil régional, Mme X se voyait confier des chèques
en blanc par le président. Dans les deux conseils départementaux,
Mmes X117 et Y, réfractaires à l’informatique, ont été dispensées de tenir
une comptabilité informatisée et de saisir dans le logiciel ad hoc les
cotisations versées par les médecins.
La secrétaire de l’un des conseils départementaux, qui a fait valoir
ses droits à la retraite en 2003, a été autorisée, à sa demande, à continuer
de gérer le secrétariat et la trésorerie du conseil de l’ordre, sous le statut de
vacataire118
. Entre 2003 et le 31 décembre 2015, Mme X a donc reçu
chaque année, comme secrétaire vacataire, plus de 25 000 € du conseil
départemental et 6 000 € du conseil régional, soit un total cumulé sur
13 ans dépassant 300 000 €.
S’il s’agit de prestations, ces « vacations » auraient dû faire l’objet
d’une facturation à l’ordre ; s’il s’agit de rémunérations, elles auraient dû
116 Le courrier du président du CDOM en date du 14 octobre 2014 indiquait en effet :
« nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison de votre
absence prolongée qui rend nécessaire votre remplacement définitif pour assurer un
fonctionnement normal du service. Depuis le 16 janvier 2014, vous avez été absente de
votre poste de secrétaire pour raison de santé une première fois jusqu’au 4 avril 2014
puis de nouveau du 14 avril jusqu’au 30 octobre 2014 […] ».
117
Mme X travaillait à la fois pour le conseil départemental et le conseil régional.
118
Lettre du trésorier du Conseil national du 27 janvier 2003: « après avoir pris l’avis
de notre président, il a été décidé que désormais vous percevrez une rémunération
payable en vacations ».
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 77
être soumises à prélèvements sociaux ou fiscaux. Or elles n’ont été ni
facturées ni déclarées. Mme X a ainsi continué à exercer les fonctions
qu’elle exerçait précédemment sans fondement juridique et sans que sa
rémunération soit soumise à prélèvements sociaux.
4 - Des recrutements qui favorisent les liens familiaux
Plusieurs salariés ont été recrutés en raison de leur lien de parenté
avec les élus ordinaux sans que figure dans leur dossier, à quelques
exceptions près, un CV ou une lettre de motivation.
Au sein du Conseil national, l’élu qui fixe les salaires et les primes
des salariés a recruté sa fille et un vice-président sa nièce.
Dans les conseils départementaux, de telles situations ont été
plusieurs fois rencontrées. Ainsi, dans un département, le trésorier a
embauché un proche119 tandis que le président ne s’est pas opposé au
recrutement d’un de ses enfants120 par le conseil régional où il siégeait.
Dans un autre, le président a recruté sa femme comme secrétaire. Ailleurs,
le salarié du conseil départemental est le fils d’un conseiller, élu jusqu’en
2018 et dans un quatrième département, le président emploie sa sœur.
Ainsi que le soulignait la Cour en 2011, un renforcement de
l’encadrement et une clarification des rôles respectifs des élus et des
salariés apparaît nécessaire. Au CNOM, le besoin d’un directeur général
des services, pour organiser et contrôler le travail des directions,
fonctionnant en silos, se fait particulièrement sentir.
Quant aux importantes disparités relatives au temps de travail et aux
avantages accordés aux salariés, elles appellent, comme l’a déjà
recommandé la Cour, le rattachement à une convention collective ainsi
qu’une grille commune de rémunération.
119
Embauché comme juriste en 2016, il a vu son salaire augmenter de 67 % entre 2016
et 2017 et a opportunément bénéficié d’une rupture conventionnelle à la veille de la
dissolution du conseil qui l’employait.
120
Dont le salaire a augmenté de 153 % depuis 2007.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
78
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS____________
Lors de son précédent contrôle, en 2011, la Cour avait détaillé, sous
forme de recommandations121
, les voies de progrès indispensables. Cette
nouvelle enquête a permis de constater que trop peu des préconisations de
la Cour avaient été mises en œuvre.
À l’issue de ce nouveau contrôle, des mesures strictes doivent être
prises en matière d’indemnités ou de remboursements de frais et
s’appliquer à l’ensemble des conseils territoriaux.
Les désordres comptables et le caractère dispendieux de la gestion
témoignent de dysfonctionnements importants. La remise en ordre passe
par la mise en place d’un dispositif de contrôle interne et, en fonction des
risques, par une révision de nombreuses procédures.
Les procédures d’achats et de gestion des ressources humaines
doivent être sécurisées. L’obligation de respecter les principes de libre
accès à la commande, de publicité, d’égalité de traitement des candidats
et de transparence des procédures, qui s’imposeront aux ordres à compter
du 1er
janvier 2020, devrait, à cet égard, constituer un premier garde-fou
contre la répétition des dérives passées.
En matière immobilière, une professionnalisation est nécessaire
ainsi qu’un processus décisionnel transparent qui fasse remonter les choix
au niveau de l’assemblée plénière de l’ordre.
L’ensemble de ces constats conduisent la Cour à formuler les
recommandations suivantes :
1. centraliser au niveau national l’émission et la comptabilisation des
appels à cotisation pour la totalité des cotisations appelées (CNOM) ;
2. gérer les disponibilités de l’ordre au niveau national (réitérée) et utiliser
les excédents de trésorerie pour baisser la cotisation (CNOM) ;
3. encadrer et harmoniser les montants des indemnités versées aux élus
et rendre public leur montant sur une base annuelle et nominative.
Adopter un cadre clair applicable à l’ensemble des remboursements
de frais et sanctionner tout écart (CNOM) ;
4. mettre en place un dispositif de contrôle interne et de contrôle de
gestion (CNOM).
121
En particulier : réformer le fonds de péréquation en prenant en compte le patrimoine
immobilier et la qualité de gestion de chaque conseil ; renforcer le rôle de la commission
de contrôle des comptes en professionnalisant ses moyens et ses méthodes ; se doter
d’un comité d’audit majoritairement composé d’experts indépendants ; veiller au
respect des dispositions fiscales et sociales ; procéder à un audit « organisation et
méthodes » de l’ensemble des missions.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Chapitre II
Des missions administratives
et juridictionnelles mal assurées
L’ordre des médecins a, comme les autres ordres de professionnels
de santé, des compétences administratives et juridictionnelles.
Ses principales missions administratives consistent :
- en premier lieu, à tenir le tableau, à l’inscription duquel est
conditionnée l’autorisation pour un médecin d’exercer ;
- en deuxième lieu, à contrôler l’exercice de la profession médicale, à
travers la reconnaissance des qualifications professionnelles des
médecins, le contrôle de l’observation, par les praticiens, de leur
obligation de formation continue et la détection et le suivi des
médecins dont la capacité à exercer est mise en cause ;
- en troisième lieu, à vérifier le respect des règles de déontologie, à
travers le traitement des plaintes et les avis rendus sur les conventions
conclues par les médecins avec des tiers, notamment avec l’industrie.
Ses missions juridictionnelles sont, quant à elles, assurées par les
chambres disciplinaires placées auprès de l’ordre, présidées par un
magistrat de l’ordre administratif et chargées de statuer sur les plaintes
visant des médecins pour des infractions au code de déontologie.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
80
I - Un contrôle insuffisant de l’exercice
de la profession et de la déontologie
La tenue du tableau des médecins habilités à exercer, qui est l’une
des principales missions de l’ordre, est correctement assurée, malgré un
outil informatique et des procédures de gestion des inscriptions aujourd’hui
inadaptés.
Le Conseil national, qui dénonce pourtant la « technocratisation »
de la médecine et la part croissante d’activités administratives suscitées par
les différentes réformes initiées par les pouvoirs publics, ne s’est en effet
pas engagé, pour ce qui concerne ses missions, dans une démarche de
rationalisation ni de dématérialisation des procédures.
Ainsi, en 2019, les dossiers administratifs des médecins sont
toujours conservés sous format papier, avec les risques d’altération ou de
disparition que cela comporte : en Haute-Corse, 5 % des dossiers, parmi
lesquels celui de l’ancien président, ont été perdus à l’occasion du
déménagement du conseil de l’ordre.
La plupart des autres missions sont exercées de façon très hétérogène
sur le territoire, du fait d’un manque de pilotage par le Conseil national, de
l’insuffisante formation des élus et des personnels au regard de la technicité
des missions et de l’indépendance que revendiquent les conseils
départementaux vis-à-vis du Conseil national. Le défaut de pilotage se traduit
par l’absence de bilan général d’activité et de statistiques fiables sur le
nombre de plaintes reçues par l’ordre, sur le nombre de contrats sur lesquels
il a donné un avis ou encore sur les procédures en cours devant les formations
restreintes amenées à statuer sur la capacité à exercer des médecins.
Veiller à la qualité des soins et à la sécurité des patients doit
désormais devenir l’une des missions prioritaires de l’ordre. La loi relative
à l'organisation et à la transformation du système de santé122 a d’ailleurs
inscrit au code de la santé publique123
, au titre des missions générales des
ordres des professions de santé, qu’ils contribuent à promouvoir la santé
publique et la qualité des soins.
La réalisation de cet objectif passe notamment par le respect, trop
longtemps différé par l’ordre, de ses obligations légales en matière de contrôle
des obligations de formation continue des médecins, de contrôle de
l’insuffisance professionnelle et de détection et de suivi des médecins à risque.
122 Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019.
123
Art. L. 4121-2.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 81
A - Une absence de contrôle de l’actualisation
des compétences des médecins
L’ordre s’est vu confier depuis 2011124
la mission d’assurer la
promotion du développement professionnel continu (DPC)125
et de vérifier
le respect de l’obligation faite aux médecins de se former pendant toute
leur carrière126
, condition indispensable d’une prise en charge de qualité
des patients. Si cette obligation n’est pas satisfaite, l’ordre doit proposer au
médecin un plan personnalisé d’accompagnement qui, s’il n’est pas suivi,
peut valoir au professionnel concerné des poursuites disciplinaires.
Or, l’ordre a largement délaissé cette mission et n’a déployé aucun
outil dans les conseils départementaux pour l’assurer.
À l’exception d’une communication adressée aux médecins en avril
2012et d’unecirculairediffusée auxconseils départementauxde l’ordreenaoût
2013, les invitant à créer un répertoire DPC sous Excel®, le Conseil national
n’a engagé aucune action concrète, ni suivi, ni vérifié l’action dans ce domaine
des conseils départementaux. En 2013, il avait annoncé étudier la mise en place
d’une plateforme numérique permettant la transmission des attestations de DPC
par les médecins ou les organismes de formation. Six ans plus tard, en dépit des
fortes attentes des conseils départementaux, rien n’a été fait.
Le contrôle du DPC par les conseils départementaux de l’ordre se
réduit aujourd’hui, quand il existe, à la tenue d’un tableur recensant par
praticien les attestations transmises par les organismes de formation. Aucun
conseil n’a cependant entrepris de relancer les médecins oublieux de leurs
obligations. Or, les informations transmises par l’Agence nationale du DPC
(ANDPC) tendent à montrer que moins de 20 % des médecins satisfont à
l’obligation de se former127. Les résultats mesurés sur quelques conseils sont
de fait préoccupants. Ainsi, dans un département de l’ouest de la France,
moins d’un dixième des médecins inscrits justifient d’une attestation de DPC
sur les trois dernières années128
. Dans un conseil du sud, seuls 15 % des
124 Décrets n° 2011-2116 et n° 2011-2113 du 30 décembre 2011 relatifs au développement
professionnel continu des médecins (DPC) et à l’organisme gestionnaire du DPC.
125
Le DPC a plusieurs objectifs, en particulier l’évaluation par les médecins de leurs
pratiques professionnelles et l’acquisition ou le perfectionnement de leurs connaissances.
126
Les médecins doivent justifier de leur engagement dans une démarche de DPC tous
les trois ans, contre cinq ans avant 2017 (art. L. 4021-1 du CSP issu de la loi
n° 2016-41 et le décret n° 2016-942).
127
Cour des comptes, référé L’Agence nationale du développement professionnel
continu (ANDPC), juillet 2019, disponible sur www.ccomptes.fr.
128
En 2015 : 70/770, en 2016 : 59/780 et en 2017 : 70/787.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
82
inscrits ont justifié d’une attestation DPC au cours de la période 2014 à
2017129
.
Cette inaction du Conseil national ne l’a pas empêché de se montrer
très critique vis-à-vis du ministère de la santé, qui entendait préciser les
modalités de suivi du respect de l’obligation de DPC130
. Le Conseil national
a également été très proactif sur les projets de recertification périodique des
médecins, pour lequel il entend jouer un rôle prépondérant de suivi et de
contrôle, rôle qu’il peine pourtant à assumer s’agissant du DPC.
B - Un bilan en demi-teinte du contrôle
de l’insuffisance professionnelle des médecins
Il est deux cas dans lesquels il est possible à l’ordre de prononcer la
suspension temporaire d’un médecin : quand son état de santé l’empêche
d’exercer et en cas d’insuffisance professionnelle.
Toute demande de suspension temporaire d’un médecin que son état
de santé ou une insuffisance professionnelle empêche d’exercer131 est
traitée par une commission spécialisée dite « formation restreinte »,
émanation de chaque conseil régional de l’ordre132. La formation restreinte
statue également sur les recours introduits contre des décisions
d’inscription ou de non inscription au tableau. Elle est composée de cinq
élus ordinaux133
.
La possibilité de suspendre un médecin pour insuffisance
professionnelle est assez récente. Le ministère chargé de la santé a en effet
mis cinq ans à élaborer les textes d’application de la loi n° 2009-879 du
21 juillet 2009 de sorte que leur entrée en vigueur date seulement de 2015134
.
Pourtant, plus de quatre ans après, l’ordre ne s’est pas doté des outils de
pilotage et d’analyse nécessaires à l’accomplissement correct de sa mission.
129 En 2014 : 942/6 238 médecins inscrits, 2015-732/6 278, 2016-885/6 372 et
2017-235/6 468.
130
Communiqué de presse conjoint avec le collège de médecine générale et la
fédération des spécialités médicales du 18 avril 2016.
131
Articles R. 4124-3 à R. 4124-3-7 du CSP.
132
L’appel est possible auprès du Conseil national, la cassation relève du Conseil
d’État.
133
Au niveau national, le conseiller d’État qui assiste le bureau du conseil national est
membre de droit de la formation restreinte.
134
Décret n° 2014-545 du 26 mai 2014.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 83
1 - Une activité réduite sans pilotage national
La Cour regrettait déjà en 2011 l’absence de suivi, au niveau national,
de l’activité des formations restreintes. La situation a peu évolué135
. Il
n’existe par exemple aucun logiciel de suivi, ni système d’alerte automatisé
permettant de s’assurer du respect des délais de procédure136
.
Malgré la non concordance des statistiques des conseils régionaux
et du Conseil national137, on peut, pour 2017, estimer à une petite centaine
le nombre de décisions rendues sur des médecins souffrant de pathologies
ou d’infirmités pouvant affecter leur capacité à exercer et à la moitié le
nombre de celles rendues sur des cas d’insuffisance professionnelle. Le
taux de rejet des saisines est supérieur à 50 % dans les deux cas, tant est
difficile à apporter la preuve de l’incapacité ou de l’insuffisance
professionnelle. Les recours sur inscription au tableau sont quant à eux
moins nombreux, 28 en 2016 dont plus de 57 % ont été rejetés.
En dépit de cette activité réduite, dans 40 à 65 % des cas selon les
années, les formations restreintes régionales ne parviennent pas à traiter dans
le délai de deux mois imposé par la loi138 les dossiers dont elles sont saisies ;
elles sont donc tenues de se dessaisir au profit de la formation restreinte
nationale. Ces dessaisissements, couplés au faible nombre global de saisines
lié notamment, selon le Conseil national lui-même, au peu d’appétence des
médecins à informer les conseils départementaux des problèmes rencontrés
par leurs confrères, conduisent certaines formations restreintes régionales à
n’avoir aucune activité ou une activité extrêmement faible139.
Au niveau national, le délai de traitement des dossiers dont la
formation restreinte est saisie en première instance est parfois trop long
(jusqu’à 17 semaines pour statuer sur certains dossiers)140. Dans d’autres
cas, c’est le délai de désignation d’un expert qui est anormalement long.
De ce fait, certaines suspensions de médecins sont ordonnées jusqu’à deux
ans après l’introduction d’un recours. Les suspensions en urgence, qui
peuvent être décidées par l’ARS, ne sont quasiment jamais demandées par
l’ordre.
135
La mise en place d’un logiciel ad hoc était prévue courant 2019.
136
Constat effectué dans les sept CROM visités par la Cour.
137
Les statistiques ne distinguent pas les saisines en première instance en vue de la
suspension d’un médecin des recours sur des décisions d’inscription au tableau.
138
Articles R. 4123-3 et R. 4124-3-5 du CSP.
139
Une seule saisine enregistrée en 2015 dans cinq régions, aucune saisine en 2016 dans
deux régions.
140
Selon le Conseil national de l’ordre des médecins, le délai moyen de traitement d’un
dossier par la formation restreinte nationale est de quatre à cinq semaines.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
84
Les deux versions d’un rapport d’expertise
relatif à un praticien des Hauts-de-France
Après le dépôt d’une plainte, consécutive au décès en décembre 2016
d’un patient à la suite d’une coloscopie, des experts ont été amenés à se
prononcer sur la capacité à exercer du Dr X, gastro-entérologue, et ont
estimé que des éléments du dossier pouvaient « traduire une insuffisance de
connaissances médicales » selon le rapport d’expertise classé dans le dossier
de ce médecin.
Or, dans la version de ce rapport transmise par le Conseil national à
la Cour, les termes « insuffisance de connaissances médicales » sont
devenus « suffisance de connaissances médicales ». La formation restreinte,
estimant que l’expertise n’avait « pas relevé une insuffisance
professionnelle rendant dangereux l’exercice de la profession », a pris la
décision de ne pas suspendre le Dr X et lui a recommandé d’assister à un
congrès de gastro-entérologie.
Plusieurs autres plaintes avaient été déposées entre 2012 et 2017
contre ce praticien connaissant des problèmes de surconsommation
d’alcool, sans conduire à des sanctions. La première en août 2012, adressée
par les parents d’un jeune homme ayant subi les séquelles de l’arrachement
d’une sonde gastrotomique pendant une intervention chirurgicale141
, a reçu
une réponse inappropriée142
.
La dernière plainte, de janvier 2017, consécutive au décès évoqué
ci-dessus, a donné lieu à deux réunions143
de conciliation afin de laisser au
plaignant « un délai de réflexion pour prendre décision de conciliation ou
non conciliation »144
.
2 - Contrôle de l’insuffisance professionnelle : une détection
et un suivi à améliorer
Afin d’accompagner la mise en œuvre des textes relatifs à
l’incapacité professionnelle, le Conseil national a fourni à tous les conseils,
via deux circulaires, des explications et une liste d’experts en médecine
générale145
.
141 Sonde arrachée « par le patient » selon le rapport du praticien, patient pourtant
tétraplégique.
142
La consigne suivante a été donnée le 29 octobre 2012 par un élu à une salariée :
« Pas de gestion épistolaire surtout dans ce cas-là ».
143
Le 14 mars et le 4 avril 2017.
144
Procès-verbal de séance plénière du CDOM du 25 avril 2017.
145
Circulaires du 5 juin 2014 et du 19 mars 2015.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 85
Les difficultés rencontrées par les conseils régionaux de l’ordre sont
nombreuses : difficultés à trouver des experts, difficultés à tenir les délais
imposés par les textes, hétérogénéité dans les méthodologies d’évaluation
de l’insuffisance professionnelle, absence de statut pour les médecins
suspendus pendant le temps de leur mise à niveau.
Il apparaît nécessaire que le Conseil national se saisisse de cette
question :
- en rendant impérative la saisine de la formation restreinte pour les
médecins reprenant l’exercice après un arrêt prolongé, que ces
médecins aient continué de cotiser à l’ordre ou non146 ;
- en initiant une réflexion, avec les conseils nationaux professionnels,
sur le statut des experts désignés dans le cadre de ces procédures, leurs
compétences, leur formation, les méthodologies d’évaluation
employées147
et leur niveau de rémunération148
. En l’état, les experts
désignés par l’ordre ne sont pas des experts judiciaires. Ils
méconnaissent les règles procédurales applicables, notamment celles
relatives au respect du contradictoire et à l’impartialité. Ainsi il a pu
arriver qu’un expert soit désigné alors qu’il soignait le médecin mis
en cause ou qu’il était lui-même élu du conseil départemental
plaignant ;
- en travaillant en lien avec les universités et les conseils nationaux
professionnels à la mise en place de diplômes universitaires ou de
maquettes de stages de remise à niveau par spécialité149. S’agissant
146 Si les conseils départementaux ont communément indiqué à la Cour qu’il était
d’usage de faire expertiser la compétence d’un médecin n’ayant pas exercé pendant au
moins trois ans, cette consigne ne ressort d’aucune circulaire. Aujourd’hui, les
médecins n’ayant pas cotisé à l’ordre pendant leur arrêt prolongé sont davantage que
les autres soumis à expertise.
147
Les experts eux-mêmes appellent à des réformes comme en témoigne l’expertise
réalisée le 2 avril 2015 dans les Pays-de-la-Loire, et adressée au président de la
formation restreinte : « Il semble nécessaire pour une future réévaluation des
insuffisances professionnelles des médecins généralistes d’organiser ces expertises de
façon pratique, avec supervision directe des consultations réelles durant plusieurs jours,
et théorique par des questionnaires concernant les compétences du référentiel de
médecine générale ».
148
À ce jour les experts sont rémunérés selon un barème fixé par l’arrêté du 7 août 2015.
Il est alloué une indemnité de 322 € pour la réalisation d’une expertise standard en
matière d’état pathologique ou d’insuffisance professionnelle. Ce montant est considéré
par nombre d’experts comme insuffisant au regard de la charge de travail induite.
149
À ce jour, chaque conseil régional recherche, de manière très empirique, des stages
permettant aux médecins suspendus de combler leurs lacunes. Certains, dotés sur leur
territoire de CHU, comme Rhône-Alpes, semblent favorisés, d’autres non.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
86
des diplômes universitaires de remise à niveau, il n’en existe qu’en
médecine générale. Or leur coût est souvent dissuasif pour un médecin
suspendu et pourrait utilement être pris en charge dans le cadre de
l’entraide ;
- en travaillant avec le ministère de la santé à la mise en place d’un statut
spécifique relatif aux médecins suspendus pour insuffisance
professionnelle, qui pourraient être amenés à exécuter des actes
médicaux sous la surveillance d’autres praticiens dans le cadre de leur
remise à niveau. Ces dispositions pourraient s’inspirer de celles déjà
mises en œuvre pour les praticiens à diplôme hors Union européenne
(PADHUE), préalablement à la délivrance de leur autorisation
d’exercice ;
- en mettant en place, avec les agences régionales de santé (ARS) et les
caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), des mécanismes
permettant de contrôler le respect des autorisations partielles
d’exercer. Les décisions d’autorisations partielles ne font en effet
aujourd’hui l’objet d’aucun suivi.
Aucune publicité n’est faite des décisions de suspension rendues par
les conseils régionaux de l’ordre en formation restreinte. C’est donc bien
souvent par hasard que les patients découvrent que leur médecin n’est plus
en activité. Aucun contrôle n’est par ailleurs assuré s’agissant de
l’exécution des décisions prises.
Une information claire du public sur les suspensions prononcées en
formation restreinte, par voie d’affichage au cabinet du médecin et sur le
site internet de l’ordre, apparaît comme une nécessité dans l’intérêt des
patients.
3 - État pathologique incompatible avec l’exercice
de la médecine : des décisions non conformes aux textes
Dans les cas d’infirmité ou d’état pathologique rendant dangereux
l’exercice de la profession, le code de la santé ne permet pas, en l’état
actuel, de prononcer une suspension partielle du médecin150
. Cette
anomalie peut conduire soit à des injustices (en empêchant d’exercer un
médecin rendu partiellement invalide par une maladie mais doté de toutes
ses capacités cognitives, alors qu’un aménagement de son emploi aurait été
possible151
), soit, a contrario, à des décisions risquées pour les patients (en
150 La suspension partielle ne peut être prononcée que dans les cas d’insuffisance
professionnelle.
151
En lui permettant de n’effectuer que des consultations par exemple.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 87
ne suspendant pas un médecin que son état empêche d’exercer dans la
plénitude de ses fonctions). Ainsi, en l’état actuel des textes, la suspension,
si elle est décidée, doit être totale. Pourtant, il n’est pas rare que les
formations restreintes décident de ne pas suspendre le médecin suspecté
d’incapacité mais conditionnent la reprise de son activité à un engagement
de sa part à se limiter à certains actes. Une telle limitation n’a aucun
fondement réglementaire et fait courir à l’ordre un risque juridique. Elle est
de surcroît de nature à mettre en jeu la sécurité et la qualité des soins
apportés aux patients. Ce fut ainsi le cas en 2015 d’un ophtalmologue,
souffrant d’une détérioration de ses facultés cognitives, que les experts
consultés ont estimé apte à poursuivre son activité dès lors qu’il s’engageait
à ne plus pratiquer d’angiographie.
Or, personne n’est à même de contrôler le respect de ces
engagements. De plus, s’agissant d’un engagement moral, il est sans
conséquence disciplinaire s’il n’est pas tenu. C’est ainsi qu’en 2018, la
formation restreinte du Conseil national a été de nouveau saisie du cas d’un
radiologue atteint de la maladie de Parkinson, continuant de faire des
échographies en dépit de la demande qui lui avait déjà été faite en 2016 par
la formation restreinte nationale de s’interdire de pratiquer de tels actes.
Le cas d’un anesthésiste réanimateur
En mars 2018, un conseil de l’ordre a saisi la formation restreinte
régionale du cas d’un anesthésiste réanimateur à la clinique de la ville d’X,
victime d’un AVC. Le rapporteur de ce dossier, ainsi que quatre des cinq
membres de la formation restreinte, sont des élus du conseil départemental
ayant eux-mêmes décidé de la saisine. Plus notable encore, le président de
ce conseil, qui est PDG de la clinique où exerce l’anesthésiste, ainsi qu’un
médecin qui y exerce également et y possède des parts, participaient à la
formation.
Outre les conditions dans lesquelles celle-ci a été rendue, la décision
prise au fond suscite des interrogations. En effet, la formation restreinte a
considéré que l’intéressé était apte à exercer. Pourtant, le collège d’experts
l’ayant examiné avait précisé que son état ne lui permettait pas de reprendre
son activité professionnelle dans les conditions antérieures à son accident et
notamment de se trouver seul au bloc, sans infirmier anesthésiste. La
formation restreinte a estimé qu’il pourrait donc poursuivre une activité se
limitant à des consultations pré-anesthésiques.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
88
Cependant, en l’état actuel du droit, la formation restreinte n’a pas la
faculté de limiter l’exercice d’un médecin à certaines tâches dans le cadre
d’un dossier d’état pathologique rendant dangereux l’exercice de la
médecine. Dès lors, même si la formation restreinte régionale a indiqué au
médecin concerné que son activité devrait se restreindre à des consultations
pré-anesthésiques, sa décision n’a aucune valeur juridique. En pareil cas,
l’ordre prend un risque à laisser exercer ce praticien.
Il conviendrait donc d’introduire au niveau réglementaire des
dispositions permettant la suspension partielle d’un médecin atteint d’une
pathologie ou d’une infirmité rendant dangereux l’exercice de la profession.
L’ordre ne peut pas non plus, dans le cadre juridique actuel, demander
à un médecin de se soumettre à un suivi de soins pour être autorisé à
continuer d’exercer. Il convient donc également d’autoriser l’ordre à imposer
à ces médecins un suivi médical particulier pour pouvoir poursuivre leur
exercice professionnel. Les conseils départementaux de l’ordre seraient les
plus à même d’assurer un contrôle de l’effectivité de ces soins.
4 - Une détection des situations à risque à systématiser
Le Conseil national n’a pas diffusé de consignes rendant obligatoire
la saisine de la formation restreinte pour les cas de médecins reprenant une
activité après une longue période de cessation laissant suspecter une
éventuelle incapacité professionnelle et une nécessaire remise à niveau. Si
les conseils départementaux sont tenus de vérifier la capacité
professionnelle des médecins ayant cessé d’exercer depuis au moins trois
ans, dans de nombreux cas une telle vérification n’est pas faite.
Afin d’assurer au mieux la sécurité des patients, il est également
indispensable d’aider les conseils territoriaux à mieux détecter les
situations à risque de certains médecins et à réformer la manière dont ces
derniers sont ensuite suivis et contrôlés par l’ordre.
Sans qu’il paraisse nécessaire de confier aux conseils
départementaux de véritables pouvoirs d’investigation en matière de
détection des situations à risque, pouvoirs qu’ils n’appellent d’ailleurs pas
de leurs vœux, la réalisation en routine d’entretiens confraternels au sein
des conseils et surtout les visites de cabinet – à l’occasion d’une installation
par exemple ou tous les dix ans – devraient être généralisées.
Certains conseils départementaux de l’ordre ont déjà pris l’initiative
d’organiser de manière systématique, quelques mois après leur inscription
dans le département, des visites sur le lieu d’exercice de leurs nouveaux
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 89
confrères. Ces visites permettent de s’assurer que les médecins ne
rencontrent pas de difficultés particulières dans l’exercice de leur métier.
Elles permettent également de détecter des comportements à risque ou des
situations atypiques : cabinets mal entretenus, publicité pour des pratiques
non conventionnelles, non affichage des tarifs des consultations, etc. C’est
lors d’une de ces visites que le conseil d’Ille-et-Vilaine a pu détecter un
comportement anormal qui a justifié la saisine de la formation restreinte et
abouti à la suspension d’un médecin atteint d’une maladie mentale.
Ces visites ou entretiens mériteraient d’être systématisés en cas de
signalements de la part de patients ou de tiers (comme des professionnels
de santé), avant que ces signalements ne se transforment en plaintes et qu’il
y ait donc préjudice.
C - Un contrôle hétérogène des contrats entre médecins
et avec l’industrie
Tout contrat conclu par un médecin doit être soumis pour avis à
l’ordre, soit au titre du contrôle du respect du code de déontologie, soit au
titre du respect de la loi dite « anti-cadeaux » de 1993, s’agissant des contrats
conclus avec des industriels du médicament ou de dispositifs médicaux.
1 - Des conseils locaux en difficulté pour contrôler la conformité
des contrats au code de déontologie
La conformité à la déontologie des contrats passés par les médecins,
relatifs à l’exercice de leur profession, doit faire l’objet d’un examen par les
conseils départementaux de l’ordre. Le défaut de communication des
contrats152 est susceptible d’entraîner des poursuites disciplinaires ou un refus
d’inscription au tableau153
. Cette possibilité reste toutefois assez théorique154
:
seules cinq poursuites ont été engagées en 2016 et six en 2017155
.
152 Il s’agit de tous les types de contrats conclus par un médecin dans l’exercice de ses
fonctions : contrat de travail, contrat de bail, contrat de leasing de matériel etc.
153
Art. L. 4113-10 et L. 4113-11 du CSP.
154
Il est particulièrement rare que des médecins transmettent pour avis des contrats de
location de matériel médical. Pourtant, certains dispositifs, comme les appareils
d’évaluation et de détection de l’apnée du sommeil, sont loués à des médecins à des
tarifs très faibles par des sociétés qui louent par la suite ces dispositifs respiratoires aux
patients, parfois sur recommandation de ces médecins.
155
En 2017, ces poursuites ont conduit au prononcé de quatre rejets, quatre blâmes et
six suspensions d’exercer.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
90
L’ordre a élaboré et mis en ligne sur son site, à disposition des
médecins, une trentaine de contrats types. Certains de ces contrats, comme
les contrats de cession de cabinet ou les contrats de collaborateur libéral,
datant respectivement de 1978 et de 2005, mériteraient une mise à jour.
Pour les contrats les plus complexes156
ou pour toute question juridique
difficile, les conseils départementaux font appel à l’expertise du service
juridique du Conseil national qui tarde parfois à répondre157
.
En pratique, l’examen des projets de contrats est assuré de manière
très hétérogène selon les conseils locaux par des élus, des salariés ou encore
par des avocats spécialement mandatés à cet effet. Or, il conviendrait
d’encadrer davantage le recours à ces consultants pour limiter certains
abus, comme dans le Nord, où le conseil départemental a rémunéré à
hauteur de 12 680 € sur trois ans la participation à la commission des
contrats d’un avocat à la retraite, père d’un ancien élu, alors même que
l’analyse des contrats était assurée par les élus.
Ces mêmes conseils ne sont, en outre, pas en mesure d’analyser dans
les délais l’ensemble des contrats qui leur sont soumis158
. Dans ces
circonstances, l’ordre gagnerait à recentrer son action, par exemple sur
l’étude des contrats complexes ou innovants par rapport aux conditions
d’exercice de la médecine.
Enfin, jusqu’à la révision du règlement intérieur de l’ordre en
décembre 2018, il est notable que l’examen des contrats des élus ordinaux
eux-mêmes ne faisait l’objet d’aucune consigne. Ainsi, des élus de la
commission des contrats au sein d’un conseil départemental pouvaient être
conduits à se prononcer eux-mêmes sur la validité de leurs propres
conventions voire sur celles de leurs concurrents.
156
En matière de radiologie et de biologie médicale notamment.
157
Exemple la saisine faite par le CDOM du Var le 27 juin 2016 à laquelle le CNOM a
répondu le 12 décembre 2016 (dossier n° 1506/2016) concernant le contenu d’un
contrat visant à faire réaliser par un praticien d’une autre spécialité que gynécologique
des actes de chirurgie gynécologique au sein d’une clinique. Ainsi que le précise le
président du CDOM du Var en novembre 2016 : « il est évident qu’il est difficile
d’envisager qu’un conseil départemental puisse seul donner des réponses précises à des
questions techniques sur le plan juridique qui vont engager l’institution, si cette dernière
est dans l’incapacité de les aider dans ce rôle. (…) ».
158
L’article L. 4113-12 du code de la santé publique fixe à un mois le délai dans lequel
le conseil de l’ordre est tenu d’examiner le contrat qui lui est soumis.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 91
2 - Un contrôle lacunaire des relations entre médecins et industrie
Depuis la loi « anti-cadeaux » de 1993159, l’ordre donne un avis sur
les exceptions à l’interdiction d’avantages consentis aux médecins160 par
les entreprises et laboratoires, avec comme principal objectif d’éclairer les
professionnels de santé sur les risques de perte d’indépendance qu’ils
encourent. La loi du 29 décembre 2011 a prévu, quant à elle, la publication
de tous les liens financiers entre industriels et praticiens sur le site
« Transparence Santé ».
Déjà en 2011, la Cour regrettait l’inaction de l’ordre face à des
situations d’hyperactivité de certains médecins, notamment hospitaliers,
ainsi que son incapacité à agréger les activités par médecin. Elle relevait
qu’il « reviendra[it] désormais à l’ordre de sanctionner les cas où il a été
passé outre à un avis défavorable (y compris quand ce dernier ne résulte
que de la date trop tardive de demande d’avis) »161
.
En dépit de la fermeté affichée publiquement par le Conseil national,
les constatations faites par la Cour huit ans plus tard montrent que ce
contrôle, qui vise à prévenir les conflits d’intérêts, est encore lacunaire.
Le contrôle de la Cour de 2018 a toutefois conduit le Conseil
national à en réviser les modalités.
a) De fortes prises de position publiques du Conseil national
L’ordre des médecins a toujours milité activement en faveur d’une
plus grande transparence des avantages accordés aux médecins par
l’industrie. Il a ainsi déposé un recours contre le décret du 21 mai 2013
relatif à la transparence des avantages accordés, qui excluait les
rémunérations du champ de la publication des avantages consentis aux
médecins. Dans un arrêt rendu le 24 février 2015, le Conseil d’État lui a
donné raison, en élargissant aux rémunérations les informations publiées
dans la base « Transparence Santé ».
159
Loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d’ordre social, dite
« anti-cadeaux ».
160
Le cadre législatif applicable depuis 2012 prévoit que les conseils départementaux
(ou le Conseil national lorsqu’il s’agit de conventions dont le champ d’application est
interdépartemental ou national) donnent leurs avis sur les conventions qui leur sont
soumises par les industriels.
161
Observations définitives sur l’ordre des médecins, p. 45.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
92
Face au volume considérable de dossiers à traiter (1,5 million de
conventions d’hospitalité162
et 40 000 conventions d’honoraires soumises
à l’ordre en 2017, représentant plus de 250 M€163
), le Conseil national s’est
doté de moyens renforcés : il a conçu un logiciel spécifique (IDAHE) dont
le développement et la maintenance ont coûté, sur la période 2008-2016,
plus de 900 000 € et a quasiment doublé les effectifs du service relations
médecins-industrie, passés de 7 à 13 équivalents temps plein entre 2011 et
2017. Toutefois, l’examen des conventions entre médecins et industrie était
jusqu’en 2018 largement inopérant.
b) Un contrôle inabouti au Conseil national
et souvent inexistant localement
Même au Conseil national, qui dispose pourtant d’un service étoffé,
le contrôle reste insuffisant : les conventions d’un même praticien sont
examinées indépendamment les unes des autres sans qu’aucun cumul des
rémunérations ou avantages perçus ne soit opéré ; les médecins ne sont pas
sanctionnés lorsque les conventions sont mises en œuvre malgré un avis
défavorable ; la base « Transparence-santé » n’est pas consultée par les
salariés ou les élus. 7 % des conventions d’hospitalité et 45 % des
conventions d’honoraires ont fait l’objet d’un avis défavorable sur la
période. La grande majorité des avis défavorables tient au non-respect
formel de clauses formelles : délais de transmission non respectés ou
absence d’autorisation de cumul pour les médecins hospitaliers.
Les plafonds en dessous desquels l’ordre donne un avis favorable
aux conventions qui lui sont soumises sont généreux : honoraires de
250 €/heure, nuitée à 250 €164
, repas à 70 €.
Entre 2011 et 2017, aucun médecin n’a été convoqué par le Conseil
national et aucune poursuite disciplinaire n’a été engagée pour non-respect
d’un avis de l’ordre sur une convention irrégulière.
162
Frais d’inscription, de restauration, d’hébergement et de transport pour participer à
des colloques.
163
Ces sommes constituent un majorant des avantages effectivement accordés : les
conventions peuvent en effet ne pas être mises en œuvre et présentent les montants
maxima pouvant être versés aux médecins. A contrario, de nombreuses conventions
non télétransmises ne sont pas recensées dans IDAHE (cf. exemple infra).
164
325 € dans les capitales et métropoles européennes et de 350 € en Amérique, Asie,
Australie et Suisse.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 93
L’absence de sanctions des médecins fautifs
À titre illustratif, entre 2016 et 2018, 82 conventions ont été
transmises pour des prestations assurées par le Pr X, chef de service à temps
complet dans un CHU, pour un montant de 726 000 €165
. Parmi elles, une
convention relative à trois études d’expertise-conseil pour le compte du
laboratoire T. d’un montant de 535 000 €166
sur une durée de quatre ans,
débutée en septembre 2016, n’a été transmise à l’ordre que le 14 février
2018. Le Conseil national a émis un avis défavorable en raison d’une
demande parvenue hors délais, de l’absence d’autorisation de cumul signée
par l’établissement employeur et parce que les honoraires et le nombre de
jours trop élevés étaient contraires au caractère d’activité accessoire.
Aucune poursuite disciplinaire n’a été engagée contre ce médecin pour
manquement à la déontologie.
En 2018, seuls vingt conseils départementaux de l’ordre utilisent le
logiciel IDAHE et rares sont ceux qui assurent correctement le contrôle des
conventions.
Ainsi, jusqu’au contrôle de la Cour, le conseil départemental du
Bas-Rhin, dont le secrétaire général est pourtant membre de la commission
relations médecins-industrie au niveau national, ne donnait pas d’avis
défavorable quand il constatait l’absence d’autorisation de cumul des
médecins hospitaliers et n’utilisait pas le logiciel IDAHE. Dans les
Bouches-du-Rhône, les avis défavorables sont également très rares167 et le
contrôle des conventions incombe, non à la salariée du service, mais à deux
élus dont l’un a pu se trouver juge et partie allant jusqu’à valider des
dossiers le concernant.
Si environ 15 000 médecins bénéficient chaque année d’au moins
une invitation à un congrès pris en charge par un laboratoire, ils ne sont
qu’environ 200 à 700, selon les années, à être concernés par au moins cinq
invitations168
et une quinzaine à avoir participé à plus de dix congrès une
année donnée. Les contrôles dont l’ordre est responsable, et qui visent à
165
Des requêtes permettant d’identifier les praticiens dont les montants cumulés
d’honoraires étaient élevés ont été demandées par la Cour au CNOM. Il s’agit d’une
rémunération personnelle.
166
La convention comprend trois études de phase 3. La rémunération est de 500 € pour
toute téléconférence de moins de 2h, 2 000 € pour toute réunion en face à face et dans
la limite de 178 417 € par étude.
167
Seulement 4 en 2015-2017 sur 5 358 dossiers.
168
Chiffres 2018. Les spécialités principalement concernées sont l’ophtalmologie, la
cardiologie et l’oncologie.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
94
empêcher un médecin de perdre sa liberté de prescription vis-à-vis des
sociétés dont il perçoit des avantages, sont défaillants et les situations
d’abus manifestes n’ont pas été sanctionnées.
Des abus permis par un contrôle défaillant
Le Dr X, pneumologue, a participé à onze congrès internationaux
entre 2016 et 2018 pour un coût dépassant 27 000 €169
, invité par des
sociétés spécialisées dans les dispositifs médicaux respiratoires.
Outre ces conventions transmises au conseil départemental, 37 autres
conventions le concernant (pour un montant de 47 000 €) ont été transmises
par des industriels au Conseil national depuis 2012 pour des congrès se
tenant notamment à Santa Monica, Port Louis, Dubaï, Port Elizabeth,
Amsterdam, Marrakech, Los Angeles, Saint-Pétersbourg, Chicago,
Yokohama et Milan.
Le conseil départemental où il est inscrit n’a jamais émis d’avis
défavorable, alors même qu’il avait été destinataire d’une lettre de
dénonciation listant plusieurs médecins, dont le Dr X, accusés de prescrire
quasi-exclusivement l’appareillage d’une société, en échange d’invitations,
dons d’équipements, voyages et subventions versées à une association de
pneumologie.
Le Conseil national, quant à lui, a donné trois avis défavorables en
2017 dont l’un pour le congrès Gulf thoracic se tenant à Dubaï, ce qui n’a
pas empêché le Dr X d’y participer.
Ce défaut de contrôle par le Conseil de l’ordre est d’autant plus
problématique que, si les agents habilités à contrôler le dispositif « anti-
cadeaux » sont théoriquement nombreux, de facto seuls les agents de la
direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes (DGCCRF) effectuent régulièrement des contrôles.
c) Un retard important pris dans la publication des textes
L’ordre des médecins n’est pas seul responsable de ce bilan.
Réclamant depuis des années la télétransmission obligatoire des conventions
et un pouvoir de sanction en cas de non-respect des avis qu’il rend, il est en
attente de la publication des décrets et arrêtés permettant la mise en œuvre
de l’ordonnance « anti-cadeaux » du 19 janvier 2017, textes dont la
publication – qui aurait dû intervenir avant le 1er
juillet 2018 – est attendue
169 Bahamas, Hawaï, Oran, Bangkok (deux fois), Palm Beach (deux fois), New York,
Ile Maurice, Osaka et Chicago selon les informations dont disposait le conseil
départemental.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 95
d’ici la fin de l’année 2019. Ces textes devraient entériner la recentralisation
bienvenue de l’exercice de la mission par le Conseil national.
La publication de ces textes réglementaires doit être l’occasion, pour
les administrations concernées, de ne pas reconduire les erreurs passées et
de veiller en particulier à faire figurer, dans la base de données des
avantages servis aux médecins, le cumul par médecin, à fixer les plafonds
des rémunérations et hospitalités à des niveaux raisonnables et à ouvrir plus
largement l’accès à la base de données à des autorités de contrôle.
d) Des évolutions amorcées en 2019
Faisant suite à la recommandation de la Cour, la ministre de la santé
a annoncé la création d’un portail unique permettant une mise en cohérence
des systèmes d’information « Transparence Santé » et « anti-cadeaux » au
printemps 2020.
Après avoir défini des critères d’examen – au demeurant peu
exigeants – des dossiers litigieux, le Conseil national a voté la transmission
à la chambre disciplinaire aux fins d’éventuelles poursuites de deux cas
particulièrement problématiques.
D - Une faible implication de l’ordre des médecins
dans l’accès aux soins
1 - Un rôle limité dans l’organisation de la permanence des soins
L’organisation de la permanence des soins a radicalement changé
depuis 2002 avec l’abandon de l’obligation déontologique individuelle
pour les médecins libéraux d’effectuer des gardes. Si l’information est
mieux assurée depuis 2011 grâce à la transmission dématérialisée, à l’ARS
et au préfet, du tableau de permanence des soins, en revanche l’implication
des conseils départementaux pour remédier à l’insuffisance du nombre de
médecins volontaires est variable.
Les médecins sont appelés à participer à la permanence des soins sur
la base du volontariat mais l’article 77 du code de déontologie dispose :
« il est du devoir du médecin de participer à la permanence des soins dans
le cadre des lois et des règlements qui l’organisent ».
L’implication pour mobiliser le corps médical est exemplaire dans
plusieurs départements (Val-de-Marne, Corse-du-Sud, Indre notamment),
comme l’a constaté la Cour, mais fait défaut dans d’autres où la
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
96
communauté médicale « n’arrive pas à s’affranchir de ses vieux démons
dont celui de l’individualisme exacerbé170
».
Le Conseil national réalise chaque année un rapport sur la
permanence des soins. Ce travail précis contient des données et des
analyses pertinentes.
En 2011, la Cour soulignait également les difficultés de coordination
induites par le rôle du conseil régional de l’ordre dans l’élaboration du
cahier des charges de la permanence des soins, difficulté toujours présente
qui renvoie à la question de la plus-value de l’échelon régional qui devra
être réexaminée au vu du bilan des fusions intervenues début 2019.
2 - Une position ambiguë sur les refus de soins
La France s’est dotée de dispositifs facilitant l’accès aux soins pour
les plus démunis (complémentaire santé solidaire171
, Aide médicale d’État,
tiers payant de droit…). Toutefois, les comportements et pratiques de
certains professionnels de santé peuvent entraver cet accès aux soins. Ces
situations peuvent avoir pour origine une méconnaissance des dispositifs,
des difficultés d’ordre technique, mais peuvent aussi relever d’une
opposition pour des raisons économiques ou idéologiques.
Le refus de soins clairement établi est relativement rare, des formes
de dissuasion, par la fixation de rendez-vous éloignés ou par l’affirmation
d’une impossibilité de prendre de nouveaux patients, étant plus fréquentes.
La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé
a donc réaffirmé l’importance de la mission d’évaluation du refus de soins
en créant des commissions ad hoc placées auprès des ordres professionnels,
chargées d’évaluer le nombre et la nature des pratiques de refus et de remettre
un rapport annuel au ministre chargé de la santé. La commission placée
auprès de l’ordre des médecins n’a produit qu’un rapport depuis lors. En
dépit de disponibilités dépassant les 100 M€, l’ordre considère en effet ne
pas disposer du budget suffisant pour faire fonctionner la commission et
refuse de financer des études sur les refus de soins.
Seules 28 décisions rendues par les juridictions ordinales entre 2014
et 2017 portaient sur des refus de soins à des bénéficiaires de la CMU, soit
sept par an en moyenne sur plus de 1 300 : 57 % ont fait l’objet d’un rejet,
11 % d’un blâme, 25 % d’un avertissement et 7 % d’une interdiction
170 Blog du conseil départemental de l’ordre des médecins du Val-de-Marne.
171
Remplaçant au 1er
novembre 2019 la CMU-C (couverture maladie universelle
complémentaire) et l’ACS (aide pour une complémentaire santé).
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 97
d’exercer, parfois assortie d’un complet sursis. Les sanctions sont
hétérogènes : ainsi un gynécologue-obstétricien installé dans les Yvelines
s’est vu infliger un blâme pour avoir refusé des soins à une patiente relevant
de la CMU-C alors qu’un stomatologue de la région PACA a été suspendu
pendant un mois, dont huit jours fermes, pour des faits similaires.
Le bilan des rares poursuites menées à leur terme n’incite pas les
patients à faire valoir leurs droits et ne dissuade pas les médecins de
renoncer à une pratique illégale.
L’ordre n’est pas particulièrement zélé sur le sujet. Ainsi, en janvier
2017, trois associations ont saisi le Défenseur des droits pour des mentions
discriminatoires (refus de bénéficiaires de la CMU) apposées, par deux
sites de rendez-vous médicaux en ligne, aux côtés des coordonnées de
certains médecins. Fin 2018, le défenseur des droits a enjoint aux deux
plateformes de faire disparaître ces mentions. En revanche, les médecins
en cause n’ont pas fait l’objet de poursuite disciplinaire par l’ordre, qui
considère impossible « la recherche systématique sur tous les sites de prise
de rendez-vous en ligne de mentions discriminatoires ».
3 - Des actions timorées en faveur de la mobilité des médecins
L’ordre n’a pas toujours œuvré à l’assouplissement de la
règlementation, nécessaire pour faciliter les conditions d’installation,
d’exercice et de mobilité des médecins tout particulièrement dans les zones
en voie de désertification médicale. La simplification172
du traitement des
demandes d’autorisation d’exercice en site distinct n’est ainsi intervenue
qu’après le contrôle de la Cour, avec la parution du décret n° 2019-511 du
23 mai 2019.
La gestion des demandes de remplacement mériterait également
d’être allégée, sous forme de déclaration plutôt que d’autorisation
préalable.
L’exercice de la médecine sous le statut de remplaçant est en effet
devenu, pour les jeunes médecins comme pour les plus confirmés, un mode
d’activité à part entière. L’examen par les conseils départementaux des
demandes de remplacement est donc de plus en plus lourd (plus de
100 000 contrats sont analysés chaque année) et une grande partie des
autorisations est aujourd’hui délivrée postérieurement aux remplacements,
après vérification du respect formel d’une dizaine de points.
172
Une déclaration se substituant à la demande d’autorisation.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
98
S’il semble important de maintenir une procédure d’autorisation
pour la délivrance des autorisations d’exercer données aux étudiants, une
simple déclaration en ligne des remplacements pourrait être mise en place,
sur un portail national qui automatiserait les contrôles. Seuls les cas
litigieux feraient l’objet d’une analyse complémentaire.
Les règles de rémunération afférentes au statut de remplaçant
mériteraient également un examen approfondi, afin d’analyser la légalité
de certains contrats qui prévoient des taux de rétrocession supérieurs à
100 %173
, en particulier dans les zones où la pénurie de remplaçants se fait
sentir. L’absence de consignes claires prises au niveau national est
aujourd’hui préjudiciable aux médecins.
II - Un manque chronique de rigueur
dans le traitement des plaintes
Les constats de la Cour confirment les carences dans le traitement
des plaintes, relevées depuis 20 ans à l’occasion des contrôles successifs174
et dans la manière dont l’ordre exerce son pouvoir disciplinaire.
Les instances disciplinaires de l’ordre
L’ordre est doté d’un pouvoir disciplinaire qu’il exerce via deux
juridictions autonomes relevant de l’ordre administratif, placées auprès des
conseils régionaux175
: les chambres disciplinaires et les sections des
assurances sociales176
. Les premières jugent et sanctionnent les
manquements des médecins au code de déontologie et les secondes jugent
des abus et fraudes à l’assurance-maladie. La chambre disciplinaire
nationale (CDN) est la juridiction d’appel.
L’absence de vision d’ensemble des plaintes et de statistiques
nationales, la distinction infondée entre « doléance » et plainte, les
traitements différenciés des litiges suivant les conseils départementaux
conduisent l’ordre à ne considérer comme des plaintes que 22 % des
courriers de patients signalant un problème avec leur médecin (chiffre 2017
173
Reversement d’honoraires au médecin remplaçant par le médecin titulaire.
174
Contrôle de l’IGAS en 2000, de la Cour des comptes en 2011 et de la Mission
d’inspection des juridictions administratives du Conseil d’État en 2013.
175
Il y a aujourd’hui 14 chambres disciplinaires de première instance (CDPI), contre
25 avant la fusion des grandes régions administratives.
176
Cette dernière activité, limitée, n’est pas présentée dans ce rapport.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 99
établi à partir des données du CNOM rapportant les 1 781 conciliations
réalisées au 7 747 plaintes et doléances reçues entre particuliers et
médecins).
Dix-neuf ans après les premiers contrôles, et malgré la mise en cause
de l’ordre pour une mauvaise gestion des signalements et la condamnation
du conseil de Paris le 18 octobre 2012 par la Cour administrative d’appel
pour avoir retardé la comparution en justice d’un médecin fautif, les
constats sont similaires.
Les élus sont trop peu formés et les circulaires du Conseil national
insuffisantes pour endiguer les risques de détournement de procédure
pourtant dénoncés de manière récurrente par des médecins ou des patients.
A - Une majorité de signalements
non soumis à conciliation
En matière disciplinaire, toute procédure contentieuse doit être
précédée d’une tentative de conciliation177, organisée dans un délai d’un
mois après l’enregistrement de la plainte, par une commission de
conciliation composée d’au moins trois conseillers élus et créée au sein du
conseil départemental de l’ordre des médecins dont relève le praticien
visé178. Si la conciliation échoue, la plainte doit être transmise à la chambre
disciplinaire territorialement compétente pour être jugée, et ce dans un
délai de six mois suivant le dépôt de la plainte.
Les principaux motifs de plainte179
concernent la qualité des soins180
(40 %), le comportement des médecins vis-à-vis des patients ou de tiers
(30 %), la rédaction de certificats (25 %), des questions de confraternité
(17 %) ainsi que des litiges liés à la publicité, au non-respect du secret
professionnel ou aux honoraires.
177
Article R. 4123-21 du CSP.
178
Depuis 2017, l’article L. 4123-2 du CSP prévoit que la procédure de conciliation
doit être dépaysée si le plaignant ou le professionnel visé est membre du conseil
départemental chargé de la conciliation.
179
Données 2015 et 2016.
180
Absence de soins consciencieux, de défaut d’information du patient, défaut de
consentement ou manquement dans l’élaboration et la qualité du diagnostic.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
100
1 - Un suivi des plaintes insuffisant
En 2017, l’ordre a enregistré 8 916 signalements – dont 80 %
émanent de patients – et effectué 2 305 conciliations.
Ces chiffres consolidés sont toutefois peu fiables. En effet, à défaut
d’avoir déployé un logiciel de suivi des plaintes, comme le recommandait
la Cour à la suite du contrôle de 2011, l’ordre ne dispose que de tableaux
de compte rendu d’activité, très généraux et non exhaustifs qui ne
permettent pas de connaître les griefs allégués181 par les plaignants et ne
sont, en outre, pas remplis par tous les conseils en dépit des relances du
Conseil national182
.
De ce fait, il est impossible de recenser avec exactitude le nombre
de plaintes reçues annuellement dans les départements. Enfin, la
requalification en « doléances » – non soumises à conciliation – de
certaines plaintes reçues par l’ordre ne permet pas de mesurer l’efficacité
du dispositif de conciliation. L’absence de suivi et de pilotage par le
Conseil national a permis ces dysfonctionnements.
2 - Les « doléances » : un statut litigieux
et un traitement disparate
Alors que le code de la santé publique ne connaît que les plaintes,
l’ordre des médecins effectue en effet une distinction entre plaintes et
« doléances », seuls étant considérés comme plaintes les signalements
contenant expressément le mot « plainte », dénonçant un comportement
qualifié de fautif ou demandant explicitement une sanction.
La frontière entre ces catégories, particulièrement ténue183
et
dépourvue de fondement juridique, ainsi que la Cour l’avait déjà souligné
en 2011, demeure méconnue des plaignants. Conséquence de cette
distinction, seuls 22 % des courriers de patients sont qualifiés de plaintes
et traités comme telles. Dans de rares cas, il n’est même pas accusé
réception de la plainte.
Si l’on peut comprendre la préoccupation des conseils de l’ordre de
ne pas engorger les juridictions disciplinaires de plaintes qui risquent d’être
jugées irrecevables, il ne leur appartient pas, en l’état actuel des textes, de
181 À l’exception des refus de soins qui font l’objet d’un traitement à part.
182
Dix conseils n’ont pas complété leur tableau de bord en 2017.
183
Lors d’une réunion du CROM Rhône-Alpes en 2018, le Président de la chambre
disciplinaire indique lui-même qu’il est difficile de faire la distinction entre doléance et
plainte.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 101
procéder à un tri desdites plaintes en préjugeant de leur recevabilité, de la
qualification et de la gravité des faits allégués. Seules les chambres
disciplinaires ont cette compétence. Les conseils qui déclarent une plainte
infondée ou irrecevable outrepassent ainsi leurs missions.
3 - Des conciliations parfois peu formalisées, voire non organisées,
en dépit des obligations légales
L’article R. 4123-20 du CSP précise que la tentative de conciliation
doit être effectuée par un ou plusieurs membres de la commission de
conciliation et qu’un procès-verbal, signé par les parties et remis à chacun,
doit faire apparaître les points de désaccord qui subsistent.
En réalité, il n’existe pas toujours de commission de conciliation,
comme la Cour l’a constaté en Haute-Corse et en Corse-du-Sud184
et les
conciliations se tiennent dans des formats très variables selon les conseils.
Ce manque de formalisme dans la tenue de la conciliation se double
bien souvent d’un manque de complétude des procès-verbaux, étape
pourtant essentielle du précontentieux, notamment en cas de transmission
de la plainte devant la juridiction disciplinaire. Même si les procès-verbaux
ne sont soumis à aucune règle particulière, la plupart ne mentionnent que
l’issue de la conciliation, sans en retracer les échanges. C’est notamment
le cas de dossiers dans lesquels les patients ont été invités à retirer leur
plainte ou se sont laissés convaincre par les conciliateurs qu’il n’y avait pas
matière à caractériser une faute disciplinaire185
ou pour lesquels une
transaction financière est intervenue, faisant alors cesser les poursuites186
.
Plus graves sont les cas de plaintes qui ne font pas systématiquement
l’objet de tentatives de conciliation, alors que cette obligation, posée par la
loi, ne souffre pas d’exception. Il en est ainsi en Loire-Atlantique187
ou en
Haute-Corse, où le conseil, avant même d’organiser toute conciliation,
demande l’avis du médecin mis en cause puis invite le patient à venir
prendre connaissance de cet avis au conseil départemental (cf. encadré
infra). Enfin, à Paris, le laps de temps entre le constat de non-conciliation
184 Le Conseil départemental s’est depuis mis en conformité.
185
Cas de la plainte portée en Mayenne par la blanchisserie X contre le Dr C. pour des
arrêts de travail d’une salariée considérés comme de complaisance.
186
Cas du Dr S. qui a accepté, à l’issue d’une conciliation au CDOM de Paris en février
2016, de rembourser la somme de 1 200 € à une patiente, celle-ci s’engageant à retirer
sa plainte.
187
En 2017, 28 plaintes de particuliers sur 40 n’ont pas fait l’objet de conciliation,
34 sur 49 en 2016, 25 sur 37 en 2015.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
102
et la saisine de la chambre disciplinaire a été mis à profit pour tenter de
dissuader la plaignante de poursuivre sa démarche188
.
4 - Des transmissions imparfaites des plaintes
Outre le fait qu’ils écartent la grande majorité des signalements
reçus, les conseils départementaux de l’ordre gèrent de manière imparfaite
les procédures de saisine des juridictions régionales.
a) Des délais souvent dépassés
Certains conseils ont des difficultés à respecter les délais légaux. En
cas de carence, notamment lorsque le délai d’un mois pour organiser une
conciliation est dépassé, les plaignants peuvent alors demander au
président du Conseil national de saisir directement la chambre disciplinaire
compétente. Cette mesure a été utilisée à 13 reprises entre 2012 et 2017
dans neuf départements, dont cinq fois pour le Pas-de-Calais.
À l’exception de quelques conseils dotés de tableaux de suivi ou du
conseil de Paris équipé d’un logiciel spécifique, la plupart des conseils
n’assurent aucun suivi des délais ou de manière approximative.
Le délai maximal de trois mois à compter de son enregistrement
pour transmettre une plainte à la chambre disciplinaire est quant à lui
parfois dépassé, comme le constatent les greffes et les présidents de
chambre, ce qui constitue un manquement préjudiciable aux plaignants.
b) Une motivation insuffisante
Certaines chambres disciplinaires soulignent l’insuffisante
motivation des avis rendus par les conseils à l’appui des plaintes qu’ils
transmettent, en dépit des instructions qui leur sont données189.
Par ailleurs, qu’ils s’associent ou non à la plainte, certains conseils
omettent souvent de transmettre à la chambre disciplinaire des éléments de
contexte qui seraient pourtant de nature à éclairer la juridiction et peser soit
188 Cas de Mme X ayant porté plainte contre le Dr B., élu du conseil de Paris, invitée
par la présidente du CDOM de Paris, à la suite d’une réunion ayant abouti à une non-
conciliation le 25/09/2012, à réfléchir pendant un délai d’un mois au maintien de sa
plainte.
189
Courrier adressé le 8 mars 2012 à l’ensemble des présidents de CDOM en
Rhône-Alpes ; instructions diffusées par la CDPI de PACA-Corse le 19 janvier 2018
rappelant l’implication nécessaire des CDOM lors de la transmission des plaintes.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 103
en faveur du médecin mis en cause, soit en faveur du plaignant. Ces
éléments peuvent porter sur les conditions d’exercice, parfois complexes,
des praticiens mis en cause (déserts médicaux, forte insécurité dans la zone
d’exercice, précarité…) susceptibles de tempérer l’appréciation de certains
comportements. Cette absence de contextualisation est plus problématique
lorsque le conseil omet volontairement de porter à la connaissance de la
chambre disciplinaire des faits précontentieux antérieurs concernant le
médecin mis en cause (doléances, signalements, plaintes conciliées).
c) Une prévention des conflits d’intérêt à renforcer
Les plaintes déposées contre des élus ordinaux190 eux-mêmes ne
font l’objet d’aucun suivi spécifique.
Dès 2005, le législateur a prévu191 que le conseil au sein duquel siège
un médecin mis en cause par un plaignant peut se dessaisir au bénéfice d’un
autre conseil. Bien que fortement encouragée par le Conseil national, cette
procédure n’était toutefois pas systématique. Elle pouvait de surcroît n’être
pas entourée de toutes les garanties souhaitables dès lors que les présidents
choisissaient eux-mêmes le conseil vers lequel ils entendaient transférer la
procédure.
Les présidents de conseil qui choisissaient de ne pas déporter la
plainte se trouvaient en situation de devoir se prononcer sur le
comportement d’un de leurs pairs, avec tous les risques de partialité qui
peuvent en découler.
L’ordonnance de février 2017 est venue partiellement résoudre ces
difficultés en instaurant l’obligation, pour le président du conseil
départemental, de saisir le président du Conseil national, aux fins de
désigner un autre conseil pour procéder à la conciliation. Applicables
depuis plus d’un an, ces nouvelles dispositions ne sont toutefois pas encore
appliquées par tous les conseils, notamment en Haute-Corse.
190 33 plaintes de ce type ont été examinées par la Cour.
191
Cf. l’ordonnance n° 2005-1040 et l’article L. 4123-2 du CSP.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
104
Le cas du Dr X, élu du Conseil de Haute Corse et assesseur
à la chambre disciplinaire de PACA
Le Dr X, élu du conseil de l’ordre depuis 2002, a fait l’objet d’une
plainte enregistrée au conseil de Haute-Corse en mars 2018. Le courrier de
la patiente, qui demeure en Sardaigne, contient explicitement le mot
« plainte » et ne souffre aucune interprétation quant à son objet.
En contravention avec la loi, au lieu de délocaliser le traitement de
la plainte, le conseil a recueilli l’avis du médecin mis en cause et a invité la
patiente à se déplacer en Corse depuis la Sardaigne pour prendre
connaissance de la réponse du médecin192
.
Entre 1998 et 2011, ce même médecin avait déjà fait l’objet d’une
plainte et de deux signalements de patients – dont l’un pour des faits
similaires – mais le conseil de l’ordre avait considéré qu’ils ne constituaient
pas des fautes déontologiques. L’ensemble des plaintes et signalements a
été classé.
Cette nouvelle procédure n’est pour autant pas satisfaisante puisque
le dépaysement des dossiers de plaintes contre les élus ordinaux n’est prévu
que pour la phase de conciliation. À son issue, la plainte est à nouveau
adressée au conseil dont dépend l’élu mis en cause. À charge pour ce
conseil, en cas de non-conciliation, de transmettre la plainte à la chambre
disciplinaire en s’y associant le cas échéant. En toute logique, cette phase
d’analyse de la plainte et de suites de la conciliation devrait être également
menée au sein du conseil où la plainte a été délocalisée.
B - Des absences de poursuites disciplinaires
qui suscitent des interrogations
Nombreux sont les cas de médecins ayant fait l’objet de doléances,
de signalements ou de plaintes (conciliées ou retirées par les plaignants),
ou condamnés au pénal, ou encore placés sous contrôle judiciaire pour des
faits en lien avec leur exercice, que ni le conseil départemental de l’ordre193
ni le Conseil national n’ont poursuivis devant la juridiction disciplinaire.
192
Postérieurement au contrôle de la Cour, le dossier a été adressé au Conseil national
qui a délocalisé l’examen de la plainte dans un autre conseil.
193
Exemples dans le Nord-Pas-de-Calais : cas du Dr H. endocrinologue placé sous
contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer toute activité gynécologique ou de PMA
depuis 2015 contre lequel aucune poursuite disciplinaire n’a été diligentée ou encore
du Dr G. ayant continué de prescrire pendant sa suspension d’exercer de 8 mois.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 105
En cas de condamnation pénale, la communication du jugement à
l’ordre est obligatoire. Cette obligation, pourtant rappelée par une
circulaire de la Chancellerie du 24 septembre 2013194, n’est pas toujours
remplie. Il n’existe en effet aucun système d’alerte ou de notification
automatique des condamnations dans les logiciels utilisés par les greffes
des juridictions pénales. Il arrive ainsi que des conseillers départementaux
de l’ordre prennent connaissance de condamnations de certains de leurs
confrères via les médias.
Pour autant, ces dysfonctionnements n’exonèrent pas l’ordre de ses
responsabilités pour tous les cas où il a été dûment averti par la justice et
où il n’a entrepris aucune poursuite disciplinaire. Même avertis par la
presse de poursuites diligentées à l’encontre de confrères inscrits à leur
tableau, les conseils départementaux prennent rarement l’initiative de
contacter eux-mêmes les parquets ou de se constituer partie civile pour
avoir accès aux dossiers.
C - Le traitement des plaintes pour des faits
à caractère sexuel
Au cours des dernières années, plusieurs affaires médiatisées
relatives à des viols et agressions sexuelles sur patients ayant conduit à la
condamnation pénale de médecins, n’ont pas été traitées, sur le plan
ordinal, avec la rigueur nécessaire. Ainsi en est-il des procès de deux
gynécologues de la région parisienne, d’un généraliste de la région Nord
ou encore de plusieurs psychiatres de la Sarthe.
Dans le cas de l’un des gynécologues195, le conseil de l’ordre de
Paris a été condamné par la cour d’appel de Paris en octobre 2012 à verser
à l’une des victimes la somme de 3 000 €, pour avoir couvert les
agissements du médecin pendant de nombreuses années. Alors que la
première plainte figurant dans le dossier du praticien, suivie de plusieurs
autres196
, date de novembre 1988, la CDPI n’a été saisie par le
Conseil départemental qu’en 2006 et sa radiation n’a été prononcée par la
juridiction ordinale qu’en avril 2013. Il est apparu par la suite qu’un élu
ordinal, dont la gestion de l’affaire avait été mise en cause par l’avocat
général au cours de l’audience publique, lors de ce procès, et toujours en
194
Circulaire du 24 septembre 2013 relative aux relations entre les parquets et les ordres
de professions en lien avec la santé publique (NOR : JUSD1323940C).
195
Le Dr X a été condamné le 20 février 2014 à huit ans de prison par la Cour d’Assises
de Paris pour des faits de viols et agressions sexuelles sur six patientes.
196
Datant de 1990, 1995 et 2004.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
106
fonction en 2019, avait lui-même fait l’objet de plaintes de deux patientes
différentes pour des faits à caractère sexuel197
.
Entre 2014 et 2017, 150 plaintes pour des faits à caractère sexuel ont
été enregistrées dans les chambres disciplinaires de première instance, ce
qui représente, en 2017, 3,5 % des plaintes et le 10ème
grief le plus souvent
allégué sur une soixantaine recensés198
. Près de 43 % de ces plaintes ont
fait l’objet d’un rejet. Les 57 % restants ont abouti, pour 11 %, à des
avertissements ou blâmes, 5 % à des suspensions totalement assorties de
sursis, donc sans effet immédiat sur l’exercice du praticien sanctionné ;
12 % ont abouti à des radiations et 29 % à des interdictions d’exercer
assorties de sursis.
Les conseils départementaux de l’ordre prennent rarement
l’initiative de déposer plainte devant la juridiction disciplinaire (seulement
huit fois en 2016, dont six après le prononcé de condamnations pénales).
Ils s’associent également peu aux plaintes des patients, sauf lorsque le
médecin mis en cause reconnait les faits199
.
L’analyse d’une cinquantaine200
de décisions rendues entre 2016 et
2017201
révèle l’existence d’irrégularités de procédure (les plus fréquentes
concernent des plaintes traitées comme de simples doléances) ou un
manque de diligence dans le traitement des dossiers.
Le manque de diligence est le plus souvent lié à la non transmission
aux chambres disciplinaires de faits similaires antérieurs ou simultanés
mettant en cause les mêmes médecins. C’est ainsi le cas du Dr A.,
généraliste ostéopathe ayant fait l’objet, en trois ans, auprès de deux
conseils, de trois plaintes de patientes pour des faits identiques
d’attouchements sexuels. La première plainte a été traitée par le conseil des
Alpes-de-Haute-Provence comme une doléance et classée sans
conciliation. La seconde, transmise à la juridiction disciplinaire par le
conseil du Var, a été rejetée pour absence de preuve, le conseil n’ayant pas
197
L’une des plaintes a fait l’objet d’un désistement de la plaignante, et l’autre a été
jugée irrecevable par la juridiction ordinale, la plaignante ne s’étant pas acquittée du
droit de timbre alors en vigueur.
198
Ces plaintes sont notamment plus nombreuses que celles introduites la même année
pour des arrêts de travail litigieux (34), sont égales au nombre de plaintes introduites
par des médecins entre eux au titre de la diffamation (36) et très légèrement inférieures
au nombre de plaintes introduites pour erreur de diagnostic (38) ou pour défaut
d’information du patient (40).
199
Soit 5 cas sur 8 en 2016.
200
Parmi 90 décisions relatives à des faits à caractère sexuel transmises par le greffe du
CNOM à la demande de la Cour.
201
Réparties dans presque toutes les régions françaises.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 107
porté à la connaissance de la chambre l’existence de la première plainte.
Une troisième plainte pour des faits identiques a été déposée en 2018.
Les poursuites et sanctions disciplinaires interviennent souvent bien
après des sanctions pénales. Tel est le cas d’un médecin d’un département du
centre de la France, déjà condamné pour agression sexuelle à six mois
d’interdiction d’exercer par le tribunal correctionnel au début des années 2000,
que le conseil de l’ordre n’a décidé de poursuivre au disciplinaire qu’en mai
2016, après une récidive dont l’ordre était informé depuis 2015, ou encore du
Dr X, poursuivi par le Conseil national plus de trois ans après sa condamnation
en février 2014 par le tribunal correctionnel de Cayenne pour des faits
d’agression sexuelle sur mineur par personne ayant autorité.
Trois exemples de traitement des plaintes à La Réunion
1/ Le Dr C., conseiller ordinal au conseil départemental de La
Réunion (CDOM) entre 2006 et 2009, a été condamné le 14 octobre 2010
par le tribunal correctionnel à six mois de prison avec sursis, deux ans de
mise à l’épreuve et obligation de soins pour consultation d’images
pédopornographiques. Le CDOM n’a intenté aucune poursuite disciplinaire.
Un an plus tard, sous la pression de 131 médecins signataires d’une pétition,
le CDOM s’est résolu à porter plainte. Le 30 septembre 2013, le Dr C. a été
condamné à un blâme. Parallèlement, l’ordre a continué d’apporter son
soutien au Dr C. et porté plainte pour « atteinte à la confraternité » contre le
praticien lanceur d’alerte à l’origine de la pétition. Sur appel du CNOM et
du Procureur de la République en mars 2015, la sanction initiale a été
alourdie et une interdiction d’exercer pendant six mois dont quatre avec
sursis a été prononcée202
.
2/ Le 30 avril 2015, le Dr R. a été radié du tableau de l’ordre, décision
confirmée en septembre 2017. Dans ce dossier, le CDOM est resté
longtemps inactif. En effet, cette sanction n’est intervenue que quatre ans
après la condamnation pénale du praticien à huit ans de prison, portée à
12 ans de prison en appel, pour viols aggravés, viol sur mineure de 15 ans
par personne ayant autorité que lui confère ses fonctions, et agressions
sexuelles sur mineure de moins de quinze ans.
202 Il a fallu une nouvelle plainte en 2016 à la suite d’une récidive pour que soit
prononcée une radiation définitive du tableau de l’ordre, confirmée en appel en
avril 2018.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
108
3/ En 2005, le Dr S., médecin à Mayotte, a été condamné par le
tribunal correctionnel à deux ans de prison avec sursis assortis d’une
interdiction temporaire d’exercice de trois ans pour agression sexuelle par
personne abusant de l’autorité qui lui confère sa fonction. En octobre 2006,
le CDOM de Mayotte ayant refusé de l’inscrire au tableau, il s’est alors
adressé au CDOM de La Réunion qui a validé son inscription en décembre
2006. L’ordre a donc autorisé le praticien à exercer, en dépit d’un jugement
du tribunal qui le lui avait interdit. À la suite d’une récidive, il a été
condamné le 18 mars 2015 par la Chambre disciplinaire nationale à la
radiation définitive.
Les sanctions prononcées à l’encontre des médecins ayant eu des
relations consenties avec des patients sont très hétérogènes, ces sanctions
pouvant aller de l’avertissement à la radiation. Après une première
campagne de sensibilisation en 2017, le Conseil national a ajouté au code
de déontologie, en mars 2019, un commentaire prohibant tout rapport
sexuel entre praticiens et patients, considérant qu’il s’agit, de la part du
médecin, d’un abus de faiblesse. Cet ajout pourrait permettre de mieux
qualifier les faits et d’homogénéiser les sanctions prononcées.
L’actualité récente, relative aux agissements d’un chirurgien de
Charente-Maritime, démontre, s’il en était besoin, l’importance d’une
transmission rapide et complète des informations disponibles au sein de
l’ordre mais également entre celui-ci, les autorités administratives et le cas
échéant judiciaires, ainsi que les employeurs.
III - Une justice disciplinaire marquée
par de nombreuses insuffisances
Le principe de la justice ordinale est de faire juger les médecins par
leurs pairs. Siègent donc au sein des chambres disciplinaires des élus
ordinaux – ou d’anciens élus ordinaux –, sous la présidence d’un magistrat
de l’ordre administratif203.
Les chambres disciplinaires de première instance (CDPI) ont jugé,
en 2017, 1 319 affaires et la CDN près de 400. De 2012 à 2017, l’activité
des CDPI a augmenté de 32 % et celle de la CDN de 23 %. Les deux tiers
203
Les CDPI sont présidées par un magistrat professionnel depuis la loi du 4 mars 2002.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 109
des plaintes émanent de patients, 12 à 14 % émanent de médecins, près de
20 % de conseils départementaux de l’ordre, 1 % du CNOM ou d’ARS 204
.
Les recommandations formulées par la Cour à la suite du contrôle
de 2011 et par le Conseil d’État en 2013, portant sur le renforcement de la
compétence, de l’indépendance et de l’impartialité des juridictions
ordinales, n’ont été que peu suivies d’effet. Certains faits récents illustrent
l’importance d’une prise de conscience des difficultés rencontrées par ces
chambres et la nécessité d’une réforme de leur fonctionnement.
A - Une professionnalisation de la justice disciplinaire
à achever
1 - Des délais de jugement en baisse, mais supérieurs
au plafond légal
Le délai moyen de jugement, pour l’ensemble des CDPI, était en
2017 de 9 mois et 23 jours, sensiblement supérieur au délai de six mois
imposé par la loi pour statuer sur une plainte disciplinaire205
.
Il n’existe pas de corrélation entre le nombre d’affaires enregistrées
par les chambres et leurs délais de jugement. Ainsi, avec un volume de
moins de cinquante affaires chacune jugées en 2016, plusieurs juridictions
avaient des délais de jugement supérieurs à un an, alors que sept autres ont
respecté le délai de six mois. Les CDPI d’Auvergne et d’Antilles-Guyane
enregistrent les plus longs délais, un peu plus de 14 mois, alors qu’elles
n’ont jugé respectivement que 17 et 21 dossiers au cours de l’année.
Pour combler leur retard, ces juridictions, ainsi que celles
connaissant une progression constante de leur activité comme
l’Île-de-France ou PACA-Corse, auraient pu faire le choix d’augmenter
durablement leur nombre d’audiences. Tel n’a pas été le cas.
2 - Un manque de pilotage global dans la gestion des juridictions
Contrevenant à l’obligation légale qui est la sienne, le Conseil
national s’est jusqu’à présent abstenu de fixer chaque année la part de la
cotisation consacrée au fonctionnement des chambres disciplinaires. Les
204 En appel, un quart seulement des recours émane de patients et la moitié des médecins
poursuivis.
205
Article L. 4124-1 du CSP.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
110
besoins budgétaires des chambres sont ainsi établis par les conseils
régionaux, sans que soit garanti un traitement équitable entre les
juridictions. Dès lors que les chambres disciplinaires ne bénéficient pas de
ressources identifiées, qu’elles ne disposent pas d’un budget propre et que
l’ordre n’a pas développé d’outil de comptabilité analytique, leur coût de
fonctionnement global n’est pas précisément connu.
Il peut toutefois être évalué à près des 2/3 du budget des conseils
régionaux, soit un peu plus de 6,5 M€. Le budget de la CDN, qui fait quant
à lui l’objet d’un chiffrage annuel, se monte en moyenne à 1,8 M€ par an
(soit moins de 2 % des dépenses de l’ordre dans son ensemble).
Une circulaire du Conseil national du 26 novembre 2014 a certes
invité les conseils régionaux à prévoir, pour le fonctionnement des
chambres, des lignes budgétaires différenciées faisant apparaître le salaire
des greffiers ainsi que les indemnités allouées aux assesseurs. Mais ces
consignes, insuffisamment respectées et peu contrôlées, n’ont pas permis
au Conseil national de détecter des disparités, voire des anomalies patentes,
concernant notamment les rémunérations des assesseurs. Les anomalies ne
sont pas davantage identifiées par les présidents de chambre, rarement
associés par l’ordre à la gestion de leur juridiction et isolés dans l’exercice
de leur mission206
.
3 - Des assesseurs souvent largement indemnisés
La loi autorise le versement d’indemnités aux assesseurs, comme à
tout membre de l’ordre qui assure une mission ponctuelle207. De fait, les
assesseurs sont toujours indemnisés.
En dépit de la préconisation faite en 2013 par la mission d’inspection
des juridictions administratives d’unifier les rémunérations des assesseurs
et des rapporteurs afin de rendre plus attractives les fonctions
juridictionnelles, celles-ci sont restées très hétérogènes. La rémunération
pour participation à l’audience208
peut varier du simple au triple, de 80 €
en Aquitaine à plus de 240 € en PACA-Corse. La rémunération au rapport
peut, quant à elle, varier du simple au décuple : de 50 € dans le Centre ou
l’Alsace à 540 € en Lorraine pour les dossiers les plus complexes.
Par ailleurs, s’il est possible de rémunérer différemment, comme en
Basse-Normandie, un assesseur-simple et un assesseur-rapporteur, le
206 Aucune réunion des présidents de juridiction n’a eu lieu depuis juin 2015.
207
Article R.4125-9 du CSP.
208
Une audience se tient sur ½ journée.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 111
cumul des indemnités d’audience et des indemnités de rapporteur est quant
à lui sujet à caution. Telle est en tout cas l’analyse de la chambre
disciplinaire nationale, au sein de laquelle les assesseurs sont rémunérés
241,50 € par audience, aucune indemnité spécifique n’étant versée au
rapporteur. Ce cumul est pourtant fréquent dans les juridictions de première
instance. Il aboutit à servir à des assesseurs des rémunérations pouvant
atteindre 747 € par audience dans une région, pour des cas complexes.
De tels montants sont très supérieurs au montant réglementaire des
indemnités versées, jusqu’en 2018, par les agences régionales de santé
(ARS) aux présidents de juridiction de première instance et fixées par
arrêté ministériel à 183 € par audience209, ce montant couvrant la
préparation de l’audience, sa tenue et la rédaction des jugements. Depuis
le 1er janvier 2019210, ce montant s’élève à 400 € par audience et son
paiement est à la charge de l’ordre.
4 - Un investissement inégal des présidents de chambre
dans l’organisation et la gestion de leur juridiction
Les magistrats présidant la chambre nationale étaient, quant à eux,
rémunérés par le Conseil national sur la base de montants librement fixés
par l’ordre, en l’absence de tout texte autorisant cette prise en charge,
comme cela a été constaté par la Cour pour d’autres ordres des professions
de santé.
La réforme amorcée en 2017211
, suite aux recommandations de la
Cour formulées à l’occasion du contrôle de l’ordre des chirurgiens-
dentistes, a permis de donner une base légale à ces rémunérations et de
réévaluer substantiellement le montant des indemnités versées aux
présidents de chambres de première instance, dont le montant constituait
un frein aux candidatures et pouvait expliquer de longues phases de
vacances de poste dans certaines chambres.
Les modalités de rémunération par audience n’ont pas incité à une
organisation efficiente des juridictions. Certaines ont en effet pris le parti
– plus rémunérateur – d’augmenter le nombre d’audiences et de limiter le
nombre de dossiers par audience212
. D’autres ont pu traiter en audience des
209 Arrêté du 28 août 2007 modifié par un arrêté du 3 juillet 2014.
210
Arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget du 3 mai 2018.
211
Ordonnance du 27 avril 2017 et arrêté du 3 mai 2018.
212
Exemple d’une région de la moitié nord de la France qui a limité à deux le nombre
de dossiers par audience alors qu’il est de quatre en moyenne ailleurs.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
112
affaires relevant d’une ordonnance. Ainsi, de simples désistements de
plainte213
ou des rejets de plainte pour irrecevabilité ont été « audiencés »
et jugés dans un délai deux fois supérieur au délai légal, alors qu’ils
auraient pu être réglés par ordonnance214
. Or, les magistrats ne sont pas
rémunérés lorsqu’ils statuent par ordonnance, tandis que l’ensemble des
membres de la chambre le sont en cas d’audience.
Dans les faits, une majorité de présidents se rendent en juridiction
pour présider les audiences ou signer des ordonnances ainsi que pour retirer
les dossiers en état d’être jugés, laissant de facto les personnels de greffe
gérer et organiser seuls la juridiction. Peu nombreux sont les présidents qui
participent à l’évaluation de ces derniers ou à leur recrutement. À peu près
aucun ne connaît l’outil informatique de gestion des procédures qui a été
déployé dans tous les greffes de l’ordre.
La nomination de présidents suppléants aux côtés des titulaires, dans
toutes les CDPI, devrait être de nature à remédier à ces difficultés, d’autant
que le volume des dossiers de plusieurs CDPI est amené à fortement
augmenter à la suite de la fusion des régions – et donc des chambres
disciplinaires – intervenue en février 2019.
5 - Une modernisation nécessaire
La nomination de magistrats à la présidence des chambres
disciplinaires, la mise en place d’un logiciel de suivi des affaires par les
greffes et la professionnalisation progressive des personnels de greffe ont
contribué à améliorer la qualité des décisions rendues par les juridictions
ordinales. Mais la forte proportion d’annulations en appel, la faiblesse voire
l’inexistence de l’instruction, ou encore la quasi-absence de liens
entretenus avec les juridictions pénales dans les affaires les plus graves où
ce serait nécessaire, démontrent que la justice ordinale n’a pas encore
atteint un niveau de maturité et de professionnalisme suffisant. Les
pouvoirs qui lui sont conférés – dont celui de suspendre ou radier un
médecin – imposent pourtant un haut degré d’exigence.
L’augmentation constante de l’activité des chambres disciplinaires
renforce ce besoin, de même que la technicité croissante des contentieux,
l’intervention plus fréquente d’avocats spécialisés et le souhait d’une plus
grande transparence exprimé par les médecins autant que par les patients.
213 CDPI Aquitaine, n° 1495, du 26 juin 2018.
214
CDPI Aquitaine, n° 1543 et n° 1544, 26 juin 2018.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 113
Les efforts engagés pour harmoniser les jurisprudences des
différentes chambres disciplinaires de première instance doivent être
poursuivis. Avec la mise en place de l’outil Thémis, l’accès à la
jurisprudence a été simplifié mais le moteur de recherche utilisé est jugé
peu performant par de nombreux greffiers, les assesseurs n’y ayant quant à
eux pas accès215
.
Le manque de performance des outils communs aux juridictions
ainsi que des échanges limités avec la chambre disciplinaire nationale
expliquent l’insuffisante harmonisation des sanctions216
rendues pour des
faits portant sur des griefs identiques.
Le greffe de la chambre disciplinaire nationale a relevé à ce sujet
« l’absence de corrélation entre les manquements sanctionnés et le
quantum de la sanction ».
Ces constats plaident pour qu’un effort particulièrement vigoureux
soit consenti en matière de formation des personnels et des conseillers de
ces juridictions et pour que des échanges entre présidents de chambres
disciplinaires soient organisés régulièrement.
B - Des conditions d’indépendance et d’impartialité
des juridictions imparfaitement remplies
La professionnalisation et l’indépendance des juridictions ordinales
ont été sensiblement confortées depuis 2017, avec un renforcement du
régime d’incompatibilité applicable au président de la chambre
disciplinaire nationale ou aux assesseurs des chambres de première
instance217
et la fixation par arrêté du montant des indemnités allouées aux
présidents des chambres disciplinaires218
.
215 Les assesseurs ont accès à des informations sur l’intranet de l’ordre, via un moteur
de recherche également inopérant.
216
Pour mémoire, les chambres disciplinaires peuvent prononcer quatre types de sanctions :
l’avertissement, le blâme, l’interdiction d’exercer totale ou partielle, la radiation.
217
Incompatibilité des fonctions de conseiller d’État chargé d’assister le Conseil
national avec celles de président de la chambre disciplinaire ; incompatibilité également
entre les fonctions de président ou de secrétaire général d’un conseil et celle d’assesseur
à la chambre disciplinaire de première instance (ordonnance n° 2017-644 du
27 avril 2017 codifié à l’article L. 4122-3 du CSP).
218
Art. 2 de l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017, codifié à l’art. L. 4124-7 du CSP.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
114
Ces mesures, qui constituent une indéniable garantie de plus grande
indépendance des juridictions, ont été prises malgré l’opposition du
Conseil national de l’ordre.
1 - Un positionnement ambigu des personnels de greffe
Le personnel de greffe est placé sous l’autorité fonctionnelle du
président de la juridiction qui définit ses missions. Cette indépendance, qui
découle d’une disposition légale, est en effet une condition essentielle de
l’indépendance des chambres disciplinaires.
Dans la plupart des régions, ces salariés assument tour à tour des
fonctions de greffe de la chambre disciplinaire et d’agent administratif du
conseil régional ou d’un conseil départemental, à l’exception notable de
Auvergne-Rhône-Alpes. Un même salarié peut ainsi participer, au sein
d’un conseil départemental, à la rédaction des procès-verbaux de
conciliation et des plaintes, avant d’instruire ces mêmes plaintes et
d’assister aux audiences et aux délibérés en tant que greffier à la chambre
disciplinaire.
Cette dualité de fonctions, justifiée par le faible volume d’activité
de certaines chambres219, peut cependant poser des difficultés de
positionnement aux personnels concernés, placés sous la double autorité
du président du conseil de l’ordre et du président de la chambre
disciplinaire.
Cette situation devient particulièrement délicate lorsque ces salariés
ont des liens familiaux avec les élus ordinaux pouvant faire peser un doute
sur l’indépendance des travaux de la juridiction. Ainsi, dans trois régions,
la greffière de la chambre disciplinaire se trouvait être la fille d’un
assesseur, également membre du conseil régional et président ou secrétaire
général d’un conseil départemental de ladite région – voire dans un cas
membre du bureau du Conseil national220
.
219 18 chambres sur 25 comptent moins de 50 affaires enregistrées par an
(chiffres 2017).
220
Selon l’ordre, il aurait été récemment mis fin à ces situations.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 115
2 - Des conseils régionaux qui peuvent entraver
le bon fonctionnement des juridictions
a) A la CDPI d’Ile-de-France, un manque de personnel et une faille
dans la sécurité informatique des dossiers en cours et archivés
En Ile-de-France, le nombre d’affaires jugées a diminué entre 2015
et 2017, passant de 348 à 307. Parallèlement, le délai de jugement a
augmenté de quatre mois et le nombre d’affaires en instance de jugement
représente désormais une année d’activité.
Cette dégradation s’explique par la complexité croissante des
dossiers mais également par le choix, lié en partie à un manque d’effectifs
au greffe, de ne pas organiser de nouvelles audiences. Son effectif est de
quatre personnes, quand la chambre nationale, qui a traité 394 dossiers en
2017, compte quatre juristes expérimentés et six secrétaires.
Parallèlement, un effort a été fait pour dématérialiser les procédures.
Les nouveaux dossiers ont ainsi été numérisés et rendus accessibles sur des
tablettes lors des audiences. Cette dématérialisation a cependant été
réalisée sur un serveur commun au greffe, auquel le président, le trésorier
et le secrétaire général avaient accès depuis leur ordinateur. Aucune
confidentialité des affaires n’était donc assurée. Ce n’est que sur la
recommandation de la Cour, à l’occasion du contrôle, que les accès ont été
bloqués en octobre 2018.
Les dossiers physiques, confidentiels, étaient quant à eux classés
dans des armoires non sécurisées, facilement accessibles aux élus ordinaux
jusqu’en fin d’année 2018. C’était également le cas en PACA-Corse, à
La Réunion ou encore dans en Pays-de-la-Loire.
b) A la CDPI de Lorraine, une situation de crise illustrant
les difficultés d’indépendance de certaines CDPI
En Lorraine, les relations très tendues entre le président du conseil
régional et la greffière, ont abouti en novembre 2018 à une crise
préjudiciable au bon fonctionnement de la chambre disciplinaire : les
travaux de la juridiction ont été totalement interrompus pendant trois
semaines, à la suite de la saisie par un huissier, à la demande du président
du conseil régional de l’ordre, de l’ordinateur de la juridiction, dans le
cadre d’une procédure de licenciement lancée à l’encontre de la greffière.
Les magistrats de la CDPI ont été mis devant le fait accompli.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
116
Cette situation illustre la nécessité d’assurer aux greffiers une réelle
indépendance vis-à-vis des élus du conseil régional. À cet égard, le
nouveau règlement intérieur du Conseil national, adopté en décembre
2018, qui prévoit d’associer les présidents de juridiction aux décisions
concernant les greffiers, représente un progrès. Il convient d’aller plus loin
en confiant au niveau national la gestion de ces personnels et en
harmonisant leur niveau de rémunération sur le territoire national.
3 - Des problèmes récurrents d’impartialité
au sein des formations de jugement
La composition des chambres disciplinaires porte en elle des risques
de défaut d’impartialité et de conflits d’intérêt, les assesseurs pouvant se
trouver en position de juge et partie quand est jugé un confrère inscrit au
conseil départemental dont ils sont élus.
Conscients de ces risques, le Conseil national et la chambre
disciplinaire nationale ont diffusé en 2014 une charte déontologique des
membres des juridictions221 fixant des règles d’incompatibilité et des
recommandations de déport222.
En dépit de ces précautions, la chambre d’appel a annulé en 2017,
pour partialité de la composition de formation de jugement, 13 décisions
rendues dans au moins huit juridictions. Aucune poursuite n’a cependant
été engagée – ni même aucun rappel à l’ordre formalisé – à l’encontre des
médecins ayant siégé dans ces conditions contrevenant à la charte de
déontologie.
En 2017, deux ordonnances ont renforcé le régime des
incompatibilités, en prohibant le cumul des fonctions223
de président et de
secrétaire général d’un conseil avec celle d’assesseur. Ces dispositions ne
s’appliquent qu’au fur et à mesure des remplacements découlant des
élections. En décembre 2018, 23 élus répartis dans 17 chambres
disciplinaires étaient encore officiellement à la fois assesseur et président
ou secrétaire général de conseils régionaux224.
221
CNOM/CHDN/3/04/2014.
222
Une décision de la chambre disciplinaire nationale du 26 mai 2015 a ensuite interdit
la présence, dans une formation de jugement, d’un assesseur membre du même conseil
départemental que celui au tableau duquel le praticien jugé est inscrit.
223
Articles L. 4122-3 et L. 4124-7 du CSP.
224
Dans six CDPI (Antilles-Guyane, Basse-Normandie, Champagne-Ardenne, Haute-
Normandie, Lorraine et Pays-de-la-Loire) ce sont à la fois le président et le secrétaire
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 117
Afin d’assurer une plus grande impartialité des chambres
disciplinaires et de garantir effectivement leur indépendance vis-à-vis des
organes administratifs de l’ordre, il conviendrait d’interdire la nomination,
aux fonctions d’assesseur, des élus ordinaux en poste ou ayant exercé des
fonctions ordinales dans les trois dernières années.
Cette rupture du lien existant aujourd’hui entre les fonctions
d’assesseurs et d’élus ordinaux serait au bénéfice de l’exemplarité et du
professionnalisme des élus. Si de nombreux assesseurs s’impliquent dans
leurs fonctions avec la conscience de la responsabilité supplémentaire qui
leur incombe, d’autres font preuve d’un comportement critiquable. Le
respect scrupuleux des règles de déontologie est particulièrement
nécessaire pour ceux qui sont chargés de juger leurs pairs et de faire
respecter la déontologie médicale.
Exemples de manquements déontologiques
de la part d’assesseurs
40 décisions disciplinaires ont été annulées entre 2015 et 2017 du
fait de la partialité de la composition de la formation de jugement.
Certains assesseurs font montre d’une indulgence difficile à justifier
vis-à-vis de confrères qu’ils sont réputés juger impartialement : dans deux
cas, des élus ont siégé en CDPI en qualité d’assesseur alors qu’ils
connaissaient personnellement le médecin poursuivi (cas en PACA-Corse
en 2013, en Lorraine en 2018) ; d’autres élus, dans des conseils
départementaux, comme à Paris, ont retardé l’engagement de poursuites
disciplinaires contre des médecins accusés d’agressions sexuelles ou de
viols225
, ces poursuites n’intervenant bien souvent qu’après l’engagement
des poursuites judiciaires, voire après la condamnation pénale desdits
médecins.
général du CROM qui étaient assesseurs. Les CROM de Normandie et des Pays de la
Loire ont mis fin à ce cumul en 2019.
225
« En s’abstenant de transmettre l’un ou plusieurs des courriers dont il avait été saisi
avant 2004 au conseil régional […] et sans établir ni même alléguer l’existence d’un
intérêt général justifiant cette abstention, [le CDOM de Paris] a commis une faute de
nature à engager sa responsabilité » (Cour d’appel de Paris, décision n° 11PA03595
condamnant en octobre 2012 le CDOM de Paris à verser à l’une des victimes d’un
gynécologue parisien la somme de 3 000 €, dans le cadre de l’affaire mentionnée au
II C supra).
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
118
Dans un cas au moins, un assesseur, condamné pénalement, continue
à siéger et à juger ses pairs. Conseiller ordinal du Sud de la France, il a été
condamné pour travail illégal par le tribunal correctionnel en 2013 – il avait
été mis en examen pour avoir délivré un faux arrêt maladie à un maçon tout
en l’employant – ; il a conservé ses fonctions ordinales et a été élu en qualité
d’assesseur à la chambre disciplinaire de sa région.
La Cour a identifié d’autres cas d’assesseurs trop complaisants à
l’égard des confrères qu’ils jugent (au moins cinq cas) et d’assesseurs ayant
violé les règles déontologiques dont ils doivent être les garants (au moins
cinq cas également).
Ces exemples plaident pour que la fonction d’assesseur soit rendue
incompatible avec celles d’élu ordinal et pour qu’une enquête de moralité
approfondie soit effectuée avant la désignation des assesseurs.
C - Des évolutions procédurales nécessaires
1 - Des pouvoirs d’instruction insuffisamment utilisés
par les rapporteurs
Les chambres disciplinaires ne disposent que rarement
d’informations relatives à la situation des médecins poursuivis, aux
plaintes dont ils ont pu faire l’objet antérieurement ou à d’éventuelles
autres procédures en cours les concernant. Porter à la connaissance des
rapporteurs et des magistrats, outre les précédentes décisions rendues par
la juridiction ordinale, l’existence de faits antérieurs, surtout quand ils sont
similaires, serait pourtant de nature à éclairer leur jugement, notamment
dans les affaires où la charge de la preuve est difficile à apporter, comme
les affaires de mœurs ou de refus de soins.
À tout le moins, l’absence de transmission systématique de ces
informations aux chambres disciplinaires pourrait être compensée par la
réalisation « en routine » d’actes d’instruction visant à s’assurer de la
complétude des dossiers. Les rapporteurs ont en effet le pouvoir d’entendre
les parties, de recueillir tous témoignages et de procéder à toutes
constatations utiles à la manifestation de la vérité226
, pouvoirs qu’ils
n’exercent que très rarement. De plus, la juridiction disciplinaire peut,
contrairement à la juridiction administrative, se fonder sur des faits
nouveaux connus au cours de la procédure et tenir compte de l’ensemble
du comportement d’un praticien sans devoir se limiter aux seuls faits
dénoncés dans la plainte227
. À l’exception de la chambre disciplinaire de
226 Article R. 4126-18 du CSP.
227
CE 29 janvier 1997, CPAM de Rouen, CE 19 octobre 1956, Princeteau.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 119
Rhône-Alpes, dont les assesseurs entendent chaque partie avant l’audience,
rares sont les rapporteurs à approfondir l’instruction.
2 - Une forte proportion de décisions annulées en appel
En 2011 déjà, la Cour s’interrogeait sur la qualité de la préparation
des décisions juridictionnelles, compte tenu de la proportion très élevée
d’annulation en appel des décisions des chambres de première instance,
alors même que celles de la chambre nationale n’étaient quasiment jamais
remises en cause par le Conseil d’État en cassation.
La situation n’a guère évolué, comme le montre le tableau ci-après.
Sur les 292 affaires examinées en 2017, seules 39 % ont été confirmées par
la Chambre disciplinaire nationale (CDN).
Tableau n° 7 : sens des décisions de la Chambre
disciplinaire nationale
2012 2013 2014 2015 2016 2017
Nombre d’affaires
jugées
267 236 265 279 302 292
dont confirmations
130
(49 %)
123
(52 %)
130
(49 %)
130
(47 %)
137
(45 %)
115
(39 %)
dont réformations
45
(17 %)
31
(13 %)
39
(15 %)
52
(18 %)
54
(18 %)
45
(15 %)
dont annulations
85
(32 %)
75
(32 %)
82
(31 %)
92
(34 %)
104
(35 %)
92
(32 %)
dont annulations
partielles
7
(2 %)
7
(3 %)
14
(5 %)
5
(1 %)
7
(2 %)
40
(14 %)
Source : CNOM
La moitié des décisions annulées par la chambre disciplinaire
nationale l’ont été pour vice de forme ou de procédure, en raison d’un
manque d’impartialité de la composition de jugement ou en raison de la
qualité même des jugements : insuffisance de motivation, non prise en
compte de certains griefs, défaut d’analyse de la validité de la plainte et de
la qualité à agir notamment.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
120
Ces mauvais résultats s’expliquent par l’absence de formation de
certains personnels de greffe, le manque de formation spécifique des
assesseurs228
ou encore le faible volume de dossiers examinés par certaines
chambres.
Une meilleure formation juridique des assesseurs et des personnels
départementaux, une analyse juridique systématique par le Conseil national
de l’ensemble des décisions des chambres de première instance, ainsi que
la capacité pour la chambre disciplinaire nationale de soulever d’office
certains griefs seraient de nature à faire baisser sensiblement le nombre
d’annulations pour vice de procédure.
3 - Des adaptations indispensables du cadre législatif
et règlementaire
La modernisation de la justice ordinale ne dépend pas seulement de
la capacité de l’ordre à s’améliorer, à moderniser ses outils et à former ses
personnels et ses élus. Pour répondre aux attentes des justiciables, elle
passe également par une modification du cadre législatif et réglementaire
qui lui est applicable.
a) Clarifier la notion de « doléance »
Le ministère de la santé partage l’analyse de la Cour selon laquelle
il n’appartient pas aux conseils départementaux de l’ordre de procéder à
une qualification des courriers adressés à l’ordre par les patients, un tel tri
entre « doléances » et « plaintes » étant de nature à nuire « manifestement
à la prise en charge exhaustive et juste des plaintes que les usagers ont
entendu porter ».
Pour faciliter le traitement du volume des courriers de signalement
souvent hétérogènes, et dans l’intérêt des patients, il conviendrait de faire
obligation à l’ordre d’accuser réception de l’ensemble des signalements
reçus et d’aviser leurs auteurs de la possibilité de déposer une plainte en
bonne et due forme si tel est leur souhait.
Enfin, par souci de transparence, il doit être demandé à l’ordre de
rendre compte publiquement chaque année du nombre de courriers de
signalement reçus, en distinguant les plaintes des « doléances » et en
indiquant le nombre de plaintes ayant fait l’objet de conciliation.
228 En 2013, le président de la CDN avait exprimé son opposition à la proposition de la
MIJA de mettre en place des formations annuelles d’assesseurs assurées par la CDN.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 121
b) Dématérialiser intégralement les procédures
Si la dématérialisation des procédures est effective devant les
juridictions administratives et en cours de déploiement pour les sections
des assurances sociales, elle n’a pas encore été engagée par les juridictions
disciplinaires. De ce fait, les conseils départementaux de l’ordre consacrent
un temps précieux à mettre en forme et reproduire en cinq exemplaires229
les dossiers de plainte destinés aux chambres disciplinaires. Ce travail
fastidieux, consommateur de temps et coûteux230, entraîne de fréquents
retards dans la transmission des plaintes.
Les fonctionnalités du logiciel de suivi des procédures permettent
pourtant la saisie de pièces dématérialisées, mais elles ne sont aujourd’hui
guère utilisées.
c) Réviser les règles d’appel
Il résulte des principes généraux du droit qu’une sanction infligée
en première instance ne peut pas être aggravée par le juge d’appel s’il n’est
saisi que du seul recours du médecin sanctionné. A l’inverse, si l’appel est
introduit par un autre que le médecin poursuivi, le juge d’appel, même s’il
constate l’absence de faute, ne peut prononcer de peine plus légère que
celle prononcée en première instance.
Le juge d’appel disciplinaire est ainsi lié par des règles procédurales
qui peuvent aboutir à léser les plaignants aussi bien que les médecins
poursuivis. Un jugement d’appel rendu le 27 juin 2012231
sur une décision
de la chambre disciplinaire d’Ile-de-France ayant condamné un médecin à
un blâme, pour défaut de soins consciencieux et dévoués, est à cet égard
illustratif. La chambre d’appel relève que le « comportement gravement
fautif [du Dr X] aurait justifié une sanction nettement plus importante que
celle du blâme qu’ont retenue à son encontre les premiers juges, mais qu’en
l’absence d’appel a minima de la plaignante, il n’est pas possible au juge
d’appel de se prononcer ; qu’il en résulte que les appels du Dr. X et du
conseil départemental de Seine-et-Marne doivent être rejetés ».
Afin de permettre à la chambre disciplinaire nationale d’exercer la
plénitude de ses compétences, sur le fond comme sur le quantum de
sanction prononcée, il est indispensable, en l’état actuel des textes, que les
229
Selon les préconisations du CNOM du 10 octobre 2018, en référence aux articles
R. 411-3 et R. 411-4 du code de justice administrative.
230
Frais de personnel, fournitures, frais postaux et lieux de stockage.
231
Chambre disciplinaire nationale n° 11119.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
122
conseils départementaux – ou le Conseil national de l’ordre – fassent eux-
mêmes appel, à la suite de l’appel formé par un médecin condamné en
première instance. Or, en 2017, cette faculté n’a été exercée que dans 4 %
des affaires. Les médecins sanctionnés ont donc tout intérêt à faire
systématiquement appel, puisque, dans 96 % des affaires, la sanction
prononcée en première instance n’a pu être aggravée du fait de l’ordre.
Des consignes claires mériteraient d’être diffusées par le Conseil
national aux conseils territoriaux, d’une part pour rappeler ces règles
procédurales singulières encore ignorées de nombreux élus, d’autre part
pour harmoniser les pratiques des conseils en matière disciplinaire.
Par ailleurs, et comme le suggère l’ordre lui-même, il semblerait
opportun de revoir les délais de recours pour permettre aux parties pouvant
interjeter appel de disposer d’un temps de réflexion suffisant. En l’état
actuel des textes, ce délai n’est que de trente jours, alors que le délai de
droit commun est de deux mois.
d) Permettre l’examen des plaintes à l’encontre des médecins chargés
d’une mission de service public
Les plaintes de patients ou de médecins à l’encontre des médecins
chargés d’une mission de service public, souvent des hospitaliers, bien
qu’en augmentation, ne sont pas recevables232.
Le Conseil national recommande cependant aux conseils
départementaux de proposer une conciliation, même si elle n’est pas prévue
par les textes. La procédure n’aura pas d’autre suite si la conciliation
n’aboutit pas, la plainte ne pouvant pas être transmise à la chambre
disciplinaire, sauf à ce que le CDOM l’endosse. L’application de ces
consignes s’est révélée très hétérogène.
Afin de garantir aux plaignants une équité de traitement, tous les
médecins devraient être soumis aux mêmes règles procédurales, à
l’exception toutefois de ceux chargés d’une mission d’expertise ou de
contrôle afin d’éviter les procédures abusives.
232 Aux termes de l’article L. 4124-2 du code de la santé publique, seuls le ministre de
la Santé, le préfet, le directeur général de l’ARS, le procureur de la République, le
CNOM ou le CDOM au tableau duquel le praticien est inscrit peuvent saisir la CDPI.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 123
e) Gérer les plaintes sérielles
La justice disciplinaire de l’ordre a été saisie, à plusieurs reprises
ces dernières années, de plaintes « sérielles » telles que les juridictions
administratives ou judiciaires ont pu en connaître notamment en matière de
santé publique ou d’environnement : plaintes portées contre les traitements
de la maladie de Lyme, plaintes contre des médecins « anti-vaccins » ou,
plus récemment, plaintes contre les médecins opposés au remboursement
de certaines médecines dites « alternatives » dont l’homéopathie233
.
Ces plaintes multiples concernent des faits communs et visent
plusieurs médecins répartis dans plusieurs régions, ce qui occasionne de
nombreuses saisines identiques de plusieurs chambres disciplinaires.
En pareilles circonstances, il paraît souhaitable, pour une
administration plus efficace et plus rapide de la justice disciplinaire, de
prévoir une disposition légale permettant au président de la chambre
disciplinaire nationale de désigner une seule chambre disciplinaire de
première instance pour statuer sur l’ensemble de ces plaintes234.
f) Publier les décisions rendues
Certains pays ont fait le choix, dans un souci de transparence destiné
à assurer la sécurité des patients et garantir l’effectivité des décisions de
justice, de rendre publiques les décisions de suspension ou radiation. La
France devrait s’en inspirer pour imposer la publication, sur le site de
l’ordre des médecins, des mesures de radiation et de suspension d’exercer
et permettre au public d’y effectuer des requêtes par nom.
La publicité des sanctions prononcées :
deux exemples étrangers
Au Royaume-Uni, le Medical Act de 1983 a donné au General
Medical Council, dans l’intérêt du public, le pouvoir de révéler des
informations sur les médecins ayant des pratiques dangereuses. Les
décisions de suspension ou de radiation sont ainsi publiées sur le site
internet du GMC et une circulaire mensuelle de ces décisions est aussi
transmise aux autorités compétentes britanniques et à certaines autorités
d’autres pays. Le public peut faire une recherche sur un praticien par son
nom ou son numéro de référence et peut trouver sur le site toutes les
sanctions qui ont été prononcées à son encontre.
233 Une cinquantaine de médecins à travers la France sont concernés pour avoir signé
une tribune dans Le Figaro.
234
À l’instar des pôles de santé publique en matière pénale.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
124
Au Québec, les limitations ou suspensions du droit d’exercice, les
radiations du tableau de même que les révocations doivent être
communiquées à l’Office des professions qui publie ensuite dans la Gazette
officielle du Québec toute décision définitive de radiation permanente ou de
révocation d’un permis d’un professionnel235
. Plus généralement, toutes les
procédures disciplinaires ayant donné lieu à un jugement sont accessibles
sur un site internet ad hoc qui présente à la fois les décisions rendues et le
déroulement de l’audience.
Il en va différemment en France. Les décisions rendues par les
chambres disciplinaires sont affichées dans les locaux de l’ordre. Le public
n’en est donc pas informé. Par exception, la chambre disciplinaire de
Poitou-Charentes publie sur le site internet du conseil régional une
synthèse non anonyme des décisions rendues. La chambre de PACA-Corse
publie, quant à elle, des résumés anonymisés complets des dossiers et des
décisions rendues.
Si le prononcé d’avertissements ou de blâmes à l’encontre de
médecins est sans incidence pour les patients, il en va tout autrement des
suspensions d’exercice et des radiations.
Or, rien ne permet aujourd’hui à un patient de s’assurer que le
médecin qu’il consulte est autorisé à exercer. Seul le fait qu’il ne figure pas
sur l’annuaire des médecins mis en ligne par le Conseil national indique
qu’un médecin est suspendu ou radié.
IV - Une transformation à opérer
L’ampleur des désordres constatés tant dans la gestion que dans
l’accomplissement des missions invite à un changement profond du
fonctionnement de l’ordre des médecins et à une révision de son modèle de
gouvernance, qui aurait avantage à s’ouvrir en s’inspirant de modèles tant
français, dans d’autres organismes, qu’étrangers.
235 En termes de protection du public, le Collège des médecins a d’ailleurs pris
l’initiative de fixer une sanction minimale automatique à l’encontre des médecins pour
inconduite sexuelle. Auparavant, les sanctions s’appuyaient sur une jurisprudence
complaisante. Aujourd’hui, la sanction minimale est de cinq ans de radiation et toute
atténuation doit être justifiée.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 125
A - Une nécessaire recentralisation au niveau national
des responsabilités stratégiques
L’organisation décentralisée adoptée par l’ordre a conduit à confier
aux conseils départementaux et régionaux des responsabilités et des
moyens importants qui, à défaut de contrôle interne et de vigilance, ont
abouti à des abus et des désordres. De surcroît, le Conseil national n’a pas
exercé les pouvoirs dont il pouvait disposer en matière de gestion
financière et comptable, de budget ou de surveillance du patrimoine.
Un rétablissement de la situation passe d’abord par la reprise en
main, par le Conseil national, des leviers en matière de gestion financière
et de ressources humaines.
Repenser le circuit d’appel et de recouvrement des cotisations est
prioritaire : c’est au Conseil national qu’il revient de recouvrer la totalité
des cotisations, et de reverser ensuite, à chacun des échelons territoriaux,
la quote-part qui lui revient. Cette mesure dont l’ordre, suite au contrôle de
la Cour, semble envisager la mise en place à compter de 2020, permettrait
de recouvrer et comptabiliser plus rigoureusement les cotisations, d’allouer
aux différents conseils territoriaux des ressources financières mieux
calibrées à leurs besoins et d’optimiser la gestion de la trésorerie.
En matière de ressources humaines, une politique nationale est
nécessaire, afin d’harmoniser les procédures de recrutement ou de fin de
contrat, les salaires et les conditions de travail encadrées par une même
convention collective. Elle mettrait également un terme au paternalisme ou
népotisme constaté dans plusieurs conseils, que les développements
précédents ont illustré.
La remise en ordre passe ensuite par la fin de la personnalité civile
accordée par le législateur aux conseils territoriaux, qui a conduit à trop
d’abus pour ne pas être remise en cause.
Le Conseil national doit seul bénéficier de la personnalité civile et
être responsable de l’ensemble des missions de l’ordre, charge à lui de
déléguer aux conseils territoriaux la mise en œuvre de certaines missions
dans le cadre d’un mandat strict. Tous les ordres des professions de santé
sont concernés. Le Conseil national a décidé de reprendre intégralement à
son niveau la mission de suivi des relations médecins-industrie, délaissée
par les conseils départementaux. À l’évidence, il convient d’aller plus loin
pour garantir la sécurité des patients.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
126
C’est pour avoir perdu de vue ses missions de contrôle de l’aptitude
professionnelle des médecins et de leur respect de la déontologie que le
conseil de l’ordre britannique, le General Medical Council (GMC), a connu
une grave crise à la fin des années 90 avec l’affaire du Dr Shipman,
médecin généraliste reconnu coupable de la mort de plus de 200 patients.
Dans cette affaire, le GMC avait été accusé « de manquer de transparence,
de tolérer des pratiques ne respectant pas la déontologie et d’être guidé par
les intérêts de la profession plutôt que par ceux des patients236
». À la suite
de cette affaire, la sécurité des patients est devenue la priorité du GMC
(« patient safety first »).
B - L’ouverture de la gouvernance aux non médecins
Dans le sens d’un renforcement de la démocratie sanitaire, une
ouverture de la gouvernance de l’ordre à des personnes extérieures devrait
être mise en œuvre. En 2000, l’IGAS préconisait d’ailleurs déjà une
réflexion sur l’association de personnalités qualifiées représentant les
usagers afin de « limiter la tentation d’une confraternité excessive ».
Ces évolutions, qui ne sont d’ailleurs pas propres au monde des
ordres des professions de santé, se sont déjà concrétisées dans plusieurs
pays dont la France pourrait s’inspirer.
Une gouvernance mixte, voire paritaire, entre médecins et non
médecins, permettrait de mieux prendre en compte l’intérêt des patients.
Cette doctrine de protection des patients est au cœur des modèles
britannique, québécois et, dans une moindre mesure, belge.
Des modèles étrangers à gouvernance mixte ou paritaire
Au Royaume-Uni, le General Medical Council est dirigé par un
conseil paritaire de 12 membres, dont six seulement sont médecins. La
nomination des membres non professionnels est supervisée la Professional
Standards Authority.
Au Québec, le Collège des médecins de l’Office des professions a
une composition mixte de 15 membres médecins (11 à compter de 2021) et
quatre membres non médecins nommés par l’Office.
En Belgique, le président de l’ordre des médecins est un président de
section à la Cour de cassation. Les deux vice-présidents sont des médecins.
236 Rapport de Liam Donaldson, Chief Medical Officer for England, « Good Doctors,
Safer Patients », 2006.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 127
L’objectif premier de ces trois organismes étrangers est d’assurer la
sécurité des patients, quand celui de l’ordre des médecins français est de veiller
d’abord au respect des règles de déontologie ainsi qu’à la défense de l’honneur
et de l’indépendance de la profession. Cette différence est importante : le
contrôle des compétences et le processus de revalidation y sont plus rigoureux
qu’en France et les procédures disciplinaires, ci-avant évoquées, plus
transparentes, puisque les suspensions et les sanctions prononcées à l’encontre
de médecins sont systématiquement rendues publiques.
L’élargissement de la gouvernance doit concerner également les
commissions de conciliation et les chambres disciplinaires : les constats de la
Cour sur le traitement des plaintes militent en ce sens. L’introduction de non-
médecins au sein des chambres disciplinaires serait, quant à elle, de nature à
mieux prévenir les conflits d’intérêt. La mixité de la composition des
juridictionsordinalesexiste d’ailleurs déjàpour les masseurs-kinésithérapeutes
et les pédicures-podologues237, le législateur ayant, dès 2004, décidé
d’adjoindre aux membres des chambres disciplinaires de ces ordres deux
représentants d’usagers désignés par le ministère de la santé, pour siéger
lorsque les litiges concernent les relations entre professionnels et usagers.
De manière plus générale, en matière de gouvernance, c’est à un
ressaisissement que l’ordre est invité : la priorité doit être à la lutte contre
les abus de toutes sortes et les conflits d’intérêt, en matière de gestion
comme dans l’exercice de ses missions. La limitation du nombre des
mandats successifs est de nature à limiter les risques, comme la publication
des déclarations d’intérêt des élus ordinaux et le dépaysement de l’examen
de leurs contrats soumis à l’avis de l’ordre.
237 Articles L. 4321-15 et 17, et L. 4322-8 et 10 du CSP issus de la loi n° 2004-806 du
9 août 2004 relative à la politique de santé publique.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
128
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS____________
La tenue du tableau des médecins inscrits à l’ordre, bien qu’il soit
géré avec des outils dépassés, est une des missions essentielles de l’ordre
exercée de manière satisfaisante.
Toutefois, l’ordre des médecins n’assure pas toutes ses missions
administratives avec suffisamment de rigueur : il ne vérifie pas le respect
des obligations de développement professionnel continu (DPC) ; le
contrôle du respect par les médecins des règles déontologiques de la
profession, qui est la raison d’être de l’ordre, souffre de graves lacunes
notamment en matière de relations médecins industrie ; l’accès aux soins
n’est pas une priorité. Sur tous ces points, l’ordre, trop souvent, met en
avant la responsabilité des pouvoirs publics pour mieux justifier ses
propres manquements.
En outre, les plaintes de patients sont traitées de manière
hétérogène, parfois avec désinvolture et la justice disciplinaire est
empreinte d’importants dysfonctionnements.
L’insuffisante représentativité de l’ordre, l’esprit de bénévolat
parfois perdu de vue, le glissement des interventions de l’ordre hors du
champ de ses compétences, sur le terrain de la défense des intérêts de la
profession, qui relève du rôle des syndicats, invitent à revoir son modèle
de gouvernance, qui aurait avantage à s’ouvrir à la société civile en
s’inspirant de modèles étrangers.
Il est donc urgent de replacer la sécurité des patients au centre des
préoccupations de l’ordre des médecins, de modifier la gouvernance de
l’ordre en l’ouvrant à des personnalités qualifiées, d’améliorer le service
rendu aux médecins et d’achever la mutation de la justice disciplinaire.
Compte tenu de ces éléments, la Cour formule les recommandations
suivantes :
5. mettre en place un dispositif national de suivi et de relance des
déclarations de développement professionnel continu (DPC) des
médecins) (réitérée) (CNOM – ministère de la santé) ;
6. permettre un exercice partiel aux médecins affectés par une infirmité
ou une maladie à l’instar des dispositions applicables aux médecins
reconnus en insuffisance professionnelle (Ministère de la santé) ;
7. créer un portail unique mettant en cohérence les systèmes
d’information « Transparence Santé » et « anti-cadeaux » (Ministère
de la santé) ;
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
MAL ASSURÉES 129
8. faire de la lutte contre les discriminations dans l’accès aux soins une
priorité de l’ordre et doter la commission « refus de soins » des moyens
nécessaires, sur le budget de l’ordre (CNOM) ;
9. modifier le code de la santé publique pour (Ministère de la santé) :
- encadrer juridiquement le traitement des « doléances » ;
- rendre obligatoire le dépaysement du traitement de tout signalement
concernant un élu de l’ordre jusqu’à la saisine de la chambre
disciplinaire de première instance ;
- élargir les commissions de conciliation à des personnes tierces
extérieures à l’ordre pour traiter les cas de plaintes formulées par les
usagers ;
- permettre aux patients de porter plainte auprès de l’ordre contre tout
praticien, quel que soit son statut, à l’exception des médecins exerçant
une mission d’expertise ou de contrôle ;
10. rendre obligatoire la publication des mesures nominatives de
radiation ou de suspension d’exercer, le temps de la sanction, pour
améliorer la sécurité des patients (Ministère de la santé) ;
11. regrouper au Conseil national, qui serait seul doté de la personnalité
civile, toutes les décisions stratégiques (Ministère de la santé) ;
12. associer à la gouvernance du Conseil national, en tendant vers la
parité, des médecins et des non médecins (personnalités qualifiées,
magistrats, représentants d’association de patients, universitaires
notamment) désignés par une instance indépendante de l’ordre
(Ministère de la santé) ;
13. limiter à deux le nombre de mandats successifs au sein d’une même
instance (réitérée) (Ministère de la santé) ;
14. vérifier les déclarations d’intérêt des élus ordinaux et les publier sur
les sites internet des conseils de l’ordre (CNOM) ;
15. revoir le règlement intérieur de l’ordre pour rendre obligatoire le
dépaysement de l’examen des contrats d’un élu ordinal y compris avec
l’industrie (CNOM).
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Conclusion générale
L’ordre des médecins est chargé par la loi de veiller au maintien des
principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement
indispensables à l’exercice de la médecine et au respect, par tous les
médecins, des règles de déontologie médicale. Par ses missions, l’ordre est
donc également largement comptable de la qualité des soins offerts à la
population. En son sein, de nombreux élus exercent leurs fonctions
ordinales avec dévouement et sérieux.
La Cour avait effectué un premier contrôle de l’ordre en 2011, qui
l’avait conduite à formuler plusieurs recommandations.
À l’exception de la tenue du tableau, peu nombreux sont les progrès
réalisés par l’ordre des médecins depuis lors. La gravité et la fréquence des
dysfonctionnements relevés tant dans la gestion de l’ordre que dans
l’exercice des missions essentielles que la loi lui confère, ou encore les
manquements nombreux en matière de déontologie et de probité de ses
représentants tant au niveau national que territorial, sont de nature à mettre
au contraire en cause la confiance des médecins et des citoyens à son égard.
La tenue approximative des comptes, source d’opacité et terreau
propice aux fraudes relevées par la Cour, les abus de gestion, rendus
possibles par les lacunes dans le contrôle interne, les négligences dans la
gestion des cotisations des médecins, l’absence de procédures formalisées
pour les marchés ou la gestion immobilière, appellent à une remise en
ordre. Elle passe par une surveillance plus stricte des conseils
départementaux et régionaux par le Conseil national, au moyen d’une
gestion centralisée du recouvrement des cotisations et des biens de l’ordre,
d’un contrôle interne efficient, de la mise en place d’un cadre comptable,
financier et des procédures (marchés, ressources humaines, immobiliers,
indemnitaire), rigoureux, uniformément appliqués et respectés par les
échelons territoriaux de l’ordre. Cette remise en ordre doit s’accompagner
d’une transparence accrue et d’un renouvellement de ces instances,
favorisé par des règles plus strictes en matière de cumul, de représentativité
et de parité hommes-femmes.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
132
L’ordre doit se tourner résolument vers la défense de l’intérêt des
patients. Il apparaît à cet égard nécessaire d’élargir la gouvernance de
l’ordre, en l’ouvrant à des personnalités extérieures au monde médical,
notamment à des représentants de patients.
L’ordre doit également se donner les moyens d’exercer pleinement
les missions qu’il n’a pas assez investies, en particulier en matière
déontologique (contrôle du respect de l’obligation de formation continue
des médecins, contrôle des relations entre médecins et industriels, accès
aux soins, contrôle de l’insuffisance professionnelle, etc.) ou qu’il n’exerce
pas assez rigoureusement, comme en matière disciplinaire.
Au-delà des premières mesures issues des ordonnances de 2017, des
réformes complémentaires sont indispensables, aussi bien dans le champ
du fonctionnement administratif de l’ordre que dans celui de ses missions
juridictionnelles, selon quatre orientations : la représentativité et
l’ouverture de ses instances de décision ; le renforcement de l’exercice des
missions contribuant à la défense des intérêts des patients et à la qualité des
soins ; l’instauration d’un contrôle accru des comptes et de la gestion et
d’une plus grande transparence ; le développement des garanties d’un
procès équitable pour les justiciables des juridictions ordinales.
Remise en ordre et évolutions structurelles sont aujourd’hui
nécessaires : il en va de la confiance des citoyens dans notre système de
santé et envers les médecins.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Liste des abréviations
ACS ............ Aide pour une complémentaire santé
AFEM ........ Aide aux familles et entraide médicale
ARS ............ Agence régionale de santé
AVC ........... Accident vasculaire cérébral
CARMF ..... Caisse autonome de retraite des médecins de France
CDBF ......... Cour de discipline budgétaire et financière
CDN ........... Chambre disciplinaire nationale
CDOM ....... Conseils départementaux de l’ordre des médecins
CDPI .......... Chambre disciplinaire de première instance
CMU-C ....... Couverture maladie universelle complémentaires
CNG ........... Conseil national de gestion
CNOM ....... Conseil national de l’ordre des médecins
CROM ........ Conseil régional de l’ordre des médecins
CSP ............ Code de santé publique
DPC ............ Développement professionnel continu
ETP ............ Équivalent temps plein
GMC .......... General Medical Council
GPM ........... Groupe Pasteur Mutualité
IGAS .......... Inspection générale des affaires sociales
MIJA .......... Mission d’inspection des juridictions administratives du
Conseil d’État
PDG ........... Président directeur général
PU-PH……. Professeur des universités-praticien hospitalier
SAS ............ Section des assurances sociales
SCI ............. Société civile immobilière
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Réponses des administrations
et des organismes concernés
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sommaire
Réponse de la ministre des solidarités et de la santé............................... 139
Réponse du président du Conseil national de l'ordre des médecins........ 142
Réponse du président du conseil régional de l'ordre des médecins du
Grand Est................................................................................................ 152
Réponse de la présidente du conseil régional de l'ordre des médecins des
Hauts-de-France...................................................................................... 155
Réponse du président du conseil régional de l'ordre des médecins d’Île-de-
France ..................................................................................................... 155
Réponse du président du conseil régional de l'ordre des médecins de
Normandie .............................................................................................. 156
Réponse du président du conseil régional de l'ordre des médecins des Pays
de la Loire............................................................................................... 156
Réponse du président du conseil régional de l'ordre des médecins de
Provence-Alpes-Côte d’Azur.................................................................. 157
Réponse du président du conseil interrégional de l'ordre des médecins de
La Réunion-Mayotte............................................................................... 157
Réponse du président du conseil départemental de l’ordre des médecins
des Alpes de Haute-Provence ................................................................. 158
Réponse de la présidente du conseil départemental de l'ordre des médecins
des Alpes Maritimes ............................................................................... 160
Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de
l’Aveyron................................................................................................ 161
Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins du
Bas-Rhin................................................................................................. 161
Réponse de la présidente du conseil départemental de l'ordre des médecins
des Bouches-du-Rhône ........................................................................... 162
Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de
la Corse du Sud....................................................................................... 165
Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de
la Haute-Corse ........................................................................................ 165
Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de
l’Hérault.................................................................................................. 168
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
138
Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de
la Mayenne ............................................................................................. 170
Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de
Loire-Atlantique ..................................................................................... 170
Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de
Paris........................................................................................................ 172
Réponse de la présidente du conseil départemental de l'ordre des médecins
du Pas-de-Calais ..................................................................................... 177
Réponse du président du conseil départemental de l’ordre des médecins de
La Réunion ............................................................................................. 178
Réponse de la présidente du conseil départemental de l’ordre des médecins
du Rhône................................................................................................. 183
Réponse du président du conseil départemental de l’ordre des médecins de
la Sarthe.................................................................................................. 185
Réponse du président du conseil départemental de l’ordre des médecins de
la Seine-Saint-Denis ............................................................................... 185
Réponse du président du conseil départemental de l’ordre des médecins du
Var.......................................................................................................... 186
Destinataires n’ayant pas d’observation
Présidente du conseil interrégional de l'ordre des médecins d’Antilles
Guyane
Président du conseil départemental de l’ordre des médecins de la
Gironde
Destinataire n’ayant pas répondu
Ministre de l’action et des comptes publics
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSE DE LA MINISTRE DES SOLIDARITÉS
ET DE LA SANTÉ
Ce rapport, très documenté, traite aussi bien les missions et
l’organisation que le fonctionnement de l’ordre, à l’échelle nationale
comme départementale ou régionale, ainsi que les relations qu’il entretient
avec les pouvoirs publics.
Il constitue une base sur laquelle s’appuyer pour approfondir le
processus de consolidation du fonctionnement de l’ordre. Si, comme le
rapport l’indique, des évolutions ont récemment été enregistrées en lien
avec des recommandations faites dans le cadre des rapports précédemment
établis par la Cour, l’Inspection générale des affaires sociales ou la
Mission d’inspection des juridictions administratives du Conseil d’État, ce
processus ne peut être considéré comme achevé.
Les effets des mesures contenues dans les ordonnances des
16 février et 27 avril 2017 sont encore peu perceptibles, compte tenu de
leur publication récente et du temps incompressible nécessaire à la mise
en œuvre effective de certaines de leurs dispositions. Ces ordonnances sont
néanmoins de nature à modifier en profondeur l’organisation et le
fonctionnement de l’ordre, en particulier en matière d’organisation
territoriale rationalisée, de soumission aux règles de la commande
publique, d’introduction de la parité entre les hommes et les femmes ou
encore de limite d’âge pour pouvoir être candidat à une fonction ordinale.
Si le gouvernement a accordé aux ordres sur certaines mesures un
délai de mise en œuvre qui lui paraissait justifié, il en attend désormais la
meilleure appropriation et la mise en œuvre la plus complète et la plus
satisfaisante possible.
Ces ordonnances ne pourront néanmoins à elles seules répondre à
nombre de constats et de recommandations formulées par la Cour dans le
cadre du présent contrôle.
Le ministère des solidarités et de la santé devra continuer à être
acteur, en concertation avec l’ordre, du processus de consolidation
engagé.
De nouvelles dispositions répondant à des problématiques et des
recommandations formulées par la Cour ont été introduites dans le code
de la santé publique à l’occasion du vote de la loi relative à l’organisation
et la transformation du système de santé :
- l’extension à l’ensemble des ordres de santé, dont l’ordre des
médecins, d’une mission les amenant à contribuer « à promouvoir la
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
140
santé publique et la qualité des soins ». L’appropriation de cette
mission par l’ordre doit être renforcée par cette nouvelle disposition
législative ;
- les compétences des inspecteurs de la direction générale de la
concurrence, consommation et répression des fraudes ont par ailleurs
été élargies dans le cadre de la mise en œuvre du dispositif « anti-
cadeaux ». Ils disposent désormais d’un pouvoir d’habilitation à
rechercher et à constater les infractions au dispositif et à effectuer des
opérations de visite et de saisie.
La rédaction des textes réglementaires dont la publication est
attendue en application de l’ordonnance du 19 janvier 2017 dite « anti-
cadeaux » est désormais achevée. Ces textes seront publiés d’ici à la fin de
l’année, sous réserve de la réception de l’avis de la CNIL. Couplés à la
mise en œuvre d’ici au printemps 2020 d’un portail de télé-déclaration
permettant une mise en cohérence des systèmes d’information
« transparence santé » et « anti-cadeaux », ils compléteront l’arsenal
juridique permettant de mieux contrôler les relations et conflits d’intérêts
possibles entre les médecins et l’industrie.
Enfin, le ministère a rédigé un décret réformant les juridictions
ordinales, désormais examiné par le Conseil d’État, qui sera publié dans
les prochaines semaines. Ce texte comprend un ensemble de dispositions
pour améliorer le fonctionnement de la justice ordinale et reprend
plusieurs recommandations de la Cour (clarification des rôles des organes
administratifs et des chambres disciplinaires des ordres, capacité à statuer
sur des plaintes sérielles...).
Si la Cour invite le gouvernement à user de ses prérogatives pour
participer à la consolidation de l’organisation et du fonctionnement de
l’ordre, ce qu’il fait et continuera à faire, la grande majorité des constats
et recommandations formulés dans le rapport s’adresse à l’ordre.
Le rapport appelle manifestement des modifications profondes dans
les priorités d’action que l’ordre se donne pour remplir ses missions, dans
les rapports et les modalités de collaboration entre les différents niveaux
territoriaux et dans ses modes de fonctionnement internes.
L’ordre est en effet chargé d’une mission de service public et doté
d’une large autonomie. Cette mission comme cette autonomie obligent.
Elles obligent à un devoir d’exemplarité, à agir exclusivement au service
des missions confiées par la loi, et à rendre compte des conditions dans
lesquelles ces missions sont remplies. Il en va de la confiance que les
usagers du système de santé, les médecins eux-mêmes et les pouvoirs
publics peuvent accorder à l’ordre.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 141
Le ministère des solidarités et de la santé sera dans ces conditions
extrêmement soucieux et attentif à ce que les missions confiées à l’ordre
soient pleinement remplies, notamment :
- les missions relatives au maintien et à l’actualisation régulière des
compétences des médecins dans le cadre de leur obligation de
développement professionnel continu (DPC) ; la qualité et la sécurité
des soins délivrés aux patients en dépendent ;
- la prise en compte et l’instruction rigoureuse et juste des plaintes que
les usagers sont susceptibles de déposer à l’encontre de praticiens
inscrits à l’ordre ; ceci conditionne directement la confiance que la
population peut accorder au système de santé ;
- le contrôle du respect des principes déontologiques. Les situations de
refus de soins non sanctionnées constituent à cet égard une
illustration révélatrice de cas de praticiens s’affranchissant des
principes fondamentaux de leur déontologie professionnelle.
L’exemplarité doit également reposer sur la mise en place de
procédures, d’outils de gestion et de contrôle permettant de garantir des
procédures internes rigoureuses, efficientes et homogènes sur l’ensemble
du territoire.
Des échanges approfondis entre le ministère des solidarités et de la
santé et l’ordre sont engagés pour envisager les suites à donner au rapport.
Le ministère sera très attentif au contenu de ces échanges au nom
des responsabilités qui lui incombent et pourra envisager des adaptations
législatives ou réglementaires complémentaires. Ces dispositions devront
permettre d’assurer une composition des instances ordinales plus ouverte
sur la société et plus représentative de la profession, de mieux structurer
les relations organiques et fonctionnelles entre le conseil national et les
conseils territoriaux ou encore de permettre d’améliorer le fonctionnement
de la justice ordinale.
L’ordre sera de son côté invité à présenter le plan d’actions qu’il
entend mettre en œuvre pour répondre aux constats et recommandations
formulés par la Cour. Un suivi de ce plan d’actions sera assuré par le
ministère selon des modalités qui seront arrêtées avec l’ordre.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
142
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL NATIONAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS
Introduction
Ayant déjà fait l’objet d’un contrôle de la Cour en 2011, l’Ordre des
médecins tient à souligner les conditions très particulières du déroulement
de celui de 2018. Il en est ainsi de la durée de la procédure, de la fuite
d’informations dans la presse alors même que l’Ordre n’était pas en
possession des éléments du pré-rapport, du dépôt d’observations de
l’Ordre dans une 1ère phase ayant ensuite abouti à un 2ème
rapport ayant
lui-même entrainé de nouvelles observations. Un grand nombre d’entre
elles n’ont pas été prises en compte, ce qui rend interrogatif sur la réalité
du contradictoire.
Étant en fin de cette phase contradictoire, l’Ordre regrette que le
rapport soit construit aujourd’hui comme une mise en accusation du
fonctionnement de l’Institution mettant en exergue certains faits qui
appartiennent à une période passée et s’interdisant, du fait du choix de la
période auditée, de prendre en compte les évolutions que l’Ordre a
spontanément mises en œuvre.
Il est à noter également de façon préliminaire qu’un grand nombre
des constats, dont beaucoup se rapportent au début de la période auditée,
particulièrement en matière de gestion, ont donné lieu depuis à des actions
correctives, ce d’autant plus qu’ils ont été en large partie à l’origine de
l’élection d’une nouvelle équipe en 2013 qui s’est fixée un objectif de
modernisation institutionnelle sur une période de 9 ans : 2013-2022.
Cette image faussée du fonctionnement de l’Institution ordinale
l’amène à produire ce document afin d’affirmer sa position et rétablir un
certain nombre de faits.
Avant d’entrer dans le détail de sa réponse, le Conseil national
souhaite préciser les éléments suivants :
- L’Ordre conteste la vision réductrice donnée par la Cour des
responsabilités qui sont celles que le législateur lui a confiées
notamment en tant que représentant de la profession dans sa mission
d’ensemble.
- C’est dans le but d’accomplir avec détermination cette mission, que
l’Ordre des médecins a entendu se doter des moyens de
communication modernes afin d’intensifier le dialogue avec les
médecins pour exprimer les attentes de toute la profession.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 143
- L’Ordre s’est donné comme objectif d’assurer un accompagnement
uniforme sur l’ensemble du territoire à tous les médecins inscrits au
tableau (301 842 au 1er
janvier 2019) et à l’ensemble des usagers du
système de santé. Il s’est doté également sur l’ensemble de ses
échelons, territoriaux et national, des moyens nécessaires pour
assurer son expertise tant pour ce qui est de la structuration du
système de santé local, territorial et régional que pour ce qui est de la
réponse aux demandes d’avis qui ont pu lui être formulées par le
gouvernement, le Parlement et les Institutions qui l’environnent.
- Dès lors qu’un sujet est relatif à l’organisation du système de santé et
au rôle des médecins dans celui- ci, l’Ordre des médecins est sollicité.
Il en a été ainsi, que ce soit en 2016 lors de la conférence de santé ou
le Premier Ministre a demandé au Président de l’Ordre de présenter
les résultats de la grande consultation, que ce soit récemment lors de
l’entretien avec le Premier Ministre intervenant une semaine avant la
« journée de mobilisation nationale pour l’hôpital public » du
14 novembre 2019.
- De même les deux Assemblées, leurs commissions des Affaires
sociales, les groupes parlementaires ont demandé, dans le cadre de
l’examen des projets de la loi Claeys-Léonetti, de la loi santé 2022 et
des lois de bioéthique, à entendre l’Ordre des médecins, et amender
les divers projets de lois.
Ces exemples pourraient être multipliés à l’infini.
Parce qu‘il a une vision déontologique active qu’il assume
totalement, l’Ordre est aujourd’hui l’acteur reconnu par tous en matière
de numérique en santé, de nouvelles technologies tout autant qu’il l’est en
matière d’éthique et dans l’organisation territoriale du système de santé.
L’Ordre regrette que le rapport passe sous silence l’ensemble de
ces chantiers et l’ensemble des outils qu’il met à la disposition des
décideurs tout comme ne sont pas évoquées ses responsabilités en matière
de tenue du tableau dans le cadre du répertoire partagé des professionnels
de santé (RPPS) ni même les études et les atlas démographiques publiés
chaque année.
L’Ordre ne défend nullement une posture syndicale. Il considère
qu’en ce domaine l’ensemble des syndicats médicaux exprime avec clarté
et opiniâtreté la défense des intérêts des professionnels.
En revanche il lui échoit dans nombre de situations la
responsabilité, de défendre les principes éthiques et déontologiques et pour
cela d’intervenir dans le débat public comme cela a été le cas pour la fin
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
144
de vie, les lois de bioéthique, la santé des étrangers en situation irrégulière
ou demandeurs d’asile. À titre d’exemple, lorsqu’un syndicat professionnel
de spécialité menace d’interrompre les IVG, le ferme rappel à l’éthique et
la déontologie de l’Institution suivi de plaintes est salué, depuis la tribune
de l’ONU, par la Secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes.
Ainsi donc et pour permettre de répondre à l’ensemble de ces
demandes, l’Ordre des médecins a investi financièrement dans de
nouveaux locaux plus adaptés à une structure moderne et a mené une
politique de recrutement de collaborateurs de haut niveau. Il a incité les
échelons départementaux et régionaux à adopter les mêmes dispositions
dans leurs territoires respectifs. L’Ordre revendique ces investissements et
les assume pleinement.
Dans ces conditions, et si l’Ordre aujourd’hui est engagé dans une
profonde restructuration de son organisation et de sa gestion dont il ne
doute pas qu’un prochain rapport de la Cour prendra acte, il n’entend pas
aujourd’hui modifier sa vision de son rôle institutionnel ni sa volonté de
garantir à tous les médecins inscrits au tableau que ce soit à Mayotte ou à
Paris le même accompagnement de leur exercice professionnel, et la même
disponibilité institutionnelle. De même l’Ordre veut aujourd’hui garantir
à l’ensemble de la population vivant sur le territoire français ses services
et sa réactivité aux sollicitations.
L’Ordre ne peut donc que regretter, qu’au travers d’une vision
parcellaire et restrictive de son activité, il n’ait pas été contrôlé à l’aune
de l’ensemble de son action mais trop souvent caricaturé à l’aune de faits
ponctuels, souvent anciens, mis en exergue pour lesquels depuis 2013
l’Ordre n’a cessé d’agir.
I - La gestion administrative et financière
Le rapport de la Cour comporte un ensemble d'observations sur la
gestion administrative et financière dont l’Ordre, engagé dans une
démarche d’amélioration gestionnaire continue et volontariste depuis
2013, est bien décidé à tirer les enseignements.
D'ores et déjà des mesures importantes ont été décidées, dont
certaines avaient été engagées avant le présent contrôle : refonte du
règlement de trésorerie qui encadre strictement les régimes indemnitaires
et de remboursement de frais des élus (réels, plafonnés et justifiés sur
facture), instauration d’un dispositif très contraignant de contrôle de la
gestion des conseils territoriaux en allant jusqu'à prévoir un régime de
tutorat, élargissement de la composition de la commission de contrôle des
comptes avec la présence de personnalités qualifiées, suppression des
fonds autonomes affectés à l'entraide et à la modernisation de l’institution
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 145
ainsi qu’à l’harmonisation des charges, recrutement d’un spécialiste des
marchés publics, combinaison de l'ensemble des comptes de tous les
conseils certifiée par un commissaire aux comptes, mise en œuvre
progressive du recouvrement de la cotisation par le Conseil national qui
sera entièrement opérationnelle à compter du 1er
janvier 2021. L’ensemble
de ces actions sera totalement effectif à la fin de la mandature actuelle, soit
en juin 2022.
Toutefois, un certain nombre d’observations de la Cour appellent
de la part de l'Ordre une ferme mise au point et un rétablissement de la
vérité.
Sur les indemnités « importantes », l’indemnisation de base est
fondée sur le principe d’une indemnité journalière de 483 euros bruts, de
laquelle sont déduites la CSG et la CRDS, ne donnant lieu à aucun
avantage social (maladie, retraite) et soumis à imposition. La valeur de
cette indemnité, qui n’a pas été réévaluée depuis 2013, est comparable aux
indemnités perçues par des médecins dans d’autres structures comme les
URPS. Par ailleurs, depuis juin 2013, 1ère
mandature du Président
actuellement en exercice, le passage aux frais réels, sur justificatifs et
plafonnés, a été instauré.
Sur les comportements individuels frauduleux relevés par la Cour,
le Conseil national a diligenté des procédures disciplinaires et pénales à
l’encontre des élus mis en cause. Il a également porté plainte à l’encontre
des salariés impliqués.
Sur le montant des réserves qui sont des fonds de roulement, il
s’avère qu’elles varient pour la totalité de l’Institution entre 13 et 15 mois
sur 2016, 2017 et 2018, soit en dessous des 16 mois non contestés par la
Cour lors de son précédent contrôle. Néanmoins, il est envisagé, à compter
du budget 2020, de mettre ou de laisser à disposition des conseils
territoriaux 12 mois de fonds de roulement aux fins qu’ils puissent
répondre de façon uniforme sur l’ensemble du territoire, à la totalité de
leurs missions.
Par ailleurs et s’agissant du montant de la cotisation, la Cour omet
de préciser que le taux moyen annuel d’évolution, sur la période auditée,
est de +1,2 % et qu’il a été décidé pour 2019 de ne pas faire
d’augmentation. L’ensemble des actions de l’Ordre national des médecins
devant continuer à se développer, il ne peut être envisagé de diminuer le
montant de la cotisation tel que préconisé par la Cour.
Quant à « l’insincérité » des comptes affirmée par la Cour, celle-ci
s’appuie, pour cette accusation erronée, sur un choix comptable qui est
différent de celui retenu par l’Institution qui suit les principes du Plan
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
146
Comptable Général recommandé et certifié sincère par son commissaire
aux comptes et ne correspond pas, en tout état de cause, à des manœuvres
visant à travestir la réalité des comptes. Ce plan comptable déjà appliqué
par l’Ordre lors du précédent contrôle de la Cour n’avait pas donné lieu
à observations et n’avait pas conduit à une telle qualification.
II – L’exercice de ses missions administratives
On pourrait s’attendre, pour ce qui est de l’exercice par l’Ordre de
ses missions, sur lequel le rapport public porte un jugement
particulièrement critique et catégorique, le qualifiant globalement de
« mal assuré », que pour aboutir à une telle appréciation globale, il soit
procédé à une évaluation en bonne et due forme de l’ensemble des missions
de l’Ordre, selon une méthodologie en garantissant la fiabilité. Tel n’est
en réalité pas le cas.
Tout d’abord, seule une partie des missions sont passées en revue.
Plusieurs, parmi les plus importantes, sont purement et simplement
ignorées. Ainsi de la tenue du tableau, essentielle à une époque de mobilité,
d’arrivée de nombreux praticiens étrangers, et d’évolution des modes
d’exercice, et qui représente une part importante de l’activité des conseils
départementaux. Cette mission est à peine mentionnée, avec pour seule
remarque l’insuffisante informatisation. Ainsi du contrôle des
qualifications, très important aussi au regard de la multiplication et de la
complexité des procédures de leur reconnaissance. Il n’en est pas question.
Ainsi plus encore du rôle central de l’Ordre dans l’évolution des règles
d’exercice : rien sur l’e-santé ou la télémédecine, sujets absolument
majeurs, sur lesquels l’Ordre a développé un travail de réflexion et de
sensibilisation, qui en fait une référence au sein du monde de la santé. Rien
non plus sur le rôle déterminant de l’Ordre dans le basculement des règles
en matière d’information et de publicité, ou sur la contribution de l’Ordre
à l’adaptation des règles déontologiques, par exemple pour ce qui est de
la mise en œuvre de la nouvelle législation sur la fin de vie, pour laquelle
l’Ordre est en première ligne. Beaucoup de missions essentielles menées
par l’institution sont passées sous silence, on peut légitimement se
demander pourquoi.
Et pour ce qui est des missions ayant donné lieu à appréciation, on
peut regretter une approche trop souvent parcellaire, et une tendance à
procéder par généralisation à partir de cas ponctuels. Certes un certain
nombre d’observations s’avèrent utiles, et l’Ordre entend bien en tenir
compte, par exemple en se dotant des outils de suivi et de pilotage, dont il
lui est fait grief de ne pas disposer. Mais comment ne pas relever que trop
de conclusions générales apparaissent approximatives ou hâtivement
déduites d’une ou deux constatations éparses. Ainsi pour ce qui est du
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 147
délai, évidemment crucial, de traitement des dossiers de suspension pour
pathologie ou insuffisance professionnelle. Le rapport public laisse
entendre que ce délai, au stade de la formation retreinte du conseil
national, est trop long, en se bornant à citer le cas isolé d’un délai de
17 semaines, évidemment exceptionnel, mais a-significatif à lui seul, et il
omet étrangement de mentionner le délai moyen de 4 à 5 semaines, qui lui
avait pourtant été communiqué. De même s’agissant du contrôle des
contrats, le rapport public ignore totalement l’énorme travail conduit en
direction des plateformes de téléconsultation, qui se multiplient, et qui a
permis à l’Ordre, à l’occasion de l’examen des contrats concernés,
d’obliger ces plateformes à revoir leur modèle. Ce qui n’empêche pas le
rapport d’épingler la commission nationale des contrats, accusée de tarder
à répondre, sans autre justification qu’un renvoi en bas de page (renvoi
n° [157]) concernant un cas où la commission n’avait pourtant pas à
donner un avis, s’agissant de l’interprétation d’une clause d’un contrat, et
l’avait néanmoins fait à titre purement confraternel. De même encore ; -
pour ce qui est du contrôle du respect par les médecins de leur obligation
de développement professionnel continu (DPC) ; l’Ordre se voit accusé
d’avoir « délaissé » la mission qui lui a été confiée « dès 2011 », sauf qu’il
est passé sous silence que le ministère de la santé n’a pris les arrêtés
d’application du décret du 30 décembre 2011 que le 25 juillet 2013, et qu’à
peine ces arrêtés publiés, une inspection de l’IGAS a été diligentée qui a
préconisé un changement complet de dispositif, lequel n’a été proposé au
législateur qu’avec la loi du 26 janvier 2016. Être un bon opérateur dans
ces conditions relève de la gageure ; - pour ce qui est du contrôle des
relations entre les médecins et l’industrie, où comme pour le DPC, le
dispositif prévu, complexe, a été lent à devenir opérationnel, l’Ordre n’a
pas été mis à même d’assumer sa mission, car si la réglementation lui a
bien confié un rôle de prévention qu’il a immédiatement pris en charge, le
rôle répressif a été donné à d’autres instances dont notamment la
DGCCRF, qui n’ont pas fait de la saisine des tribunaux correctionnels leur
priorité, mais également au point qu’il a fallu qu’il dépose un recours en
annulation contre le décret du 16 novembre 2016 et l'arrêté du même jour
fixant le modèle de convention unique; - ou encore pour ce qui est de
l’implication de l’Ordre dans l’accès aux soins et la lutte contre les refus
de soins, où n’est pas relevé le profond changement intervenu à compter
de la mandature élue en 2013 aboutissant à la création par la loi du
26 janvier 2016 d’une commission d’évaluation des pratiques de refus de
soins placée auprès de l’Ordre dont le fonctionnement n’a été rendu
possible qu’en 2017 par la signature des arrêtés de nomination des
membres le 29 décembre 2016. Il est dommageable que le rapport ne mette
pas assez en avant les freins apportés par la production tardive des textes
attendus.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
148
À cela, il faut ajouter que le rapport public n’hésite pas à donner
une importance démesurée, éventuellement par un encadré, à des
situations que l’Ordre ne peut que déplorer, mais de caractère purement
fortuit et accidentel, sans que l’on voit l’intérêt réel d’une telle
focalisation. Ainsi de l’encadré page [84].
Mais probablement le plus grave est dans la présentation faite par
le rapport de la Cour de la façon dont l’Ordre assume sa mission de
gardien de la déontologie médicale, et traite les plaintes, doléances ou
signalements dont il est saisi. La lecture du rapport public cherche à
donner l’impression que de façon globale l’Ordre manifesterait une
mauvaise volonté à ce qu’il puisse être donné des suites disciplinaires aux
plaintes reçues. L’Ordre ne peut que s’insurger contre pareille insinuation.
Il ne s’agit pas ici de nier qu’il puisse encore y avoir, ici ou là, des
comportements individuels condamnables de quelques élus ordinaux, qui
doivent être dénoncés, et l’Ordre entend bien s’y attacher. Mais ces cas ne
doivent pas cacher la réalité profonde qui est la très grande vigilance des
conseils départementaux à assumer pleinement leur mission.
Contrairement à ce que soutient la Cour, en se fondant sur des chiffres
dont elle dit elle-même qu’ils ne sont pas fiables, l’ensemble des plaintes
et doléances qualifiables de plaintes donnent bien lieu à instruction, et, à
défaut de conciliation, à transmission aux chambres disciplinaires. Sur des
sujets de cette importance, pour mettre en cause, il faudrait des éléments
de preuve autrement plus probants que ceux qui sont allégués dans le
rapport. En ce sens l’affirmation, dans un titre (page [99]) « qu’une
majorité de plaintes ne sont pas transmises »238
est totalement abusive, car
amalgamant plaintes, simples demandes d’information, signalements, ou
plaintes non transmises parce qu’ayant donné lieu à conciliation.
C’est particulièrement vrai des plaintes en matière sexuelle, sujet
qui a donné lieu à une implication renforcée de l’Ordre, qui a précisé sur
ce point les commentaires du code de déontologie médicale et fait plusieurs
communications largement relayées dans la presse comme dans les
supports de communication de l’Institution. On se demande ce que veut
bien dire le rapport public lorsque page [106], il évoque « l’analyse d’une
cinquantaine de décisions rendues entre 2016 et 2017 laquelle révèlerait
des irrégularités de procédure » ou des « manques de diligence ». De
quelles « décisions » s’agit-il, de quel type, prises par qui? Quel est
l’intensité et le degré réel du manquement relevé ? Qu’est-ce qui permet
l’appréciation portée ? Pareille affirmation, particulièrement
stigmatisante, exigerait d’être étayée par une démonstration qui ne se
238 Remarque de la Cour : à la suite du présent courrier, le titre au A page 99 a été
modifié, pour devenir « Une majorité de signalements non soumis à conciliation ».
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 149
limite pas à l’illustration par un ou deux cas. Comment d’ailleurs résumer
des dossiers souvent complexes en deux ou trois phrases? Pour mesurer la
fiabilité des affirmations péremptoires de la Cour sur ce sujet des
poursuites disciplinaires, on peut se référer à l’encadré de la page [84] à
propos d’un médecin gastro-entérologue, où la Cour parle de « plusieurs
plaintes déposées contre ce praticien entre 2012 et 2017 sans recevoir de
réponse de l’Ordre » alors qu’il peut être établi que si effectivement ce
médecin a fait l’objet de six saisines du conseil départemental, celles-ci ont
toutes été traitées par ce conseil. Parmi elles, il y avait quatre plaintes de
nature très différente : une du 20 octobre 2014 a donné lieu à conciliation
le 24 avril 2015 ; une du 17 janvier 2017 a été, faute de conciliation,
transmise à la chambre disciplinaire de première instance, dont la décision
a fait l’objet d’un appel ; la troisième, du médecin conseil de la CPAM, a
été retirée avant conciliation, et la quatrième, émanant d’un autre médecin
et portant sur son rôle de médecin expert a donné lieu à décision du conseil
de ne pas porter plainte ; le plaignant en a été informé ainsi que des
solutions alternatives de recours à sa disposition. La cinquième saisine du
4 novembre 2013 a entraîné un entretien avec la patiente concernée et sa
fille, qui « ont déclaré vouloir porter plainte » sans qu’il y ait trace de
concrétisation. Quant à ce que la Cour appelle la « plainte » de 2012, il
s’agit « d’un souhait » de la part des demandeurs « d’intervention » du
conseil départemental « afin de nous éclairer sur les pratiques effectuées »,
et il est précisé « nous n’avons pas de griefs particuliers vis-à-vis du
docteur X ». Il n’y a rien ici qui permette de parler « d’absence de
réponse » à des saisines, celles-ci fussent-elles multiples !
III – L’exercice de la mission juridictionnelle
Sur ce volet du rapport de la Cour portant sur la juridiction
disciplinaire ordinale, le Conseil national, dans un souci de strict respect
de l’indépendance de cette juridiction, a décidé de s’en remettre aux
observations qu’a bien voulu lui transmettre la Présidente de la chambre
disciplinaire nationale, Conseiller d’État, et que l’Ordre fait totalement
siennes.
La juridiction ordinale souligne que la Cour sort de son champ de
compétence, le contrôle de l’organisation et du fonctionnement des
chambres disciplinaires relevant de la mission permanente d’inspection
des juridictions administratives (MIJA), exercée sous l’autorité du
vice-président du Conseil d’État, ce dont témoignent ses observations, qui
manifestent une profonde méconnaissance de ce qu’est une juridiction
administrative spécialisée.
Or, le rapport définitif reproduit quasiment mot pour mot le rapport
provisoire, ce qui démontre que la Cour n’a tenu aucun compte des
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
150
réponses, pourtant dument argumentées et justifiées, faites à ses
observations. Elle maintient ses remarques partiales, faisant d’exemples
peu étayés des généralités, jetant ainsi l’opprobre sur l’ensemble de la
juridiction ordinale.
Il convient dès lors pour celle-ci, à son tour, de réitérer avec force,
si ce n’est l’ensemble des justifications qu’elle a apportées aux principales
critiques formulées, du moins les plus emblématiques.
Toutes les recommandations faites par la Cour en 2011 et celles de
la MIJA en 2013, pour autant que leur exécution dépendait de l’Ordre seul,
ont été suivies d’effets.
Les délais de jugement des chambres disciplinaires de 1ère
instance
de l’Ordre des médecins (CDPI) ne sont pas plus longs que ceux observés
dans les tribunaux administratifs. Ainsi, l’observation faite sur ce point par
la Cour ne tient pas compte de ce que la loi de 2002, qui a donné au
plaignant la qualité de partie, ce qui ne peut qu’allonger la durée de la
procédure d’instruction, n’a pas modifié le délai de six mois apparu dès la
création de l’Ordre.
L’appréciation portée par la Cour sur l’instruction menée par les
chambres, après avoir consulté des dossiers pourtant couverts par le secret
de l’instruction, qui sort au demeurant de sa compétence est fondée sur des
constats incomplets et des postulats erronés. D’une part, les décisions
rendues ne mentionnent pas la totalité des mesures d’instruction
accomplies et, d’autre part, les juridictions disciplinaires sont des
juridictions administratives devant lesquelles la procédure n’est pas
inquisitoire. Les faits sanctionnés doivent ressortir du dossier et les
mesures d’instruction « en routine » dont la Cour déplore l’absence,
seraient irrégulières et de nature à entraîner l’annulation des décisions
rendues sur leur fondement.
Le taux d’annulation des décisions rendues par les chambres
disciplinaires de 1ère
instance de l’Ordre des médecins (CDPI) n’a rien
d’excessif : plus de 80 % des décisions rendues chaque année en première
instance deviennent définitives. Le caractère suspensif de l’appel incite les
praticiens sanctionnés à faire presque systématiquement appel, ce qui
explique un taux d’appel plus élevé que celui qu’on observe devant les
juridictions administratives de droit commun.
Le principe selon lequel « l’appel ne peut préjudicier à l’appelant »
ne peut raisonnablement être remis en cause. La suggestion faite par la
Cour d’un appel systématique des conseils départementaux est
particulièrement choquante.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 151
S’agissant des principes d’indépendance et d’impartialité, auxquels
les chambres disciplinaires sont particulièrement attachées, comme le
démontre chaque année le rapport d’activité de la juridiction ordinale, la
Cour met gravement en doute leur respect à partir de faits regrettables
mais isolés (un seul manquement avéré à l’impartialité a conduit la
juridiction à sanctionner un assesseur) et présentés de façon biaisée,
laissant ainsi entendre que leur méconnaissance est généralisée.
L’affirmation selon laquelle il n’y aurait pas de corrélation entre
les manquements retenus et les sanctions prononcées traduit encore une
fois une méconnaissance inquiétante par la Cour de la spécificité du droit
disciplinaire et du caractère particulier de chaque dossier. La sanction
varie en fonction du nombre de griefs retenus, un ou plusieurs, de
l’éventuelle récidive, du comportement d’ensemble du médecin, des
circonstances de l’affaire, de l’attitude du plaignant...
La Cour, en sortant de son champ de compétences, porte sur la
juridiction ordinale une appréciation particulièrement hasardeuse et
inacceptable qui traduit une méconnaissance inquiétante de cette
juridiction.
Conclusion
La réponse que l’Ordre est amené à apporter au rapport public de
la Cour démontre que le contrôle qui a été conduit ne peut être regardé
comme l’ayant été tel qu’il aurait dû l’être, c’est-à-dire sur la base
d’échanges sincèrement contradictoires et sans a priori avec les Instances
de l’Ordre. On peut rappeler par exemple que le Président du Conseil
national de l'Ordre des médecins n’a rencontré la mission que lors de
l’entretien inaugural pour présenter le contexte du contrôle et lors de
l’entretien final pour clôturer le contrôle.
Si cela avait été le cas, la Cour aurait reconnu que l’Ordre des
médecins s’est engagé depuis 2013 dans une transformation profonde pour
mieux exercer les missions nouvelles que lui ont conférées les pouvoirs
publics, et mieux accompagner les médecins quelques soient leur mode
d’exercice, ou leur lieu d’activité. Si cela avait été le cas, la Cour aurait
pu ainsi reconnaître que cette modernisation, non encore achevée, allait
dans le bon sens. Si cela avait été le cas, la Cour aurait souligné la
profondeur des missions accomplies par l’institution et aurait reconnu leur
utilité et leur efficacité.
Malgré ce contexte, l’Ordre entend mettre à profit, quand elles sont
fondées, les recommandations de la Cour pour accélérer encore cette
modernisation de l’Institution, notamment en matière de gestion.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
152
Mais l’Ordre conteste la lecture partiale et partielle d’un rapport
qui a trop peu tenu compte des éléments contradictoires apportés, donnant
le sentiment d’une méconnaissance de la réalité de l’Institution
d’aujourd’hui. L’Ordre refuse aussi la vision réductrice de ses missions et
continuera d’assumer fortement dans le débat public, ses combats éthiques
et déontologiques, comme ses propositions pour améliorer le système de
santé. Enfin l’Ordre entend également intensifier son dialogue et ses
actions auprès des médecins.
C’est en s’engageant de manière volontariste sur tous ces champs,
que l’Ordre sera fidèle à sa mission de service public.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DU GRAND EST
 « Des niveaux d’indemnités très hétérogènes »
« Enfin, des indemnités ne sont pas toujours versées à bon escient :
ainsi en Alsace, le président du CROM a perçu en 2018 une indemnité de
320 € pour se rendre aux vœux du préfet ou encore assister à une projection
sur les médecins déportés ; la vice-présidente a perçu 460 € pour assister
aux obsèques de l’épouse d’un conseiller, remboursés depuis. »
Sur le sujet de la trésorerie de l'ex CROM Alsace une action
disciplinaire est en cours au CNOM, vous comprendrez que je ne puisse
faire de commentaire sur une procédure en cours.
 « Des assesseurs souvent largement indemnisés »
« La loi autorise le versement d’indemnités aux assesseurs, comme
à tout membre de l’ordre qui assure une mission ponctuelle. De fait, les
assesseurs sont toujours indemnisés.
En dépit de la préconisation faite en 2013 par la mission d’inspection
des juridictions administratives d’unifier les rémunérations des assesseurs
et des rapporteurs afin de rendre plus attractives les fonctions
juridictionnelles, celles-ci sont restées très hétérogènes. La rémunération
pour participation à l’audience peut varier du simple au triple, de 80 € en
Aquitaine à plus de 240 € en PACA-Corse. La rémunération au rapport
peut, quant à elle, varier du simple au décuple : de 50 € dans le Centre ou
l’Alsace à 540 € en Lorraine pour les dossiers les plus complexes. »
Comme vous le rappelez « la loi autorise le versement d'indemnités
aux assesseurs ». En Lorraine : Pour le rapporteur une somme était
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 153
attribuée pour indemniser le temps passé à l’élaboration et à la rédaction
de son rapport. Cette disposition a été mise en place en 2010 à la demande
du président LION, magistrat responsable de la CDPI. Cette disposition a
été acceptée ensuite par vote par le conseil plénier du CROM.
Cette disposition comptait 3 niveaux, le niveau étant fixé par le
magistrat selon son appréciation de la complexité du dossier et donc de la
charge de travail à investir pour rédiger le rapport. Le président LION
attribuait le niveau de complexité du dossier et donc le montant de la
somme allouée, ce qui était transmis au trésorier pour versement de la
somme selon la procédure habituelle, ordonnateur, trésorier et liquidateur.
Une remarque supplémentaire qui pour moi a son importance : pour
un rapport de niveau trois donc le plus complexe (seulement deux niveaux
trois ont été payés en Lorraine entre 2010 et 2018) comportant pour l'un
plus de huit dossiers à résumer en un seul rapport, cela représentait plus
de vingt heures de travail. La somme versée a été de 540 € brut soit 27 €
brut de l'heure. Compte tenu du niveau d'expertise requis cela n'est
nullement excessif.
 « À la CDPI de Lorraine, une situation de crise illustrant les
difficultés d’indépendance de certaines CDPI »
« En Lorraine, les relations très tendues entre le président du conseil
régional et la greffière, ont abouti en novembre 2018 à une crise
préjudiciable au bon fonctionnement de la chambre disciplinaire : les
travaux de la juridiction ont été totalement interrompus pendant trois
semaines, à la suite de la saisie par un huissier, à la demande du président
du conseil régional de l’ordre de l’ordinateur de la juridiction, dans le cadre
d’une procédure de licenciement initiée à l’encontre de la greffière. Les
magistrats de la CDPI ont été mis devant le fait accompli.
Cette situation illustre la nécessité d’assurer aux greffiers une réelle
indépendance vis-à-vis des élus du conseil régional. À cet égard, le
nouveau règlement intérieur du Conseil national, adopté en décembre
2018, qui prévoit d’associer les présidents de juridiction aux décisions
concernant les greffiers, représente un progrès. Il convient d’aller plus loin
en confiant au niveau national la gestion de ces personnels et en
harmonisant leur niveau de rémunération sur le territoire national. »
En Lorraine il n'y avait qu'une seule salariée qui occupait à temps
partagé le poste de secrétaire administrative à 50 % et le poste de greffière
à 50 %. En toute indépendance, elle devait assurer la gestion et
l’étanchéité des données entre le CROM administratif et la CDPI.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
154
En novembre 2018 nous constatons un nouveau manquement grave
de notre secrétaire-greffière, qui a conduit à la nécessité d’un licenciement
avec mise à pieds immédiate dans l’intérêt de l’institution. L'huissier de
justice, présent au moment de la mise à pieds, ainsi que les magistrats
présidents de la CDPI présents également, ont constaté les faits suivants :
sur le poste informatique de la secrétaire, situé dans le bureau du CROM
administratif, on découvre la présence sur la même session informatique
d'un mélange de messages émanant de la messagerie de la CDPI et de la
messagerie du CROM administratif, ainsi que des dossiers de CDPI et
Administratifs sur le Bureau de l’ordinateur.
Pour respecter la confidentialité et l'indépendance de la CDPI et
pour sécuriser le partage indispensable des données, nous avons fait saisir
l'ordinateur par l'huissier, en accord avec les magistrats présidents de la
CDPI.
La séparation des données a eu lieu au CNOM à Paris en présence
des représentants de la chambre disciplinaire nationale, habilités à
séparer ces données.
Le fonctionnement de la CDPI a donc été interrompu pendant une
durée minimale de 3 semaines, et j'ajouterai qu’après ces 3 semaines le
greffe a bénéficié d'une salariée à temps plein. Quant à la durée
d’interruption de la chambre, qui pourrait paraitre excessive, je me
permets de faire une comparaison avec celle en rapport avec la démission
du précédent magistrat président de la CDPI le 22 septembre 2017, et qui
a duré 21 semaines dans l’attente de la nomination de ses successeurs.
Le comportement d'une salarié ne justifie pas de remettre en cause
un dispositif qui, aujourd’hui, a repris un fonctionnement satisfaisant selon
les règles établies.
« En 2017, deux ordonnances ont renforcé le régime des
incompatibilités, en prohibant le cumul des fonctions de président et de
secrétaire général d’un conseil avec celle d’assesseur. Ces dispositions ne
s’appliquent qu’au fur et à mesure des remplacements découlant des
élections. En décembre 2018, 23 élus répartis dans 17 chambres
disciplinaires étaient encore officiellement à la fois assesseur et président
ou secrétaire général de conseils régionaux ».
Comme vous l'écrivez : « Ces dispositions ne s’appliquent qu’au fur
et à mesure des remplacements découlant des élections. ». Il n'y a eu
aucune élection au CROM Lorraine depuis la parution de ces ordonnances
en 2017 et ce jusqu'en février 2019.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 155
La Secrétaire générale et moi (Président) n'avons plus siégé
conformément aux ordonnances dès 2017. Je précise qu’il ne servait à rien
de démissionner puisque nous ne pouvions être remplacés. En effet, le
CROM Lorraine était composé de neuf conseillers titulaires, dont un
refusant de siéger en CDPI. Les huit conseillers titulaires étaient donc
assesseurs de fait au titre du collège interne (4 titulaires et 4 suppléants).
Après 2017, il restait donc 6 assesseurs au titre du collège interne. Le
collège externe n’était pas impacté.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL RÉGIONAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DES HAUTS-DE-FRANCE
En réponse à l'extrait du rapport de la Cour des comptes que vous
m'avez adressé concernant les niveaux d'indemnité très hétérogènes des
Conseils, je me permets de noter que, en ce qui concerne le CROM
Picardie, vous mettez en parallèle la recommandation du Conseil national
concernant les indemnités : - 20 % du budget, avec - 41 % des charges
totales de ce Conseil (dont je n'étais pas la Présidente), ce pourcentage
serait certainement moindre s’il était rapporté au budget.
Il faut également tenir compte des budgets moindres des plus petits
Conseils, ce qui peut expliquer un pourcentage plus élevé dans le budget
des indemnités de ces conseillers : les missions des CROM sont les mêmes,
quelle que soit la taille de la région, et donc quel que soit le budget.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS D’ÎLE-DE-FRANCE
En réponse au rapport, partie - Des conseils régionaux qui peuvent
entraver le bon fonctionnement des juridictions - Il me parait important de
rappeler qu’en fonction de la séparation des pouvoirs, le Conseil régional
administratif n’a aucune compétence dans l’organisation et le
fonctionnement de la Chambre Disciplinaire de Première Instance, la
seule obligation est de donner les moyens de fonctionnement : locaux,
personnels, indemnisation des magistrats…
Comme indiqué dans le rapport, le Président, le Secrétaire Général
et le Trésorier n’ont plus accès au serveur commun du greffe depuis
mai 2018 ; que les dossiers sont classés dans des armoires sécurisées
depuis décembre 2018.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
156
Concernant le nombre d’affaires jugées, les magistrats et le
personnel du greffe ont accepté que le nombre d’audiences ait été
augmenté passant de 30 par an en 2017 à 39 pour l’année 2020, le nombre
de dossiers audiencés par séance passant de 8 à 9.
Ainsi le délai de jugement devrait devenir inférieur à 12 mois ; par
comparaison la Chambre nationale d’appel a un délai de jugement
atteignant 18 mois malgré un effectif du greffe nettement supérieur à celui
de la CDPI d’Île-de-France.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE NORMANDIE
Je vous fais connaître que la Chambre Disciplinaire de
1ére Instance (CDPI) de Normandie respecte dorénavant les
incompatibilités prescrites par l'ordonnance n° 2017-192 du
16 février 2017, prohibant le cumul des fonctions de président et de
secrétaire général d'un conseil avec celles d'assesseur de la chambre
disciplinaire.
À la suite de la dissolution des Conseils Régionaux de l'Ordre des
Médecins (CROM) de Basse- et de Haute-Normandie consécutive à la mise
en œuvre de la réforme régionale, le nouveau CROM de Normandie issu
du scrutin du 8 février 2019 a élu son bureau le 13 février 2019. Les
Docteurs François CLERGEAT et Xavier ARROT ont été élus
respectivement Président et Secrétaire Général du CROM de Normandie.
Le CROM de Normandie procédait le 23 mai 2019 à l'élection des
collèges interne et externe de la nouvelle CDPI de Normandie. Ni le
président ni le secrétaire général ne se sont portés candidat.
Ainsi, conformément à l'article 19 de l'ordonnance n° 2017-192, le
CROM de Normandie a mis à profit le renouvellement de ses instances
pour se mettre en conformité avec la réglementation.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DES PAYS DE LA LOIRE
Les dispositions fixées par ordonnances des 16 février 2017 et
27 avril 2017, modifiant notamment l’article L. 4124-7 du code de la santé
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 157
publique, et renforçant le régime des incompatibilités, tenaient à
s’appliquer à compter du renouvellement de chaque conseil.
Le renouvellement du conseil régional des Pays de la Loire est
intervenu en février 2019 ; à compter de cette date, aucun assesseur à la
CDPI ne cumule de fonctions de président ou de secrétaire général d’un
conseil, respectant ainsi les dispositions précitées.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS
DE PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR
Le CROM PACA a été totalement renouvelé en février 2019.
Ma candidature à la Présidence a été conditionnée au changement
de local, que nous avons jugé majoritairement mal adapté à nos missions.
Nous sommes actuellement huit mois après notre prise de fonction
en train de réaliser l’acquisition de nouveaux locaux qui devraient
normalement être opérationnels en 2020.
Nous serons dans un immeuble de bureaux, qui accueille déjà
d’autres juridictions et Ordres professionnels.
L’activité administrative sera parfaitement séparée de l’activité
disciplinaire.
Nous disposerons d’un accès commode, tant pour les membres du
CROM, que pour le public, avec des parkings publics à proximité.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL INTERRÉGIONAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE LA RÉUNION-MAYOTTE
Réponse à la politique immobilière de l'ordre à La Réunion :
« L'achat de nouveaux locaux, pour le Conseil Départemental et le
Conseil Inter Régional Réunion Mayotte, en 2008, a dû faire face à de très
nombreuses contraintes et spécificités. Elles ont rendu le choix très limité
du fait de l'étroitesse du marché immobilier et des contraintes
d'aménagement. La défiscalisation, en 2008, avait dopé le marché des
résidences à usage d'habitation et les prix ont augmenté. Les T1 et T2 ont
été favorisés par les promoteurs au détriment des surfaces plus grandes
devenues très rares à Saint Denis.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
158
La circulation à La Réunion est très difficile et de longs trajets
séparent les principales villes. Les nouveaux bureaux devaient se situer à
l'entrée ouest de la ville afin d'éviter la traversée de Saint Denis pour les
élus du sud et de l'ouest.
La superficie nécessaire et le choix d'une grande salle de réunion
ont nécessité l'achat d'un F5-6 pour le CDOM, surface très rare et chère.
Il s'agissait aussi d'acquérir, si possible, deux appartements dans le même
immeuble pour plus de proximité entre les deux conseils Départemental et
Régional.
Un achat brut de décoffrage a permis d'adapter les deux
appartements, initialement à usage habitation, et de les transformer en
bureaux. Cette solution n'était pas la moins onéreuse mais elle était
adaptée aux besoins définis par les élus, en particulier en termes de salle
de réunion, avec un coût de travaux supplémentaires.
Les approximations qui ont pu exister dans la rédaction des baux
sont en cours de correction suite aux conclusions de la cour des comptes.
Une nouvelle équipe de gestion de comptabilité de la SCI a été mise en
place en 2019. Les baux seront actualisés en 2020 ».
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L’ORDRE DES MÉDECINS DES ALPES DE HAUTE-
PROVENCE
Réception par notre Conseil Départemental d’un courrier de
Madame X. en date du 5 février 2015 reçu le 12/02 en R.A.R., faisant état
d’un « signalement de comportement abusif ». Ce courrier concernait un
médecin généraliste ostéopathe inscrit dans notre département, le Dr A.
À ce dossier, était joint le déroulé très détaillé de huit pages d’une
consultation qui s’était passée un an auparavant le 6 février 2014 avec
compte-rendu de l’entretien « quasi minuté » entre cette personne et le
Docteur A ; minutie qui nous est apparue surprenante pour des faits
remontant à une année.
Nous avons adressé l’ensemble de ces documents au Docteur A. le
13 février 2015 pour obtenir par écrit ses éléments de réponse en lui
donnant une date butoir au 25 février 2015.
Ce confrère a répondu au Conseil Départemental le 22 février 2015
un courrier de 5 pages.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 159
Notre Conseil Départemental, compte-tenu qu’il s’agissait d’un
signalement de comportement jugé abusif, le mot plainte n’étant pas
exprimé et ne figurant en aucun endroit sur la lettre de Madame X. qui ne
demandait, par ailleurs, aucune sanction à l’encontre du praticien, n’a pas
estimé devoir traiter ce dossier comme une plainte, le mot « signalement »
en entête de Madame X. ayant été interprété dans son étymologie, « porter
à la connaissance de ….. ».
Pour ces mêmes raisons, aucune réunion de tentative de conciliation
entre les parties n’a été diligentée par notre structure, d’autant que
Madame X. a signalé d’emblée dans son courrier, qu’elle ne souhaitait pas
être confrontée au médecin.
Ce dossier a été examiné en Séance Plénière de notre Conseil
Départemental le 31 mars 2015.
Après avoir pris connaissance de l’intégralité des documents
produits ainsi que de l’avis du Conseiller Rapporteur près la Commission
des plaintes et des litiges, les Conseillers présents ont décidé de traiter ce
dossier comme un différend et de ne pas donner, en l’état et à cette date,
de suite ordinale.
Nous avons informé le 10 avril 2015 Madame X. par écrit de cette
décision.
Après avoir reçu notre courrier, cette dernière ne nous a pas fait
parvenir de plainte formalisée à l’encontre du Docteur A.
Le Docteur A. a sollicité le transfert de son dossier dans le
département du VAR en date du 30 juin 2015
Dans le cadre de son inscription à notre Tableau Départemental des
Alpes de Haute-Provence, le Docteur A. n’aurait jamais fait l’objet de
signalement pour des faits similaires, à l’exception du courrier de
Madame X.
Notre Conseil Départemental a été destinataire d’une réquisition à
personne datée du 7 septembre 2015, d’un Officier de Police Judiciaire
agissant pour l’exécution d’une commission rogatoire délivrée le
4 septembre 2015, par la Juge d’Instruction près le TGI de D. à l’encontre
du Docteur A. « mis en cause » par une seconde plaignante, Mme Y, « pour
agression sexuelle par personne abusant de l’autorité que lui confère sa
fonction ».
La mission stipulait de bien vouloir assister l’OPJ à mener au
domicile du Docteur A. ainsi qu’à ses cabinets médicaux (perquisitions,
saisies, scellés). Il devait être procédé à la saisie de tous les dossiers
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
160
(médicaux et dans le cadre de l’activité d’ostéopathe) détenus par le
Docteur A. concernant Mmes X et Y.
À noter que cette seconde plaignante n’a adressé aucun signalement
ni plainte à notre structure.
Cette réquisition ayant été reçue au siège de notre Conseil, un
Membre Conseiller a apporté son concours à la justice après avoir prêté
serment en se rendant à cette saisie de dossiers le 8 septembre 2015.
Cette représentation de notre Conseiller est mentionnée au PV de
notre séance plénière du 22 septembre 2015.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DES ALPES MARITIMES
En raison de l’augmentation progressive du nombre des médecins
inscrits ainsi que des missions mises à sa charge, le Conseil départemental
des ALPES-MARITIMES de l’Ordre des Médecins a régulièrement besoin
d’augmenter la surface de ses locaux. Dans ce cadre, il a, au cours des
années, procédé à l’achat de nouveaux locaux contigus ou très proches
géographiquement de ses locaux initiaux.
C’est dans ce cadre qu’ont été achetés deux appartements
complémentaires en 2014 et 2015 pour une surface totale de 81 m2
. Ces
achats ont été faits à des prix dans la moyenne basse du marché.
Une étude d’aménagement de ces locaux a été réalisée en
2015/2016 par un architecte, que nous tenons à la disposition de la Cour
des comptes.
Il nous est apparu que la transformation envisagée avait un coût
non négligeable, tout en ne répondant pas totalement aux besoins de notre
Conseil.
De plus il est apparu que des obstacles à nos missions pourraient
survenir dans notre copropriété.
C’est la raison pour laquelle il n’a pas été donné suite à l’utilisation
de ces locaux, la réflexion menée autour de ce travail étant qu’un
déménagement de nos locaux était nécessaire.
Cette recherche active de nouveaux locaux (plusieurs visites, avec
étude approfondie par architecte pour certains des locaux, étude de la
possibilité de mise aux normes, etc.) depuis maintenant 3 ans, est proche
d’aboutir.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 161
Dans cette optique, les locaux ci-dessus désignés vont faciliter ce
nouvel achat.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE L’AVEYRON
À la lecture de ce rapport je constate qu'il a bien été pris en compte
la remarque que je vous ai transmise en ce qui concerne l'augmentation
des salaires. Je tiens juste à rajouter que pour l'augmentation salariale
pour l'année 2019 elle a été calculée au taux de l'inflation (décision prise
avec les nouveaux membres du bureau de notre conseil).
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DU BAS-RHIN
 « De fréquents problèmes de gouvernance nuisant à l'image de
l'institution »
« Les conflits de gouvernance au sein des conseils ne sont pas rares
(…Bas-Rhin…) et nuisent à l'image de l'ordre des médecins. Ils peuvent
dans certains cas conduire à des contentieux entre dirigeants d'un même
conseil, entraînant des frais d'avocats souvent financés par les cotisations
ordinales…. »
Il n'existe aucun conflit de gouvernance au sein de notre Conseil
départemental.
Il est apparu depuis plusieurs mois une différence d'appréciation
entre le Trésorier de notre Conseil et le reste des membres de notre Bureau
et du Conseil en ce qui concerne la problématique des indemnités allouées
aux Président et Secrétaire Général, mais ceci a été tranché lors de la
réunion du Conseil du 28.02.2019 (voir PV en PJ) qui a confirmé l'option
en cours.
 « Une gestion des ressources humaines peu encadrée »
« …
2- Une politique salariale hétérogène avec des niveaux de
rémunération particulièrement élevés
b) Dans les conseils départementaux et régionaux
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
162
…
Enfin, en matière de revalorisation salariale, il existe autant de cas
de figure que de conseils. Dans le département du Bas-Rhin, les salaires
augmentent depuis 1999 de 1 % au 1er
janvier et 1,5 % au 1er
juillet ; »
Les revalorisations salariales des secrétaires ont été fixées par
contrat de travail lors des mandatures précédentes (1999) et le Code du
Travail ne permet pas de les modifier en cours de contrat.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DES BOUCHES-DU-RHÔNE
En préambule, il nous semble important de souligner le contexte de
la présente réponse aux conclusions du Rapport de la Cour des comptes.
Nous avons parfaitement entendu toutes les observations de la Cour
et nous les percevons comme une réelle opportunité pour l’avenir du
Conseil départemental des Bouches-du-Rhône.
Elles nous ont permis de nous conforter dans l’idée que le Conseil
est au service des médecins, dans l’intérêt des patients. C’est pourquoi
nous avons pleinement conscience d’être les garants de l’image de
l’Institution et de son rôle de défense et de régulation de la profession
médicale.
L’équipe nouvellement élue que je représente a la volonté de
renvoyer aux médecins l’image d’une gouvernance transparente, unie,
fédératrice et à leur service.
Dès notre arrivée nous avons notamment :
- Mis en place des réunions thématiques autour de sujets d’actualité,
dans la droite ligne des missions du Conseil de l’Ordre.
- Créé une newsletter destinée entre autres à relayer en local les
préconisations du Conseil national. Nous développons ces actions
auprès des acteurs de proximité.
Nous avons pris attache avec les partenaires politiques et
institutionnels des bassins de vie pour participer au maillage territorial de
la continuité de l’offre de soin.
Nous nous sommes engagés à ce que le Conseil départemental soit
accueillant et considéré comme la maison de la médecine.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 163
 Extrait n° 1 : conflits de gouvernance
La décision prise le 04 juillet 2018 par le Directeur de l’Agence
Régional de Santé de la Région PACA de faire application de l’article
L.4123-10 a abouti, par volonté des médecins du département, à l’élection
d’un Conseil entièrement renouvelé.
Les contentieux antérieurs ont gravement affecté l’image du
Conseil. Ils ont eu un coût humain et financier élevé. Il nous appartient de
retrouver la confiance des confrères en travaillant dans le respect d’une
Institution à leur service.
Dans un souci d’apaisement notre Conseil a mis fin aux procédures
disciplinaires en cours initiées à l’encontre des élus ou médecins
lorsqu’elles concernaient leur prise de position durant le conflit de
gouvernance.
Élue présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône le
29 avril 2019, j’ai pris connaissance des charges financières importantes
liées aux différends interpersonnels et aux dysfonctionnements divers. La
nouvelle équipe souhaite dédier les cotisations perçues au service des
médecins via, par exemple, l’organisation de réunions d’information, la
création d’outils pratiques et de mise en relation des médecins entre eux.
 Extrait n° 3 : suivi des actifs mobiliers
Aucun inventaire des actifs physiques et mobiliers du Conseil n’a
jamais été réalisé.
Ce constat soulevé par le rapport de la Cour des comptes nous incite
à mettre en place sans délai un processus d’inventaire des biens du
Conseil. La réflexion est en cours sur la possibilité d’externaliser la
prestation ou de la réaliser en interne.
Actuellement, il n’y a pas de bien mis à la disposition du personnel
ou des élus tels que voiture de fonction, téléphone / ordinateur portable,
carte essence, etc.
En 2015, le Conseil départemental avait mis à la disposition des
élus des tablettes numériques, chaque élu ayant signé un courrier
l’informant que l’outil de travail a été mis à sa disposition à titre gracieux.
Lors de la Séance Plénière du 1er
juillet 2019, le nouveau Conseil
avait décidé d’adresser un courrier demandant la restitution de la totalité
des tablettes afin qu’elles soient remises aux nouveaux élus pour faciliter
leur travail au Conseil durant leur mandat. Le Conseil se charge de
relancer ceux des anciens élus qui n’ont pas donné suite au courrier.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
164
 Extrait n° 5 : achats immobiliers
Nous entendons les remarques de la Cour des comptes relatives à
l’aspect esthétique du Conseil dont la façade est inscrite aux bâtiments
remarquables.
Historiquement, le siège du Conseil départemental des Bouches-du-
Rhône a été acquis en 2002 pour un coût de 2 500 000 € (rénovation et
transformation en bureaux compris). Sa valeur estimée en 2011 par une
société indépendante était comprise entre 3 700 000 € et 3 900 000 €.
Compte tenu de ces éléments, il nous semble que cette acquisition
immobilière a été réalisée dans une volonté de sécuriser le patrimoine du
Conseil et n’a pas été effectuée à perte.
Nous procéderons néanmoins à une nouvelle estimation afin de nous
assurer que la valeur actuelle est toujours supérieure au coût d’acquisition
et de rénovation.
À la suite de notre élection, nous avons étudié l’hypothèse de
transférer le Conseil dans un lieu plus standard et fonctionnel. L’état
actuel du marché immobilier n’offre pas de solution correspondant aux
besoins du Conseil dans une enveloppe budgétaire raisonnable.
Par ailleurs, le siège du Conseil départemental permet d’accueillir
tous les médecins dans un lieu accessible en transport en commun et à tous
les modes de mobilité, proche des accès autoroutiers, avec de grandes
facilités de stationnement (plus de 200 places non payantes dans un
périmètre de 200 mètres).
Enfin, le projet d’agrandissement initié en 2012 a été interrompu en
2016. Notre équipe actuelle étudie la possibilité de rénover ou de détruire
les locaux annexes.
Une fois sa réorganisation et son projet stabilisés, le Conseil
départemental des Bouches-du-Rhône continuera à se développer en totale
cohérence avec ses missions.
En traversant ces derniers mois marqués par une remise en question
totale, nous sommes empreints d’un fort engagement collectif et d’une
motivation sans faille.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 165
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE
L'ORDRE DES MÉDECINS DE LA CORSE DU SUD
Le Conseil départemental de Corse-du-Sud a toujours accordé une
grande importance à l’organisation et au bon déroulé des conciliations.
Ses conseillers ont, de tout temps, participé à cette mission statutaire du
Conseil de l’Ordre, et cela de manière efficiente. Si la désignation des
membres de la commission de conciliation n’avait pas été actée, c’est
parce que le Conseil a toujours considéré que tous ses membres en
faisaient partie, hormis les élus de la Chambre disciplinaire de première
instance.
La commission de conciliation est désormais formellement
constituée, tous les conseillers en sont membres exceptés les assesseurs à
la Chambre disciplinaire.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE
L'ORDRE DES MÉDECINS DE LA HAUTE-CORSE
Je tiens à souligner, d’emblée, qu’entre la fin de l’année 2017 et le
début 2018, soit en quelques mois seulement, notre conseil a changé de
secrétaire, de locaux, de Bureau et de Président et parallèlement les
dispositions réglementaires et législatives ont également évolué.
En effet, le mode de fonctionnement dépassé de notre Conseil, a été
corrigé dès le début de l’année 2018 par une réorganisation complète des
membres de l’ordre et du personnel administratif ainsi que la mise en
œuvre de la saisie informatique des données.
Concernant la plainte déposée à l’encontre du Dr X, membre de
notre Conseil, par une patiente résidant en Sardaigne, nous attendions la
réponse de la plaignante, qui nous avait informé téléphoniquement qu’elle
serait présente en France au mois de septembre et reviendrait vers nous,
avant de délocaliser la conciliation dans un autre département, et cela
nous a été, vertement, reproché par vos Conseillères qui ont considéré que
nous protégions notre consœur car membre du conseil départemental.
Ce dossier a été adressé au Conseil National qui a délocalisé la
plainte dans un autre Conseil, lequel a établi un Procès-Verbal de carence
de conciliation en l’absence des deux parties et notre Conseil réunit en
Séance plénière a transmis cette plainte à la Chambre Disciplinaire de 1ère
Instance PACA-Corse conformément à l’ordonnance du 16 février 2017.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
166
De plus, cette consœur m’a adressé un courrier, il y a quelques mois,
dans lequel elle estime, bien au contraire, de ne pas avoir été suffisamment
soutenue par notre conseil et non protégée comme vous le présumez.
Par ailleurs, elle exprime même, à mon endroit, un fort ressentiment
personnel ; ce qui l’a conduite à démissionner de notre Conseil en date du
06/01/2019.
Concernant la gestion des plaintes, vous avez relevé que notre
conseil n’organisait pas de conciliation préalablement et informait le
praticien, le plaignant prenant ensuite connaissance à notre conseil de sa
version des faits.
Cela est effectivement une perte de temps et depuis votre remarque,
nous organisons la conciliation, directement sans attendre la version des
faits du praticien.
Cette gestion des plaintes n’a désormais plus cours au sein de notre
Conseil.
Pleinement conscient des efforts à fournir, notre Conseil a signé une
convention d’assistance juridique avec un avocat justifiant de compétences
reconnues en matière de contentieux disciplinaire public.
Il en résulte un encadrement et cela dès réception des courriers
susceptibles d’être regardés comme des plaintes ou des doléances.
L’article L. 4121-2 du code de la santé publique auquel renvoie
l’article L. 4123-1 du même code, définit les missions que le législateur a
confiées à l’Ordre des médecins et plus particulièrement aux conseils
départementaux.
De manière obligatoire l’ordre a compétence pour maintenir le
respect d’un certain nombre de principes éthiques formalisés dans la
partie réglementaire du code de la santé publique. Il statue en outre sur les
inscriptions au tableau. Il assure la défense de l’honneur et de
l’indépendance de la profession médicale.
Il résulte de ce bref rappel, que les activités du conseil de l’ordre
départemental sont exercées dans un cadre sollicitant divers domaines
juridiques.
Sa nature de gardien de la conformité à la norme de la profession
médicale lui impose dans ce domaine notamment une grande exigence
d’exemplarité.
Concrètement, au niveau disciplinaire, le modus operandi de la
collaboration entre notre avocat et notre Conseil, est le suivant :
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 167
1. Lorsque l'Ordre départemental est plaignant à titre principal :
- mise en forme des plaintes présentées directement à la Chambre
disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins
interrégional Provence Alpes Côte d'Azur- Corse.
2. Lorsque l'Ordre départemental transmet une plainte :
- préparation, en liaison avec le secrétariat de l’ordre, de la réunion de
conciliation en assurant la sécurisation formelle de la procédure
(incompatibilités, quorum, compétence du président…) ;
- rédaction de l’avis motivé de transmission de la plainte ;
- dans l’hypothèse d’une association à la plainte ainsi transmise,
rédaction du mémoire en réplique ;
- dans l’hypothèse d’une transmission sans association, répliquer en
qualité d’observateur, au mémoire en défense sur ce même terrain
procédural.
S’agissant des 5 % des dossiers papiers manquants des médecins,
égarés lors du déménagement dans l’urgence et l’emménagement dans des
locaux en chantier de notre conseil et il convient de préciser que nous
avons constaté que tous ces dossiers sont très voisins dans l’ordre
alphabétique que ce soit par exemple pour les « L » ou pour les » T »,
comme s’ils faisaient partie à chaque fois d’un même carton.
La reconstitution matérielle de ces dossiers est bien avancée et est
toujours en cours.
Le dossier de l’ancien Président de notre Conseil, sans activité
médicale depuis novembre 1998 a été entièrement reconstitué.
En l’espèce, aucune volonté de dissimulation d’informations ne peut
nous être opposée.
Concernant les dossiers médecins inscrits à notre Tableau, ils sont
à ce jour en format papier, la numérisation de ces dossiers a été validée en
séance plénière et l’embauche d’un secrétaire administratif à temps partiel
permettra au 01/01/2020 d’entreprendre cette mission sans peser sur le
fonctionnement quotidien de notre Conseil.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
168
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE L’HÉRAULT
1. Dérives dans la « Lettre de l’Ordre » de mai 2013
 Le texte incriminé a été publié dans la rubrique « Libres propos / Billet
d’humeur » ;
 Le texte incriminé est signé du Docteur WOLFF, Gynécologue, qui précise
bien que ce texte « n’engageant que lui et ne reflétant en rien l’avis du
Conseil » (en N.B) ;
 Cette publication a valu :
- une plainte du Conseil National de l'Ordre des Médecins contre le
Docteur WOLFF. Plainte rejetée par la Chambre Disciplinaire de 1ère
Instance du Rhône le 14 avril 2014
- puis un appel du Conseil National de l'Ordre des Médecins contre cette
décision, appel lui aussi rejeté le 8 juin 2015
Aucune faute déontologique n’a donc été retenue.
Pour toutes ces raisons il nous semble injustifié de qualifier cette
publication de 2013 d’« expressions publiques inappropriées ».
2. Entraide
a)Dérive dans les critères d’attribution et dans les montants alloués :
L’attribution d’une entraide au Conseil Départemental de l’Hérault
se fait par décision du Conseil réuni en séance plénière sur proposition du
Trésorier ou du Président. Le plus souvent, c’est le Trésorier qui reçoit
longuement le demandeur, qui le questionne très précisément sur ses
ressources et ses dépenses, qui examine son SNIR et qui fait un compte rendu
détaillé au Conseil.
Ce mode de fonctionnement, basé sur la confiance et la confraternité,
nous a toujours semblé éthique et déontologique. L’avis d’imposition n’a
jamais été demandé car le plus souvent les confrères demandeurs sont non
imposables. D’autre part, l’avis d’imposition reflète la situation de deux ans
auparavant et non du moment de la demande d’entraide.
Le montant des entraides alloué, entre 4 000 et 5 000 € en moyenne,
correspond à notre avis à une juste mesure eu égard aux difficultés
présentées par les confrères et du niveau de notre trésorerie. Mais il est bien
évident que le Conseil Départemental de l’Hérault de l'Ordre des Médecins
est favorable à un barème national qui s’imposerait à tous.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 169
b) Les prêts :
- depuis deux ans, nous n’accordons plus de prêts ;
- les prêts accordés ont été remboursés, certes avec parfois plusieurs
années de retard mais tous ont été remboursés sauf un.
Ce prêt non remboursé a été accordé à une confrère récemment
retraitée, connaissant de graves difficultés financières. Elle nous a fait une
reconnaissance de dette signée où elle s’engage à tout rembourser dès que
sa maison serait vendue. Cette vente traine, c’est pourquoi le remboursement
est pendant... Faut-il faire une action en justice ???
Le prêt de 10 000 € à une élue ordinale, médecin généraliste, a été
accordé en urgence, dès le lendemain d’une agression à son domicile lors
d’un cambriolage pour lui permettre de continuer à travailler. Ce prêt a été
validé, a posteriori, par une décision du Conseil en séance plénière.
Ce prêt a été totalement remboursé.
Enfin, le prêt du Docteur Patrick WOLFF, ancien président du
Conseil Départemental, a été accordé par un « bureau restreint », mais
validé par une décision du Conseil à la séance plénière suivante.
Il était destiné, dans le cadre de l’affaire mentionnée au 1, à payer les
frais d’avocat induits par l’appel du Conseil National de l'Ordre des
Médecins qui avait été débouté de sa plainte en 1ère
Instance, la RCP du
Docteur WOLFF ayant pris en charge les frais de 1ère
instance mais refusant
de prendre en charge les frais d’appel. Le Conseil National de l'Ordre des
Médecins ayant été débouté ensuite en appel, le Conseil Départemental,
dans sa séance du 14 juin 2016 a donc décidé de transformer ce prêt en don
car
- aucune faute déontologique n’avait été retenu contre lui ;
- les deux plaintes déposée (1ère
Instance et appel) l’avaient été au motif
« qu’en tant que Président du Conseil Départemental il avait un devoir
de réserve », c’était donc bien sa fonction de Président qui était
incriminée et le Conseil Départemental a pensé qu’il devait lui
témoigner sa solidarité par ce geste.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
170
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE LA MAYENNE
Le point « entraide généreuse, très hétérogène et parfois versée à
tort » ne répond pas à nos remarques déjà formulées à l'encontre du
conseil de la Mayenne, à savoir :
« Le CNOM et nous même avons été destinataires d'un courrier de
demande d'entraide de la part de la fille d'un médecin radié suite à une
décision de la chambre disciplinaire.
Notre conseil a reçu cette demande, le 16 octobre 2016, mais n'a
jamais sollicité la commission d'entraide nationale.
Cependant, le CNOM dans sa commission retreinte, du 26 octobre
2016, a souhaité verser une aide d'urgence au titre « de l'aide aux études
et au regard des éléments contenus dans le dossier ». Le montant a été viré
sur notre compte. Nous avons reversé l'intégralité du montant accordé par
le CNOM à la fille de ce médecin sur production de factures. »
Le Conseil départemental de la Mayenne n'est donc aucunement
impliqué dans la décision d'attribution de cette aide.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE LOIRE-ATLANTIQUE
Afin de rester au plus près de vos commentaires, nous allons
aborder les sujets dans l’ordre dans lequel vous nous les présentez.
Extrait n° 1, relatif au contenu du blog du CDOM :
Vous évoquez dans cet extrait, la qualité des contenus publiés par
certains Conseils, qui est par ailleurs extrêmement variable et qui a pu
donner lieu à des dérives, comme en Loire-Atlantique.
Sujet semble-t-il important puisque le premier de vos sujets et de
surcroît encadré. Justement comme vous avez pu le constater, ces « mots
d’humeur » (et non pas des pamphlets) ont toujours été bien encadrés,
disposés au sein du journal, à leur place, à savoir dans la page
« divertissements » à côté des mots croisés et des parties de bridge.
Ces mots d'humeur étaient frondeurs et moqueurs, si possible
humoristiques, et en tout cas ni délictueux, ni injurieux, ni agressifs. Ils
n'étaient que des jeux, à destination de nos confrères, et pas du tout des
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 171
discours de propagande politique. Il est à noter d’ailleurs qu’en presque
vingt années d’existence, le Conseil n’a eu aucun retour négatif sur ces
mots d’humour, ni du lectorat très spécifique que sont les médecins, ni des
institutions officielles à qui nous transmettions la revue.
Nous prenons acte de vos remarques, mais nous nous inquiétons
quand même de cette censure qui laisse entendre que notre liberté de
parole doit être en tout lieu aseptisée. Nous nous interrogeons également
sur la légitimité de la Cour des Comptes sur un tel sujet. Nous nous
étonnons qu’une juridiction financière chargée de contrôler la régularité
des comptes publics et assimilés, puisse juger aussi de la qualité de notre
communication.
Ce qui nous amène donc au sujet suivant qui nous paraît, lui, plus
légitime.
Extrait n° 2, relatif aux dépenses sans rapport avec les missions de
l’Ordre :
Nous avons pris acte et nous avons corrigé cela dans la gestion des
deniers de l’Ordre. Pour parfaire votre information, sachez que l’achat du
vélo dont vous parlez, pour le départ à la retraite d’une secrétaire après
plus de 30 années au sein du Conseil départemental, a fait l’objet d’une
cagnotte alimentée par les personnes physiques concernées, mais dans des
proportions insuffisantes pour cet achat, ce qui a motivé l’utilisation des
deniers du Conseil. Ce qui ne se reproduira plus. Bien que l’on puisse
considérer en l’état, que cette secrétaire était au service de tous les
médecins du département qui, de facto, pourraient être considérés comme
personnes physiques.
Extrait n° 3, relatif à la distinction entre plaintes et doléances et
l’organisation des conciliations :
La qualification en plainte ou doléance n’est pas confiée à un seul
élu, mais à notre Secrétaire Générale après discussion avec notre juriste
et des conseillers ordinaux lors de nos réunions hebdomadaires. Tous les
courriers reçus sont soumis hebdomadairement en Bureau et leur direction
est ainsi validée de façon collégiale.
Les conciliations sont, pour la plus grande majorité, (et le seront
maintenant systématiquement) sous le contrôle de deux conseillers
ordinaux qui sont souvent accompagnés d’une de nos juristes, gage de
conformité au droit, et qui sont tenues de par leur contrat au secret
professionnel absolu, tout comme peut l’être une secrétaire médicale dans
un cabinet de médecins ou dans un service hospitalier.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
172
Quant aux plaintes clairement étiquetées, celles-ci font toutes
l’objet d’une conciliation. Les plaintes n’ayant pas fait l’objet de
conciliations relevaient dans leur grande majorité de l’article L. 4124-2
du code de la santé publique, mais étaient toutes étudiées lors d’une
réunion de bureau (sauf cas très particuliers des plaintes
incompréhensibles).
Voilà donc les éléments que nous souhaitions porter à votre
connaissance et que vous prendrez en compte sans nul doute.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE PARIS
 Le stationnement en ville des médecins
À Paris jusqu'en 2011, le stationnement était sous la tutelle de la
Préfecture de Police. Le Conseil départemental, en partenariat avec la
Préfecture, a mis en place pour les praticiens effectuant des visites, la
délivrance de « Vignettes Urgences » qui étaient éditées et distribuées par
le Conseil départemental. Le listing des médecins bénéficiaires était
communiqué à la Préfecture.
À la suite de la réforme qui donnait à la ville de Paris le contrôle du
stationnement, le Conseil départemental a sollicité la Mairie afin de
rediscuter les conditions de déplacement des médecins parisiens. À
l'occasion de ces réunions, le Conseil départemental a toujours pu compter
sur le soutien de la Préfecture de Police qui y participait.
C'est avec rigueur que le Conseil départemental agit, afin d'offrir
aux parisiens un meilleur accès aux soins et pour permettre une
collaboration plus efficace avec les institutionnels qui font appel au
Conseil départemental de la ville de Paris de l'Ordre des Médecins, dans
le cadre des missions qui lui sont confiées par la Loi.
Sur les 987 autorisations attribuées en 2018 (pour rappel le Conseil
départemental de Paris compte plus de 25 000 médecins inscrits au
tableau), deux cas (2) ont été relevés par la Cour des Comptes qui, par
erreur, ont bénéficié de la carte Pro SAD.
2018 a été la première année de mise en place de ce dispositif, les
erreurs signalées ont été corrigées et dès 2019, les contrôles ont été
améliorés.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 173
Le Conseil départemental de la ville de Paris de l'Ordre des
Médecins compte 52 élus ordinaux, parmi eux, 25 élus disposent de la
Carte « Pro SAD ».
Une dizaine de Conseillers effectuent, à l'occasion de leur pratique
médicale, des visites à domicile justifiant l'obtention de la carte
« Pro SAD », et de plus, comme les quinze autres élus disposant de la carte,
ils effectuent des missions pour l’Ordre, très fréquemment à la demande
d’institutionnels.
Les missions effectuées par les Conseillers ordinaux sont entre
autres, les saisies/perquisitions (224 en 2018) faites à la demande d'un juge
d'instruction, de la police judiciaire ou du Procureur de la République, les
réunions avec l'ARS, la Mairie de Paris, la Préfecture de Police.
Dans les missions de l'Ordre figurent aussi les visites de cabinets
médicaux, les réunions de formation, la présence à la commission fiscale
des professions libérales, les conférences de territoire, les Conseils de
Faculté et bien d'autres activités nécessitant un déplacement et pour
lesquelles les frais ne sont pas pris en charge par le Conseil départemental
de la ville de Paris de l'Ordre des Médecins.
 Politique salariale et service juridique
Je vous rappelle qu’en l'état actuel de la législation, les juristes
salariés des Conseils départementaux ne sont pas autorisés à représenter
leurs employeurs devant les Chambres disciplinaires.
Pour plus de précisions, l’avocate du Conseil départemental de
Paris a pris en charge pour l'année 2017 notamment, 76 audiences dont
56 devant la Chambre disciplinaire de première instance d’Île-de-France
et 20 devant la Chambre disciplinaire nationale.
De plus le Conseil départemental de la ville de Paris est l’un des
rares Conseils à salarier un juriste à temps plein.
 Les conciliations
- Concernant l'exemple que vous citez au sujet du Dr S., une
conciliation a effectivement abouti, suite à la proposition du médecin
de rembourser sa patiente de la somme versée pour des actes
d'épilation laser, ce que cette dernière a accepté contre le retrait de
sa plainte au Commissariat de Police et son engagement de suivre des
soins dans un autre centre.
C'est de leur propre chef que les parties ont convenu des modalités
de cet accord, sans que le conciliateur ne s'y soit immiscé.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
174
En tout état de cause, une conciliation entre les parties ne fait pas
obstacle à une plainte du Conseil départemental à l'encontre du médecin
concerné, dès lors qu'il apparait que les faits constituent des manquements
graves à la déontologie médicale.
Dans l’exemple cité, il n'y avait pas lieu pour le Conseil
départemental de s'autosaisir après cette conciliation et de déférer ce
médecin devant la juridiction ordinale. Les faits reprochés à ce médecin
ne relevaient en effet d'aucun manquement déontologique.
Ils portaient sur les résultats d'une épilation dite définitive, relevant
d'une appréciation technique échappant par là même à la compétence des
instances ordinales.
- Toutes les plaintes relevant de l'article L. 4123-2 du code de la santé
publique, après échec de la conciliation ou carence, sont transmises
à la Chambre disciplinaire de première instance, contrairement à ce
que vous écrivez.
Pour les plaintes relevant de l'article L. 4124-2, les dispositions de
cet article n'imposent ni organisation de conciliation, ni transmission de
la plainte.
- L’affirmation sur Mme X ayant porté plainte contre le docteur B
laisse sous-entendre qu’il s’agirait d'un artifice pour tenter de
convaincre la plaignante d'abandonner ses poursuites ou pour
retarder la transmission de la plainte à la juridiction ordinale. En
aucun cas il n'a été tenté de la dissuader de poursuivre sa démarche.
Votre analyse est totalement contredite par la chronologie de la
procédure suivie dans cette affaire :
- 6 août 2012 : réception de la plainte ;
- 10 septembre 2012 : information du médecin mis en cause et
convocation des parties à la réunion de conciliation ;
- 25 septembre 2012 : réunion de conciliation ayant abouti à la
rédaction d'un procès-verbal de non-conciliation ;
- 12 décembre 2012 : présentation de la plainte et délibération du
Conseil départemental décidant la transmission de la plainte à la
Chambre disciplinaire de première instance ;
- 14 janvier 2013 : enregistrement de la plainte par la Chambre
disciplinaire de première instance ;
- 1er
mars 2013 : ordonnance du Président de la Chambre disciplinaire
de première instance rejetant la requête de la plaignante pour
irrecevabilité, pour défaut d'acquittement de la contribution pour
l'aide juridique qui existait à l'époque.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 175
Lors des conciliations, les conciliateurs informent les parties du
parcours que la plainte suivra et des délais habituels en la matière. La
plaignante a certainement dû déduire de cette information qu'elle disposait
d'un délai pour réfléchir sur les suites de sa plainte avant qu'elle ne soit
examinée en séance de Conseil.
Quoi qu'il en soit en l'espèce, il apparait que ce dossier a été traité
sans aucun retard. Si la plainte a été abandonnée, c'est à la seule initiative
de la plaignante qui n'a pas donné suite à l'invitation faite par le Greffe de
la juridiction de régulariser la procédure par l'acquittement de la
contribution pour l'aide juridique.
 Le traitement des plaintes pour des faits à caractère sexuel
Vous faites état de la condamnation prononcée par la Cour
Administrative d’Appel de Paris en octobre 2012 contre le Conseil
départemental de la ville de Paris de l’Ordre des médecins d'avoir à verser
une somme de trois mille euros en marge d'une affaire concernant un
médecin gynécologue.
Nous ne pouvons qu'être très surpris que vous croyiez utile de faire
à nouveau référence à cette ancienne affaire aujourd'hui définitivement
jugée et tranchée, dans le cadre d'un rapport que vous publiez en 2019. Un
tel décalage est non seulement surprenant mais très inapproprié pour
apprécier la gestion actuelle et quotidienne du Conseil.
Vous donnez ainsi une fausse impression de la réalité du quotidien
de notre activité, ce que nous déplorons.
De plus, nous avons dû procéder à des rectifications de vos écrits
qui comportaient des affirmations péremptoires et erronées sur de
nombreux points, alors que vous disposiez ou auriez dû solliciter en temps
utile les éléments nécessaires.
À titre liminaire, je tiens à rappeler que si la décision a été rendue
le 18 octobre 2012, soit il y a plus de sept ans aujourd’hui, les doléances
concernées par cette affaire sont encore plus anciennes car elles datent de
1988 à 2004, soit il y a près de 30 ou 15 ans, soit bien antérieurement à la
période de votre saisine.
Il faut souligner également que la Cour Administrative d’Appel de
Paris avait jugé dans cette affaire que les doléances devaient être
requalifiées en plaintes (et non comme des doléances relevant de
l’appréciation des poursuites du Conseil) et à ce titre devaient être
soumises à la juridiction ordinale.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
176
C’est cette erreur d’appréciation qui a donné lieu, pour la
juridiction administrative, à la caractérisation d’une faute.
Contrairement à ce que vous indiquiez, aucun élu ordinal n’a été
mis en cause personnellement. Seule la responsabilité civile du Conseil de
l’Ordre a été engagée pour ces faits très anciens.
Vous avez accepté de revenir sur votre affirmation en indiquant
désormais que c'est l’Avocat Général de la Cour d’Assises qui aurait
« mis en cause la gestion de l’affaire » par un élu.
Nous rappelons que le Conseil départemental de la ville de Paris de
l'Ordre des médecins, qui s'était constitué Partie Civile dans le cadre des
poursuites pénales initiées contre le gynécologue, avait été déclaré
recevable par arrêt du 14 mars 2014 de la Cour d'Assises de Paris.
Depuis 2006, le Conseil départemental de la ville de Paris a
entrepris toutes les mesures nécessaires pour que le médecin concerné soit
sanctionné et il a été prononcé sa radiation en 2013 par la juridiction
disciplinaire après les actions et recours formés par le Conseil à cette fin.
Le Conseil Départemental de la ville de Paris a pris acte de la
décision de la Cour Administrative d’Appel et les dossiers sont instruits
avec la plus grande diligence.
Vous rapportez par ailleurs, qu’un élu ordinal aurait fait l’objet de
deux plaintes pour des faits à caractère sexuel, restées sans suite. Le
Conseil ne comprend pas le lien avec le traitement de l'affaire du
gynécologue radié de l'Ordre depuis 2013.
Alors que ces éléments figuraient au dossier en votre possession,
nous nous étonnons que vous ayez dans un premier temps omis d'indiquer
dans votre rapport que l'une des plaintes concernant cet élu a fait l'objet
d'un désistement du plaignant informant le Conseil départemental par
courrier, et que l'autre plainte a été jugée irrecevable par la juridiction
ordinale, le plaignant ne s’étant pas conformé aux règles légales de
procédure.
De son côté, le Conseil départemental a fait toute diligence en
traitant ces plaintes conformément à la loi, lesquelles ne sont donc pas
« restées sans suite » de sa part.
En vertu du principe constitutionnel de la présomption d'innocence,
seule une décision juridictionnelle définitive de culpabilité est de nature à
imposer la cessation des fonctions d'un élu.
D’une manière générale, je conteste fermement votre conclusion
selon laquelle « d'autres élus, dans des Conseils départementaux, comme
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 177
à Paris, ont retardé l'engagement de poursuites disciplinaires contre des
médecins accusés d'agressions sexuelles ou de viols, ces poursuites
n'intervenant qu'après la condamnation pénale desdits médecins ».
Cette affirmation non argumentée porte atteinte à l’honneur et à la
considération des élus parisiens alors que les plaintes ordinales sont,
conformément à la loi, transmises à la juridiction disciplinaire et que les
poursuites sont systématiquement engagées en temps utile.
Dans le respect de la présomption d’innocence et des droits du
patient, le Conseil départemental de la ville de Paris de l’Ordre des
Médecins œuvre chaque jour pour le traitement des très nombreux dossiers
disciplinaires dont il a la charge et se constitue régulièrement partie civile
devant les juridictions répressives pour défendre l’honneur et la moralité
de la profession médicale.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L'ORDRE DES MÉDECINS DU PAS-DE-CALAIS
1. Sur les « comptes faussés et soupçons de détournement d’argent
au profit d'une secrétaire en mars 2012 »
Mon mandat de Présidente n’ayant débuté qu’en avril 2015, je ne
peux malheureusement vous apporter d’éléments utiles relatifs à cette
période. Je vous invite donc à prendre attache auprès des intéressés afin
qu'ils puissent vous livrer leurs explications.
2. Sur le point 3 relatif au licenciement « abusif »
Le motif de licenciement n’est pas celui indiqué par la Cour des
comptes (i.e. « raison de santé du salarié »). Le motif invoqué par le
Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins du Pas-de-Calais était la
désorganisation de son secrétariat, celui-ci comprenant quatre personnes
à temps plein avec chacune des salariés ayant une compétence spécifique,
l’absence prolongée de l’une d’entre elles pénalisait donc la grandement
l’organisation et la qualité du travail.
En outre, la Cour des Comptes critique la gestion de ce litige qui à
son sens « l'exposait à un contentieux dont il pouvait facilement
s’apercevoir qu’il serait perdu d’avance ».
Je m’étonne de cette formulation car la France n’étant pas un pays
de « common law » où le juge est lié par un précédent et dont la
prévisibilité judiciaire n’est pas possible.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
178
D’ailleurs, la condamnation du conseil de prud’hommes au
versement d’une indemnité de 38 000 € a été réduite par la Cour d’appel
de Douai de plus de moitié, soit à un montant de 15 000 € correspondant
à 8 mois de salaire brut (en dessous de la moyenne selon une étude du
ministère de la Justice de 2016 indiquant que cette juridiction accorde en
moyenne 10 mois de salaire toutes demandes confondues).
Cela atteste de la véracité du motif invoqué et caractérise la bonne
gestion de ce litige par le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins
du Pas-de-Calais.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L’ORDRE DES MÉDECINS DE LA RÉUNION
 « De fréquents problèmes de gouvernance nuisant à l’image de
l'institution »
En juillet 2018, à l’issue du renouvellement par moitié du Conseil
départemental de La Réunion, les membres du Bureau ont identifié des
défauts de fonctionnement de l’institution et l’ont porté à la connaissance
de l’assemblée plénière des élus et de l’échelon ordinal national.
Les problèmes identifiés ont fait l’objet de débats ouverts au sein de
l’assemblée. La situation a motivé la démission de la majorité des membres
du Bureau et induit de facto la démission du président et du secrétaire
général.
Le 28 septembre 2018, un nouveau bureau était élu. Depuis cette
date, l’institution a retrouvé sa pleine sérénité et a engagé, avec la
confiance des élus, la refonte de tous les processus de travail de
l’institution, qui sont aujourd’hui normalisés. Il n’existe donc ainsi aucun
conflit de gouvernance. Le Conseil a communiqué avec transparence avec
la communauté médicale du département pour réaffirmer l’intégrité de son
institution et la rigueur vertueuse de ses représentants.
 « Enfin, des indemnités ne sont pas toujours versées à bon
escient […] »
A l’issue des élections de juin 2018, les membres du bureau exécutif
du Conseil de La Réunion, satisfaisant à leurs pleines obligations ordinales
(le terme de lanceur d’alerte, certes populaire, paraît ici inadapté), ont
rapporté au collège des conseillers ordinaux réunis en séance plénière les
anomalies de fonctionnement qu’ils avaient constatées. A l’issue de la
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 179
recomposition du nouveau bureau élu, toutes les règles institutionnelles
ont été scrupuleusement mises en application.
Le refus de porter plainte pour « attitude jugée anti confraternelle
et calomnieuse » ne concerne pas le Conseil de La Réunion.
 « L'insuffisante prise en compte des risques de conflits d’intérêts »
Le nouveau bureau élu en septembre 2018 s’est interrogé sur la
définition générale du conflit d’intérêt lors des débats ordinaux. Cette
question a également été débattue avec le Conseil national. La plus grande
vigilance est apportée à ce que les décisions ne soient pas altérées par des
situations de conflit d’intérêt. Cette vigilance s’exerce au moment des
décisions mises aux débats et par un respect scrupuleux des règles de droit,
en particulier lorsqu’un conseiller ordinal est impliqué dans un
contentieux disciplinaire. À titre d’illustration, depuis cette date, quatre
affaires contentieuses impliquant des élus ordinaux ont fait l’objet d’une
demande de délocalisation de la conciliation auprès du président du
Conseil national. Ainsi, il n’existe aucun écart à ces procédures depuis
l’élection du nouveau bureau.
Il n'existe donc aucune situation de conflit d’intérêt dans la gestion
des affaires disciplinaires.
 « Des indemnités parfois irrégulières et des remboursements de frais
insuffisamment justifiés »
Le jour de son élection en septembre 2018, le nouveau bureau a gelé
le versement de toute indemnité jusqu’à la mise au vote de l’assemblée
plénière d’une grille pour les indemnités de fonction et de missions. Cette
grille approuvée par l’assemblée, respecte les règles nationales de non
cumul comme celles de plafonnement. La reconstruction de la chaîne de
trésorerie ne permet par ailleurs aucun versement d’indemnité qui ne soit
précisément justifié, conforme au règlement de trésorerie et validé par
l’ordonnateur, le liquidateur puis le trésorier. Un expert aux comptes a été
missionné depuis l’année 2019.
Il n’existe donc aucune situation de versement irrégulier
d’indemnités au Conseil départemental de La Réunion.
 « Des comptes incomplets ou entachés de nombreuses erreurs »
L'absence de report des comptes DAT parait être le fait d'erreurs
d’imputation comptable jusqu’à leurs clôtures en 2013 et 2014. Depuis la
mandature de septembre 2018, nous avons, avec l’aide de la comptable,
exercé un contrôle rigoureux de tous les comptes de l’institution. Leur
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
180
contenu est régulièrement présenté aux élus en séance plénière ainsi que
toutes les décisions comptables.
 « Des comptes délibérément faussés »
Le début de l’année 2018 a été marqué par la maladie grave du
trésorier élu, ne lui permettant pas de se déplacer avec assiduité. La gestion
de la comptabilité était assurée par la secrétaire- comptable, qui s’est avérée
agir malhonnêtement, comme l’ont prouvé nos recherches et l’examen
minutieux de la comptabilité. Le procureur de la République a
immédiatement été saisi d’une plainte contre X pour escroquerie puis d’une
plainte nominative à l’encontre de la secrétaire-comptable mise en cause.
Son licenciement a été immédiat. Il faut noter que la charge de travail du
bureau pendant l’année 2017 et le début de l’année 2018, la concentration
de cette charge considérable sur un binôme d’élus, mais également la
confiance accordée à la secrétaire-comptable, ont contribué à faciliter ces
détournements, les anomalies dans la gestion des règlements par chèques et
l’encaissement frauduleux de chèques de cotisations. Toutes les
constatations concernant l’escroquerie manifeste, les détournements et les
faux en écriture ont été immédiatement portés à la connaissance de la Cour.
Dès le début de notre mandature, la chaîne de trésorerie a été
intégralement reconstruite afin de satisfaire aux règles institutionnelles.
Aucune dépense ne peut être engagée sans l’approbation du trésorier élu
et des coordonnateur et liquidateur désignés en assemblée plénière.
Aucune opération bancaire n’est effectuée sans la double intervention de
la comptable et du trésorier. Les cotisations sont idéalement réglées
directement en ligne sur le site du Conseil national, par virement bancaire
ou par chèque bancaire déposé au Conseil, en attendant la généralisation
du règlement en ligne. Enfin, toutes les mesures ont été prises pour garantir
la mise en sûreté redondante des documents comptables.
La rigueur des procédures mises en application et les contrôles
permanents mis en œuvre, tant sur les comptes que sur l’exécution des
tâches, assurent la parfaite régularité de fonctionnement de tout le champ
comptable et de trésorerie.
Le bureau ne peut commenter l’absence d’un grand livre et d’une
balance dans une comptabilité ancienne de 12 ans. Il rappelle cependant
qu’une comptabilité était tenue et que les fichiers comptables restaient
disponibles.
Le bureau élu en septembre 2018 a mis en application les règles
institutionnelles de trésorerie et de comptabilité recommandées par le
Conseil national. La comptabilité, dans tous ses champs d’application
(salaires, indemnités et comptabilité générale) est désormais saisie en
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 181
temps réel dans la base comptable nationale. Les procédures de
sécurisation des pièces comptables ont été intégralement normalisées et
assurent la parfaite conservation de ces documents. Les outils comptables
légaux sont tenus en temps réel. Concernant la disparition de pièces
comptables, il est juste de souligner que le Conseil a été victime des
agissements frauduleux de deux collaboratrices secrétaires-comptables
alors employées par le Conseil et pour lesquelles la justice a été
efficacement saisie. On rappelle que le Conseil s’est employé à identifier
les anomalies comptables dont il a été la victime, en a informé la Cour et
a saisi l’autorité judiciaire.
Les règles de l’art de la chaine de trésorerie et de la comptabilité
sont donc respectées.
 « Une entraide généreuse, très hétérogène et parfois versée à tort -
Des aides injustifiées »
Par ses commentaires sur les décisions d’entraide prises en séance
plénière par le Conseil, la Cour semble méconnaître que les enfants du
médecin condamné en 2013 étaient en situation de détresse financière et
sociale. L’Entraide était réellement et uniquement destinée aux enfants de
ce médecin : aide d’urgence pour leur éducation compte-tenu du désarroi
dans lequel se trouvait la famille (mère vivant à l’étranger, quatre enfants
en bas âge, père incarcéré).
En la matière, une décision de la séance plénière, prise au bénéfice
des enfants d'un médecin, à l’issue de la saisine de la commission statutaire
ordinale d’entraide, constitue une décision souveraine, guidée par des
considérations confraternelles et humanistes, visant à extraire des enfants
d’une situation de péril.
La préservation de conditions de vie décentes pour les enfants des
médecins dans l’adversité constitue par ailleurs un fondement des
engagements Hippocratiques ancestraux, ceux-là même que chacun a pris
lors de la cérémonie du Serment.
 « La politique immobilière »
Les questions relatives à l’acquisition des nouveaux locaux et de la
création d’une SCI « CDOM-CIROM » apparaissent dans les procès-
verbaux d'assemblées plénières, dès mars 2008 ; l'avancée du projet est
ensuite débattue régulièrement jusqu’en 2009. Il apparait que le coût de
l’immobilier à La Réunion était plus valorisé à cette époque, en raison des
possibilités de défiscalisation d'une partie de la valeur des biens achetés.
Il y a bien eu, d’après les explications recueillies du gestionnaire de la SCI,
Monsieur F., des frais d’aménagement des bureaux et d’agrandissement
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
182
par rapport à la construction primitive (bureaux et salle de conférence du
Conseil).
Sur les conseils de la Cour des Comptes, nous avons, CDOM et
CIROM, remis la SCI entre les mains d’un cabinet de comptables pour
revoir les superficies et l’utilisation des locaux communs (Salle du
Conseil), ainsi que faire une répartition plus juste des frais de loyers, des
charges et des remboursements des prêts pour les deux institutions. Ces
décisions ont été votées par les deux Conseils (CDOM et CIROM) en
séance plénière.
 « Trois exemples de traitement des plaintes à La Réunion »
Il est difficile de justifier le traitement réservé aux affaires
disciplinaires dont le Conseil était saisi, alors que je ne disposais alors
d’aucun mandat au Bureau (2005-2018). Le Conseil condamne avec la
plus grande fermeté les agissements pour lesquels d'anciens confrères ont
été condamnés par la justice.
L’une des priorités de ma mandature est de garantir l'équité dans le
traitement des plaintes et des signalements.
En conclusion
Il est acquis que les constatations faites par la Cour ont contribué à
dresser un audit indépendant et précis sur les dysfonctionnements de
l’institution ordinale. Ces conclusions sont venues confirmer les
constatations que les élus du Conseil avaient déjà dressées avec précision.
Le Conseil a mis en œuvre l'énergie de tous ses élus pour restaurer sa
pleine capacité à agir avec transparence et rigueur.
Le Conseil, guidé par sa vocation d’exercer un contrôle de la
profession, aux côtés des médecins et pour le plus grand intérêt des
patients, tout en gardant la mesure de la responsabilité qui lui est
légalement confiée par le code de la santé publique, remplit aujourd’hui
ses missions avec fierté et engagement.
Servi par des représentants exemplaires de disponibilité et de
dévouement, guidé par le sens de l’honneur et de l'intégrité, le Conseil
veille à rendre à la profession l'image de grandeur et d'humanisme dont il
peut témoigner au quotidien.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 183
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L’ORDRE DES MÉDECINS DU RHÔNE
De fréquents problèmes de gouvernance nuisant à l'image de
l'Institution :
1. La Cour des Comptes a contrôlé le CDOM69 en septembre 2011,
(contrôle de 2007 à 2010).
Les indemnités du président du Conseil départemental et conseiller
national ont été présentées et aucune remarque, aucune irrégularité n'a été
constatée sur son mode de rémunération. Les comptes antérieurs à 2011
ont été archivés après les contrôles de la Cour des Comptes. Le
rapprochement des comptes entre le Conseil départemental et le Conseil
National a donc eu lieu à partir de 2011 et jusqu'en 2017. Ceci veut dire
qu'il n'y a eu aucun rapprochement des comptes entre 2007 et 2011, les
modalités d'indemnisation des conseillers étant par ailleurs différentes.
Je ne suis pas en mesure de confirmer l’ordre de grandeur de
40 000 € que vous avancez.
2. Je ne peux donc fournir d'explications que pour la période
2011-2017. Le CDOM69 connaissait le mode de rémunération de son
président mais uniquement l'indemnisation et le remboursement de
frais effectués par le CDOM69, l'indemnisation et le remboursement de
frais par le CNOM n'étant connus que du président. Le CDOM69 avait
accepté de prendre en charge sur justificatifs, les factures originales
des frais d'hôtel pour les réunions à Paris. En effet, cette pratique était
bien antérieure, ayant débuté avec le premier conseiller national. Le
CDOM69 n'avait pas connaissance d'une indemnité forfaitaire
spécifique pour les nuits d'hôtel, sans justificatif de facture, allouée par
le Conseil National au président. La présentation des comptes annuels
depuis 2012 aux conseillers était claire sur les modalités et les montants
d'indemnisation de chacun. Le 21 juin 2016, à la demande d'un vice-
président, j'ai moi-même demandé au cabinet comptable externe de
nous présenter les indemnités des élus, du président en particulier, et
de nous préciser s'il y avait des irrégularités dans les modalités de
remboursement de frais. Il n'a été constaté aucune irrégularité dans le
dossier du président. Le comptable comme le CDOM 69 n'avait aucun
accès aux indemnités personnelles du président en dehors du
CDOM 69.
3. Lors de sa venue le 15 janvier 2018 dans nos locaux, le Conseil
National a réalisé le rapprochement des indemnités perçues par le
président de 2011 à 2017 et a constaté que le président percevait à la
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
184
fois l'indemnité forfaitaire de 150€ par nuitée du CNOM et le
remboursement des nuits d'hôtel sur factures par le CDOM69 entre
2011 et 2013. Le président pour la première fois m'a informée de cette
double indemnisation entre 2011 et 2013, qu'il avait spontanément
cessée depuis avril 2013 ensuite jusqu'à la fin de son mandat. Il m'a
annoncé qu'il rembourserait sans délai le CDOM69.
4. Le 23 janvier 2018, le président a réuni tous les conseillers titulaires
du CDOM69 pour leur expliquer cette double indemnisation et ses
raisons : acculé par les difficultés rencontrées dans la gestion de son
cabinet et une présence croissante au CNOM, insuffisamment
indemnisée. Il n’a jamais démérité dans ses missions au CDOM69 et
auprès des médecins du Rhône.
5. Le Conseil National a saisi la CDPI Rhône-Alpes d'une plainte à
l'encontre du président le 8 février 2018 et a considéré que le CDOM69
ne devait pas l’indemniser pour ses nuits d'hôtel lors de ses missions au
Conseil national. Dès lors, le président a remboursé le Conseil
départemental du Rhône de 26 307,60 € le 8 mars 2018, ce qui
correspond aux nuitées d'hôtel payées par le Conseil départemental du
Rhône, et indemnisées 150 € par le Conseil National, pour des missions
du Conseil National et non pas du Conseil départemental.
6. Le 6 mars 2018, en assemblée plénière, l'ensemble des conseillers
titulaires est informé de la plainte. Le CDOM69 doit se renouveler pour
moitié le 11 mars 2018 suivant, soit 5 jours plus tard et le président,
qui ne préside pas l'assemblée plénière du 6 mars, nous a informés qu'il
ne se représentera pas. Le Secrétaire Général, qui lui-même ne se
représentera pas à ce poste, a lu lors de son dernier conseil un courrier
personnel dans lequel il remercie le président pour son engagement et
la qualité de son travail dans les missions ordinales qui lui ont été
confiées. Il ne défend d'aucune façon le cumul
indemnité/remboursement de nuitées d'hôtel lors de ses missions à
Paris au CNOM. Le CDOM69 n'a pas pris position.
J'ai été élue le 20 mars 2018 Présidente du CDOM69. Un tiers des
conseillers sont de nouveaux élus qui n'avaient pas connaissance des
événements antérieurs au 20 mars. Après des discussions successives, le
nouveau CDOM69 n'a pas émis le souhait de s'associer à la plainte de
Conseil national auprès de la CDPI. Lors de l'assemblée plénière du mardi
6 novembre 2018, la CDPI de Bretagne a condamné le président à une
interdiction d'exercice de 2 ans dont un avec sursis. Le CDOM69 n'a pas
fait appel de cette décision.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 185
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L’ORDRE DES MÉDECINS DE LA SARTHE
Pour demande d’information concernant dossiers de plaintes contre
des psychiatres de la Sarthe qui ont été condamnés dernièrement, mais
avec suspicion de mauvaise gestion des dossiers dans le passé :
- concernant un premier dossier Dr G., le Conseil de la Sarthe au cours
de sa séance du 13 novembre 1980 avait porté plainte à la chambre
disciplinaire. Le 13 juin 1981 : réponse : pas de sanction ;
- 2004 une plainte au tribunal contre Dr G. est prescrite ; la chambre
disciplinaire prescrit de même ;
- concernant un autre dossier Dr H. un signalement au procureur a été
fait par mon prédécesseur : suivi de procédure, radiation en finalité.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L’ORDRE DES MÉDECINS DE LA SEINE-SAINT-DENIS
J'espère vous démontrer qu'il n'y a aucun « financement déguisé du
syndicat union 93 par le Conseil de l'Ordre de Seine-Saint-Denis ».
En 2015, alors que le syndicat Union 93 nous avait fait une demande
de rachat de parts, pour des raisons qui lui étaient propres, mais
possiblement comme vous le dites, pour faire face à des difficultés
financières, notre Conseil a eu la recommandation par le Conseil National
de l'Ordre des Médecins, d'acquérir la totalité des parts de la SCI. Cette
demande a été renouvelée en 2019, lors d'une demande de subvention
auprès de la Commission du Fonds d’harmonisation du CNOM.
Le rachat total ne pouvait pas se faire sans l'accord de l'autre
actionnaire de la SCI, Union 93, qui a refusé catégoriquement de vendre
l'intégralité de ses parts et qui, malgré nos demandes, ne tenait pas à
négocier. Nous regrettons de ne pas avoir réussi à débloquer cette
situation, ce qui nous a d'ailleurs pénalisés financièrement lors des travaux
je mise en conformité pour l'accueil des personnes porteurs d'un handicap.
Notre demande d’aide financière réclamée au CNOM n'a obtenu que la
moitié des subventions demandés, soit 17 % des travaux.
L'acquisition de la totalité des parts nous permettait, premièrement,
de séparer clairement les actions de ce syndicat historiquement dans les
lieux et le Conseil de l'Ordre, deuxièmement, d'occuper des surfaces
propres au CDOM ce qui était nécessaire pour nous. Néanmoins le rachat
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
186
partiel a permis de diviser une salle de réunion en deux parties, créant
ainsi un bureau qui manquait pour l'accueil des confrères en cours
d'inscription et une deuxième salle des archives pour éviter les casiers
épars dans le bâtiment, notamment dans les couloirs, ce qui occasionnait
une gêne dangereuse pour la circulation des personnes.
Je précise que cette acquisition était nécessaire au bon
fonctionnement de ce Conseil, à l'accueil des confrères et à la mise à
disposition d'espaces de réunions propres à la structure ordinale. Il ne
s'agit pas ici d’agrandissement des locaux mais à leur réorganisation au
bénéfice du CDOM 93. Je tiens à souligner que la formule « déguisé »
pourrait évoquer des transactions non conformes, alors que toutes ces
procédures se sont faites dans la transparence et avec une déclaration aux
autorités compétentes. Il serait plus équitable de modifier la formulation
péjorative de votre conclusion.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE L’ORDRE DES MÉDECINS DU VAR
« Le traitement des plaintes pour des faits à caractère sexuel
Le manque de diligence est le plus souvent lié à la non transmission
aux chambres disciplinaires de faits similaires antérieurs ou simultanés
mettant en cause les mêmes médecins. C'est ainsi le cas du docteur A.
généraliste ostéopathe ayant fait l’objet, en trois ans, auprès de deux
conseils, de trois plaintes de patientes pour des faits identiques
d’attouchements sexuels. La première plainte a été traitée par le conseil des
Alpes-de-Haute-Provence comme une doléance et classée sans
conciliation. La seconde, transmise à la juridiction disciplinaire parle
conseil du Var a été rejetée pour absence de preuve, le conseil n’ayant pas
porté à la connaissance de la chambre l’existence de la première plainte.
Une troisième plainte pour des faits identiques a été déposée en 2018. »
Réponse du Conseil Départemental du Var de l’Ordre des
Médecins :
Le Conseil Départemental du Var de l’Ordre des Médecins a bien
pris note de vos remarques concernant la transmission des plaintes pour
des faits à caractère sexuel.
Concernant le dossier du Docteur A. le Conseil Départemental du
Var de l’Ordre des Médecins réuni en séance plénière le 6 novembre 2015
n’avait pas jugé opportun d’associer à la transmission de la plainte de
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 187
Madame T. le signalement qui avait été effectué dans les Alpes-de-Haute-
Provence, non considéré comme une plainte et classé sans suite.
Concernant le troisième dossier en date du 8 juin 2018, les faits
étaient postérieurs à la plainte de Madame T. (24 septembre 2015) et ont
fait l’objet d’une conciliation entre les parties (2 juillet 2018).
Le Conseil Départemental du Var de l’Ordre des Médecins s’est
depuis rapproché du Président de la Chambre Disciplinaire de Première
Instance PACA-CORSE et il a été décidé d’engager une réflexion sur la
mise en place d’une nouvelle procédure dans le traitement de ce type de
plainte ; à savoir la transmission de tout élément susceptible d’apporter un
éclairage à l’instruction de la plainte par la Chambre Disciplinaire de
Première Instance.
L’ordre des médecins - décembre 2019
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes

Contenu connexe

PDF
Circulaire DGS sur l'absentéisme à l'hôpital
Société Tripalio
 
PDF
Présentation cpam 06.02.2014
phild68131
 
PDF
Nombre d'effets secondaires en France (décès compris) du vaccin Pfizer
Société Tripalio
 
PDF
Dépistage COVID 19 en entreprise : le délire de la médecine du travail
Société Tripalio
 
PDF
Analyse d'impact du pass sanitaire par le gouvernement
Société Tripalio
 
PDF
Vaccins chgmt date peremption
Société Tripalio
 
PDF
Place d un_rappel_par_le_vaccin_a_arnm_comirnaty_dans_la_strategie_vaccinale_...
Société Tripalio
 
PDF
Effets secondaires des vaccins sur la grossesse
Société Tripalio
 
Circulaire DGS sur l'absentéisme à l'hôpital
Société Tripalio
 
Présentation cpam 06.02.2014
phild68131
 
Nombre d'effets secondaires en France (décès compris) du vaccin Pfizer
Société Tripalio
 
Dépistage COVID 19 en entreprise : le délire de la médecine du travail
Société Tripalio
 
Analyse d'impact du pass sanitaire par le gouvernement
Société Tripalio
 
Vaccins chgmt date peremption
Société Tripalio
 
Place d un_rappel_par_le_vaccin_a_arnm_comirnaty_dans_la_strategie_vaccinale_...
Société Tripalio
 
Effets secondaires des vaccins sur la grossesse
Société Tripalio
 

Tendances (20)

PDF
Circulaire DGS 3è dose de vaccin en EHPAD
Société Tripalio
 
PDF
Avis du Conseil d'Etat sur le passe sanitaire
Société Tripalio
 
PDF
Service de santé des armées : le modèle SSA 2020
santearmees
 
PDF
Résolution de l'Assemblée Nationale sur les crises sanitaires
Société Tripalio
 
PDF
Rapport du Sénat sur l'assurance-vie
Société Tripalio
 
PDF
Avis rectificatif conseil d'etat 26 décembre 2021
EdouardHusson
 
PDF
Lettre à 20 minutes
EdouardHusson
 
PDF
Expérimentation de la vaccination anti-grippale du personnel des EHPAD
Société Tripalio
 
PDF
3èdose282501
Laurent Sailly
 
PDF
Cp -rapport_charges_et_produits_pour_2021
Léo Guittet
 
PDF
La COVID-19 dans les CHSLD durant la première vague de la pandémie
Guy Boulianne
 
PDF
L15b4857 projet loi
Laurent Sailly
 
PDF
Vaccination COVID et immunité : la décision du Conseil d'Etat
Société Tripalio
 
PDF
Suspension du passe sanitaire par le tribunal administratif de Versailles
Société Tripalio
 
PDF
Actualité législative en Biologie Médicale
Réseau Pro Santé
 
PDF
Aah 2020 analyse_covid
Laurent Sailly
 
PDF
Réponse lettre ouverte
Paperjam_redaction
 
PDF
Loi étendant le passe sanitaire
Société Tripalio
 
RTF
Arrêté du 21_septembre_2016_version_initiale
Société Tripalio
 
PDF
Interdiction de l'azithromycine, arrêté du 13 décembre
Société Tripalio
 
Circulaire DGS 3è dose de vaccin en EHPAD
Société Tripalio
 
Avis du Conseil d'Etat sur le passe sanitaire
Société Tripalio
 
Service de santé des armées : le modèle SSA 2020
santearmees
 
Résolution de l'Assemblée Nationale sur les crises sanitaires
Société Tripalio
 
Rapport du Sénat sur l'assurance-vie
Société Tripalio
 
Avis rectificatif conseil d'etat 26 décembre 2021
EdouardHusson
 
Lettre à 20 minutes
EdouardHusson
 
Expérimentation de la vaccination anti-grippale du personnel des EHPAD
Société Tripalio
 
3èdose282501
Laurent Sailly
 
Cp -rapport_charges_et_produits_pour_2021
Léo Guittet
 
La COVID-19 dans les CHSLD durant la première vague de la pandémie
Guy Boulianne
 
L15b4857 projet loi
Laurent Sailly
 
Vaccination COVID et immunité : la décision du Conseil d'Etat
Société Tripalio
 
Suspension du passe sanitaire par le tribunal administratif de Versailles
Société Tripalio
 
Actualité législative en Biologie Médicale
Réseau Pro Santé
 
Aah 2020 analyse_covid
Laurent Sailly
 
Réponse lettre ouverte
Paperjam_redaction
 
Loi étendant le passe sanitaire
Société Tripalio
 
Arrêté du 21_septembre_2016_version_initiale
Société Tripalio
 
Interdiction de l'azithromycine, arrêté du 13 décembre
Société Tripalio
 
Publicité

Similaire à 20191209 rapport-ordre-des-medecins (12)

PDF
Rapport thematique gerer_les_enseignants_autrement
Société Tripalio
 
PDF
Rapport public thematique mise en oeuvre lolf novembre 2011
Ministère de l'Économie et des Finances
 
PDF
Cour des comptes : rapport sur les enseignants
Société Tripalio
 
PDF
Rapport de la Cour des comptes
siraxi
 
PDF
Rapport thématique sur l'organisation territoriale de l'Etat
Société Tripalio
 
PDF
Profil de la Cour des comptes du Maroc, conference SIGMA 16 décembre 2014
Support for Improvement in Governance and Management SIGMA
 
PDF
Praticien hospitalier et ordre des médecins
Réseau Pro Santé
 
PPTX
Nejib Guetari, Les principales dispositions du projet de loi organique de la ...
Support for Improvement in Governance and Management SIGMA
 
PDF
Cour des comptes rapport sur les soins de psychiatrie
Léo Guittet
 
PPTX
lof et cour des comptes Présentation.pptx
BoutayebTissafi
 
PDF
Fadhel Moussa, Lecture des dispositions constitutionnelles, SIGMA, Tunis 12 j...
Support for Improvement in Governance and Management SIGMA
 
Rapport thematique gerer_les_enseignants_autrement
Société Tripalio
 
Rapport public thematique mise en oeuvre lolf novembre 2011
Ministère de l'Économie et des Finances
 
Cour des comptes : rapport sur les enseignants
Société Tripalio
 
Rapport de la Cour des comptes
siraxi
 
Rapport thématique sur l'organisation territoriale de l'Etat
Société Tripalio
 
Profil de la Cour des comptes du Maroc, conference SIGMA 16 décembre 2014
Support for Improvement in Governance and Management SIGMA
 
Praticien hospitalier et ordre des médecins
Réseau Pro Santé
 
Nejib Guetari, Les principales dispositions du projet de loi organique de la ...
Support for Improvement in Governance and Management SIGMA
 
Cour des comptes rapport sur les soins de psychiatrie
Léo Guittet
 
lof et cour des comptes Présentation.pptx
BoutayebTissafi
 
Fadhel Moussa, Lecture des dispositions constitutionnelles, SIGMA, Tunis 12 j...
Support for Improvement in Governance and Management SIGMA
 
Publicité

Plus de Laurent Sailly (20)

PDF
406543L - EXTRAIT AVIS.pdf
Laurent Sailly
 
PDF
pjl22-304.pdf
Laurent Sailly
 
PDF
L'ESSENTIEL…le projet de loi pour.pdf
Laurent Sailly
 
PDF
Rendez-nous-notre-droit-au-scepticisme-24-sept-2022.pdf
Laurent Sailly
 
PDF
La « guerre contre la drogue ».pdf
Laurent Sailly
 
PDF
briant_florant_pesqueur_masse_2021.pdf
Laurent Sailly
 
PDF
M. François Sureau, ayant été élu à l’Académie française à la place laissée v...
Laurent Sailly
 
PDF
Bilan psy-mamans louves-fev2022
Laurent Sailly
 
PDF
Note conseil scientifique 4[4971]
Laurent Sailly
 
PDF
Analyse du scrutin n° 4279
Laurent Sailly
 
PDF
Navy sea ls-pi-order-[4706]
Laurent Sailly
 
PDF
Joe 20220101 0001_0044
Laurent Sailly
 
PDF
Ordonnance soignants brest[4631]
Laurent Sailly
 
PDF
Décision n° 2021 957 qpc
Laurent Sailly
 
PDF
Décision n° 2021 832 dc du 16 décembre 2021
Laurent Sailly
 
PDF
20211021 ns-les-retraites
Laurent Sailly
 
PDF
20211021 ns-justice
Laurent Sailly
 
PDF
20211118 ns-logement
Laurent Sailly
 
PDF
20211118 ns-police-nationale (1)
Laurent Sailly
 
PDF
20211214 ns-sante
Laurent Sailly
 
406543L - EXTRAIT AVIS.pdf
Laurent Sailly
 
pjl22-304.pdf
Laurent Sailly
 
L'ESSENTIEL…le projet de loi pour.pdf
Laurent Sailly
 
Rendez-nous-notre-droit-au-scepticisme-24-sept-2022.pdf
Laurent Sailly
 
La « guerre contre la drogue ».pdf
Laurent Sailly
 
briant_florant_pesqueur_masse_2021.pdf
Laurent Sailly
 
M. François Sureau, ayant été élu à l’Académie française à la place laissée v...
Laurent Sailly
 
Bilan psy-mamans louves-fev2022
Laurent Sailly
 
Note conseil scientifique 4[4971]
Laurent Sailly
 
Analyse du scrutin n° 4279
Laurent Sailly
 
Navy sea ls-pi-order-[4706]
Laurent Sailly
 
Joe 20220101 0001_0044
Laurent Sailly
 
Ordonnance soignants brest[4631]
Laurent Sailly
 
Décision n° 2021 957 qpc
Laurent Sailly
 
Décision n° 2021 832 dc du 16 décembre 2021
Laurent Sailly
 
20211021 ns-les-retraites
Laurent Sailly
 
20211021 ns-justice
Laurent Sailly
 
20211118 ns-logement
Laurent Sailly
 
20211118 ns-police-nationale (1)
Laurent Sailly
 
20211214 ns-sante
Laurent Sailly
 

20191209 rapport-ordre-des-medecins

  • 1. L’ORDRE DES MÉDECINS Rapport public thématique  Décembre 2019
  • 2. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 3. Sommaire Procédures et méthodes................................................................................ 5 Délibéré.........................................................................................................11 Synthèse ........................................................................................................13 Récapitulatif des recommandations ...........................................................25 Introduction..................................................................................................27 Chapitre I De sérieuses défaillances de gestion ........................................29 I - Une organisation peu propice au changement...........................................29 A - Une modernisation trop lente ......................................................................... 29 B - Des fonctions bénévoles généralement indemnisées....................................... 35 C - Un ordre qui empiète sur le champ syndical................................................... 42 II - Des comptes souvent incomplets et insincères ........................................45 A - Des ressources incomplètement retracées....................................................... 45 B - Un patrimoine mal comptabilisé et sous-estimé ............................................. 50 C - De sérieux manquements dans la tenue des comptes locaux .......................... 53 III - Une gestion dispendieuse .......................................................................59 A - Des dépenses mal contrôlées, parfois irrégulières .......................................... 59 B - Des politiques d’achat et de gestion immobilière peu rigoureuses ................. 64 C - Une gestion des ressources humaines peu encadrée ....................................... 72 Chapitre II Des missions administratives et juridictionnelles mal assurées .........................................................................................................79 I - Un contrôle insuffisant de l’exercice de la profession et de la déontologie.....................................................................................................80 A - Une absence de contrôle de l’actualisation des compétences des médecins............................................................................................................... 81 B - Un bilan en demi-teinte du contrôle de l’insuffisance professionnelle des médecins......................................................................................................... 82 C - Un contrôle hétérogène des contrats entre médecins et avec l’industrie......... 89 D - Une faible implication de l’ordre des médecins dans l’accès aux soins.......... 95 L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 4. COUR DES COMPTES 4 II - Un manque chronique de rigueur dans le traitement des plaintes............98 A - Une majorité de signalements non soumis à conciliation ............................... 99 B - Des absences de poursuites disciplinaires qui suscitent des interrogations...................................................................................................... 104 C - Le traitement des plaintes pour des faits à caractère sexuel.......................... 105 III - Une justice disciplinaire marquée par de nombreuses insuffisances.................................................................................................108 A - Une professionnalisation de la justice disciplinaire à achever...................... 109 B - Des conditions d’indépendance et d’impartialité des juridictions imparfaitement remplies..................................................................................... 113 C - Des évolutions procédurales nécessaires ...................................................... 118 IV - Une transformation à opérer.................................................................124 A - Une nécessaire recentralisation au niveau national des responsabilités stratégiques......................................................................................................... 125 B - L’ouverture de la gouvernance aux non médecins........................................ 126 Conclusion générale...................................................................................131 Liste des abréviations ................................................................................133 Réponses des administrations et des organismes concernés...................135  L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 5. Procédures et méthodes En application de l’article L. 143-6 du code des juridictions financières, la Cour des comptes publie chaque année un rapport public annuel et des rapports publics thématiques. La compétence de la Cour pour contrôler les comptes et la gestion de l’ordre national des médecins repose sur les dispositions de l’article L. 111-7 du code des juridictions financières, qui l’autorise notamment à exercer un contrôle sur les organismes habilités à recevoir des cotisations légalement obligatoires. Le Procureur général de la Cour a rendu un avis de compétence sur ce contrôle le 6 avril 2018. * Aux termes de l’article L. 120-1 du code des juridictions financières, les membres de la Cour des comptes ont la qualité de magistrats. La Cour des comptes est en outre habilitée, sur le fondement de l’article L. 141-5 dudit code, à accéder à tous documents, données et traitements, de quelque nature que ce soit, relatifs à la gestion des services et organismes soumis à son contrôle ou nécessaires à l'exercice de ses attributions, et à se les faire communiquer. Enfin, aux termes de l’article L. 141-7 du code des juridictions financières, les membres et personnels de la Cour des comptes peuvent demander aux autorités administratives indépendantes et aux autorités de contrôle et de régulation tous renseignements utiles à l'exercice de leurs attributions, sans qu'un secret protégé par la loi puisse leur être opposé. Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour, et donc aussi bien l’exécution de ses contrôles et enquêtes que l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité. L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation. La contradiction implique que toutes les constatations et appréciations ressortant d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 6. COUR DES COMPTES 6 La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par la communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour. La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Leur rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de contre- rapporteur et veille à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les projets de rapports publics. * La Cour a compétence sur les organismes habilités à recevoir des impositions de toute nature et des cotisations légalement obligatoires, de même que sur les organismes habilités à recevoir des versements libératoires d’une obligation légale de faire1 . Elle est donc fondée à contrôler l’ordre des médecins, organisme de droit privé chargé d’une mission de service public dont les cotisations sont obligatoires. L’instruction de ce contrôle, qui a mobilisé sept personnes, s’est déroulée entre avril 2018 et janvier 2019. Le contrôle a porté sur les exercices 2011 à 2017 inclus. Les observations de la Cour ont été actualisées en tant que de besoin et certains faits plus anciens générateurs de désordres constatés sur la période contrôlée sont évoqués. Le présent rapport résulte des constats effectués lors du contrôle du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) et d’un échantillon significatif de conseils locaux. 21 conseils départementaux de l’ordre des médecins (CDOM) ont fait l’objet d’un contrôle sur place2 entre mai et novembre 2018, 8 ont fait 1 Article L. 133-4 du code des juridictions financières. 2 Ont fait l’objet d’un contrôle sur place les conseils départementaux de Paris, Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine, Mayenne, Indre, Yonne, Bouches-du-Rhône, Alpes-Maritimes, Var, Nord, Rhône, Gironde, Haute-Garonne, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Hérault, Nord-Pas-de-Calais, Réunion, Haute Corse, Corse du Sud et Bas-Rhin. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 7. PROCÉDURES ET MÉTHODES 7 l’objet d’un contrôle approfondi sur pièces3 et 17 autres ont transmis des pièces relatives aux indemnités des élus et aux opérations immobilières, ce qui correspond au total à 46 conseils départementaux. Les 24 conseils régionaux4 de l’ordre des médecins (CROM) ont transmis des éléments relatifs aux indemnités versées aux élus. A 14 d’entre eux a été adressé un questionnaire plus complet. Parmi ces derniers, 9 ont fait l’objet d’un contrôle sur place5 . L’examen des missions juridictionnelles a reposé quant à lui sur les pièces recueillies auprès des 24 chambres disciplinaires de première instance, placées auprès des CROM. Le contrôle a notamment eu pour but d’évaluer la prise en compte, par l’ordre, des recommandations faites par la Cour à la suite de son précédent contrôle de 2011 ainsi que la transposition, au sein de l’ordre, des dispositions issues des ordonnances du 16 février et 27 avril 2017 relatives à l’adaptation des dispositions législatives relatives aux ordres des professions de santé et au fonctionnement des ordres des professions de santé. Il a été complété par des comparaisons internationales qui ont permis d’approfondir l’analyse de l’organisation des ordres des médecins du Québec, de Belgique et du Royaume-Uni6 . Plusieurs dizaines de décisions rendues par les chambres départementales de première instance et par la chambre disciplinaire nationale ont été examinées. Il a en outre été fait usage des dispositions des articles L. 141-9 du code des juridictions financières et L. 83 du livre des procédures fiscales, qui habilitent les magistrats financiers à demander la communication des données bancaires et fiscales des personnes liées aux organismes qu’ils contrôlent. On rappelle que sous réserve du respect des secrets protégés par la loi, la Cour peut rendre publiques toutes les observations définitives qui concluent ses travaux. Leur publication ne préjuge pas des autres suites, non publiées, qu’elle est susceptible de leur réserver, notamment des saisines de la Cour de discipline budgétaire et financière ou des autorités judiciaires. 3 Ont fait l’objet d’un contrôle sur pièces les conseils départementaux de l’Aveyron, du Loir-et-Cher, du Val-de-Marne, d’Indre-et-Loire, de Côte-d’Or, du Loiret, de la Guadeloupe et de la Guyane. 4 Ils sont 15 depuis le 1er janvier 2019. 5 Ont fait l’objet d’un contrôle sur place les conseils régionaux d’Île-de-France, du Nord-Pas-de-Calais, de Rhône-Alpes, de PACA, de Corse, des Pays-de-la-Loire, de La Réunion, de Midi-Pyrénées et d’Alsace. 6 Ce parangonnage a été réalisé à partir d’échanges avec ces ordres, de documents transmis par le CNOM et grâce au conseiller pour les affaires sociales du Québec. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 8. COUR DES COMPTES 8 Le rapport d’observations provisoires relatif au contrôle de la gestion et de l’exercice des missions de l’ordre des médecins, délibéré par la Cour des comptes le 22 février 2019 a, dans le cadre d’une procédure de sécurité renforcée, été soumis à la contradiction selon les procédures inscrites au code des juridictions financières. Le Conseil national de l’ordre a adressé en retour une réponse nourrie, dont il a été délibéré le 23 mai 2019, ainsi que des réponses reçues des ministères concernés, du Conseil d’État et de la Caisse nationale d’assurance maladie. Des observations définitives composées de trois cahiers7 ont été adressées à l’ordre des médecins en juin 2019. Elles ont contribué à l’élaboration d’un projet de rapport public thématique, délibéré le 12 juin 2019, qui a fait l’objet d’une contradiction avec 40 destinataires dont les CDOM et CROM cités dans le rapport entre le 4 juillet et le 18 septembre. L’analyse de ces réponses a conduit à corriger quelques éléments factuels et à ajuster la rédaction de certaines observations. Le projet de rapport soumis pour adoption à la chambre du conseil a été préparé, puis délibéré le 20 septembre 2019, par la sixième chambre, présidée par M. Morin, président et composée de M. Selles, conseiller maître, contre-rapporteur, Mmes Saliou, Carrère-Gée, conseillères maîtres, M. Rabaté, conseiller maître, M. de la Guéronnière, conseiller maître, président de section, Mme Bouzanne des Mazery, conseillère maître, M. Appia, conseiller maître, ainsi que, en tant que rapporteures, Mmes Hamayon, conseillère maître, Assous, conseillère référendaire, Bove, rapporteure extérieure, et Apparitio, vérificatrice des juridictions financières. Il a été examiné et approuvé, le 1er octobre 2019, par le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de M. Migaud, Premier président, Mme Moati, M. Morin, Mme Pappalardo, rapporteure générale du comité, MM. Andréani et Terrien, Mme Podeur, M. Charpy, présidents de chambre, et Mme Hirsch de Kersauson, Procureure générale, entendue en ses avis. * Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes : www.ccomptes.fr. Ils sont diffusés par La Documentation Française. 7 Cahier n° 1 et son annexe : présentation générale de l’ordre des médecins ; cahier n° 2 : éclairages sur la situation particulièrement dégradée de certains conseils ; cahier n° 3 : traitement des plaintes et du contentieux disciplinaire. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 9. PROCÉDURES ET MÉTHODES 9 Carte n° 1 : conseils départementaux de l’ordre des médecins (CDOM) ayant fait l’objet d’un contrôle approfondi dans le cadre de la présente enquête Source : Cour des comptes L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 10. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 11. Délibéré La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil en formation ordinaire, a adopté le rapport public thématique intitulé L’ordre des médecins. Elle a arrêté ses positions au vu du projet communiqué au préalable aux ministres et organismes concernés et des réponses adressées en retour à la Cour. Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Ont participé au délibéré : M. Migaud, Premier président, Mme Moati, MM. Morin, Andréani, Terrien, Mme Podeur, M. Charpy, présidents de chambre, M. Briet, Mme Ratte, présidents de chambre maintenus, MM. Racine, Cazala, Barbé, Lefebvre, Ténier, Lair, Mme Monique Saliou, MM. Guédon, Zerah, Guéroult, Feller, Le Mer, Glimet, Perrin, Albertini, Mmes Bouzanne des Mazery, Soussia, MM. Basset, Fulachier, De Combles de Nayves, Giannesini, Bouvard, Montarnal, Mme Mercereau, conseillers maîtres. Ont été entendus : - en sa présentation, M. Morin, président de la chambre chargée des travaux sur lesquels les opinions de la Cour sont fondées et de la préparation du rapport ; - en son rapport, Mme Pappalardo, rapporteure générale, rapporteure du projet devant la chambre du conseil, assistée de Mme Hamayon, conseillère maître, M. de la Guéronnière, conseiller maître, Mme Assous, conseillère référendaire, Mme Apparitio, vérificatrice, rapporteurs devant la chambre chargée de le préparer, et de M. Selles, conseiller maître, contre-rapporteur devant cette même chambre ; - en ses conclusions, sans avoir pris part au délibéré, Mme Hirsch de Kersauson, Procureure générale, accompagnée de Mme Camby, Première avocate générale et de Mme Le Sueur, substitut général. M. Lefort, secrétaire général, assurait le secrétariat de la chambre du conseil. Fait à la Cour, le 3 décembre 2019. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 12. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 13. Synthèse L’ordre des médecins est un organisme privé chargé d’une mission de service public. Il a été créé en 1945 par une ordonnance qui, rompant avec l’organisation de la profession médicale mise en place par le régime de Vichy, a posé le principe selon lequel il revient aux syndicats de défendre les intérêts professionnels et à l’ordre d'assurer la discipline de la profession. Au contraire des syndicats, l’adhésion à l’ordre est obligatoire ainsi que le paiement de la cotisation (dont le montant unitaire est de 335 € en 2019). Avec plus de 300 000 médecins inscrits, l’ordre dispose d’un budget annuel d’environ 85 M€. Son rôle est de veiller au respect des principes de moralité, probité, compétence et dévouement indispensables à l’exercice de la médecine et à l’observation par les médecins de leur code de déontologie fixé par décret. Les conseils départementaux de l’ordre des médecins sont notamment chargés de l’inscription au tableau (c’est-à-dire sur la liste des médecins autorisés à exercer) et de l’organisation des conciliations obligatoires quand une plainte est déposée contre un médecin devant l’ordre. Les conseils régionaux, créés il y a 11 ans, abritent les chambres disciplinaires de première instance (CDPI) et sont les interlocuteurs privilégiés des agences régionales de santé. En dépit d’un contrôle de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 2000, d’un contrôle de la Cour des comptes en 2011 et d’un contrôle de la mission d’inspection des juridictions administratives (MIJA) en 2013, l’ordre des médecins n’a procédé qu’à une petite partie des changements qui lui étaient recommandés : sa gestion reste caractérisée par des faiblesses, voire des dérives, préoccupantes, son fonctionnement ne s’est pas suffisamment modernisé, des missions importantes qui justifient son existence sont peu ou mal exercées, le Conseil national n’exerce qu’un contrôle ténu sur les conseils départementaux ou régionaux. Toutefois, nombre de conseillers ordinaux s’efforcent d’exercer leurs missions au mieux. Le contrôle mené par la Cour des comptes en 2018 a porté sur le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), mais aussi sur 46 conseils départementaux de l’ordre des médecins (CDOM) sur 101, dont 21 ont fait l’objet d’un contrôle sur place et 8 d’un contrôle approfondi L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 14. COUR DES COMPTES 14 sur pièces, et sur l’ensemble des conseils régionaux de l’ordre des médecins (CROM), dont 9 ont fait l’objet d’un contrôle sur place. Les constats de la Cour ont conduit l’ordre des médecins à mettre en œuvre en 2019 quelques-unes des recommandations formulées à l’occasion du contrôle et à annoncer des mesures correctrices. Un ordre sociologiquement peu représentatif du corps médical en activité, une gouvernance fermée Le fonctionnement et l’organisation des ordres ont fait l’objet de modifications importantes avec les ordonnances de 2017, qui ont largement repris les recommandations effectuées par la Cour après le contrôle de l’ordre des chirurgiens-dentistes. En particulier, l’ordonnance du 27 avril 2017 a modifié les modalités d’élection des conseillers à tous les échelons, afin d’instaurer la parité entre hommes et femmes via un scrutin à un tour reposant sur des candidatures de binômes paritaires. La parité à tous les échelons territoriaux ne sera cependant pas atteinte, au sein de l’ordre des médecins, avant 2022, une fois achevé le renouvellement par moitié de l’ensemble des conseillers. L’ordre a en effet choisi, contrairement à l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes par exemple, de ne pas renouveler intégralement ses instances dès les premières élections suivant l’entrée en vigueur de l’ordonnance. La lente mise en œuvre de ces dispositions nouvelles se reflète dans sa composition et le faible renouvellement des élus, par ailleurs peu représentatifs du corps médical. L’ordre compte en effet 3 311 conseillers ordinaux mais moins d’un tiers sont des femmes (et seulement 9 % au CNOM) alors qu’elles représentent près de la moitié du corps médical et près de 60 % des médecins nouvellement inscrits à l’ordre9 . L’âge moyen des membres du Conseil national est de 68 ans contre 51 ans pour les médecins actifs. Le taux d’abstention aux scrutins ordinaux (75 %) est important et les cumuls de mandats fréquents. 9 Études et résultats n° 1061, mai 2018, DREES. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 15. SYNTHÈSE 15 Graphique n° 1 : part des libéraux, âge moyen et part des femmes parmi les conseillers ordinaux du CNOM et le corps médical Source : Cour des comptes d’après CNOM et DREES. Les fonctions ordinales sont des fonctions bénévoles qu’il est néanmoins possible d’indemniser dans la limite de trois fois le plafond de la sécurité sociale soit 121 572 € par an10. L’esprit de bénévolat réputé animer les fonctions ordinales est inégalement présent : si certains conseillers perçoivent des indemnités modestes, d’autres au contraire bénéficient d’indemnités confortables11, qui peuvent être abondées par des remboursements de frais dont les justifications, au vu des investigations de la Cour, sont parfois incertaines, voire inexistantes. 10 Loi du 21 juillet 2009 (codifiée à article L. 4125-3-1 du code de santé publique), complétée par un décret (codifié à l’article D. 4125-8 du même code). 11 Au CNOM, les seize membres du bureau ont perçu au total plus d’un million d’euros d’indemnités en 2017. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 16. COUR DES COMPTES 16 Tableau n° 1 : évolution des indemnités mensuelles brutes forfaitaires des principaux membres du bureau du CNOM 2011 2012 2013 2014 à 2018 Président 9 582 € 9 869 € 10 048 € 9 177 € Secrétaire gal 8 211 € 8 211 € 8 211 € 8 211 € Secrétaires gaux adjoints 7 245 € 7 245 € 7 245 € 7 245 € Trésorier 7 245 € 7 245 € 7 245 € 7 245 € Source : CNOM En 2017, les indemnités (10 M€) et les frais (4,1 M€) représentaient 17 % du budget annuel réalisé de l’ordre dans son ensemble. Dans le budget du Conseil national, les dépenses de communication et les indemnisations et frais des élus ont représenté plus du quart des dépenses réalisées en 201712. De grands désordres comptables et de gestion Les ressources de l’ordre sont tirées, pour l’essentiel, des cotisations dont s’acquittent les médecins. Chaque cotisation est ventilée entre conseil départemental, conseil régional et Conseil national. Les ressources du Conseil national ont crû nettement plus vite que celles de l’ordre : +40 % sur la période contre + 24 % pour l’ordre dans son ensemble, du fait d’une modification des quotités de cotisation allouées aux différents échelons territoriaux. 12 Sur un périmètre de charges de 29 M€, les éléments exceptionnels de l’exercice (cessions d’actifs et dotations aux amortissements de 15,7 M€) étant déduits des dépenses réalisées totales (44 788 734 €). L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 17. SYNTHÈSE 17 Graphique n° 2 : évolution des quotes-parts nationale, départementale et régionale des cotisations encaissées (base 100 en 2011) Source : Cour des comptes, à partir de données CNOM L’ordre, qui ne tient pas encore de comptes combinés13 , n’a pas une connaissance exhaustive de ses ressources, de son patrimoine ou de ses réserves. À l’exception du Conseil national, aucun conseil n’établit de bilan ni de compte de résultat selon les normes du plan comptable général. 33 % des conseils départementaux et 14 % des conseils régionaux contrôlés n’ont pas été en mesure de transmettre dans leur totalité les documents comptables demandés par la Cour. La comptabilité de plusieurs départements n’a pas été tenue pendant plusieurs années et l’une d’entre elles avait été détruite avant le passage de la Cour. Les cotisations des médecins font l’objet d’une comptabilisation irrégulière et incomplète, ce qui participe de l’insincérité des comptes. Les comptes annuels établis par le Conseil national ne retracent que la quote- part nationale des cotisations ; les cotisations sont enregistrées au moment de leur encaissement et non au moment où elles sont appelées, ce qui n’est pas conforme au principe de comptabilité en droits constatés et aboutit à sous-estimer les produits ; une fraction de la cotisation est inscrite directement en compte de réserves au bilan, sans passer par le compte de résultat, ce qui minore le montant des produits issus des cotisations de près de 7 %. 13 Ils deviennent obligatoires à compter de l’exercice 2019. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 18. COUR DES COMPTES 18 Outre son défaut d’exhaustivité, le patrimoine comptabilisé de l’ordre est sous-évalué, du fait notamment de l’existence d’une dizaine de sociétés civiles immobilières (SCI) créées, financées et détenues par des conseils départementaux aux seules fins de porter, en lieu et place de l’ordre, la propriété du siège, dont la valeur, de ce fait, n’apparaît pas dans les comptes de l’ordre. Les écritures comptables sont souvent approximatives et peuvent être entachées d’erreurs, voire délibérément faussées comme la Cour a pu le relever parfois. Tableau n° 2 : évolution des ressources du Conseil national En milliers d’euros 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2011- 2017 Cotisations 20 953 21 767 22 155 24 227 27 201 29 342 30 788 +47 % Produits financiers 49 111 163 1 420 173 315 140 +186 % Qualifications 111 129 122 116 209 161 138 +24 % Source : Grands livres du CNOM 2011-2017 Le Conseil national se révèle défaillant dans la mission de contrôle des conseils territoriaux et de gestion du patrimoine de l’ordre que le législateur lui a confiée. Il ne dispose pas d’un dispositif de contrôle interne et de maîtrise des risques. Le déploiement d’un même logiciel comptable, à tous les échelons de l’ordre, que la Cour appelait déjà de ses vœux lors du contrôle de 2011, n’était toujours pas achevé en 2018. Sans service de contrôle de gestion professionnel, dont la création avait pourtant été recommandée par la Cour en 2011, l’ordre soumet les comptes des départements à une commission de contrôle composée d’élus parfois eux- mêmes responsables, au niveau local, de désordres, voire d’irrégularités. Cette absence de contrôle, dans les départements comme au niveau national, a permis que soient tolérés, outre des achats coûteux effectués sans mise en concurrence, de fréquentes dépenses étrangères aux missions de l’ordre. En 2018, l’ordre des médecins emploie 583 salariés (en progression de 10 % en 7 ans) qui représentent 520 équivalents temps plein (ETP) : 128 travaillent au Conseil national, 346 dans les conseils départementaux et 46 dans les conseils régionaux. Le coût moyen annuel d’un ETP est de l’ordre de 85 000 € au CNOM, 67 000 € dans les CROM et 54 000 € dans les CDOM. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 19. SYNTHÈSE 19 Graphique n° 3 : poids des CDOM, des CROM et du CNOM en ETP et en charges de personnel Source : Cour des comptes d’après CNOM (2018 pour les ETP et 2017 pour la masse salariale) Les dépenses de personnel du Conseil national ont augmenté de 58 % sur la période 2011-2017. Sa politique salariale est particulièrement avantageuse : les salaires et les primes sont élevés. A contrario, dans certains conseils départementaux les rémunérations peuvent être inférieures aux préconisations du CNOM. Graphique n° 4 : évolution des primes au CNOM entre 2011 et 2018 Source : CNOM, graphique Cour des comptes La gestion des ressources humaines doit être professionnalisée, tant sont grandes les disparités de rémunérations et d’avantages sociaux. Il convient de mettre fin définitivement à la pratique des recrutements favorisant les liens familiaux. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 20. COUR DES COMPTES 20 L’ordre dispose de réserves très abondantes (152 M€ dont 106 M€ de disponibilités) qui représentent près de deux années de cotisations de l’ensemble des médecins. Graphique n° 5 : évolution des disponibilités de l’ordre 2011-2017 Source : Cour des comptes d’après données CNOM L’ordre se caractérise par une gestion peu rigoureuse et en partie opaque des fonds qui lui sont confiés par les médecins cotisants, alors même qu’il s’investit insuffisamment dans ses missions les plus essentielles. Des missions administratives inégalement exercées La tenue du tableau (c’est-à-dire de la liste des médecins autorisés à exercer) est effectuée par les conseils départementaux dans des conditions correctes mais avec des outils aujourd’hui dépassés. Il s’agit d’une mission essentielle puisque nul ne peut exercer la profession de médecin s’il n’est inscrit à l’ordre. De la même façon la reconnaissance des qualifications14 fait l’objet d’un suivi attentif par l’ordre. L’effort de pédagogie entrepris par le Conseil national – avec la publication, sur son site, de référentiels métiers – est à saluer. D’autres missions importantes souffrent en revanche de graves lacunes. L’ordre ne vérifie pas le respect des obligations de développement professionnel continu (DPC) par les praticiens. Cette mission visant à 14 Tout médecin inscrit au tableau peut constituer un dossier de demande de qualification en qualité de médecin spécialisé qui sera examiné par les commissions nationales de qualification de l’ordre. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 21. SYNTHÈSE 21 assurer la qualité des soins est largement perdue de vue, tant par les conseils départementaux que par le Conseil national. La mission de détection et d’accompagnement, par les conseils régionaux de l’ordre, des praticiens dont l’insuffisance professionnelle ou l’état de santé rend dangereux l’exercice de la médecine, souffre d’approches trop différenciées selon les conseils régionaux. Le cadre règlementaire, inadapté, doit évoluer. Le contrôle du respect, par les médecins, des règles déontologiques de la profession, qui est la raison d’être de l’ordre, n’est pas exercé de manière satisfaisante : les conventions que les médecins concluent avec l’industrie pharmaceutique et qui doivent être obligatoirement transmises aux conseils départementaux de l’ordre ne sont pas examinées par ces derniers. Elles ne sont pas non plus utilisées à des fins statistiques ou de contrôle, tandis que le cumul des montants perçus par un praticien au titre des conventions qu’il a conclues n’est pas calculé et donc jamais vérifié. À titre illustratif, entre 2016 et 2018, 82 conventions ont été transmises à l’ordre pour des prestations assurées par le Pr X, chef de service à temps complet dans un CHU, pour un montant de 726 000 €, tandis qu’un pneumologue a participé à onze congrès internationaux, invité par des sociétés spécialisées dans les dispositifs médicaux respiratoires. Ces exemples montrent combien l’absence de vision globale des avantages reçus par un praticien est problématique pour apprécier les risques de perte d’indépendance encourus par les médecins. De ce fait, jusqu’en 2018 le contrôle exercé par l’ordre était largement inopérant, malgré des prises de position publiques fortes du Conseil national pour un dispositif plus exigeant. Depuis janvier 2019, cette mission a été reprise par le Conseil national, ce qui devrait être de nature à garantir une plus grande rigueur et une homogénéité de traitement des dossiers. Par ailleurs, tous les contrats conclus par des médecins, de quelque nature qu’ils soient, dont la loi impose la transmission pour avis à l’ordre, sont examinés par les conseils départementaux de manière très hétérogène. La plupart des conseils départementaux de l’ordre ne disposent pas en leur sein des compétences juridiques nécessaires. La gestion des demandes de remplacement de médecins, obligatoirement soumises à l’ordre, consommatrice de temps et source de retards, doit, quant à elle, être simplifiée. Le Conseil national doit diffuser des directives précises aux différents conseils départementaux, pour éviter toute inégalité de traitement entre les professionnels. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 22. COUR DES COMPTES 22 Délaissant le cœur de ses missions, l’ordre intervient par ailleurs de plus en plus sur le terrain de la défense des intérêts de la profession, alors que les règles législatives qui encadrent son action depuis 1945 lui imposent de veiller au respect, par les médecins, de la déontologie ainsi qu’à l’honneur et à l’indépendance de la profession et lui interdisent d’empiéter sur les missions des syndicats. Un manque de rigueur dans le traitement des plaintes et une justice disciplinaire marquée par des dysfonctionnements Pour veiller au respect, par tous ses membres, de leurs devoirs professionnels édictés par le code de déontologie15 , l’ordre est doté d’un pouvoir disciplinaire (qui ne s’applique pas toutefois aux médecins chargés d’une mission de service public, notamment hospitaliers), qu’il exerce via trois fonctions distinctes : le traitement des plaintes et signalements qu’il reçoit ou dont il peut être à l’origine, la gestion des chambres disciplinaires et celle des sections des assurances sociales (SAS), qui constituent toutes deux des juridictions autonomes relevant de l’ordre administratif et soumises à ce titre au contrôle du Conseil d’État16 . Les principaux manquements reprochés aux médecins ont trait à la qualité des soins, aux certificats de complaisance, ainsi qu’aux comportements inadéquats avec les patients ou avec des tiers. 15 Le code de déontologie médicale est préparé par le Conseil national de l’ordre des médecins et édicté sous la forme d’un décret en Conseil d’État, codifié aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 du code de la santé publique. 16 Les premières jugent et sanctionnent les manquements des médecins au code de déontologie et les secondes jugent des abus et fraudes à l’assurance-maladie. La chambre disciplinaire nationale (CDN) est la juridiction d’appel. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 23. SYNTHÈSE 23 Graphique n° 6 : types de manquements examinés par les CDPI en 2017 Source : Cour des comptes d’après CNOM L’ensemble de ces trois missions a fait l’objet de contrôles de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 200017 , de la Cour en 2011 et de la Mission d’inspection des juridictions administratives du Conseil d’État (MIJA) en 2013. Les trois rapports font le constat d’une hétérogénéité et parfois de carences tant dans le traitement des plaintes adressées aux conseils départementaux que dans la qualité de leur transmission aux chambres disciplinaires. Près de vingt ans après ces premiers constats et malgré la médiatisation de plusieurs procédures où l’ordre a été mis en cause pour avoir retardé la condamnation de médecins fautifs, la situation n’a guère évolué. Les conditions d’indépendance et d’impartialité des juridictions ordinales ne sont qu’imparfaitement réunies : l’absence de suivi des plaintes et de leurs suites au niveau national, la distinction infondée faite par les conseils départementaux entre « doléance » et plainte qui conduit à ne transmettre aux chambres disciplinaires qu’une minorité des signalements de patients, une hétérogénéité de traitement des litiges suivant les conseils départementaux, le manque de rigueur dans la gestion des conflits d’intérêts des médecins chargés de juger leurs pairs et les atteintes à l’impartialité témoignent des limites de l’activité juridictionnelle de l’ordre, même si la plupart des membres assesseurs des juridictions disciplinaires s’efforcent d’exercer ces missions avec sérieux. 17 Seul le traitement des litiges par les conseils départementaux a été contrôlé. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 24. COUR DES COMPTES 24 Ces constats plaident pour des adaptations susceptibles de mieux garantir l’indépendance et l’efficacité des juridictions ordinales et les droits des patients. Des évolutions structurelles nécessaires L’ensemble des observations sur l’exercice des missions montre que l’intérêt des patients est souvent négligé. C’est pourquoi il paraîtrait utile de s’inspirer des dispositifs tant français qu’étrangers qui, à travers la participation des usagers et de personnalités indépendantes, garantissent une meilleure démocratie sanitaire. Ainsi, à l’instar du General Medical Council (GMC) du Royaume-Uni, dirigé à parité par des médecins et des non médecins, l’ordre des médecins et les patients gagneraient à une gouvernance ouverte à des personnalités extérieures au monde médical. Les dérives constatées en matière d’indemnités, de frais et de gestion renforcent la nécessité pour l’ordre d’adopter des règles de gestion plus rigoureuses et de se doter de compétences nouvelles. Les ordonnances de 2017 sont un premier pas dans cette direction, mais elles ne suffiront pas à opérer la mutation nécessaire de cette institution à qui la puissance publique a entendu confier des missions essentielles au fonctionnement de notre système de santé. Le nombre élevé des dysfonctionnements, relevés dans un nombre significatif des conseils territoriaux contrôlés, conduit à dresser un constat préoccupant du fonctionnement et de la gestion de l’ordre ainsi que de l’exercice des missions qui lui sont confiées par la loi. Est ainsi mise en évidence une mauvaise gestion des cotisations ordinales des médecins. Le Conseil national de l’ordre des médecins a, dans sa réponse, pris l’engagement de remédier à certains manquements constatés lors du contrôle. La Cour vérifiera la mise en œuvre effective des mesures correctrices annoncées lors de prochains contrôles. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 25. Récapitulatif des recommandations De sérieuses défaillances de gestion (CNOM) 1. Centraliser au niveau national l’émission et la comptabilisation des appels à cotisation pour la totalité des cotisations appelées. 2. Gérer les disponibilités de l’ordre au niveau national (réitérée) et utiliser les excédents de trésorerie pour baisser la cotisation. 3. Encadrer et harmoniser les montants des indemnités versées aux élus et rendre public leur montant sur une base annuelle et nominative. Adopter un cadre clair applicable à l’ensemble des remboursements de frais et sanctionner tout écart. 4. Mettre en place un dispositif de contrôle interne et de contrôle de gestion. Des missions administratives et juridictionnelles mal assurées 5. Mettre en place un dispositif national de suivi et de relance des déclarations de développement professionnel continu (DPC) des médecins (réitérée) (CNOM – Ministère de la santé). 6. Permettre un exercice partiel aux médecins affectés par une infirmité ou une maladie à l’instar des dispositions applicables aux médecins reconnus en insuffisance professionnelle (Ministère de la santé). 7. Créer un portail unique mettant en cohérence les systèmes d’information « Transparence Santé » et « anti-cadeaux » (Ministère de la santé). 8. Faire de la lutte contre les discriminations dans l’accès aux soins une priorité de l’ordre et doter la commission « refus de soins » des moyens nécessaires, sur le budget de l’ordre (CNOM). L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 26. COUR DES COMPTES 26 9. Modifier le code de la santé publique pour (Ministère de la santé) : - encadrer juridiquement le traitement des « doléances » ; - rendre obligatoire le dépaysement du traitement de tout signalement concernant un élu de l’ordre jusqu’à la saisine de la chambre disciplinaire de première instance ; - élargir les commissions de conciliation à des personnes tierces extérieures à l’ordre pour traiter les cas de plaintes formulées par les usagers ; - permettre aux patients de porter plainte auprès de l’ordre contre tout praticien, quel que soit son statut, à l’exception des médecins exerçant une mission d’expertise ou de contrôle. 10. Rendre obligatoire la publication des mesures nominatives de radiation ou de suspension d’exercer, le temps de la sanction, pour améliorer la sécurité des patients (Ministère de la santé). Des évolutions nécessaires en matière de gouvernance 11. Regrouper au Conseil national, qui serait seul doté de la personnalité civile, toutes les décisions stratégiques (Ministère de la santé). 12. Associer à la gouvernance du Conseil national, en tendant vers la parité, des médecins et des non médecins (personnalités qualifiées, magistrats, représentants d’association de patients, universitaires notamment) désignés par une instance indépendante de l’ordre (Ministère de la santé). 13. Limiter à deux le nombre de mandats successifs au sein d’une même instance (réitérée) (Ministère de la santé). 14. Vérifier les déclarations d’intérêt des élus ordinaux et les publier sur les sites internet des conseils de l’ordre (CNOM). 15. Revoir le règlement intérieur de l’ordre pour rendre obligatoire le dépaysement de l’examen des contrats d’un élu ordinal y compris avec l’industrie (CNOM). L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 27. Introduction L’ordre des médecins est un organisme privé chargé d’une mission de service public. Nul ne peut exercer la médecine en France s’il n’est inscrit à l’ordre18 . L’ordre jouit de l’indépendance financière : non seulement la cotisation à l’ordre est obligatoire, mais c’est au Conseil national que la loi confie la responsabilité d’en fixer le montant. Avec plus de 290 000 médecins inscrits19, l’ordre dispose d’un budget annuel d’environ 85 M€. L’ordre comptait en 2018, 3 311 élus et employait 583 salariés, dont les deux tiers travaillent dans les conseils départementaux et un quart au Conseil national. Les revenus tirés de la cotisation, dont le montant est de 335 € en 2019, ont augmenté de 11,6 % sur la période contrôlée, ce qui a permis à l’ordre de constituer au fil des ans des réserves supérieures à 152 M€, soit près de deux années de cotisations. L’ordre s’est vu confier les mêmes missions que les autres ordres des professions de santé. Il remplit ainsi des missions administratives, au premier rang desquelles se place la tenue du tableau auquel tout médecin a l’obligation d’être inscrit pour exercer, des missions réglementaires de contrôle du respect des règles de déontologie par les professionnels et des missions juridictionnelles. L’ordre abrite en effet la juridiction disciplinaire des professionnels médecins, qui juge et sanctionne les manquements au code de déontologie. Enfin, l’ordre intervient sur les grands sujets de santé publique comme la télémédecine, la e-santé ou encore le débat relatif à la fin de vie20 . 18 À l’exception des médecins appartenant aux cadres actifs du service de santé des armées et des médecins fonctionnaires qui ne sont pas appelés à pratiquer la médecine dans le cadre de leurs fonctions. 19 Dont 226 000 médecins en activité. 20 Selon la réponse du Conseil national de l’ordre à la Cour : « Il peut être affirmé que l’ordre a été co-rédacteur de la proposition de loi Claeys-Leonetti et que son action a permis son adoption. Il est à l’origine du projet de décret d’application de la loi ». L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 28. COUR DES COMPTES 28 L’enquête de la Cour, conduite en 2018, qui fait suite à un premier contrôle de la Cour mené en 2011 sur les exercices 2007-2010, a concerné les exercices 2011 à 2017. En tant que de besoin, des faits antérieurs ont été examinés, lorsque leurs effets se faisaient sentir sur la période contrôlée. Le contrôle a porté sur le Conseil national (37 % des ressources de l’ordre) mais aussi sur 46 conseils départementaux et l’ensemble des conseils régionaux. Cet échantillon est suffisamment large pour que les problèmes qui y ont été relevés soient considérés comme représentatifs de l’ordre dans son ensemble. En dépit des changements introduits par les ordonnances de 2017 dans le fonctionnement des ordres des professions de santé, l’ordre des médecins peine à se moderniser alors même qu’il s’investit de plus en plus dans la défense des intérêts professionnels, qui, au vu du code de la santé publique (CSP), ne relève pas de ses missions mais uniquement de l’action syndicale. Malgré des évolutions intervenues en 2019 à la suite du contrôle de la Cour, l’ordre des médecins n’a que peu progressé en matière de gestion et de tenue des comptes depuis 2011, les principales recommandations de la Cour en la matière n’ayant pas été mises en œuvre. Des ressources importantes et une insuffisance de contrôle par le Conseil national de la gestion locale, en dépit de ses obligations, ont favorisé les désordres comptables et une gestion dispendieuse (I). Des missions règlementaires de l’ordre, tendant au contrôle du respect des règles de déontologie par les professionnels notamment, via les avis rendus sur les contrats entre professionnels ou le contrôle des relations médecins-industrie, sont exercées de manière hétérogène selon les conseils. La justice disciplinaire souffre pour sa part de sérieux dysfonctionnements. Des progrès ont été réalisés dans quelques domaines et certains élus exercent leur mission avec les qualités et compétences que l’on peut attendre de garants du respect des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine tels qu’énoncés à l’article L. 4121-2 du CSP. Néanmoins, les constats de ce contrôle, considérés dans leur ensemble, appellent un changement profond, passant par une évolution de la gouvernance, un recentrage des missions autour de la sécurité des patients, une remise en ordre comptable et une modernisation de la justice ordinale (II). L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 29. Chapitre I De sérieuses défaillances de gestion I - Une organisation peu propice au changement A - Une modernisation trop lente L’ordre des médecins a été créé par l’ordonnance n° 45-2184 du 24 septembre 1945, qui a mis fin, comme l’indique l’exposé des motifs, à une « très fâcheuse confusion », héritée de l’interdiction des syndicats par le régime de Vichy, consistant à confier au même organisme la défense des intérêts professionnels et la discipline de la profession. L’un des objectifs de ce texte était ainsi de faire cesser cette confusion. L’ordre est un organisme privé chargé d’une mission de service public. La cotisation à l’ordre est obligatoire21 et lui permet de jouir de l’indépendance financière. Il accomplit sa mission par l’intermédiaire de 101 conseils départementaux, de 15 conseils régionaux ou interrégionaux22 et autant de chambres disciplinaires. Ces différents échelons d’organisation, fixés par le législateur, sont dotés de la personnalité civile et exercent leurs missions sous le contrôle du Conseil national23. 21 Article L. 4122-2 du CSP. 22 Depuis l’entrée en vigueur, en 2019, de la réforme portée par l’ordonnance du 16 février 2017 contre 24 CROM précédemment et au moment du contrôle. 23 Art. L. 4123-1 et L. 4124-11 du CSP. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 30. COUR DES COMPTES 30 1 - Un fonctionnement qui ne favorise pas le renouvellement des élus a) Une réticence au changement Les règles de fonctionnement des ordres ont été assez sensiblement modifiées par deux ordonnances en 201724 : renforcement des pouvoirs de contrôle, instauration de la parité hommes-femmes, fixation à 71 ans de l’âge limite pour se porter candidat aux élections ordinales, durcissement du régime des incompatibilités, certification des comptes combinés, application de règles d’achats inspirées de celles des marchés publics, refonte des modalités de rémunération des présidents de juridictions disciplinaires, etc. Le Conseil national de l’ordre des médecins a fait connaître ses réticences à l’adoption de plusieurs de ces mesures25 . Il a notamment considéré que l’introduction d’incompatibilités supplémentaires était de nature à « entraver le bon fonctionnement des conseils »26 , que l’obligation faite à l’ordre de payer les indemnités des présidents de juridictions « constituait une ingérence dans les finances de l’ordre » et que la mise en œuvre de la parité était « choquant[e] par sa brutalité arithmétique et dogmatique »27. À l’issue du renouvellement partiel issu des élections de juin 2019, le nouveau Conseil national ne compte encore que 15 femmes sur 56 membres et le nouveau bureau 2 sur 17. L’introduction d’une limite d’âge a, quant à elle, fait l’objet d’une contestation vigoureuse de la part de deux conseils territoriaux, qui ont introduit en 2018 un recours contre cette disposition28 . 24 Ordonnance n° 2017-192 du 16 février 2017 et ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017. 25 La mise en œuvre de ces réformes reste très progressive. La parité par exemple se fait au rythme des renouvellements des conseils et ne sera ainsi complète qu’en 2022. 26 Lettre du président du CNOM au président de la République du 23 mars 2017. 27 Bulletin du conseil national, n° 49, mai-juin 2017, p. 4. 28 Annulée par le Conseil d’État en mai 2018, pour non dépôt du projet de loi de ratification de l’ordonnance dans les délais impartis, cette disposition a été réintroduite dans le code de la santé publique (article L. 4125-8) par la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 31. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 31 b) Des élus ordinaux peu représentatifs du corps médical en activité Au 1er janvier 2018, 45 % des 226 000 médecins en activité en France sont généralistes et 44 % exercent au moins partiellement à l’hôpital29 ; parmi les conseillers ordinaux, ces proportions sont respectivement de 60 % et 16 %. Contrairement aux règles applicables à l’ordre des pharmaciens, il n’est pas nécessaire pour un médecin d’être en activité pour prétendre à un mandat ordinal. De ce fait, la part des retraités au sein de l’ordre – tous échelons confondus – était en 2018 de 14 %, mais de 40 % au sein du Conseil national et près du tiers des conseillers avaient 71 ans ou plus. L’absence de limite d’âge lors des élections ordinales de juin 2019 n’a pas permis un renouvellement en profondeur du Conseil national. Les femmes sont sous-représentées : elles constituent 31 % des élus ordinaux (9 % seulement au Conseil national) mais 46 % du corps médical et plus de la moitié des médecins de moins de 60 ans. Même quand elle est atteinte d’un point de vue arithmétique, la parité n’est pas effective dans le partage des responsabilités : la proportion de femmes exerçant des fonctions de président, trésorier ou secrétaire général n’est que de 19 % et on ne compte à ce jour que 14 présidentes de conseils départementaux. Par ailleurs, le taux de participation aux élections ordinales est faible (25 % en moyenne et 13,5 % à Paris). 2 - Des mandats caractérisés par leur longévité et le cumul Les conseillers ordinaux sont élus pour six ans et renouvelés par moitié tous les trois ans. Non dématérialisée, l’élection est génératrice de coûts pouvant atteindre 100 000 € dans les plus gros conseils. À la différence des pharmaciens et des infirmiers, l’ordre des médecins n’a en effet pas souhaité recourir au vote électronique30. Les 3 311 conseillers de l’ordre des médecins prolongent leurs fonctions sur de longues périodes, le nombre de mandats consécutifs au sein d’une même instance ordinale n’étant pas limité : sept à huit ans en moyenne, mais l’exercice d’un mandat pendant plus de 20 ans n’est pas isolé. 29 Études et résultats n° 1061, mai 2018, DREES. 30 Prévu à l’article L. 4125-6 du CSP. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 32. COUR DES COMPTES 32 Le cumul de plusieurs mandats est courant, même si le durcissement du régime d’incompatibilités posé par l’ordonnance n° 2017-192 du 16 février 2017 a entraîné une légère diminution du nombre d’élus détenant plus d’un mandat (passé de 382 en 2014 à 346 en août 2018). Au moment de l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, 100 conseillers étaient en situation d’incompatibilité31 . En dépit de courriers du Conseil national les invitant à démissionner de l’une de leurs fonctions, trois élus continuaient, en novembre 2018, à cumuler des fonctions devenues incompatibles. 3 - De fréquents problèmes de gouvernance nuisant à l’image de l’institution Les conflits de gouvernance au sein des conseils ne sont pas rares (Gironde, Rhône, Bas-Rhin, Bouches-du-Rhône, La Réunion) et nuisent à l’image de l’ordre des médecins. Ils peuvent dans certains cas conduire à des contentieux entre dirigeants d’un même conseil, entraînant des frais d’avocats souvent financés par les cotisations ordinales : 14 530 € pour le Rhône en 2018, plus de 36 000 € pour les Bouches-du-Rhône en 2017 et 2018. Le cas du conseil départemental de l’ordre des Bouches-du-Rhône En 2015, la désignation d’un nouveau président au sein du conseil de l’ordre des Bouches-du-Rhône a donné lieu à de graves dissensions, les orientations retenues par les nouvelles instances ayant été mal perçues par l’ancien président et plusieurs de ses proches, également membres du conseil. Dès juillet 2016, les dysfonctionnements se sont multipliés et des pressions se sont exercées pour pousser le nouveau président à la démission. Devant son refus de démissionner, des poursuites disciplinaires ont été engagées par le conseil départemental à son encontre. Une première plainte, rejetée en première instance en mai 2017, a été suivie de sept autres, déposées en 2017 et 2018, pour des propos publiés sur internet qui, comparant notamment l’ancien président et ses partisans à « des dictateurs d’une société bananière », outrepassaient « les usages communément tolérés à l’occasion de campagnes électorales ». En appel, la chambre disciplinaire nationale a infligé un blâme au président élu en 2015. Rendu de ce fait inéligible pour trois ans, il n’a pas pu se présenter aux élections de février 2018. 31 26 incompatibilités pour cumul de fonctions au sein de deux conseils, 58 incompatibilités pour cumul d’une fonction de président ou secrétaire général d’un conseil et d’une fonction d’assesseur de chambre disciplinaire et 16 situations de double incompatibilité. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 33. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 33 Cette situation a abouti à la dissolution du conseil par l’agence régionale de santé (ARS) en juillet 2018. Cette décision, suspendue dans un premier temps par le tribunal administratif de Marseille, a été confirmée, en janvier 2019, par le Conseil d’État, qui a relevé que le conseil « était notoirement traversé de violents conflits compromettant gravement sa légitimité , que vingt-et-un des quarante-six membres titulaires et suppléants avaient démissionné […], que le conseil départemental avait, en raison de ce conflit, porté plainte contre quatre de ses propres membres et que […] une ultime mission de conciliation effectuée par le Conseil national avait échoué ». De nouvelles élections en avril 2019 ont conduit à l’élection d’une présidente. Le coût des différends interpersonnels et des dysfonctionnements divers (dix interventions d’huissiers, deux changements de serrures, des agents de sécurité, un système de surveillance et des frais d’affranchissement inutiles notamment) s’est élevé à plus de 80 000 € en 2017-2018 financés sur les cotisations des médecins. 4 - L’insuffisante prise en compte des risques de conflits d’intérêts Toutes les précautions ne sont pas prises par l’ordre pour se prémunir contre les risques de conflits d’intérêts32 encourus par ses représentants, même si le règlement intérieur adopté le 13 décembre 2018, à la suite du contrôle de la Cour, consacre désormais un chapitre à l’obligation spécifique de leur prévention. Les élus du Conseil national remplissent une déclaration d’intérêts33 depuis juin 2016, mais ces déclarations sont sommaires et ne sont pas vérifiées par l’ordre. C’est ainsi que l’un de ses membres non élu a omis de déclarer les rémunérations qu’il avait perçues de laboratoires pharmaceutiques, alors qu’il siégeait au sein de la commission des relations médecins industrie et qu’un de ses proches travaillait pour un laboratoire français. Il ne lui a pas été demandé de compléter sa déclaration. 32 Le conflit d’intérêts désigne « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » (art. 25 bis de la loi du 13 juillet 1983). 33 Il s’agit d’une initiative de l’ordre, non d’une obligation légale. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 34. COUR DES COMPTES 34 Par ailleurs, il est des cas où les liens connus entre un élu ordinal et un médecin conduisent à jeter un doute sur l’impartialité d’une décision. Ainsi en est-il de l’autorisation de continuer à exercer, notifiée par la formation restreinte d’un conseil régional à un spécialiste exerçant en clinique, victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) en octobre 2017, en dépit de l’avis du collège d’experts. Participaient en effet à cette formation restreinte décisionnaire le PDG de la clinique – et président de l’ordre départemental – ainsi qu’un autre médecin y possédant des parts, dont les intérêts étaient donc en jeu dans l’affaire. Les garde-fous pour prévenir les conflits d’intérêts sont encore plus faibles quand la personne mise en cause est elle-même un conseiller ordinal. L’obligation de délocaliser la conciliation en cas de plainte contre un élu ordinal, introduite par l’ordonnance de 2017, n’est pas toujours respectée. Ainsi, à La Réunion, une plainte introduite en novembre 2017 par un médecin contre l’un de ses confrères, élu du conseil régional, a été traitée sur place. En Haute-Corse, non seulement la plainte déposée en 2018 par une patiente contre une élue ordinale n’a pas été délocalisée, mais la suite qui lui a été donnée n’était pas conforme aux textes. Aucune règle spécifique de dépaysement n’étant non plus prévue pour l’examen par l’ordre des contrats ou des avantages consentis par l’industrie pharmaceutique à un élu ordinal, l’impartialité nécessaire ne peut être garantie. Ainsi, dans un département du sud de la France, les conditions dans lesquelles sont rendus les avis de l’ordre sur les contrats conclus par les établissements que dirige son président34 ou par ceux d’un concurrent direct de son laboratoire ne permettent pas de garantir l’impartialité nécessaire dès lors qu’il sont rendus par un conseil dont le président est à la fois juge et partie. En l’absence de cadre contraignant, l’impartialité du traitement d’une affaire concernant un conseiller ordinal ne repose que sur le sens de la déontologie de quelques-uns. Cela peut s’avérer insuffisant, comme le montrent les exemples relevés par la Cour. Il conviendrait de rendre, dans ces situations, la délocalisation obligatoire. 34 Par ailleurs conseiller régional de l’ordre, également co-gérant du seul laboratoire de biologie médicale implanté localement et PDG d’une clinique. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 35. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 35 B - Des fonctions bénévoles généralement indemnisées La loi du 21 juillet 200935 a posé le principe du bénévolat des fonctions ordinales. Elle prévoit également que les conseillers ordinaux peuvent être indemnisés, le montantdes indemnitésétant limité à trois fois leplafondannuel de la sécurité sociale, soit 121 572 € en 201936 . Une demi-journée ne peut être indemnisée au-delà de 10 % du plafond mensuel, soit 337 € en 2019. La conjugaison de ces deux principes n’a conduit que quelques conseils37 à considérer, à l’instar d’autres ordres de professions de santé, que l’indemnité, pour conserver le caractère bénévole des fonctions ordinales, visait seulement à compenser une perte d’activité et devait donc être différenciée en fonction des situations (retraités, libéraux, salariés). Pour plus de 80 % des autres, ce n’est pas le cas. Le constat est le même pour les conseils régionaux, dont trois seulement sur 24 ont mis en place une indemnité différenciée selon le statut : Auvergne, Midi-Pyrénées et Bourgogne. S’ils sont membres d’un bureau, les élus peuvent percevoir une somme forfaitaire en lieu et place des indemnités au temps passé. Les élus ordinaux sont par ailleurs remboursés des frais engagés en raison de leur mission (transport, repas et hébergement). Malgré des tentatives de réforme du système indemnitaire au sein de l’ordre des médecins, il n’existe pas jusqu’à présent de barème uniforme sur le territoire. Par conséquent, les pratiques d’indemnisation des élus varient fortement d’un conseil à l’autre, dans un contexte d’augmentation moyenne de 28 % depuis 2011. En 2017, les indemnités (10 M€) et les frais (4,1 M€) représentaient 17 % du budget annuel de l’ordre dans son ensemble. 1 - Des irrégularités constatées au Conseil national En 2017, le Conseil national a versé aux élus 2,2 M€ d’indemnités38 et pris en charge 2,6 M€ de frais. Ces dépenses, en augmentation de 33 % depuis 2011 malgré des mesures d’économies décidées sur les frais (moindres indemnités forfaitaires sans justificatif), s’expliquent notamment par l’organisation de congrès et par l’augmentation de 9 % du nombre de réunions. 35 Portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). 36 Cette limite, fixée par décret, est supérieure de 33 % au bénéfice net moyen d’un médecin généraliste (source : union nationale des associations agréées). 37 Seuls sept CDOM sur 46 différencient l’indemnité selon le statut actif/retraité et quatre selon le statut libéral/hospitalier. 38 2,06 M€ sont versés aux 54 élus nationaux et 135 500 € à d’autres conseillers. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 36. COUR DES COMPTES 36 a) Des indemnités élevées, parfois supérieures au plafond réglementaire Au CNOM, les seize membres du bureau ont perçu au total plus d’un million d’euros d’indemnités en 2017, soit en moyenne 68 000 € par personne. Pour les 40 % d’élus retraités – l’âge moyen des membres du bureau est de 71 ans –, ces montants élevés ne constituent pas une compensation de perte d’activité professionnelle mais bien un revenu complémentaire. Parmi ces membres, six ont perçu des indemnités forfaitaires39 représentant au total plus de 500 000 €, soit près de 90 000 € par personne. Tableau n° 3 : évolution des indemnités mensuelles brutes forfaitaires de certains membres du bureau 2011 2012 2013 2014 à 2018 Président 9 582 € 9 869 € 10 048 € 9 177 € Secrétaire gal 8 211 € 8 211 € 8 211 € 8 211 € Secrétaires gaux adjoints 7 245 € 7 245 € 7 245 € 7 245 € Trésorier 7 245 € 7 245 € 7 245 € 7 245 € Source : CNOM Aucune délibération attestant de la fixation de ces indemnités par le bureau ou par le conseil en réunion plénière, comme le prévoit l’article D. 4125-8 du CSP, n’a pu être communiquée40 à la Cour. À défaut de délibération, ces indemnités sont dépourvues de fondement juridique. En dépit du plafond réglementaire élevé, le président du Conseil national en exercice de 2007 à 2013 s’est fait verser irrégulièrement, avec l’accord du secrétaire général, des indemnités d’un montant supérieur de près de 9 000 € au plafond annuel, en considérant abusivement que le calcul du plafond de la sécurité sociale devait s’entendre net de cotisations 39 Sont concernés le Président, le Secrétaire général, les trois Secrétaires généraux adjoints et le Trésorier. Les autres membres touchent des indemnités de présence de 483 € par jour, montant stable depuis 2013. 40 Seules ont été produites deux diapositives projetées lors de l’adoption du budget des exercices 2014 et 2015. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 37. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 37 CSG-CRDS41. Ce sont ainsi plusieurs dizaines de milliers d’euros qui ont été indûment perçus et devraient donc être remboursés au Conseil national. Son successeur, dès son élection en 2013, a mis fin à cette pratique et fixé sa propre indemnité au niveau du plafond alors en vigueur. b) Une inflexion récente mais encore insuffisante de la politique de remboursements de frais En matière de remboursement de frais, des pratiques abusives ont eu cours pendant des années, qui ont amené le Conseil national à revoir sa politique en 2015. Il a alors limité les remboursements sans justificatifs à 18,50 € par repas et 65,50 € par nuitée et instauré un remboursement aux frais réels, plafonné à 250 € par jour42. Cette mesure a entraîné une diminution de 37 % des frais hors congrès43 des élus nationaux entre 2014 et 2015, passés de 1,3 M€ à 0,8 M€, soit une économie d’environ 500 000 €. À titre d’exemple, les remboursements versés au secrétaire général du Conseil national ont été divisés par trois entre 2011 et 2017. Tableau n° 4 : évolution des remboursements de frais du président et du secrétaire général 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Président 17 517 € 15 994 € 23 492 € 19 876 € 8 640 € 6 247 € 5 806 € SG 64 639 € 34 701 € 29 932 € 38 917 € 30 925 € 28 215 € 20 044 € Source : calculs Cour des comptes, d’après données CNOM Auparavant, pour un déplacement d’une journée, les conseillers nationaux étaient remboursés, à hauteur d’un forfait de 250 € – ou de 100 € pour les médecins résidant à Paris ou en petite couronne. L’ancien président du Conseil national a perçu, entre 2010 et 2012, en plus de ses indemnités supérieures au plafond, des « forfaits sans nuitée », assimilables à des indemnités, qui, sur ses trois dernières années de mandat, ont conduit à un dépassement annuel du plafond de la sécurité sociale de plus de 78 000 €. Plusieurs autres conseillers nationaux ont dépassé le plafond autorisé pour le même motif. 41 Par définition, le plafond de la sécurité sociale, qui sert de référence pour le calcul des cotisations sociales, ne peut s’entendre que brut. 42 180 € pour une nuit d’hôtel et 35 € par repas. 43 Depuis 2011, le CNOM organise annuellement un congrès (coût de 1,3 M€ en 2017), associant des élus de chaque département et région, qui explique l’augmentation importante des frais, passés de 1,6 M€ à 2,6 M€ entre 2011 et 2017. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 38. COUR DES COMPTES 38 La Cour considère, comme elle l’avait déjà indiqué en 2011, que, pour les médecins résidant en région parisienne, ces forfaits sans nuitée constituent de fait une rémunération qui doit être soumise à cotisations. Depuis janvier 2018, les remboursements sans justificatifs ont totalement été supprimés. Cette mesure, qui devrait mettre fin à ces abus, a en tout état de cause divisé par quatre entre 2017 et 2018 les remboursements de l’un des vice-présidents du CNOM (ceux-ci sont passés de 24 000 € à 5 640 € fin octobre 2018). c) Des remboursements de frais abusifs En principe, les élus du Conseil national habitant Paris ou la petite couronne ne bénéficient pas de la prise en charge de frais d’hébergement et de repas pour les réunions qui se tiennent au siège. Pourtant, deux vice- présidents du Conseil national, dont la résidence principale, déclarée comme telle aux services fiscaux44, est à Paris, ont par l’utilisation d’une autre adresse en province, déclarée à l’ordre comme leur résidence principale, perçu des remboursements de frais. L’un a ainsi reçu, entre 2015 et 2017, un montant total de 46 651 €, l’autre un montant, pour la même période, de 54 785 €. Si leur résidence principale est bien à Paris, alors ces montants leur ont été réglés indûment et doivent être remboursés à l’ordre. Depuis la suppression en 2015 du forfait de 250 € versé sans justificatif, un autre élu national, membre de la commission de contrôle des comptes, s’est fait rembourser ses nuitées à Paris, dans l’appartement où réside un de ses enfants, sur présentation de factures de 200 € par nuitée45 établies par une SCI dont il est propriétaire. Le Conseil national a ainsi remboursé à cet élu, depuis 2015, 29 520 €46 , sur présentation des factures de cette SCI, dont il n’ignore pourtant pas le caractère discutable, comme l’atteste un courrier du 18 mars 2015 signé du trésorier47 . 44 Au moins pour l’impôt sur la fortune immobilière. 45 Qui lui permettent de se faire rembourser 180 € par nuitée, soit le plafond fixé par le CNOM. 46 Ces sommes n’ont par ailleurs pas été déclarées aux services fiscaux. 47 « Notre structure ne procèdera à aucune vérification, [mais] notre commissaire aux comptes est parfaitement habilité à faire toutes les investigations qu’il pourrait juger nécessaires. Celles-ci pourraient entraîner, le cas échéant, des requalifications fiscales tant au niveau de la SCI que du conseiller ayant présenté ces notes, dont notre Conseil ne pourrait, en aucun cas, être tenu pour responsable ». L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 39. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 39 Ainsi, non seulement, le Conseil national a continué de régler au conseiller ces factures litigieuses, mais il l’a assuré qu’il ne contrôlerait pas plus avant la réalité des frais ainsi remboursés. Le double remboursement de frais du président du conseil départemental de l’ordre du Rhône, vice-président du Conseil national L’ancien président du conseil départemental du Rhône a bénéficié pendant plusieurs années d’un double remboursement de ses frais d’hôtel, par le Conseil national d’une part, par le conseil départemental du Rhône d’autre part. Sur la période 2011-2013, il a ainsi perçu indûment plus de 26 000 €, qu’il a remboursés au conseil départemental en avril 2018. En octobre 2018, la chambre disciplinaire de Bretagne, saisie par le Conseil national (dans le cadre d’un dépaysement), l’a condamné, alors qu’il avait pris sa retraite, à deux années d’interdiction temporaire d’exercer la médecine, dont une avec sursis. Ces doubles remboursements frauduleux remontaient en réalité à 2007 et la Cour estime, sur la base des documents fournis par le Conseil national et le conseil départemental, que c’est un total de 40 000 € qui lui a été indûment versé. Lors de ses déplacements à Paris, cet élu était hébergé par un proche, qui lui louait, au prix de 180 € par nuit, – soit le montant plafond des remboursements pratiqués par le CNOM – un studio à Levallois Perret. Le Conseil national n’a pas mis en œuvre les diligences indispensables, dès lors que, considérant les faits comme une « erreur et pas une faute », il a refusé d’abord la démission présentée par cet élu en 201648 , puis a renoncé à examiner les remboursements antérieurs à 2011 alors qu’il détenait la preuve que les faits avaient débuté en 2007, et enfin s’est abstenu de procéder à des vérifications auprès d’autres élus se trouvant dans la même situation. Les membres du Conseil national ont reçu les remerciements de l’ancien président du conseil du Rhône pour leur « exceptionnelle confraternité ». Le conseil départemental du Rhône qui a, quant à lui, laissé perdurer ces agissements, affiche dans une lettre aux élus ordinaux de mars 2018 une « confiance totale » au Dr R. et en appelle à la confraternité élémentaire en estimant que « nul ne peut s’attribuer le monopole de l’éthique ou de la déontologie ». 48 Selon le mémoire en défense du Dr R. non contredit par le Conseil national, son Président aurait écarté sa démission en 2016. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 40. COUR DES COMPTES 40 2 - Des situations très contrastées dans les conseils territoriaux a) Des niveaux d’indemnités très hétérogènes L’examen de la situation de 46 conseils départementaux et de 24 conseils régionaux montre que les modalités d’indemnisation et de remboursement de frais sont particulièrement hétérogènes. Les indemnités servies aux conseillers territoriaux se montent à 7,8 M€ en 2017, ce qui représente une augmentation depuis 2011 de 33 % pour les Conseils départementaux de l’ordre des médecins (CDOM) et de 39 % pour les Conseils régionaux de l’ordre des médecins (CROM). Bien que le Conseil national ait recommandé que les indemnités ne dépassent pas 20 % du budget, 32 conseils locaux dépassent cette limite. Dans l’ancien conseil régional de l’ordre de Picardie49 , le poids des indemnités était même de 41 % des charges totales. Aucune sanction n’est prévue pour les conseils qui outrepassent les consignes. Ces montants recouvrent en réalité des situations très diverses. Ainsi, certains petits conseils ne versent pas d’indemnité forfaitaire aux élus de leur bureau50 . Parmi les conseils comptant plus de 6 000 médecins inscrits, il y a un rapport de 1 à 5 entre Paris qui consacre 446 000 € à l’indemnisation de ses 26 élus et l’Hérault qui consacre 81 000 € à celle de ses 21 élus. De plus, les indemnités servies pour une même mission varient du simple au quintuple selon les conseils : ainsi les indemnités d’assemblée plénière sont de 56 € dans les Hauts-de-Seine, 136 € dans le Nord, 207 € dans le Rhône. Elles étaient de 320 € dans l’ancien conseil régional d’Alsace51 . Enfin, des indemnités ne sont pas toujours versées à bon escient : ainsi en Alsace, le président du CROM a perçu en 2018 une indemnité de 320 € pour se rendre aux vœux du préfet ou encore assister à une projection sur les médecins déportés ; la vice-présidente a perçu 460 € pour assister aux obsèques de l’épouse d’un conseiller, remboursés depuis. Certains élus jouant le rôle de lanceurs d’alerte ont dénoncé ces pratiques sans parvenir toutefois à les infléchir notablement52 . 49 Fusionné à compter de 2019 avec le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais au sein du nouveau conseil régional des Hauts de France. 50 Fin 2018, Corse-du-Sud, Haute-Corse, Indre, Isère, Loir-et-Cher, Mayenne, Moselle, Seine-Maritime, Guyane. Le budget des conseils départementaux comptant un faible nombre d’inscrits ne leur permet pas toujours de verser des indemnités à leurs élus sur des territoires où la problématique de l’accès aux soins notamment nécessite pourtant un investissement important de leur part. 51 Fusionné à compter de 2019 au sein du nouveau conseil régional Grand Est. 52 Notamment dans le Bas-Rhin, La Réunion et le Rhône. Dans un cas, le conseil départemental de l’ordre a été invité à se prononcer sur l’opportunité de porter plainte au disciplinaire contre l’un d’entre eux en raison de son attitude jugée « anti-confraternelle et calomnieuse ». L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 41. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 41 À la suite du contrôle de la Cour, une harmonisation des indemnités des élus devrait être mise en œuvre dès le 1er janvier 2020. Il ne faudrait toutefois pas que cette harmonisation se traduise par une augmentation du montant global des indemnités versées. b) Des indemnités parfois irrégulières et des remboursements de frais insuffisamment justifiés Les indemnités servies par les conseils départementaux ne sont pas toujours régulières : il arrive, dans quelques cas, que les « vacations » dépassent les plafonds réglementaires, comme à La Réunion, qui indemnise la participation à la commission des contrats à hauteur de 414 € la demi-journée (alors que le plafond est de 327 € en 2017) ou que, dans des cas plus fréquents, le montant des indemnités ne soit pas fondé sur une décision prise en assemblée plénière53 . En l’absence de règles fixées par le Conseil national, la procédure de remboursement de frais est hétérogène et peu formalisée. Rares sont les conseils qui établissent des ordres de mission et qui conditionnent le remboursement des frais à la présentation de justificatifs. Le stationnement en ville des médecins Les véhicules des médecins arborant le caducée peuvent bénéficier de mesures de tolérance en matière de stationnement. Ces tolérances, censées s’appliquer aux seules visites à domicile et en cas d’urgence, ont fait l’objet de larges abus. De ce fait, les villes sont moins enclines à accorder des régimes dérogatoires spécifiques aux médecins. Comme d’autres villes, Paris a créé, à compter du 1er janvier 2018, un régime dérogatoire, en instituant une « carte Pro soins à domicile »54 . Alors que l’instruction des demandes de cartes relève de la ville de Paris pour les infirmiers, les sages-femmes et les orthophonistes, elle a été confiée, pour les médecins, à la demande de l’ordre, au conseil départemental de l’ordre de Paris55 . Près de 1 000 cartes ont été attribuées dont certaines à des médecins qui ne remplissaient pas les conditions pour en bénéficier. 53 C’est le cas notamment au conseil régional d’Ile-de-France et dans les conseils départementaux de Haute-Corse, Haute-Garonne, Gironde et Var. Plusieurs conseils ont depuis mis fin à cette irrégularité. 54 Cette carte est destinée aux professionnels de santé exerçant à Paris et effectuant plus de 100 visites à domicile par an. 55 Les masseurs-kinésithérapeutes s’adressent également à leur conseil départemental. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 42. COUR DES COMPTES 42 Parmi eux, près d’un élu sur deux du conseil départemental de Paris bénéficie de la carte Pro soins à domicile, sans remplir les conditions d’attribution et sans qu’aucun relevé d’activité justificatif des visites à domicile leur ait été demandé. C - Un ordre qui empiète sur le champ syndical 1 - Des relations longtemps intriquées La genèse de l’ordre et le fait que les élus ordinaux soient issus, pour beaucoup, du monde syndical explique l’étroitesse des relations qu’il entretient depuis sa création avec les syndicats de médecins. La fréquence du cumul des mandats syndicaux et ordinaux par les mêmes médecins a longtemps accentué ce phénomène. L’ordonnance du 16 février 2017, qui a durci le régime des incompatibilités entre certaines fonctions syndicales et ordinales56 , vise à éviter la confusion entre ces responsabilités, mais ses dispositions sont encore mal connues, mal appliquées ou sujettes à interprétations divergentes. Les conseillers territoriaux ne remplissaient pas en 2018 de déclaration d’intérêts, alors que la bonne application de la disposition relative aux compatibilités de fonctions l’exigeait. Leurs fonctions électives non ordinales n’étaient, de fait, pas connues de l’ordre. De plus, l’un des trois principaux syndicats de médecins n’avait même, au moment de l’enquête de la Cour, jamais entendu parler de ce nouveau régime. Le règlement intérieur adopté en décembre 2018, après le contrôle de la Cour, prévoit désormais l’obligation, pour tous les élus, d’établir une déclaration d’intérêts mentionnant leurs fonctions électives. Enfin, le Conseil national a une lecture des dispositions relatives aux incompatibilités moins restrictive que le ministère chargé de la santé puisqu’il estime que l’incompatibilité ne concerne que les syndicats constitués entre médecins, permettant par exemple à certains élus de continuer à cumuler des fonctions de président d’un conseil départemental et d’une fédération de l’hospitalisation privée. 2 - Une conception extensive de son rôle par l’ordre L’ordre est chargé de veiller au respect des règles de déontologie et d’assurer la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession médicale. 56 Art. L. 4125-2 du CSP. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 43. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 43 Dans les faits, l’ordre des médecins, à l’instar des autres ordres déjà contrôlés par la Cour, intervient fréquemment dans le champ de la défense des intérêts professionnels et sort régulièrement du champ déontologique au regard duquel il devrait apprécier l’impact des réformes qui lui sont soumises pour avis. Le Conseil national est certes chargé d’« étudie[r] les questions et projets qui lui sont soumis par le ministre chargé de la santé57 » mais au regard de ses seules missions. Il ne lui appartient pas de se saisir lui-même, à l’occasion par exemple d’élections présidentielles, de sujets politiques ni de critiquer des textes législatifs ou réglementaires une fois qu’ils sont adoptés. Toute communication à caractère revendicatif se situe clairement hors du champ des missions d’un ordre, comme l’a rappelé la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) dans un arrêt du 29 novembre 2018 relatif à l’ordre des chirurgiens-dentistes58. Pourtant, se considérant comme le représentant de tous les médecins, l’ordre, encouragé parfois par les pouvoirs publics eux-mêmes qui le sollicitent sur des questions se situant hors de son champ de compétences, se positionne comme un interlocuteur privilégié sur les réformes de santé à venir. Dans la préface de son ouvrage Santé : explosion programmée paru en 2018, le président de l’ordre évoque d’ailleurs « les 291 000 médecins praticiens dont nous portons la parole, là où la multiplicité des syndicats professionnels rend difficile une représentation homogène de notre profession ». Dans son bulletin de mai 2015, l’ordre présentait comme l’une de ses missions le fait de « défendre les intérêts de la profession au plan européen »59 . Or, ni au plan européen ni au plan national, il n’incombe à l’ordre de défendre les intérêts de la profession. Le caractère obligatoire de l’inscription place en effet l’ordre dans une situation très différente des syndicats : d’une part, dès lors qu’il regroupe tous les médecins, il ne peut en aucun cas exprimer un point de vue politique qui les engagerait tous ; d’autre part, il dispose d’un budget sans commune mesure avec ces derniers, ce qui rend les risques de mésusage plus élevés. Toute confusion entre missions ordinales et missions syndicales est en effet préjudiciable au bon emploi des fonds de l’ordre. 57 Art. L. 4122-1 du CSP. 58 « Le fait pour l’ordre d’avoir pris en charge des dépenses liées à une action étrangère à ses missions légales et règlementaires [en l’espèce, une campagne de communication lancée en 2015 contenant des messages clairement revendicatifs contre la future loi santé] constitue une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses ». 59 Revue médecins (bulletin de l’ordre des médecins), n° 39 avril-mai 2015. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 44. COUR DES COMPTES 44 3 - Un glissement sensible de la communication vers des actions relevant du champ syndical La communication de l’ordre est le reflet de ce glissement vers le champ syndical. Elle a été réformée en profondeur en 2013, pour placer l’ordre en acteur incontournable des débats sur la profession médicale et l’évolution du système de santé ; elle tend de plus en plus à remettre en cause l’action des pouvoirs publics. La stratégie 2015-2017 a ainsi comporté un intense lobbying contre la loi dite « Touraine », puis le lancement, à l’automne 2015, d’une grande consultation nationale60, pour un coût estimé à 1 M€, destinée à positionner l’ordre au premier plan dans la négociation des textes d’application de la loi susvisée61 et à porter ses revendications auprès des candidats à la présidentielle. La synthèse des avis recueillis à l’occasion de cette consultation a fait l’objet d’un livre blanc, très critique sur l’organisation actuelle du système de santé. L’ordre y formule des recommandations dont certaines visent la revalorisation du mode de rémunération des médecins, la refonte de leur système d’assurance sociale ou encore la suppression du caractère obligatoire du tiers payant, tous sujets sur lesquels il n’est pas légitime à intervenir. Le Conseil national a poursuivi ses actions en 2019, à l’occasion de la discussion de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, en organisant la campagne « Ma santé 2022 : de la parole aux actes ! » pour débattre publiquement du projet de loi et de sa mise en œuvre. Cette confusion des rôles est préjudiciable à l’image de l’ordre et à l’exercice de ses missions, elle est difficilement compatible avec son rôle de gardien impartial de la déontologie de la profession. Les budgets correspondant aux actions qui ne relèvent pas de l’ordre sont autant de moyens qui ne sont pas consacrés aux missions légales, dont l’enquête de la Cour a montré qu’elles étaient souvent délaissées, comme dans les cas du contrôle de la formation continue ou des relations médecins-industrie (cf. infra). 60 Cette consultation a consisté en 13 rendez-vous avec les principaux acteurs du système de santé, 16 grands débats avec 2 000 médecins, une consultation de la profession en ligne (35 000 médecins ont répondu) et un sondage auprès du grand public (4 000 participants). 61 L’ordre reconnaît, dans le bulletin n° 42 diffusé au début de l’année 2016, que « l’année 2015 a été marquée par un travail de lobbying parlementaire intense sur la loi de santé. Aujourd’hui, tout reste à faire quant aux modalités de sa mise en application. 2016 promet d’être une année de bataille sur les décrets d’application et des ordonnances. (…) À l’aube d’échéances électorales, le travail de l’ordre est appelé à s’intensifier ». L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 45. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 45 II - Des comptes souvent incomplets et insincères La Cour a constaté de nombreuses insuffisances et irrégularités. Certaines d’entre elles avaient déjà été relevées lors de son précédent contrôle mais n’ont pas donné lieu à des mesures correctrices. Ces insuffisances, et plus largement le défaut de rigueur dans la gestion et de contrôle dans l’usage des fonds issus des cotisations, ainsi que les multiples carences du contrôle interne, ont rendu possibles non seulement des erreurs et des approximations dans les pratiques comptables mais également des détournements de fonds constatés en plusieurs endroits. A - Des ressources incomplètement retracées 1 - Des ressources abondantes en augmentation rapide Les ressources de l’ordre se composent à 99 % des cotisations des médecins. La cotisation est obligatoire62 et versée par toute personne inscrite au tableau, qu’elle soit physique ou morale. La cotisation 2018 fixée par le Conseil national, se monte à 335 € pour les médecins actifs et les sociétés d’exercice libéral (SEL) et 95 € pour les retraités et les médecins qui, n’exerçant pas sans être retraités, souhaitent rester inscrits au tableau. Les cotisations annuelles appelées représentaient un montant de près de 84,3 M€ en 2017 et les cotisations encaissées un peu plus de 79 M€. Ces chiffres ne sont que des estimations. En effet, les cotisations étant perçues directement par les conseils départementaux, en l’état actuel de la comptabilité, et faute pour l’ordre de disposer à ce jour de comptes combinés retraçant l’ensemble de ses opérations, il n’est pas possible d’avoir une vue d’ensemble des ressources du Conseil national, des conseils départementaux et des conseils régionaux confondus. 62 Sont toutefois exemptés les réservistes sanitaires – s’ils n’exercent la profession qu’à ce titre –, les cadres actifs du service de santé des armées ainsi que les médecins fonctionnaires d’État ou territoriaux qui ne sont pas appelés, dans l’exercice de leur fonction, à exercer la médecine. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 46. COUR DES COMPTES 46 L’irrégularité de certaines ressources tirées des qualifications L’ordre, qui doit veiller au maintien des compétences indispensables à l’exercice de la médecine63 , a mis en place une procédure pour les médecins désireux d’obtenir une qualification de spécialiste différente de celle qui leur a été reconnue à l’issue de leur formation initiale. Or, le Conseil national conditionne le dépôt d’un dossier de qualification à l’obligation, pour le demandeur, de s’acquitter de frais de dossiers de 140 €. Un total de 138 000 € a ainsi été collecté par les conseils départementaux en 2017 et reversé au Conseil national. Rien ne permet de justifier la facturation de frais de dossiers non prévus par le code de la santé publique et relatifs à une mission de service public financée par ailleurs par la perception de cotisations obligatoires. L’ordre a indiqué à la Cour, à l’issue du contrôle, avoir suspendu la perception de ces recettes tirées des dossiers de qualification. L’évolution dynamique du montant des cotisations encaissées (+24 % sur la période 2011-2017) s’explique à la fois par l’augmentation du nombre de cotisants (290 973 médecins inscrits à l’ordre en 2017, soit +10 % par rapport à 2011) et par l’évolution du montant unitaire de la cotisation, passée de 300 € en 2011 à 333 € en 2017, soit une augmentation de +11 %64. Outre la croissance de la cotisation, le Conseil national a bénéficié d’une augmentation de la quotité qui lui revient, passée de 35 % à 39 %, alors que celle allouée aux départements a diminué dans le même temps de 53 % à 49 %. En conséquence, les ressources du Conseil national ont crû nettement plus vite : +40 % contre +24 % pour l’ordre dans son ensemble, comme l’illustre le graphique suivant. 63 Art. L. 4121-2 du CSP. 64 En 2018, la cotisation a de nouveau augmenté, passant à 335 €, montant inchangé en 2019. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 47. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 47 Graphique n° 7 : évolution des quotes-parts des cotisations encaissées65 (base 100 en 2011) Source : Cour des comptes, à partir de données CNOM 2 - Un enregistrement comptable irrégulier des cotisations a) Un schéma comptable qui ne retrace pas le produit des cotisations Le législateur a entendu donner au Conseil national la maîtrise des ressources de l’ordre et le pouvoir de veiller à leur répartition harmonisée. À cet effet, il ressort des dispositions combinées du code de la santé publique et du règlement de l’Autorité des normes comptables de juin 2014 que seul le Conseil national est habilité à émettre le bordereau d’appel de cotisation et à inscrire à son compte de résultat, en produits, le montant total de la cotisation appelée et, en charges, le reversement des quotes-parts aux conseils territoriaux. Or ce schéma comptable n’a pas été retenu, puisque l’ordre a confié aux conseils départementaux le soin de recouvrer la cotisation, sans que celle-ci apparaisse toutefois dans leurs comptes pour son montant intégral. 65 Parts nationale, régionale, départementale. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 48. COUR DES COMPTES 48 Le Conseil national contrevient également aux dispositions du code de la santé publique pour le financement des chambres disciplinaires : alors que la loi lui impose expressément66 de préciser la part de la cotisation consacrée au fonctionnement de ces chambres, le Conseil national considère qu’il appartient « à chaque conseil régional de fixer le montant nécessaire au fonctionnement de la chambre disciplinaire ». b) Une comptabilisation incomplète des cotisations annuelles La comptabilisation des cotisations présente aujourd’hui de nombreuses irrégularités, qui empêchent de donner une image fidèle des produits de cotisations, des créances sur les médecins et de leurs dépréciations. En premier lieu, les comptes annuels établis par le Conseil national ne retracent que la quote-part nationale des cotisations, soit 30,8 M€ sur 84,3 M€ en 2017. Les conseils locaux comptabilisent quant à eux leurs parts respectives (49 % pour les départements et 12 % pour les régions). Aucun document ne permet aujourd’hui de rendre compte de manière précise, fiable et exhaustive des ressources annuelles totales de l’ordre. En second lieu, les cotisations sont enregistrées au moment de leur encaissement et non au moment où elles sont appelées, ce qui n’est pas conforme au principe de comptabilité en droits constatés67 et aboutit à sous-estimer les produits. L’ordre n’a pas tenu compte des observations de la Cour, qui critiquait déjà en 2011 ce mode d’enregistrement des cotisations et le qualifiait de « comptabilité d’engagement à géométrie variable ». En troisième lieu, il est impossible de disposer d’une estimation fiable du montant annuel des cotisations restant à recouvrer68, en raison non seulement de l’absence de transcription comptable des cotisations appelées, mais aussi de l’hétérogénéité des modes de comptabilisation de ces restes à recouvrer. 66 L. 4122-2 du CSP. 67 Le fait générateur de la créance est bien l’appel à cotisation envoyé en début d’année. 68 Ce montant peut être évalué à au moins 11 M€ par an. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 49. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 49 Selon les conseils en effet, les méthodes d’estimation des cotisations à recouvrer varient69 ; le reste à recouvrer d’une même créance peut être constaté de façon différente selon qu’il s’agit de la part nationale ou de la part départementale70 ; enfin le taux de dépréciation des créances varie de 2 % à 100 % selon les départements, sans justification. En dernier lieu, ni les exonérations de cotisations (environ 800 000 € en 2017), ni les pertes sur créances irrécouvrables ne sont comptabilisées. Le recouvrement des cotisations n’étant ainsi ni conforme aux textes ni efficient, l’ordre doit le revoir en profondeur. En particulier, il doit mettre en place une comptabilisation en droits constatés des cotisations dès leur appel et pour l’intégralité de leur montant, ainsi qu’une comptabilité auxiliaire par médecin en l’absence de laquelle la situation de chaque médecin cotisant reste inconnue. Une fraction de ces cotisations est par ailleurs irrégulièrement soustraite du compte de résultat pour alimenter des fonds de réserve. c) Des fonds de réserve irréguliers Le Conseil national prélève chaque année, sur la quote-part de cotisation71 qui lui revient, un montant forfaitaire, destiné à alimenter un ou plusieurs fonds : un fonds d’harmonisation des charges, un fonds d’entraide, un fonds de modernisation de l’institution et, en 2011, un fonds de projets informatiques. Seuls les deux premiers sont décrits au règlement intérieur et au règlement de trésorerie. Le solde total des fonds représente fin 2017 près de 5,2 M€. En 2017, sur la quote-part de la cotisation nationale de 131 €, le prélèvement a représenté 9 € et un total prélevé de 1,87 M€. Cette ponction d’une fraction de la cotisation, inscrite directement en compte de réserves au bilan, sans passer par le compte de résultat, ne donne pas une image sincère des produits issus des cotisations puisqu’il en minore le montant de près de 7 %. Le Conseil national de l’ordre a indiqué avoir réaffecté, suite aux recommandations de la Cour, trois des quatre fonds en cause. 69 Elles sont fondées sur un nombre d’exercices d’appel allant de 1 à 13 : un seul exercice d’appel en Mayenne et dans le Rhône, quatre au Conseil national, cinq constatés dans les Bouches-du-Rhône (qui indique recouvrer l’intégralité des cotisations, indépendamment de leur ancienneté), dix dans les Hauts-de-Seine et treize à Paris. 70 Une même cotisation impayée depuis deux ans apparaîtra dans les restes à recouvrer du Conseil national, pour la quote-part qui lui revient mais pas dans ceux du conseil départemental du Rhône, pour la quote-part départementale, puisque ce conseil ne prend en compte, pour son calcul, qu’une seule année de cotisations impayées. 71 À l’exception des cotisations retraités. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 50. COUR DES COMPTES 50 En dépit de l’ensemble de ces irrégularités, les comptes du Conseil national de l’ordre des médecins ont été certifiés chaque année par les commissaires aux comptes. B - Un patrimoine mal comptabilisé et sous-estimé 1 - Des réserves financières qui représentent près de deux années de cotisations Les réserves de l’ordre, qui n’apparaissent nulle part sous forme agrégée, se montent à fin 2017 à près de 152 M€, ce qui représente 1,9 année de cotisations moyennes. Encore s’agit-il d’une estimation reconstituée sur une base déclarative. Ces réserves sont, pour l’essentiel, placées en comptes à terme ou, plus rarement, en valeurs mobilières de placement. Tableau n° 5 : montant des réserves de l’ordre (M€) en 2017 National Départements Régions Total 35,1 100,4 16,5 152 23 % 66 % 11 % 100 % Source : Cour des comptes d’après données comptables de l’ordre Ces réserves sont essentiellement liquides, comme le montre le graphique ci-dessous. Les disponibilités de l’ordre dans son ensemble ont augmenté de 61 % sur la période 2011-2017 pour atteindre un montant de près de 106 M€. Graphique n° 8 : évolution des disponibilités de l’ordre 2011-2017 Source : Cour des comptes d’après données CNOM L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 51. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 51 Sauf exception, les conseils départementaux et régionaux confient la gestion de leur trésorerie à leurs établissements bancaires. Mais en optant, en dépit des textes, pour un circuit de recouvrement des cotisations décentralisé, le CNOM s’est privé de la possibilité de gérer sa trésorerie de manière plus efficiente, globalement, au niveau national. Les conditions obtenues pour le placement des 105,9 M€ de disponibilités de l’ordre dans son ensemble seraient probablement plus intéressantes que celles obtenues par chacun des conseils locaux pris isolément. Par ailleurs, le niveau significatif de ces disponibilités, qui continue d’augmenter, aurait pu inciter l’ordre à stabiliser, voire à baisser le montant de la cotisation ordinale de l’ensemble des médecins. 2 - Un patrimoine immobilier incomplètement retracé en comptabilité Malgré l’obligation que lui fait la loi de « gére[r] les biens de l’ordre, défini[r] sa politique immobilière et contrôle[r] sa mise en œuvre72 », le Conseil national n’a pas de connaissance précise de la valeur de son patrimoine immobilier. La valorisation de ce patrimoine, estimé en 2018, sur une base déclarative, à 110,3 M€73 , n’a été réalisée qu’à la demande de la Cour. Il est en réalité sous-estimé, 13 conseils locaux n’ayant pas enregistré dans leur bilan, pour un montant d’au moins 1,42 M€74 , la valeur des parts de SCI qu’ils détiennent. La part des immobilisations corporelles des conseils départementaux non comptabilisées peut être estimée à près de 5 %75 . 72 Article L. 4122-2 du CSP. 73 Valeur comptable (54,5 M€ pour le Conseil national, 42,7 M€ pour les conseils départementaux et 13,1 M€ pour les conseils régionaux). 74 Le montant exact ne peut être connu avec certitude dans la mesure où, dans certains départements, comme l’a relevé la Cour, les comptes de la SCI sont soit inexistants, soit incomplets. 75 Dont 3,3 % issus des comptes des SCI et 1,7 % estimés par un calcul de proportionnalité. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 52. COUR DES COMPTES 52 3 - Un défaut de suivi manifeste des actifs mobiliers L’inventaire des actifs mobiliers76 du Conseil national, d’un montant total de 4,5 M€ en valeur brute à fin 2017, n’est pas assuré de façon régulière et complète77 . Des écarts d’une valeur d’environ 300 000 € ont été relevés entre les matériels informatiques comptabilisés et ceux effectivement recensés78 au moment du contrôle. 8 % des actifs étaient ainsi manquants parmi lesquels des tablettes, téléphones mobiles, ordinateurs fixes et portables. Environ 200 équipements étaient absents du patrimoine physique du Conseil national79. Certains biens ont été conservés par des élus qui ont quitté l’ordre (smartphones, tablettes), d’autres ont été laissés dans les anciens locaux (imprimantes, onduleurs), par exemple. Au plan local, les conseils départementaux contrôlés ne réalisent ni inventaire physique de leurs actifs mobiliers, ni suivi des biens mis à la disposition du personnel ou des élus, comme en témoigne l’absence de restitution de tablettes par d’anciens élus ayant quitté le conseil départemental des Bouches-du-Rhône80 . Au total, l’absence d’inventaires et la fiabilité incertaine des comptes des conseils empêchent de connaître précisément la réalité et la valeur du patrimoine immobilier et mobilier de l’ordre. Une telle situation comporte des risques pour la bonne conservation de ce patrimoine. 76 Matériel informatique et mobilier de bureau. 77 Pour mémoire, l’état des immobilisations permet un suivi extra comptable du patrimoine d’une entité (un inventaire doit avoir lieu au moins une fois par an). Cet état doit correspondre à ce qui figure en comptabilité. 78 « Concernant le matériel informatique, suite aux tableaux de Mr L., je vais procéder à la sortie de 288 K€ correspondant au matériel figurant dans les immobilisations mais sorti dans les faits » (mél du 24 août 2018 de la directrice financière du CNOM). 79 À la suite du contrôle de la Cour, le Conseil national, après un nouveau recensement, indique que le montant des équipements manquants serait dix fois moindre. 80 Seules trois tablettes ont été restituées après le contrôle sur place de la Cour. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 53. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 53 C - De sérieux manquements dans la tenue des comptes locaux En dépit de l’obligation légale qui est la sienne de « valide[r] et contrôle[r] la gestion des conseils81 », le Conseil national s’est montré défaillant dans l’exercice de cette mission. 1 - Un contrôle interne défaillant Le Conseil national a presque toujours validé les comptes annuels des conseils locaux, quand bien même ceux-ci étaient erronés ou incomplets, et n’a pas mis en place les outils et les moyens lui permettant d’exercer réellement le contrôle qui lui incombe. a) Une commission de contrôle des comptes à l’efficacité limitée La commission de contrôle des comptes instituée par le législateur auprès du Conseil national examine les comptes annuels des conseils locaux repérés par ses services comme posant problème. Cet examen donne lieu à des courriers d’observation et, le cas échéant, à un signalement à la direction générale des relations internes (DGRI) qui peut diligenter un contrôle sur place. La commission a ainsi constaté quelques dysfonctionnements comptables évidents : absence de comptes, bilans déséquilibrés, absence de reprise, en début d’exercice, des soldes des comptes de bilan de l’exercice précédent par exemple. En matière de gestion, elle a relevé des budgets manifestement sous ou surévalués, des non-paiements à l’URSSAF, des indemnités irrégulières. Cependant, en dépit des critiques de la commission, les comptes de ces départements ont continué à être validés par le Conseil national. 81 Article L. 4122-2 du CSP. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 54. COUR DES COMPTES 54 Une composition problématique de la commission de contrôle des comptes Parmi les dix membres de cette commission figurent des élus occupant ou ayant occupé des fonctions au bureau des conseils départementaux dont les comptes et la gestion sont les plus désorganisés. L’un a été successivement vice-président, trésorier et enfin secrétaire général d’un département des Hauts-de-France et n’a pu ignorer les détournements de fonds qui y ont eu lieu ni la manière dont l’ordre les a couverts. Un autre, vice-président d’un conseil d’outre-mer ayant multiplié les erreurs de gestion et comptables, a confié à son fils avocat la majeure partie des dossiers de contentieux de ce conseil départemental82 . Un troisième est élu d’un conseil d’outre-mer, dont il fut trésorier adjoint jusqu’en juin 2012. Ce conseil n’a pas été en mesure de produire les comptes 2011 et de très graves désordres (détournements de fonds, disparition de pièces justificatives, présentation de comptes inexacts, pratique des chèques en blanc), y ont été identifiés. Il semblerait approprié que ne soient désignés, au sein de cette instance que des élus qui ne sont pas impliqués, directement ou indirectement, dans la tenue inexacte des comptes ou la mauvaise gestion du conseil local dont ils sont élus. b) Un contrôle de gestion inexistant L’ordre des médecins ne s’est doté d’un contrôleur de gestion qu’en mai 2012. Il a cependant quitté l’ordre six mois plus tard, à l’expiration de sa période d’essai, le Conseil national ayant estimé que « l’organisation n’était pas prête ». Depuis cette date, aucun autre contrôleur de gestion n’a été recruté. Le Conseil national sous-estime l’étendue des dysfonctionnements et l’ampleur des besoins de contrôle83. Il appréhende mal la nécessité de mettre en place un dispositif de contrôle interne rigoureux, alors même qu’il y a été invité par la Cour des comptes dès 2011. L’absence d’un tel dispositif en 2018 pour un organisme gérant plus de 85 M€ de ressources annuelles versées par l’ensemble des médecins français, réparties entre plus de 120 conseils territoriaux et disposant de 152 M€ de réserves apparaît critiquable. Les observations formulées en 2011 par la Cour demeurent donc plus que jamais d’actualité. 82 En 2014-2015 et pour un montant de 20 013 € en 2016 sur un total de frais d’avocats de 22 513 €. 83 En décembre 2015, le secrétaire général considérait que « les outils de trésorerie sont valables, les personnels sont compétents » et confirmaient selon lui « la bonne gestion de notre institution ». L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 55. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 55 c) Un cadre comptable incomplet posé par le Conseil national À la veille de l’entrée en vigueur de l’obligation légale d’établir des comptes combinés à compter de 2019, les instructions comptables adressées par le Conseil national à chaque conseil sont très insuffisantes au regard des enjeux qui s’attachent à l’homogénéité et à la fiabilité des comptes appelés à être intégrés dans le périmètre de combinaison. Le support de comptabilité qui a été diffusé est à la fois incomplet, partiel et imprécis84. L’ordre n’a achevé le déploiement d’un logiciel comptable unique qu’en 2018. Pour autant, l’absence d’interface avec l’applicatif de gestion du tableau oblige à une double saisie des encaissements85 qui favorise les incohérences. L’absence d’états de rapprochement entre les données des deux applications ne permet pas en outre de garantir la complétude et l’exactitude des écritures comptables relatives aux cotisations. 2 - De multiples désordres dans les comptes locaux Enl’étatactuel,lescomptesdel’ordrenesontpasenétatd’êtrecombinés. a) Des comptes incomplets ou entachés de nombreuses erreurs Sur un ou plusieurs exercices de la période contrôlée, certains conseils n’ont pas été en mesure de présenter leurs comptes à la Cour, non plus que les pièces justificatives, talons de chèques, relevés bancaires. De fréquentes disparitions de documents comptables Dans sept conseils, la Cour a constaté l’absence ou la disparition des grands livres et balances. Elle a constaté également la destruction de l’ensemble des documents comptables et administratifs antérieurs à 2016 dans un conseil du Sud de la France86 et la disparition de nombreuses pièces justificatives dans trois conseils. 84 Il ne traite pas des méthodes d’estimation des dépréciations et des provisions pour risques et charges, ni des méthodes de comptabilisation de l’entraide versée aux médecins et à leurs ayants droits. Il est partiel s’agissant des actifs immobilisés et imprécis quant à l’estimation des cotisations restant à recouvrer. 85 Sauf pour les paiements dématérialisés, qui ne nécessitent qu’une seule saisie manuelle dans SAGE, le logiciel de gestion comptable de l’ordre. 86 Par courrier du 4 octobre 2018, son président a indiqué à la Cour : « A l’occasion de la recherche des pièces demandées, nous avons découvert la disparition de l’ensemble des documents comptables et administratifs antérieurs à l’année 2016. Ayant contacté la secrétaire en fonction à l’époque, celle-ci nous a indiqué avoir détruit l’ensemble des pièces avant son départ ». Cette salariée avait en effet détruit toutes les pièces comptables (grands livres, factures, talons de chéquiers) antérieures à 2015, alors que le code de commerce fait obligation à tout organisme de conserver ces pièces pendant dix ans. La disparition des pièces a été constatée lors du contrôle de la Cour. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 56. COUR DES COMPTES 56 Lorsqu’ils sont présents, les comptes comportent fréquemment des erreurs, dont les plus répandues concernent les écritures de bilan, de résultat et de report à nouveau, ainsi que les écritures relatives aux immobilisations, souvent parcellaires et parfois très éloignées des règles comptables87 . Au bilan de nombreux départements, le résultat de l’exercice reporté dans les comptes de gestion ne correspond pas à celui calculé à partir des balances. La variation du report à nouveau d’une année sur l’autre ne correspond pas à l’affectation du résultat. Les montants de ces écarts peuvent dépasser 100 000 €88. Par ailleurs, en contravention avec les règles comptables89 , les terrains font souvent l’objet d’un amortissement en même temps que les constructions, ce qui a pour effet de minorer la valeur de l’actif net de l’ordre. En matière de placements financiers, des anomalies ont également été décelées. Au conseil de La Réunion, ils apparaissent au bilan l’année de leur souscription puis disparaissent sans raison. Ainsi deux comptes de dépôt à terme (DAT) de 100 000 € au total, souscrits en 2011, ont été inscrits à l’actif du bilan 2011 mais ont disparu de l’actif les années suivantes, alors même qu’ils n’ont été clôturés qu’en 2013 pour l’un et 2014 pour l’autre. b) Des comptes délibérément faussés Dans plusieurs conseils départementaux, la comptabilité est non seulement incomplète et entachée d’erreurs mais également émaillée d’écritures délibérément faussées. C’est le cas des conseils départementaux de l’ordre de La Réunion et du Pas-de-Calais. Dans le premier conseil, le processus d’engagement de la dépense contrevenait jusqu’en 2018 aux règles de séparation entre la personne qui décide la dépense et celle qui en assure le règlement. Un ancien président a ainsi pu signer seul des chèques à son nom en règlement de ses indemnités et de divers frais. La chaîne de validation de la dépense présentait de graves anomalies : les fonctions de saisie des écritures comptables et de paiement étaient confiées à la même personne ; l’ancien trésorier signait ainsi des chèques en blanc pour la secrétaire comptable, sans contrôler l’usage qu’elle en faisait. 87 Le Conseil national a ainsi imposé à un conseil départemental d’inscrire à son bilan la valeur d’achat de ses nouveaux locaux (563 303 €), nette du produit de la revente des anciens locaux (245 000 €). L’erreur n’a été rectifiée qu’en 2012, cinq ans après l’acquisition. 88 C’est, au vu des investigations de la Cour, le cas d’au moins quatre conseils départementaux et régionaux entre 2011 et 2014. 89 La comptabilisation des actifs immobiliers par composant est une obligation qui découle du règlement du CRC n° 2002-10. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 57. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 57 Rien n’était mis en place pour empêcher ni même détecter les détournements auxquels se sont livrés successivement plusieurs salariées entre 2014 et 2018, pour un montant total supérieur à 130 000 €. Le mode opératoire utilisé par chacune de ces salariées était le même : elles s’établissaient des chèques à elles-mêmes, utilisant notamment les chèques en blanc laissés par le trésorier, et passaient au grand livre des écritures tendant à camoufler en frais de voyages, en règlement de prestataires ou en indemnités versées à des élus, les détournements opérés. L’incurie du contrôle a d’ailleurs permis que l’une de ces salariées continue à établir des chèques à son nom pendant son absence de plusieurs mois, sans que quiconque s’en aperçoive. Des chèques de cotisations adressés à l’ordre par des médecins ont également été détournés. L’encaissement des cotisations souffrait des mêmes faiblesses : non seulement des sommes d’argent en liquide ont disparu du coffre-fort en 201890 , mais 82 chèques de cotisations non encaissés depuis plusieurs mois y ont également été trouvés par les rapporteurs lors du contrôle de la Cour (pour plus de 27 000 €). Des faits similaires ont été constatés dans le conseil départemental du Pas-de-Calais. Des détournements de fonds répétés au CDOM du Pas-de-Calais Dans un contexte où le président alors en fonction avait procédé à des détournements pour son compte91 , une première salariée a détourné des sommes à son profit de 2008 à 2011, date à laquelle les faits ont été découverts. Aucune action pénale ni disciplinaire n’a été intentée, aucune procédure de licenciement n’a été engagée ni aucune mention portée à son dossier. 90 Plusieurs enveloppes censées contenir des sommes en liquide pour des montants explicitement mentionnés ont été découvertes par la Cour en grande partie vidées de leur contenu. 91 Les élus du conseil avaient accordé jusqu’en 2011 à leur président, des prêts « d’honneur » et des « avances », pour un montant total dépassant 120 000 €. La dette de cet élu ordinal, condamné au pénal pour abus de confiance à l’encontre de l’ordre puis radié définitivement par la chambre disciplinaire en 2013, n’a été apurée qu’en mars 2013. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 58. COUR DES COMPTES 58 En avril 2011, il lui restait encore à rembourser près de 46 000 €. Elle a alors perçu de l’ordre, en plus de son salaire, une somme présentée comme une prime de « départ en retraite » d’un montant de 43 500 €92 sans pour autant cesser son activité. Elle a en effet continué à travailler pour l’ordre, pour le même salaire, jusqu’en mars 2012. En définitive, tout s’est passé comme si, pour lui permettre de rembourser les sommes détournées à son profit, les élus ordinaux avaient décidé de lui octroyer, sous couvert d’un départ en retraite fictif, une indemnité – à laquelle elle ne pouvait prétendre – d’un montant correspondant approximativement au solde des sommes restant à rembourser. Les élus du bureau ont donc organisé ou couvert ces agissements. Une autre salariée du même conseil a commis des détournements à son profit pour près de 39 000 €, à la suite desquels elle a été licenciée pour faute grave en août 2012, puis condamnée à 6 mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel en 2016 pour abus de confiance, à la suite d’une plainte déposée par le CNOM. Le conseil départemental, quant à lui, n’a pas estimé devoir porter plainte. Le contrôle de la Cour a mis en évidence que cette salariée avait également détourné des chèques, jusqu’à son licenciement, au profit d’une ancienne salariée, pour un montant d’au moins 19 000 €. Ces détournements étaient faussement enregistrés, dans les comptes, comme règlements de la taxe sur les salaires ou cotisations URSSAF. Ainsi, dans les deux départements, l’absence de tout contrôle de la part des élus, notamment du président et du trésorier, a permis à des salariées d’établir une comptabilité délibérément faussée ainsi que des chèques et des virements, en leur faveur ou celle de proches, au détriment de l’ordre. La désignation d’un expert-comptable dans chaque conseil local, la transmission périodique au Conseil national des pièces justificatives de dépenses des conseils locaux, une séparation stricte entre la personne qui décide d’une dépense et celle qui en assure le règlement et la généralisation des paiements par virement avec signature électronique obligatoire du trésorier constituent des voies prioritaires de redressement de ces situations dégradées. 92 Ce montant ne correspond en rien au montant auquel elle pouvait prétendre en application de la convention collective qui se montait à 14 337 €. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 59. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 59 III - Une gestion dispendieuse L’ordre des médecins dispose de ressources abondantes, supérieures à ses besoins. L’analyse des encaissements de cotisations, des réserves et des disponibilités montre que l’institution est prospère. Combinée à de grandes faiblesses managériales, organisationnelles et comptables ainsi qu’aux insuffisances du contrôle interne, cette situation a favorisé des pratiques contestables. Celles-ci se matérialisent par des avantages indus accordés à des conseillers ou des salariés, par une entraide parfois détournée de son objet social, voire abusive, et par une politique d’achat peu rigoureuse. A - Des dépenses mal contrôlées, parfois irrégulières 1 - Des dépenses déraisonnables, parfois étrangères aux missions de l’ordre Nombreux sont les conseils dont les comptes retracent des dépenses sans rapport avec leurs missions de service public. a) Des dépenses de communication pas toujours effectuées à bon escient Les dépenses de communication du Conseil national ont été multipliées par 2,6 sur la période, passant de près de 1,5 M€ en 2011 à près de 4,1 M€ en 2017. Un tiers de ces dépenses est consacré au congrès annuel de l’ordre, qui rassemble près de 1 000 personnes. À cela s’ajoute le coût du bulletin d’information national (diffusé en version papier à l’ensemble des médecins inscrits au tableau) pour 1,3 M€ en moyenne et des bulletins papier encore édités par une quarantaine de conseils départementaux en 2017, pour environ 420 000 €. Au total donc, l’ordre dépense chaque année plus de 1,7 M€ pour des bulletins dont la diffusion par courrier n’apparaît plus nécessairement adaptée. Une diffusion par courriel suffirait à garantir la correcte information des professionnels et serait source d’économie. La qualité des contenus publiés par certains conseils est par ailleurs extrêmement variable et a pu donner lieu à des dérives, comme en Loire- Atlantique ou dans l’Hérault. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 60. COUR DES COMPTES 60 Des expressions publiques inappropriées en Loire-Atlantique et dans l’Hérault Le bulletin du conseil de l’ordre de Loire-Atlantique, « Loire Océan médical », publiait jusqu’à une date récente, non seulement des articles professionnels et des comptes rendus sur l’activité du conseil mais aussi des billets d’humeur rédigés par l’un des vice-présidents, signé « Provocatrix ». Ces billets d’humeur, supprimés depuis peu du site du conseil départemental, prenaient la forme de pamphlets à connotation politique, fort éloignés de la déontologie dont l’ordre est censé être le garant. Ils visaient le gouvernement en général et la ministre chargée de la santé en particulier et étaient régulièrement assortis de dessins caricaturant les acteurs publics visés. Ils contenaient de virulentes critiques non seulement de la politique de santé mais aussi de la politique de sécurité routière ou de la politique fiscale du gouvernement. La lettre du conseil de l’ordre de l’Hérault de mai 2013 contenait, quant à elle, un billet signé du président en fonction à l’époque, contre lequel le Conseil national a porté plainte devant la chambre disciplinaire en raison du caractère homophobe, anti procréation médicalement assistée (PMA), empreint de vulgarité et peu respectueux des règles de déontologie. Il est primordial en revanche que l’ordre devienne un relais fiable et rapide des pouvoirs publics pour la diffusion des messages d’informations à caractère sanitaire, comme l’est l’ordre des pharmaciens. Depuis 2016, les médecins ont obligation légale de déclarer à l’ordre une adresse électronique afin d’être tenus informés des messages diffusés par les autorités sanitaires. Le recueil des adresses électroniques n’a été mis en œuvre par l’ordre qu’au début de l’année 2018. b) D’autres dépenses contestables Il n’est pas rare que les conseils territoriaux de l’ordre prennent en charge directement, sur leurs ressources, des achats de cadeaux au personnel ou aux élus ordinaux, à l’occasion de naissances, mariages, départs en retraite ou anniversaires. En conséquence, toutes sortes de dépenses, se situant hors du champ des missions ordinales, sont réglées grâce aux cotisations des médecins. Il s’agit de cadeaux destinés aux élus ordinaux ou à leur famille, allant de places d’opéra à des coffrets-voyage en passant par des stylos de marque mais aussi de cadeaux divers offerts aux salariés, comme un vélo d’une valeur de 2 000 €, financé à 80 % par le conseil de Loire-Atlantique à une salariée pour son départ en retraite. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 61. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 61 Même si les montants ne sont pas très élevés, ces dépenses témoignent d’une insuffisante rigueur dans la gestion des deniers de l’ordre. Il n’est pas dans ses missions de prendre en charge des dépenses qui incomberaient, partout ailleurs, aux personnes physiques concernées et non à la personne morale qui les emploie. 2 - Une entraide généreuse, très hétérogène et parfois versée à tort L’ordre des médecins a, comme les autres ordres des professions de santé, la faculté d’organiser toutes œuvres d’entraide et de retraite au bénéfice de ses membres et de leurs ayants droits. Le Conseil national s’est doté à cet effet d’une commission d’entraide composée de sept membres93 , qui examine les demandes d’entraide émanant des médecins ou de leurs ayants droit ainsi que des conseils départementaux. Les montants versés par cette commission ne retracent cependant pas l’entraide totale allouée par l’ordre. Tous les conseils départementaux en effet consacrent une partie de leur budget à l’entraide, dans des proportions très variables. Le montant annuel total consacré à l’entraide n’est pas connu. Sur la période 2015-2017, il est en tout état de cause supérieur à 1 M€ (dont un quart versé par le Conseil national) selon les estimations auxquelles a procédé la Cour. a) Des pratiques d’entraide hétérogènes et sans justificatifs Aucune règle n’était fixée jusqu’en 2019 quant aux conditions à remplir pour bénéficier de l’entraide, aux montants maximum qui pouvaient être alloués ou aux types de pièces justificatives qui devaient être jointes à la demande94. Par conséquent il existait jusqu’à cette date une grande hétérogénéité, voire une grande iniquité, dans la manière dont les dossiers étaient instruits selon les départements. 93 Elle peut s’adjoindre jusqu’à cinq membres ayant voix consultative. Siègent ainsi actuellement l’Aide aux familles et entraide médicale (AFEM), le groupe Pasteur Mutualité (GPM), le fonds d’action sociale de la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) et le Conseil national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG). 94 À l’exception du conseil départemental de l’ordre de Paris. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 62. COUR DES COMPTES 62 Non seulement les montants alloués variaient du simple au décuple pour un même type de dossier selon les départements (400 à 500 € en Loire-Atlantique contre 4 000 à 5 000 € dans l’Hérault), mais les règles d’attribution de l’aide étaient très diverses entre conseils voire au sein d’un même conseil. De nombreux dossiers ont fait l’objet d’une instruction sommaire et ne comportaient aucune pièce justificative95 , ce qui conduit à s’interroger sur le bien-fondé des versements effectués. b) Des aides injustifiées Dans de nombreux des cas, l’aide a été versée à des médecins qui n’avaient pas réglé leurs cotisations à la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) et devaient faire face – en raison de maladie ou d’accident – à de graves difficultés financières, la caisse refusant de leur verser des indemnités journalières ou une pension d’invalidité. Le conseil départemental se substitue alors au praticien défaillant en lui permettant de régler ses arriérés de cotisations. C’est le cas pour deux médecins de La Réunion, dont l’un a reçu 8 000 € du conseil départemental, alors même que le Conseil national lui avait refusé le bénéfice de l’entraide en raison de ses arriérés auprès de la CARMF. Autre exemple de justification incertaine, à La Réunion également, un médecin, qui purgeait une peine de prison à la suite de sa condamnation à 12 ans de réclusion criminelle pour viol sur mineur, a bénéficié en décembre 201396 d’une aide de 3 000 € « pour ses enfants », versée par le conseil départemental. c) Des prêts irréguliers accordés à des médecins Ignorant les dispositions du code de la santé publique qui réservent aux seuls médecins inscrits au tableau et à leur famille le bénéfice de l’entraide, plusieurs conseils ont accordé des aides financières à des médecins radiés ou non-inscrits. C’est le cas dans le Rhône en 2016, pour un médecin radié en 2010, en Mayenne en 2016 pour un médecin radié la même année, et au Conseil national en 2017 pour un médecin ayant reçu notification d’un refus d’inscription. 95 L’examen d’une trentaine de dossiers traités, entre 2011 et 2017, par sept conseils départementaux montre qu’une majorité de dossiers sont acceptés malgré le caractère très incomplet, la raretéou l’incohérencedespiècesjustificatives. Certains conseils, comme celui de l’Hérault, ne demandent jamais l’avis d’imposition. Le montant de l’aide n’est, de ce fait, pas fonction de la situation financière du demandeur ou de ses ayants droit. 96 Sa radiation de l’ordre n’a été prononcée qu’en 2015. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 63. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 63 Par ailleurs, des prêts ont été consentis, dans quatre au moins des départements contrôlés, à des médecins, parfois même à des élus ordinaux, dans des conditions irrégulières. S’il ne semble pas interdit à l’ordre, en principe, de consentir des prêts, au titre de l’entraide, à des médecins en difficulté, encore faut-il que ces prêts revêtent un caractère social97. À défaut, ils sont irréguliers et l’ordre en avait conscience. C’est ce qui ressort d’un courrier adressé en 2018 par le conseil de l’Hérault à un médecin tardant à rembourser un prêt de 8 500 € accordé en septembre 2017 : « Je me permets de vous rappeler que ce prêt est totalement illégal […]. C’est pourquoi je vous prie de bien vouloir procéder à son remboursement dans les meilleurs délais ». Dans les faits, les conseils départementaux n’adoptent pas toujours les mesures de suivi nécessaires à une gestion rigoureuse des encours : les motifs des prêts sont rarement précisés, les échéanciers ne sont pas toujours respectés ni même établis. Ainsi dans l’Hérault, sur quinze prêts consentis entre 2011 et 2017, douze ne comportent pas de motif, trois ne comportent pas d’échéancier, un comporte un échéancier établi un an après l’octroi du prêt, et au moins quatre n’ont pas été remboursés dans les délais. Enfin, plusieurs conseils départementaux ont accordé des prêts à des élus ordinaux pour des motifs qui relevaient, à l’évidence, davantage du service amical rendu à un pair que de l’aide sociale octroyée à un confrère dans le besoin. Le conseil de l’Hérault a ainsi octroyé en 2013 à une élue ordinale, suite au cambriolage de son domicile, un prêt d’un montant de 10 000 €, versé en août. Le contrat de prêt a été établi postérieurement à la date de remise du chèque. Le dernier remboursement a eu lieu en octobre 2017, soit trois ans après la date prévue à l’échéancier initial et deux ans après la date prévue à l’échéancier renégocié. Le même conseil a décidé, en mai 2015, d’accorder à son ancien président, en fonction de 2009 à 2015, un prêt de 3 500 €, destiné à financer ses frais d’avocat, dans une affaire de manquement à la déontologie l’opposant au CNOM. Pour plus de discrétion, la décision d’accorder ce prêt a été prise par un « bureau restreint » de trois personnes. Le prêt a ensuite été transformé en don par décision du conseil départemental en juin 2016. 97 Article L. 511-6 du code monétaire et financier. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 64. COUR DES COMPTES 64 B - Des politiques d’achat et de gestion immobilière peu rigoureuses 1 - Une politique d’achat non maîtrisée, sans supervision ni suivi À compter du 1er janvier 2020, les ordres devront respecter les principes de liberté d’accès à la commande, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures définis par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. L’examen des achats effectués par le CNOM montre l’ampleur des réformes à mener à bien d’ici là pour définir une politique d’achats et en fixer les procédures. Le Conseil national ne connaît ni le nombre ni le montant de ses engagements vis-à-vis de ses fournisseurs et de ses prestataires. Les contrats, conventions, marchés, ne sont ni recensés, ni centralisés. Les conditions d’achats au sein de l’ordre suscitent de nombreuses questions. 2 - Des consultations d’entreprises plus formelles que réelles Quoique n’y étant pas astreint formellement par les textes, le CNOM a consulté plusieurs entreprises pour la fourniture de certaines prestations. L’exemple ci-après montre néanmoins que cette consultation n’a été organisée que dans le but de confirmer le choix du prestataire déjà pressenti, associé qui plus est à la définition des besoins. Choix du fournisseur de logiciel des chambres disciplinaires de première instance (CDPI) Lors de la réunion du bureau du 24 novembre 2011 examinant les offres des différents prestataires, le secrétaire général du CNOM indique que « la Direction du système d’information (DSI) du Conseil national a lancé une consultation pour la réalisation d’une application permettant la gestion des plaintes auprès des CDPI. (…) À la clôture de la procédure le Conseil national a reçu cinq offres. La DSI préconise de retenir la société X qui en outre dispose d’un avantage concurrentiel puisque c’est elle qui a réalisé les études initiales et qui a participé à la rédaction du cahier des charges support de l’appel d’offres. Le Bureau donne son accord. » Sur la période 2011-2017, cette société a perçu 1 806 000 € du CNOM. Les marchés passés à l’occasion de l’aménagement dans les locaux du nouveau siège (rue Léon Jost dans le 17ème arrondissement de Paris) illustrent eux aussi, avec un degré de gravité supplémentaire, les défaillances dans ces procédures d’achat et les conséquences financières qu’elles ont eues pour l’ordre. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 65. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 65 3 - Les marchés passés pour l’aménagement du siège du CNOM L’aménagement du nouveau siège a en effet donné lieu à des travaux importants. Leur coût total n’a pas été maîtrisé, ni même arrêté de façon précise jusqu’au contrôle de la Cour. Le dossier de l’aménagement et de l’équipement audio-vidéo de la salle du conseil illustre en particulier la faiblesse de l’analyse des besoins, l’absence de mise en concurrence, les lacunes de la contractualisation et du suivi de l’exécution, le désengagement des élus du bureau. L’entreprise chargée de cette prestation a perçu, entre 2016 et 2018, 2,1 M€ sans qu’aucune décision du bureau ou de l’assemblée du Conseil national ait été prise de lui confier ce chantier. Ni le choix de la société, ni le type d’équipement souhaité, ni le coût du projet n’ont été discutés au sein du bureau. Un cahier des charges a été co-rédigé avec le futur prestataire début 2017. Ce document, qui n’a pas été publié ni diffusé, ne donne à la procédure que l’apparence d’une consultation en bonne et due forme. Les développements relatifs à la cotation des offres et aux critères de pondération des candidats qu’il contient visent seulement à créer une illusion de mise en concurrence et de transparence. La contractualisation avec la société prestataire n’a pas davantage été formalisée. Le CNOM n’a pu fournir ni contrat, ni pièce valant acte d’engagement sur une offre précise et détaillée de fournitures et de pose de matériels et d’équipements. 2,1 M€ ont été réglés à cette société sur la base de 72 devis établis entre novembre 2016 et mai 2018, dont six seulement ne présentent pas d’anomalies98. Au surplus, l’inventaire ne permet pas l’identification des matériels achetés et leur positionnement physique au siège de l’ordre. Les équipements de la salle du conseil ont été portés globalement en immobilisations dans les comptes. 98 Dans 68 % des opérations, la facture a été émise avant ou en l’absence de « bon pour accord ». Dans 21 dossiers, toutes les opérations sont datées du même jour : le devis, la demande d’autorisation de dépense, le bon pour accord et la facture. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 66. COUR DES COMPTES 66 4 - L’immobilier du Conseil national : des cessions engendrant des plus-values en trompe l’œil Le Conseil national était installé, jusqu’à son départ pour le quartier du parc Monceau en 2017, dans différents locaux du boulevard Haussmann99. Afin de mener à bien et de financer, pour partie, son projet de déménagement et de regroupement de ses services dans son nouveau siège, le Conseil national a vendu les actifs qu’il possédait boulevard Haussmann. Malgré la présentation flatteuse qui en est faite dans les comptes rendus des instances de l’ordre en raison d’une plus-value de près de 100 % sur l’actif le plus important (soit 14,5 M€), ces ventes n’ont pas toutes permis de dégager des plus-values. La vente d’un de ces locaux, situé au n° 178 de ce boulevard s’est même soldée par une perte importante. L’assemblée plénière de l’ordre a en effet entériné en décembre 2011 le projet d’achat d’un local commercial en rez-de-chaussée du 178, boulevard Haussmann. Ce local et ses annexes (cave, garage et parking) ont coûté 1 607 500 €. Le CNOM a acquitté pour le seul local commercial, d’une surface de 62,7 m²100 , un prix de 18 899 € le m². Ce local a été revendu en 2017. Contrairement à la présentation qui en est faite devant le bureau en janvier 2017, il ne s’agit pas d’« une excellente opération immobilière qui sera concrétisée lorsque le Conseil national aura déménagé rue Léon Jost ». La plus-value réalisée sur la vente des locaux adjacents du n° 180101 masque en réalité la perte importante réalisée sur celle du n° 178. L’ordre a en effet cédé pour 800 000 € le bien acheté cinq ans plus tôt 1,6 M€. Par ailleurs, en mai 2008, le CNOM avait acquis un appartement au 2ème étage du 170 boulevard Haussmann pour un prix 3 287 700 €, dont il s’est également dessaisi à l’occasion du transfert rue Léon Jost. 99 Locataire de deux appartements au n° 178 ; propriétaire depuis 2003 d’un immeuble au n° 180 ; propriétaire au n° 170 d’un appartement acheté en 2008 et transformé en bureaux ; propriétaire depuis 2012, en rez de chaussée du n° 178, d’un local commercial transformé en bureaux. 100 Selon le métrage réalisé le 3 février 2015. 101 Acheté en 2003 à 15,5 M€, il a été revendu en 2017 pour 31 M€. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 67. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 67 Bien qu’ayant reçu102 une proposition d’achat pour 3 450 000 €, le président a obtenu une autorisation pour signer un compromis de vente pour 3 340 000 €, soit 110 000 € de moins que l’offre d’achat initiale. La plus-value sur ce bien acquis en 2008 ne s’est par conséquent élevée qu’à 52 300 €. L’appréciation portée par le Conseil national103 sur l’ensemble des opérations : « Nous réalisons une plus-value immobilière significative grâce à nos prédécesseurs que nous devons remercier d’avoir acheté les différents espaces qui se sont accumulés (180, 178 et 170) » doit donc être nuancée. Si grâce à la vente du n° 180 la plus-value globale est proche de 15 M€, le n° 170 n’a permis qu’une faible plus-value et le n° 178 a correspondu à une moins-value de 800 000 €. 5 - Dans les conseils locaux, des achats immobiliers permis par des réserves confortables, sans stratégie d’ensemble La Cour a constaté que de nombreux conseils locaux avaient, avec l’appui du Conseil national, procédé à des acquisitions immobilières coûteuses, choisissant d’utiliser ainsi des réserves abondantes. a) Des achats parfois coûteux, doublés d’aménagements dispendieux Si certains des conseils contrôlés sont installés dans des locaux standards et conformes à ce qu’on peut attendre d’un bâtiment accueillant du public, comme dans l’Indre, l’Yonne ou la Seine-Saint-Denis, d’autres sièges apparaissent somptuaires. Outre le conseil départemental des Bouches-du-Rhône, qui exerce ses missions 555 avenue du Prado dans la villa « Nadar »104 , le conseil régional de l’ordre de PACA (trois salariées) a acheté en 2012, sur les hauteurs de Marseille, une villa avec vue dégagée de 318 m² avec un jardin et une piscine pour 1 700 000 € et y a engagé des travaux d’aménagements pour près de 1 150 000 €105 . 102 PV de la session des 30 et 31 mars 2017. 103 PV de la session des 15 et 16 juin 2017. 104 La restauration de cette villa a été particulièrement coûteuse en raison du classement d’une partie du bâtiment comme « monument remarquable ». Le coût des travaux a aussi été majoré par l’utilisation de marbre, de mobilier de prix (pour plus de 120 000 €) et par le comblement de la piscine de la villa. De plus, au fond du jardin, des locaux sont laissés à l’abandon. 105 Dont 72 000 € de travaux de réfection de la piscine. Le conseil régional élu en février 2019 a indiqué souhaiter quitter ces locaux. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 68. COUR DES COMPTES 68 Le conseil départemental des Alpes-Maritimes a de son côté acheté des locaux qu’il laisse inutilisés : en 2014 un deux-pièces de 46 m² pour 220 000 €, puis en 2015, un studio de 35 m² pour 130 000 €. L’abondante trésorerie disponible au sein de certains conseils locaux permet la réalisation d’opérations immobilières sans recourir à l’emprunt ou de façon accessoire. Cette facilité à mobiliser des ressources propres fait perdre de vue à certains conseils la recherche de l’investissement le plus efficient pour l’ordre. Photo n° 1 : locaux du CDOM de l’Indre Source : Cour des comptes L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 69. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 69 Photo n° 2 : locaux du CDOM des Bouches-du-Rhône Source : Cour des comptes Photo n° 3 : locaux du CROM de Provence-Alpes-Côte d’Azur Source : Google Maps L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 70. COUR DES COMPTES 70 b) Des achats subventionnés par le Conseil national et fréquemment réalisés auprès de professionnels de santé L’importance des subventions accordées par le CNOM pour compléter les financements propres ou bancaires contribuent à déresponsabiliser certains conseils locaux qui sur-dimensionnent leurs projets immobiliers. Les critères d’attribution de ces aides nationales, en théorie fondés sur la règle des trois tiers106, sont en réalité à géométrie variable. L’acquisition, au prix fort, de biens de prestige, engage durablement les ressources de l’ordre sans garantie de plus-value à la revente comme l’ont montré notamment certaines opérations immobilières du Conseil national. La fréquence des achats réalisés auprès ou en faveur de professionnels de santé – et non de professionnels de l’immobilier – pose en outre un problème de fond quant au juste prix, payé ou reçu. Un conseil départemental du sud de la France, représenté par son président, a ainsi conclu l’achat, en 2006, d’un appartement de 74 m² pour le prix de 170 000 €. Or, le vendeur était une SCI détenue par le président lui-même et son épouse. Sur les 46 opérations dont les actes notariés ont pu être consultés, le contrôle a en effet permis d’identifier 13 opérations d’achat ou vente par autant de conseils locaux à des professionnels de santé. L’achat et l’aménagement des locaux de l’ordre à La Réunion en sont l’illustration. La politique immobilière de l’ordre à La Réunion À La Réunion, le conseil départemental et le conseil interrégional de l’ordre partagent des locaux en copropriété, via une SCI. Les erreurs relevées dans les baux conclus entre cette SCI et les deux conseils pour une durée de 15 ans (surfaces erronées, montant des loyers mentionnés ne correspondant pas aux montants acquittés) ont conduit la Cour à analyser l’ensemble de l’opération d’acquisition et d’aménagement de ces locaux. 106 « Elles sont basées sur la « règle » du : un tiers, un tiers, un tiers. C’est-à-dire que le Fonds d'harmonisation accorde un tiers du montant du financement, un tiers est basé sur les fonds propres qu’apporte le [conseil départemental] et un tiers est basé sur de l'emprunt » (source : procès-verbal de la session du CNOM des 10-11 octobre 2013). L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 71. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 71 Il en ressort que les locaux occupés par l’ordre ont été acquis en 2008 à la société LDI détenue par un médecin, le Dr L., pour un montant total de 822 250 €. Ni le projet immobilier lui-même, ni le choix d’un montage via une SCI n’ont été votés par les assemblées plénières des deux conseils. Les locaux ont été achetés « bruts de décoffrage », les travaux d’aménagement intérieur étant laissés à l’initiative de l’acquéreur. Le CDOM a fait réaliser ces travaux par la société du Dr L.. Aux 660 000 € versés pour l’achat des locaux se sont donc ajoutés 162 250 € pour les aménagements, le tout au bénéfice du seul Dr L.. Depuis le contrôle de la Cour, le CDOM et le conseil interrégional ont confié la gestion de la SCI à un cabinet comptable, de façon à ce que soient revues les superficies et la répartition des frais de loyers, de charges et de remboursements de prêts. Ces opérations font peser des interrogations sur les diligences faites par ces conseils pour trouver le bien répondant à leurs besoins au meilleur prix, ou l’acheteur le plus offrant dans le cas d’une revente. Lorsqu’au surplus les locaux achetés s’avèrent peu ou pas adaptés aux missions qui leur sont confiées (ne permettant pas notamment de disposer d’un espace suffisant pour recevoir les médecins en toute confidentialité), lorsque leur coût d’entretien est élevé ou la valeur à la revente potentiellement défavorable, l’ensemble de l’opération n’est pas justifiable. L’opération de rachat par l’ordre, dans le département de la Seine-Saint-Denis, des parts de la SCI détenues par un syndicat en situation financière délicate relève d’un cas de figure similaire. Le financement déguisé d’un syndicat en Seine-Saint-Denis En 1984, le conseil départemental et le syndicat Union 93 ont acquis conjointement pour 1,5 MF (aujourd’hui estimée à 1,2 M€) une maison de 660 m² située à Villemomble (93) via une SCI commune. Le syndicat détenait 25 % des parts de cette SCI (3 800 parts d’une valeur de 15,24 € sur un total de 15 000 parts). En 2015, pour aider l’Union 93 à faire face à des difficultés financières, le conseil de l’ordre a accepté de lui acheter 3 000 de ses parts au prix de 80 € l’unité, soit un total 240 000 €. Cette décision a été non seulement validée par le Conseil national mais également financée par lui, à hauteur de 80 000 €107 . 107 Extrait du PV du conseil du 24-25 septembre 2015 : « Le conseil accueille une union syndicale dans sa domus medica. Cette union ayant des difficultés financières est prête à vendre ses parts de la SCI pour 240 000 €. Le conseil demande le tiers de cette somme. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 72. COUR DES COMPTES 72 Ce rachat ne répondait à aucun besoin d’agrandissement des locaux du conseil de l’ordre. C - Une gestion des ressources humaines peu encadrée La gestion des ressources humaines est placée sous la responsabilité du secrétaire général du Conseil national, qui, assurant également l’ordonnancement des dépenses, jouit d’une très grande liberté d’action. 1 - Une forte croissance des effectifs L’ordre des médecins comptait en août 2018, 583 salariés (en progression de 10 % en 7 ans) qui représentent 520 équivalents temps plein (ETP) : 128 travaillent au Conseil national, 346 dans les conseils départementaux et 46 dans les conseils régionaux. L’augmentation de 26 % des frais de personnel entre 2011 et 2017 est largement tirée par la masse salariale du Conseil national qui a augmenté de 58 % en lien avec une hausse de 40 % de ses effectifs, passés de 90 à 128 ETP, hausse justifiée selon le Conseil national par l’extension de ses missions. En outre, l’utilisation des contrats à durée déterminée est fréquente. Tableau n° 6 : évolution des frais de personnel 2011-2017 M€ 2011 2017 Évolution 2017/2011 Conseil national 6,9 10,9 58 % Conseils départementaux 16,5 18,7 13 % Conseils régionaux 2,5 3,1 23 % Total 26,0 32,6 26 % Source : Cour des comptes d’après CNOM La Commission [du fonds d’harmonisation] est d’accord pour les aider à hauteur de 80 000 € ». L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 73. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 73 2 - Une politique salariale hétérogène avec des niveaux de rémunération particulièrement élevés a) Au Conseil national La politique salariale du Conseil national est particulièrement avantageuse : les salaires sont élevés, les augmentations et les primes généreuses. Le salaire brut annuel moyen au Conseil national est de 56 000 €108 et la moyenne des dix rémunérations les plus élevées est de 100 000 € bruts109 en 2017, c’est-à-dire proche de celle d’un PU-PH110 en milieu de carrière et supérieure de 50 % à celle d’un cadre111. Le salarié le mieux rémunéré du Conseil national a perçu en moyenne 8 900 € nets par mois en 2017, ce qui le place 7 % au-dessus du seuil des 1 % de salariés les mieux rémunérés du secteur privé (8 280 € en 2015112). À la rémunération de base s’ajoutent, en particulier pour les salariés de la direction informatique, des astreintes et des heures supplémentaires qui représentent un complément de salaire annuel de l’ordre de 8 000 € pour les intéressés. Le total des primes versées a beaucoup augmenté, passant de 10 900 € en 2011 à 54 200 € en 2018113 . 108 Soit 50 % de plus que le salaire moyen en France (35 976 € en 2015 selon l’INSEE), ce qui s’explique en partie par une part élevée de cadres et d’agents de maîtrise, un âge moyen de près de 44 ans et une ancienneté moyenne de 11 ans. 109 130 000 € pour la rémunération la plus élevée. 110 Professeur des universités-praticien hospitalier. 111 Salaire moyen mensuel d’un cadre : 5 564 € (source INSEE et DADS, données 2015 publiées en 2017). 112 Source : INSEE Première n° 1738, février 2019. 113 Le niveau exceptionnel des primes 2018 étant expliqué par le déménagement du siège du CNOM. Trois des cadres les mieux rémunérés ont perçu une prime exceptionnelle de 7 000 € début 2018. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 74. COUR DES COMPTES 74 Graphique n° 9 : évolution des primes au CNOM entre 2011 et 2018 Source : CNOM, graphique Cour des comptes Les fiches de poste sont rares et les salariés ne sont pas évalués de manière formalisée chaque année. De ce fait, les augmentations peuvent être décorrélées des résultats ou de l’attitude au travail des salariés. Ainsi, un salarié, mis à pied pendant trois jours en raison de manquements, a reçu l’année suivante une prime exceptionnelle de 1 500 €. b) Dans les conseils départementaux et régionaux En l’absence de convention collective applicable à tous, les niveaux de rémunération sont disparates et globalement moins attractifs qu’au Conseil national. Certains salariés sont ainsi moins bien rémunérés que leurs homologues d’autres conseils, voire moins que ce que préconise le Conseil national. Dans un département de taille importante, le salarié en charge des relations médecins-industrie a été embauché au salaire de 1 600 € alors que la rémunération minimum recommandée par le CNOM pour un niveau brevet de technicien supérieur (BTS) était de 1 825 € en 2015. À l’inverse, nombreux sont les conseils qui servent à leurs salariés des rémunérations excessives compte tenu de leurs responsabilités et de leur niveau de diplôme ou d’expérience. Dans un conseil régional du sud de la France, la greffière perçoit 85 277 € bruts, contre environ 25 000 € pour ses collègues. Elle bénéficie en outre, comme les autres salariés de ce conseil, d’une prime d’ancienneté qui majore de 18 % son salaire, d’un 13ème mois, d’une prime de « vacances » versée en juin pour 2/3 du salaire brut mensuel avec ancienneté et d’une prime de novembre pour 3/4 du salaire brut sans ancienneté. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 75. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 75 Enfin, en matière de revalorisation salariale, il existe autant de cas de figure que de conseils. Dans le département du Bas-Rhin, les salaires augmentent depuis 1999 de 1 % au 1er janvier et de 1,5 % au 1er juillet ; le conseil départemental de l’Aveyron a fait preuve de plus d’inventivité, en indexant certains salaires sur la cotisation ordinale, avec toutefois un plancher d’augmentation garantie de 3 %114 . En dépit de rémunérations attractives servies dans les plus gros conseils départementaux, le niveau des personnels est souvent insuffisant pour faire face correctement aux missions de service public, qui requièrent de réelles compétences juridiques. Ainsi, le conseil de l’ordre de Paris a-t-il versé, en 2017, 181 468 € d’honoraires à une avocate chargée d’assurer une permanence juridique et déontologique, de le représenter devant les juridictions disciplinaires, de rédiger des articles dans le bulletin du conseil départemental et d’assister à diverses réunions. 3 - Un manque de professionnalisme de la gestion des ressources humaines a) Des ruptures conventionnelles coûteuses Le Conseil national assortit les licenciements, quel qu’en soit le motif, du versement d’indemnités de rupture conventionnelle généreuses. Au total, sur la période contrôlée, plus de 540 000 € d’indemnités de départ115 ont été versées, allant de 27 000 € à 135 000 € par salarié. Ainsi une salariée licenciée en 2018 pour son « incapacité à travailler en équipe », a perçu, outre ses indemnités de licenciement, un « complément d’indemnité » et des « dommages-intérêts » à hauteur de 81 000 €, portant le total des indemnités versées à 110 000 € nets, soit près de 18 mois de salaire. b) Des licenciements abusifs À l’inverse, certains conseils départementaux ont pu, dans de rares cas, procéder à des licenciements injustifiés, sans les assortir du versement de dommages-intérêts, sauf en y étant contraints par décision de justice. 114 Au cours des trois dernières années, la clause de progression des salaires quoiqu’inscrite dans les contrats des salariés n’a, selon le conseil, pas été appliquée et la progression s’est limitée à 2,8 % en 2016, 2,5 % en 2017 et 1 % en 2018. 115 Hors départs à la retraite, hors cotisations et contributions. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 76. COUR DES COMPTES 76 Ainsi une secrétaire administrative du Pas-de-Calais, licenciée en 2014 du fait de son absence prolongée pour raison de santé116, a contesté son licenciement devant les prud’hommes et obtenu gain de cause, le conseil de l’ordre ayant été condamné en appel à lui verser 15 000 € de dommages et intérêts. Le conseil départemental de l’ordre, lié pourtant par contrat avec un avocat, s’est donc risqué, sans plus d’analyse juridique, à prononcer un licenciement manifestement entaché d’irrégularité, qui l’exposait à un contentieux dont il pouvait facilement s’apercevoir qu’il serait perdu. c) Dans le sud de la France, l’absence de contrôle sur des salariées présentes pendant plus de 35 ans Dans une région du sud de la France, les relations de confiance qui se sont nouées avec des salariées restées en fonction 48 ans pour l’une et 38 ans pour l’autre ont conduit les élus ordinaux à leur abandonner, sans contrôle, la gestion des conseils. Ainsi, au conseil régional, Mme X se voyait confier des chèques en blanc par le président. Dans les deux conseils départementaux, Mmes X117 et Y, réfractaires à l’informatique, ont été dispensées de tenir une comptabilité informatisée et de saisir dans le logiciel ad hoc les cotisations versées par les médecins. La secrétaire de l’un des conseils départementaux, qui a fait valoir ses droits à la retraite en 2003, a été autorisée, à sa demande, à continuer de gérer le secrétariat et la trésorerie du conseil de l’ordre, sous le statut de vacataire118 . Entre 2003 et le 31 décembre 2015, Mme X a donc reçu chaque année, comme secrétaire vacataire, plus de 25 000 € du conseil départemental et 6 000 € du conseil régional, soit un total cumulé sur 13 ans dépassant 300 000 €. S’il s’agit de prestations, ces « vacations » auraient dû faire l’objet d’une facturation à l’ordre ; s’il s’agit de rémunérations, elles auraient dû 116 Le courrier du président du CDOM en date du 14 octobre 2014 indiquait en effet : « nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison de votre absence prolongée qui rend nécessaire votre remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal du service. Depuis le 16 janvier 2014, vous avez été absente de votre poste de secrétaire pour raison de santé une première fois jusqu’au 4 avril 2014 puis de nouveau du 14 avril jusqu’au 30 octobre 2014 […] ». 117 Mme X travaillait à la fois pour le conseil départemental et le conseil régional. 118 Lettre du trésorier du Conseil national du 27 janvier 2003: « après avoir pris l’avis de notre président, il a été décidé que désormais vous percevrez une rémunération payable en vacations ». L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 77. DE SÉRIEUSES DÉFAILLANCES DE GESTION 77 être soumises à prélèvements sociaux ou fiscaux. Or elles n’ont été ni facturées ni déclarées. Mme X a ainsi continué à exercer les fonctions qu’elle exerçait précédemment sans fondement juridique et sans que sa rémunération soit soumise à prélèvements sociaux. 4 - Des recrutements qui favorisent les liens familiaux Plusieurs salariés ont été recrutés en raison de leur lien de parenté avec les élus ordinaux sans que figure dans leur dossier, à quelques exceptions près, un CV ou une lettre de motivation. Au sein du Conseil national, l’élu qui fixe les salaires et les primes des salariés a recruté sa fille et un vice-président sa nièce. Dans les conseils départementaux, de telles situations ont été plusieurs fois rencontrées. Ainsi, dans un département, le trésorier a embauché un proche119 tandis que le président ne s’est pas opposé au recrutement d’un de ses enfants120 par le conseil régional où il siégeait. Dans un autre, le président a recruté sa femme comme secrétaire. Ailleurs, le salarié du conseil départemental est le fils d’un conseiller, élu jusqu’en 2018 et dans un quatrième département, le président emploie sa sœur. Ainsi que le soulignait la Cour en 2011, un renforcement de l’encadrement et une clarification des rôles respectifs des élus et des salariés apparaît nécessaire. Au CNOM, le besoin d’un directeur général des services, pour organiser et contrôler le travail des directions, fonctionnant en silos, se fait particulièrement sentir. Quant aux importantes disparités relatives au temps de travail et aux avantages accordés aux salariés, elles appellent, comme l’a déjà recommandé la Cour, le rattachement à une convention collective ainsi qu’une grille commune de rémunération. 119 Embauché comme juriste en 2016, il a vu son salaire augmenter de 67 % entre 2016 et 2017 et a opportunément bénéficié d’une rupture conventionnelle à la veille de la dissolution du conseil qui l’employait. 120 Dont le salaire a augmenté de 153 % depuis 2007. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 78. COUR DES COMPTES 78 __________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS____________ Lors de son précédent contrôle, en 2011, la Cour avait détaillé, sous forme de recommandations121 , les voies de progrès indispensables. Cette nouvelle enquête a permis de constater que trop peu des préconisations de la Cour avaient été mises en œuvre. À l’issue de ce nouveau contrôle, des mesures strictes doivent être prises en matière d’indemnités ou de remboursements de frais et s’appliquer à l’ensemble des conseils territoriaux. Les désordres comptables et le caractère dispendieux de la gestion témoignent de dysfonctionnements importants. La remise en ordre passe par la mise en place d’un dispositif de contrôle interne et, en fonction des risques, par une révision de nombreuses procédures. Les procédures d’achats et de gestion des ressources humaines doivent être sécurisées. L’obligation de respecter les principes de libre accès à la commande, de publicité, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui s’imposeront aux ordres à compter du 1er janvier 2020, devrait, à cet égard, constituer un premier garde-fou contre la répétition des dérives passées. En matière immobilière, une professionnalisation est nécessaire ainsi qu’un processus décisionnel transparent qui fasse remonter les choix au niveau de l’assemblée plénière de l’ordre. L’ensemble de ces constats conduisent la Cour à formuler les recommandations suivantes : 1. centraliser au niveau national l’émission et la comptabilisation des appels à cotisation pour la totalité des cotisations appelées (CNOM) ; 2. gérer les disponibilités de l’ordre au niveau national (réitérée) et utiliser les excédents de trésorerie pour baisser la cotisation (CNOM) ; 3. encadrer et harmoniser les montants des indemnités versées aux élus et rendre public leur montant sur une base annuelle et nominative. Adopter un cadre clair applicable à l’ensemble des remboursements de frais et sanctionner tout écart (CNOM) ; 4. mettre en place un dispositif de contrôle interne et de contrôle de gestion (CNOM). 121 En particulier : réformer le fonds de péréquation en prenant en compte le patrimoine immobilier et la qualité de gestion de chaque conseil ; renforcer le rôle de la commission de contrôle des comptes en professionnalisant ses moyens et ses méthodes ; se doter d’un comité d’audit majoritairement composé d’experts indépendants ; veiller au respect des dispositions fiscales et sociales ; procéder à un audit « organisation et méthodes » de l’ensemble des missions. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 79. Chapitre II Des missions administratives et juridictionnelles mal assurées L’ordre des médecins a, comme les autres ordres de professionnels de santé, des compétences administratives et juridictionnelles. Ses principales missions administratives consistent : - en premier lieu, à tenir le tableau, à l’inscription duquel est conditionnée l’autorisation pour un médecin d’exercer ; - en deuxième lieu, à contrôler l’exercice de la profession médicale, à travers la reconnaissance des qualifications professionnelles des médecins, le contrôle de l’observation, par les praticiens, de leur obligation de formation continue et la détection et le suivi des médecins dont la capacité à exercer est mise en cause ; - en troisième lieu, à vérifier le respect des règles de déontologie, à travers le traitement des plaintes et les avis rendus sur les conventions conclues par les médecins avec des tiers, notamment avec l’industrie. Ses missions juridictionnelles sont, quant à elles, assurées par les chambres disciplinaires placées auprès de l’ordre, présidées par un magistrat de l’ordre administratif et chargées de statuer sur les plaintes visant des médecins pour des infractions au code de déontologie. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 80. COUR DES COMPTES 80 I - Un contrôle insuffisant de l’exercice de la profession et de la déontologie La tenue du tableau des médecins habilités à exercer, qui est l’une des principales missions de l’ordre, est correctement assurée, malgré un outil informatique et des procédures de gestion des inscriptions aujourd’hui inadaptés. Le Conseil national, qui dénonce pourtant la « technocratisation » de la médecine et la part croissante d’activités administratives suscitées par les différentes réformes initiées par les pouvoirs publics, ne s’est en effet pas engagé, pour ce qui concerne ses missions, dans une démarche de rationalisation ni de dématérialisation des procédures. Ainsi, en 2019, les dossiers administratifs des médecins sont toujours conservés sous format papier, avec les risques d’altération ou de disparition que cela comporte : en Haute-Corse, 5 % des dossiers, parmi lesquels celui de l’ancien président, ont été perdus à l’occasion du déménagement du conseil de l’ordre. La plupart des autres missions sont exercées de façon très hétérogène sur le territoire, du fait d’un manque de pilotage par le Conseil national, de l’insuffisante formation des élus et des personnels au regard de la technicité des missions et de l’indépendance que revendiquent les conseils départementaux vis-à-vis du Conseil national. Le défaut de pilotage se traduit par l’absence de bilan général d’activité et de statistiques fiables sur le nombre de plaintes reçues par l’ordre, sur le nombre de contrats sur lesquels il a donné un avis ou encore sur les procédures en cours devant les formations restreintes amenées à statuer sur la capacité à exercer des médecins. Veiller à la qualité des soins et à la sécurité des patients doit désormais devenir l’une des missions prioritaires de l’ordre. La loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé122 a d’ailleurs inscrit au code de la santé publique123 , au titre des missions générales des ordres des professions de santé, qu’ils contribuent à promouvoir la santé publique et la qualité des soins. La réalisation de cet objectif passe notamment par le respect, trop longtemps différé par l’ordre, de ses obligations légales en matière de contrôle des obligations de formation continue des médecins, de contrôle de l’insuffisance professionnelle et de détection et de suivi des médecins à risque. 122 Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019. 123 Art. L. 4121-2. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 81. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 81 A - Une absence de contrôle de l’actualisation des compétences des médecins L’ordre s’est vu confier depuis 2011124 la mission d’assurer la promotion du développement professionnel continu (DPC)125 et de vérifier le respect de l’obligation faite aux médecins de se former pendant toute leur carrière126 , condition indispensable d’une prise en charge de qualité des patients. Si cette obligation n’est pas satisfaite, l’ordre doit proposer au médecin un plan personnalisé d’accompagnement qui, s’il n’est pas suivi, peut valoir au professionnel concerné des poursuites disciplinaires. Or, l’ordre a largement délaissé cette mission et n’a déployé aucun outil dans les conseils départementaux pour l’assurer. À l’exception d’une communication adressée aux médecins en avril 2012et d’unecirculairediffusée auxconseils départementauxde l’ordreenaoût 2013, les invitant à créer un répertoire DPC sous Excel®, le Conseil national n’a engagé aucune action concrète, ni suivi, ni vérifié l’action dans ce domaine des conseils départementaux. En 2013, il avait annoncé étudier la mise en place d’une plateforme numérique permettant la transmission des attestations de DPC par les médecins ou les organismes de formation. Six ans plus tard, en dépit des fortes attentes des conseils départementaux, rien n’a été fait. Le contrôle du DPC par les conseils départementaux de l’ordre se réduit aujourd’hui, quand il existe, à la tenue d’un tableur recensant par praticien les attestations transmises par les organismes de formation. Aucun conseil n’a cependant entrepris de relancer les médecins oublieux de leurs obligations. Or, les informations transmises par l’Agence nationale du DPC (ANDPC) tendent à montrer que moins de 20 % des médecins satisfont à l’obligation de se former127. Les résultats mesurés sur quelques conseils sont de fait préoccupants. Ainsi, dans un département de l’ouest de la France, moins d’un dixième des médecins inscrits justifient d’une attestation de DPC sur les trois dernières années128 . Dans un conseil du sud, seuls 15 % des 124 Décrets n° 2011-2116 et n° 2011-2113 du 30 décembre 2011 relatifs au développement professionnel continu des médecins (DPC) et à l’organisme gestionnaire du DPC. 125 Le DPC a plusieurs objectifs, en particulier l’évaluation par les médecins de leurs pratiques professionnelles et l’acquisition ou le perfectionnement de leurs connaissances. 126 Les médecins doivent justifier de leur engagement dans une démarche de DPC tous les trois ans, contre cinq ans avant 2017 (art. L. 4021-1 du CSP issu de la loi n° 2016-41 et le décret n° 2016-942). 127 Cour des comptes, référé L’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC), juillet 2019, disponible sur www.ccomptes.fr. 128 En 2015 : 70/770, en 2016 : 59/780 et en 2017 : 70/787. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 82. COUR DES COMPTES 82 inscrits ont justifié d’une attestation DPC au cours de la période 2014 à 2017129 . Cette inaction du Conseil national ne l’a pas empêché de se montrer très critique vis-à-vis du ministère de la santé, qui entendait préciser les modalités de suivi du respect de l’obligation de DPC130 . Le Conseil national a également été très proactif sur les projets de recertification périodique des médecins, pour lequel il entend jouer un rôle prépondérant de suivi et de contrôle, rôle qu’il peine pourtant à assumer s’agissant du DPC. B - Un bilan en demi-teinte du contrôle de l’insuffisance professionnelle des médecins Il est deux cas dans lesquels il est possible à l’ordre de prononcer la suspension temporaire d’un médecin : quand son état de santé l’empêche d’exercer et en cas d’insuffisance professionnelle. Toute demande de suspension temporaire d’un médecin que son état de santé ou une insuffisance professionnelle empêche d’exercer131 est traitée par une commission spécialisée dite « formation restreinte », émanation de chaque conseil régional de l’ordre132. La formation restreinte statue également sur les recours introduits contre des décisions d’inscription ou de non inscription au tableau. Elle est composée de cinq élus ordinaux133 . La possibilité de suspendre un médecin pour insuffisance professionnelle est assez récente. Le ministère chargé de la santé a en effet mis cinq ans à élaborer les textes d’application de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 de sorte que leur entrée en vigueur date seulement de 2015134 . Pourtant, plus de quatre ans après, l’ordre ne s’est pas doté des outils de pilotage et d’analyse nécessaires à l’accomplissement correct de sa mission. 129 En 2014 : 942/6 238 médecins inscrits, 2015-732/6 278, 2016-885/6 372 et 2017-235/6 468. 130 Communiqué de presse conjoint avec le collège de médecine générale et la fédération des spécialités médicales du 18 avril 2016. 131 Articles R. 4124-3 à R. 4124-3-7 du CSP. 132 L’appel est possible auprès du Conseil national, la cassation relève du Conseil d’État. 133 Au niveau national, le conseiller d’État qui assiste le bureau du conseil national est membre de droit de la formation restreinte. 134 Décret n° 2014-545 du 26 mai 2014. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 83. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 83 1 - Une activité réduite sans pilotage national La Cour regrettait déjà en 2011 l’absence de suivi, au niveau national, de l’activité des formations restreintes. La situation a peu évolué135 . Il n’existe par exemple aucun logiciel de suivi, ni système d’alerte automatisé permettant de s’assurer du respect des délais de procédure136 . Malgré la non concordance des statistiques des conseils régionaux et du Conseil national137, on peut, pour 2017, estimer à une petite centaine le nombre de décisions rendues sur des médecins souffrant de pathologies ou d’infirmités pouvant affecter leur capacité à exercer et à la moitié le nombre de celles rendues sur des cas d’insuffisance professionnelle. Le taux de rejet des saisines est supérieur à 50 % dans les deux cas, tant est difficile à apporter la preuve de l’incapacité ou de l’insuffisance professionnelle. Les recours sur inscription au tableau sont quant à eux moins nombreux, 28 en 2016 dont plus de 57 % ont été rejetés. En dépit de cette activité réduite, dans 40 à 65 % des cas selon les années, les formations restreintes régionales ne parviennent pas à traiter dans le délai de deux mois imposé par la loi138 les dossiers dont elles sont saisies ; elles sont donc tenues de se dessaisir au profit de la formation restreinte nationale. Ces dessaisissements, couplés au faible nombre global de saisines lié notamment, selon le Conseil national lui-même, au peu d’appétence des médecins à informer les conseils départementaux des problèmes rencontrés par leurs confrères, conduisent certaines formations restreintes régionales à n’avoir aucune activité ou une activité extrêmement faible139. Au niveau national, le délai de traitement des dossiers dont la formation restreinte est saisie en première instance est parfois trop long (jusqu’à 17 semaines pour statuer sur certains dossiers)140. Dans d’autres cas, c’est le délai de désignation d’un expert qui est anormalement long. De ce fait, certaines suspensions de médecins sont ordonnées jusqu’à deux ans après l’introduction d’un recours. Les suspensions en urgence, qui peuvent être décidées par l’ARS, ne sont quasiment jamais demandées par l’ordre. 135 La mise en place d’un logiciel ad hoc était prévue courant 2019. 136 Constat effectué dans les sept CROM visités par la Cour. 137 Les statistiques ne distinguent pas les saisines en première instance en vue de la suspension d’un médecin des recours sur des décisions d’inscription au tableau. 138 Articles R. 4123-3 et R. 4124-3-5 du CSP. 139 Une seule saisine enregistrée en 2015 dans cinq régions, aucune saisine en 2016 dans deux régions. 140 Selon le Conseil national de l’ordre des médecins, le délai moyen de traitement d’un dossier par la formation restreinte nationale est de quatre à cinq semaines. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 84. COUR DES COMPTES 84 Les deux versions d’un rapport d’expertise relatif à un praticien des Hauts-de-France Après le dépôt d’une plainte, consécutive au décès en décembre 2016 d’un patient à la suite d’une coloscopie, des experts ont été amenés à se prononcer sur la capacité à exercer du Dr X, gastro-entérologue, et ont estimé que des éléments du dossier pouvaient « traduire une insuffisance de connaissances médicales » selon le rapport d’expertise classé dans le dossier de ce médecin. Or, dans la version de ce rapport transmise par le Conseil national à la Cour, les termes « insuffisance de connaissances médicales » sont devenus « suffisance de connaissances médicales ». La formation restreinte, estimant que l’expertise n’avait « pas relevé une insuffisance professionnelle rendant dangereux l’exercice de la profession », a pris la décision de ne pas suspendre le Dr X et lui a recommandé d’assister à un congrès de gastro-entérologie. Plusieurs autres plaintes avaient été déposées entre 2012 et 2017 contre ce praticien connaissant des problèmes de surconsommation d’alcool, sans conduire à des sanctions. La première en août 2012, adressée par les parents d’un jeune homme ayant subi les séquelles de l’arrachement d’une sonde gastrotomique pendant une intervention chirurgicale141 , a reçu une réponse inappropriée142 . La dernière plainte, de janvier 2017, consécutive au décès évoqué ci-dessus, a donné lieu à deux réunions143 de conciliation afin de laisser au plaignant « un délai de réflexion pour prendre décision de conciliation ou non conciliation »144 . 2 - Contrôle de l’insuffisance professionnelle : une détection et un suivi à améliorer Afin d’accompagner la mise en œuvre des textes relatifs à l’incapacité professionnelle, le Conseil national a fourni à tous les conseils, via deux circulaires, des explications et une liste d’experts en médecine générale145 . 141 Sonde arrachée « par le patient » selon le rapport du praticien, patient pourtant tétraplégique. 142 La consigne suivante a été donnée le 29 octobre 2012 par un élu à une salariée : « Pas de gestion épistolaire surtout dans ce cas-là ». 143 Le 14 mars et le 4 avril 2017. 144 Procès-verbal de séance plénière du CDOM du 25 avril 2017. 145 Circulaires du 5 juin 2014 et du 19 mars 2015. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 85. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 85 Les difficultés rencontrées par les conseils régionaux de l’ordre sont nombreuses : difficultés à trouver des experts, difficultés à tenir les délais imposés par les textes, hétérogénéité dans les méthodologies d’évaluation de l’insuffisance professionnelle, absence de statut pour les médecins suspendus pendant le temps de leur mise à niveau. Il apparaît nécessaire que le Conseil national se saisisse de cette question : - en rendant impérative la saisine de la formation restreinte pour les médecins reprenant l’exercice après un arrêt prolongé, que ces médecins aient continué de cotiser à l’ordre ou non146 ; - en initiant une réflexion, avec les conseils nationaux professionnels, sur le statut des experts désignés dans le cadre de ces procédures, leurs compétences, leur formation, les méthodologies d’évaluation employées147 et leur niveau de rémunération148 . En l’état, les experts désignés par l’ordre ne sont pas des experts judiciaires. Ils méconnaissent les règles procédurales applicables, notamment celles relatives au respect du contradictoire et à l’impartialité. Ainsi il a pu arriver qu’un expert soit désigné alors qu’il soignait le médecin mis en cause ou qu’il était lui-même élu du conseil départemental plaignant ; - en travaillant en lien avec les universités et les conseils nationaux professionnels à la mise en place de diplômes universitaires ou de maquettes de stages de remise à niveau par spécialité149. S’agissant 146 Si les conseils départementaux ont communément indiqué à la Cour qu’il était d’usage de faire expertiser la compétence d’un médecin n’ayant pas exercé pendant au moins trois ans, cette consigne ne ressort d’aucune circulaire. Aujourd’hui, les médecins n’ayant pas cotisé à l’ordre pendant leur arrêt prolongé sont davantage que les autres soumis à expertise. 147 Les experts eux-mêmes appellent à des réformes comme en témoigne l’expertise réalisée le 2 avril 2015 dans les Pays-de-la-Loire, et adressée au président de la formation restreinte : « Il semble nécessaire pour une future réévaluation des insuffisances professionnelles des médecins généralistes d’organiser ces expertises de façon pratique, avec supervision directe des consultations réelles durant plusieurs jours, et théorique par des questionnaires concernant les compétences du référentiel de médecine générale ». 148 À ce jour les experts sont rémunérés selon un barème fixé par l’arrêté du 7 août 2015. Il est alloué une indemnité de 322 € pour la réalisation d’une expertise standard en matière d’état pathologique ou d’insuffisance professionnelle. Ce montant est considéré par nombre d’experts comme insuffisant au regard de la charge de travail induite. 149 À ce jour, chaque conseil régional recherche, de manière très empirique, des stages permettant aux médecins suspendus de combler leurs lacunes. Certains, dotés sur leur territoire de CHU, comme Rhône-Alpes, semblent favorisés, d’autres non. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 86. COUR DES COMPTES 86 des diplômes universitaires de remise à niveau, il n’en existe qu’en médecine générale. Or leur coût est souvent dissuasif pour un médecin suspendu et pourrait utilement être pris en charge dans le cadre de l’entraide ; - en travaillant avec le ministère de la santé à la mise en place d’un statut spécifique relatif aux médecins suspendus pour insuffisance professionnelle, qui pourraient être amenés à exécuter des actes médicaux sous la surveillance d’autres praticiens dans le cadre de leur remise à niveau. Ces dispositions pourraient s’inspirer de celles déjà mises en œuvre pour les praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE), préalablement à la délivrance de leur autorisation d’exercice ; - en mettant en place, avec les agences régionales de santé (ARS) et les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), des mécanismes permettant de contrôler le respect des autorisations partielles d’exercer. Les décisions d’autorisations partielles ne font en effet aujourd’hui l’objet d’aucun suivi. Aucune publicité n’est faite des décisions de suspension rendues par les conseils régionaux de l’ordre en formation restreinte. C’est donc bien souvent par hasard que les patients découvrent que leur médecin n’est plus en activité. Aucun contrôle n’est par ailleurs assuré s’agissant de l’exécution des décisions prises. Une information claire du public sur les suspensions prononcées en formation restreinte, par voie d’affichage au cabinet du médecin et sur le site internet de l’ordre, apparaît comme une nécessité dans l’intérêt des patients. 3 - État pathologique incompatible avec l’exercice de la médecine : des décisions non conformes aux textes Dans les cas d’infirmité ou d’état pathologique rendant dangereux l’exercice de la profession, le code de la santé ne permet pas, en l’état actuel, de prononcer une suspension partielle du médecin150 . Cette anomalie peut conduire soit à des injustices (en empêchant d’exercer un médecin rendu partiellement invalide par une maladie mais doté de toutes ses capacités cognitives, alors qu’un aménagement de son emploi aurait été possible151 ), soit, a contrario, à des décisions risquées pour les patients (en 150 La suspension partielle ne peut être prononcée que dans les cas d’insuffisance professionnelle. 151 En lui permettant de n’effectuer que des consultations par exemple. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 87. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 87 ne suspendant pas un médecin que son état empêche d’exercer dans la plénitude de ses fonctions). Ainsi, en l’état actuel des textes, la suspension, si elle est décidée, doit être totale. Pourtant, il n’est pas rare que les formations restreintes décident de ne pas suspendre le médecin suspecté d’incapacité mais conditionnent la reprise de son activité à un engagement de sa part à se limiter à certains actes. Une telle limitation n’a aucun fondement réglementaire et fait courir à l’ordre un risque juridique. Elle est de surcroît de nature à mettre en jeu la sécurité et la qualité des soins apportés aux patients. Ce fut ainsi le cas en 2015 d’un ophtalmologue, souffrant d’une détérioration de ses facultés cognitives, que les experts consultés ont estimé apte à poursuivre son activité dès lors qu’il s’engageait à ne plus pratiquer d’angiographie. Or, personne n’est à même de contrôler le respect de ces engagements. De plus, s’agissant d’un engagement moral, il est sans conséquence disciplinaire s’il n’est pas tenu. C’est ainsi qu’en 2018, la formation restreinte du Conseil national a été de nouveau saisie du cas d’un radiologue atteint de la maladie de Parkinson, continuant de faire des échographies en dépit de la demande qui lui avait déjà été faite en 2016 par la formation restreinte nationale de s’interdire de pratiquer de tels actes. Le cas d’un anesthésiste réanimateur En mars 2018, un conseil de l’ordre a saisi la formation restreinte régionale du cas d’un anesthésiste réanimateur à la clinique de la ville d’X, victime d’un AVC. Le rapporteur de ce dossier, ainsi que quatre des cinq membres de la formation restreinte, sont des élus du conseil départemental ayant eux-mêmes décidé de la saisine. Plus notable encore, le président de ce conseil, qui est PDG de la clinique où exerce l’anesthésiste, ainsi qu’un médecin qui y exerce également et y possède des parts, participaient à la formation. Outre les conditions dans lesquelles celle-ci a été rendue, la décision prise au fond suscite des interrogations. En effet, la formation restreinte a considéré que l’intéressé était apte à exercer. Pourtant, le collège d’experts l’ayant examiné avait précisé que son état ne lui permettait pas de reprendre son activité professionnelle dans les conditions antérieures à son accident et notamment de se trouver seul au bloc, sans infirmier anesthésiste. La formation restreinte a estimé qu’il pourrait donc poursuivre une activité se limitant à des consultations pré-anesthésiques. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 88. COUR DES COMPTES 88 Cependant, en l’état actuel du droit, la formation restreinte n’a pas la faculté de limiter l’exercice d’un médecin à certaines tâches dans le cadre d’un dossier d’état pathologique rendant dangereux l’exercice de la médecine. Dès lors, même si la formation restreinte régionale a indiqué au médecin concerné que son activité devrait se restreindre à des consultations pré-anesthésiques, sa décision n’a aucune valeur juridique. En pareil cas, l’ordre prend un risque à laisser exercer ce praticien. Il conviendrait donc d’introduire au niveau réglementaire des dispositions permettant la suspension partielle d’un médecin atteint d’une pathologie ou d’une infirmité rendant dangereux l’exercice de la profession. L’ordre ne peut pas non plus, dans le cadre juridique actuel, demander à un médecin de se soumettre à un suivi de soins pour être autorisé à continuer d’exercer. Il convient donc également d’autoriser l’ordre à imposer à ces médecins un suivi médical particulier pour pouvoir poursuivre leur exercice professionnel. Les conseils départementaux de l’ordre seraient les plus à même d’assurer un contrôle de l’effectivité de ces soins. 4 - Une détection des situations à risque à systématiser Le Conseil national n’a pas diffusé de consignes rendant obligatoire la saisine de la formation restreinte pour les cas de médecins reprenant une activité après une longue période de cessation laissant suspecter une éventuelle incapacité professionnelle et une nécessaire remise à niveau. Si les conseils départementaux sont tenus de vérifier la capacité professionnelle des médecins ayant cessé d’exercer depuis au moins trois ans, dans de nombreux cas une telle vérification n’est pas faite. Afin d’assurer au mieux la sécurité des patients, il est également indispensable d’aider les conseils territoriaux à mieux détecter les situations à risque de certains médecins et à réformer la manière dont ces derniers sont ensuite suivis et contrôlés par l’ordre. Sans qu’il paraisse nécessaire de confier aux conseils départementaux de véritables pouvoirs d’investigation en matière de détection des situations à risque, pouvoirs qu’ils n’appellent d’ailleurs pas de leurs vœux, la réalisation en routine d’entretiens confraternels au sein des conseils et surtout les visites de cabinet – à l’occasion d’une installation par exemple ou tous les dix ans – devraient être généralisées. Certains conseils départementaux de l’ordre ont déjà pris l’initiative d’organiser de manière systématique, quelques mois après leur inscription dans le département, des visites sur le lieu d’exercice de leurs nouveaux L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 89. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 89 confrères. Ces visites permettent de s’assurer que les médecins ne rencontrent pas de difficultés particulières dans l’exercice de leur métier. Elles permettent également de détecter des comportements à risque ou des situations atypiques : cabinets mal entretenus, publicité pour des pratiques non conventionnelles, non affichage des tarifs des consultations, etc. C’est lors d’une de ces visites que le conseil d’Ille-et-Vilaine a pu détecter un comportement anormal qui a justifié la saisine de la formation restreinte et abouti à la suspension d’un médecin atteint d’une maladie mentale. Ces visites ou entretiens mériteraient d’être systématisés en cas de signalements de la part de patients ou de tiers (comme des professionnels de santé), avant que ces signalements ne se transforment en plaintes et qu’il y ait donc préjudice. C - Un contrôle hétérogène des contrats entre médecins et avec l’industrie Tout contrat conclu par un médecin doit être soumis pour avis à l’ordre, soit au titre du contrôle du respect du code de déontologie, soit au titre du respect de la loi dite « anti-cadeaux » de 1993, s’agissant des contrats conclus avec des industriels du médicament ou de dispositifs médicaux. 1 - Des conseils locaux en difficulté pour contrôler la conformité des contrats au code de déontologie La conformité à la déontologie des contrats passés par les médecins, relatifs à l’exercice de leur profession, doit faire l’objet d’un examen par les conseils départementaux de l’ordre. Le défaut de communication des contrats152 est susceptible d’entraîner des poursuites disciplinaires ou un refus d’inscription au tableau153 . Cette possibilité reste toutefois assez théorique154 : seules cinq poursuites ont été engagées en 2016 et six en 2017155 . 152 Il s’agit de tous les types de contrats conclus par un médecin dans l’exercice de ses fonctions : contrat de travail, contrat de bail, contrat de leasing de matériel etc. 153 Art. L. 4113-10 et L. 4113-11 du CSP. 154 Il est particulièrement rare que des médecins transmettent pour avis des contrats de location de matériel médical. Pourtant, certains dispositifs, comme les appareils d’évaluation et de détection de l’apnée du sommeil, sont loués à des médecins à des tarifs très faibles par des sociétés qui louent par la suite ces dispositifs respiratoires aux patients, parfois sur recommandation de ces médecins. 155 En 2017, ces poursuites ont conduit au prononcé de quatre rejets, quatre blâmes et six suspensions d’exercer. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 90. COUR DES COMPTES 90 L’ordre a élaboré et mis en ligne sur son site, à disposition des médecins, une trentaine de contrats types. Certains de ces contrats, comme les contrats de cession de cabinet ou les contrats de collaborateur libéral, datant respectivement de 1978 et de 2005, mériteraient une mise à jour. Pour les contrats les plus complexes156 ou pour toute question juridique difficile, les conseils départementaux font appel à l’expertise du service juridique du Conseil national qui tarde parfois à répondre157 . En pratique, l’examen des projets de contrats est assuré de manière très hétérogène selon les conseils locaux par des élus, des salariés ou encore par des avocats spécialement mandatés à cet effet. Or, il conviendrait d’encadrer davantage le recours à ces consultants pour limiter certains abus, comme dans le Nord, où le conseil départemental a rémunéré à hauteur de 12 680 € sur trois ans la participation à la commission des contrats d’un avocat à la retraite, père d’un ancien élu, alors même que l’analyse des contrats était assurée par les élus. Ces mêmes conseils ne sont, en outre, pas en mesure d’analyser dans les délais l’ensemble des contrats qui leur sont soumis158 . Dans ces circonstances, l’ordre gagnerait à recentrer son action, par exemple sur l’étude des contrats complexes ou innovants par rapport aux conditions d’exercice de la médecine. Enfin, jusqu’à la révision du règlement intérieur de l’ordre en décembre 2018, il est notable que l’examen des contrats des élus ordinaux eux-mêmes ne faisait l’objet d’aucune consigne. Ainsi, des élus de la commission des contrats au sein d’un conseil départemental pouvaient être conduits à se prononcer eux-mêmes sur la validité de leurs propres conventions voire sur celles de leurs concurrents. 156 En matière de radiologie et de biologie médicale notamment. 157 Exemple la saisine faite par le CDOM du Var le 27 juin 2016 à laquelle le CNOM a répondu le 12 décembre 2016 (dossier n° 1506/2016) concernant le contenu d’un contrat visant à faire réaliser par un praticien d’une autre spécialité que gynécologique des actes de chirurgie gynécologique au sein d’une clinique. Ainsi que le précise le président du CDOM du Var en novembre 2016 : « il est évident qu’il est difficile d’envisager qu’un conseil départemental puisse seul donner des réponses précises à des questions techniques sur le plan juridique qui vont engager l’institution, si cette dernière est dans l’incapacité de les aider dans ce rôle. (…) ». 158 L’article L. 4113-12 du code de la santé publique fixe à un mois le délai dans lequel le conseil de l’ordre est tenu d’examiner le contrat qui lui est soumis. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 91. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 91 2 - Un contrôle lacunaire des relations entre médecins et industrie Depuis la loi « anti-cadeaux » de 1993159, l’ordre donne un avis sur les exceptions à l’interdiction d’avantages consentis aux médecins160 par les entreprises et laboratoires, avec comme principal objectif d’éclairer les professionnels de santé sur les risques de perte d’indépendance qu’ils encourent. La loi du 29 décembre 2011 a prévu, quant à elle, la publication de tous les liens financiers entre industriels et praticiens sur le site « Transparence Santé ». Déjà en 2011, la Cour regrettait l’inaction de l’ordre face à des situations d’hyperactivité de certains médecins, notamment hospitaliers, ainsi que son incapacité à agréger les activités par médecin. Elle relevait qu’il « reviendra[it] désormais à l’ordre de sanctionner les cas où il a été passé outre à un avis défavorable (y compris quand ce dernier ne résulte que de la date trop tardive de demande d’avis) »161 . En dépit de la fermeté affichée publiquement par le Conseil national, les constatations faites par la Cour huit ans plus tard montrent que ce contrôle, qui vise à prévenir les conflits d’intérêts, est encore lacunaire. Le contrôle de la Cour de 2018 a toutefois conduit le Conseil national à en réviser les modalités. a) De fortes prises de position publiques du Conseil national L’ordre des médecins a toujours milité activement en faveur d’une plus grande transparence des avantages accordés aux médecins par l’industrie. Il a ainsi déposé un recours contre le décret du 21 mai 2013 relatif à la transparence des avantages accordés, qui excluait les rémunérations du champ de la publication des avantages consentis aux médecins. Dans un arrêt rendu le 24 février 2015, le Conseil d’État lui a donné raison, en élargissant aux rémunérations les informations publiées dans la base « Transparence Santé ». 159 Loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d’ordre social, dite « anti-cadeaux ». 160 Le cadre législatif applicable depuis 2012 prévoit que les conseils départementaux (ou le Conseil national lorsqu’il s’agit de conventions dont le champ d’application est interdépartemental ou national) donnent leurs avis sur les conventions qui leur sont soumises par les industriels. 161 Observations définitives sur l’ordre des médecins, p. 45. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 92. COUR DES COMPTES 92 Face au volume considérable de dossiers à traiter (1,5 million de conventions d’hospitalité162 et 40 000 conventions d’honoraires soumises à l’ordre en 2017, représentant plus de 250 M€163 ), le Conseil national s’est doté de moyens renforcés : il a conçu un logiciel spécifique (IDAHE) dont le développement et la maintenance ont coûté, sur la période 2008-2016, plus de 900 000 € et a quasiment doublé les effectifs du service relations médecins-industrie, passés de 7 à 13 équivalents temps plein entre 2011 et 2017. Toutefois, l’examen des conventions entre médecins et industrie était jusqu’en 2018 largement inopérant. b) Un contrôle inabouti au Conseil national et souvent inexistant localement Même au Conseil national, qui dispose pourtant d’un service étoffé, le contrôle reste insuffisant : les conventions d’un même praticien sont examinées indépendamment les unes des autres sans qu’aucun cumul des rémunérations ou avantages perçus ne soit opéré ; les médecins ne sont pas sanctionnés lorsque les conventions sont mises en œuvre malgré un avis défavorable ; la base « Transparence-santé » n’est pas consultée par les salariés ou les élus. 7 % des conventions d’hospitalité et 45 % des conventions d’honoraires ont fait l’objet d’un avis défavorable sur la période. La grande majorité des avis défavorables tient au non-respect formel de clauses formelles : délais de transmission non respectés ou absence d’autorisation de cumul pour les médecins hospitaliers. Les plafonds en dessous desquels l’ordre donne un avis favorable aux conventions qui lui sont soumises sont généreux : honoraires de 250 €/heure, nuitée à 250 €164 , repas à 70 €. Entre 2011 et 2017, aucun médecin n’a été convoqué par le Conseil national et aucune poursuite disciplinaire n’a été engagée pour non-respect d’un avis de l’ordre sur une convention irrégulière. 162 Frais d’inscription, de restauration, d’hébergement et de transport pour participer à des colloques. 163 Ces sommes constituent un majorant des avantages effectivement accordés : les conventions peuvent en effet ne pas être mises en œuvre et présentent les montants maxima pouvant être versés aux médecins. A contrario, de nombreuses conventions non télétransmises ne sont pas recensées dans IDAHE (cf. exemple infra). 164 325 € dans les capitales et métropoles européennes et de 350 € en Amérique, Asie, Australie et Suisse. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 93. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 93 L’absence de sanctions des médecins fautifs À titre illustratif, entre 2016 et 2018, 82 conventions ont été transmises pour des prestations assurées par le Pr X, chef de service à temps complet dans un CHU, pour un montant de 726 000 €165 . Parmi elles, une convention relative à trois études d’expertise-conseil pour le compte du laboratoire T. d’un montant de 535 000 €166 sur une durée de quatre ans, débutée en septembre 2016, n’a été transmise à l’ordre que le 14 février 2018. Le Conseil national a émis un avis défavorable en raison d’une demande parvenue hors délais, de l’absence d’autorisation de cumul signée par l’établissement employeur et parce que les honoraires et le nombre de jours trop élevés étaient contraires au caractère d’activité accessoire. Aucune poursuite disciplinaire n’a été engagée contre ce médecin pour manquement à la déontologie. En 2018, seuls vingt conseils départementaux de l’ordre utilisent le logiciel IDAHE et rares sont ceux qui assurent correctement le contrôle des conventions. Ainsi, jusqu’au contrôle de la Cour, le conseil départemental du Bas-Rhin, dont le secrétaire général est pourtant membre de la commission relations médecins-industrie au niveau national, ne donnait pas d’avis défavorable quand il constatait l’absence d’autorisation de cumul des médecins hospitaliers et n’utilisait pas le logiciel IDAHE. Dans les Bouches-du-Rhône, les avis défavorables sont également très rares167 et le contrôle des conventions incombe, non à la salariée du service, mais à deux élus dont l’un a pu se trouver juge et partie allant jusqu’à valider des dossiers le concernant. Si environ 15 000 médecins bénéficient chaque année d’au moins une invitation à un congrès pris en charge par un laboratoire, ils ne sont qu’environ 200 à 700, selon les années, à être concernés par au moins cinq invitations168 et une quinzaine à avoir participé à plus de dix congrès une année donnée. Les contrôles dont l’ordre est responsable, et qui visent à 165 Des requêtes permettant d’identifier les praticiens dont les montants cumulés d’honoraires étaient élevés ont été demandées par la Cour au CNOM. Il s’agit d’une rémunération personnelle. 166 La convention comprend trois études de phase 3. La rémunération est de 500 € pour toute téléconférence de moins de 2h, 2 000 € pour toute réunion en face à face et dans la limite de 178 417 € par étude. 167 Seulement 4 en 2015-2017 sur 5 358 dossiers. 168 Chiffres 2018. Les spécialités principalement concernées sont l’ophtalmologie, la cardiologie et l’oncologie. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 94. COUR DES COMPTES 94 empêcher un médecin de perdre sa liberté de prescription vis-à-vis des sociétés dont il perçoit des avantages, sont défaillants et les situations d’abus manifestes n’ont pas été sanctionnées. Des abus permis par un contrôle défaillant Le Dr X, pneumologue, a participé à onze congrès internationaux entre 2016 et 2018 pour un coût dépassant 27 000 €169 , invité par des sociétés spécialisées dans les dispositifs médicaux respiratoires. Outre ces conventions transmises au conseil départemental, 37 autres conventions le concernant (pour un montant de 47 000 €) ont été transmises par des industriels au Conseil national depuis 2012 pour des congrès se tenant notamment à Santa Monica, Port Louis, Dubaï, Port Elizabeth, Amsterdam, Marrakech, Los Angeles, Saint-Pétersbourg, Chicago, Yokohama et Milan. Le conseil départemental où il est inscrit n’a jamais émis d’avis défavorable, alors même qu’il avait été destinataire d’une lettre de dénonciation listant plusieurs médecins, dont le Dr X, accusés de prescrire quasi-exclusivement l’appareillage d’une société, en échange d’invitations, dons d’équipements, voyages et subventions versées à une association de pneumologie. Le Conseil national, quant à lui, a donné trois avis défavorables en 2017 dont l’un pour le congrès Gulf thoracic se tenant à Dubaï, ce qui n’a pas empêché le Dr X d’y participer. Ce défaut de contrôle par le Conseil de l’ordre est d’autant plus problématique que, si les agents habilités à contrôler le dispositif « anti- cadeaux » sont théoriquement nombreux, de facto seuls les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) effectuent régulièrement des contrôles. c) Un retard important pris dans la publication des textes L’ordre des médecins n’est pas seul responsable de ce bilan. Réclamant depuis des années la télétransmission obligatoire des conventions et un pouvoir de sanction en cas de non-respect des avis qu’il rend, il est en attente de la publication des décrets et arrêtés permettant la mise en œuvre de l’ordonnance « anti-cadeaux » du 19 janvier 2017, textes dont la publication – qui aurait dû intervenir avant le 1er juillet 2018 – est attendue 169 Bahamas, Hawaï, Oran, Bangkok (deux fois), Palm Beach (deux fois), New York, Ile Maurice, Osaka et Chicago selon les informations dont disposait le conseil départemental. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 95. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 95 d’ici la fin de l’année 2019. Ces textes devraient entériner la recentralisation bienvenue de l’exercice de la mission par le Conseil national. La publication de ces textes réglementaires doit être l’occasion, pour les administrations concernées, de ne pas reconduire les erreurs passées et de veiller en particulier à faire figurer, dans la base de données des avantages servis aux médecins, le cumul par médecin, à fixer les plafonds des rémunérations et hospitalités à des niveaux raisonnables et à ouvrir plus largement l’accès à la base de données à des autorités de contrôle. d) Des évolutions amorcées en 2019 Faisant suite à la recommandation de la Cour, la ministre de la santé a annoncé la création d’un portail unique permettant une mise en cohérence des systèmes d’information « Transparence Santé » et « anti-cadeaux » au printemps 2020. Après avoir défini des critères d’examen – au demeurant peu exigeants – des dossiers litigieux, le Conseil national a voté la transmission à la chambre disciplinaire aux fins d’éventuelles poursuites de deux cas particulièrement problématiques. D - Une faible implication de l’ordre des médecins dans l’accès aux soins 1 - Un rôle limité dans l’organisation de la permanence des soins L’organisation de la permanence des soins a radicalement changé depuis 2002 avec l’abandon de l’obligation déontologique individuelle pour les médecins libéraux d’effectuer des gardes. Si l’information est mieux assurée depuis 2011 grâce à la transmission dématérialisée, à l’ARS et au préfet, du tableau de permanence des soins, en revanche l’implication des conseils départementaux pour remédier à l’insuffisance du nombre de médecins volontaires est variable. Les médecins sont appelés à participer à la permanence des soins sur la base du volontariat mais l’article 77 du code de déontologie dispose : « il est du devoir du médecin de participer à la permanence des soins dans le cadre des lois et des règlements qui l’organisent ». L’implication pour mobiliser le corps médical est exemplaire dans plusieurs départements (Val-de-Marne, Corse-du-Sud, Indre notamment), comme l’a constaté la Cour, mais fait défaut dans d’autres où la L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 96. COUR DES COMPTES 96 communauté médicale « n’arrive pas à s’affranchir de ses vieux démons dont celui de l’individualisme exacerbé170 ». Le Conseil national réalise chaque année un rapport sur la permanence des soins. Ce travail précis contient des données et des analyses pertinentes. En 2011, la Cour soulignait également les difficultés de coordination induites par le rôle du conseil régional de l’ordre dans l’élaboration du cahier des charges de la permanence des soins, difficulté toujours présente qui renvoie à la question de la plus-value de l’échelon régional qui devra être réexaminée au vu du bilan des fusions intervenues début 2019. 2 - Une position ambiguë sur les refus de soins La France s’est dotée de dispositifs facilitant l’accès aux soins pour les plus démunis (complémentaire santé solidaire171 , Aide médicale d’État, tiers payant de droit…). Toutefois, les comportements et pratiques de certains professionnels de santé peuvent entraver cet accès aux soins. Ces situations peuvent avoir pour origine une méconnaissance des dispositifs, des difficultés d’ordre technique, mais peuvent aussi relever d’une opposition pour des raisons économiques ou idéologiques. Le refus de soins clairement établi est relativement rare, des formes de dissuasion, par la fixation de rendez-vous éloignés ou par l’affirmation d’une impossibilité de prendre de nouveaux patients, étant plus fréquentes. La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a donc réaffirmé l’importance de la mission d’évaluation du refus de soins en créant des commissions ad hoc placées auprès des ordres professionnels, chargées d’évaluer le nombre et la nature des pratiques de refus et de remettre un rapport annuel au ministre chargé de la santé. La commission placée auprès de l’ordre des médecins n’a produit qu’un rapport depuis lors. En dépit de disponibilités dépassant les 100 M€, l’ordre considère en effet ne pas disposer du budget suffisant pour faire fonctionner la commission et refuse de financer des études sur les refus de soins. Seules 28 décisions rendues par les juridictions ordinales entre 2014 et 2017 portaient sur des refus de soins à des bénéficiaires de la CMU, soit sept par an en moyenne sur plus de 1 300 : 57 % ont fait l’objet d’un rejet, 11 % d’un blâme, 25 % d’un avertissement et 7 % d’une interdiction 170 Blog du conseil départemental de l’ordre des médecins du Val-de-Marne. 171 Remplaçant au 1er novembre 2019 la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) et l’ACS (aide pour une complémentaire santé). L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 97. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 97 d’exercer, parfois assortie d’un complet sursis. Les sanctions sont hétérogènes : ainsi un gynécologue-obstétricien installé dans les Yvelines s’est vu infliger un blâme pour avoir refusé des soins à une patiente relevant de la CMU-C alors qu’un stomatologue de la région PACA a été suspendu pendant un mois, dont huit jours fermes, pour des faits similaires. Le bilan des rares poursuites menées à leur terme n’incite pas les patients à faire valoir leurs droits et ne dissuade pas les médecins de renoncer à une pratique illégale. L’ordre n’est pas particulièrement zélé sur le sujet. Ainsi, en janvier 2017, trois associations ont saisi le Défenseur des droits pour des mentions discriminatoires (refus de bénéficiaires de la CMU) apposées, par deux sites de rendez-vous médicaux en ligne, aux côtés des coordonnées de certains médecins. Fin 2018, le défenseur des droits a enjoint aux deux plateformes de faire disparaître ces mentions. En revanche, les médecins en cause n’ont pas fait l’objet de poursuite disciplinaire par l’ordre, qui considère impossible « la recherche systématique sur tous les sites de prise de rendez-vous en ligne de mentions discriminatoires ». 3 - Des actions timorées en faveur de la mobilité des médecins L’ordre n’a pas toujours œuvré à l’assouplissement de la règlementation, nécessaire pour faciliter les conditions d’installation, d’exercice et de mobilité des médecins tout particulièrement dans les zones en voie de désertification médicale. La simplification172 du traitement des demandes d’autorisation d’exercice en site distinct n’est ainsi intervenue qu’après le contrôle de la Cour, avec la parution du décret n° 2019-511 du 23 mai 2019. La gestion des demandes de remplacement mériterait également d’être allégée, sous forme de déclaration plutôt que d’autorisation préalable. L’exercice de la médecine sous le statut de remplaçant est en effet devenu, pour les jeunes médecins comme pour les plus confirmés, un mode d’activité à part entière. L’examen par les conseils départementaux des demandes de remplacement est donc de plus en plus lourd (plus de 100 000 contrats sont analysés chaque année) et une grande partie des autorisations est aujourd’hui délivrée postérieurement aux remplacements, après vérification du respect formel d’une dizaine de points. 172 Une déclaration se substituant à la demande d’autorisation. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 98. COUR DES COMPTES 98 S’il semble important de maintenir une procédure d’autorisation pour la délivrance des autorisations d’exercer données aux étudiants, une simple déclaration en ligne des remplacements pourrait être mise en place, sur un portail national qui automatiserait les contrôles. Seuls les cas litigieux feraient l’objet d’une analyse complémentaire. Les règles de rémunération afférentes au statut de remplaçant mériteraient également un examen approfondi, afin d’analyser la légalité de certains contrats qui prévoient des taux de rétrocession supérieurs à 100 %173 , en particulier dans les zones où la pénurie de remplaçants se fait sentir. L’absence de consignes claires prises au niveau national est aujourd’hui préjudiciable aux médecins. II - Un manque chronique de rigueur dans le traitement des plaintes Les constats de la Cour confirment les carences dans le traitement des plaintes, relevées depuis 20 ans à l’occasion des contrôles successifs174 et dans la manière dont l’ordre exerce son pouvoir disciplinaire. Les instances disciplinaires de l’ordre L’ordre est doté d’un pouvoir disciplinaire qu’il exerce via deux juridictions autonomes relevant de l’ordre administratif, placées auprès des conseils régionaux175 : les chambres disciplinaires et les sections des assurances sociales176 . Les premières jugent et sanctionnent les manquements des médecins au code de déontologie et les secondes jugent des abus et fraudes à l’assurance-maladie. La chambre disciplinaire nationale (CDN) est la juridiction d’appel. L’absence de vision d’ensemble des plaintes et de statistiques nationales, la distinction infondée entre « doléance » et plainte, les traitements différenciés des litiges suivant les conseils départementaux conduisent l’ordre à ne considérer comme des plaintes que 22 % des courriers de patients signalant un problème avec leur médecin (chiffre 2017 173 Reversement d’honoraires au médecin remplaçant par le médecin titulaire. 174 Contrôle de l’IGAS en 2000, de la Cour des comptes en 2011 et de la Mission d’inspection des juridictions administratives du Conseil d’État en 2013. 175 Il y a aujourd’hui 14 chambres disciplinaires de première instance (CDPI), contre 25 avant la fusion des grandes régions administratives. 176 Cette dernière activité, limitée, n’est pas présentée dans ce rapport. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 99. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 99 établi à partir des données du CNOM rapportant les 1 781 conciliations réalisées au 7 747 plaintes et doléances reçues entre particuliers et médecins). Dix-neuf ans après les premiers contrôles, et malgré la mise en cause de l’ordre pour une mauvaise gestion des signalements et la condamnation du conseil de Paris le 18 octobre 2012 par la Cour administrative d’appel pour avoir retardé la comparution en justice d’un médecin fautif, les constats sont similaires. Les élus sont trop peu formés et les circulaires du Conseil national insuffisantes pour endiguer les risques de détournement de procédure pourtant dénoncés de manière récurrente par des médecins ou des patients. A - Une majorité de signalements non soumis à conciliation En matière disciplinaire, toute procédure contentieuse doit être précédée d’une tentative de conciliation177, organisée dans un délai d’un mois après l’enregistrement de la plainte, par une commission de conciliation composée d’au moins trois conseillers élus et créée au sein du conseil départemental de l’ordre des médecins dont relève le praticien visé178. Si la conciliation échoue, la plainte doit être transmise à la chambre disciplinaire territorialement compétente pour être jugée, et ce dans un délai de six mois suivant le dépôt de la plainte. Les principaux motifs de plainte179 concernent la qualité des soins180 (40 %), le comportement des médecins vis-à-vis des patients ou de tiers (30 %), la rédaction de certificats (25 %), des questions de confraternité (17 %) ainsi que des litiges liés à la publicité, au non-respect du secret professionnel ou aux honoraires. 177 Article R. 4123-21 du CSP. 178 Depuis 2017, l’article L. 4123-2 du CSP prévoit que la procédure de conciliation doit être dépaysée si le plaignant ou le professionnel visé est membre du conseil départemental chargé de la conciliation. 179 Données 2015 et 2016. 180 Absence de soins consciencieux, de défaut d’information du patient, défaut de consentement ou manquement dans l’élaboration et la qualité du diagnostic. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 100. COUR DES COMPTES 100 1 - Un suivi des plaintes insuffisant En 2017, l’ordre a enregistré 8 916 signalements – dont 80 % émanent de patients – et effectué 2 305 conciliations. Ces chiffres consolidés sont toutefois peu fiables. En effet, à défaut d’avoir déployé un logiciel de suivi des plaintes, comme le recommandait la Cour à la suite du contrôle de 2011, l’ordre ne dispose que de tableaux de compte rendu d’activité, très généraux et non exhaustifs qui ne permettent pas de connaître les griefs allégués181 par les plaignants et ne sont, en outre, pas remplis par tous les conseils en dépit des relances du Conseil national182 . De ce fait, il est impossible de recenser avec exactitude le nombre de plaintes reçues annuellement dans les départements. Enfin, la requalification en « doléances » – non soumises à conciliation – de certaines plaintes reçues par l’ordre ne permet pas de mesurer l’efficacité du dispositif de conciliation. L’absence de suivi et de pilotage par le Conseil national a permis ces dysfonctionnements. 2 - Les « doléances » : un statut litigieux et un traitement disparate Alors que le code de la santé publique ne connaît que les plaintes, l’ordre des médecins effectue en effet une distinction entre plaintes et « doléances », seuls étant considérés comme plaintes les signalements contenant expressément le mot « plainte », dénonçant un comportement qualifié de fautif ou demandant explicitement une sanction. La frontière entre ces catégories, particulièrement ténue183 et dépourvue de fondement juridique, ainsi que la Cour l’avait déjà souligné en 2011, demeure méconnue des plaignants. Conséquence de cette distinction, seuls 22 % des courriers de patients sont qualifiés de plaintes et traités comme telles. Dans de rares cas, il n’est même pas accusé réception de la plainte. Si l’on peut comprendre la préoccupation des conseils de l’ordre de ne pas engorger les juridictions disciplinaires de plaintes qui risquent d’être jugées irrecevables, il ne leur appartient pas, en l’état actuel des textes, de 181 À l’exception des refus de soins qui font l’objet d’un traitement à part. 182 Dix conseils n’ont pas complété leur tableau de bord en 2017. 183 Lors d’une réunion du CROM Rhône-Alpes en 2018, le Président de la chambre disciplinaire indique lui-même qu’il est difficile de faire la distinction entre doléance et plainte. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 101. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 101 procéder à un tri desdites plaintes en préjugeant de leur recevabilité, de la qualification et de la gravité des faits allégués. Seules les chambres disciplinaires ont cette compétence. Les conseils qui déclarent une plainte infondée ou irrecevable outrepassent ainsi leurs missions. 3 - Des conciliations parfois peu formalisées, voire non organisées, en dépit des obligations légales L’article R. 4123-20 du CSP précise que la tentative de conciliation doit être effectuée par un ou plusieurs membres de la commission de conciliation et qu’un procès-verbal, signé par les parties et remis à chacun, doit faire apparaître les points de désaccord qui subsistent. En réalité, il n’existe pas toujours de commission de conciliation, comme la Cour l’a constaté en Haute-Corse et en Corse-du-Sud184 et les conciliations se tiennent dans des formats très variables selon les conseils. Ce manque de formalisme dans la tenue de la conciliation se double bien souvent d’un manque de complétude des procès-verbaux, étape pourtant essentielle du précontentieux, notamment en cas de transmission de la plainte devant la juridiction disciplinaire. Même si les procès-verbaux ne sont soumis à aucune règle particulière, la plupart ne mentionnent que l’issue de la conciliation, sans en retracer les échanges. C’est notamment le cas de dossiers dans lesquels les patients ont été invités à retirer leur plainte ou se sont laissés convaincre par les conciliateurs qu’il n’y avait pas matière à caractériser une faute disciplinaire185 ou pour lesquels une transaction financière est intervenue, faisant alors cesser les poursuites186 . Plus graves sont les cas de plaintes qui ne font pas systématiquement l’objet de tentatives de conciliation, alors que cette obligation, posée par la loi, ne souffre pas d’exception. Il en est ainsi en Loire-Atlantique187 ou en Haute-Corse, où le conseil, avant même d’organiser toute conciliation, demande l’avis du médecin mis en cause puis invite le patient à venir prendre connaissance de cet avis au conseil départemental (cf. encadré infra). Enfin, à Paris, le laps de temps entre le constat de non-conciliation 184 Le Conseil départemental s’est depuis mis en conformité. 185 Cas de la plainte portée en Mayenne par la blanchisserie X contre le Dr C. pour des arrêts de travail d’une salariée considérés comme de complaisance. 186 Cas du Dr S. qui a accepté, à l’issue d’une conciliation au CDOM de Paris en février 2016, de rembourser la somme de 1 200 € à une patiente, celle-ci s’engageant à retirer sa plainte. 187 En 2017, 28 plaintes de particuliers sur 40 n’ont pas fait l’objet de conciliation, 34 sur 49 en 2016, 25 sur 37 en 2015. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 102. COUR DES COMPTES 102 et la saisine de la chambre disciplinaire a été mis à profit pour tenter de dissuader la plaignante de poursuivre sa démarche188 . 4 - Des transmissions imparfaites des plaintes Outre le fait qu’ils écartent la grande majorité des signalements reçus, les conseils départementaux de l’ordre gèrent de manière imparfaite les procédures de saisine des juridictions régionales. a) Des délais souvent dépassés Certains conseils ont des difficultés à respecter les délais légaux. En cas de carence, notamment lorsque le délai d’un mois pour organiser une conciliation est dépassé, les plaignants peuvent alors demander au président du Conseil national de saisir directement la chambre disciplinaire compétente. Cette mesure a été utilisée à 13 reprises entre 2012 et 2017 dans neuf départements, dont cinq fois pour le Pas-de-Calais. À l’exception de quelques conseils dotés de tableaux de suivi ou du conseil de Paris équipé d’un logiciel spécifique, la plupart des conseils n’assurent aucun suivi des délais ou de manière approximative. Le délai maximal de trois mois à compter de son enregistrement pour transmettre une plainte à la chambre disciplinaire est quant à lui parfois dépassé, comme le constatent les greffes et les présidents de chambre, ce qui constitue un manquement préjudiciable aux plaignants. b) Une motivation insuffisante Certaines chambres disciplinaires soulignent l’insuffisante motivation des avis rendus par les conseils à l’appui des plaintes qu’ils transmettent, en dépit des instructions qui leur sont données189. Par ailleurs, qu’ils s’associent ou non à la plainte, certains conseils omettent souvent de transmettre à la chambre disciplinaire des éléments de contexte qui seraient pourtant de nature à éclairer la juridiction et peser soit 188 Cas de Mme X ayant porté plainte contre le Dr B., élu du conseil de Paris, invitée par la présidente du CDOM de Paris, à la suite d’une réunion ayant abouti à une non- conciliation le 25/09/2012, à réfléchir pendant un délai d’un mois au maintien de sa plainte. 189 Courrier adressé le 8 mars 2012 à l’ensemble des présidents de CDOM en Rhône-Alpes ; instructions diffusées par la CDPI de PACA-Corse le 19 janvier 2018 rappelant l’implication nécessaire des CDOM lors de la transmission des plaintes. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 103. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 103 en faveur du médecin mis en cause, soit en faveur du plaignant. Ces éléments peuvent porter sur les conditions d’exercice, parfois complexes, des praticiens mis en cause (déserts médicaux, forte insécurité dans la zone d’exercice, précarité…) susceptibles de tempérer l’appréciation de certains comportements. Cette absence de contextualisation est plus problématique lorsque le conseil omet volontairement de porter à la connaissance de la chambre disciplinaire des faits précontentieux antérieurs concernant le médecin mis en cause (doléances, signalements, plaintes conciliées). c) Une prévention des conflits d’intérêt à renforcer Les plaintes déposées contre des élus ordinaux190 eux-mêmes ne font l’objet d’aucun suivi spécifique. Dès 2005, le législateur a prévu191 que le conseil au sein duquel siège un médecin mis en cause par un plaignant peut se dessaisir au bénéfice d’un autre conseil. Bien que fortement encouragée par le Conseil national, cette procédure n’était toutefois pas systématique. Elle pouvait de surcroît n’être pas entourée de toutes les garanties souhaitables dès lors que les présidents choisissaient eux-mêmes le conseil vers lequel ils entendaient transférer la procédure. Les présidents de conseil qui choisissaient de ne pas déporter la plainte se trouvaient en situation de devoir se prononcer sur le comportement d’un de leurs pairs, avec tous les risques de partialité qui peuvent en découler. L’ordonnance de février 2017 est venue partiellement résoudre ces difficultés en instaurant l’obligation, pour le président du conseil départemental, de saisir le président du Conseil national, aux fins de désigner un autre conseil pour procéder à la conciliation. Applicables depuis plus d’un an, ces nouvelles dispositions ne sont toutefois pas encore appliquées par tous les conseils, notamment en Haute-Corse. 190 33 plaintes de ce type ont été examinées par la Cour. 191 Cf. l’ordonnance n° 2005-1040 et l’article L. 4123-2 du CSP. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 104. COUR DES COMPTES 104 Le cas du Dr X, élu du Conseil de Haute Corse et assesseur à la chambre disciplinaire de PACA Le Dr X, élu du conseil de l’ordre depuis 2002, a fait l’objet d’une plainte enregistrée au conseil de Haute-Corse en mars 2018. Le courrier de la patiente, qui demeure en Sardaigne, contient explicitement le mot « plainte » et ne souffre aucune interprétation quant à son objet. En contravention avec la loi, au lieu de délocaliser le traitement de la plainte, le conseil a recueilli l’avis du médecin mis en cause et a invité la patiente à se déplacer en Corse depuis la Sardaigne pour prendre connaissance de la réponse du médecin192 . Entre 1998 et 2011, ce même médecin avait déjà fait l’objet d’une plainte et de deux signalements de patients – dont l’un pour des faits similaires – mais le conseil de l’ordre avait considéré qu’ils ne constituaient pas des fautes déontologiques. L’ensemble des plaintes et signalements a été classé. Cette nouvelle procédure n’est pour autant pas satisfaisante puisque le dépaysement des dossiers de plaintes contre les élus ordinaux n’est prévu que pour la phase de conciliation. À son issue, la plainte est à nouveau adressée au conseil dont dépend l’élu mis en cause. À charge pour ce conseil, en cas de non-conciliation, de transmettre la plainte à la chambre disciplinaire en s’y associant le cas échéant. En toute logique, cette phase d’analyse de la plainte et de suites de la conciliation devrait être également menée au sein du conseil où la plainte a été délocalisée. B - Des absences de poursuites disciplinaires qui suscitent des interrogations Nombreux sont les cas de médecins ayant fait l’objet de doléances, de signalements ou de plaintes (conciliées ou retirées par les plaignants), ou condamnés au pénal, ou encore placés sous contrôle judiciaire pour des faits en lien avec leur exercice, que ni le conseil départemental de l’ordre193 ni le Conseil national n’ont poursuivis devant la juridiction disciplinaire. 192 Postérieurement au contrôle de la Cour, le dossier a été adressé au Conseil national qui a délocalisé l’examen de la plainte dans un autre conseil. 193 Exemples dans le Nord-Pas-de-Calais : cas du Dr H. endocrinologue placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer toute activité gynécologique ou de PMA depuis 2015 contre lequel aucune poursuite disciplinaire n’a été diligentée ou encore du Dr G. ayant continué de prescrire pendant sa suspension d’exercer de 8 mois. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 105. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 105 En cas de condamnation pénale, la communication du jugement à l’ordre est obligatoire. Cette obligation, pourtant rappelée par une circulaire de la Chancellerie du 24 septembre 2013194, n’est pas toujours remplie. Il n’existe en effet aucun système d’alerte ou de notification automatique des condamnations dans les logiciels utilisés par les greffes des juridictions pénales. Il arrive ainsi que des conseillers départementaux de l’ordre prennent connaissance de condamnations de certains de leurs confrères via les médias. Pour autant, ces dysfonctionnements n’exonèrent pas l’ordre de ses responsabilités pour tous les cas où il a été dûment averti par la justice et où il n’a entrepris aucune poursuite disciplinaire. Même avertis par la presse de poursuites diligentées à l’encontre de confrères inscrits à leur tableau, les conseils départementaux prennent rarement l’initiative de contacter eux-mêmes les parquets ou de se constituer partie civile pour avoir accès aux dossiers. C - Le traitement des plaintes pour des faits à caractère sexuel Au cours des dernières années, plusieurs affaires médiatisées relatives à des viols et agressions sexuelles sur patients ayant conduit à la condamnation pénale de médecins, n’ont pas été traitées, sur le plan ordinal, avec la rigueur nécessaire. Ainsi en est-il des procès de deux gynécologues de la région parisienne, d’un généraliste de la région Nord ou encore de plusieurs psychiatres de la Sarthe. Dans le cas de l’un des gynécologues195, le conseil de l’ordre de Paris a été condamné par la cour d’appel de Paris en octobre 2012 à verser à l’une des victimes la somme de 3 000 €, pour avoir couvert les agissements du médecin pendant de nombreuses années. Alors que la première plainte figurant dans le dossier du praticien, suivie de plusieurs autres196 , date de novembre 1988, la CDPI n’a été saisie par le Conseil départemental qu’en 2006 et sa radiation n’a été prononcée par la juridiction ordinale qu’en avril 2013. Il est apparu par la suite qu’un élu ordinal, dont la gestion de l’affaire avait été mise en cause par l’avocat général au cours de l’audience publique, lors de ce procès, et toujours en 194 Circulaire du 24 septembre 2013 relative aux relations entre les parquets et les ordres de professions en lien avec la santé publique (NOR : JUSD1323940C). 195 Le Dr X a été condamné le 20 février 2014 à huit ans de prison par la Cour d’Assises de Paris pour des faits de viols et agressions sexuelles sur six patientes. 196 Datant de 1990, 1995 et 2004. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 106. COUR DES COMPTES 106 fonction en 2019, avait lui-même fait l’objet de plaintes de deux patientes différentes pour des faits à caractère sexuel197 . Entre 2014 et 2017, 150 plaintes pour des faits à caractère sexuel ont été enregistrées dans les chambres disciplinaires de première instance, ce qui représente, en 2017, 3,5 % des plaintes et le 10ème grief le plus souvent allégué sur une soixantaine recensés198 . Près de 43 % de ces plaintes ont fait l’objet d’un rejet. Les 57 % restants ont abouti, pour 11 %, à des avertissements ou blâmes, 5 % à des suspensions totalement assorties de sursis, donc sans effet immédiat sur l’exercice du praticien sanctionné ; 12 % ont abouti à des radiations et 29 % à des interdictions d’exercer assorties de sursis. Les conseils départementaux de l’ordre prennent rarement l’initiative de déposer plainte devant la juridiction disciplinaire (seulement huit fois en 2016, dont six après le prononcé de condamnations pénales). Ils s’associent également peu aux plaintes des patients, sauf lorsque le médecin mis en cause reconnait les faits199 . L’analyse d’une cinquantaine200 de décisions rendues entre 2016 et 2017201 révèle l’existence d’irrégularités de procédure (les plus fréquentes concernent des plaintes traitées comme de simples doléances) ou un manque de diligence dans le traitement des dossiers. Le manque de diligence est le plus souvent lié à la non transmission aux chambres disciplinaires de faits similaires antérieurs ou simultanés mettant en cause les mêmes médecins. C’est ainsi le cas du Dr A., généraliste ostéopathe ayant fait l’objet, en trois ans, auprès de deux conseils, de trois plaintes de patientes pour des faits identiques d’attouchements sexuels. La première plainte a été traitée par le conseil des Alpes-de-Haute-Provence comme une doléance et classée sans conciliation. La seconde, transmise à la juridiction disciplinaire par le conseil du Var, a été rejetée pour absence de preuve, le conseil n’ayant pas 197 L’une des plaintes a fait l’objet d’un désistement de la plaignante, et l’autre a été jugée irrecevable par la juridiction ordinale, la plaignante ne s’étant pas acquittée du droit de timbre alors en vigueur. 198 Ces plaintes sont notamment plus nombreuses que celles introduites la même année pour des arrêts de travail litigieux (34), sont égales au nombre de plaintes introduites par des médecins entre eux au titre de la diffamation (36) et très légèrement inférieures au nombre de plaintes introduites pour erreur de diagnostic (38) ou pour défaut d’information du patient (40). 199 Soit 5 cas sur 8 en 2016. 200 Parmi 90 décisions relatives à des faits à caractère sexuel transmises par le greffe du CNOM à la demande de la Cour. 201 Réparties dans presque toutes les régions françaises. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 107. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 107 porté à la connaissance de la chambre l’existence de la première plainte. Une troisième plainte pour des faits identiques a été déposée en 2018. Les poursuites et sanctions disciplinaires interviennent souvent bien après des sanctions pénales. Tel est le cas d’un médecin d’un département du centre de la France, déjà condamné pour agression sexuelle à six mois d’interdiction d’exercer par le tribunal correctionnel au début des années 2000, que le conseil de l’ordre n’a décidé de poursuivre au disciplinaire qu’en mai 2016, après une récidive dont l’ordre était informé depuis 2015, ou encore du Dr X, poursuivi par le Conseil national plus de trois ans après sa condamnation en février 2014 par le tribunal correctionnel de Cayenne pour des faits d’agression sexuelle sur mineur par personne ayant autorité. Trois exemples de traitement des plaintes à La Réunion 1/ Le Dr C., conseiller ordinal au conseil départemental de La Réunion (CDOM) entre 2006 et 2009, a été condamné le 14 octobre 2010 par le tribunal correctionnel à six mois de prison avec sursis, deux ans de mise à l’épreuve et obligation de soins pour consultation d’images pédopornographiques. Le CDOM n’a intenté aucune poursuite disciplinaire. Un an plus tard, sous la pression de 131 médecins signataires d’une pétition, le CDOM s’est résolu à porter plainte. Le 30 septembre 2013, le Dr C. a été condamné à un blâme. Parallèlement, l’ordre a continué d’apporter son soutien au Dr C. et porté plainte pour « atteinte à la confraternité » contre le praticien lanceur d’alerte à l’origine de la pétition. Sur appel du CNOM et du Procureur de la République en mars 2015, la sanction initiale a été alourdie et une interdiction d’exercer pendant six mois dont quatre avec sursis a été prononcée202 . 2/ Le 30 avril 2015, le Dr R. a été radié du tableau de l’ordre, décision confirmée en septembre 2017. Dans ce dossier, le CDOM est resté longtemps inactif. En effet, cette sanction n’est intervenue que quatre ans après la condamnation pénale du praticien à huit ans de prison, portée à 12 ans de prison en appel, pour viols aggravés, viol sur mineure de 15 ans par personne ayant autorité que lui confère ses fonctions, et agressions sexuelles sur mineure de moins de quinze ans. 202 Il a fallu une nouvelle plainte en 2016 à la suite d’une récidive pour que soit prononcée une radiation définitive du tableau de l’ordre, confirmée en appel en avril 2018. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 108. COUR DES COMPTES 108 3/ En 2005, le Dr S., médecin à Mayotte, a été condamné par le tribunal correctionnel à deux ans de prison avec sursis assortis d’une interdiction temporaire d’exercice de trois ans pour agression sexuelle par personne abusant de l’autorité qui lui confère sa fonction. En octobre 2006, le CDOM de Mayotte ayant refusé de l’inscrire au tableau, il s’est alors adressé au CDOM de La Réunion qui a validé son inscription en décembre 2006. L’ordre a donc autorisé le praticien à exercer, en dépit d’un jugement du tribunal qui le lui avait interdit. À la suite d’une récidive, il a été condamné le 18 mars 2015 par la Chambre disciplinaire nationale à la radiation définitive. Les sanctions prononcées à l’encontre des médecins ayant eu des relations consenties avec des patients sont très hétérogènes, ces sanctions pouvant aller de l’avertissement à la radiation. Après une première campagne de sensibilisation en 2017, le Conseil national a ajouté au code de déontologie, en mars 2019, un commentaire prohibant tout rapport sexuel entre praticiens et patients, considérant qu’il s’agit, de la part du médecin, d’un abus de faiblesse. Cet ajout pourrait permettre de mieux qualifier les faits et d’homogénéiser les sanctions prononcées. L’actualité récente, relative aux agissements d’un chirurgien de Charente-Maritime, démontre, s’il en était besoin, l’importance d’une transmission rapide et complète des informations disponibles au sein de l’ordre mais également entre celui-ci, les autorités administratives et le cas échéant judiciaires, ainsi que les employeurs. III - Une justice disciplinaire marquée par de nombreuses insuffisances Le principe de la justice ordinale est de faire juger les médecins par leurs pairs. Siègent donc au sein des chambres disciplinaires des élus ordinaux – ou d’anciens élus ordinaux –, sous la présidence d’un magistrat de l’ordre administratif203. Les chambres disciplinaires de première instance (CDPI) ont jugé, en 2017, 1 319 affaires et la CDN près de 400. De 2012 à 2017, l’activité des CDPI a augmenté de 32 % et celle de la CDN de 23 %. Les deux tiers 203 Les CDPI sont présidées par un magistrat professionnel depuis la loi du 4 mars 2002. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 109. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 109 des plaintes émanent de patients, 12 à 14 % émanent de médecins, près de 20 % de conseils départementaux de l’ordre, 1 % du CNOM ou d’ARS 204 . Les recommandations formulées par la Cour à la suite du contrôle de 2011 et par le Conseil d’État en 2013, portant sur le renforcement de la compétence, de l’indépendance et de l’impartialité des juridictions ordinales, n’ont été que peu suivies d’effet. Certains faits récents illustrent l’importance d’une prise de conscience des difficultés rencontrées par ces chambres et la nécessité d’une réforme de leur fonctionnement. A - Une professionnalisation de la justice disciplinaire à achever 1 - Des délais de jugement en baisse, mais supérieurs au plafond légal Le délai moyen de jugement, pour l’ensemble des CDPI, était en 2017 de 9 mois et 23 jours, sensiblement supérieur au délai de six mois imposé par la loi pour statuer sur une plainte disciplinaire205 . Il n’existe pas de corrélation entre le nombre d’affaires enregistrées par les chambres et leurs délais de jugement. Ainsi, avec un volume de moins de cinquante affaires chacune jugées en 2016, plusieurs juridictions avaient des délais de jugement supérieurs à un an, alors que sept autres ont respecté le délai de six mois. Les CDPI d’Auvergne et d’Antilles-Guyane enregistrent les plus longs délais, un peu plus de 14 mois, alors qu’elles n’ont jugé respectivement que 17 et 21 dossiers au cours de l’année. Pour combler leur retard, ces juridictions, ainsi que celles connaissant une progression constante de leur activité comme l’Île-de-France ou PACA-Corse, auraient pu faire le choix d’augmenter durablement leur nombre d’audiences. Tel n’a pas été le cas. 2 - Un manque de pilotage global dans la gestion des juridictions Contrevenant à l’obligation légale qui est la sienne, le Conseil national s’est jusqu’à présent abstenu de fixer chaque année la part de la cotisation consacrée au fonctionnement des chambres disciplinaires. Les 204 En appel, un quart seulement des recours émane de patients et la moitié des médecins poursuivis. 205 Article L. 4124-1 du CSP. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 110. COUR DES COMPTES 110 besoins budgétaires des chambres sont ainsi établis par les conseils régionaux, sans que soit garanti un traitement équitable entre les juridictions. Dès lors que les chambres disciplinaires ne bénéficient pas de ressources identifiées, qu’elles ne disposent pas d’un budget propre et que l’ordre n’a pas développé d’outil de comptabilité analytique, leur coût de fonctionnement global n’est pas précisément connu. Il peut toutefois être évalué à près des 2/3 du budget des conseils régionaux, soit un peu plus de 6,5 M€. Le budget de la CDN, qui fait quant à lui l’objet d’un chiffrage annuel, se monte en moyenne à 1,8 M€ par an (soit moins de 2 % des dépenses de l’ordre dans son ensemble). Une circulaire du Conseil national du 26 novembre 2014 a certes invité les conseils régionaux à prévoir, pour le fonctionnement des chambres, des lignes budgétaires différenciées faisant apparaître le salaire des greffiers ainsi que les indemnités allouées aux assesseurs. Mais ces consignes, insuffisamment respectées et peu contrôlées, n’ont pas permis au Conseil national de détecter des disparités, voire des anomalies patentes, concernant notamment les rémunérations des assesseurs. Les anomalies ne sont pas davantage identifiées par les présidents de chambre, rarement associés par l’ordre à la gestion de leur juridiction et isolés dans l’exercice de leur mission206 . 3 - Des assesseurs souvent largement indemnisés La loi autorise le versement d’indemnités aux assesseurs, comme à tout membre de l’ordre qui assure une mission ponctuelle207. De fait, les assesseurs sont toujours indemnisés. En dépit de la préconisation faite en 2013 par la mission d’inspection des juridictions administratives d’unifier les rémunérations des assesseurs et des rapporteurs afin de rendre plus attractives les fonctions juridictionnelles, celles-ci sont restées très hétérogènes. La rémunération pour participation à l’audience208 peut varier du simple au triple, de 80 € en Aquitaine à plus de 240 € en PACA-Corse. La rémunération au rapport peut, quant à elle, varier du simple au décuple : de 50 € dans le Centre ou l’Alsace à 540 € en Lorraine pour les dossiers les plus complexes. Par ailleurs, s’il est possible de rémunérer différemment, comme en Basse-Normandie, un assesseur-simple et un assesseur-rapporteur, le 206 Aucune réunion des présidents de juridiction n’a eu lieu depuis juin 2015. 207 Article R.4125-9 du CSP. 208 Une audience se tient sur ½ journée. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 111. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 111 cumul des indemnités d’audience et des indemnités de rapporteur est quant à lui sujet à caution. Telle est en tout cas l’analyse de la chambre disciplinaire nationale, au sein de laquelle les assesseurs sont rémunérés 241,50 € par audience, aucune indemnité spécifique n’étant versée au rapporteur. Ce cumul est pourtant fréquent dans les juridictions de première instance. Il aboutit à servir à des assesseurs des rémunérations pouvant atteindre 747 € par audience dans une région, pour des cas complexes. De tels montants sont très supérieurs au montant réglementaire des indemnités versées, jusqu’en 2018, par les agences régionales de santé (ARS) aux présidents de juridiction de première instance et fixées par arrêté ministériel à 183 € par audience209, ce montant couvrant la préparation de l’audience, sa tenue et la rédaction des jugements. Depuis le 1er janvier 2019210, ce montant s’élève à 400 € par audience et son paiement est à la charge de l’ordre. 4 - Un investissement inégal des présidents de chambre dans l’organisation et la gestion de leur juridiction Les magistrats présidant la chambre nationale étaient, quant à eux, rémunérés par le Conseil national sur la base de montants librement fixés par l’ordre, en l’absence de tout texte autorisant cette prise en charge, comme cela a été constaté par la Cour pour d’autres ordres des professions de santé. La réforme amorcée en 2017211 , suite aux recommandations de la Cour formulées à l’occasion du contrôle de l’ordre des chirurgiens- dentistes, a permis de donner une base légale à ces rémunérations et de réévaluer substantiellement le montant des indemnités versées aux présidents de chambres de première instance, dont le montant constituait un frein aux candidatures et pouvait expliquer de longues phases de vacances de poste dans certaines chambres. Les modalités de rémunération par audience n’ont pas incité à une organisation efficiente des juridictions. Certaines ont en effet pris le parti – plus rémunérateur – d’augmenter le nombre d’audiences et de limiter le nombre de dossiers par audience212 . D’autres ont pu traiter en audience des 209 Arrêté du 28 août 2007 modifié par un arrêté du 3 juillet 2014. 210 Arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget du 3 mai 2018. 211 Ordonnance du 27 avril 2017 et arrêté du 3 mai 2018. 212 Exemple d’une région de la moitié nord de la France qui a limité à deux le nombre de dossiers par audience alors qu’il est de quatre en moyenne ailleurs. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 112. COUR DES COMPTES 112 affaires relevant d’une ordonnance. Ainsi, de simples désistements de plainte213 ou des rejets de plainte pour irrecevabilité ont été « audiencés » et jugés dans un délai deux fois supérieur au délai légal, alors qu’ils auraient pu être réglés par ordonnance214 . Or, les magistrats ne sont pas rémunérés lorsqu’ils statuent par ordonnance, tandis que l’ensemble des membres de la chambre le sont en cas d’audience. Dans les faits, une majorité de présidents se rendent en juridiction pour présider les audiences ou signer des ordonnances ainsi que pour retirer les dossiers en état d’être jugés, laissant de facto les personnels de greffe gérer et organiser seuls la juridiction. Peu nombreux sont les présidents qui participent à l’évaluation de ces derniers ou à leur recrutement. À peu près aucun ne connaît l’outil informatique de gestion des procédures qui a été déployé dans tous les greffes de l’ordre. La nomination de présidents suppléants aux côtés des titulaires, dans toutes les CDPI, devrait être de nature à remédier à ces difficultés, d’autant que le volume des dossiers de plusieurs CDPI est amené à fortement augmenter à la suite de la fusion des régions – et donc des chambres disciplinaires – intervenue en février 2019. 5 - Une modernisation nécessaire La nomination de magistrats à la présidence des chambres disciplinaires, la mise en place d’un logiciel de suivi des affaires par les greffes et la professionnalisation progressive des personnels de greffe ont contribué à améliorer la qualité des décisions rendues par les juridictions ordinales. Mais la forte proportion d’annulations en appel, la faiblesse voire l’inexistence de l’instruction, ou encore la quasi-absence de liens entretenus avec les juridictions pénales dans les affaires les plus graves où ce serait nécessaire, démontrent que la justice ordinale n’a pas encore atteint un niveau de maturité et de professionnalisme suffisant. Les pouvoirs qui lui sont conférés – dont celui de suspendre ou radier un médecin – imposent pourtant un haut degré d’exigence. L’augmentation constante de l’activité des chambres disciplinaires renforce ce besoin, de même que la technicité croissante des contentieux, l’intervention plus fréquente d’avocats spécialisés et le souhait d’une plus grande transparence exprimé par les médecins autant que par les patients. 213 CDPI Aquitaine, n° 1495, du 26 juin 2018. 214 CDPI Aquitaine, n° 1543 et n° 1544, 26 juin 2018. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 113. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 113 Les efforts engagés pour harmoniser les jurisprudences des différentes chambres disciplinaires de première instance doivent être poursuivis. Avec la mise en place de l’outil Thémis, l’accès à la jurisprudence a été simplifié mais le moteur de recherche utilisé est jugé peu performant par de nombreux greffiers, les assesseurs n’y ayant quant à eux pas accès215 . Le manque de performance des outils communs aux juridictions ainsi que des échanges limités avec la chambre disciplinaire nationale expliquent l’insuffisante harmonisation des sanctions216 rendues pour des faits portant sur des griefs identiques. Le greffe de la chambre disciplinaire nationale a relevé à ce sujet « l’absence de corrélation entre les manquements sanctionnés et le quantum de la sanction ». Ces constats plaident pour qu’un effort particulièrement vigoureux soit consenti en matière de formation des personnels et des conseillers de ces juridictions et pour que des échanges entre présidents de chambres disciplinaires soient organisés régulièrement. B - Des conditions d’indépendance et d’impartialité des juridictions imparfaitement remplies La professionnalisation et l’indépendance des juridictions ordinales ont été sensiblement confortées depuis 2017, avec un renforcement du régime d’incompatibilité applicable au président de la chambre disciplinaire nationale ou aux assesseurs des chambres de première instance217 et la fixation par arrêté du montant des indemnités allouées aux présidents des chambres disciplinaires218 . 215 Les assesseurs ont accès à des informations sur l’intranet de l’ordre, via un moteur de recherche également inopérant. 216 Pour mémoire, les chambres disciplinaires peuvent prononcer quatre types de sanctions : l’avertissement, le blâme, l’interdiction d’exercer totale ou partielle, la radiation. 217 Incompatibilité des fonctions de conseiller d’État chargé d’assister le Conseil national avec celles de président de la chambre disciplinaire ; incompatibilité également entre les fonctions de président ou de secrétaire général d’un conseil et celle d’assesseur à la chambre disciplinaire de première instance (ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 codifié à l’article L. 4122-3 du CSP). 218 Art. 2 de l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017, codifié à l’art. L. 4124-7 du CSP. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 114. COUR DES COMPTES 114 Ces mesures, qui constituent une indéniable garantie de plus grande indépendance des juridictions, ont été prises malgré l’opposition du Conseil national de l’ordre. 1 - Un positionnement ambigu des personnels de greffe Le personnel de greffe est placé sous l’autorité fonctionnelle du président de la juridiction qui définit ses missions. Cette indépendance, qui découle d’une disposition légale, est en effet une condition essentielle de l’indépendance des chambres disciplinaires. Dans la plupart des régions, ces salariés assument tour à tour des fonctions de greffe de la chambre disciplinaire et d’agent administratif du conseil régional ou d’un conseil départemental, à l’exception notable de Auvergne-Rhône-Alpes. Un même salarié peut ainsi participer, au sein d’un conseil départemental, à la rédaction des procès-verbaux de conciliation et des plaintes, avant d’instruire ces mêmes plaintes et d’assister aux audiences et aux délibérés en tant que greffier à la chambre disciplinaire. Cette dualité de fonctions, justifiée par le faible volume d’activité de certaines chambres219, peut cependant poser des difficultés de positionnement aux personnels concernés, placés sous la double autorité du président du conseil de l’ordre et du président de la chambre disciplinaire. Cette situation devient particulièrement délicate lorsque ces salariés ont des liens familiaux avec les élus ordinaux pouvant faire peser un doute sur l’indépendance des travaux de la juridiction. Ainsi, dans trois régions, la greffière de la chambre disciplinaire se trouvait être la fille d’un assesseur, également membre du conseil régional et président ou secrétaire général d’un conseil départemental de ladite région – voire dans un cas membre du bureau du Conseil national220 . 219 18 chambres sur 25 comptent moins de 50 affaires enregistrées par an (chiffres 2017). 220 Selon l’ordre, il aurait été récemment mis fin à ces situations. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 115. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 115 2 - Des conseils régionaux qui peuvent entraver le bon fonctionnement des juridictions a) A la CDPI d’Ile-de-France, un manque de personnel et une faille dans la sécurité informatique des dossiers en cours et archivés En Ile-de-France, le nombre d’affaires jugées a diminué entre 2015 et 2017, passant de 348 à 307. Parallèlement, le délai de jugement a augmenté de quatre mois et le nombre d’affaires en instance de jugement représente désormais une année d’activité. Cette dégradation s’explique par la complexité croissante des dossiers mais également par le choix, lié en partie à un manque d’effectifs au greffe, de ne pas organiser de nouvelles audiences. Son effectif est de quatre personnes, quand la chambre nationale, qui a traité 394 dossiers en 2017, compte quatre juristes expérimentés et six secrétaires. Parallèlement, un effort a été fait pour dématérialiser les procédures. Les nouveaux dossiers ont ainsi été numérisés et rendus accessibles sur des tablettes lors des audiences. Cette dématérialisation a cependant été réalisée sur un serveur commun au greffe, auquel le président, le trésorier et le secrétaire général avaient accès depuis leur ordinateur. Aucune confidentialité des affaires n’était donc assurée. Ce n’est que sur la recommandation de la Cour, à l’occasion du contrôle, que les accès ont été bloqués en octobre 2018. Les dossiers physiques, confidentiels, étaient quant à eux classés dans des armoires non sécurisées, facilement accessibles aux élus ordinaux jusqu’en fin d’année 2018. C’était également le cas en PACA-Corse, à La Réunion ou encore dans en Pays-de-la-Loire. b) A la CDPI de Lorraine, une situation de crise illustrant les difficultés d’indépendance de certaines CDPI En Lorraine, les relations très tendues entre le président du conseil régional et la greffière, ont abouti en novembre 2018 à une crise préjudiciable au bon fonctionnement de la chambre disciplinaire : les travaux de la juridiction ont été totalement interrompus pendant trois semaines, à la suite de la saisie par un huissier, à la demande du président du conseil régional de l’ordre, de l’ordinateur de la juridiction, dans le cadre d’une procédure de licenciement lancée à l’encontre de la greffière. Les magistrats de la CDPI ont été mis devant le fait accompli. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 116. COUR DES COMPTES 116 Cette situation illustre la nécessité d’assurer aux greffiers une réelle indépendance vis-à-vis des élus du conseil régional. À cet égard, le nouveau règlement intérieur du Conseil national, adopté en décembre 2018, qui prévoit d’associer les présidents de juridiction aux décisions concernant les greffiers, représente un progrès. Il convient d’aller plus loin en confiant au niveau national la gestion de ces personnels et en harmonisant leur niveau de rémunération sur le territoire national. 3 - Des problèmes récurrents d’impartialité au sein des formations de jugement La composition des chambres disciplinaires porte en elle des risques de défaut d’impartialité et de conflits d’intérêt, les assesseurs pouvant se trouver en position de juge et partie quand est jugé un confrère inscrit au conseil départemental dont ils sont élus. Conscients de ces risques, le Conseil national et la chambre disciplinaire nationale ont diffusé en 2014 une charte déontologique des membres des juridictions221 fixant des règles d’incompatibilité et des recommandations de déport222. En dépit de ces précautions, la chambre d’appel a annulé en 2017, pour partialité de la composition de formation de jugement, 13 décisions rendues dans au moins huit juridictions. Aucune poursuite n’a cependant été engagée – ni même aucun rappel à l’ordre formalisé – à l’encontre des médecins ayant siégé dans ces conditions contrevenant à la charte de déontologie. En 2017, deux ordonnances ont renforcé le régime des incompatibilités, en prohibant le cumul des fonctions223 de président et de secrétaire général d’un conseil avec celle d’assesseur. Ces dispositions ne s’appliquent qu’au fur et à mesure des remplacements découlant des élections. En décembre 2018, 23 élus répartis dans 17 chambres disciplinaires étaient encore officiellement à la fois assesseur et président ou secrétaire général de conseils régionaux224. 221 CNOM/CHDN/3/04/2014. 222 Une décision de la chambre disciplinaire nationale du 26 mai 2015 a ensuite interdit la présence, dans une formation de jugement, d’un assesseur membre du même conseil départemental que celui au tableau duquel le praticien jugé est inscrit. 223 Articles L. 4122-3 et L. 4124-7 du CSP. 224 Dans six CDPI (Antilles-Guyane, Basse-Normandie, Champagne-Ardenne, Haute- Normandie, Lorraine et Pays-de-la-Loire) ce sont à la fois le président et le secrétaire L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 117. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 117 Afin d’assurer une plus grande impartialité des chambres disciplinaires et de garantir effectivement leur indépendance vis-à-vis des organes administratifs de l’ordre, il conviendrait d’interdire la nomination, aux fonctions d’assesseur, des élus ordinaux en poste ou ayant exercé des fonctions ordinales dans les trois dernières années. Cette rupture du lien existant aujourd’hui entre les fonctions d’assesseurs et d’élus ordinaux serait au bénéfice de l’exemplarité et du professionnalisme des élus. Si de nombreux assesseurs s’impliquent dans leurs fonctions avec la conscience de la responsabilité supplémentaire qui leur incombe, d’autres font preuve d’un comportement critiquable. Le respect scrupuleux des règles de déontologie est particulièrement nécessaire pour ceux qui sont chargés de juger leurs pairs et de faire respecter la déontologie médicale. Exemples de manquements déontologiques de la part d’assesseurs 40 décisions disciplinaires ont été annulées entre 2015 et 2017 du fait de la partialité de la composition de la formation de jugement. Certains assesseurs font montre d’une indulgence difficile à justifier vis-à-vis de confrères qu’ils sont réputés juger impartialement : dans deux cas, des élus ont siégé en CDPI en qualité d’assesseur alors qu’ils connaissaient personnellement le médecin poursuivi (cas en PACA-Corse en 2013, en Lorraine en 2018) ; d’autres élus, dans des conseils départementaux, comme à Paris, ont retardé l’engagement de poursuites disciplinaires contre des médecins accusés d’agressions sexuelles ou de viols225 , ces poursuites n’intervenant bien souvent qu’après l’engagement des poursuites judiciaires, voire après la condamnation pénale desdits médecins. général du CROM qui étaient assesseurs. Les CROM de Normandie et des Pays de la Loire ont mis fin à ce cumul en 2019. 225 « En s’abstenant de transmettre l’un ou plusieurs des courriers dont il avait été saisi avant 2004 au conseil régional […] et sans établir ni même alléguer l’existence d’un intérêt général justifiant cette abstention, [le CDOM de Paris] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité » (Cour d’appel de Paris, décision n° 11PA03595 condamnant en octobre 2012 le CDOM de Paris à verser à l’une des victimes d’un gynécologue parisien la somme de 3 000 €, dans le cadre de l’affaire mentionnée au II C supra). L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 118. COUR DES COMPTES 118 Dans un cas au moins, un assesseur, condamné pénalement, continue à siéger et à juger ses pairs. Conseiller ordinal du Sud de la France, il a été condamné pour travail illégal par le tribunal correctionnel en 2013 – il avait été mis en examen pour avoir délivré un faux arrêt maladie à un maçon tout en l’employant – ; il a conservé ses fonctions ordinales et a été élu en qualité d’assesseur à la chambre disciplinaire de sa région. La Cour a identifié d’autres cas d’assesseurs trop complaisants à l’égard des confrères qu’ils jugent (au moins cinq cas) et d’assesseurs ayant violé les règles déontologiques dont ils doivent être les garants (au moins cinq cas également). Ces exemples plaident pour que la fonction d’assesseur soit rendue incompatible avec celles d’élu ordinal et pour qu’une enquête de moralité approfondie soit effectuée avant la désignation des assesseurs. C - Des évolutions procédurales nécessaires 1 - Des pouvoirs d’instruction insuffisamment utilisés par les rapporteurs Les chambres disciplinaires ne disposent que rarement d’informations relatives à la situation des médecins poursuivis, aux plaintes dont ils ont pu faire l’objet antérieurement ou à d’éventuelles autres procédures en cours les concernant. Porter à la connaissance des rapporteurs et des magistrats, outre les précédentes décisions rendues par la juridiction ordinale, l’existence de faits antérieurs, surtout quand ils sont similaires, serait pourtant de nature à éclairer leur jugement, notamment dans les affaires où la charge de la preuve est difficile à apporter, comme les affaires de mœurs ou de refus de soins. À tout le moins, l’absence de transmission systématique de ces informations aux chambres disciplinaires pourrait être compensée par la réalisation « en routine » d’actes d’instruction visant à s’assurer de la complétude des dossiers. Les rapporteurs ont en effet le pouvoir d’entendre les parties, de recueillir tous témoignages et de procéder à toutes constatations utiles à la manifestation de la vérité226 , pouvoirs qu’ils n’exercent que très rarement. De plus, la juridiction disciplinaire peut, contrairement à la juridiction administrative, se fonder sur des faits nouveaux connus au cours de la procédure et tenir compte de l’ensemble du comportement d’un praticien sans devoir se limiter aux seuls faits dénoncés dans la plainte227 . À l’exception de la chambre disciplinaire de 226 Article R. 4126-18 du CSP. 227 CE 29 janvier 1997, CPAM de Rouen, CE 19 octobre 1956, Princeteau. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 119. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 119 Rhône-Alpes, dont les assesseurs entendent chaque partie avant l’audience, rares sont les rapporteurs à approfondir l’instruction. 2 - Une forte proportion de décisions annulées en appel En 2011 déjà, la Cour s’interrogeait sur la qualité de la préparation des décisions juridictionnelles, compte tenu de la proportion très élevée d’annulation en appel des décisions des chambres de première instance, alors même que celles de la chambre nationale n’étaient quasiment jamais remises en cause par le Conseil d’État en cassation. La situation n’a guère évolué, comme le montre le tableau ci-après. Sur les 292 affaires examinées en 2017, seules 39 % ont été confirmées par la Chambre disciplinaire nationale (CDN). Tableau n° 7 : sens des décisions de la Chambre disciplinaire nationale 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Nombre d’affaires jugées 267 236 265 279 302 292 dont confirmations 130 (49 %) 123 (52 %) 130 (49 %) 130 (47 %) 137 (45 %) 115 (39 %) dont réformations 45 (17 %) 31 (13 %) 39 (15 %) 52 (18 %) 54 (18 %) 45 (15 %) dont annulations 85 (32 %) 75 (32 %) 82 (31 %) 92 (34 %) 104 (35 %) 92 (32 %) dont annulations partielles 7 (2 %) 7 (3 %) 14 (5 %) 5 (1 %) 7 (2 %) 40 (14 %) Source : CNOM La moitié des décisions annulées par la chambre disciplinaire nationale l’ont été pour vice de forme ou de procédure, en raison d’un manque d’impartialité de la composition de jugement ou en raison de la qualité même des jugements : insuffisance de motivation, non prise en compte de certains griefs, défaut d’analyse de la validité de la plainte et de la qualité à agir notamment. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 120. COUR DES COMPTES 120 Ces mauvais résultats s’expliquent par l’absence de formation de certains personnels de greffe, le manque de formation spécifique des assesseurs228 ou encore le faible volume de dossiers examinés par certaines chambres. Une meilleure formation juridique des assesseurs et des personnels départementaux, une analyse juridique systématique par le Conseil national de l’ensemble des décisions des chambres de première instance, ainsi que la capacité pour la chambre disciplinaire nationale de soulever d’office certains griefs seraient de nature à faire baisser sensiblement le nombre d’annulations pour vice de procédure. 3 - Des adaptations indispensables du cadre législatif et règlementaire La modernisation de la justice ordinale ne dépend pas seulement de la capacité de l’ordre à s’améliorer, à moderniser ses outils et à former ses personnels et ses élus. Pour répondre aux attentes des justiciables, elle passe également par une modification du cadre législatif et réglementaire qui lui est applicable. a) Clarifier la notion de « doléance » Le ministère de la santé partage l’analyse de la Cour selon laquelle il n’appartient pas aux conseils départementaux de l’ordre de procéder à une qualification des courriers adressés à l’ordre par les patients, un tel tri entre « doléances » et « plaintes » étant de nature à nuire « manifestement à la prise en charge exhaustive et juste des plaintes que les usagers ont entendu porter ». Pour faciliter le traitement du volume des courriers de signalement souvent hétérogènes, et dans l’intérêt des patients, il conviendrait de faire obligation à l’ordre d’accuser réception de l’ensemble des signalements reçus et d’aviser leurs auteurs de la possibilité de déposer une plainte en bonne et due forme si tel est leur souhait. Enfin, par souci de transparence, il doit être demandé à l’ordre de rendre compte publiquement chaque année du nombre de courriers de signalement reçus, en distinguant les plaintes des « doléances » et en indiquant le nombre de plaintes ayant fait l’objet de conciliation. 228 En 2013, le président de la CDN avait exprimé son opposition à la proposition de la MIJA de mettre en place des formations annuelles d’assesseurs assurées par la CDN. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 121. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 121 b) Dématérialiser intégralement les procédures Si la dématérialisation des procédures est effective devant les juridictions administratives et en cours de déploiement pour les sections des assurances sociales, elle n’a pas encore été engagée par les juridictions disciplinaires. De ce fait, les conseils départementaux de l’ordre consacrent un temps précieux à mettre en forme et reproduire en cinq exemplaires229 les dossiers de plainte destinés aux chambres disciplinaires. Ce travail fastidieux, consommateur de temps et coûteux230, entraîne de fréquents retards dans la transmission des plaintes. Les fonctionnalités du logiciel de suivi des procédures permettent pourtant la saisie de pièces dématérialisées, mais elles ne sont aujourd’hui guère utilisées. c) Réviser les règles d’appel Il résulte des principes généraux du droit qu’une sanction infligée en première instance ne peut pas être aggravée par le juge d’appel s’il n’est saisi que du seul recours du médecin sanctionné. A l’inverse, si l’appel est introduit par un autre que le médecin poursuivi, le juge d’appel, même s’il constate l’absence de faute, ne peut prononcer de peine plus légère que celle prononcée en première instance. Le juge d’appel disciplinaire est ainsi lié par des règles procédurales qui peuvent aboutir à léser les plaignants aussi bien que les médecins poursuivis. Un jugement d’appel rendu le 27 juin 2012231 sur une décision de la chambre disciplinaire d’Ile-de-France ayant condamné un médecin à un blâme, pour défaut de soins consciencieux et dévoués, est à cet égard illustratif. La chambre d’appel relève que le « comportement gravement fautif [du Dr X] aurait justifié une sanction nettement plus importante que celle du blâme qu’ont retenue à son encontre les premiers juges, mais qu’en l’absence d’appel a minima de la plaignante, il n’est pas possible au juge d’appel de se prononcer ; qu’il en résulte que les appels du Dr. X et du conseil départemental de Seine-et-Marne doivent être rejetés ». Afin de permettre à la chambre disciplinaire nationale d’exercer la plénitude de ses compétences, sur le fond comme sur le quantum de sanction prononcée, il est indispensable, en l’état actuel des textes, que les 229 Selon les préconisations du CNOM du 10 octobre 2018, en référence aux articles R. 411-3 et R. 411-4 du code de justice administrative. 230 Frais de personnel, fournitures, frais postaux et lieux de stockage. 231 Chambre disciplinaire nationale n° 11119. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 122. COUR DES COMPTES 122 conseils départementaux – ou le Conseil national de l’ordre – fassent eux- mêmes appel, à la suite de l’appel formé par un médecin condamné en première instance. Or, en 2017, cette faculté n’a été exercée que dans 4 % des affaires. Les médecins sanctionnés ont donc tout intérêt à faire systématiquement appel, puisque, dans 96 % des affaires, la sanction prononcée en première instance n’a pu être aggravée du fait de l’ordre. Des consignes claires mériteraient d’être diffusées par le Conseil national aux conseils territoriaux, d’une part pour rappeler ces règles procédurales singulières encore ignorées de nombreux élus, d’autre part pour harmoniser les pratiques des conseils en matière disciplinaire. Par ailleurs, et comme le suggère l’ordre lui-même, il semblerait opportun de revoir les délais de recours pour permettre aux parties pouvant interjeter appel de disposer d’un temps de réflexion suffisant. En l’état actuel des textes, ce délai n’est que de trente jours, alors que le délai de droit commun est de deux mois. d) Permettre l’examen des plaintes à l’encontre des médecins chargés d’une mission de service public Les plaintes de patients ou de médecins à l’encontre des médecins chargés d’une mission de service public, souvent des hospitaliers, bien qu’en augmentation, ne sont pas recevables232. Le Conseil national recommande cependant aux conseils départementaux de proposer une conciliation, même si elle n’est pas prévue par les textes. La procédure n’aura pas d’autre suite si la conciliation n’aboutit pas, la plainte ne pouvant pas être transmise à la chambre disciplinaire, sauf à ce que le CDOM l’endosse. L’application de ces consignes s’est révélée très hétérogène. Afin de garantir aux plaignants une équité de traitement, tous les médecins devraient être soumis aux mêmes règles procédurales, à l’exception toutefois de ceux chargés d’une mission d’expertise ou de contrôle afin d’éviter les procédures abusives. 232 Aux termes de l’article L. 4124-2 du code de la santé publique, seuls le ministre de la Santé, le préfet, le directeur général de l’ARS, le procureur de la République, le CNOM ou le CDOM au tableau duquel le praticien est inscrit peuvent saisir la CDPI. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 123. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 123 e) Gérer les plaintes sérielles La justice disciplinaire de l’ordre a été saisie, à plusieurs reprises ces dernières années, de plaintes « sérielles » telles que les juridictions administratives ou judiciaires ont pu en connaître notamment en matière de santé publique ou d’environnement : plaintes portées contre les traitements de la maladie de Lyme, plaintes contre des médecins « anti-vaccins » ou, plus récemment, plaintes contre les médecins opposés au remboursement de certaines médecines dites « alternatives » dont l’homéopathie233 . Ces plaintes multiples concernent des faits communs et visent plusieurs médecins répartis dans plusieurs régions, ce qui occasionne de nombreuses saisines identiques de plusieurs chambres disciplinaires. En pareilles circonstances, il paraît souhaitable, pour une administration plus efficace et plus rapide de la justice disciplinaire, de prévoir une disposition légale permettant au président de la chambre disciplinaire nationale de désigner une seule chambre disciplinaire de première instance pour statuer sur l’ensemble de ces plaintes234. f) Publier les décisions rendues Certains pays ont fait le choix, dans un souci de transparence destiné à assurer la sécurité des patients et garantir l’effectivité des décisions de justice, de rendre publiques les décisions de suspension ou radiation. La France devrait s’en inspirer pour imposer la publication, sur le site de l’ordre des médecins, des mesures de radiation et de suspension d’exercer et permettre au public d’y effectuer des requêtes par nom. La publicité des sanctions prononcées : deux exemples étrangers Au Royaume-Uni, le Medical Act de 1983 a donné au General Medical Council, dans l’intérêt du public, le pouvoir de révéler des informations sur les médecins ayant des pratiques dangereuses. Les décisions de suspension ou de radiation sont ainsi publiées sur le site internet du GMC et une circulaire mensuelle de ces décisions est aussi transmise aux autorités compétentes britanniques et à certaines autorités d’autres pays. Le public peut faire une recherche sur un praticien par son nom ou son numéro de référence et peut trouver sur le site toutes les sanctions qui ont été prononcées à son encontre. 233 Une cinquantaine de médecins à travers la France sont concernés pour avoir signé une tribune dans Le Figaro. 234 À l’instar des pôles de santé publique en matière pénale. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 124. COUR DES COMPTES 124 Au Québec, les limitations ou suspensions du droit d’exercice, les radiations du tableau de même que les révocations doivent être communiquées à l’Office des professions qui publie ensuite dans la Gazette officielle du Québec toute décision définitive de radiation permanente ou de révocation d’un permis d’un professionnel235 . Plus généralement, toutes les procédures disciplinaires ayant donné lieu à un jugement sont accessibles sur un site internet ad hoc qui présente à la fois les décisions rendues et le déroulement de l’audience. Il en va différemment en France. Les décisions rendues par les chambres disciplinaires sont affichées dans les locaux de l’ordre. Le public n’en est donc pas informé. Par exception, la chambre disciplinaire de Poitou-Charentes publie sur le site internet du conseil régional une synthèse non anonyme des décisions rendues. La chambre de PACA-Corse publie, quant à elle, des résumés anonymisés complets des dossiers et des décisions rendues. Si le prononcé d’avertissements ou de blâmes à l’encontre de médecins est sans incidence pour les patients, il en va tout autrement des suspensions d’exercice et des radiations. Or, rien ne permet aujourd’hui à un patient de s’assurer que le médecin qu’il consulte est autorisé à exercer. Seul le fait qu’il ne figure pas sur l’annuaire des médecins mis en ligne par le Conseil national indique qu’un médecin est suspendu ou radié. IV - Une transformation à opérer L’ampleur des désordres constatés tant dans la gestion que dans l’accomplissement des missions invite à un changement profond du fonctionnement de l’ordre des médecins et à une révision de son modèle de gouvernance, qui aurait avantage à s’ouvrir en s’inspirant de modèles tant français, dans d’autres organismes, qu’étrangers. 235 En termes de protection du public, le Collège des médecins a d’ailleurs pris l’initiative de fixer une sanction minimale automatique à l’encontre des médecins pour inconduite sexuelle. Auparavant, les sanctions s’appuyaient sur une jurisprudence complaisante. Aujourd’hui, la sanction minimale est de cinq ans de radiation et toute atténuation doit être justifiée. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 125. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 125 A - Une nécessaire recentralisation au niveau national des responsabilités stratégiques L’organisation décentralisée adoptée par l’ordre a conduit à confier aux conseils départementaux et régionaux des responsabilités et des moyens importants qui, à défaut de contrôle interne et de vigilance, ont abouti à des abus et des désordres. De surcroît, le Conseil national n’a pas exercé les pouvoirs dont il pouvait disposer en matière de gestion financière et comptable, de budget ou de surveillance du patrimoine. Un rétablissement de la situation passe d’abord par la reprise en main, par le Conseil national, des leviers en matière de gestion financière et de ressources humaines. Repenser le circuit d’appel et de recouvrement des cotisations est prioritaire : c’est au Conseil national qu’il revient de recouvrer la totalité des cotisations, et de reverser ensuite, à chacun des échelons territoriaux, la quote-part qui lui revient. Cette mesure dont l’ordre, suite au contrôle de la Cour, semble envisager la mise en place à compter de 2020, permettrait de recouvrer et comptabiliser plus rigoureusement les cotisations, d’allouer aux différents conseils territoriaux des ressources financières mieux calibrées à leurs besoins et d’optimiser la gestion de la trésorerie. En matière de ressources humaines, une politique nationale est nécessaire, afin d’harmoniser les procédures de recrutement ou de fin de contrat, les salaires et les conditions de travail encadrées par une même convention collective. Elle mettrait également un terme au paternalisme ou népotisme constaté dans plusieurs conseils, que les développements précédents ont illustré. La remise en ordre passe ensuite par la fin de la personnalité civile accordée par le législateur aux conseils territoriaux, qui a conduit à trop d’abus pour ne pas être remise en cause. Le Conseil national doit seul bénéficier de la personnalité civile et être responsable de l’ensemble des missions de l’ordre, charge à lui de déléguer aux conseils territoriaux la mise en œuvre de certaines missions dans le cadre d’un mandat strict. Tous les ordres des professions de santé sont concernés. Le Conseil national a décidé de reprendre intégralement à son niveau la mission de suivi des relations médecins-industrie, délaissée par les conseils départementaux. À l’évidence, il convient d’aller plus loin pour garantir la sécurité des patients. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 126. COUR DES COMPTES 126 C’est pour avoir perdu de vue ses missions de contrôle de l’aptitude professionnelle des médecins et de leur respect de la déontologie que le conseil de l’ordre britannique, le General Medical Council (GMC), a connu une grave crise à la fin des années 90 avec l’affaire du Dr Shipman, médecin généraliste reconnu coupable de la mort de plus de 200 patients. Dans cette affaire, le GMC avait été accusé « de manquer de transparence, de tolérer des pratiques ne respectant pas la déontologie et d’être guidé par les intérêts de la profession plutôt que par ceux des patients236 ». À la suite de cette affaire, la sécurité des patients est devenue la priorité du GMC (« patient safety first »). B - L’ouverture de la gouvernance aux non médecins Dans le sens d’un renforcement de la démocratie sanitaire, une ouverture de la gouvernance de l’ordre à des personnes extérieures devrait être mise en œuvre. En 2000, l’IGAS préconisait d’ailleurs déjà une réflexion sur l’association de personnalités qualifiées représentant les usagers afin de « limiter la tentation d’une confraternité excessive ». Ces évolutions, qui ne sont d’ailleurs pas propres au monde des ordres des professions de santé, se sont déjà concrétisées dans plusieurs pays dont la France pourrait s’inspirer. Une gouvernance mixte, voire paritaire, entre médecins et non médecins, permettrait de mieux prendre en compte l’intérêt des patients. Cette doctrine de protection des patients est au cœur des modèles britannique, québécois et, dans une moindre mesure, belge. Des modèles étrangers à gouvernance mixte ou paritaire Au Royaume-Uni, le General Medical Council est dirigé par un conseil paritaire de 12 membres, dont six seulement sont médecins. La nomination des membres non professionnels est supervisée la Professional Standards Authority. Au Québec, le Collège des médecins de l’Office des professions a une composition mixte de 15 membres médecins (11 à compter de 2021) et quatre membres non médecins nommés par l’Office. En Belgique, le président de l’ordre des médecins est un président de section à la Cour de cassation. Les deux vice-présidents sont des médecins. 236 Rapport de Liam Donaldson, Chief Medical Officer for England, « Good Doctors, Safer Patients », 2006. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 127. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 127 L’objectif premier de ces trois organismes étrangers est d’assurer la sécurité des patients, quand celui de l’ordre des médecins français est de veiller d’abord au respect des règles de déontologie ainsi qu’à la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession. Cette différence est importante : le contrôle des compétences et le processus de revalidation y sont plus rigoureux qu’en France et les procédures disciplinaires, ci-avant évoquées, plus transparentes, puisque les suspensions et les sanctions prononcées à l’encontre de médecins sont systématiquement rendues publiques. L’élargissement de la gouvernance doit concerner également les commissions de conciliation et les chambres disciplinaires : les constats de la Cour sur le traitement des plaintes militent en ce sens. L’introduction de non- médecins au sein des chambres disciplinaires serait, quant à elle, de nature à mieux prévenir les conflits d’intérêt. La mixité de la composition des juridictionsordinalesexiste d’ailleurs déjàpour les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues237, le législateur ayant, dès 2004, décidé d’adjoindre aux membres des chambres disciplinaires de ces ordres deux représentants d’usagers désignés par le ministère de la santé, pour siéger lorsque les litiges concernent les relations entre professionnels et usagers. De manière plus générale, en matière de gouvernance, c’est à un ressaisissement que l’ordre est invité : la priorité doit être à la lutte contre les abus de toutes sortes et les conflits d’intérêt, en matière de gestion comme dans l’exercice de ses missions. La limitation du nombre des mandats successifs est de nature à limiter les risques, comme la publication des déclarations d’intérêt des élus ordinaux et le dépaysement de l’examen de leurs contrats soumis à l’avis de l’ordre. 237 Articles L. 4321-15 et 17, et L. 4322-8 et 10 du CSP issus de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 128. COUR DES COMPTES 128 __________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS____________ La tenue du tableau des médecins inscrits à l’ordre, bien qu’il soit géré avec des outils dépassés, est une des missions essentielles de l’ordre exercée de manière satisfaisante. Toutefois, l’ordre des médecins n’assure pas toutes ses missions administratives avec suffisamment de rigueur : il ne vérifie pas le respect des obligations de développement professionnel continu (DPC) ; le contrôle du respect par les médecins des règles déontologiques de la profession, qui est la raison d’être de l’ordre, souffre de graves lacunes notamment en matière de relations médecins industrie ; l’accès aux soins n’est pas une priorité. Sur tous ces points, l’ordre, trop souvent, met en avant la responsabilité des pouvoirs publics pour mieux justifier ses propres manquements. En outre, les plaintes de patients sont traitées de manière hétérogène, parfois avec désinvolture et la justice disciplinaire est empreinte d’importants dysfonctionnements. L’insuffisante représentativité de l’ordre, l’esprit de bénévolat parfois perdu de vue, le glissement des interventions de l’ordre hors du champ de ses compétences, sur le terrain de la défense des intérêts de la profession, qui relève du rôle des syndicats, invitent à revoir son modèle de gouvernance, qui aurait avantage à s’ouvrir à la société civile en s’inspirant de modèles étrangers. Il est donc urgent de replacer la sécurité des patients au centre des préoccupations de l’ordre des médecins, de modifier la gouvernance de l’ordre en l’ouvrant à des personnalités qualifiées, d’améliorer le service rendu aux médecins et d’achever la mutation de la justice disciplinaire. Compte tenu de ces éléments, la Cour formule les recommandations suivantes : 5. mettre en place un dispositif national de suivi et de relance des déclarations de développement professionnel continu (DPC) des médecins) (réitérée) (CNOM – ministère de la santé) ; 6. permettre un exercice partiel aux médecins affectés par une infirmité ou une maladie à l’instar des dispositions applicables aux médecins reconnus en insuffisance professionnelle (Ministère de la santé) ; 7. créer un portail unique mettant en cohérence les systèmes d’information « Transparence Santé » et « anti-cadeaux » (Ministère de la santé) ; L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 129. DES MISSIONS ADMINISTRATIVES ET JURIDICTIONNELLES MAL ASSURÉES 129 8. faire de la lutte contre les discriminations dans l’accès aux soins une priorité de l’ordre et doter la commission « refus de soins » des moyens nécessaires, sur le budget de l’ordre (CNOM) ; 9. modifier le code de la santé publique pour (Ministère de la santé) : - encadrer juridiquement le traitement des « doléances » ; - rendre obligatoire le dépaysement du traitement de tout signalement concernant un élu de l’ordre jusqu’à la saisine de la chambre disciplinaire de première instance ; - élargir les commissions de conciliation à des personnes tierces extérieures à l’ordre pour traiter les cas de plaintes formulées par les usagers ; - permettre aux patients de porter plainte auprès de l’ordre contre tout praticien, quel que soit son statut, à l’exception des médecins exerçant une mission d’expertise ou de contrôle ; 10. rendre obligatoire la publication des mesures nominatives de radiation ou de suspension d’exercer, le temps de la sanction, pour améliorer la sécurité des patients (Ministère de la santé) ; 11. regrouper au Conseil national, qui serait seul doté de la personnalité civile, toutes les décisions stratégiques (Ministère de la santé) ; 12. associer à la gouvernance du Conseil national, en tendant vers la parité, des médecins et des non médecins (personnalités qualifiées, magistrats, représentants d’association de patients, universitaires notamment) désignés par une instance indépendante de l’ordre (Ministère de la santé) ; 13. limiter à deux le nombre de mandats successifs au sein d’une même instance (réitérée) (Ministère de la santé) ; 14. vérifier les déclarations d’intérêt des élus ordinaux et les publier sur les sites internet des conseils de l’ordre (CNOM) ; 15. revoir le règlement intérieur de l’ordre pour rendre obligatoire le dépaysement de l’examen des contrats d’un élu ordinal y compris avec l’industrie (CNOM). L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 130. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 131. Conclusion générale L’ordre des médecins est chargé par la loi de veiller au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine et au respect, par tous les médecins, des règles de déontologie médicale. Par ses missions, l’ordre est donc également largement comptable de la qualité des soins offerts à la population. En son sein, de nombreux élus exercent leurs fonctions ordinales avec dévouement et sérieux. La Cour avait effectué un premier contrôle de l’ordre en 2011, qui l’avait conduite à formuler plusieurs recommandations. À l’exception de la tenue du tableau, peu nombreux sont les progrès réalisés par l’ordre des médecins depuis lors. La gravité et la fréquence des dysfonctionnements relevés tant dans la gestion de l’ordre que dans l’exercice des missions essentielles que la loi lui confère, ou encore les manquements nombreux en matière de déontologie et de probité de ses représentants tant au niveau national que territorial, sont de nature à mettre au contraire en cause la confiance des médecins et des citoyens à son égard. La tenue approximative des comptes, source d’opacité et terreau propice aux fraudes relevées par la Cour, les abus de gestion, rendus possibles par les lacunes dans le contrôle interne, les négligences dans la gestion des cotisations des médecins, l’absence de procédures formalisées pour les marchés ou la gestion immobilière, appellent à une remise en ordre. Elle passe par une surveillance plus stricte des conseils départementaux et régionaux par le Conseil national, au moyen d’une gestion centralisée du recouvrement des cotisations et des biens de l’ordre, d’un contrôle interne efficient, de la mise en place d’un cadre comptable, financier et des procédures (marchés, ressources humaines, immobiliers, indemnitaire), rigoureux, uniformément appliqués et respectés par les échelons territoriaux de l’ordre. Cette remise en ordre doit s’accompagner d’une transparence accrue et d’un renouvellement de ces instances, favorisé par des règles plus strictes en matière de cumul, de représentativité et de parité hommes-femmes. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 132. COUR DES COMPTES 132 L’ordre doit se tourner résolument vers la défense de l’intérêt des patients. Il apparaît à cet égard nécessaire d’élargir la gouvernance de l’ordre, en l’ouvrant à des personnalités extérieures au monde médical, notamment à des représentants de patients. L’ordre doit également se donner les moyens d’exercer pleinement les missions qu’il n’a pas assez investies, en particulier en matière déontologique (contrôle du respect de l’obligation de formation continue des médecins, contrôle des relations entre médecins et industriels, accès aux soins, contrôle de l’insuffisance professionnelle, etc.) ou qu’il n’exerce pas assez rigoureusement, comme en matière disciplinaire. Au-delà des premières mesures issues des ordonnances de 2017, des réformes complémentaires sont indispensables, aussi bien dans le champ du fonctionnement administratif de l’ordre que dans celui de ses missions juridictionnelles, selon quatre orientations : la représentativité et l’ouverture de ses instances de décision ; le renforcement de l’exercice des missions contribuant à la défense des intérêts des patients et à la qualité des soins ; l’instauration d’un contrôle accru des comptes et de la gestion et d’une plus grande transparence ; le développement des garanties d’un procès équitable pour les justiciables des juridictions ordinales. Remise en ordre et évolutions structurelles sont aujourd’hui nécessaires : il en va de la confiance des citoyens dans notre système de santé et envers les médecins. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 133. Liste des abréviations ACS ............ Aide pour une complémentaire santé AFEM ........ Aide aux familles et entraide médicale ARS ............ Agence régionale de santé AVC ........... Accident vasculaire cérébral CARMF ..... Caisse autonome de retraite des médecins de France CDBF ......... Cour de discipline budgétaire et financière CDN ........... Chambre disciplinaire nationale CDOM ....... Conseils départementaux de l’ordre des médecins CDPI .......... Chambre disciplinaire de première instance CMU-C ....... Couverture maladie universelle complémentaires CNG ........... Conseil national de gestion CNOM ....... Conseil national de l’ordre des médecins CROM ........ Conseil régional de l’ordre des médecins CSP ............ Code de santé publique DPC ............ Développement professionnel continu ETP ............ Équivalent temps plein GMC .......... General Medical Council GPM ........... Groupe Pasteur Mutualité IGAS .......... Inspection générale des affaires sociales MIJA .......... Mission d’inspection des juridictions administratives du Conseil d’État PDG ........... Président directeur général PU-PH……. Professeur des universités-praticien hospitalier SAS ............ Section des assurances sociales SCI ............. Société civile immobilière L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 134. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 135. Réponses des administrations et des organismes concernés L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 136. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 137. Sommaire Réponse de la ministre des solidarités et de la santé............................... 139 Réponse du président du Conseil national de l'ordre des médecins........ 142 Réponse du président du conseil régional de l'ordre des médecins du Grand Est................................................................................................ 152 Réponse de la présidente du conseil régional de l'ordre des médecins des Hauts-de-France...................................................................................... 155 Réponse du président du conseil régional de l'ordre des médecins d’Île-de- France ..................................................................................................... 155 Réponse du président du conseil régional de l'ordre des médecins de Normandie .............................................................................................. 156 Réponse du président du conseil régional de l'ordre des médecins des Pays de la Loire............................................................................................... 156 Réponse du président du conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte d’Azur.................................................................. 157 Réponse du président du conseil interrégional de l'ordre des médecins de La Réunion-Mayotte............................................................................... 157 Réponse du président du conseil départemental de l’ordre des médecins des Alpes de Haute-Provence ................................................................. 158 Réponse de la présidente du conseil départemental de l'ordre des médecins des Alpes Maritimes ............................................................................... 160 Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de l’Aveyron................................................................................................ 161 Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins du Bas-Rhin................................................................................................. 161 Réponse de la présidente du conseil départemental de l'ordre des médecins des Bouches-du-Rhône ........................................................................... 162 Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Corse du Sud....................................................................................... 165 Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Haute-Corse ........................................................................................ 165 Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de l’Hérault.................................................................................................. 168 L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 138. COUR DES COMPTES 138 Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Mayenne ............................................................................................. 170 Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de Loire-Atlantique ..................................................................................... 170 Réponse du président du conseil départemental de l'ordre des médecins de Paris........................................................................................................ 172 Réponse de la présidente du conseil départemental de l'ordre des médecins du Pas-de-Calais ..................................................................................... 177 Réponse du président du conseil départemental de l’ordre des médecins de La Réunion ............................................................................................. 178 Réponse de la présidente du conseil départemental de l’ordre des médecins du Rhône................................................................................................. 183 Réponse du président du conseil départemental de l’ordre des médecins de la Sarthe.................................................................................................. 185 Réponse du président du conseil départemental de l’ordre des médecins de la Seine-Saint-Denis ............................................................................... 185 Réponse du président du conseil départemental de l’ordre des médecins du Var.......................................................................................................... 186 Destinataires n’ayant pas d’observation Présidente du conseil interrégional de l'ordre des médecins d’Antilles Guyane Président du conseil départemental de l’ordre des médecins de la Gironde Destinataire n’ayant pas répondu Ministre de l’action et des comptes publics L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 139. RÉPONSE DE LA MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ Ce rapport, très documenté, traite aussi bien les missions et l’organisation que le fonctionnement de l’ordre, à l’échelle nationale comme départementale ou régionale, ainsi que les relations qu’il entretient avec les pouvoirs publics. Il constitue une base sur laquelle s’appuyer pour approfondir le processus de consolidation du fonctionnement de l’ordre. Si, comme le rapport l’indique, des évolutions ont récemment été enregistrées en lien avec des recommandations faites dans le cadre des rapports précédemment établis par la Cour, l’Inspection générale des affaires sociales ou la Mission d’inspection des juridictions administratives du Conseil d’État, ce processus ne peut être considéré comme achevé. Les effets des mesures contenues dans les ordonnances des 16 février et 27 avril 2017 sont encore peu perceptibles, compte tenu de leur publication récente et du temps incompressible nécessaire à la mise en œuvre effective de certaines de leurs dispositions. Ces ordonnances sont néanmoins de nature à modifier en profondeur l’organisation et le fonctionnement de l’ordre, en particulier en matière d’organisation territoriale rationalisée, de soumission aux règles de la commande publique, d’introduction de la parité entre les hommes et les femmes ou encore de limite d’âge pour pouvoir être candidat à une fonction ordinale. Si le gouvernement a accordé aux ordres sur certaines mesures un délai de mise en œuvre qui lui paraissait justifié, il en attend désormais la meilleure appropriation et la mise en œuvre la plus complète et la plus satisfaisante possible. Ces ordonnances ne pourront néanmoins à elles seules répondre à nombre de constats et de recommandations formulées par la Cour dans le cadre du présent contrôle. Le ministère des solidarités et de la santé devra continuer à être acteur, en concertation avec l’ordre, du processus de consolidation engagé. De nouvelles dispositions répondant à des problématiques et des recommandations formulées par la Cour ont été introduites dans le code de la santé publique à l’occasion du vote de la loi relative à l’organisation et la transformation du système de santé : - l’extension à l’ensemble des ordres de santé, dont l’ordre des médecins, d’une mission les amenant à contribuer « à promouvoir la L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 140. COUR DES COMPTES 140 santé publique et la qualité des soins ». L’appropriation de cette mission par l’ordre doit être renforcée par cette nouvelle disposition législative ; - les compétences des inspecteurs de la direction générale de la concurrence, consommation et répression des fraudes ont par ailleurs été élargies dans le cadre de la mise en œuvre du dispositif « anti- cadeaux ». Ils disposent désormais d’un pouvoir d’habilitation à rechercher et à constater les infractions au dispositif et à effectuer des opérations de visite et de saisie. La rédaction des textes réglementaires dont la publication est attendue en application de l’ordonnance du 19 janvier 2017 dite « anti- cadeaux » est désormais achevée. Ces textes seront publiés d’ici à la fin de l’année, sous réserve de la réception de l’avis de la CNIL. Couplés à la mise en œuvre d’ici au printemps 2020 d’un portail de télé-déclaration permettant une mise en cohérence des systèmes d’information « transparence santé » et « anti-cadeaux », ils compléteront l’arsenal juridique permettant de mieux contrôler les relations et conflits d’intérêts possibles entre les médecins et l’industrie. Enfin, le ministère a rédigé un décret réformant les juridictions ordinales, désormais examiné par le Conseil d’État, qui sera publié dans les prochaines semaines. Ce texte comprend un ensemble de dispositions pour améliorer le fonctionnement de la justice ordinale et reprend plusieurs recommandations de la Cour (clarification des rôles des organes administratifs et des chambres disciplinaires des ordres, capacité à statuer sur des plaintes sérielles...). Si la Cour invite le gouvernement à user de ses prérogatives pour participer à la consolidation de l’organisation et du fonctionnement de l’ordre, ce qu’il fait et continuera à faire, la grande majorité des constats et recommandations formulés dans le rapport s’adresse à l’ordre. Le rapport appelle manifestement des modifications profondes dans les priorités d’action que l’ordre se donne pour remplir ses missions, dans les rapports et les modalités de collaboration entre les différents niveaux territoriaux et dans ses modes de fonctionnement internes. L’ordre est en effet chargé d’une mission de service public et doté d’une large autonomie. Cette mission comme cette autonomie obligent. Elles obligent à un devoir d’exemplarité, à agir exclusivement au service des missions confiées par la loi, et à rendre compte des conditions dans lesquelles ces missions sont remplies. Il en va de la confiance que les usagers du système de santé, les médecins eux-mêmes et les pouvoirs publics peuvent accorder à l’ordre. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 141. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 141 Le ministère des solidarités et de la santé sera dans ces conditions extrêmement soucieux et attentif à ce que les missions confiées à l’ordre soient pleinement remplies, notamment : - les missions relatives au maintien et à l’actualisation régulière des compétences des médecins dans le cadre de leur obligation de développement professionnel continu (DPC) ; la qualité et la sécurité des soins délivrés aux patients en dépendent ; - la prise en compte et l’instruction rigoureuse et juste des plaintes que les usagers sont susceptibles de déposer à l’encontre de praticiens inscrits à l’ordre ; ceci conditionne directement la confiance que la population peut accorder au système de santé ; - le contrôle du respect des principes déontologiques. Les situations de refus de soins non sanctionnées constituent à cet égard une illustration révélatrice de cas de praticiens s’affranchissant des principes fondamentaux de leur déontologie professionnelle. L’exemplarité doit également reposer sur la mise en place de procédures, d’outils de gestion et de contrôle permettant de garantir des procédures internes rigoureuses, efficientes et homogènes sur l’ensemble du territoire. Des échanges approfondis entre le ministère des solidarités et de la santé et l’ordre sont engagés pour envisager les suites à donner au rapport. Le ministère sera très attentif au contenu de ces échanges au nom des responsabilités qui lui incombent et pourra envisager des adaptations législatives ou réglementaires complémentaires. Ces dispositions devront permettre d’assurer une composition des instances ordinales plus ouverte sur la société et plus représentative de la profession, de mieux structurer les relations organiques et fonctionnelles entre le conseil national et les conseils territoriaux ou encore de permettre d’améliorer le fonctionnement de la justice ordinale. L’ordre sera de son côté invité à présenter le plan d’actions qu’il entend mettre en œuvre pour répondre aux constats et recommandations formulés par la Cour. Un suivi de ce plan d’actions sera assuré par le ministère selon des modalités qui seront arrêtées avec l’ordre. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 142. COUR DES COMPTES 142 RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS Introduction Ayant déjà fait l’objet d’un contrôle de la Cour en 2011, l’Ordre des médecins tient à souligner les conditions très particulières du déroulement de celui de 2018. Il en est ainsi de la durée de la procédure, de la fuite d’informations dans la presse alors même que l’Ordre n’était pas en possession des éléments du pré-rapport, du dépôt d’observations de l’Ordre dans une 1ère phase ayant ensuite abouti à un 2ème rapport ayant lui-même entrainé de nouvelles observations. Un grand nombre d’entre elles n’ont pas été prises en compte, ce qui rend interrogatif sur la réalité du contradictoire. Étant en fin de cette phase contradictoire, l’Ordre regrette que le rapport soit construit aujourd’hui comme une mise en accusation du fonctionnement de l’Institution mettant en exergue certains faits qui appartiennent à une période passée et s’interdisant, du fait du choix de la période auditée, de prendre en compte les évolutions que l’Ordre a spontanément mises en œuvre. Il est à noter également de façon préliminaire qu’un grand nombre des constats, dont beaucoup se rapportent au début de la période auditée, particulièrement en matière de gestion, ont donné lieu depuis à des actions correctives, ce d’autant plus qu’ils ont été en large partie à l’origine de l’élection d’une nouvelle équipe en 2013 qui s’est fixée un objectif de modernisation institutionnelle sur une période de 9 ans : 2013-2022. Cette image faussée du fonctionnement de l’Institution ordinale l’amène à produire ce document afin d’affirmer sa position et rétablir un certain nombre de faits. Avant d’entrer dans le détail de sa réponse, le Conseil national souhaite préciser les éléments suivants : - L’Ordre conteste la vision réductrice donnée par la Cour des responsabilités qui sont celles que le législateur lui a confiées notamment en tant que représentant de la profession dans sa mission d’ensemble. - C’est dans le but d’accomplir avec détermination cette mission, que l’Ordre des médecins a entendu se doter des moyens de communication modernes afin d’intensifier le dialogue avec les médecins pour exprimer les attentes de toute la profession. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 143. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 143 - L’Ordre s’est donné comme objectif d’assurer un accompagnement uniforme sur l’ensemble du territoire à tous les médecins inscrits au tableau (301 842 au 1er janvier 2019) et à l’ensemble des usagers du système de santé. Il s’est doté également sur l’ensemble de ses échelons, territoriaux et national, des moyens nécessaires pour assurer son expertise tant pour ce qui est de la structuration du système de santé local, territorial et régional que pour ce qui est de la réponse aux demandes d’avis qui ont pu lui être formulées par le gouvernement, le Parlement et les Institutions qui l’environnent. - Dès lors qu’un sujet est relatif à l’organisation du système de santé et au rôle des médecins dans celui- ci, l’Ordre des médecins est sollicité. Il en a été ainsi, que ce soit en 2016 lors de la conférence de santé ou le Premier Ministre a demandé au Président de l’Ordre de présenter les résultats de la grande consultation, que ce soit récemment lors de l’entretien avec le Premier Ministre intervenant une semaine avant la « journée de mobilisation nationale pour l’hôpital public » du 14 novembre 2019. - De même les deux Assemblées, leurs commissions des Affaires sociales, les groupes parlementaires ont demandé, dans le cadre de l’examen des projets de la loi Claeys-Léonetti, de la loi santé 2022 et des lois de bioéthique, à entendre l’Ordre des médecins, et amender les divers projets de lois. Ces exemples pourraient être multipliés à l’infini. Parce qu‘il a une vision déontologique active qu’il assume totalement, l’Ordre est aujourd’hui l’acteur reconnu par tous en matière de numérique en santé, de nouvelles technologies tout autant qu’il l’est en matière d’éthique et dans l’organisation territoriale du système de santé. L’Ordre regrette que le rapport passe sous silence l’ensemble de ces chantiers et l’ensemble des outils qu’il met à la disposition des décideurs tout comme ne sont pas évoquées ses responsabilités en matière de tenue du tableau dans le cadre du répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) ni même les études et les atlas démographiques publiés chaque année. L’Ordre ne défend nullement une posture syndicale. Il considère qu’en ce domaine l’ensemble des syndicats médicaux exprime avec clarté et opiniâtreté la défense des intérêts des professionnels. En revanche il lui échoit dans nombre de situations la responsabilité, de défendre les principes éthiques et déontologiques et pour cela d’intervenir dans le débat public comme cela a été le cas pour la fin L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 144. COUR DES COMPTES 144 de vie, les lois de bioéthique, la santé des étrangers en situation irrégulière ou demandeurs d’asile. À titre d’exemple, lorsqu’un syndicat professionnel de spécialité menace d’interrompre les IVG, le ferme rappel à l’éthique et la déontologie de l’Institution suivi de plaintes est salué, depuis la tribune de l’ONU, par la Secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes. Ainsi donc et pour permettre de répondre à l’ensemble de ces demandes, l’Ordre des médecins a investi financièrement dans de nouveaux locaux plus adaptés à une structure moderne et a mené une politique de recrutement de collaborateurs de haut niveau. Il a incité les échelons départementaux et régionaux à adopter les mêmes dispositions dans leurs territoires respectifs. L’Ordre revendique ces investissements et les assume pleinement. Dans ces conditions, et si l’Ordre aujourd’hui est engagé dans une profonde restructuration de son organisation et de sa gestion dont il ne doute pas qu’un prochain rapport de la Cour prendra acte, il n’entend pas aujourd’hui modifier sa vision de son rôle institutionnel ni sa volonté de garantir à tous les médecins inscrits au tableau que ce soit à Mayotte ou à Paris le même accompagnement de leur exercice professionnel, et la même disponibilité institutionnelle. De même l’Ordre veut aujourd’hui garantir à l’ensemble de la population vivant sur le territoire français ses services et sa réactivité aux sollicitations. L’Ordre ne peut donc que regretter, qu’au travers d’une vision parcellaire et restrictive de son activité, il n’ait pas été contrôlé à l’aune de l’ensemble de son action mais trop souvent caricaturé à l’aune de faits ponctuels, souvent anciens, mis en exergue pour lesquels depuis 2013 l’Ordre n’a cessé d’agir. I - La gestion administrative et financière Le rapport de la Cour comporte un ensemble d'observations sur la gestion administrative et financière dont l’Ordre, engagé dans une démarche d’amélioration gestionnaire continue et volontariste depuis 2013, est bien décidé à tirer les enseignements. D'ores et déjà des mesures importantes ont été décidées, dont certaines avaient été engagées avant le présent contrôle : refonte du règlement de trésorerie qui encadre strictement les régimes indemnitaires et de remboursement de frais des élus (réels, plafonnés et justifiés sur facture), instauration d’un dispositif très contraignant de contrôle de la gestion des conseils territoriaux en allant jusqu'à prévoir un régime de tutorat, élargissement de la composition de la commission de contrôle des comptes avec la présence de personnalités qualifiées, suppression des fonds autonomes affectés à l'entraide et à la modernisation de l’institution L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 145. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 145 ainsi qu’à l’harmonisation des charges, recrutement d’un spécialiste des marchés publics, combinaison de l'ensemble des comptes de tous les conseils certifiée par un commissaire aux comptes, mise en œuvre progressive du recouvrement de la cotisation par le Conseil national qui sera entièrement opérationnelle à compter du 1er janvier 2021. L’ensemble de ces actions sera totalement effectif à la fin de la mandature actuelle, soit en juin 2022. Toutefois, un certain nombre d’observations de la Cour appellent de la part de l'Ordre une ferme mise au point et un rétablissement de la vérité. Sur les indemnités « importantes », l’indemnisation de base est fondée sur le principe d’une indemnité journalière de 483 euros bruts, de laquelle sont déduites la CSG et la CRDS, ne donnant lieu à aucun avantage social (maladie, retraite) et soumis à imposition. La valeur de cette indemnité, qui n’a pas été réévaluée depuis 2013, est comparable aux indemnités perçues par des médecins dans d’autres structures comme les URPS. Par ailleurs, depuis juin 2013, 1ère mandature du Président actuellement en exercice, le passage aux frais réels, sur justificatifs et plafonnés, a été instauré. Sur les comportements individuels frauduleux relevés par la Cour, le Conseil national a diligenté des procédures disciplinaires et pénales à l’encontre des élus mis en cause. Il a également porté plainte à l’encontre des salariés impliqués. Sur le montant des réserves qui sont des fonds de roulement, il s’avère qu’elles varient pour la totalité de l’Institution entre 13 et 15 mois sur 2016, 2017 et 2018, soit en dessous des 16 mois non contestés par la Cour lors de son précédent contrôle. Néanmoins, il est envisagé, à compter du budget 2020, de mettre ou de laisser à disposition des conseils territoriaux 12 mois de fonds de roulement aux fins qu’ils puissent répondre de façon uniforme sur l’ensemble du territoire, à la totalité de leurs missions. Par ailleurs et s’agissant du montant de la cotisation, la Cour omet de préciser que le taux moyen annuel d’évolution, sur la période auditée, est de +1,2 % et qu’il a été décidé pour 2019 de ne pas faire d’augmentation. L’ensemble des actions de l’Ordre national des médecins devant continuer à se développer, il ne peut être envisagé de diminuer le montant de la cotisation tel que préconisé par la Cour. Quant à « l’insincérité » des comptes affirmée par la Cour, celle-ci s’appuie, pour cette accusation erronée, sur un choix comptable qui est différent de celui retenu par l’Institution qui suit les principes du Plan L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 146. COUR DES COMPTES 146 Comptable Général recommandé et certifié sincère par son commissaire aux comptes et ne correspond pas, en tout état de cause, à des manœuvres visant à travestir la réalité des comptes. Ce plan comptable déjà appliqué par l’Ordre lors du précédent contrôle de la Cour n’avait pas donné lieu à observations et n’avait pas conduit à une telle qualification. II – L’exercice de ses missions administratives On pourrait s’attendre, pour ce qui est de l’exercice par l’Ordre de ses missions, sur lequel le rapport public porte un jugement particulièrement critique et catégorique, le qualifiant globalement de « mal assuré », que pour aboutir à une telle appréciation globale, il soit procédé à une évaluation en bonne et due forme de l’ensemble des missions de l’Ordre, selon une méthodologie en garantissant la fiabilité. Tel n’est en réalité pas le cas. Tout d’abord, seule une partie des missions sont passées en revue. Plusieurs, parmi les plus importantes, sont purement et simplement ignorées. Ainsi de la tenue du tableau, essentielle à une époque de mobilité, d’arrivée de nombreux praticiens étrangers, et d’évolution des modes d’exercice, et qui représente une part importante de l’activité des conseils départementaux. Cette mission est à peine mentionnée, avec pour seule remarque l’insuffisante informatisation. Ainsi du contrôle des qualifications, très important aussi au regard de la multiplication et de la complexité des procédures de leur reconnaissance. Il n’en est pas question. Ainsi plus encore du rôle central de l’Ordre dans l’évolution des règles d’exercice : rien sur l’e-santé ou la télémédecine, sujets absolument majeurs, sur lesquels l’Ordre a développé un travail de réflexion et de sensibilisation, qui en fait une référence au sein du monde de la santé. Rien non plus sur le rôle déterminant de l’Ordre dans le basculement des règles en matière d’information et de publicité, ou sur la contribution de l’Ordre à l’adaptation des règles déontologiques, par exemple pour ce qui est de la mise en œuvre de la nouvelle législation sur la fin de vie, pour laquelle l’Ordre est en première ligne. Beaucoup de missions essentielles menées par l’institution sont passées sous silence, on peut légitimement se demander pourquoi. Et pour ce qui est des missions ayant donné lieu à appréciation, on peut regretter une approche trop souvent parcellaire, et une tendance à procéder par généralisation à partir de cas ponctuels. Certes un certain nombre d’observations s’avèrent utiles, et l’Ordre entend bien en tenir compte, par exemple en se dotant des outils de suivi et de pilotage, dont il lui est fait grief de ne pas disposer. Mais comment ne pas relever que trop de conclusions générales apparaissent approximatives ou hâtivement déduites d’une ou deux constatations éparses. Ainsi pour ce qui est du L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 147. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 147 délai, évidemment crucial, de traitement des dossiers de suspension pour pathologie ou insuffisance professionnelle. Le rapport public laisse entendre que ce délai, au stade de la formation retreinte du conseil national, est trop long, en se bornant à citer le cas isolé d’un délai de 17 semaines, évidemment exceptionnel, mais a-significatif à lui seul, et il omet étrangement de mentionner le délai moyen de 4 à 5 semaines, qui lui avait pourtant été communiqué. De même s’agissant du contrôle des contrats, le rapport public ignore totalement l’énorme travail conduit en direction des plateformes de téléconsultation, qui se multiplient, et qui a permis à l’Ordre, à l’occasion de l’examen des contrats concernés, d’obliger ces plateformes à revoir leur modèle. Ce qui n’empêche pas le rapport d’épingler la commission nationale des contrats, accusée de tarder à répondre, sans autre justification qu’un renvoi en bas de page (renvoi n° [157]) concernant un cas où la commission n’avait pourtant pas à donner un avis, s’agissant de l’interprétation d’une clause d’un contrat, et l’avait néanmoins fait à titre purement confraternel. De même encore ; - pour ce qui est du contrôle du respect par les médecins de leur obligation de développement professionnel continu (DPC) ; l’Ordre se voit accusé d’avoir « délaissé » la mission qui lui a été confiée « dès 2011 », sauf qu’il est passé sous silence que le ministère de la santé n’a pris les arrêtés d’application du décret du 30 décembre 2011 que le 25 juillet 2013, et qu’à peine ces arrêtés publiés, une inspection de l’IGAS a été diligentée qui a préconisé un changement complet de dispositif, lequel n’a été proposé au législateur qu’avec la loi du 26 janvier 2016. Être un bon opérateur dans ces conditions relève de la gageure ; - pour ce qui est du contrôle des relations entre les médecins et l’industrie, où comme pour le DPC, le dispositif prévu, complexe, a été lent à devenir opérationnel, l’Ordre n’a pas été mis à même d’assumer sa mission, car si la réglementation lui a bien confié un rôle de prévention qu’il a immédiatement pris en charge, le rôle répressif a été donné à d’autres instances dont notamment la DGCCRF, qui n’ont pas fait de la saisine des tribunaux correctionnels leur priorité, mais également au point qu’il a fallu qu’il dépose un recours en annulation contre le décret du 16 novembre 2016 et l'arrêté du même jour fixant le modèle de convention unique; - ou encore pour ce qui est de l’implication de l’Ordre dans l’accès aux soins et la lutte contre les refus de soins, où n’est pas relevé le profond changement intervenu à compter de la mandature élue en 2013 aboutissant à la création par la loi du 26 janvier 2016 d’une commission d’évaluation des pratiques de refus de soins placée auprès de l’Ordre dont le fonctionnement n’a été rendu possible qu’en 2017 par la signature des arrêtés de nomination des membres le 29 décembre 2016. Il est dommageable que le rapport ne mette pas assez en avant les freins apportés par la production tardive des textes attendus. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 148. COUR DES COMPTES 148 À cela, il faut ajouter que le rapport public n’hésite pas à donner une importance démesurée, éventuellement par un encadré, à des situations que l’Ordre ne peut que déplorer, mais de caractère purement fortuit et accidentel, sans que l’on voit l’intérêt réel d’une telle focalisation. Ainsi de l’encadré page [84]. Mais probablement le plus grave est dans la présentation faite par le rapport de la Cour de la façon dont l’Ordre assume sa mission de gardien de la déontologie médicale, et traite les plaintes, doléances ou signalements dont il est saisi. La lecture du rapport public cherche à donner l’impression que de façon globale l’Ordre manifesterait une mauvaise volonté à ce qu’il puisse être donné des suites disciplinaires aux plaintes reçues. L’Ordre ne peut que s’insurger contre pareille insinuation. Il ne s’agit pas ici de nier qu’il puisse encore y avoir, ici ou là, des comportements individuels condamnables de quelques élus ordinaux, qui doivent être dénoncés, et l’Ordre entend bien s’y attacher. Mais ces cas ne doivent pas cacher la réalité profonde qui est la très grande vigilance des conseils départementaux à assumer pleinement leur mission. Contrairement à ce que soutient la Cour, en se fondant sur des chiffres dont elle dit elle-même qu’ils ne sont pas fiables, l’ensemble des plaintes et doléances qualifiables de plaintes donnent bien lieu à instruction, et, à défaut de conciliation, à transmission aux chambres disciplinaires. Sur des sujets de cette importance, pour mettre en cause, il faudrait des éléments de preuve autrement plus probants que ceux qui sont allégués dans le rapport. En ce sens l’affirmation, dans un titre (page [99]) « qu’une majorité de plaintes ne sont pas transmises »238 est totalement abusive, car amalgamant plaintes, simples demandes d’information, signalements, ou plaintes non transmises parce qu’ayant donné lieu à conciliation. C’est particulièrement vrai des plaintes en matière sexuelle, sujet qui a donné lieu à une implication renforcée de l’Ordre, qui a précisé sur ce point les commentaires du code de déontologie médicale et fait plusieurs communications largement relayées dans la presse comme dans les supports de communication de l’Institution. On se demande ce que veut bien dire le rapport public lorsque page [106], il évoque « l’analyse d’une cinquantaine de décisions rendues entre 2016 et 2017 laquelle révèlerait des irrégularités de procédure » ou des « manques de diligence ». De quelles « décisions » s’agit-il, de quel type, prises par qui? Quel est l’intensité et le degré réel du manquement relevé ? Qu’est-ce qui permet l’appréciation portée ? Pareille affirmation, particulièrement stigmatisante, exigerait d’être étayée par une démonstration qui ne se 238 Remarque de la Cour : à la suite du présent courrier, le titre au A page 99 a été modifié, pour devenir « Une majorité de signalements non soumis à conciliation ». L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 149. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 149 limite pas à l’illustration par un ou deux cas. Comment d’ailleurs résumer des dossiers souvent complexes en deux ou trois phrases? Pour mesurer la fiabilité des affirmations péremptoires de la Cour sur ce sujet des poursuites disciplinaires, on peut se référer à l’encadré de la page [84] à propos d’un médecin gastro-entérologue, où la Cour parle de « plusieurs plaintes déposées contre ce praticien entre 2012 et 2017 sans recevoir de réponse de l’Ordre » alors qu’il peut être établi que si effectivement ce médecin a fait l’objet de six saisines du conseil départemental, celles-ci ont toutes été traitées par ce conseil. Parmi elles, il y avait quatre plaintes de nature très différente : une du 20 octobre 2014 a donné lieu à conciliation le 24 avril 2015 ; une du 17 janvier 2017 a été, faute de conciliation, transmise à la chambre disciplinaire de première instance, dont la décision a fait l’objet d’un appel ; la troisième, du médecin conseil de la CPAM, a été retirée avant conciliation, et la quatrième, émanant d’un autre médecin et portant sur son rôle de médecin expert a donné lieu à décision du conseil de ne pas porter plainte ; le plaignant en a été informé ainsi que des solutions alternatives de recours à sa disposition. La cinquième saisine du 4 novembre 2013 a entraîné un entretien avec la patiente concernée et sa fille, qui « ont déclaré vouloir porter plainte » sans qu’il y ait trace de concrétisation. Quant à ce que la Cour appelle la « plainte » de 2012, il s’agit « d’un souhait » de la part des demandeurs « d’intervention » du conseil départemental « afin de nous éclairer sur les pratiques effectuées », et il est précisé « nous n’avons pas de griefs particuliers vis-à-vis du docteur X ». Il n’y a rien ici qui permette de parler « d’absence de réponse » à des saisines, celles-ci fussent-elles multiples ! III – L’exercice de la mission juridictionnelle Sur ce volet du rapport de la Cour portant sur la juridiction disciplinaire ordinale, le Conseil national, dans un souci de strict respect de l’indépendance de cette juridiction, a décidé de s’en remettre aux observations qu’a bien voulu lui transmettre la Présidente de la chambre disciplinaire nationale, Conseiller d’État, et que l’Ordre fait totalement siennes. La juridiction ordinale souligne que la Cour sort de son champ de compétence, le contrôle de l’organisation et du fonctionnement des chambres disciplinaires relevant de la mission permanente d’inspection des juridictions administratives (MIJA), exercée sous l’autorité du vice-président du Conseil d’État, ce dont témoignent ses observations, qui manifestent une profonde méconnaissance de ce qu’est une juridiction administrative spécialisée. Or, le rapport définitif reproduit quasiment mot pour mot le rapport provisoire, ce qui démontre que la Cour n’a tenu aucun compte des L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 150. COUR DES COMPTES 150 réponses, pourtant dument argumentées et justifiées, faites à ses observations. Elle maintient ses remarques partiales, faisant d’exemples peu étayés des généralités, jetant ainsi l’opprobre sur l’ensemble de la juridiction ordinale. Il convient dès lors pour celle-ci, à son tour, de réitérer avec force, si ce n’est l’ensemble des justifications qu’elle a apportées aux principales critiques formulées, du moins les plus emblématiques. Toutes les recommandations faites par la Cour en 2011 et celles de la MIJA en 2013, pour autant que leur exécution dépendait de l’Ordre seul, ont été suivies d’effets. Les délais de jugement des chambres disciplinaires de 1ère instance de l’Ordre des médecins (CDPI) ne sont pas plus longs que ceux observés dans les tribunaux administratifs. Ainsi, l’observation faite sur ce point par la Cour ne tient pas compte de ce que la loi de 2002, qui a donné au plaignant la qualité de partie, ce qui ne peut qu’allonger la durée de la procédure d’instruction, n’a pas modifié le délai de six mois apparu dès la création de l’Ordre. L’appréciation portée par la Cour sur l’instruction menée par les chambres, après avoir consulté des dossiers pourtant couverts par le secret de l’instruction, qui sort au demeurant de sa compétence est fondée sur des constats incomplets et des postulats erronés. D’une part, les décisions rendues ne mentionnent pas la totalité des mesures d’instruction accomplies et, d’autre part, les juridictions disciplinaires sont des juridictions administratives devant lesquelles la procédure n’est pas inquisitoire. Les faits sanctionnés doivent ressortir du dossier et les mesures d’instruction « en routine » dont la Cour déplore l’absence, seraient irrégulières et de nature à entraîner l’annulation des décisions rendues sur leur fondement. Le taux d’annulation des décisions rendues par les chambres disciplinaires de 1ère instance de l’Ordre des médecins (CDPI) n’a rien d’excessif : plus de 80 % des décisions rendues chaque année en première instance deviennent définitives. Le caractère suspensif de l’appel incite les praticiens sanctionnés à faire presque systématiquement appel, ce qui explique un taux d’appel plus élevé que celui qu’on observe devant les juridictions administratives de droit commun. Le principe selon lequel « l’appel ne peut préjudicier à l’appelant » ne peut raisonnablement être remis en cause. La suggestion faite par la Cour d’un appel systématique des conseils départementaux est particulièrement choquante. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 151. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 151 S’agissant des principes d’indépendance et d’impartialité, auxquels les chambres disciplinaires sont particulièrement attachées, comme le démontre chaque année le rapport d’activité de la juridiction ordinale, la Cour met gravement en doute leur respect à partir de faits regrettables mais isolés (un seul manquement avéré à l’impartialité a conduit la juridiction à sanctionner un assesseur) et présentés de façon biaisée, laissant ainsi entendre que leur méconnaissance est généralisée. L’affirmation selon laquelle il n’y aurait pas de corrélation entre les manquements retenus et les sanctions prononcées traduit encore une fois une méconnaissance inquiétante par la Cour de la spécificité du droit disciplinaire et du caractère particulier de chaque dossier. La sanction varie en fonction du nombre de griefs retenus, un ou plusieurs, de l’éventuelle récidive, du comportement d’ensemble du médecin, des circonstances de l’affaire, de l’attitude du plaignant... La Cour, en sortant de son champ de compétences, porte sur la juridiction ordinale une appréciation particulièrement hasardeuse et inacceptable qui traduit une méconnaissance inquiétante de cette juridiction. Conclusion La réponse que l’Ordre est amené à apporter au rapport public de la Cour démontre que le contrôle qui a été conduit ne peut être regardé comme l’ayant été tel qu’il aurait dû l’être, c’est-à-dire sur la base d’échanges sincèrement contradictoires et sans a priori avec les Instances de l’Ordre. On peut rappeler par exemple que le Président du Conseil national de l'Ordre des médecins n’a rencontré la mission que lors de l’entretien inaugural pour présenter le contexte du contrôle et lors de l’entretien final pour clôturer le contrôle. Si cela avait été le cas, la Cour aurait reconnu que l’Ordre des médecins s’est engagé depuis 2013 dans une transformation profonde pour mieux exercer les missions nouvelles que lui ont conférées les pouvoirs publics, et mieux accompagner les médecins quelques soient leur mode d’exercice, ou leur lieu d’activité. Si cela avait été le cas, la Cour aurait pu ainsi reconnaître que cette modernisation, non encore achevée, allait dans le bon sens. Si cela avait été le cas, la Cour aurait souligné la profondeur des missions accomplies par l’institution et aurait reconnu leur utilité et leur efficacité. Malgré ce contexte, l’Ordre entend mettre à profit, quand elles sont fondées, les recommandations de la Cour pour accélérer encore cette modernisation de l’Institution, notamment en matière de gestion. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 152. COUR DES COMPTES 152 Mais l’Ordre conteste la lecture partiale et partielle d’un rapport qui a trop peu tenu compte des éléments contradictoires apportés, donnant le sentiment d’une méconnaissance de la réalité de l’Institution d’aujourd’hui. L’Ordre refuse aussi la vision réductrice de ses missions et continuera d’assumer fortement dans le débat public, ses combats éthiques et déontologiques, comme ses propositions pour améliorer le système de santé. Enfin l’Ordre entend également intensifier son dialogue et ses actions auprès des médecins. C’est en s’engageant de manière volontariste sur tous ces champs, que l’Ordre sera fidèle à sa mission de service public. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DU GRAND EST  « Des niveaux d’indemnités très hétérogènes » « Enfin, des indemnités ne sont pas toujours versées à bon escient : ainsi en Alsace, le président du CROM a perçu en 2018 une indemnité de 320 € pour se rendre aux vœux du préfet ou encore assister à une projection sur les médecins déportés ; la vice-présidente a perçu 460 € pour assister aux obsèques de l’épouse d’un conseiller, remboursés depuis. » Sur le sujet de la trésorerie de l'ex CROM Alsace une action disciplinaire est en cours au CNOM, vous comprendrez que je ne puisse faire de commentaire sur une procédure en cours.  « Des assesseurs souvent largement indemnisés » « La loi autorise le versement d’indemnités aux assesseurs, comme à tout membre de l’ordre qui assure une mission ponctuelle. De fait, les assesseurs sont toujours indemnisés. En dépit de la préconisation faite en 2013 par la mission d’inspection des juridictions administratives d’unifier les rémunérations des assesseurs et des rapporteurs afin de rendre plus attractives les fonctions juridictionnelles, celles-ci sont restées très hétérogènes. La rémunération pour participation à l’audience peut varier du simple au triple, de 80 € en Aquitaine à plus de 240 € en PACA-Corse. La rémunération au rapport peut, quant à elle, varier du simple au décuple : de 50 € dans le Centre ou l’Alsace à 540 € en Lorraine pour les dossiers les plus complexes. » Comme vous le rappelez « la loi autorise le versement d'indemnités aux assesseurs ». En Lorraine : Pour le rapporteur une somme était L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 153. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 153 attribuée pour indemniser le temps passé à l’élaboration et à la rédaction de son rapport. Cette disposition a été mise en place en 2010 à la demande du président LION, magistrat responsable de la CDPI. Cette disposition a été acceptée ensuite par vote par le conseil plénier du CROM. Cette disposition comptait 3 niveaux, le niveau étant fixé par le magistrat selon son appréciation de la complexité du dossier et donc de la charge de travail à investir pour rédiger le rapport. Le président LION attribuait le niveau de complexité du dossier et donc le montant de la somme allouée, ce qui était transmis au trésorier pour versement de la somme selon la procédure habituelle, ordonnateur, trésorier et liquidateur. Une remarque supplémentaire qui pour moi a son importance : pour un rapport de niveau trois donc le plus complexe (seulement deux niveaux trois ont été payés en Lorraine entre 2010 et 2018) comportant pour l'un plus de huit dossiers à résumer en un seul rapport, cela représentait plus de vingt heures de travail. La somme versée a été de 540 € brut soit 27 € brut de l'heure. Compte tenu du niveau d'expertise requis cela n'est nullement excessif.  « À la CDPI de Lorraine, une situation de crise illustrant les difficultés d’indépendance de certaines CDPI » « En Lorraine, les relations très tendues entre le président du conseil régional et la greffière, ont abouti en novembre 2018 à une crise préjudiciable au bon fonctionnement de la chambre disciplinaire : les travaux de la juridiction ont été totalement interrompus pendant trois semaines, à la suite de la saisie par un huissier, à la demande du président du conseil régional de l’ordre de l’ordinateur de la juridiction, dans le cadre d’une procédure de licenciement initiée à l’encontre de la greffière. Les magistrats de la CDPI ont été mis devant le fait accompli. Cette situation illustre la nécessité d’assurer aux greffiers une réelle indépendance vis-à-vis des élus du conseil régional. À cet égard, le nouveau règlement intérieur du Conseil national, adopté en décembre 2018, qui prévoit d’associer les présidents de juridiction aux décisions concernant les greffiers, représente un progrès. Il convient d’aller plus loin en confiant au niveau national la gestion de ces personnels et en harmonisant leur niveau de rémunération sur le territoire national. » En Lorraine il n'y avait qu'une seule salariée qui occupait à temps partagé le poste de secrétaire administrative à 50 % et le poste de greffière à 50 %. En toute indépendance, elle devait assurer la gestion et l’étanchéité des données entre le CROM administratif et la CDPI. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 154. COUR DES COMPTES 154 En novembre 2018 nous constatons un nouveau manquement grave de notre secrétaire-greffière, qui a conduit à la nécessité d’un licenciement avec mise à pieds immédiate dans l’intérêt de l’institution. L'huissier de justice, présent au moment de la mise à pieds, ainsi que les magistrats présidents de la CDPI présents également, ont constaté les faits suivants : sur le poste informatique de la secrétaire, situé dans le bureau du CROM administratif, on découvre la présence sur la même session informatique d'un mélange de messages émanant de la messagerie de la CDPI et de la messagerie du CROM administratif, ainsi que des dossiers de CDPI et Administratifs sur le Bureau de l’ordinateur. Pour respecter la confidentialité et l'indépendance de la CDPI et pour sécuriser le partage indispensable des données, nous avons fait saisir l'ordinateur par l'huissier, en accord avec les magistrats présidents de la CDPI. La séparation des données a eu lieu au CNOM à Paris en présence des représentants de la chambre disciplinaire nationale, habilités à séparer ces données. Le fonctionnement de la CDPI a donc été interrompu pendant une durée minimale de 3 semaines, et j'ajouterai qu’après ces 3 semaines le greffe a bénéficié d'une salariée à temps plein. Quant à la durée d’interruption de la chambre, qui pourrait paraitre excessive, je me permets de faire une comparaison avec celle en rapport avec la démission du précédent magistrat président de la CDPI le 22 septembre 2017, et qui a duré 21 semaines dans l’attente de la nomination de ses successeurs. Le comportement d'une salarié ne justifie pas de remettre en cause un dispositif qui, aujourd’hui, a repris un fonctionnement satisfaisant selon les règles établies. « En 2017, deux ordonnances ont renforcé le régime des incompatibilités, en prohibant le cumul des fonctions de président et de secrétaire général d’un conseil avec celle d’assesseur. Ces dispositions ne s’appliquent qu’au fur et à mesure des remplacements découlant des élections. En décembre 2018, 23 élus répartis dans 17 chambres disciplinaires étaient encore officiellement à la fois assesseur et président ou secrétaire général de conseils régionaux ». Comme vous l'écrivez : « Ces dispositions ne s’appliquent qu’au fur et à mesure des remplacements découlant des élections. ». Il n'y a eu aucune élection au CROM Lorraine depuis la parution de ces ordonnances en 2017 et ce jusqu'en février 2019. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 155. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 155 La Secrétaire générale et moi (Président) n'avons plus siégé conformément aux ordonnances dès 2017. Je précise qu’il ne servait à rien de démissionner puisque nous ne pouvions être remplacés. En effet, le CROM Lorraine était composé de neuf conseillers titulaires, dont un refusant de siéger en CDPI. Les huit conseillers titulaires étaient donc assesseurs de fait au titre du collège interne (4 titulaires et 4 suppléants). Après 2017, il restait donc 6 assesseurs au titre du collège interne. Le collège externe n’était pas impacté. RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL RÉGIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DES HAUTS-DE-FRANCE En réponse à l'extrait du rapport de la Cour des comptes que vous m'avez adressé concernant les niveaux d'indemnité très hétérogènes des Conseils, je me permets de noter que, en ce qui concerne le CROM Picardie, vous mettez en parallèle la recommandation du Conseil national concernant les indemnités : - 20 % du budget, avec - 41 % des charges totales de ce Conseil (dont je n'étais pas la Présidente), ce pourcentage serait certainement moindre s’il était rapporté au budget. Il faut également tenir compte des budgets moindres des plus petits Conseils, ce qui peut expliquer un pourcentage plus élevé dans le budget des indemnités de ces conseillers : les missions des CROM sont les mêmes, quelle que soit la taille de la région, et donc quel que soit le budget. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS D’ÎLE-DE-FRANCE En réponse au rapport, partie - Des conseils régionaux qui peuvent entraver le bon fonctionnement des juridictions - Il me parait important de rappeler qu’en fonction de la séparation des pouvoirs, le Conseil régional administratif n’a aucune compétence dans l’organisation et le fonctionnement de la Chambre Disciplinaire de Première Instance, la seule obligation est de donner les moyens de fonctionnement : locaux, personnels, indemnisation des magistrats… Comme indiqué dans le rapport, le Président, le Secrétaire Général et le Trésorier n’ont plus accès au serveur commun du greffe depuis mai 2018 ; que les dossiers sont classés dans des armoires sécurisées depuis décembre 2018. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 156. COUR DES COMPTES 156 Concernant le nombre d’affaires jugées, les magistrats et le personnel du greffe ont accepté que le nombre d’audiences ait été augmenté passant de 30 par an en 2017 à 39 pour l’année 2020, le nombre de dossiers audiencés par séance passant de 8 à 9. Ainsi le délai de jugement devrait devenir inférieur à 12 mois ; par comparaison la Chambre nationale d’appel a un délai de jugement atteignant 18 mois malgré un effectif du greffe nettement supérieur à celui de la CDPI d’Île-de-France. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE NORMANDIE Je vous fais connaître que la Chambre Disciplinaire de 1ére Instance (CDPI) de Normandie respecte dorénavant les incompatibilités prescrites par l'ordonnance n° 2017-192 du 16 février 2017, prohibant le cumul des fonctions de président et de secrétaire général d'un conseil avec celles d'assesseur de la chambre disciplinaire. À la suite de la dissolution des Conseils Régionaux de l'Ordre des Médecins (CROM) de Basse- et de Haute-Normandie consécutive à la mise en œuvre de la réforme régionale, le nouveau CROM de Normandie issu du scrutin du 8 février 2019 a élu son bureau le 13 février 2019. Les Docteurs François CLERGEAT et Xavier ARROT ont été élus respectivement Président et Secrétaire Général du CROM de Normandie. Le CROM de Normandie procédait le 23 mai 2019 à l'élection des collèges interne et externe de la nouvelle CDPI de Normandie. Ni le président ni le secrétaire général ne se sont portés candidat. Ainsi, conformément à l'article 19 de l'ordonnance n° 2017-192, le CROM de Normandie a mis à profit le renouvellement de ses instances pour se mettre en conformité avec la réglementation. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DES PAYS DE LA LOIRE Les dispositions fixées par ordonnances des 16 février 2017 et 27 avril 2017, modifiant notamment l’article L. 4124-7 du code de la santé L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 157. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 157 publique, et renforçant le régime des incompatibilités, tenaient à s’appliquer à compter du renouvellement de chaque conseil. Le renouvellement du conseil régional des Pays de la Loire est intervenu en février 2019 ; à compter de cette date, aucun assesseur à la CDPI ne cumule de fonctions de président ou de secrétaire général d’un conseil, respectant ainsi les dispositions précitées. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR Le CROM PACA a été totalement renouvelé en février 2019. Ma candidature à la Présidence a été conditionnée au changement de local, que nous avons jugé majoritairement mal adapté à nos missions. Nous sommes actuellement huit mois après notre prise de fonction en train de réaliser l’acquisition de nouveaux locaux qui devraient normalement être opérationnels en 2020. Nous serons dans un immeuble de bureaux, qui accueille déjà d’autres juridictions et Ordres professionnels. L’activité administrative sera parfaitement séparée de l’activité disciplinaire. Nous disposerons d’un accès commode, tant pour les membres du CROM, que pour le public, avec des parkings publics à proximité. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL INTERRÉGIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE LA RÉUNION-MAYOTTE Réponse à la politique immobilière de l'ordre à La Réunion : « L'achat de nouveaux locaux, pour le Conseil Départemental et le Conseil Inter Régional Réunion Mayotte, en 2008, a dû faire face à de très nombreuses contraintes et spécificités. Elles ont rendu le choix très limité du fait de l'étroitesse du marché immobilier et des contraintes d'aménagement. La défiscalisation, en 2008, avait dopé le marché des résidences à usage d'habitation et les prix ont augmenté. Les T1 et T2 ont été favorisés par les promoteurs au détriment des surfaces plus grandes devenues très rares à Saint Denis. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 158. COUR DES COMPTES 158 La circulation à La Réunion est très difficile et de longs trajets séparent les principales villes. Les nouveaux bureaux devaient se situer à l'entrée ouest de la ville afin d'éviter la traversée de Saint Denis pour les élus du sud et de l'ouest. La superficie nécessaire et le choix d'une grande salle de réunion ont nécessité l'achat d'un F5-6 pour le CDOM, surface très rare et chère. Il s'agissait aussi d'acquérir, si possible, deux appartements dans le même immeuble pour plus de proximité entre les deux conseils Départemental et Régional. Un achat brut de décoffrage a permis d'adapter les deux appartements, initialement à usage habitation, et de les transformer en bureaux. Cette solution n'était pas la moins onéreuse mais elle était adaptée aux besoins définis par les élus, en particulier en termes de salle de réunion, avec un coût de travaux supplémentaires. Les approximations qui ont pu exister dans la rédaction des baux sont en cours de correction suite aux conclusions de la cour des comptes. Une nouvelle équipe de gestion de comptabilité de la SCI a été mise en place en 2019. Les baux seront actualisés en 2020 ». RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L’ORDRE DES MÉDECINS DES ALPES DE HAUTE- PROVENCE Réception par notre Conseil Départemental d’un courrier de Madame X. en date du 5 février 2015 reçu le 12/02 en R.A.R., faisant état d’un « signalement de comportement abusif ». Ce courrier concernait un médecin généraliste ostéopathe inscrit dans notre département, le Dr A. À ce dossier, était joint le déroulé très détaillé de huit pages d’une consultation qui s’était passée un an auparavant le 6 février 2014 avec compte-rendu de l’entretien « quasi minuté » entre cette personne et le Docteur A ; minutie qui nous est apparue surprenante pour des faits remontant à une année. Nous avons adressé l’ensemble de ces documents au Docteur A. le 13 février 2015 pour obtenir par écrit ses éléments de réponse en lui donnant une date butoir au 25 février 2015. Ce confrère a répondu au Conseil Départemental le 22 février 2015 un courrier de 5 pages. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 159. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 159 Notre Conseil Départemental, compte-tenu qu’il s’agissait d’un signalement de comportement jugé abusif, le mot plainte n’étant pas exprimé et ne figurant en aucun endroit sur la lettre de Madame X. qui ne demandait, par ailleurs, aucune sanction à l’encontre du praticien, n’a pas estimé devoir traiter ce dossier comme une plainte, le mot « signalement » en entête de Madame X. ayant été interprété dans son étymologie, « porter à la connaissance de ….. ». Pour ces mêmes raisons, aucune réunion de tentative de conciliation entre les parties n’a été diligentée par notre structure, d’autant que Madame X. a signalé d’emblée dans son courrier, qu’elle ne souhaitait pas être confrontée au médecin. Ce dossier a été examiné en Séance Plénière de notre Conseil Départemental le 31 mars 2015. Après avoir pris connaissance de l’intégralité des documents produits ainsi que de l’avis du Conseiller Rapporteur près la Commission des plaintes et des litiges, les Conseillers présents ont décidé de traiter ce dossier comme un différend et de ne pas donner, en l’état et à cette date, de suite ordinale. Nous avons informé le 10 avril 2015 Madame X. par écrit de cette décision. Après avoir reçu notre courrier, cette dernière ne nous a pas fait parvenir de plainte formalisée à l’encontre du Docteur A. Le Docteur A. a sollicité le transfert de son dossier dans le département du VAR en date du 30 juin 2015 Dans le cadre de son inscription à notre Tableau Départemental des Alpes de Haute-Provence, le Docteur A. n’aurait jamais fait l’objet de signalement pour des faits similaires, à l’exception du courrier de Madame X. Notre Conseil Départemental a été destinataire d’une réquisition à personne datée du 7 septembre 2015, d’un Officier de Police Judiciaire agissant pour l’exécution d’une commission rogatoire délivrée le 4 septembre 2015, par la Juge d’Instruction près le TGI de D. à l’encontre du Docteur A. « mis en cause » par une seconde plaignante, Mme Y, « pour agression sexuelle par personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction ». La mission stipulait de bien vouloir assister l’OPJ à mener au domicile du Docteur A. ainsi qu’à ses cabinets médicaux (perquisitions, saisies, scellés). Il devait être procédé à la saisie de tous les dossiers L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 160. COUR DES COMPTES 160 (médicaux et dans le cadre de l’activité d’ostéopathe) détenus par le Docteur A. concernant Mmes X et Y. À noter que cette seconde plaignante n’a adressé aucun signalement ni plainte à notre structure. Cette réquisition ayant été reçue au siège de notre Conseil, un Membre Conseiller a apporté son concours à la justice après avoir prêté serment en se rendant à cette saisie de dossiers le 8 septembre 2015. Cette représentation de notre Conseiller est mentionnée au PV de notre séance plénière du 22 septembre 2015. RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DES ALPES MARITIMES En raison de l’augmentation progressive du nombre des médecins inscrits ainsi que des missions mises à sa charge, le Conseil départemental des ALPES-MARITIMES de l’Ordre des Médecins a régulièrement besoin d’augmenter la surface de ses locaux. Dans ce cadre, il a, au cours des années, procédé à l’achat de nouveaux locaux contigus ou très proches géographiquement de ses locaux initiaux. C’est dans ce cadre qu’ont été achetés deux appartements complémentaires en 2014 et 2015 pour une surface totale de 81 m2 . Ces achats ont été faits à des prix dans la moyenne basse du marché. Une étude d’aménagement de ces locaux a été réalisée en 2015/2016 par un architecte, que nous tenons à la disposition de la Cour des comptes. Il nous est apparu que la transformation envisagée avait un coût non négligeable, tout en ne répondant pas totalement aux besoins de notre Conseil. De plus il est apparu que des obstacles à nos missions pourraient survenir dans notre copropriété. C’est la raison pour laquelle il n’a pas été donné suite à l’utilisation de ces locaux, la réflexion menée autour de ce travail étant qu’un déménagement de nos locaux était nécessaire. Cette recherche active de nouveaux locaux (plusieurs visites, avec étude approfondie par architecte pour certains des locaux, étude de la possibilité de mise aux normes, etc.) depuis maintenant 3 ans, est proche d’aboutir. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 161. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 161 Dans cette optique, les locaux ci-dessus désignés vont faciliter ce nouvel achat. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE L’AVEYRON À la lecture de ce rapport je constate qu'il a bien été pris en compte la remarque que je vous ai transmise en ce qui concerne l'augmentation des salaires. Je tiens juste à rajouter que pour l'augmentation salariale pour l'année 2019 elle a été calculée au taux de l'inflation (décision prise avec les nouveaux membres du bureau de notre conseil). RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DU BAS-RHIN  « De fréquents problèmes de gouvernance nuisant à l'image de l'institution » « Les conflits de gouvernance au sein des conseils ne sont pas rares (…Bas-Rhin…) et nuisent à l'image de l'ordre des médecins. Ils peuvent dans certains cas conduire à des contentieux entre dirigeants d'un même conseil, entraînant des frais d'avocats souvent financés par les cotisations ordinales…. » Il n'existe aucun conflit de gouvernance au sein de notre Conseil départemental. Il est apparu depuis plusieurs mois une différence d'appréciation entre le Trésorier de notre Conseil et le reste des membres de notre Bureau et du Conseil en ce qui concerne la problématique des indemnités allouées aux Président et Secrétaire Général, mais ceci a été tranché lors de la réunion du Conseil du 28.02.2019 (voir PV en PJ) qui a confirmé l'option en cours.  « Une gestion des ressources humaines peu encadrée » « … 2- Une politique salariale hétérogène avec des niveaux de rémunération particulièrement élevés b) Dans les conseils départementaux et régionaux L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 162. COUR DES COMPTES 162 … Enfin, en matière de revalorisation salariale, il existe autant de cas de figure que de conseils. Dans le département du Bas-Rhin, les salaires augmentent depuis 1999 de 1 % au 1er janvier et 1,5 % au 1er juillet ; » Les revalorisations salariales des secrétaires ont été fixées par contrat de travail lors des mandatures précédentes (1999) et le Code du Travail ne permet pas de les modifier en cours de contrat. RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DES BOUCHES-DU-RHÔNE En préambule, il nous semble important de souligner le contexte de la présente réponse aux conclusions du Rapport de la Cour des comptes. Nous avons parfaitement entendu toutes les observations de la Cour et nous les percevons comme une réelle opportunité pour l’avenir du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône. Elles nous ont permis de nous conforter dans l’idée que le Conseil est au service des médecins, dans l’intérêt des patients. C’est pourquoi nous avons pleinement conscience d’être les garants de l’image de l’Institution et de son rôle de défense et de régulation de la profession médicale. L’équipe nouvellement élue que je représente a la volonté de renvoyer aux médecins l’image d’une gouvernance transparente, unie, fédératrice et à leur service. Dès notre arrivée nous avons notamment : - Mis en place des réunions thématiques autour de sujets d’actualité, dans la droite ligne des missions du Conseil de l’Ordre. - Créé une newsletter destinée entre autres à relayer en local les préconisations du Conseil national. Nous développons ces actions auprès des acteurs de proximité. Nous avons pris attache avec les partenaires politiques et institutionnels des bassins de vie pour participer au maillage territorial de la continuité de l’offre de soin. Nous nous sommes engagés à ce que le Conseil départemental soit accueillant et considéré comme la maison de la médecine. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 163. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 163  Extrait n° 1 : conflits de gouvernance La décision prise le 04 juillet 2018 par le Directeur de l’Agence Régional de Santé de la Région PACA de faire application de l’article L.4123-10 a abouti, par volonté des médecins du département, à l’élection d’un Conseil entièrement renouvelé. Les contentieux antérieurs ont gravement affecté l’image du Conseil. Ils ont eu un coût humain et financier élevé. Il nous appartient de retrouver la confiance des confrères en travaillant dans le respect d’une Institution à leur service. Dans un souci d’apaisement notre Conseil a mis fin aux procédures disciplinaires en cours initiées à l’encontre des élus ou médecins lorsqu’elles concernaient leur prise de position durant le conflit de gouvernance. Élue présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône le 29 avril 2019, j’ai pris connaissance des charges financières importantes liées aux différends interpersonnels et aux dysfonctionnements divers. La nouvelle équipe souhaite dédier les cotisations perçues au service des médecins via, par exemple, l’organisation de réunions d’information, la création d’outils pratiques et de mise en relation des médecins entre eux.  Extrait n° 3 : suivi des actifs mobiliers Aucun inventaire des actifs physiques et mobiliers du Conseil n’a jamais été réalisé. Ce constat soulevé par le rapport de la Cour des comptes nous incite à mettre en place sans délai un processus d’inventaire des biens du Conseil. La réflexion est en cours sur la possibilité d’externaliser la prestation ou de la réaliser en interne. Actuellement, il n’y a pas de bien mis à la disposition du personnel ou des élus tels que voiture de fonction, téléphone / ordinateur portable, carte essence, etc. En 2015, le Conseil départemental avait mis à la disposition des élus des tablettes numériques, chaque élu ayant signé un courrier l’informant que l’outil de travail a été mis à sa disposition à titre gracieux. Lors de la Séance Plénière du 1er juillet 2019, le nouveau Conseil avait décidé d’adresser un courrier demandant la restitution de la totalité des tablettes afin qu’elles soient remises aux nouveaux élus pour faciliter leur travail au Conseil durant leur mandat. Le Conseil se charge de relancer ceux des anciens élus qui n’ont pas donné suite au courrier. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 164. COUR DES COMPTES 164  Extrait n° 5 : achats immobiliers Nous entendons les remarques de la Cour des comptes relatives à l’aspect esthétique du Conseil dont la façade est inscrite aux bâtiments remarquables. Historiquement, le siège du Conseil départemental des Bouches-du- Rhône a été acquis en 2002 pour un coût de 2 500 000 € (rénovation et transformation en bureaux compris). Sa valeur estimée en 2011 par une société indépendante était comprise entre 3 700 000 € et 3 900 000 €. Compte tenu de ces éléments, il nous semble que cette acquisition immobilière a été réalisée dans une volonté de sécuriser le patrimoine du Conseil et n’a pas été effectuée à perte. Nous procéderons néanmoins à une nouvelle estimation afin de nous assurer que la valeur actuelle est toujours supérieure au coût d’acquisition et de rénovation. À la suite de notre élection, nous avons étudié l’hypothèse de transférer le Conseil dans un lieu plus standard et fonctionnel. L’état actuel du marché immobilier n’offre pas de solution correspondant aux besoins du Conseil dans une enveloppe budgétaire raisonnable. Par ailleurs, le siège du Conseil départemental permet d’accueillir tous les médecins dans un lieu accessible en transport en commun et à tous les modes de mobilité, proche des accès autoroutiers, avec de grandes facilités de stationnement (plus de 200 places non payantes dans un périmètre de 200 mètres). Enfin, le projet d’agrandissement initié en 2012 a été interrompu en 2016. Notre équipe actuelle étudie la possibilité de rénover ou de détruire les locaux annexes. Une fois sa réorganisation et son projet stabilisés, le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône continuera à se développer en totale cohérence avec ses missions. En traversant ces derniers mois marqués par une remise en question totale, nous sommes empreints d’un fort engagement collectif et d’une motivation sans faille. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 165. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 165 RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE LA CORSE DU SUD Le Conseil départemental de Corse-du-Sud a toujours accordé une grande importance à l’organisation et au bon déroulé des conciliations. Ses conseillers ont, de tout temps, participé à cette mission statutaire du Conseil de l’Ordre, et cela de manière efficiente. Si la désignation des membres de la commission de conciliation n’avait pas été actée, c’est parce que le Conseil a toujours considéré que tous ses membres en faisaient partie, hormis les élus de la Chambre disciplinaire de première instance. La commission de conciliation est désormais formellement constituée, tous les conseillers en sont membres exceptés les assesseurs à la Chambre disciplinaire. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE LA HAUTE-CORSE Je tiens à souligner, d’emblée, qu’entre la fin de l’année 2017 et le début 2018, soit en quelques mois seulement, notre conseil a changé de secrétaire, de locaux, de Bureau et de Président et parallèlement les dispositions réglementaires et législatives ont également évolué. En effet, le mode de fonctionnement dépassé de notre Conseil, a été corrigé dès le début de l’année 2018 par une réorganisation complète des membres de l’ordre et du personnel administratif ainsi que la mise en œuvre de la saisie informatique des données. Concernant la plainte déposée à l’encontre du Dr X, membre de notre Conseil, par une patiente résidant en Sardaigne, nous attendions la réponse de la plaignante, qui nous avait informé téléphoniquement qu’elle serait présente en France au mois de septembre et reviendrait vers nous, avant de délocaliser la conciliation dans un autre département, et cela nous a été, vertement, reproché par vos Conseillères qui ont considéré que nous protégions notre consœur car membre du conseil départemental. Ce dossier a été adressé au Conseil National qui a délocalisé la plainte dans un autre Conseil, lequel a établi un Procès-Verbal de carence de conciliation en l’absence des deux parties et notre Conseil réunit en Séance plénière a transmis cette plainte à la Chambre Disciplinaire de 1ère Instance PACA-Corse conformément à l’ordonnance du 16 février 2017. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 166. COUR DES COMPTES 166 De plus, cette consœur m’a adressé un courrier, il y a quelques mois, dans lequel elle estime, bien au contraire, de ne pas avoir été suffisamment soutenue par notre conseil et non protégée comme vous le présumez. Par ailleurs, elle exprime même, à mon endroit, un fort ressentiment personnel ; ce qui l’a conduite à démissionner de notre Conseil en date du 06/01/2019. Concernant la gestion des plaintes, vous avez relevé que notre conseil n’organisait pas de conciliation préalablement et informait le praticien, le plaignant prenant ensuite connaissance à notre conseil de sa version des faits. Cela est effectivement une perte de temps et depuis votre remarque, nous organisons la conciliation, directement sans attendre la version des faits du praticien. Cette gestion des plaintes n’a désormais plus cours au sein de notre Conseil. Pleinement conscient des efforts à fournir, notre Conseil a signé une convention d’assistance juridique avec un avocat justifiant de compétences reconnues en matière de contentieux disciplinaire public. Il en résulte un encadrement et cela dès réception des courriers susceptibles d’être regardés comme des plaintes ou des doléances. L’article L. 4121-2 du code de la santé publique auquel renvoie l’article L. 4123-1 du même code, définit les missions que le législateur a confiées à l’Ordre des médecins et plus particulièrement aux conseils départementaux. De manière obligatoire l’ordre a compétence pour maintenir le respect d’un certain nombre de principes éthiques formalisés dans la partie réglementaire du code de la santé publique. Il statue en outre sur les inscriptions au tableau. Il assure la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession médicale. Il résulte de ce bref rappel, que les activités du conseil de l’ordre départemental sont exercées dans un cadre sollicitant divers domaines juridiques. Sa nature de gardien de la conformité à la norme de la profession médicale lui impose dans ce domaine notamment une grande exigence d’exemplarité. Concrètement, au niveau disciplinaire, le modus operandi de la collaboration entre notre avocat et notre Conseil, est le suivant : L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 167. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 167 1. Lorsque l'Ordre départemental est plaignant à titre principal : - mise en forme des plaintes présentées directement à la Chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins interrégional Provence Alpes Côte d'Azur- Corse. 2. Lorsque l'Ordre départemental transmet une plainte : - préparation, en liaison avec le secrétariat de l’ordre, de la réunion de conciliation en assurant la sécurisation formelle de la procédure (incompatibilités, quorum, compétence du président…) ; - rédaction de l’avis motivé de transmission de la plainte ; - dans l’hypothèse d’une association à la plainte ainsi transmise, rédaction du mémoire en réplique ; - dans l’hypothèse d’une transmission sans association, répliquer en qualité d’observateur, au mémoire en défense sur ce même terrain procédural. S’agissant des 5 % des dossiers papiers manquants des médecins, égarés lors du déménagement dans l’urgence et l’emménagement dans des locaux en chantier de notre conseil et il convient de préciser que nous avons constaté que tous ces dossiers sont très voisins dans l’ordre alphabétique que ce soit par exemple pour les « L » ou pour les » T », comme s’ils faisaient partie à chaque fois d’un même carton. La reconstitution matérielle de ces dossiers est bien avancée et est toujours en cours. Le dossier de l’ancien Président de notre Conseil, sans activité médicale depuis novembre 1998 a été entièrement reconstitué. En l’espèce, aucune volonté de dissimulation d’informations ne peut nous être opposée. Concernant les dossiers médecins inscrits à notre Tableau, ils sont à ce jour en format papier, la numérisation de ces dossiers a été validée en séance plénière et l’embauche d’un secrétaire administratif à temps partiel permettra au 01/01/2020 d’entreprendre cette mission sans peser sur le fonctionnement quotidien de notre Conseil. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 168. COUR DES COMPTES 168 RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE L’HÉRAULT 1. Dérives dans la « Lettre de l’Ordre » de mai 2013  Le texte incriminé a été publié dans la rubrique « Libres propos / Billet d’humeur » ;  Le texte incriminé est signé du Docteur WOLFF, Gynécologue, qui précise bien que ce texte « n’engageant que lui et ne reflétant en rien l’avis du Conseil » (en N.B) ;  Cette publication a valu : - une plainte du Conseil National de l'Ordre des Médecins contre le Docteur WOLFF. Plainte rejetée par la Chambre Disciplinaire de 1ère Instance du Rhône le 14 avril 2014 - puis un appel du Conseil National de l'Ordre des Médecins contre cette décision, appel lui aussi rejeté le 8 juin 2015 Aucune faute déontologique n’a donc été retenue. Pour toutes ces raisons il nous semble injustifié de qualifier cette publication de 2013 d’« expressions publiques inappropriées ». 2. Entraide a)Dérive dans les critères d’attribution et dans les montants alloués : L’attribution d’une entraide au Conseil Départemental de l’Hérault se fait par décision du Conseil réuni en séance plénière sur proposition du Trésorier ou du Président. Le plus souvent, c’est le Trésorier qui reçoit longuement le demandeur, qui le questionne très précisément sur ses ressources et ses dépenses, qui examine son SNIR et qui fait un compte rendu détaillé au Conseil. Ce mode de fonctionnement, basé sur la confiance et la confraternité, nous a toujours semblé éthique et déontologique. L’avis d’imposition n’a jamais été demandé car le plus souvent les confrères demandeurs sont non imposables. D’autre part, l’avis d’imposition reflète la situation de deux ans auparavant et non du moment de la demande d’entraide. Le montant des entraides alloué, entre 4 000 et 5 000 € en moyenne, correspond à notre avis à une juste mesure eu égard aux difficultés présentées par les confrères et du niveau de notre trésorerie. Mais il est bien évident que le Conseil Départemental de l’Hérault de l'Ordre des Médecins est favorable à un barème national qui s’imposerait à tous. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 169. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 169 b) Les prêts : - depuis deux ans, nous n’accordons plus de prêts ; - les prêts accordés ont été remboursés, certes avec parfois plusieurs années de retard mais tous ont été remboursés sauf un. Ce prêt non remboursé a été accordé à une confrère récemment retraitée, connaissant de graves difficultés financières. Elle nous a fait une reconnaissance de dette signée où elle s’engage à tout rembourser dès que sa maison serait vendue. Cette vente traine, c’est pourquoi le remboursement est pendant... Faut-il faire une action en justice ??? Le prêt de 10 000 € à une élue ordinale, médecin généraliste, a été accordé en urgence, dès le lendemain d’une agression à son domicile lors d’un cambriolage pour lui permettre de continuer à travailler. Ce prêt a été validé, a posteriori, par une décision du Conseil en séance plénière. Ce prêt a été totalement remboursé. Enfin, le prêt du Docteur Patrick WOLFF, ancien président du Conseil Départemental, a été accordé par un « bureau restreint », mais validé par une décision du Conseil à la séance plénière suivante. Il était destiné, dans le cadre de l’affaire mentionnée au 1, à payer les frais d’avocat induits par l’appel du Conseil National de l'Ordre des Médecins qui avait été débouté de sa plainte en 1ère Instance, la RCP du Docteur WOLFF ayant pris en charge les frais de 1ère instance mais refusant de prendre en charge les frais d’appel. Le Conseil National de l'Ordre des Médecins ayant été débouté ensuite en appel, le Conseil Départemental, dans sa séance du 14 juin 2016 a donc décidé de transformer ce prêt en don car - aucune faute déontologique n’avait été retenu contre lui ; - les deux plaintes déposée (1ère Instance et appel) l’avaient été au motif « qu’en tant que Président du Conseil Départemental il avait un devoir de réserve », c’était donc bien sa fonction de Président qui était incriminée et le Conseil Départemental a pensé qu’il devait lui témoigner sa solidarité par ce geste. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 170. COUR DES COMPTES 170 RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE LA MAYENNE Le point « entraide généreuse, très hétérogène et parfois versée à tort » ne répond pas à nos remarques déjà formulées à l'encontre du conseil de la Mayenne, à savoir : « Le CNOM et nous même avons été destinataires d'un courrier de demande d'entraide de la part de la fille d'un médecin radié suite à une décision de la chambre disciplinaire. Notre conseil a reçu cette demande, le 16 octobre 2016, mais n'a jamais sollicité la commission d'entraide nationale. Cependant, le CNOM dans sa commission retreinte, du 26 octobre 2016, a souhaité verser une aide d'urgence au titre « de l'aide aux études et au regard des éléments contenus dans le dossier ». Le montant a été viré sur notre compte. Nous avons reversé l'intégralité du montant accordé par le CNOM à la fille de ce médecin sur production de factures. » Le Conseil départemental de la Mayenne n'est donc aucunement impliqué dans la décision d'attribution de cette aide. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE LOIRE-ATLANTIQUE Afin de rester au plus près de vos commentaires, nous allons aborder les sujets dans l’ordre dans lequel vous nous les présentez. Extrait n° 1, relatif au contenu du blog du CDOM : Vous évoquez dans cet extrait, la qualité des contenus publiés par certains Conseils, qui est par ailleurs extrêmement variable et qui a pu donner lieu à des dérives, comme en Loire-Atlantique. Sujet semble-t-il important puisque le premier de vos sujets et de surcroît encadré. Justement comme vous avez pu le constater, ces « mots d’humeur » (et non pas des pamphlets) ont toujours été bien encadrés, disposés au sein du journal, à leur place, à savoir dans la page « divertissements » à côté des mots croisés et des parties de bridge. Ces mots d'humeur étaient frondeurs et moqueurs, si possible humoristiques, et en tout cas ni délictueux, ni injurieux, ni agressifs. Ils n'étaient que des jeux, à destination de nos confrères, et pas du tout des L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 171. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 171 discours de propagande politique. Il est à noter d’ailleurs qu’en presque vingt années d’existence, le Conseil n’a eu aucun retour négatif sur ces mots d’humour, ni du lectorat très spécifique que sont les médecins, ni des institutions officielles à qui nous transmettions la revue. Nous prenons acte de vos remarques, mais nous nous inquiétons quand même de cette censure qui laisse entendre que notre liberté de parole doit être en tout lieu aseptisée. Nous nous interrogeons également sur la légitimité de la Cour des Comptes sur un tel sujet. Nous nous étonnons qu’une juridiction financière chargée de contrôler la régularité des comptes publics et assimilés, puisse juger aussi de la qualité de notre communication. Ce qui nous amène donc au sujet suivant qui nous paraît, lui, plus légitime. Extrait n° 2, relatif aux dépenses sans rapport avec les missions de l’Ordre : Nous avons pris acte et nous avons corrigé cela dans la gestion des deniers de l’Ordre. Pour parfaire votre information, sachez que l’achat du vélo dont vous parlez, pour le départ à la retraite d’une secrétaire après plus de 30 années au sein du Conseil départemental, a fait l’objet d’une cagnotte alimentée par les personnes physiques concernées, mais dans des proportions insuffisantes pour cet achat, ce qui a motivé l’utilisation des deniers du Conseil. Ce qui ne se reproduira plus. Bien que l’on puisse considérer en l’état, que cette secrétaire était au service de tous les médecins du département qui, de facto, pourraient être considérés comme personnes physiques. Extrait n° 3, relatif à la distinction entre plaintes et doléances et l’organisation des conciliations : La qualification en plainte ou doléance n’est pas confiée à un seul élu, mais à notre Secrétaire Générale après discussion avec notre juriste et des conseillers ordinaux lors de nos réunions hebdomadaires. Tous les courriers reçus sont soumis hebdomadairement en Bureau et leur direction est ainsi validée de façon collégiale. Les conciliations sont, pour la plus grande majorité, (et le seront maintenant systématiquement) sous le contrôle de deux conseillers ordinaux qui sont souvent accompagnés d’une de nos juristes, gage de conformité au droit, et qui sont tenues de par leur contrat au secret professionnel absolu, tout comme peut l’être une secrétaire médicale dans un cabinet de médecins ou dans un service hospitalier. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 172. COUR DES COMPTES 172 Quant aux plaintes clairement étiquetées, celles-ci font toutes l’objet d’une conciliation. Les plaintes n’ayant pas fait l’objet de conciliations relevaient dans leur grande majorité de l’article L. 4124-2 du code de la santé publique, mais étaient toutes étudiées lors d’une réunion de bureau (sauf cas très particuliers des plaintes incompréhensibles). Voilà donc les éléments que nous souhaitions porter à votre connaissance et que vous prendrez en compte sans nul doute. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DE PARIS  Le stationnement en ville des médecins À Paris jusqu'en 2011, le stationnement était sous la tutelle de la Préfecture de Police. Le Conseil départemental, en partenariat avec la Préfecture, a mis en place pour les praticiens effectuant des visites, la délivrance de « Vignettes Urgences » qui étaient éditées et distribuées par le Conseil départemental. Le listing des médecins bénéficiaires était communiqué à la Préfecture. À la suite de la réforme qui donnait à la ville de Paris le contrôle du stationnement, le Conseil départemental a sollicité la Mairie afin de rediscuter les conditions de déplacement des médecins parisiens. À l'occasion de ces réunions, le Conseil départemental a toujours pu compter sur le soutien de la Préfecture de Police qui y participait. C'est avec rigueur que le Conseil départemental agit, afin d'offrir aux parisiens un meilleur accès aux soins et pour permettre une collaboration plus efficace avec les institutionnels qui font appel au Conseil départemental de la ville de Paris de l'Ordre des Médecins, dans le cadre des missions qui lui sont confiées par la Loi. Sur les 987 autorisations attribuées en 2018 (pour rappel le Conseil départemental de Paris compte plus de 25 000 médecins inscrits au tableau), deux cas (2) ont été relevés par la Cour des Comptes qui, par erreur, ont bénéficié de la carte Pro SAD. 2018 a été la première année de mise en place de ce dispositif, les erreurs signalées ont été corrigées et dès 2019, les contrôles ont été améliorés. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 173. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 173 Le Conseil départemental de la ville de Paris de l'Ordre des Médecins compte 52 élus ordinaux, parmi eux, 25 élus disposent de la Carte « Pro SAD ». Une dizaine de Conseillers effectuent, à l'occasion de leur pratique médicale, des visites à domicile justifiant l'obtention de la carte « Pro SAD », et de plus, comme les quinze autres élus disposant de la carte, ils effectuent des missions pour l’Ordre, très fréquemment à la demande d’institutionnels. Les missions effectuées par les Conseillers ordinaux sont entre autres, les saisies/perquisitions (224 en 2018) faites à la demande d'un juge d'instruction, de la police judiciaire ou du Procureur de la République, les réunions avec l'ARS, la Mairie de Paris, la Préfecture de Police. Dans les missions de l'Ordre figurent aussi les visites de cabinets médicaux, les réunions de formation, la présence à la commission fiscale des professions libérales, les conférences de territoire, les Conseils de Faculté et bien d'autres activités nécessitant un déplacement et pour lesquelles les frais ne sont pas pris en charge par le Conseil départemental de la ville de Paris de l'Ordre des Médecins.  Politique salariale et service juridique Je vous rappelle qu’en l'état actuel de la législation, les juristes salariés des Conseils départementaux ne sont pas autorisés à représenter leurs employeurs devant les Chambres disciplinaires. Pour plus de précisions, l’avocate du Conseil départemental de Paris a pris en charge pour l'année 2017 notamment, 76 audiences dont 56 devant la Chambre disciplinaire de première instance d’Île-de-France et 20 devant la Chambre disciplinaire nationale. De plus le Conseil départemental de la ville de Paris est l’un des rares Conseils à salarier un juriste à temps plein.  Les conciliations - Concernant l'exemple que vous citez au sujet du Dr S., une conciliation a effectivement abouti, suite à la proposition du médecin de rembourser sa patiente de la somme versée pour des actes d'épilation laser, ce que cette dernière a accepté contre le retrait de sa plainte au Commissariat de Police et son engagement de suivre des soins dans un autre centre. C'est de leur propre chef que les parties ont convenu des modalités de cet accord, sans que le conciliateur ne s'y soit immiscé. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 174. COUR DES COMPTES 174 En tout état de cause, une conciliation entre les parties ne fait pas obstacle à une plainte du Conseil départemental à l'encontre du médecin concerné, dès lors qu'il apparait que les faits constituent des manquements graves à la déontologie médicale. Dans l’exemple cité, il n'y avait pas lieu pour le Conseil départemental de s'autosaisir après cette conciliation et de déférer ce médecin devant la juridiction ordinale. Les faits reprochés à ce médecin ne relevaient en effet d'aucun manquement déontologique. Ils portaient sur les résultats d'une épilation dite définitive, relevant d'une appréciation technique échappant par là même à la compétence des instances ordinales. - Toutes les plaintes relevant de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique, après échec de la conciliation ou carence, sont transmises à la Chambre disciplinaire de première instance, contrairement à ce que vous écrivez. Pour les plaintes relevant de l'article L. 4124-2, les dispositions de cet article n'imposent ni organisation de conciliation, ni transmission de la plainte. - L’affirmation sur Mme X ayant porté plainte contre le docteur B laisse sous-entendre qu’il s’agirait d'un artifice pour tenter de convaincre la plaignante d'abandonner ses poursuites ou pour retarder la transmission de la plainte à la juridiction ordinale. En aucun cas il n'a été tenté de la dissuader de poursuivre sa démarche. Votre analyse est totalement contredite par la chronologie de la procédure suivie dans cette affaire : - 6 août 2012 : réception de la plainte ; - 10 septembre 2012 : information du médecin mis en cause et convocation des parties à la réunion de conciliation ; - 25 septembre 2012 : réunion de conciliation ayant abouti à la rédaction d'un procès-verbal de non-conciliation ; - 12 décembre 2012 : présentation de la plainte et délibération du Conseil départemental décidant la transmission de la plainte à la Chambre disciplinaire de première instance ; - 14 janvier 2013 : enregistrement de la plainte par la Chambre disciplinaire de première instance ; - 1er mars 2013 : ordonnance du Président de la Chambre disciplinaire de première instance rejetant la requête de la plaignante pour irrecevabilité, pour défaut d'acquittement de la contribution pour l'aide juridique qui existait à l'époque. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 175. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 175 Lors des conciliations, les conciliateurs informent les parties du parcours que la plainte suivra et des délais habituels en la matière. La plaignante a certainement dû déduire de cette information qu'elle disposait d'un délai pour réfléchir sur les suites de sa plainte avant qu'elle ne soit examinée en séance de Conseil. Quoi qu'il en soit en l'espèce, il apparait que ce dossier a été traité sans aucun retard. Si la plainte a été abandonnée, c'est à la seule initiative de la plaignante qui n'a pas donné suite à l'invitation faite par le Greffe de la juridiction de régulariser la procédure par l'acquittement de la contribution pour l'aide juridique.  Le traitement des plaintes pour des faits à caractère sexuel Vous faites état de la condamnation prononcée par la Cour Administrative d’Appel de Paris en octobre 2012 contre le Conseil départemental de la ville de Paris de l’Ordre des médecins d'avoir à verser une somme de trois mille euros en marge d'une affaire concernant un médecin gynécologue. Nous ne pouvons qu'être très surpris que vous croyiez utile de faire à nouveau référence à cette ancienne affaire aujourd'hui définitivement jugée et tranchée, dans le cadre d'un rapport que vous publiez en 2019. Un tel décalage est non seulement surprenant mais très inapproprié pour apprécier la gestion actuelle et quotidienne du Conseil. Vous donnez ainsi une fausse impression de la réalité du quotidien de notre activité, ce que nous déplorons. De plus, nous avons dû procéder à des rectifications de vos écrits qui comportaient des affirmations péremptoires et erronées sur de nombreux points, alors que vous disposiez ou auriez dû solliciter en temps utile les éléments nécessaires. À titre liminaire, je tiens à rappeler que si la décision a été rendue le 18 octobre 2012, soit il y a plus de sept ans aujourd’hui, les doléances concernées par cette affaire sont encore plus anciennes car elles datent de 1988 à 2004, soit il y a près de 30 ou 15 ans, soit bien antérieurement à la période de votre saisine. Il faut souligner également que la Cour Administrative d’Appel de Paris avait jugé dans cette affaire que les doléances devaient être requalifiées en plaintes (et non comme des doléances relevant de l’appréciation des poursuites du Conseil) et à ce titre devaient être soumises à la juridiction ordinale. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 176. COUR DES COMPTES 176 C’est cette erreur d’appréciation qui a donné lieu, pour la juridiction administrative, à la caractérisation d’une faute. Contrairement à ce que vous indiquiez, aucun élu ordinal n’a été mis en cause personnellement. Seule la responsabilité civile du Conseil de l’Ordre a été engagée pour ces faits très anciens. Vous avez accepté de revenir sur votre affirmation en indiquant désormais que c'est l’Avocat Général de la Cour d’Assises qui aurait « mis en cause la gestion de l’affaire » par un élu. Nous rappelons que le Conseil départemental de la ville de Paris de l'Ordre des médecins, qui s'était constitué Partie Civile dans le cadre des poursuites pénales initiées contre le gynécologue, avait été déclaré recevable par arrêt du 14 mars 2014 de la Cour d'Assises de Paris. Depuis 2006, le Conseil départemental de la ville de Paris a entrepris toutes les mesures nécessaires pour que le médecin concerné soit sanctionné et il a été prononcé sa radiation en 2013 par la juridiction disciplinaire après les actions et recours formés par le Conseil à cette fin. Le Conseil Départemental de la ville de Paris a pris acte de la décision de la Cour Administrative d’Appel et les dossiers sont instruits avec la plus grande diligence. Vous rapportez par ailleurs, qu’un élu ordinal aurait fait l’objet de deux plaintes pour des faits à caractère sexuel, restées sans suite. Le Conseil ne comprend pas le lien avec le traitement de l'affaire du gynécologue radié de l'Ordre depuis 2013. Alors que ces éléments figuraient au dossier en votre possession, nous nous étonnons que vous ayez dans un premier temps omis d'indiquer dans votre rapport que l'une des plaintes concernant cet élu a fait l'objet d'un désistement du plaignant informant le Conseil départemental par courrier, et que l'autre plainte a été jugée irrecevable par la juridiction ordinale, le plaignant ne s’étant pas conformé aux règles légales de procédure. De son côté, le Conseil départemental a fait toute diligence en traitant ces plaintes conformément à la loi, lesquelles ne sont donc pas « restées sans suite » de sa part. En vertu du principe constitutionnel de la présomption d'innocence, seule une décision juridictionnelle définitive de culpabilité est de nature à imposer la cessation des fonctions d'un élu. D’une manière générale, je conteste fermement votre conclusion selon laquelle « d'autres élus, dans des Conseils départementaux, comme L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 177. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 177 à Paris, ont retardé l'engagement de poursuites disciplinaires contre des médecins accusés d'agressions sexuelles ou de viols, ces poursuites n'intervenant qu'après la condamnation pénale desdits médecins ». Cette affirmation non argumentée porte atteinte à l’honneur et à la considération des élus parisiens alors que les plaintes ordinales sont, conformément à la loi, transmises à la juridiction disciplinaire et que les poursuites sont systématiquement engagées en temps utile. Dans le respect de la présomption d’innocence et des droits du patient, le Conseil départemental de la ville de Paris de l’Ordre des Médecins œuvre chaque jour pour le traitement des très nombreux dossiers disciplinaires dont il a la charge et se constitue régulièrement partie civile devant les juridictions répressives pour défendre l’honneur et la moralité de la profession médicale. RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS DU PAS-DE-CALAIS 1. Sur les « comptes faussés et soupçons de détournement d’argent au profit d'une secrétaire en mars 2012 » Mon mandat de Présidente n’ayant débuté qu’en avril 2015, je ne peux malheureusement vous apporter d’éléments utiles relatifs à cette période. Je vous invite donc à prendre attache auprès des intéressés afin qu'ils puissent vous livrer leurs explications. 2. Sur le point 3 relatif au licenciement « abusif » Le motif de licenciement n’est pas celui indiqué par la Cour des comptes (i.e. « raison de santé du salarié »). Le motif invoqué par le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins du Pas-de-Calais était la désorganisation de son secrétariat, celui-ci comprenant quatre personnes à temps plein avec chacune des salariés ayant une compétence spécifique, l’absence prolongée de l’une d’entre elles pénalisait donc la grandement l’organisation et la qualité du travail. En outre, la Cour des Comptes critique la gestion de ce litige qui à son sens « l'exposait à un contentieux dont il pouvait facilement s’apercevoir qu’il serait perdu d’avance ». Je m’étonne de cette formulation car la France n’étant pas un pays de « common law » où le juge est lié par un précédent et dont la prévisibilité judiciaire n’est pas possible. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 178. COUR DES COMPTES 178 D’ailleurs, la condamnation du conseil de prud’hommes au versement d’une indemnité de 38 000 € a été réduite par la Cour d’appel de Douai de plus de moitié, soit à un montant de 15 000 € correspondant à 8 mois de salaire brut (en dessous de la moyenne selon une étude du ministère de la Justice de 2016 indiquant que cette juridiction accorde en moyenne 10 mois de salaire toutes demandes confondues). Cela atteste de la véracité du motif invoqué et caractérise la bonne gestion de ce litige par le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins du Pas-de-Calais. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L’ORDRE DES MÉDECINS DE LA RÉUNION  « De fréquents problèmes de gouvernance nuisant à l’image de l'institution » En juillet 2018, à l’issue du renouvellement par moitié du Conseil départemental de La Réunion, les membres du Bureau ont identifié des défauts de fonctionnement de l’institution et l’ont porté à la connaissance de l’assemblée plénière des élus et de l’échelon ordinal national. Les problèmes identifiés ont fait l’objet de débats ouverts au sein de l’assemblée. La situation a motivé la démission de la majorité des membres du Bureau et induit de facto la démission du président et du secrétaire général. Le 28 septembre 2018, un nouveau bureau était élu. Depuis cette date, l’institution a retrouvé sa pleine sérénité et a engagé, avec la confiance des élus, la refonte de tous les processus de travail de l’institution, qui sont aujourd’hui normalisés. Il n’existe donc ainsi aucun conflit de gouvernance. Le Conseil a communiqué avec transparence avec la communauté médicale du département pour réaffirmer l’intégrité de son institution et la rigueur vertueuse de ses représentants.  « Enfin, des indemnités ne sont pas toujours versées à bon escient […] » A l’issue des élections de juin 2018, les membres du bureau exécutif du Conseil de La Réunion, satisfaisant à leurs pleines obligations ordinales (le terme de lanceur d’alerte, certes populaire, paraît ici inadapté), ont rapporté au collège des conseillers ordinaux réunis en séance plénière les anomalies de fonctionnement qu’ils avaient constatées. A l’issue de la L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 179. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 179 recomposition du nouveau bureau élu, toutes les règles institutionnelles ont été scrupuleusement mises en application. Le refus de porter plainte pour « attitude jugée anti confraternelle et calomnieuse » ne concerne pas le Conseil de La Réunion.  « L'insuffisante prise en compte des risques de conflits d’intérêts » Le nouveau bureau élu en septembre 2018 s’est interrogé sur la définition générale du conflit d’intérêt lors des débats ordinaux. Cette question a également été débattue avec le Conseil national. La plus grande vigilance est apportée à ce que les décisions ne soient pas altérées par des situations de conflit d’intérêt. Cette vigilance s’exerce au moment des décisions mises aux débats et par un respect scrupuleux des règles de droit, en particulier lorsqu’un conseiller ordinal est impliqué dans un contentieux disciplinaire. À titre d’illustration, depuis cette date, quatre affaires contentieuses impliquant des élus ordinaux ont fait l’objet d’une demande de délocalisation de la conciliation auprès du président du Conseil national. Ainsi, il n’existe aucun écart à ces procédures depuis l’élection du nouveau bureau. Il n'existe donc aucune situation de conflit d’intérêt dans la gestion des affaires disciplinaires.  « Des indemnités parfois irrégulières et des remboursements de frais insuffisamment justifiés » Le jour de son élection en septembre 2018, le nouveau bureau a gelé le versement de toute indemnité jusqu’à la mise au vote de l’assemblée plénière d’une grille pour les indemnités de fonction et de missions. Cette grille approuvée par l’assemblée, respecte les règles nationales de non cumul comme celles de plafonnement. La reconstruction de la chaîne de trésorerie ne permet par ailleurs aucun versement d’indemnité qui ne soit précisément justifié, conforme au règlement de trésorerie et validé par l’ordonnateur, le liquidateur puis le trésorier. Un expert aux comptes a été missionné depuis l’année 2019. Il n’existe donc aucune situation de versement irrégulier d’indemnités au Conseil départemental de La Réunion.  « Des comptes incomplets ou entachés de nombreuses erreurs » L'absence de report des comptes DAT parait être le fait d'erreurs d’imputation comptable jusqu’à leurs clôtures en 2013 et 2014. Depuis la mandature de septembre 2018, nous avons, avec l’aide de la comptable, exercé un contrôle rigoureux de tous les comptes de l’institution. Leur L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 180. COUR DES COMPTES 180 contenu est régulièrement présenté aux élus en séance plénière ainsi que toutes les décisions comptables.  « Des comptes délibérément faussés » Le début de l’année 2018 a été marqué par la maladie grave du trésorier élu, ne lui permettant pas de se déplacer avec assiduité. La gestion de la comptabilité était assurée par la secrétaire- comptable, qui s’est avérée agir malhonnêtement, comme l’ont prouvé nos recherches et l’examen minutieux de la comptabilité. Le procureur de la République a immédiatement été saisi d’une plainte contre X pour escroquerie puis d’une plainte nominative à l’encontre de la secrétaire-comptable mise en cause. Son licenciement a été immédiat. Il faut noter que la charge de travail du bureau pendant l’année 2017 et le début de l’année 2018, la concentration de cette charge considérable sur un binôme d’élus, mais également la confiance accordée à la secrétaire-comptable, ont contribué à faciliter ces détournements, les anomalies dans la gestion des règlements par chèques et l’encaissement frauduleux de chèques de cotisations. Toutes les constatations concernant l’escroquerie manifeste, les détournements et les faux en écriture ont été immédiatement portés à la connaissance de la Cour. Dès le début de notre mandature, la chaîne de trésorerie a été intégralement reconstruite afin de satisfaire aux règles institutionnelles. Aucune dépense ne peut être engagée sans l’approbation du trésorier élu et des coordonnateur et liquidateur désignés en assemblée plénière. Aucune opération bancaire n’est effectuée sans la double intervention de la comptable et du trésorier. Les cotisations sont idéalement réglées directement en ligne sur le site du Conseil national, par virement bancaire ou par chèque bancaire déposé au Conseil, en attendant la généralisation du règlement en ligne. Enfin, toutes les mesures ont été prises pour garantir la mise en sûreté redondante des documents comptables. La rigueur des procédures mises en application et les contrôles permanents mis en œuvre, tant sur les comptes que sur l’exécution des tâches, assurent la parfaite régularité de fonctionnement de tout le champ comptable et de trésorerie. Le bureau ne peut commenter l’absence d’un grand livre et d’une balance dans une comptabilité ancienne de 12 ans. Il rappelle cependant qu’une comptabilité était tenue et que les fichiers comptables restaient disponibles. Le bureau élu en septembre 2018 a mis en application les règles institutionnelles de trésorerie et de comptabilité recommandées par le Conseil national. La comptabilité, dans tous ses champs d’application (salaires, indemnités et comptabilité générale) est désormais saisie en L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 181. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 181 temps réel dans la base comptable nationale. Les procédures de sécurisation des pièces comptables ont été intégralement normalisées et assurent la parfaite conservation de ces documents. Les outils comptables légaux sont tenus en temps réel. Concernant la disparition de pièces comptables, il est juste de souligner que le Conseil a été victime des agissements frauduleux de deux collaboratrices secrétaires-comptables alors employées par le Conseil et pour lesquelles la justice a été efficacement saisie. On rappelle que le Conseil s’est employé à identifier les anomalies comptables dont il a été la victime, en a informé la Cour et a saisi l’autorité judiciaire. Les règles de l’art de la chaine de trésorerie et de la comptabilité sont donc respectées.  « Une entraide généreuse, très hétérogène et parfois versée à tort - Des aides injustifiées » Par ses commentaires sur les décisions d’entraide prises en séance plénière par le Conseil, la Cour semble méconnaître que les enfants du médecin condamné en 2013 étaient en situation de détresse financière et sociale. L’Entraide était réellement et uniquement destinée aux enfants de ce médecin : aide d’urgence pour leur éducation compte-tenu du désarroi dans lequel se trouvait la famille (mère vivant à l’étranger, quatre enfants en bas âge, père incarcéré). En la matière, une décision de la séance plénière, prise au bénéfice des enfants d'un médecin, à l’issue de la saisine de la commission statutaire ordinale d’entraide, constitue une décision souveraine, guidée par des considérations confraternelles et humanistes, visant à extraire des enfants d’une situation de péril. La préservation de conditions de vie décentes pour les enfants des médecins dans l’adversité constitue par ailleurs un fondement des engagements Hippocratiques ancestraux, ceux-là même que chacun a pris lors de la cérémonie du Serment.  « La politique immobilière » Les questions relatives à l’acquisition des nouveaux locaux et de la création d’une SCI « CDOM-CIROM » apparaissent dans les procès- verbaux d'assemblées plénières, dès mars 2008 ; l'avancée du projet est ensuite débattue régulièrement jusqu’en 2009. Il apparait que le coût de l’immobilier à La Réunion était plus valorisé à cette époque, en raison des possibilités de défiscalisation d'une partie de la valeur des biens achetés. Il y a bien eu, d’après les explications recueillies du gestionnaire de la SCI, Monsieur F., des frais d’aménagement des bureaux et d’agrandissement L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 182. COUR DES COMPTES 182 par rapport à la construction primitive (bureaux et salle de conférence du Conseil). Sur les conseils de la Cour des Comptes, nous avons, CDOM et CIROM, remis la SCI entre les mains d’un cabinet de comptables pour revoir les superficies et l’utilisation des locaux communs (Salle du Conseil), ainsi que faire une répartition plus juste des frais de loyers, des charges et des remboursements des prêts pour les deux institutions. Ces décisions ont été votées par les deux Conseils (CDOM et CIROM) en séance plénière.  « Trois exemples de traitement des plaintes à La Réunion » Il est difficile de justifier le traitement réservé aux affaires disciplinaires dont le Conseil était saisi, alors que je ne disposais alors d’aucun mandat au Bureau (2005-2018). Le Conseil condamne avec la plus grande fermeté les agissements pour lesquels d'anciens confrères ont été condamnés par la justice. L’une des priorités de ma mandature est de garantir l'équité dans le traitement des plaintes et des signalements. En conclusion Il est acquis que les constatations faites par la Cour ont contribué à dresser un audit indépendant et précis sur les dysfonctionnements de l’institution ordinale. Ces conclusions sont venues confirmer les constatations que les élus du Conseil avaient déjà dressées avec précision. Le Conseil a mis en œuvre l'énergie de tous ses élus pour restaurer sa pleine capacité à agir avec transparence et rigueur. Le Conseil, guidé par sa vocation d’exercer un contrôle de la profession, aux côtés des médecins et pour le plus grand intérêt des patients, tout en gardant la mesure de la responsabilité qui lui est légalement confiée par le code de la santé publique, remplit aujourd’hui ses missions avec fierté et engagement. Servi par des représentants exemplaires de disponibilité et de dévouement, guidé par le sens de l’honneur et de l'intégrité, le Conseil veille à rendre à la profession l'image de grandeur et d'humanisme dont il peut témoigner au quotidien. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 183. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 183 RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L’ORDRE DES MÉDECINS DU RHÔNE De fréquents problèmes de gouvernance nuisant à l'image de l'Institution : 1. La Cour des Comptes a contrôlé le CDOM69 en septembre 2011, (contrôle de 2007 à 2010). Les indemnités du président du Conseil départemental et conseiller national ont été présentées et aucune remarque, aucune irrégularité n'a été constatée sur son mode de rémunération. Les comptes antérieurs à 2011 ont été archivés après les contrôles de la Cour des Comptes. Le rapprochement des comptes entre le Conseil départemental et le Conseil National a donc eu lieu à partir de 2011 et jusqu'en 2017. Ceci veut dire qu'il n'y a eu aucun rapprochement des comptes entre 2007 et 2011, les modalités d'indemnisation des conseillers étant par ailleurs différentes. Je ne suis pas en mesure de confirmer l’ordre de grandeur de 40 000 € que vous avancez. 2. Je ne peux donc fournir d'explications que pour la période 2011-2017. Le CDOM69 connaissait le mode de rémunération de son président mais uniquement l'indemnisation et le remboursement de frais effectués par le CDOM69, l'indemnisation et le remboursement de frais par le CNOM n'étant connus que du président. Le CDOM69 avait accepté de prendre en charge sur justificatifs, les factures originales des frais d'hôtel pour les réunions à Paris. En effet, cette pratique était bien antérieure, ayant débuté avec le premier conseiller national. Le CDOM69 n'avait pas connaissance d'une indemnité forfaitaire spécifique pour les nuits d'hôtel, sans justificatif de facture, allouée par le Conseil National au président. La présentation des comptes annuels depuis 2012 aux conseillers était claire sur les modalités et les montants d'indemnisation de chacun. Le 21 juin 2016, à la demande d'un vice- président, j'ai moi-même demandé au cabinet comptable externe de nous présenter les indemnités des élus, du président en particulier, et de nous préciser s'il y avait des irrégularités dans les modalités de remboursement de frais. Il n'a été constaté aucune irrégularité dans le dossier du président. Le comptable comme le CDOM 69 n'avait aucun accès aux indemnités personnelles du président en dehors du CDOM 69. 3. Lors de sa venue le 15 janvier 2018 dans nos locaux, le Conseil National a réalisé le rapprochement des indemnités perçues par le président de 2011 à 2017 et a constaté que le président percevait à la L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 184. COUR DES COMPTES 184 fois l'indemnité forfaitaire de 150€ par nuitée du CNOM et le remboursement des nuits d'hôtel sur factures par le CDOM69 entre 2011 et 2013. Le président pour la première fois m'a informée de cette double indemnisation entre 2011 et 2013, qu'il avait spontanément cessée depuis avril 2013 ensuite jusqu'à la fin de son mandat. Il m'a annoncé qu'il rembourserait sans délai le CDOM69. 4. Le 23 janvier 2018, le président a réuni tous les conseillers titulaires du CDOM69 pour leur expliquer cette double indemnisation et ses raisons : acculé par les difficultés rencontrées dans la gestion de son cabinet et une présence croissante au CNOM, insuffisamment indemnisée. Il n’a jamais démérité dans ses missions au CDOM69 et auprès des médecins du Rhône. 5. Le Conseil National a saisi la CDPI Rhône-Alpes d'une plainte à l'encontre du président le 8 février 2018 et a considéré que le CDOM69 ne devait pas l’indemniser pour ses nuits d'hôtel lors de ses missions au Conseil national. Dès lors, le président a remboursé le Conseil départemental du Rhône de 26 307,60 € le 8 mars 2018, ce qui correspond aux nuitées d'hôtel payées par le Conseil départemental du Rhône, et indemnisées 150 € par le Conseil National, pour des missions du Conseil National et non pas du Conseil départemental. 6. Le 6 mars 2018, en assemblée plénière, l'ensemble des conseillers titulaires est informé de la plainte. Le CDOM69 doit se renouveler pour moitié le 11 mars 2018 suivant, soit 5 jours plus tard et le président, qui ne préside pas l'assemblée plénière du 6 mars, nous a informés qu'il ne se représentera pas. Le Secrétaire Général, qui lui-même ne se représentera pas à ce poste, a lu lors de son dernier conseil un courrier personnel dans lequel il remercie le président pour son engagement et la qualité de son travail dans les missions ordinales qui lui ont été confiées. Il ne défend d'aucune façon le cumul indemnité/remboursement de nuitées d'hôtel lors de ses missions à Paris au CNOM. Le CDOM69 n'a pas pris position. J'ai été élue le 20 mars 2018 Présidente du CDOM69. Un tiers des conseillers sont de nouveaux élus qui n'avaient pas connaissance des événements antérieurs au 20 mars. Après des discussions successives, le nouveau CDOM69 n'a pas émis le souhait de s'associer à la plainte de Conseil national auprès de la CDPI. Lors de l'assemblée plénière du mardi 6 novembre 2018, la CDPI de Bretagne a condamné le président à une interdiction d'exercice de 2 ans dont un avec sursis. Le CDOM69 n'a pas fait appel de cette décision. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 185. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 185 RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L’ORDRE DES MÉDECINS DE LA SARTHE Pour demande d’information concernant dossiers de plaintes contre des psychiatres de la Sarthe qui ont été condamnés dernièrement, mais avec suspicion de mauvaise gestion des dossiers dans le passé : - concernant un premier dossier Dr G., le Conseil de la Sarthe au cours de sa séance du 13 novembre 1980 avait porté plainte à la chambre disciplinaire. Le 13 juin 1981 : réponse : pas de sanction ; - 2004 une plainte au tribunal contre Dr G. est prescrite ; la chambre disciplinaire prescrit de même ; - concernant un autre dossier Dr H. un signalement au procureur a été fait par mon prédécesseur : suivi de procédure, radiation en finalité. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L’ORDRE DES MÉDECINS DE LA SEINE-SAINT-DENIS J'espère vous démontrer qu'il n'y a aucun « financement déguisé du syndicat union 93 par le Conseil de l'Ordre de Seine-Saint-Denis ». En 2015, alors que le syndicat Union 93 nous avait fait une demande de rachat de parts, pour des raisons qui lui étaient propres, mais possiblement comme vous le dites, pour faire face à des difficultés financières, notre Conseil a eu la recommandation par le Conseil National de l'Ordre des Médecins, d'acquérir la totalité des parts de la SCI. Cette demande a été renouvelée en 2019, lors d'une demande de subvention auprès de la Commission du Fonds d’harmonisation du CNOM. Le rachat total ne pouvait pas se faire sans l'accord de l'autre actionnaire de la SCI, Union 93, qui a refusé catégoriquement de vendre l'intégralité de ses parts et qui, malgré nos demandes, ne tenait pas à négocier. Nous regrettons de ne pas avoir réussi à débloquer cette situation, ce qui nous a d'ailleurs pénalisés financièrement lors des travaux je mise en conformité pour l'accueil des personnes porteurs d'un handicap. Notre demande d’aide financière réclamée au CNOM n'a obtenu que la moitié des subventions demandés, soit 17 % des travaux. L'acquisition de la totalité des parts nous permettait, premièrement, de séparer clairement les actions de ce syndicat historiquement dans les lieux et le Conseil de l'Ordre, deuxièmement, d'occuper des surfaces propres au CDOM ce qui était nécessaire pour nous. Néanmoins le rachat L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 186. COUR DES COMPTES 186 partiel a permis de diviser une salle de réunion en deux parties, créant ainsi un bureau qui manquait pour l'accueil des confrères en cours d'inscription et une deuxième salle des archives pour éviter les casiers épars dans le bâtiment, notamment dans les couloirs, ce qui occasionnait une gêne dangereuse pour la circulation des personnes. Je précise que cette acquisition était nécessaire au bon fonctionnement de ce Conseil, à l'accueil des confrères et à la mise à disposition d'espaces de réunions propres à la structure ordinale. Il ne s'agit pas ici d’agrandissement des locaux mais à leur réorganisation au bénéfice du CDOM 93. Je tiens à souligner que la formule « déguisé » pourrait évoquer des transactions non conformes, alors que toutes ces procédures se sont faites dans la transparence et avec une déclaration aux autorités compétentes. Il serait plus équitable de modifier la formulation péjorative de votre conclusion. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L’ORDRE DES MÉDECINS DU VAR « Le traitement des plaintes pour des faits à caractère sexuel Le manque de diligence est le plus souvent lié à la non transmission aux chambres disciplinaires de faits similaires antérieurs ou simultanés mettant en cause les mêmes médecins. C'est ainsi le cas du docteur A. généraliste ostéopathe ayant fait l’objet, en trois ans, auprès de deux conseils, de trois plaintes de patientes pour des faits identiques d’attouchements sexuels. La première plainte a été traitée par le conseil des Alpes-de-Haute-Provence comme une doléance et classée sans conciliation. La seconde, transmise à la juridiction disciplinaire parle conseil du Var a été rejetée pour absence de preuve, le conseil n’ayant pas porté à la connaissance de la chambre l’existence de la première plainte. Une troisième plainte pour des faits identiques a été déposée en 2018. » Réponse du Conseil Départemental du Var de l’Ordre des Médecins : Le Conseil Départemental du Var de l’Ordre des Médecins a bien pris note de vos remarques concernant la transmission des plaintes pour des faits à caractère sexuel. Concernant le dossier du Docteur A. le Conseil Départemental du Var de l’Ordre des Médecins réuni en séance plénière le 6 novembre 2015 n’avait pas jugé opportun d’associer à la transmission de la plainte de L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
  • 187. RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 187 Madame T. le signalement qui avait été effectué dans les Alpes-de-Haute- Provence, non considéré comme une plainte et classé sans suite. Concernant le troisième dossier en date du 8 juin 2018, les faits étaient postérieurs à la plainte de Madame T. (24 septembre 2015) et ont fait l’objet d’une conciliation entre les parties (2 juillet 2018). Le Conseil Départemental du Var de l’Ordre des Médecins s’est depuis rapproché du Président de la Chambre Disciplinaire de Première Instance PACA-CORSE et il a été décidé d’engager une réflexion sur la mise en place d’une nouvelle procédure dans le traitement de ce type de plainte ; à savoir la transmission de tout élément susceptible d’apporter un éclairage à l’instruction de la plainte par la Chambre Disciplinaire de Première Instance. L’ordre des médecins - décembre 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes