Bibdoc 2022 - Vers une hospitalite documentaire - Raphaelle Bats

« VERS UNE HOSPITALITÉ DOCUMENTAIRE :
REDÉFINIR L’ACCUEIL ET L’INCLUSION
EN BIBLIOTHÈQUE »
Raphaëlle Bats
Mai 2022

BONJOUR !
Raphaëlle Bats
Urfist de Bordeaux, Université de Bordeaux
Centre Emile Durkheim, Bordeaux
France

PLAN
Introduction
1/ Accueillir ceux qui en ont besoin : de l’exclusion au care.
2/ Accueillir ceux qui nous sont étrangers : de la différence aux droits
culturels
3/ Vers une hospitalité documentaire : autour de la réception
Conclusion

INCLUSION ET BIBLIOTHÈQUES
Comment s’assurer que la bibliothèque soit inclusive et diverse ? Le caractère divers et inclusif de la
bibliothèque est-il aussi atteint que nous ne le souhaiterions ? Sommes-nous véritablement accueillants ?
Doutes :
 Développement de la participation, MAIS celle-ci n’ouvre pas davantage l’éventail des usagers et ne
mène que rarement à l’intégration des savoirs produits collectivement dans les collections de la
bibliothèque.
 Développement de l’attention à la diversité en écho aux droits culturels, MAIS la mise en œuvre des
droits culturels se réduit souvent à des animations de valorisation des différentes cultures plutôt qu’à
des politiques affirmées pour et avec les différentes minorités.
 Le confinement a montré et mis en valeur la capacité des bibliothèques à prêter attention aux plus
vulnérables avec beaucoup d’empathie. Les services développés pendant les confinements ont manifesté
combien le souci de l’autre est au cœur du rôle social des bibliothèques. Et pourtant des concepts clés
de la vulnérabilité comme la justice sociale ou l’éthique du care restent encore peu utilisés en
bibliothèque.
L’approche actuelle de l’accueil des idées, des récits et des habitants suffit-elle pour répondre à nos propres
exigences en termes d’inclusion et de diversité ?

UNE AUTRE APPROCHE ?
Hypothèse :
La notion d'hospitalité, plutôt que celle d’accueil, n’ouvre-t-elle pas de
nouvelles perspectives en matière d’incitation à prendre part à la création et à
la circulation des connaissances, qui pourraient nous permettre de mieux
réaliser notre mission ?
Note : la mention d’incitation à la création… est une référence à l’Atlas of New Librarianship de David Lankes.

MÉTHODOLOGIE
Recherches bibliographiques en sociologie et en philosophie, comme en sciences des
bibliothèques.
Eléments de conclusion de deux précédents projets de recherche liés à la participation
dans les bibliothèques :
 Thèse de doctorat en sociologie sur la participation en bibliothèque
 Projet PLACED, sur la visualisation des savoirs autours des événements en
bibliothèque
Echanges entre les bibliothécaires pendant le séminaire « Bibliothèques en temps de
crise / #BiblioCovid ».

L’HOSPITALITÉ ?
Deux définitions de l’hospitalité
o L’hospitalité comme l’accueil de ceux qui sont dans le besoin, ce qui
implique notamment un travail de reconnaissance de l’impact de nos
actions en termes de vulnérabilité,
o L’hospitalité comme l’accueil de ceux qui nous sont étrangers, ce qui
implique d’accepter combien l’ignorance, l’incertitude et le doute
dressent des chemins positifs de connaissance.
Ouvrir sur des réflexions sur le fait d'être hôte et de recevoir.
Se donner l’opportunité de construire de nouveaux réseaux d’attention, de
reconnaissance et de connaissance qui seront de faire plus inclusifs, plus
divers, mais aussi plus troublants.

PARTIE 1 : DÉFINITIONS Définir l’hospitalité

1/ ACCUEILLIR CEUX QUI
EN ONT BESOIN
De l’exclusion au Care

TRAVAIL DE DÉFINITION Quels enjeux sous cette
définition de l’hospitalité ?

PREMIÈRE DÉFINITION DE
L’HOSPITALITÉ
= l’accueil de ceux qui en ont besoin.
Cela sous entend plusieurs choses :
 être en mesure d’identifier la nature du besoin
 Être en mesure de départager entre ceux qui ont besoin et ceux qui n’en
ont pas besoin : forme de diagnostic.
 Accompagner ceux qui en ont besoin.
Cette définition de l’hospitalité est souvent reliée à une institution évidente :
l’hôpital.

L’HOSPITALITÉ ET L’HÔPITAL
La question de l’hospitalité de l’hôpital est une vieille question.
Voir le travail de la Fabrique de l’hospitalité en Alsace : Barbara Bay :
https://books.openedition.org/pressesenssib/8028?lang=fr
Ils pointent plusieurs éléments de définition de l’hospitalité :
Hospitalité = le souci : souci de l’accueil, souci du soin, souci de
l’autre
Hospitalité = attention et écoute : permettre aux parties prenantes
d’être actives de la mise en œuvre de cette hospitalité
Hospitalité comme bienveillance

DE L’HOSPITALITÉ VERS LE CARE
Ces notions : soin, parties prenantes, bienveillance font écho à l’éthique du Care.
L’éthique du care repose sur 4 éléments :
 Le « caring about », soit le fait de se soucier de quelqu’un ou de quelque chose.
 Le « care receiving », celle de la place donnée aux personnes qui sont l’objet du
soin
 Le «care giving», qui est l’acte de soigner, de donner des soins et qui est le travail
concret autour du soin.
 Le «caring for», ou en français celui d’assumer de prendre soin de quelqu’un ou
quelque chose.

L’HOSPITALITÉ, LE CARE
ET LES BIBLIOTHÈQUES
Dans quelle mesure les enjeux
relatifs à l’hospitalité sont aussi des
enjeux pour les bibliothèques ?
En trois points :
Le bibliothécaire et le soin
Le service public et le besoin
L’empathie et l’attention

LE BIBLIOTHÉCAIRE ET LE SOIN
Similarité entre la médecine et la bibliothéconomie ? (Bertrand Calenge). Les anomalies de
connaissances, les diagnostics en termes d’accès aux savoirs, et la prescription ou l’offre un traitement
en terme de services et de collections.
Attention : le diagnostic ne porte pas tant sur les individus que sur une certaine définition de ce qu’est l’exclusion. Une personne qui ne sait
pas lire est une anomalie, non pas en tant qu’individu, mais dans le corps vivant que représente une société où tout le monde va à l’école,
ne pas savoir lire est une anomalie de la société. Ce qui est malade ici n’est pas la personne, mais la société qui est donc en déficit de
réussir son projet.
Il y a une référence claire à l’idée de sociabilité et de groupe social de Durkheim.
Questionnement n°1 : Quid de la reconnaissance des manières de vivre hors de la norme que représente
le groupe social ? Quid de ce que le hors du groupe social pourrait apporter au groupe social dominant ?
 Hospitalité + care = invitation à voir autrement ce que les autres peuvent dire de leurs expériences.
Questionnement n°2 : Quid des effets secondaires, c’est à dire l’effet que nous avons sur la société et les
individus notamment.
Prêter attention au travail de co-conception de nos services avec des personnes vulnérables et qui est entendue dans la notion de
care receiving.

LE SERVICE PUBLIC ET LES
BESOINS
Voir l’évolution de la Charte Marianne, et de la manière dont on s’assure de la qualité de
l’accueil dans les services publics français. https://www.modernisation.gouv.fr/actualites/nouveaux-engagements-de-service-
marianne-9-engagements-pour-un-service-public-proche
Exemple : sur la question de l’accompagnement des personnes, l’engagement des services
public est mentionné de la manière suivante, dans les différentes versions :
 2016 : faciliter l’accompagnement des personnes à mobilité réduite
 2017 : faciliter l’accès aux démarches des personnes en situation de handicap et nous
accueillons de manière adaptée les personnes en difficulté
 2020 : Vous bénéficiez d’un accompagnement adapté à votre situation personnelle.
Services Publics +
Extension de la notion de besoin
>>> en écho avec la notion de vulnérabilité qui est au cœur de l’éthique du Care

LE SERVICE PUBLIC ET LES
BESOINS
L’extension de la notion de besoin fait écho à des questionnements bibliothéconomiques = service
pour tous ou service pour chacun ?
 Accueillir sans distinguer ? « L’accessibilité à un public spécifique ne peut donc pas être une
réponse spécifique, mais le résultat de facteurs multiples proposant des pistes favorisant l’accueil
de tous les publics dans une démarche globale d’accueil. » Aline Le Seven :
http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2006-03-0109-013
 Accueillir en distinguant : Proposer un service dédié comme entrée vers les services pour tous.
Voir l’exemple de la bibliothèque de Mirabel au Québec : accueil des enfants en situation de
handicap à la bibliothèque le samedi matin en fermeture pour les autres publics.
 Accueillir de manière mixte : Des espaces faciles à lire, collections audio, les collections en braille,
etc., Des animations dédiées, comme les ateliers d’alphabétisation, les permanences santé ou
services sociaux, etc., Les bibliothèques multiservices : bibliothèques-centres sociaux, la
bibliothèque de Vaulx en Velin

FOCUS : LA VULNÉRABILITÉ
Définition : « la vulnérabilité représente une condition résultant de facteurs physiques, sociaux, économiques
ou environnementaux qui prédisposent les éléments exposés à la manifestation d’un aléa à subir des préjudices
ou des dommages. » - ADEME. (2013).
Besoins et vulnérabilités :
Multiplicité des vulnérabilités face à une situation. « il y a une différence de continuum entre des degrés de care
dont chacun a besoin » (J. Tronto, p 51).
>>> Penser le développement de services en bibliothèque en pensant aux différentes vulnérabilités pour un
service plus adapté aux situations diverses.
Vulnérabilité et besoins :
Le facteur préalable n'est pas la vulnérabilité. La vulnérabilité n'advient qu'à partir du moment où se manifeste
une situation dont les conséquences sont négatives sur les personnes qui sont dans cette condition.
>>> La bibliothèque dans ses services suscite aussi des vulnérabilités, qu’il faut assumer. Voir le travail de
Marie Martel sur l’évaluation des services, la justice sociale, et le caractère éthique de nos actions de design des
bibliothèques.

L’EMPATHIE ET L’ATTENTION
Le premier confinement
 Situation exceptionnelle de communauté d’expérience et Empathie envers tous ceux et celle qui traversaient la
même situation
 Attention plus forte à des besoins identifiables et mise en œuvre de solutions plus rapidement.
Empathie et publics
 L’approche des services n’a pas été lue à travers le prisme de l’accessibilité = approche par les publics
fréquentants
 Les services ont été pensés à partir des besoins des personnes en situation de confinement en dehors de
l’usage de la bibliothèque.
 Situation inédite d’attention, non pas envers les publics, mais bien envers les habitants.
De l’empathie à l’attention
 Attention portée aux situations de nos concitoyens que nous n’expérimentons pas.
 une nouvelle approche de la conception/design des services que nous pouvons proposer = à penser dans les
étapes de design.

2/ ACCUEILLIR CEUX QUI
NOUS SONT ÉTRANGERS
de la différence aux droits
culturels

DEUXIÈME DÉFINITION DE
L’HOSPITALITÉ
= l’accueil de ceux qui nous sont étrangers
Cela sous entend plusieurs choses :
 Être en mesure d’identifier la nature de l’étrangeté de l’autre
 Être en mesure de définir la nouvelle relation qui s’instaure dans
l’hospitalité
 Comprendre ce qu’il est supposé advenir des identités qui se rencontrent
dans l’hospitalité.
Cette définition de l’hospitalité est souvent reliée à un autre mot : l’hôtel.

L’HOSPITALITÉ ET DROIT DES
ÉTRANGERS
Hospitalité et droit des étrangers.
Hospitalité = droit universel, celui d'être accueilli en tant qu’étranger et en cas de besoin.
 « L’hospitalité signifie donc uniquement le droit qu’a chaque étranger de ne pas être traité en
ennemi dans le pays où il arrive. On peut refuser de le recevoir, si on le peut sans
compromettre son existence : mais on n’ose pas agir hostilement contre lui, tant qu’il n’offense
personne ». Kant, Projet de paix perpétuelle.
Cette conception de l'hospitalité sous-entend deux choses :
1. D’une part que l’hospitalité ne peut être comprise sans une réflexion à mener sur
l’hostilité. L’étranger et (et non est) l’ennemi.
2. D’autre part que l’on accueille chez soi ; on reçoit dans sa maison (son pays). Derrida
montre que Kant utilise pour le mot hospitalité un mot allemand en complément d’un
autre mot d’origine latine. Ce mot allemand relève du champ sémantique de l’hôtel.

L’HOSPITALITÉ ET L’HÔTEL
Hospitalités dans l'Antiquité méditerranéenne. L’étranger qui est mon hôte n’est pas mon ennemi. Du moins,
tant que nous sommes hôtes. « pratiques gratuites de réception»
 « L’hospitalité de l’Ister contient la disponibilité à reconnaître l’étranger et son étrangeté, à savoir le feu du
ciel qui manque aux Allemands. L’amitié hospitalière contient aussi (Heidegger, Cours sur l’Ister) la décision
de ne pas mêler à l’étranger le propre en tant que tel mais de le laisser être celui qu’il est. » (Heidegger, cours
sur l'Ister, cité par Nancy, J. (2019).
1. L'étranger est reconnu comme tel. Nancy parle d'une introduction de l'intimité par l'hôte accueilli,
puisque ce qui fait de lui un étranger est non seulement visible, mais encore condition de son accueil
spécifique.
2. On ne cherche pas à le changer. Il ne s'agit pas de l'assimiler pour qu'il ressemble à l'hôte accueillant. Du
moins l'hôte hospitalier ne cherche pas à l'assimiler.
Nancy nous met sur la voie de ce qui distingue cette définition de la précédente.
 « (...) il suffit de ne pas accentuer le motif de l’hospitalité de façon exclusive du côté de la compassion, qui
ouvre dans la seule direction de l’hospitalisation. Il faut au moins toujours y conjoindre un accent tourné dans
la direction qui va vers l’hôtel, c’est-à-dire la demeure, le lieu d’accueil et d’échange qu’était jadis chaque
noble demeure, privée ou publique (...). » (Nancy, 2019)

HOSPITALITÉ ET INTIMITÉ
A propos de l'intimité et de la relation entre l'hôte accueilli et l'hôte accueillant :
 « Car il n’y a pas de citoyenneté sans relation de proximité et pas de relation de
proximité sans hospitalité. » (Albanel, 2016)
Sur la proximité, Florence Dupont rappelle que le mot xenos en grec ne signifie pas
l'étranger, mais celui qu'on accueille dans le cadre de l'hospitalité et que déjà dans
l'hospitalité, il n'est plus étranger.
Agier (Agier, 2017) parle de "réduction de l'altérité" et avec Benvéniste de "pacte
d'hospitalité".
La proximité entre l'étranger qu'on accueille et soi-même interroge ce qui peut faire
identité commune, ce qui relie plutôt que ce qui sépare.
Hospitalité = assumer que ce qui nous relie est plus important que ce qui nous
éloigne et à en faire une clé de l’action politique. Voir Etienne Tassin, notamment, à
propos du cosmopolitisme. (Tassin, É. (2003).

HOSPITALITÉ ET LES BIBLIOTHÈQUES
Est-ce que la bibliothèque peut-être un hôtel ?
Quel rapport entre l’accueil de l’étranger et la bibliothèque ?
Qui est étranger dans la bibliothèque :
* ceux dont la nationalité est autre que française (ou autre que celle du pays où est la
bibliothèque)
* ceux dont l’expérience nous est étrangère ? Y compris l’expérience d’être étranger.
* Ceux dont les idées nous sont étrangères ?

L’ÉTRANGER ET LA
BIBLIOTHÈQUE
Dans quelle mesure les enjeux
relatifs à l’hospitalité sont aussi des
enjeux pour les bibliothèques ?
En trois points :
La bibliothèque et les expériences de
vie
La bibliothèque et le conflit
La bibliothèque et les désaccords

L’ÉTRANGER QUI S’INSTALLE
Longtemps un non sujet, ou à la marge (alphabétisation, médiation culturelle, etc.)
Depuis les années 2000, développement du rôle social de la bibliothèque en lien avec le travail mené par
des bibliothécaires investis dans des quartiers à forte immigration.
L’accueil des étrangers repose sur l’idée centrale que le caractère important de l'expérience de ces
publics n'est pas tant d'être étrangers (qu'ils le soient de fait ou qu'ils soient considérés comme tels
même abusivement), que d'être des personnes vivant une situation d'exclusion inacceptable.
La bibliothèque française = outil de démocratie sociale d’insertion et d’inclusion.
= reconnaissance du caractère citoyen de chacun dès lors qu’il est installé en France, peu importe sa
nationalité.
L’hospitalité = maison. L'hospitalité qui est en jeu ici vise également à transmettre les valeurs du pays
qui accueille ou du moins une certaine idée de la France et de ses services. La bibliothèque fait advenir
que la France soit la nouvelle maison.
Exemples : ateliers de langue de la bibliothèque de Montreuil, les permanences santé pour les jeunes
réfugiés Afghans à la Bpi.

L’ÉTRANGER DE PASSAGE
Les années 2010 et la grande vague d'immigration liée à la guerre civile en Syrie transforment la donne.
> l'arrivée d'étrangers qui ne font que traverser la France sans désir de devenir citoyens français (l'objectif étant de
rejoindre le Royaume-Uni), ou qui n'ont aucun lien avec la France (contrairement à l'immigration liée au travail ou issue
des pays anciennement colonisés).
L'hospitalité se voit bien plus du côté de l'hôtel :
• Un temps de passage, plus ou moins étendu
• Mais un temps d’hospitalité et d’accueil néanmoins.
L’hospitalité n'implique pas l'adhésion de l'étranger à toutes les valeurs dont nous sommes maîtres chez nous. Les
ateliers d’intégration ne peuvent pas jouer le même rôle que pour des étrangers qui s’installent.
Ce double rapport d'hospitalité conduit les bibliothèques à devoir à la fois assurer un rôle social et intégrateur pour les
uns et à accepter de n'être qu'un accueil de passage pour d'autres, ce qui renvoie plus que jamais à la nécessité de
penser l'accueil sans condition, ce qui se joue déjà dans le développement d'accueils physiques et de lieux agréables à
fréquenter et où le loisir et l'occupation du temps peuvent être absolument non relié à des objectifs d'insertion sociale.
Ce faisant, elle combine à la fois sociabilité au sens de démocratie sociale et sociabilité au sens de convivialité.

L’ÉTRANGER À MA CULTURE
L'étranger est aussi celui qui même dans sa maison est qualifié d'étrange, du fait de ses pratiques, de sa
culture, de sa langue. Etranger comme ennemi = ennemi culturel
Importance de la notion de droit culturel a été proposée et ajoutée dans les droits de l'humain (voir la
convention de Fribourg) pour lutter contre les effets de cette équation.
Si l'hospitalité réside dans l'acceptation de la culture de l'autre, c’est surtout dans la liberté de l'autre
d'avoir et d'entretenir cette culture.
Et les bibliothèques ?
• IFLA et droits culturels
• Un exemple avec les actions autour des Chibanis à la BM de Lyon
• La Fabrique de citoyen à la BM de Bordeaux

POINTS D’ATTENTION
Points d’attention pour les bibliothèques :
• Bien connaître leur territoire pour savoir quelles cultures s'y pratiquent.
• Développer nouvelles compétences ou accueillir de nouveaux métiers pour les bibliothèques :
médiation socio-culturelle
• Penser la médiation comme un lien entre des habitants et des collections qui se construisent
du fait même de cette médiation > service de la relation (JM Lucas) et littératie communautaire

L’ÉTRANGER À NOS IDÉES
Exposer = s’exposer // réticences à entrer dans des débats.
Aborder la justesse de ces débats, non pas comme un problème d’application de la loi, mais bien comme
un problème éthique. Il s’agit alors de prendre conscience que la bibliothèque habite le monde aussi, et
qu’une institution publique culturelle ne peut se vivre hors du temps, hors de l’espace, hors des
troubles.
La notion de trouble est utilisée ici en référence aux travaux de Donna J. Haraway.
En donnant écho à ces voix inaudibles, en suscitant des débats et des nouveaux parcours de récits dans
nos ignorances, la bibliothèque suscite également de nouveaux troubles, de nouvelles modalités de vivre
dans ce monde, de nouvelles histoires.
Hospitalière, la bibliothèque est plus que participative, elle est participante. Elle participe à ce qu’il
advient, attentive aux troubles (qu’elle croise et qu’elle produit), utile à la société dans les lieux où elle
est en train de se construire, même s’ils paraissent anecdotiques.

DE L’HOSPITALITÉ À LA RÉCEPTION
Hospitalité définition n°1 : prêter une attention plus vive aux habitants et à leurs vulnérabilités, plutôt
qu'à nos seuls usagers.
Hospitalité définition n°2 : nous intéresser aux « flux double de ressources » (JM Lucas) qui nait de la
relation entre l'hôte accueillant et l'hôte accueilli, pour que la bibliothèque soit ce lieu de renouvellement
constant de la culture.
Comment concilier ces deux exigences d'hospitalité ?
Hypothèse : hospitalité spécifique, bibliothéconomique = hospitalité documentaire.

PARTIE 2 : EVOLUTIONS Repenser la bibliothèque

3/ VERS UNE HOSPITALITÉ
DOCUMENTAIRE
Autour de la réception

RECEVOIR ? UNE HOSPITALITÉ
SOUS CONDITION ?
Dans Les Suppliantes d'Eschyle, 50 jeunes filles vont demander hospitalité au roi d'Argos pour
éviter leurs mariages forcés. Elles seront finalement, après vote des habitants, accueillies, mais
avant même d'arriver à Argos, leur conseiller leur rappelle leur statut d'étrangère et d'exilée et
leur demande d'agir prudemment.
L'étranger = aussi étranger à lui-même dans cette attention à l'hôte accueillant.
Conditionne l'accueil de l'étranger à sa capacité à absorber la culture d'accueil et à ne jamais
oublier qu'il est d'abord étranger.
Comment penser une cessation de la condition ? Est-ce que celui qu'on accueille est destiné à
rester toujours un étranger ? Comment dans l'hospitalité créer une culture commune, qui nous
permette de vivre ensemble ?

HOSPITALITÉ ET ECHANGE
L’hospitalité repose toujours sur un échange, du don et du contre don, quelque soit la
finalité de l'hospitalité (en vue d'une installation ou transitoire).
Quelle place est faite à ce flux de ressources, pour concevoir non pas de manière
utilitariste ce que l'étranger a à nous apporter, mais bien de manière humaniste ce qui
se dégage dans le double jeu de la réception.
Texte de Marthe et Marie (Evangile selon St Luc, 10-38-42) dans lequel Marthe est
invitée à prendre conscience que le véritable hôte reçoit de son invité autant qu'il lui
donne, et que ne pas être attentif à ce qui peut-être reçu est en vérité un manque
d'accueil.
Nouvelle condition : l'humilité de l'hôte accueilli doit laisser place à la reconnaissance
de que l'hôte accueillant peut recevoir de celui qui est accueilli. Au-delà de la
réciprocité, qu’on trouve aussi dans l’hospitalité antique méditerrannéenne, dans le
don et dans la redevabilité = définir ce que je dois à celui que j’accueille, plutôt que de
définir ce que celui que j’accueille me doit.

HOSPITALITÉ, ÉCOUTE ET RÉCITS
Echange, paroles et transition
« Nous manquons d'histoires, nous vivons une crise du récit. »
Natassja Martin (2020).
Être à l’écoute = nouvelle modalité de participation basée sur
l’accueil des récits.

SOMMES-NOUS À L’ÉCOUTE ?
 Habiter le monde et la parenté : Haraway et Despret
 Donna Haraway : « Quelles sont les histoires que des temps humains et non humains
charrient ? Quelles histoires constituent et traversent notre façon de voir le monde ? »
Les bibliothèques et les récits :
 Des expériences menées de diffusion de ces récits par des expositions, des conférences, etc.
 Des expériences menées de collecte de ces récits : Médiathèque entre Dore et allier et la
bibliothèque mobile d’enregistrement de savoirs ou encore NYPL : Oral history Project.
>>> Les bibliothèques comme lieux d’accueil des récits, lieux de construction d’un savoir
collectif.

LES ENJEUX D’UNE HOSPITALITÉ
DOCUMENTAIRE 1/3
Difficultés à exprimer les récits va de pair avec les difficultés à écouter les récits
Quelle est notre capacité à entendre d'autres intelligibilités et à nous détacher
des récits qui font office pour nous aujourd’hui de vérité épistémologique ?
Hartley et al., 2019
 Apprendre à désapprendre
 Appréhender des réseaux de construction de narration qui se construisent
hors d’elle et de ses critères de médiatisation.
 Confronter le paradigme informationnel de la bibliothèque et celui des
communautés en question
Remettre la bibliothèque au cœur d’un processus narratif qui accueille les récits
existants et participe à la création de nouveaux récits.

DOCUMENTAIRE 2/3
Difficulté à identifier des récits et du travail sociologique va de pair avec les
difficultés pour les bibliothécaires de prêter attention aux savoirs profanes
sous leurs formes variées de production.
1er confinement et les récits de l’expérience commune : journaux de bords,
témoignages, etc. = Quelles traces ?
Enjeu de la mise en récit = reconnaissance de la valeur du récit, légitimité
comme objets de savoirs partageable, participation à la construction d'une
culture commune.
Responsabilité de la bibliothèque envers ce qui se transmet et porte ce qui
fait l’objet d’une patrimonialisation pour une communauté qui non seulement
produit, mais a accès et entretient un objet de savoir.
L'hospitalité documentaire vise donc à penser à nouveaux frais l'accès à des
biens communs, à des savoirs communs.

DOCUMENTAIRE 3/3
 Transformer nos catalogues et donner accès au-delà des catalogues.
« Plutôt que de conditionner une quelconque « réception », le catalogue ainsi
pensé semble principalement cantonné à deux missions, accès et recension,
et à deux impératifs, normer et lister. » (voir Benoit Berthou).
Faciliter le dialogue entre les savoirs. Entretenir dans des espaces publics
physiques des dialogues entre des collections de nature diverses > ECODOC.
Faciliter la visualisation des parcours de savoirs sur un territoire: PLACED /
Kronikle
 Investir l'espace public numérique pour le nourrir de ces récits =
éditorialisation (voir Marcello Vitali-Rosati) comme un travail d'édition du
réel. Assumer une position d'autorité = non pas imposer des discours et des
idées, mais rendre plus intelligible le monde dans lequel nous vivons.

CONCLUSION
Il y a un enjeu fort à ce que la bibliothèque dépasse son habituel travail autour de l’accueil pour
s’intéresser à son hospitalité.
 Dépasser la question de l'inclusion considérée uniquement sous l'angle de la lutte contre
l'exclusion, car cette approche ne reconnaît pas la capacité des citoyens à construire leur
émancipation par d'autres moyens auxquels nous sommes habitués.
 Dépasser la question de la culture par une attention forte aux processus de médiation et de
médiatisation des différentes cultures et de leurs porteurs.
 Créer de nouveaux biens communs, des connaissances communes, qui sont à la fois un
reflet des manières de vivre dans le monde mais aussi un moyen de créer de nouveaux
récits.
En d’autres termes, le concept d'hospitalité nous donne donc la possibilité de redéfinir comment
la bibliothèque trouve sa place dans la circulation de l'information et du savoir sur un territoire
sans être le seul prescripteur de connaissances. Une bibliothèque qui donne une véritable place à
l’information et au savoir, et non pas seulement un lieu où tout le monde peut venir, mais un
lieu où tout le monde existe.
La bibliothèque comme un véritable espace public, qui met en circulation les habitants, les idées,
les objets…

BIBLIOGRAPHIE
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https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/08/07/nastassja-martin-nous-vivons-une-crise-du-
recit_6048421_3451060.html
PRÉSERVER L’HOSPITALITÉ, USAGES ET APPROPRIATIONS DES LIEUX D’ACCUEIL EN MÉTROPOLE LYONNAISE.
(s. d.). Consulté 19 novembre 2021, à l’adresse https://www.bm-
lyon.fr/spip.php?page=agenda_date_id&source=326&date_id=18057
Slijkerman, D., & Vlimmeren, T. van. (2021). Living libraries : The house of the community arounf the world.
de Bibliotheek Utrecht.
Spinhirny, F. (2015). La fatigue de compassion : L’hospitalité en question. GESTIONS HOSPITALIERES, (546),
271-274.
Tassin, É. (2003). Un monde commun : Pour une cosmo-politique des conflits. Éd. du Seuil, DL 2003.

MERCI !
Raphaëlle Bats
Raphaelle.bats@u-
bordeaux.fr

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