Bien Vivre
Sous la direction d’Alain Coulombel, chargé du projet, et de Marie
Toussaint, déléguée à l’Europe, Bien vivre est le résultat d’une
réflexion collective issue des commissions thématiques d’Europe
Écologie-Les Verts, menée sur plusieurs mois, et des propositions
d’une plateforme participative ouverte à la société civile et qui a
rassemblé plusieurs centaines de contributions. Il actualise le projet
écologiste à l’aune des évolutions de l’environnement politique et
économique de ces dernières années, tout en mettant l’accent sur les
dimensions européennes et internationales.
Maquette: Laura Fredducci
Couverture: Géraldine Boyer
Ce livre a été imprimé sur papier recyclé Cyclus Offset.
© Les petits matins, 2017
Les petits matins, 31, rue Faidherbe, 75011 Paris
www.lespetitsmatins.fr
ISBN: 978-2-36383-232-0
Diffusion Interforum – Volumen
Distribution Interforum
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
pour tous pays.
Introduction
Première partie
Vers une société post-croissance
1. Une économie résiliente au service de l’humain et du
vivant dans le respect de leur environnement
2. Réinventer le travail et lutter contre le chômage
3. La réforme de l’entreprise autour du projet de
création collective, de la promotion de l’entreprise
citoyenne et de la lutte contre les discriminations
4. Libérer l’économie de sa financiarisation
5. Donner du sens à notre politique économique au
service de la transition écologique et de la protection
des citoyen.ne.s
6. Un nouvel art de vivre au temps de l’Anthropocène
Deuxième partie
Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
1. Protéger et restaurer la nature et la biodiversité
2. Respecter l’animal
3. Une eau de qualité pour tou.te.s
4. Une forêt mieux protégée et gérée durablement
5. Donner des perspectives aux territoires ruraux :
pour une agriculture écologique et paysanne
6. Les enjeux maritimes et littoraux
face au changement climatique
7. Relier environnement et santé : un enjeu sanitaire
et démocratique majeur
Troisième partie
Vers un nouveau pacte social alliant autonomie,
solidarités et dignité
1. Renforcer les droits actuels des plus démuni.e.s
et lutter contre toutes les discriminations
2. Élargir le pacte social à de nouveaux droits
Quatrième partie
Face à l’État d’urgence et aux menaces
sur les libertés publiques : démocratie réinventée
et égalité des territoires
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1. État d’urgence et démocratie
2. Mettre l’humain au cœur de la politique de sécurité
3. Lutter contre les discriminations
et promouvoir une identité positive
4. Écologie et égalité des territoires
5. La 6e
République pour la transformation écologique
de la société
Cinquième partie
L’Europe dans le monde
1. Refonder l’Europe : un plan politique
de sortie de crise
2. L’Europe que nous voulons
Sixième partie
Vers un monde de paix et de justice sociale et
environnementale
1. Pour une démocratie globale
2. Pour une politique mondiale des communs et de la
justice sociale et environnementale
3. Contre le pouvoir prédateur des multinationales
4. Des agricultures paysannes et une pêche familiale
pour nourrir le monde
5. Coopérer réellement pour le développement:
faire de l’Agenda OD 2030 un véritable projet politique
6. Pour une politique de résolution des conflits
par la diplomatie
7. Pour une planète pacifiée: vers le désarmement
mondial et la reconversion industrielle
Postface
Pour une politique à l’âge de l’Anthropocène
INTRODUCTION
«Comme les pièces dispersées au hasard d’un puzzle, les
ferments premiers de la nouvelle civilisation travaillent ici et
là, font ici et là lever la pâte nouvelle. Les besoins inconscients
d’une autre vie commencent alors à passer à la conscience.
Des oasis de convivialité, de vie nouvelle se sont créées.»
Edgar Morin
Qu’est-ce que l’écologie politique?
Une philosophie de réconciliation et de res-
pect de l’environnement et des êtres humains. La
volonté de replacer au centre des valeurs démo-
cratiques la solidarité plutôt que l’individualisme,
la coopération plutôt que la compétition, le temps
long plutôt que les décisions à courte vue, l’intérêt
général plutôt que la somme des intérêts particu-
liers, la démocratie citoyenne en lieu et place de la
technocratie ou des populismes.
Un projet de transformation global portant
sur l’environnement, l’économie, le contrat social.
Un chemin, celui de la conversion écologique
de la société, pour développer de nouveaux sec-
teurs économiques, réinvestir les territoires, créer
des emplois et soutenir l’innovation créant de la
valeur sociale et environnementale.
Les écologistes portent un projet de civili-
sation, réformiste et radical. Une autre manière
d’habiter le monde. Une autre vision du collectif,
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BIEN VIVRE
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Introduction
avec le bien-vivre comme horizon, la confiance et
la bienveillance…
Partout les crises sévissent – crises écono-
miques, monétaires, financières, sociales, toutes
en lien avec une crise écologique systémique.
Partout prospèrent de fausses solutions: l’austé-
rité, la déréglementation, le recul de la puissance
publique ou la reproduction sans frein de l’ancien
modèle de croissance infinie. Ces fausses solu-
tions, portées comme des évidences année après
année, nous conduisent dans le mur.
Le capitalisme, productiviste et consumé-
riste, impose la marchandisation générale du
vivant et du non-vivant. Depuis la fin de la guerre
froide, jamais le monde n’avait semblé aussi me-
naçant et la paix aussi fragile. Les populismes
ont le vent en poupe. Les faiseurs de guerre; les
intégrismes en tous genres. Tous ces signaux sont
inquiétants et nécessitent de déconstruire l’ima-
ginaire capitaliste qui domine la planète et impose
sa «volonté de puissance», son rapport de préda-
tion à la nature, ses choix économiques, sociaux,
politiques…
Face à toutes ces menaces, il est urgent
d’agir! Il ne s’agit plus de prendre des décisions
pour la durée d’un mandat électoral mais de s’in-
terroger sur le long terme, de décider de l’avenir
de notre planète en faisant des choix pour plu-
sieurs générations:
– soit nous continuons avec les croyances
du passé, et nous préparons alors l’aggravation
des maux qui nous accablent: épuisement écolo-
gique et désordres climatiques, pertes de biodi-
versité et conséquences sur l’eau, l’air, les forêts,
les milieux naturels, l’alimentation et la santé
humaine, accroissement de la pauvreté et de la
précarité;
– soit nous changeons de modèle, nous fai-
sons décroître notre empreinte écologique, nous
promouvons de nouveaux droits et de nouvelles
solidarités humaines, reconstruisons notre rela-
tion à la nature et aux animaux et préservons
notre maison commune.
Il n’y a pas de fatalité. Notre programme d’ac-
tion s’appuie sur les nombreuses alternatives de
vie, les solutions technologiques nouvelles, les
expérimentations réussies depuis des années sur
tous les territoires, l’enthousiasme né de milliers
d’initiatives qui démontrent que l’avancée vers
une autre société est possible, et même qu’elle est
déjà en marche.
Pour peu que la politique lui donne le coup
d’accélérateur indispensable, pour peu qu’elle
aide à lever les obstacles qui se dressent sur notre
chemin, nous sommes prêt.e.s pour une société
plus écologique et plus solidaire.
C’est ce que nous proposons…
Depuis 1974 et la candidature de René
Dumont, nous n’avons cessé de porter dans l’es-
pace public une approche différente des enjeux
de notre époque.
Face à la crise du projet européen, nous
avons choisi d’élargir l’horizon du débat poli-
tique français hors des frontières. Nous sommes
convaincu.e.s que les institutions européennes, et
particulièrement le Parlement européen, doivent
devenir un lieu démocratique central de débats
et de décision. La campagne qui s’ouvre doit être
l’occasion de donner un sens nouveau au «rêve
européen».
BIEN VIVRE
Nous voulons que l’ouverture à la diversité
des débats et au monde devienne partie inté-
grante des processus de décision nationaux. Nous
entendons non seulement faire face aux urgences
et réparer les conséquences des mauvaises déci-
sions passées, mais avant tout aller aux causes,
anticiper, prévoir.
– Parce que nous devons dès aujourd’hui
favoriser la transition écologique de l’économie;
– parce que nous devons lutter contre les
inégalités qui minent la cohérence de nos sociétés
et sapent les fondements de la démocratie;
– parce que nous voulons promouvoir la
dignité, l’autonomie et les solidarités, mais aussi
la non-violence, la responsabilité collective et
individuelle;
– parce que l’Europe doit rester un pôle de
stabilité dans le monde et parce que le monde est
notre maison commune;
notre programme d’action pour les an-
nées à venir s’organise autour de six grandes
orientations:
1. Écologie:versunesociétépost-croissance,
2. Écologie: un nouveau rapport à la nature,
à l’animal et au vivant
3. Écologie: autonomie, solidarités et dignité.
Lutter contre les inégalités.
4. Écologie: démocratie réinventée et égalité
des territoires.
5. Écologie: l’Europe dans le monde.
6. Écologie: vers un monde de paix, de jus-
tice sociale et environnementale
PREMIÈRE PARTIE
VERS UNE SOCIÉTÉ POST-CROISSANCE
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défis. Comment réduire le taux de chômage ou le
niveau de la dette? Mais aussi, comment amélio-
rer l’utilité sociale et écologique de la production,
comment créer des emplois, comment amélio-
rer la qualité du travail? Comment promouvoir
un modèle de développement plus sobre et plus
convivial?
D’autre part, sur le plan climatique, ces der-
nières années ont été les plus chaudes jamais
enregistrées. Chacun sait aujourd’hui que ce
réchauffement est lié aux activités humaines et
à l’émission de gaz à effet de serre (GES). Les
impacts de cette évolution sont déjà perceptibles
sur notre territoire: sécheresses, déplacement de
certaines espèces animales et végétales, inonda-
tions, etc. Notre modèle de développement épuise
les ressources naturelles, relègue une partie de
l’humanité dans les marges, augmente les pollu-
tions et accélère le réchauffement. Nous devons
en sortir au plus vite!
Pour lutter contre le réchauffement clima-
tique et pour réduire le chômage de masse dans
notre pays, pour éviter aux pays en voie de dé-
veloppement d’être durablement réduits au rôle
d’«usines du monde», la relocalisation et la tran-
sition écologique de notre économie sont deux
pistes majeures prônées par les écologistes. Mais
il faut aussi examiner la place du travail et de l’ac-
tivité dans notre société, face à l’automatisation
et aux profondes transformations dans l’organisa-
tion du travail.
Enfin, dans le contexte des crises actuelles,
les écologistes ne se reconnaissent pas dans le
discours libéral sur la dette publique qui présente
l’austérité et la réduction de la dépense publique
L’évolution des chiffres du chômage, des finances
publiques et des inégalités ne plaide pas en fa-
veur de la politique économique conduite par le
gouvernement depuis cinq ans. Le choix du gou-
vernement a été de favoriser l’offre et les entre-
prises plutôt que les ménages, en se concentrant
sur la compétitivité-prix – via le CICE (Crédit d’im-
pôt pour la compétitivité et l’emploi) et le Pacte
de responsabilité – et la restauration du taux de
marge des entreprises. Conséquence de cette po-
litique: le pouvoir d’achat par ménage en 2016 est
inférieur de 350 euros par rapport à son niveau
de 2010.
Quant au chômage, il a crû de manière dra-
matique (entre 2008 et 2012, le nombre de
chômeurs a augmenté de 751000 personnes;
entre 2012 et 2016, de 194000 chômeurs sup-
plémentaires). La politique de l’emploi du gou-
vernement est un échec, la France compterait fin
2016 plus de 6 millions de personnes fragilisées
vis-à-vis de l’emploi (temps partiel subi, chômeurs
découragés, personnes en sous-emploi etc.).
Face à cette situation, le gouvernement ac-
tuel – comme ses prédécesseurs depuis quarante
ans – n’a cessé de miser sur le retour de la crois-
sance. Or la croissance que nous avons connue
durant les Trente Glorieuses, autour de 5% par
an, ne reviendra pas. Cela soulève de nombreux
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
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1. UNE ÉCONOMIE RÉSILIENTE
AU SERVICE DE L’HUMAIN ET DU VIVANT,
DANS LE RESPECT DE LEUR ENVIRONNEMENT
«Une économie soutenable doit être capable de résister aux
choix exogènes et d’éviter les contradictions internes qui
engendrent le chaos durant les périodes de récession […].
Mais il faudra explicitement faire entrer en ligne de compte
de nouvelles variables macroéconomiques, qui incluront
presque certainement la dépendance de l’économie à
l’énergie et aux ressources, ainsi que des plafonds en
termes de carbone. Elles incluront peut-être également
des variables qui refléteront la valeur des services
écosystémiques ou des stocks de capital naturel.»
Tim Jackson
Nous ne retrouverons plus les conditions écono-
miques que nous avons connues après la fin de la
Seconde Guerre mondiale. L’entrée dans l’Anthro-
pocène – à savoir le fait que l’humanité est deve-
nue une force géologique susceptible de modifier
le système-Terre – représente pour nos sociétés
un défi difficilement imaginable jusque-là.
Cela nécessite de sortir des mesures d’ajus-
tement à la marge. L’aveuglement dont font
preuve sur ce point les différents gouvernants est
coupable. Nous devons rendre notre économie
résiliente.
Les conditions pour résister à des chocs exo-
gènes (crise financière, catastrophe climatique,
pic pétrolier, etc.) sont aujourd’hui connues: re-
tour au local et au circuit court, économie low-
tech (plutôt que high-tech), construction de petits
systèmes résilients, réduction de la complexité,
autonomie énergétique et alimentaire, économie
circulaire, économie collaborative, transports
doux et partagés, auto-construction, isolation et
comme les seules solutions pertinentes. Pour les
écologistes, qui raisonnent sur le long terme, il est
certes important de consolider nos finances et
de maîtriser l’endettement privé. Mais pas à n’im-
porte quel prix humain ni au détriment des plus
faibles.
Pour transformer l’économie, réduire nos
émissions de gaz à effet de serre, accompagner
les changements sociaux, réduire la pauvreté et
les inégalités ou encore protéger la biodiversité, il
est indispensable de prévoir et de planifier. La ré-
duction brutale de la dette paralyse toute capacité
d’agir, d’influer sur le cours des choses. Une poli-
tique volontariste est nécessaire, un État stratège
face aux lobbys et aux puissances financières
qui refusent de prendre le virage d’une société
post-croissance.
BIEN VIVRE
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faible valeur ajoutée). 84% des entreprises fran-
çaises comptent moins de dix salarié.e.s, contre
60,5% en Allemagne. La pérennité de ces pe-
tites entreprises est notamment fragilisée par les
problèmes d’accès au crédit et une relation de
subordination entre les donneurs d’ordre et les
fournisseurs. La France manque de PME/PMI de
bonne taille et d’entreprises intermédiaires, qui
sont des lieux d’innovation et d’adaptation.
Enfin, la stratégie des grands programmes de
l’État a soutenu le développement d’entreprises
publiques ou privées à partir de commandes réga-
liennes (le Rafale, l’EPR, etc.) qui – pour des rai-
sons différentes – n’ont pas trouvé de marchés à
l’étranger. Les programmes de coopération euro-
péenne (Airbus, Ariane) auront eu plus de succès.
De plus, les exportations d’armement pèsent d’un
poids bien discutable.
Si l’on ajoute à ces constats l’insuffisance
du dialogue social et une fiscalité inadaptée aux
enjeux écologiques, notre industrie nationale pré-
sente toutes les caractéristiques d’un «colosse
aux pieds d’argile».
Pourtant, la réindustrialisation de nos terri-
toires est une nécessité pour lutter à la fois contre
le changement climatique, la mise en concurrence
internationale de salarié.e.s aux conditions de vie
très différentes et le dumping social et environne-
mental pratiqué par certains pays.
Inverser la tendance, c’est relocaliser et créer
des emplois nouveaux et de qualité. C’est réduire
les transports de marchandises et de matières
premières, c’est partir des savoir-faire et des res-
sources locales, c’est aussi rechercher la sou-
veraineté alimentaire et énergétique. L’industrie
alternatives énergétiques, solidarités de proxi-
mité, recycleries-ressourceries, accorderies,
monnaies locales, micro-crédit, agro-écologie et
agriculture urbaine, etc.
À travers ces différentes expériences, des
perspectives nouvelles se dessinent, qui pour-
raient préfigurer un nouveau modèle de société
fondé sur la confiance, la commune humanité et
la commune socialité.
I. Relocaliser l’économie
«Relocaliser, cela signifie avant tout “démondialiser”. Ce
qu’on appelle la mondialisation n’est en fait qu’un jeu de
massacre à l’échelle globale. Une compétition dans laquelle
tous les peuples s’autodétruisent les uns les autres.»
Serge Latouche
Une révolution industrielle est en cours. Elle
a bouleversé l’organisation du travail en entre-
prise et entraîné l’éclatement mondial de la pro-
duction. En France, tous les indicateurs signalent
un déclin important de l’industrie: baisse du
nombre d’emplois industriels, baisse de la part
de l’industrie dans le PIB (12,4% en 2014 contre
16,6% en 2000). Cette désindustrialisation est
marquée par une spécialisation en déclin, le choix
de la compétitivité-prix poussant nos entreprises
vers le moins-disant social (baisse des rémunéra-
tions, précarisation), la stagnation de nos efforts
de recherche et développement (entre 2,1% et
2,3% du PIB), loin de ceux consentis dans d’autres
pays. D’autre part, les entreprises françaises sont
éclatées entre deux extrêmes: de grandes firmes
concentrant de la haute technologie et de nom-
breuses PME/PMI positionnées majoritairement
sur des secteurs à faible technologie (et donc à
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
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active au recensement des compétences
disponibles et à la définition des objectifs, des
évolutions de l’appareil de production et des
formations nécessaires;
– clarifier des compétences sur les territoires et
renforcer le développement régional;
– soutenir la recherche et l’innovation, mais à
travers d’autres dispositifs que le crédit d’impôt
recherche (CIR).
Quels sont les grands secteurs stratégiques
de la reconversion?
• L’agriculture, chaînon essentiel dans la
conversion écologique de nos économies.
• L’énergie: le plan de transition énergétique
et la sortie du nucléaire entraîneront une grande
politique industrielle dans la production de maté-
riaux et de matériels, et d’investissements dans
les énergies renouvelables.
• La filière bois fournira une partie de la bio-
masse nécessaire. Elle est aujourd’hui déficitaire
sur l’ensemble des postes de la balance commer-
ciale alors que la forêt s’étend.
• Les énergies renouvelables de haute tech-
nologie nécessitent une approche spécifique,
tant la France a pris du retard dans ce domaine.
Le développement de l’éolien doit pouvoir s’ap-
puyer sur un réseau de PMI ancrées dans les
territoires;
• Les transports collectifs et les mobilités
du futur (voir «Un plan d’urgence pour les trans-
ports», p. 25).
• Lebâtimentperformantetlesécomatériaux;
• La chimie verte, substitut au pétrole;
• L’économie du recyclage et de la réparation.
du XXIe
siècle sera celle d’un éco-développe-
ment. Elle dépassera le verdissement à la marge
(greenwashing) des anciennes industries. Notre
avenir industriel passe par une modernisation des
entreprises, un effort de formation et d’innovation,
et une évolution de notre appareil productif afin
de l’adapter aux enjeux écologiques du XXIe
siècle.
La transition écologique de l’économie, la
réindustrialisation de nos territoires et la reloca-
lisation ont besoin d’une planification écologique
souple, capable d’organiser la programmation des
investissements, de dégager les financements
adaptés et de hiérarchiser les projets industriels.
La gravité de la crise économique, sociale et éco-
logique doit nous conduire vers la mise en place
de moyens radicalement différents de ceux mis
en œuvre en temps normal: définir strictement les
secteurs dont la reconversion doit être engagée
rapidement, définir les métiers et les qualifica-
tions dont nous avons besoin, définir les besoins
sociaux prioritaires et allouer les capitaux en
fonction de ces priorités.
Pour cela, il faudra:
– s’appuyer davantage sur le réseau d’entreprises
intermédiaires, sur l’innovation et les circuits
courts, et revoir complètement le maillage industriel
français;
– investir dans les ressources locales existantes:
savoir-faire, appareil productif, présence de
services;
– favoriser une gestion foncière régionale de zones
industrielles en déshérence pour les affecter à des
projets locaux de revitalisation territoriale;
– s’appuyer sur les salarié.e.s: leur participation
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
20 21
elle représente des opportunités tant au niveau
de l’emploi que des économies: 700000 emplois
pourraient être créés et 200 milliards d’euros
économisés dans le seul domaine de la santé.
Trois grands principes guident notre
démarche:
• sortir de la dépendance aux énergies
fossiles et au nucléaire en moins de vingt ans
(2017-2035);
• une France «100% renouvelables» en 2050;
• la réduction de la consommation d’énergie
par la sobriété et l’efficacité.
A. Sortir du nucléaire
La sortie du nucléaire s’impose pour trois
raisons: le risque inacceptable d’un accident ma-
jeur, dont les conséquences catastrophiques ont
été démontrées par Tchernobyl et Fukushima, la
production de déchets radioactifs extrêmement
dangereux pour des milliers d’années, l’utilisation
et la diffusion de techniques permettant la prolifé-
ration des armes nucléaires. Plus récemment, une
menace terroriste accrue bien que diffuse pour-
rait par ailleurs cibler nos centrales nucléaires.
À ces risques s’ajoutent des raisons écono-
miques. En effet, la poursuite du programme nu-
cléaire français bloque les politiques d’économie
d’électricité, freine le développement des énergies
renouvelables et empêche les mutations indus-
trielles indispensables à la transition énergétique.
Les écologistes proposent:
– En ce qui concerne les centrales et réacteurs
nucléaires, l’arrêt définitif et le démantèlement
des cinquante-huit réacteurs nucléaires français
Plus globalement, il s’agit d’«écologiser» l’en-
semble des secteurs de l’économie et d’intégrer
en amont de tout projet la protection et la recon-
quête de la biodiversité.
II. Pour le climat, la santé et l’économie: une
France «100% renouvelables» à l’horizon 2050
Les objectifs officiels sont connus:
• réduire les émissions de gaz à effet de serre
de 40% entre 1990 et 2030 et les diviser par
quatre entre 1990 et 2050;
• réduire la consommation énergétique fi-
nale de 50% en 2050 par rapport à la référence
2012, en visant un objectif intermédiaire de 20%
en 2030;
• réduire la consommation énergétique pri-
maire des énergies fossiles de 30% en 2030 par
rapport à l’année de référence 2012;
• porter la part des énergies renouvelables
à 23% de la consommation finale brute d’énergie
en 2020 et à 32% en 2030; à cette date, pour
parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables
doivent représenter 40% de la production d’élec-
tricité, 38% de la consommation finale de chaleur,
15% de la consommation finale de carburant et
10% de la consommation de gaz;
• réduire la part du nucléaire dans la produc-
tion d’électricité à 50% à l’horizon 2025.
Selon l’Ademe (Agence de l’environnement et
delamaîtrisedel’énergie),laFrancepourraittrans-
former sa production et sa consommation éner-
gétiques pour atteindre les 100% renouvelables
à l’horizon 2050. Cette transition est urgente et
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
22 23
urgent d’arrêter de subventionner les énergies
fossiles et polluantes, de réorienter la produc-
tion d’énergie par EDF et, enfin, de construire
des régies locales de l’énergie pour engager ainsi
la transition.
Les énergies renouvelables à plus fort poten-
tiel de développement sont l’éolien et le solaire.
Avec une politique volontariste, la France pourrait
viser la création de 400000 emplois directs dans
les énergies renouvelables d’ici à 2023. Ce chiffre,
ajouté aux créations d’emplois des programmes
de rénovation énergétique des bâtiments, donne
un volume de création nette d’emplois estimé à
500000 à l’horizon 2020, 900000 à l’horizon
2050 (scénario Ademe).
Les principales mesures pour faciliter le
développement des énergies renouvelables sont:
– un investissement massif dans le déploiement des
énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique,
géothermie, récupération d’énergie, etc.);
– la simplification des procédures et du cadre
réglementaire;
– la stabilité du cadre réglementaire et tarifaire
des énergies renouvelables ainsi que son
harmonisation européenne progressive sont des
éléments essentiels au développement de filières
françaises;
– l’insertion de clauses circulaires et renouvelables
obligatoires dans les nouvelles constructions;
– l’élaboration, par les acteurs du territoire, de
plans régionaux de développement des énergies
renouvelables, en complémentarité avec les
programmes et actions de sobriété et d’efficacité
énergétique;
auront lieu de façon progressive, sur la base de
trente années de fonctionnement par réacteur,
en commençant par les installations les plus
dangereuses. L’objectif visé est une sortie complète
du nucléaire en 2035.
– Les projets en cours de construction seront
interrompus dès 2017: la construction de l’EPR de
Flamanville sera gelée, ainsi que le projet Astrid de
réacteur au plutonium et la construction d’Iter.
– Une filière de démantèlement des installations
nucléaires sera créée en lien avec les organisations
syndicales.
– En ce qui concerne les combustibles nucléaires,
nous visons l’arrêt immédiat de la production du
plutonium, de la fabrication et de l’utilisation du
combustible MOX qui en découle.
– Le stockage en profondeur, comme à Bure, sera
définitivement arrêté, et les combustibles irradiés
seront stockés à sec en sub-surface.
– Un renforcement massif des ressources humaines
et du budget de l’Autorité pour la sûreté nucléaire,
et l’autonomisation vis-à-vis d’EDF.
– La construction rapide d’installations de stockage
à sec en sub-surface pour les combustibles irradiés
et pour les déchets de haute et moyenne activité, et
la décontamination des sites nucléaires désaffectés
(mines, anciennes usines et laboratoires etc.).
B. Une France «100% renouvelables» en 2050
Nous souhaitons parvenir à 100% d’éner-
gies renouvelables d’ici à 2050. De nombreuses
initiatives de transition énergétique sont déjà
mises en œuvre sur les territoires: des coopéra-
tives d’énergie citoyenne, de réduction des émis-
sions, des plans climat-énergie locaux, etc. Il est
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
24 25
• abandon des compteurs communicants
pour les particuliers et les petits consommateurs;
• mise en place d’outils permettant aux usa-
gers de contrôler leur consommation d’énergie en
temps réel, afin de leur donner la maîtrise et la
connaissance de leur consommation;
• interdiction des usages inutiles et énergi-
vores (panneaux publicitaires, notamment);
• interdiction du chauffage électrique et
sa substitution jusqu’à sa suppression dans
l’ancien;
• réforme et renforcement des certificats
d’économie d’énergie;
• tarification progressive de l’électricité
consommée (les premiers kWh sont très peu
chers et le prix augmente avec la consomma-
tion), afin de garantir à tou.te.s un accès aux
services énergétiques, tout en décourageant les
gaspillages;
• utilisation de sources renouvelables pour la
production de chaleur et d’eau chaude.
Pour financer la transition énergétique,
les écologistes proposent:
– le renforcement des dispositifs existants pour
la rénovation des bâtiments (éco-prêt à taux zéro,
crédit d’impôt développement durable, TVA réduite,
subventions ciblées pour les logements sociaux);
– la mise en place de fonds de garantie et
de systèmes assurantiels pour faciliter les
investissements de long terme et l’émergence de
nouveaux modèles économiques;
– une réorientation des recettes issues de la mise
aux enchères des quotas de CO2 européens;
– une réforme de la contribution climat énergie
– le Réseau de transport de l’électricité (RTE) doit
devenir une entreprise publique au capital détenu
à 100% par l’État, totalement indépendante d’EDF;
en ce qui concerne la distribution d’électricité,
la réglementation devra assurer la transparence
et l’équité des négociations de concession de
distribution des énergies de réseau par les autorités
concédantes;
– la recherche sur le stockage et l’efficacité
énergétiques.
C. Consommer moins, consommer mieux
La politique de sobriété et d’efficacité éner-
gétique dans tous les secteurs d’activité doit per-
mettre de réduire la consommation d’énergie tout
en assurant de meilleurs services à l’ensemble de
la population. L’objectif est d’atteindre en 2030
une consommation énergétique finale inférieure
de 30% à sa valeur en 2012 et une consomma-
tion primaire de combustibles fossiles (charbon,
pétrole, gaz) inférieure de 35% à cette valeur et
proche de zéro en 2050. Pour y parvenir, plu-
sieurs cibles doivent être visées.
Le couple «produits pétroliers-transports»
constitue la première cible de la politique d’effica-
cité énergétique. Le secteur du bâtiment fera l’ob-
jet d’un plan massif de rénovation énergétique.
L’objectif principal est l’accroissement régulier du
rythme annuel de rénovations.
Pour l’électricité, le potentiel d’économies est
considérable. L’objectif visé est la réduction de la
consommation finale d’électricité du même ordre
que celle de la consommation finale énergétique,
soit 30% en 2030. Des mesures réglementaires
et tarifaires permettront d’y parvenir:
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
26 27
France), Semca (Sociétés d’économie mixte
concessionnaires d’autoroutes), Aéroports
de Paris… La dette du système ferroviaire est
désastreuse pour la gestion de l’entreprise
publique: il faut donc une reprise de cette dette par
les pouvoirs publics.
– Au vu de ses conséquences écologiques et
économiques, le développement du réseau
autoroutier doit cesser, et les relations entre
l’État et les sociétés d’exploitation des autoroutes
doivent être clarifiées et transparentes.
Nous refuserons toute nouvelle privatisation
d’autoroutes. Enfin, nous instaurerons un moratoire
sur tous les projets autoroutiers, notamment celui
de l’A42 et le projet de contournement Grand-Ouest
de Strasbourg (CGO).
– Le grand public et les associations d’usagers
doivent être davantage impliqués dans l’élaboration
des politiques de transport et d’aménagement
avec les différents acteurs de ce domaine (élu.e.s,
administrations, entreprises, etc.). Ils doivent être
consultés en amont des décisions, durant leur mise
en œuvre et pour donner leur avis sur les projets
réalisés.
– La fin du diesel doit être programmée pour tous
les types de véhicules, des automobiles aux navires.
Cela passe par la mise en œuvre accélérée de la
transition énergétique vers le gaz et les énergies
renouvelables.
– Les dispositifs réglementaires (réduction des
vitesses limite et de la puissance des véhicules,
normes sur les émissions polluantes) doivent
être renforcés et accompagnés d’incitations
de type tarifaire (bonus-malus, fiscalité
climat-énergie, etc.).
(CCE) pour en faire une véritable taxe carbone
appuyée sur trois assiettes: énergie primaire, gaz
à effet de serre et risques environnementaux et
sanitaires (dont nucléaire); le triple taux de la CCE
évoluera selon des règles stables sur plusieurs
décennies, afin d’offrir aux investisseurs et aux
ménages la visibilité nécessaire pour anticiper les
coûts futurs liés aux consommations d’énergie.
III. Un plan d’urgence pour les transports
La politique nationale des transports doit
être cohérente et s’inscrire dans une politique
d’aménagement globale qui contribue à l’équi-
libre des territoires. Pour ce faire, nous devons
œuvrer au développement des réseaux de villes
moyennes, afin de favoriser la transition urbaine,
l’équilibre ville-campagne et les déplacements de
proximité. Ainsi, au travers de la fiscalité et des
priorités budgétaires, il faut donner la priorité
au rail et à la voie d’eau plutôt qu’à la route et à
l’aérien.
Pour cela, les écologistes proposent:
– La valorisation et l’amélioration des
infrastructures, notamment ferroviaires, existantes.
Le maillage de l’ensemble du territoire sera
recherché.
– Une meilleure répartition des moyens sur
l’ensemble du territoire et la fin de la politique
de grands projets inutiles (ligne à grande vitesse
Lyon-Turin, Canal Seine-Nord Europe, aéroport de
Notre-Dame-des-Landes…).
– Un pilotage réel et efficace des établissements
publics: SNCF, VNF (Voies navigables de
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
28 29
gaspillage des matières premières, de l’eau et des
sources d’énergie. Il s’agit de déployer une nou-
velle économie – circulaire et non plus linéaire –,
fondée sur le principe de «refermer le cycle de
vie» des produits, des services, des déchets, des
matériaux, de l’eau et de l’énergie, de sorte à rap-
procher nos écosystèmes industriels du fonction-
nement des écosystèmes naturels.
D’après un rapport commandé par la
Fondation Ellen-MacArthur (2013), la mise
en place d’une telle économie pourrait géné-
rer 700 milliards de dollars d’économies nettes
annuelles en matériaux au niveau européen,
soit environ 1,1 point de PIB. Certaines indus-
tries, comme l’automobile et l’équipement, pour-
raient réaliser des économies importantes sur
leurs coûts de production. Par ailleurs, l’Insti-
tut de l’économie circulaire, s’appuyant sur des
études menées par la Commission européenne
et l’Ademe, estime que les sept composantes
opérationnelles sur lesquelles il est possible
d’agir afin de pousser la transition (approvision-
nement, écoconception, écologie industrielle
et territoriale, économie de la fonctionnalité,
consommation responsable, allongement de la
durée de vie, recyclage et valorisation des dé-
chets) permettraient de créer jusqu’à 400000
emplois. Enfin, l’économie circulaire représente
une condition de la préservation des ressources
et de notre environnement.
Pour favoriser le développement de l’économie
circulaire, les écologistes proposent:
– un soutien à la recherche et à l’innovation
pour développer des technologies efficaces en
– La consommation de carburant doit être optimisée
(objectif 2 litres aux 100 km en 2020) par une
politique de reconversion industrielle favorisant la
réduction du poids et de la puissance des véhicules et
le développement des véhicules hybrides.
– La réduction des distances parcourues sera
favorisée par des mesures sur l’urbanisme (PDU
et PLU) et l’aménagement du territoire, mais aussi
par la généralisation d’outils limitant le besoin de
voiture individuelle (PDE).
– L’État et les collectivités doivent développer
des solutions intermodales à moindre impact
environnemental pour limiter le recours à la voiture
et au camion. Les pouvoirs publics doivent inciter
notamment au covoiturage, assurer la présence
de transports en commun sur tout le territoire,
concourir au maintien de l’emploi local, des services
de proximité et du petit commerce, et encourager le
télétravail organisé en espaces collectifs.
– Enfin, nous voulons des villes apaisées où il fait
bon vivre. Pour cela, il faut développer massivement
l’usage du vélo et la marche en ville. L’État et les
collectivités doivent viser la réduction progressive
des vitesses, et il faut mettre en œuvre un véritable
code de la rue qui concerne l’ensemble des modes
de déplacement.
IV. Économie circulaire, économie de la
fonctionnalité, économie du partage
La relocalisation des activités doit s’accom-
pagner de nouvelles formes d’organisation de la
production. En lien avec les Régions, l’économie
circulaire a pour objectif de produire des biens et
des services tout en limitant la consommation et le
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
30 31
Enfin, l’économie du partage (phénomène
économique et social combinant l’économie de
pair-à-pair, la consommation et l’économie colla-
boratives, le capitalisme de plateforme, l’économie
circulaire, l’économie de location ou d’abonnement,
le mouvement des «makers» et l’économie du don),
fondée sur la production en commun, représente
un mode de production et de consommation émer-
gent au potentiel émancipateur encourageant, à
condition que son sens ne soit pas détourné par le
capitalisme. En effet, plusieurs courants coexistent
aujourd’hui, qui vont de plateformes commerciales
comme Uber ou Airbnb, exploitant des algorithmes
dont elles ont la maîtrise, à des initiatives centrées
sur le partage, le don, l’échange non marchand ou
le troc: éco-agriculteurs créant une plateforme de
création d’outils agricoles en open source, création
de tiers-lieux, etc.
Face à ces évolutions, le rôle de l’État et des
pouvoirs publics est de construire un cadre écono-
miqueetréglementairefavorableauxmodèles«ver-
tueux», tourné vers les plateformes permettant les
échanges gratuits entre particuliers, les initiatives
locales ou celles relevant de l’économie sociale et
solidaire (ESS). L’État doit aussi accompagner les
nouvelles formes de travail par une protection ac-
crue des auto-entrepreneurs, l’accès aux droits et
aux devoirs des indépendants, et le rééquilibrage
des rapports de force entre donneurs d’ordre et
travailleurs indépendants.
Les écologistes proposent:
– des règles de protection des travailleurs
en fonction de la part de dépendance économique
des auto-entrepreneurs envers les plateformes;
ressources (recyclage, extraction, etc.) et allonger
la durée de vie de la matière;
– une réforme fiscale afin de mettre en place une
TVA circulaire, sociale et environnementale, avec
des taux différenciés selon le mode de production;
– un véritable plan d’investissement dans le
déploiement de l’économie circulaire, notamment
dans les secteurs de la réparation et du
recyclage ;
– le renforcement des règles et des conditions liées
à l’écoconception des objets, à leur durée de vie
(obsolescence programmée) et à leur capacité à
être revalorisés-réparés-réemployés;
– des campagnes de communication et d’éducation
afin d’induire des modifications dans le
comportement des ménages;
– une réforme du code des marchés publics pour
favoriser les entreprises locales, avec découpage
des appels d’offres en lots pour permettre aux
PME de concourir, notamment en se regroupant en
groupement d’intérêt économique (GIE), ce que les
collectivités ignorent trop souvent.
La relocalisation va de pair avec une écono-
mie dite de la «fonctionnalité», qui valorise au-
tant l’usage d’un bien que sa possession et incite
au partage et à l’invention de nouveaux rapports
sociaux de coopération. Une évolution de la fis-
calité sera nécessaire, afin d’adapter les règles
relatives à l’investissement ou au fonctionnement
en matière de fournitures et d’équipements. Les
services publics s’appuieront de manière crois-
sante sur l’économie de la fonctionnalité, notam-
ment dans le domaine des transports ou pour des
objets quotidiens.
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
32 33
encore des plateformes et des réseaux de voisinage
aidant à retisser un lien au cœur de nos territoires
et améliorant ainsi leur résilience sociale;
– des appels à projets locaux ou nationaux (la
région Aquitaine, par exemple, a lancé en 2015 un
appel à projets de plus de 500000 euros visant
à «développer des projets innovants relevant
de l’économie collaborative, à vocation sociale,
environnementale ou citoyenne, s’appuyant sur les
technologies et usages numériques»);
– une aide à la communication, car les
développeurs de plateformes ont besoin de
communiquer auprès du grand public pour atteindre
la masse critique d’utilisateurs et faire fonctionner
leur service (les pouvoirs publics, nationaux ou
locaux, disposent d’outils de communication grand
public qu’ils peuvent utiliser au profit de l’économie
du partage).
V. Les déchets sont une ressource:
une trajectoire zéro déchet pour la France!
Certaines collectivités dans le monde se
sont engagées dans le «zéro déchet» avec des
résultats spectaculaires en quelques années. La
dynamique associe une réduction drastique des
déchets et la création d’activités visant la fin du
gaspillage ainsi que la récupération et la trans-
formation de toutes sortes de résidus. Le modèle
linéaire mondial (extraction/production/vente/
déchet/élimination) est transformé en un modèle
circulaire induisant une relocalisation de l’activité
et une valorisation de chacun de nos déchets.
Les déchets organiques ne sont pas des dé-
chets comme les autres, et ils n’ont pas vocation à
– un accès à la retraite, au chômage et, d’une
manière générale, à la protection sociale
pour les travailleurs indépendants et les
auto-entrepreneurs;
– la protection des pratiques de partage en
instituant une démarcation nette entre ces
pratiques et celles de nature professionnelle
(en fonction de la part du revenu);
– des règles strictes concernant la collecte, le
partage et la protection des données, qui doivent
correspondre à un partenariat entre les pouvoirs
publics et les plateformes sur leurs territoires
d’activité;
– la facilitation des pratiques collaboratives
des coopératives et des entreprises issues de
l’économie sociale et solidaire.
Face aux pratiques prédatrices, la collabora-
tion et la coopération peuvent à la fois constituer
des innovations sociales, économiques et environ-
nementales, et devenir des atouts majeurs pour le
bien-vivre. Cela concerne également le savoir et
les connaissances partagées, l’open source, les
creative commons, etc.
Notons que le partage et la collaboration
restent toutefois largement répandus hors du
cadre des plateformes numériques: le troc, la se-
conde main et les fab labs constituent encore plus
de 70% de l’économie collaborative.
Les écologistes proposent:
– des financements publics et la mise en place
d’incubateurs pour des projets innovants, mais
aussi des petits projets territoriaux de déploiement
du troc, du partage, du réemploi des objets, ou
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
34 35
– qui incite à la réparation et à la réutilisation locale
(ressourceries, fab labs);
– qui affiche les vrais coûts en généralisant le
paiement du service (redevance incitative) et le
paiement intégral du coût global de recyclage des
emballages par Éco-emballage, répercuté sur les
producteurs.
Quant aux activités industrielles et artisa-
nales qui génèrent des «matières secondaires»,
d’autres fabricants peuvent s’en emparer comme
composants de leurs propres fabrications sans
passer par la case «déchets».
La politique des écologistes vise à:
– généraliser l’économie circulaire des matières
secondaires;
– organiser des bourses publiques de matières
secondaires gérées dans le cadre des plans
régionaux;
– prévoir des possibilités de stockage réversible
de matières pré-triées et susceptibles de retrouver
un débouché industriel ou artisanal, à brève ou
moyenne échéance.
Pour les combustibles, l’incinération des dé-
chets en mélange est un gaspillage de ressources
nécessitant des investissements lourds et inutiles,
dès lors que la logique d’économie circulaire de-
vient dominante. Le regroupement horizontal des
différents gisements, dont ceux issus des déchets
ménagers, permet de re-manufacturer un produit
commercialisable à fort pouvoir calorifique, assorti
d’une norme de combustibilité (européenne de
préférence) garantissant une pollution minimale.
disparaître, car ils sont le reflet de notre alimenta-
tion. Ils ne doivent pas être mélangés aux autres
résidus mais traités à part, selon une économie
circulaire de retour vers les terres vivrières. C’est
une nécessité vitale pour combattre l’appauvris-
sement biologique des terres agricoles et la sur-
consommation d’engrais chimiques.
C’est pourquoi les écologistes proposent:
– dans les cuisines, de donner les moyens et
l’habitude de ranger les fermentescibles dans un
espace à part;
– de composter au plus près ou au plus rationnel
selon le territoire;
– de promouvoir des normes européennes de
qualité et de valorisation économique du compost;
– de prohiber les systèmes de tri mécano-biologique
après collecte en mélange et de s’opposer à la
construction de nouveaux incinérateurs.
Pour les écologistes, la production de biogaz
n’est pas seulement une question énergétique, elle
doit assurer la qualité du compost final. Elle sup-
pose une coopération des différents secteurs éco-
nomiques du bois, de l’agriculture, de l’épuration
des eaux et de l’agroalimentaire, mais toujours avec
l’objectif de qualité agronomique du compost fini.
Pour les autres déchets, l’objectif des écologistes
est de tendre vers le zéro déchet en développant une
politique:
– de lutte contre la publicité agressive;
– favorisant l’écoconception (logique du cycle de
vie) et décourageant l’obsolescence programmée
via la responsabilité élargie du producteur;
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
36 37
sociétés commerciales poursuivant un objectif
d’utilité social ou environnemental, nous permet
d’envisager une nouvelle gestion des communs
environnementaux et des savoirs pour dévelop-
per des services publics coopératifs adaptés aux
enjeux du siècle.
Les écologistes proposent:
– une démocratisation des services publics en
s’appuyant sur les connaissances issues de l’usage;
– la poursuite de la dynamique engagée par
la loi ESS de 2014, en accroissant l’ouverture
des marchés publics aux entreprises agréées
«entreprise solidaire d’utilité sociale» (Esus);
– une réorganisation des politiques d’insertion afin
que l’accès aux postes soit plus souple et intègre la
nécessité de structurer les postes en insertion vers
des emplois d’avenir et les filières écologiques;
– l’aide à la création et à la reprise d’entreprises
solidaires via un nouveau droit de préemption
sur les terrains en friches ou locaux industriels
désaffectés;
– des incitations fiscales spécifiques pour les
entreprises qui respectent le principe «une
personne, une voix», le partage des bénéfices
avec les salarié.e.s et la limitation du salaire des
dirigeant.e.s;
– la transformation des chambres consulaires
en chambres de l’économie plurielle intégrant les
Cress actuelles (chambres régionales de l’économie
sociale et solidaire) et autres plateformes ou
regroupements régionaux;
– la création de fonds souverains régionaux dédiés
aux projets d’économie sociale et solidaire sur les
territoires;
Enfin, les écologistes sont attachés à la qua-
lité du service public et à la maîtrise des coûts.
En cela, ils développent une politique visant à:
– créer des pôles de compétence «déchets» au
sein des services régionaux;
– généraliser la vérité des coûts et la redevance
incitative;
– privilégier l’investissement public dans le cadre
des marchés publics, à l’exclusion des partenariats
public/privé;
– privilégier la gestion en régie ou par contrats de
délégation à durée courte;
– accompagner les initiatives citoyennes locales
dans la recherche de solutions de réduction des
flux;
– limiter les flux de déchets en volume et en
distance par une territorialisation des équipements
par bassin de collecte.
VI. Démocratiser l’économie, pour une économie
porteuse de sens social et environnemental
Le capitalisme globalisé a pour conséquence
de concentrer le pouvoir économique dans les
mains de quelques-uns: banquiers, rentiers, mul-
tinationales ou poignée d’actionnaires milliar-
daires. Les inégalités se renforcent, les accords
de libre-échange adossés à des tribunaux d’ar-
bitrage privés se multiplient. Face à cette perte
de pouvoir citoyen, nous devons démocratiser
l’économie. Or, l’économie sociale et solidaire, qui
réunit les associations, les mutuelles, les coopé-
ratives et les fondations, ainsi que de nouvelles
formes d’entrepreneuriat social telles que des
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
38 39
d’utiliser équitablement l’air, l’eau, les sols et la
biodiversité, ces biens communs fondamentaux
nécessaires à la vie. De la même manière, les
biens sociaux fondamentaux, visant à satisfaire
un besoin d’intérêt général, doivent relever de la
compétence de la collectivité publique afin d’être
préservés et utilisés équitablement. Par consé-
quent, des activités comme l’éducation, la santé,
la protection de la nature et de l’environnement,
la culture, les transports, l’énergie ou les télé-
communications doivent demeurer sous maîtrise
d’ouvrage publique et pouvoir déroger à l’exigence
de rentabilité financière. Les services publics sont
une richesse et non un coût pour la collectivité!
Dans cette perspective, plusieurs mesures
sont prioritaires:
– créer un bouclier de services publics essentiels
permettant d’assurer une égalité d’accès aux
services publics sur tout le territoire, sans
discrimination d’aucune sorte, à travers les guichets
de la poste, les centres de santé, les services
d’urgence, les gares, etc.;
– créer des emplois dans les services de la
justice, de la police, de l’éducation, etc. et rompre
avec la logique «du tout-plateforme» et du
traitement numérique, car la présence humaine est
indispensable;
– réexaminer la politique d’externalisation des
missions de service public et renforcer les capacités
de contrôle sur les partenariats public/privé;
– résorber la précarité des emplois;
– créer de nouveaux dispositifs de participation
citoyenne au fonctionnement des services publics.
– une amplification des outils de l’épargne solidaire
(livret d’épargne, carte bleue solidaire, etc.);
– le soutien à la mise en œuvre d’une certification
publique européenne reconnaissant les produits du
commerce équitable;
– le déploiement de systèmes économiques de la
gratuité et du troc;
– le développement des monnaies locales,
notamment en desserrant la contrainte des
autorités monétaires.
VII. Renforcer et rénover les services publics
Face à la dégradation de la qualité des ser-
vices publics, il est impératif que la puissance
publique s’engage à renforcer les moyens des
hôpitaux, de l’éducation (en particulier dans
les quartiers prioritaires), de la recherche, du
logement social, etc. En effet, les compétences
et périmètres d’action des services publics ne
peuvent se limiter aux fonctions régaliennes de
l’État (administration, finances publiques, police,
justice, etc.). Les services publics doivent être de
qualité et accessibles à tous, sans discrimination
aucune, partout sur le territoire.
D’autre part, la qualité des infrastructures
publiques (en particulier du transport ferroviaire),
de la formation des salarié.e.s et des centres
de recherche participe à la définition d’un éco-
système favorable à la compétitivité des entre-
prises (en particulier la compétitivité hors prix).
Les entreprises ont besoin de services publics
performants.
En tant qu’écologistes, nous avons
conscience de la nécessité de préserver et
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
40 41
B. Santé: stop à la grande braderie
d’un bien commun!
Les hôpitaux sont en train de se déshumani-
ser, ne prenant plus en charge des patient.e.s mais
gérant des client.e.s, et sont livrés à des managers
chargés de trouver les économies de 1,5 milliard
d’euros réclamées par le gouvernement. Et, pour
les patient.e.s, on ne parle plus de bien-être, mais
de prise en charge ambulatoire, de télémédecine
ou d’hospitalisation à domicile pour réduire les
coûts et les durées d’hospitalisation. Cette situa-
tion s’accompagne du malaise grandissant des
personnels soignants, qui voient leurs conditions
de travail se dégrader.
D’autre part, la désertification médicale de
territoires entiers, la disparition des hôpitaux de
proximité, la suppression de journées d’hospita-
lisation pour les personnes isolées, sans voiture
et sans revenu décent, créent angoisse et senti-
ment d’abandon en milieu rural, retardent la prise
en charge hospitalière et génèrent des situations
à haut risque.
Les écologistes proposent:
– de mettre en place un plan d’urgence de
revalorisation pour les soignants (salaires,
conditions de travail et effectifs) et de renforcer les
moyens de l’hôpital à la hauteur des besoins de la
population;
– de lancer un moratoire sur les fermetures et les
restructurations d’hôpitaux ou établissements
sanitaires; de garantir un maillage de l’offre de
soins sur tout le territoire et de mettre un terme aux
concentrations dans les grandes agglomérations ou
métropoles;
A. La poste, service public pour tou.te.s
Les évolutions du service public postal impul-
sées par le groupe La Poste sont préoccupantes
et même inacceptables. Il en est ainsi des fer-
metures de bureaux de poste, de la réduction
des horaires d’ouverture, de la suppression de
tournées de facteurs, du transfert d’activités
postales dans des commerces, des pratiques
de management humiliantes, de la réduction du
nombre d’agents. Ces évolutions se traduisent
simultanément par une dégradation importante
du service rendu aux usagers et des conditions
de travail des agents.
Les écologistes proposent:
– un moratoire sur la fermeture des bureaux de
poste;
– que les CDPPT (commissions départementales
de présence postale et territoriale) soient élargies
aux associations d’usagers et aux organisations
syndicales représentatives du personnel et qu’elles
soient consultées sur les évolutions en cours ou sur
les réorganisations de services;
– d’augmenter sensiblement les ressources du
fonds de péréquation en faveur du maintien et de la
rénovation des bureaux de poste;
– de maintenir et de renforcer le maillage des
services publics dans les territoires suburbains et
ruraux, d’agir pour leur réimplantation avec une
gestion démocratique et participative associant
direction, usagers, élu.e.s et représentant.e.s des
personnels tout en les dotant de moyens financiers
et humains suffisants pour assurer l’intégralité de
leurs missions.
Vers une société post-croissance
42 43
2. RÉINVENTER LE TRAVAIL ET LUTTER
CONTRE LE CHÔMAGE
Depuis plus de trente ans, nous subissons le dis-
cours néolibéral sur la nécessité de flexibiliser
le marché du travail. Malgré l’échec de ces poli-
tiques, on persévère dans la même direction. En
inversant la hiérarchie des normes, la loi travail
adoptée en 2016 représente une étape supplé-
mentaire dans l’affaiblissement des protections
des salarié.e.s. Aujourd’hui, la réduction du temps
de travail est devenue un enjeu politique détermi-
nant, car nous savons que l’évolution spontanée
de l’économie ne permettra pas de faire reculer
le chômage à un rythme suffisant pour éviter les
risques d’explosion sociale. D’autre part, l’aug-
mentation de la productivité du capital-travail,
l’automatisation et la numérisation changent
profondément la nature du travail et fragilisent
son cadre juridique, via le développement, par
exemple, de l’auto-entrepreneuriat.
Contre celles et ceux qui préconisent de
«travailler toujours plus», les écologistes sou-
haitent redonner du sens au travail afin de mieux
répondre aux attentes des Français.e.s, ce qui
suppose une rupture avec l’économisme et le pro-
ductivisme actuels.
I. Travailler tou.te.s
Le chômage reste pour nos concitoyen.ne.s
une des préoccupations majeures. Pour des mil-
lions de personnes, la précarité, le chômage et
le sous-emploi sont devenus une réalité diffici-
lement surmontable. Or cette situation est une
– de tourner le dos à la pure logique de rentabilité
et d’engager une véritable concertation et une
réflexion prospective, afin de mettre en adéquation
l’offre de soins et les besoins actuels et futurs de la
population;
– de rééquilibrer les moyens du public par rapport
au privé, des hôpitaux vis-à-vis des cliniques;
– de revoir, voire de supprimer, les numerus
clausus, générateurs d’inégalités d’accès aux
soins, d’injustice, de sélection absurde en
faculté de médecine; en outre, la formation des
étudiant.e.s doit être renforcée en santé publique et
environnementale, prévention, droit des patient.e.s
et soins aux publics vulnérables;
– pour faire face au naufrage de certaines
spécialités, de prendre les mesures nécessaires
pour pallier les déficits dans certaines branches
médicales (psychiatrie et gynécologie, entre
autres), en augmentant le nombre de places pour
ces spécialités et en envisageant des mesures
incitatives comme l’aide à l’installation dans les
territoires sous-dotés.
BIEN VIVRE
44 45
et professionnels entre les hommes et les femmes.
Elle s’inscrit dans notre volonté de bâtir une so-
ciété de plein-emploi et de pleine activité, qui
puisse concilier la vie personnelle, la vie profes-
sionnelle, une citoyenneté active et le plaisir de la
culture, du sport ou des loisirs.
II. Travailler mieux: lutter contre
l’intensification du travail
Ces vingt dernières années, le travail a été
l’objet de discours paradoxaux. D’un côté, on a
continué d’accorder à la «valeur travail» une
place centrale, tant au niveau collectif qu’indivi-
duel, comme vecteur d’épanouissement et d’in-
tégration; de l’autre, le travail n’a cessé d’être
dévalorisé, pressuré. Le nombre de personnes
subissant des expositions fortes à des produits
nocifs dans le cadre de leur emploi est passé de
14 à 17%. Le phénomène marquant de ces der-
nières décennies est l’intensification du travail,
liée à l’augmentation des contraintes de temps
(horaires décalés comprenant le travail de nuit
ou tôt le matin ou le dimanche), à la pression
exercée par la production en flux tendus ou le
lean management, à la pression sur les coûts et
sur les effectifs.
Le pourcentage de salarié.e.s devant res-
pecter des normes ou des délais de production
inférieurs à l’heure est passé de 5 à 25% en une
vingtaine d’années. On a assisté à l’explosion des
troubles musculo-squelettiques (TMS), deve-
nus, avec plus de 40000 cas reconnus par an,
la première cause de maladies professionnelles
indemnisées.
catastrophe pour l’équilibre de notre démocratie
et pour la vitalité de notre société. En effet, le chô-
mage et la précarité gangrènent toute la société.
Ils sont la première cause de l’échec scolaire des
enfants ou de leur décrochage, la première cause
de la délinquance ou des difficultés d’intégration…
Mais, alors que, depuis plus de trente ans, nos
politiques de l’emploi (actives ou passives) ont
échoué, nous continuons à miser sur la relance de
la croissance ou la réduction de la dette.
Dès lors que nous ne croyons plus à un taux
de croissance élevé, comment peut-on vaincre le
chômage de masse, de surcroît avec des entre-
prises ayant fait le choix de délocaliser?
Pour travailler tou.te.s, les écologistes proposent:
– la réorientation de l’investissement vers
la transformation écologique de l’économie,
permettant la création de 600000 emplois sur la
durée de la mandature;
– une relance de la négociation sur la réduction
du temps de travail tout au long de la vie, avec
comme objectif d’encourager les entreprises et les
salarié.e.s à aller vers les 32 heures lissables sur
une année ou plus (avec le compte épargne-temps),
ou de développer la semaine de quatre jours, les
congés sabbatiques, etc.
– la garantie, à nouveau, d’un droit au départ à la
retraite à 60 ans sans décote ni surcote, tout en
repensant le pacte de solidarité intergénérationnel
avec la prise en compte de la pénibilité au travail,
l’égalité femmes/hommes et les parcours de vie.
La réforme du temps de travail est aussi un
moyen de rééquilibrer les temps de vie familiaux
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
46 47
donneuse d’ordre et de l’entreprise sous-traitante;
– d’augmenter le nombre de médecins et
d’inspecteurs du travail;
– d’étendre la liste des maladies professionnelles
et de simplifier les démarches en cas de maladies
professionnelles;
– de rendre la fonction publique exemplaire.
III. Lutter conte l’ubérisation
et le travailleur low cost
Depuis plusieurs années, on constate la forte
progression aux États-Unis et en Europe de l’éco-
nomie du service à la demande autour des plate-
formes Internet qui proposent des services (aide
à domicile, livraison, nettoyage, etc.) sans avoir à
salarier leur main-d’œuvre. En mettant en contact
des demandeurs et des offreurs de services, ces
plateformes permettent de mobiliser le travail
d’autrui à leur profit sans assumer les responsabi-
lités attachées normalement à l’employeur. Cette
«ubérisation» du travail soulève de nombreux
problèmes. En particulier, dans ce système, l’en-
semble des risques (santé, chômage, etc.) est à la
charge du prestataire, qui n’est ni un salarié ni un
entrepreneur, puisqu’il doit, pour pouvoir accéder
à la plateforme, remplir un grand nombre d’obliga-
tions qui l’éloignent du statut d’indépendant.
Les écologistes proposent:
– de favoriser le développement des coopératives
d’activités et d’emploi (CAE), qui regroupent des
entrepreneurs et des micro-entrepreneurs qu’elles
salarient et qui deviennent dès lors sociétaires;
– d’instaurer une vraie protection pour les
Chasse aux effectifs, pressions pour dimi-
nuer la masse salariale en poussant à la démission,
sur-individualisation des rémunérations et de
l’évaluation des performances, multiplication des
contraintes, suppression des temps «improduc-
tifs», organisation du travail en «juste-à-temps»,
prescription de modes opératoires standardisés:
tous ces phénomènes existent dans la plupart des
secteurs de l’économie et des fonctions publiques.
Le travail est donc de moins en moins une source
d’épanouissement mais un facteur d’épuisement
physique et psychique.
Pour travailler mieux, les écologistes proposent:
– d’engager un véritable plan de lutte contre la
dégradation des conditions de travail entraînant
des troubles musculo-squelettiques ou des
dépressions;
– d’établir un plan «antistress» national en
coordonnant les politiques et les services de santé
publique et de santé au travail, et d’intégrer la
problématique du burn-out dans la politique d’aide
aux entreprises en favorisant celles qui améliorent
les conditions de travail, notamment en prévenant
les risques psychosociaux;
– d’étendre les missions des CHSCT (comités
d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail)
à la prévention en santé globale (bien-être au
travail et dans la vie quotidienne) et à la protection
de l’environnement;
– de réduire les risques du travail dans la sous-
traitance en rendant les donneurs d’ordre
coresponsables des accidents du travail et des
maladies professionnelles et en renforçant la
coopération entre les CHSCT de l’entreprise
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
48 49
• individuel: il est versé à chaque personne
du foyer, et son montant ne dépend ni du revenu
global du ménage ni de sa composition;
• permanent: chaque bénéficiaire le perçoit
sans interruption du début jusqu’à la fin de sa vie;
• inaliénable: il ne peut être saisi, le bénéfi-
ciaire ne peut en être dépossédé;
• cumulable: il s’additionne avec toute forme
de salaire issu d’un emploi déjà existant et de
toute autre forme de revenus.
Ce revenu doit être suffisant et représenter
un revenu primaire qui ne se substitue pas aux
dispositifs de protection sociale. Face au rac-
courcissement général des cycles d’emploi, à la
multiplication des dispositifs temporaires, inter-
mittents, d’auto-entrepreneuriat ou plus informels
– comme le travail gratuit –, face à l’augmenta-
tion de la pauvreté en France (depuis plusieurs
années autour de 14%), le revenu inconditionnel
doit constituer une base de revenu garantissant
un niveau de vie suffisant pour accéder aux biens
et aux services essentiels. Par ailleurs, le revenu
de base permet de simplifier notre régime de pres-
tation sociale, extrêmement complexe. Le taux de
non-recours aux prestations sociales, considé-
rablement élevé (plus de 30% pour le RSA), doit
nous alerter. Le revenu d’existence permet de ré-
gler ce problème.
Les écologistes proposent que le revenu
d’existence vienne se substituer aux actuels mi-
nima sociaux existants (si le montant de cette
prestation est supérieur au revenu de base ins-
tauré, le différentiel serait naturellement pré-
servé). Cette simplification, associée à la fin du
contrôle des allocataires, aura également pour
nouveaux statuts: auto-entrepreneurs, vrais/faux
salarié.e.s de type Uber, etc. Aujourd’hui, ce modèle
économique est inopérant, car il ne contribue
pas au financement de la protection sociale. Ces
travailleur.se.s, comme les autres, doivent être
protégés en cas d’accidents du travail, de maladie
ou de licenciement;
– d’assurer la contribution des plateformes aux
charges publiques en France en luttant contre les
montages fiscaux permettant d’échapper à l’impôt;
– de mobiliser le compte personnel d’activité (CPA)
pour instaurer une véritable portabilité des droits;
– de définir les conditions de rupture des relations
avec le prestataire.
IV. Du revenu d’existence
au revenu maximum acceptable
Parce que la place du travail dans nos socié-
tés doit être réinterrogée, parce que la croissance
ne résout ni le chômage de masse ni la précarité,
parce que «toute personne a droit à un niveau de
vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être
et ceux de sa famille, notamment pour l’alimenta-
tion, le logement, les soins médicaux ainsi que pour
les services sociaux nécessaires» (article 25-1 de
la Déclaration universelle des droits de l’homme
de 1948), nous défendons l’instauration d’un re-
venu d’existence consistant à garantir à chaque
citoyen.n.e un revenu de base. Celui-ci est:
• inconditionnel: il est versé sans contre-
partie de travail ni d’engagement à chercher un
emploi;
• universel: chaque membre de la société en
est bénéficiaire;
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
50 51
Vers une société post-croissance
débat aura été engagé avec l’ensemble de la po-
pulation et les corps intermédiaires sur le mon-
tant du revenu d’existence et les modalités de son
financement.
Dans un premier temps, nous retenons le
scénario progressif suivant:
• étendre le RSA aux 18-25 ans (aujourd’hui
exclus du dispositif);
• l’individualiser (aujourd’hui, un couple
touche 1,5 RSA et non pas 2);
• supprimer la conditionnalité (recherche
d’emploi) du RSA et automatiser son versement;
D’autre part, il n’y a pas de changement écolo-
gique possible dans une société minée par l’explo-
sion des inégalités et par des écarts extravagants
de revenus. Ainsi, les 2000 foyers les plus riches
disposent de revenus 50 à 60 fois plus élevés que
la moyenne. Et 5% de la population détient près
du tiers du patrimoine total. Les écologistes mi-
litent pour la réduction de ces écarts.
Dans ce cadre, l’augmentation des minima
sociaux, du Smic et des plus bas salaires, la lutte
contre la précarité et le temps partiel subi visent
à redistribuer du pouvoir d’achat et à récupé-
rer la part de la richesse du capital accumulée
au détriment du travail depuis trente ans. Notre
souci est aussi d’articuler réduction des dépenses
contraintes et augmentation des salaires, afin
d’éviter que les revenus supplémentaires obtenus
par les salarié.e.s n’aillent directement alimenter
les rentes énergétiques et locatives.
Les écologistes proposent:
– la mise en place d’un revenu maximum acceptable
(RMA); la fixation d’un seuil pour les très hauts
effet de diminuer les frais de gestion, pour les re-
mobiliser vers d’autres missions.
Le revenu d’existence présente un autre
avantage. Cumulable avec tout type de revenu, il
supprime «les trappes à inactivité» créées par le
RSA et ses effets de seuil. Aujourd’hui, face à l’in-
certitude que représente le calcul de son montant
de RSA, face au découragement que provoque
l’idée de devoir recommencer toutes les fasti-
dieuses et humiliantes démarches administratives
nécessaires à son obtention, de nombreuses
personnes refusent des contrats courts ou des
contrats à temps partiel.
Le revenu d’existence, cumulable avec tout
type de revenu du travail, met un terme à cette
situation. Loin de «désinciter» au travail, comme
on l’entend beaucoup trop souvent, le revenu
d’existence serait, de fait, beaucoup plus efficace
que l’actuel RSA pour favoriser le retour vers l’em-
ploi des chômeurs.
Le revenu d’existence s’inscrit dans une lo-
gique de dépassement du capitalisme en déclinant
le principe d’un droit d’existence en dehors du sala-
riat et de son lien de subordination. Il repose sur la
distinction entre travail contraint et activité libre,
grâce à des transitions vers des activités choisies,
une formation, une reconversion ou encore une ac-
tivité d’utilité sociale. Pour autant, le revenu d’exis-
tence seul, n’est pas suffisant, il doit s’intégrer à
d’autres dispositifs, comme les monnaies complé-
mentaires, pour jouer pleinement son rôle d’éman-
cipation des individus d’un point de vue financier.
Au regard de tous les bénéfices évoqués,
nous défendons la mise en œuvre progressive
d’une allocation universelle, après qu’un vaste
BIEN VIVRE
52 53
3. LA RÉFORME DE L’ENTREPRISE AUTOUR
DU PROJET DE CRÉATION COLLECTIVE, DE LA
PROMOTION DE L’ENTREPRISE CITOYENNE ET
DE LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
Les entreprises sont au centre du système
productif et des rapports sociaux. Depuis les
années 1980, la gouvernance des grandes entre-
prises a profondément changé, modifiant leur
fonctionnement et les relations entre les petites
et les grandes entreprises, via le développement
des stratégies d’impartition.
De nos jours, règne l’image de l’entreprise
comme projet d’investissement financier pour
des actionnaires, reléguant au second plan le
projet industriel et le progrès collectif. Le poids
des actionnaires dans les choix stratégiques
et managériaux devient prépondérant, et la
«Corporate Governance» s’impose en désignant
l’ensemble des dispositifs susceptibles d’enca-
drer les pouvoirs des dirigeant.e.s (stock-op-
tions, par exemple). L’entreprise n’est plus qu’un
assemblage d’actifs valorisables sur le marché,
et le «court-termisme» de la performance ac-
tionnariale l’emporte sur le développement de
l’entreprise et ses capacités collectives d’inves-
tissement. Face à cette situation, dans quelles
directions engager les réformes de l’entreprise?
Comment passer d’une logique court-termiste
à une vision de long terme? Réformer les rap-
ports de pouvoir dans l’entreprise? Passer d’une
logique actionnariale à une logique de projet de
création collective, où l’entreprise n’est plus orga-
nisée autour de la maximisation du profit mais du
développement des compétences individuelles et
revenus sera fixée à vingt fois le Smic; au-delà,
le taux d’imposition sera d’au moins 80%;
– l’interdiction des parachutes dorés et des
retraites chapeaux;
– la réduction massive du travail précaire par
l’introduction d’une prime salariale majorée pour
toute heure travaillée dans le cadre d’un contrat
inférieur à un mi-temps.
BIEN VIVRE
54 55
– Nous renforcerons les effectifs de l’inspection du
travail afin que les décisions administratives soient
appliquées.
– Nous instaurerons une véritable démocratie
d’entreprise, en redonnant du pouvoir d’agir aux
salarié.e.s. Cela passe par la restauration de la
légitimité syndicale dans les entreprises, quelle
que soit leur taille, et auprès des travailleurs eux-
mêmes. Les représentant.e.s des salarié.e.s, des
associations et des collectivités territoriales doivent
être associé.e.s largement à la décision dans les
conseils d’administration des grandes entreprises,
avec des droits à l’information et à l’expertise
indépendantes.
– Nous réactiverons le droit à l’expression directe
et collective sur les alternatives économiques
portées par les salarié.e.s, le contenu du
travail, les conditions de son exercice et son
organisation.
– Nous renforcerons le pouvoir des institutions
représentatives du personnel et des comités
d’entreprise.
– Nous faciliterons la reprise des entreprises par
leurs salarié.e.s.
Quant à la responsabilité sociale des entre-
prises (RSE) – définie comme la manière dont les
entreprises intègrent, sur une base volontaire,
des préoccupations sociales, environnementales
et éthiques dans leurs activités économiques
comme dans leurs interactions avec toutes les
parties prenantes –, à peine plus d’un quart des
entreprises françaises de plus de neuf salarié.e.s
déclare s’y impliquer réellement. Face à cette si-
tuation, nous devons aider en priorité les petites
collectives, de l’innovation et de la prise en compte
de l’écologie? Quels sont les autres modèles dis-
ponibles et comment aider au développement de
la cogestion ou de la cosurveillance, des Scop et
des coopératives?
Refonder l’entreprise passe par une organi-
sation nouvelle, une autre organisation des pou-
voirs, de nouveaux principes de management:
• Refonder le droit des sociétés et créer de
nouveaux supports juridiques autour de l’entre-
prise comme institution collective et sociale
structurée autour des apports de capitaux, des
salarié.e.s, des cadres, des clients, des fournis-
seurs, des collectivités locales, etc.
• Refonder les critères de gestion en tenant
compte de la gestion des ressources (bilan envi-
ronnemental, audit, comptabilité verte…). Des in-
citations fiscales pourraient être envisagées afin
de favoriser les entreprises «durables». Le code
des marchés publics pourrait privilégier les entre-
prises en fonction de leur gouvernance et/ou des
écarts de salaires internes.
• Refonder le droit des salarié.e.s, en particu-
lier leur présence dans les conseils d’administra-
tion, et favoriser le rachat de leur entreprise par
les salarié.e.s.
À cet égard, la démocratie sociale doit
être renforcée, le rôle des syndicats et des
représentant.e.s du personnel reconnu dans la
grande comme dans la petite entreprise.
Pour ce faire:
– Nous abrogerons la loi travail actuelle et nous
élaborerons une loi fondée sur la protection des
salarié.e.s et leur participation aux décisions.
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
56 57
4. LIBÉRER L’ÉCONOMIE
DE SA FINANCIARISATION
L’économie contemporaine est engagée dans un
vaste mouvement de financiarisation à l’échelle
mondiale, processus engagé dans les années
1980 à travers une triple évolution marquée par
la déréglementation, la désintermédiation ban-
caire et le décloisonnement. Ce mouvement, sou-
tenu et accompagné par les gouvernements de
droite comme de gauche, a engendré une très
forte instabilité du système monétaire et financier
international, ainsi qu’une succession de crises
bancaires, boursières et de change. Avec la forte
augmentation des flux de capitaux à l’échelle
mondiale (40 milliards d’euros de biens et ser-
vices échangés par jour contre plus de 4000 mil-
liards de capitaux), la déconnexion des flux réels
et financiers révèle l’ampleur des transactions pu-
rement spéculatives, qui ont de nouveau atteint
des sommets alors que l’endettement mondial a
progressé entre 2007 et 2014 de 57000 milliards
de dollars. Aucune leçon n’a été tirée de la crise
des subprimes de 2008!
Il est impératif de remettre l’économie sur
ses pieds et de combattre le capitalisme financier.
Appliquer de nouvelles règles et contraintes à la fi-
nance est une priorité urgente. Car, utile quand elle
est au service du financement de l’économie réelle,
elle devient nuisible et prédatrice quand elle met
l’économie réelle à son service. Les écologistes
agissent d’abord dans ce domaine à l’échelle mon-
diale, en particulier par la taxation des transactions
financières. Mais ils n’ignorent pas que notre pays
doit aussi balayer devant sa propre porte.
entreprises à s’engager dans des démarches favo-
rables à la RSE par:
• la création de plateformes territoriales
multi-acteurs pour accompagner les PME-TPE
dans leurs démarches RSE;
• le soutien à la certification et la labellisation
RSE à destination des TPE et des PME;
• la mise en place d’un processus permettant
de passer de la soft law (mesures incitatives) à
la hard law (mesures contraignantes) et d’accom-
pagner les entreprises dans leur progression afin
d’inscrire dans le dur de la loi les progrès réalisés.
BIEN VIVRE
58 59
dérivés. Ces opérateurs de marché virtuels peuvent
exécuter des opérations sur les marchés financiers
en un temps calculé en microsecondes. Or, le THF
présente des risques systémiques importants, car
il suffit d’un petit dysfonctionnement (qui pourrait,
par exemple, empêcher certains ordres d’être
annulés) pour entraîner les prix de marchés dans
des mouvements complètement erratiques.
– De lutter contre les paradis fiscaux par l’adoption
en France de l’équivalent de la loi Fatca (Foreign
Account Tax Compliance Act), votée aux États-
Unis en 2010, qui obligerait toutes les institutions
financières ouvrant un compte à un.e citoyen.ne
français.e ou à une entreprise à capitaux
majoritairement français de le déclarer au fisc.
– De revoir la place de la BCE dans la définition
de la politique monétaire de l’UE et lui fixer des
objectifs autres que la stabilité des prix.
– D’étendre l’épargne solidaire: les dispositions
permettant de diriger une fraction de l’épargne
salariale vers l’épargne solidaire seront généralisées
à tous les types de supports de placement collectifs.
Aujourd’hui les banques dictent leur loi aux
politiques. Elles réussissent à bloquer les pro-
jets de réorganisation de leurs activités ou de
leur contrôle: toute évolution passe donc d’abord
par une réelle volonté politique. Indifférentes aux
impacts des projets qu’elles financent, elles ont
comme seul objectif de garantir le maximum de
retour sur investissement.
Nos priorités sont:
– D’orienter le financement bancaire vers des
projets soutenables. Pour ce faire, une politique
sélective du crédit doit être mise en place avec
des taux d’intérêt plus bas pour les projets
écologiques et un encadrement quantitatif pour
les autres crédits. Cela passe par une forte remise
en cause des critères imposés par la Banque
centrale européenne (BCE) et les agences de
notation. L’intégration de critères sociaux et
environnementaux à côté des critères financiers
dans l’analyse de la solvabilité des entreprises
avance trop lentement.
– De séparer les activités de crédit des activités
sur les marchés financiers.Ces dernières doivent
être plus réglementées pour stopper la fuite en
avant actuelle, à base de produits de plus en
plus sophistiqués et d’algorithmes visant à la
maximisation des profits.
– De plafonner la rémunération des traders.
– D’interdire l’ensemble des opérations de «trading
à haute fréquence» (THF), qui permettent
l’exécution à grande vitesse de transactions
financières générées par des algorithmes
informatiques. Les produits traités peuvent être des
actions, mais aussi des obligations ou des produits
Vers une société post-croissance
60 61
35 milliards d’euros de prélèvements. Quant à la
fiscalité écologiste, aucune réforme d’envergure
n’a été engagée.
I. Les propositions fiscales des écologistes
La fiscalité est donc, pour les écologistes, un
outil de transformation écologique de notre mode
de production et de consommation, un outil de
solidarité et de redistribution équitable des reve-
nus et le moyen de garantir le meilleur niveau de
service public.
Les écologistes proposent:
– la suppression du CICE, qui n’a rien apporté en
termes d’emploi;
– un impôt sur le revenu rénové, basé sur le
principe que tout revenu est imposable et que tout
impôt doit être progressif, et sur l’individualisation
de l’impôt (l’État devant rester neutre face aux
modes de vie choisis par ses concitoyen.ne.s);
– la fusion de la contribution sociale généralisée et
de l’impôt sur le revenu;
– le renforcement de l’ISF;
– la suppression du quotient conjugal, allant de
pair avec la suppression du quotient familial,
qui bénéficie en majorité aux plus aisés; il sera
remplacé, à coût constant pour les finances
publiques, par une allocation forfaitaire et
individuelle, attribuée dès le premier enfant; sa
mise en place sera progressive, sans favoriser ni
pénaliser les familles plus nombreuses;
– la restauration de l’universalité des allocations
familiales, en faisant bénéficier des mêmes montants
les foyers avec un enfant ou deux enfants;
5. DONNER DU SENS
À NOTRE POLITIQUE ÉCONOMIQUE
AU SERVICE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
ET DE LA PROTECTION DES CITOYEN.NE.S
La politique économique de la France doit
être au service de la transition écologique et se
défaire de tout dogmatisme.
La grande réforme fiscale n’a pas eu lieu, et
le gouvernement a gaspillé ses marges de ma-
nœuvre. Entre 2012 et 2013, la hausse des recettes
fiscales de 13 milliards d’euros s’est accompagnée
de la fin des exonérations sur les heures supplé-
mentaires, de l’abrogation de la TVA sociale et de
la surtaxe sur l’ISF (impôt sur la fortune), puis,
dans la loi de finances pour 2013, de la création
d’une tranche d’impôt à 45% et de la baisse du
quotient familial. Le gel du barème de l’impôt sur
le revenu (IR) est maintenu, ce qui touche tous les
contribuables. Ajoutons à cela l’instauration du
CICE, financé par une hausse de la TVA. En 2014,
le gouvernement revient sur le gel du barème de
l’IR, l’indexation étant accompagnée d’une décote
pour les contribuables les plus modestes. Par ail-
leurs, la baisse du quotient familial se poursuit et
la réduction d’impôts pour frais de scolarité est
supprimée, etc.
Avec le CICE, le gouvernement s’engage à
réduire sur trois ans les prélèvements sur les en-
treprises de 41 milliards d’euros, et à des baisses
d’impôt sur les ménages bénéficiant à plus de
8 millions de contribuables. Sur la durée du
quinquennat, les entreprises auront bénéficié de
20,6 milliards d’euros d’allégements, tandis que
les ménages auront connu une augmentation de
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
62 63
Cependant, la fiscalité écologique peut susciter de
nombreuses résistances et conduire à des reculs
dommageables, d’où la nécessité de négocier au
préalable un planning de mise en place permettant
aux différents acteurs concernés d’amorcer leur
changement productif et/ou de consommation, de
mettre en place des solutions de remplacement
(infrastructures, approvisionnement, etc.) et de
compenser la mise en place d’une fiscalité écolo-
gique par la baisse d’autres impôts.
Enfin, nous savons que le problème le plus
difficile auquel se heurte une véritable fiscalité
écologique est l’évaluation financière de ce que
l’on appelle les externalités (que celles-ci soient
négatives ou positives). Comment, par exemple,
évaluer les services rendus par la nature?
Les écologistes proposent:
– d’instaurer une fiscalité et des mécanismes
financiers favorables à la biodiversité en
expérimentant la bio-conditionnalité des
aides publiques ou en intégrant des critères
environnementaux dans le calcul d’une partie de la
dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les
collectivités disposant d’espaces naturels;
– de taxer le diesel au même taux que l’essence,
car il est temps de mettre fin à cet avantage pour
des raisons de santé publique: les particules fines
émises par les moteurs diesel seraient responsables
du décès prématuré de 42000 personnes par an;
– de mettre fin aux avantages fiscaux du transport
aérien, l’avion étant le moyen de transport le plus
polluant (la défiscalisation du kérosène coûte
1,3 milliard d’euros par an à l’État rien que sur les
vols intérieurs);
– des cotisations sociales calculées sur d’autres
assiettes que le travail: les machines, les logiciels,
les écrans, les pollutions, etc.;
– la suppression de toutes les niches fiscales
injustes socialement, coûteuses et inutiles (les
niches fiscales représentent un manque à gagner
annuel de 100 milliards d’euros pour l’État);
– la lutte contre l’évasion et la fraude: les paradis
fiscaux représentent chaque année un manque à
gagner compris entre 60 et 80 milliards d’euros;
– des impôts locaux respectant l’égalité territoriale:
renforcement des systèmes de péréquation entre
territoires et révision des bases locatives de 1970
servant au calcul des impôts locaux.
II. Pour une fiscalité écologique ambitieuse
En 2014, les taxes environnementales repré-
sentaient 44 milliards d’euros en France, soit 2,1%
du PIB et 4,5% de l’ensemble des prélèvements
obligatoires (contre 2,5% du PIB en moyenne
dans l’UE). La fiscalité verte française est assise
aux trois-quarts sur la consommation d’éner-
gie, comme dans la plupart des pays européens.
Mais, alors que de nombreux pays européens ont
relancé leur fiscalité environnementale, la France
reste en retard.
C’est pourquoi la fiscalité écologique doit
être conçue dans le cadre d’une réforme fiscale
plus large, dans un sens incitatif, redistributif
et de lutte contre les inégalités. Elle doit deve-
nir un puissant levier de modification des com-
portements individuels et collectifs grâce à de
multiples outils comme les taxes, le marché des
droits à polluer, les dispositifs de tarification, etc.
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
64 65
la conversion écologique de l’économie et d’évi-
ter les effets récessifs des politiques austéri-
taires – comme celles imposées aux Grecs et aux
Portugais –, qui creusent finalement un peu plus
la dette publique.
La question de la dette doit donc être inscrite
dans une évaluation plus globale du patrimoine
commun, de la richesse véritablement produite
dans la société et de sa répartition présente et à
venir. Les cadeaux fiscaux octroyés depuis vingt
ans par les gouvernements tant de droite que de
gauche sont si élevés (CICE, niches Copé, éner-
gies fossiles subventionnées, crédit impôt-re-
cherche…) qu’il nous paraît possible de mener une
politique de restriction de la dette sans politique
austéritaire.
Pour cela, les écologistes proposent:
– un audit de la dette publique française et de
toutes les niches fiscales pour évaluer la part qui
relève des manques à gagner liés aux cadeaux
fiscaux faits aux plus riches et des dépenses
inutiles dans lesquelles il sera possible et juste de
tailler;
– que cet audit soit également mené au niveau
européen, en visant une mutualisation des dettes
et des taux d’intérêt afin d’assurer la solidarité et la
solidité de la zone euro.
Conclusion: politique de l’offre
ou politique de la demande?
La primauté donnée durant le quinquennat
de François Hollande à la production au détri-
ment de la répartition a cristallisé le débat poli-
– de supprimer toutes les autres niches
énergétiques anti-écologiques (agrocarburants,
gazole non routier dans l’agriculture ou le
BTP, etc.);
– de soutenir les éco-organismes qui sont chargés
de la collecte et du recyclage des déchets;
– d’approfondir la fiscalité carbone via la
contribution «climat énergie», la question centrale
étant le prix de la tonne de CO2 (22 euros en 2016).
Pour les écologistes, ce prix est insuffisant et doit
être rapidement augmenté pour atteindre 100 euros
la tonne d’ici à 2030;
– de rétablir la taxe poids lourds – ou «pollutaxe» –
et de laisser aux régions le droit d’aménager
celle-ci.
III. Dette et déficit:
réhabiliter la dépense publique
On entend souvent dire que la dépense pu-
blique est improductive ou qu’il faut la réduire.
Mais de quoi parle-t-on précisément? La dépense
publique représente certes environ 57% du PIB en
2015, chiffre relativement stable depuis 2012, mais
ce sont les prestations sociales qui forment une
grande part de cette dépense: le financement de
la retraite, les allocations familiales, le coût du chô-
mage, les remboursements de médicaments, etc.
Doit-on considérer ces dépenses comme inutiles
alors qu’elles sont sources de justice et d’effica-
cité? Ne jouent-elles pas un rôle dans la cohésion
sociale et la réduction des inégalités?
C’est pourquoi nous considérons que la dette
publique n’est pas un mal en soi. Elle permet de
financer les investissements publics, de soutenir
Vers une société post-croissance
BIEN VIVRE
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tico-économique de ces dernières années sur les
mérites comparés des politiques de l’offre et de la
demande. D’un côté, les partisans de la compéti-
tivité-prix des entreprises (réduction du coût du
travail); de l’autre, les partisans du soutien de la
demande des ménages.
Cette opposition n’est guère pertinente, non
seulement parce qu’elle fait fi du rythme propre
de l’économie (à court terme, les politiques de la
demande ont un fort impact immédiat, mais celui-
ci décroît et réclame donc d’être soutenu dans le
temps), mais aussi parce qu’il faut à la fois sou-
tenir et accompagner l’investissement des entre-
prises vers la transition écologique de l’économie
et relancer la demande.
Selon les économistes de l’Observatoire
français des conjonctures économiques (OFCE),
trois conditions étaient nécessaires pour que le
«choc d’offre» que devait provoquer le CICE ait
un effet positif sur la croissance et l’emploi: que
les entreprises françaises fassent le choix de
répercuter les baisses de cotisations et d’impôts
dans leurs prix (au lieu de gagner en marges), que
la politique de nos partenaires ne soit pas iden-
tique à la nôtre et que la croissance en Europe
soit suffisante pour compenser sur les marchés
extérieurs la baisse de consommation interne liée
à la contraction de la demande. Or ces conditions
n’ont pas été remplies. Pour être efficace, la poli-
tique de l’offre a besoin de mesures en faveur de
la demande, de moins d’allégements de charges
en faveur des entreprises et de moins de coupes
dans les dépenses.
6. UN NOUVEL ART DE VIVRE
AU TEMPS DE L’ANTHROPOCÈNE
«La machine infernale d’une croissance
économique aveuglément quantitative, sans souci
des incidences humaines et écologiques,
et placée sous l’égide exclusive de l’économie
de profit et du néolibéralisme, doit laisser place
à un nouveau type de développement qualitatif,
réhabilitant la singularité et la complexité
des objets du désir humain.»
Félix Guattari
Se diriger vers une société post-croissance ne
saurait se limiter à favoriser la transition éco-
logique de l’économie. Il faut aussi changer de
logique sociale et de système de valeurs, qui en-
ferment les gens dans le consumérisme, le «tou-
jours plus», les effets délétères de la compétition
et la recherche de la puissance.
Nous souhaitons sortir du modèle de déve-
loppement tourné vers le profit, l’accumulation
illimitée et la multiplication des besoins matériels
inutiles, et donc nous tourner vers d’autres mo-
dalités du vivre-ensemble, vers un nouvel art de
vivre. «Il nous faut faire, déclare Patrick Viveret,
de la question de l’art de vivre et de la sagesse
un enjeu politique et pas seulement individuel.»
Sagesse fondée sur l’attention à autrui et à soi-
même, sur la sobriété volontaire, sur la simpli-
cité et la fragilité, sur le refus de la violence et
du pouvoir. Nous voulons en finir avec cette foi
quasi religieuse dans le progrès; nous voulons en
finir avec la manipulation du vivant; nous devons
réapprendre la nature, élargir les espaces de la
BIEN VIVRE
gratuité, réinvestir le temps long et redécouvrir les
vertus de la lenteur. La période que nous traver-
sons peut être aussi, comme toutes les périodes
de transition, l’occasion d’un saut qualitatif qui
nous permette de sortir de l’économisme et de
réinventer une société bienveillante.
De nombreuses expériences à travers le
monde cherchent à décliner ce nouvel art de vivre:
réseau des villes lentes ou des villes en transition,
slow food, slow science, slow management… Nos
politiques publiques doivent renforcer, mutuali-
ser, soutenir ces initiatives qui sont des «petites
pierres» vers une société de confiance.
DEUXIÈME PARTIE
UN NOUVEAU RAPPORT À LA NATURE,
À L’ANIMAL ET AU VIVANT
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1. PROTÉGER ET RESTAURER
LA NATURE ET LA BIODIVERSITÉ
«En économie, la bonne santé de la planète ou la place de
la nature ont toujours été considérées comme négligeables.
La nature non exploitée recèle une valeur nulle. On
reconnaît dans cette position anthropocentrique, centrée
sur l’être humain, le pendant économique de la conception
cartésienne du dualisme entre les humains et la nature.»
Michel Sourrouille
Alors que la perte de nature et les dégâts causés
aux écosystèmes sont pour la plupart irréver-
sibles, nous vivons la sixième grande crise d’ex-
tinction des espèces. Les populations de vertébrés
ont chuté de 58% entre 1970 et 2012. Les causes
de cette évolution sont connues: la dégradation
des habitats, sous l’effet conjugué de l’agriculture,
de l’exploitation forestière et de l’urbanisation, la
surexploitation des espèces (chasse, pêche, bra-
connage) et la pollution.
La nature rend pourtant gratuitement un
nombre considérable de services: pollinisation,
épuration, paysages, protection contre de nom-
breux risques, etc. 40% de l’économie mondiale
repose sur ces services et 60% d’entre eux sont
en déclin. La France possède un capital naturel
exceptionnel, notamment en outre-mer. Or, elle
est au huitième rang des pays abritant le plus
grand nombre d’espèces mondialement mena-
cées. Il y a donc urgence.
Nous sommes une espèce parmi d’autres.
Notre existence, l’air que nous respirons, ce que
nous mangeons, l’eau que nous buvons et notre
santé dépendent de la richesse et de la santé
des écosystèmes dans lesquels nous évoluons.
Sur le plan de la lutte pour la protection de l’envi-
ronnement, les années 2012-2017 n’ont pas été
à la hauteur des enjeux, malgré plusieurs confé-
rences environnementales et plusieurs lois sur le
sujet. Les constats sont accablants: on déplore
48000 morts prématurées chaque année du fait
de la pollution de l’air; seulement 43% des eaux de
surface peuvent être qualifiées de bonnes et 32%
des eaux souterraines sont dans un état médiocre
(chiffres de 2013), du fait principalement de l’acti-
vité agricole. La proportion de déchets recyclés
reste encore très faible et la part du transport fer-
roviaire de marchandises (12% en 2014) n’a cessé
de baisser depuis le début du siècle…
Au regard des enjeux climatiques et envi-
ronnementaux, les objectifs inscrits dans la loi de
transition énergétique sont insuffisants; la France
peine à imaginer un projet global et des politiques
d’amélioration structurelles.
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Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
stockage du carbone et leur rôle majeur dans la
lutte contre le changement climatique;
– de dégager un budget dédié au service de
protection-restauration de la nature;
– de mettre en place le service de protection et de
restauration de la biodiversité, en mobilisant et en
coordonnant l’activité des offices et des agences
nationales;
– de rendre opposables les schémas
d’aménagement et de protection de la nature.
Notre sort est lié à celui de toutes les espèces
vivantes.
C’est pourquoi préserver l’environnement, la
qualité de l’air, de l’eau et des sols et la biodiversité
devrait être notre priorité. Il est vital de redéfinir
nos priorités. L’économie et la croissance ne sont
pas des valeurs auxquelles il est légitime de tout
sacrifier, d’autant qu’il est possible de créer des
emplois sans contribuer à la destruction irréver-
sible des milieux naturels et à la pollution de notre
environnement. À l’opposé d’une vision purement
utilitariste de la nature, en France comme ailleurs,
l’humain doit redéfinir sa place dans l’équilibre du
monde vivant.
Les écologistes proposent:
– d’inscrire dans nos lois fondamentales
(Constitution, traités européens) une règle de
protection des communs environnementaux (air,
eau, sols, biodiversité, climat…) pour en finir
avec les pratiques actuelles de capitalisation des
bénéfices économiques, basées sur l’exploitation
de la nature et la socialisation des coûts des
dommages qui lui sont causés;
– d’intégrer la protection et la restauration de la
nature et de la biodiversité en amont de toutes
les politiques publiques, afin de permettre une
gestion transversale via l’internalisation des coûts,
la fiscalité écologique, l’éco-conditionnalité des
aides, l’évaluation écologique de l’économie, le
contrôle sérieux des usages et la juste réparation
des dommages;
– d’adopter, au niveau national et régional, des
objectifs de préservation et de restauration des
sols, afin de garantir leur capacité globale de
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– De créer une brigade nationale pour la
protection animale. Son rôle sera d’enquêter et de
sanctionner toute infraction quels que soient le
lieu et les conditions dans lesquelles des animaux
(domestiques, d’élevage ou sauvages) sont
détenus, transportés et/ou utilisés.
– De créer un comité d’éthique national sur la
condition animale. Sa mission sera d’établir et
de publier le bilan annuel des infractions au
bien-être animal (alertes, plaintes et sanctions
effectives).
– De créer une agence nationale des méthodes
alternatives. Sa vocation sera d’accompagner la
transition de la recherche expérimentale vers des
procédures n’utilisant pas d’animaux.
– De constituer un code animal. Son objectif sera
de regrouper dans un même corpus juridique
l’ensemble de la réglementation applicable
aux animaux (dispositions pénales, civiles,
sociales, etc.) et d’encadrer les conditions dans
lesquelles les animaux pourront être utilisés dans
les activités économiques.
– De renforcer la lutte contre les abandons des
animaux de compagnie en améliorant les contrôles
de l’identification de ces animaux et en développant
des incitations à la stérilisation des chiens et des
chats, avant d’appliquer, dans un délai de 3 à 5 ans,
une taxe aux détenteurs d’animaux non stérilisés
(dont le produit alimentera un fonds d’aide à la
stérilisation et aux refuges).
– D’interdire les spectacles avec des animaux
sauvages, y compris les combats impliquant des
animaux (corridas, combats de coq…) et toute
détention ne respectant pas leur condition de vie
naturelle (mammifères marins, notamment).
2. RESPECTER L’ANIMAL
Les animaux restent soumis à la législation sur
les biens, et les quelques outils législatifs cen-
sés améliorer leur «bien-être» sont insuffisam-
ment mobilisés par la puissance publique. Il est
nécessaire de transformer le rapport humain/ani-
mal en une coopération respectueuse de chacun,
et non plus une exploitation productiviste. Les
conditions d’élevage ou de détention des animaux
doivent respecter leurs besoins élémentaires en
termes d’espaces, d’alimentation, d’habitat, de vie
sociale et de santé, et leur garantir une absence
de souffrance et de stress.
L’urgence climatique et environnementale
impose d’engager le pays dans la transition ali-
mentaire vers une consommation majoritaire-
ment végétale, durable, saine, respectueuse de
l’environnement, des animaux et des humains. Si
le végétarisme relève d’une décision personnelle,
permettre une consommation non quotidienne
de produits animaux doit être un choix de so-
ciété. Cela passe par le développement de l’offre
végétarienne, notamment auprès des enfants.
L’expérimentation animale doit être pro-
gressivement remplacée par des méthodes de
recherche non animales, dans l’intérêt de la santé
humaine et animale. Celles-ci doivent être pro-
mues et subventionnées.
Les écologistes proposent:
– De créer un secrétariat d’État à la condition
animale. Son rôle sera de mettre en place une
politique intersectorielle afin de faire disparaître les
pratiques violentes et cruelles à l’égard des animaux.
Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
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– De faire évoluer notre rapport à la faune sauvage
afin de mettre un terme aux usages fondés sur
la violence. Cela passe par un encadrement
strict de la chasse et l’abolition des pratiques les
plus cruelles (déterrage, piégeage), ainsi que le
développement d’espaces apaisés permettant
de tester de nouveaux rapports avec la faune
sauvage.
– D’instaurer le dimanche sans chasse.
– De faire respecter les directives européennes sur
la biodiversité et de faire cesser tout acte de chasse
sur les animaux protégés.
– D’étendre le statut juridique de l’animal à la faune
sauvage.
Le trafic d’animaux sauvages est le troisième
trafic le plus lucratif au monde. Il est dévasta-
teur pour les espèces et source de grandes souf-
frances pour les animaux. Il s’appuie souvent sur
l’ignorance des personnes et la cupidité des trafi-
quants. Il est indispensable de renforcer l’informa-
tion des citoyen.ne.s et de se donner les moyens,
notamment législatifs, de supprimer les trafics.
Afin de rendre effective la règle des «3R»
(réduire, raffiner, remplacer) en matière d’expéri-
mentation animale, il est indispensable de créer
des structures d’évaluation impartiales et trans-
parentes, de produire une information régulière,
d’encadrer et de contrôler aussi bien les éleveurs
que les projets de recherches, et de développer
les méthodes de substitution.
– De soutenir des dispensaires pour animaux dans
un but d’intérêt social et sanitaire: leurs missions
seraient de fournir des soins aux animaux ou
d’effectuer des stérilisations, à un coût indexé sur
les revenus des propriétaires.
– D’éduquer dès l’enfance au respect des animaux
dans les écoles primaires, puis de poursuivre à
tous les niveaux scolaires et de ne pas confier
d’interventions en milieu scolaire aux associations
de chasse.
– D’engager le pays dans la transition alimentaire
vers une alimentation durable, respectueuse
de l’environnement, de l’humain et de l’animal.
Cela passe par une incitation à réduire la
consommation de produits d’origine animale
au profit des produits d’origine végétale, via
l’information, la formation et la pédagogie.
– D’améliorer l’information auprès des
consommateur.trice.s sur l’origine de la production
de leur alimentation, en termes d’impact
environnemental et de bien-être animal, via la mise
en place d’un étiquetage approprié;
– De promouvoir et de subventionner la transition
de l’élevage industriel vers celui en plein air.
– De créer un groupe de travail sur l’ensemble
du secteur de la viande pour étudier l’aspect
économique de cette filière (rentabilité, coût social,
environnemental, subventions, etc.).
– De mettre en œuvre les 65 mesures préconisées
par la commission d’enquête sur les conditions
d’abattage des animaux de boucherie dans les
abattoirs français.
– De créer une commission d’enquête sur les
conditions d’élevage et d’abattage des volailles et
des lapins.
Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
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faibles). Un État en retrait dans la planification:
pas de jugement sur l’opportunité des actions, sur
leur faisabilité et leur équité financière, retrait du
champ technique, cantonnement à un formalisme
juridique tatillon, etc.
On doit s’interroger en outre sur le système
des agences de l’eau, sur leur efficience tech-
nique et financière comme sur leur pertinence
administrative et politique. Il apparaît clairement
que les budgets dépensés n’ont pas les résultats
escomptés – ce qui est d’autant plus inquiétant
que le prix de l’eau est élevé – et que le processus
de décision est opaque et insatisfaisant.
Face à cette situation, les écologistes défendent une
nouvelle loi sur l’eau et les milieux aquatiques afin:
– d’annuler les dispositions contraires à la
protection-restauration introduites par la droite en
2006 dans la loi sur l’eau et les milieux aquatiques
(Lema) et non corrigées par la gauche sous la
présidence de François Hollande;
– d’asseoir le financement de la politique de l’eau
sur des bases saines: réviser les règles d’attribution
des aides, les conditionner au respect de la nature,
à l’action préventive et à l’équité sociale, les rendre
sélectives et publiques, les contrôler; établir les
redevances sur les usages en fonction de leur
désutilité pour l’environnement; rééquilibrer les
contributions des ménages, des industriels et
des agriculteurs; fixer des taux planchers (et non
plafonds) et renforcer la taxation des pollutions
agricoles;
– de modifier la gouvernance des agences, de
mettre fin aux conflits d’intérêts chez les membres
des instances, de démocratiser leur administration
3. UNE EAU DE QUALITÉ POUR TOU.TE.S
Dans les six grands bassins hydrographiques de
France métropolitaine, le bilan de l’état des eaux,
superficielles et souterraines, en 2013 n’est pas
bon. Il est peu différent de celui établir dix ans plus
tôt, malgré une diminution des pollutions domes-
tiques et industrielles en général et une certaine
résorption des masses d’eau les plus dégradées
sur certains bassins. Et ce ne sont pas les sché-
mas directeurs d’aménagement et de gestion des
eaux (SDAGE) pour 2016-2021 qui relèveront le
défi, car ces schémas, qui fixent les orientations
et les mesures à prendre sur chaque bassin, n’ont
été qu’un toilettage et une actualisation des pré-
cédents, sans réel engagement de s’attaquer aux
causes.
Le bon état des eaux ne sera pas atteint car
on ne s’attaque pas aux causes: la pression crois-
sante des pollutions diffuses (azote, pesticides et
eaux pluviales), l’excès des prélèvements (irriga-
tion) et l’artificialisation des lits mineurs et des
zones humides. Ces trois facteurs handicapent
lourdement la résilience des milieux aquatiques
face à l’adversité, notamment climatique.
Le tout dans un contexte de retrait de l’État,
au nom de la décentralisation et du renvoi sur les
collectivités locales, techniquement dépassées
ou culturellement inféodées aux lobbys. Un État
déficient en matière de connaissance des usages
et d’évaluation des impacts et des mesures adop-
tées. Un État absent en matière de police admi-
nistrative (soutien et autorisation de projets
néfastes pour l’eau – voir Sivens ou Notre-Dame-
des-Landes) et judiciaire (sanctions nulles ou
Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
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4. UNE FORÊT MIEUX PROTÉGÉE
ET GÉRÉE DURABLEMENT
La forêt française recouvre 30% du terri-
toire. Elle constitue le tiers des espaces classés
Natura 2000 et une grosse partie du stock na-
tional de biomasse. Elle joue un rôle écologique
essentiel de stockage de carbone, de protection
des sols, d’écrêtage des crues, de retenue des
avalanches, de filtration de l’air et des eaux. C’est
par ailleurs un poumon social irremplaçable avec
440000 emplois dans la filière.
La forêt fait l’objet de convoitises des indus-
triels, en particulier pour l’utilisation énergétique.
Pourtant, c’est le parent pauvre des politiques
agricoles, et les orientations gouvernementales
menacent directement son équilibre à moyen et à
long terme (surexploitation, artificialisation, enré-
sinement, arbres OGM).
Aussi, les écologistes proposent:
– D’augmenter la capacité de stockage de carbone
des peuplements et surtout des sols (maintien
dans chaque forêt d’au moins 25% de la production
biologique annuelle), afin de lutter contre le
changement climatique.
– De maintenir et de renforcer les équilibres
écologiques, la diversité, les sols et les paysages
forestiers.
– De produire du bois de qualité permettant de
mieux valoriser financièrement les produits pour le
propriétaire, de créer plus d’emplois et d’augmenter
la diversité et la richesse biologiques de la forêt.
– De renforcer l’ingénierie forestière française
(changement climatique, biodiversité et
et leur direction, de diminuer le collège État et de
créer un collège experts et personnels (ceux-ci
étant les experts de leur établissement et de leurs
métiers) ainsi qu’un collège des protecteurs et
consommateurs différent de celui des autres
usagers (agriculteurs et industriels) et d’assurer la
juste représentation de tous les collèges dans les
commissions et groupes de travail;
– d’évaluer les mesures prises au double niveau
écologique et économique, en parallèle de
l’évaluation des usages et des milieux/espèces
confiée à l’Onema (Office national de l’eau et des
milieux aquatiques).
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5. DONNER DES PERSPECTIVES
AUX TERRITOIRES RURAUX: POUR UNE
AGRICULTURE ÉCOLOGIQUE ET PAYSANNE
Le modèle de développement agricole actuel est
totalement dépassé, inadapté et inefficace à tous
points de vue: environnemental, économique et
social. L’agriculture n’est pas un secteur d’acti-
vité comme les autres. La vision néolibérale qui
s’est imposée condamne une grande majorité de
paysan.ne.s de tous les pays à une guerre écono-
mique sans fin qui profite avant tout aux géants
de l’agrochimie et de l’agroalimentaire. En outre,
ce modèle est coûteux pour les contribuables en
termes d’aides publiques, par ses coûts de répara-
tion sanitaires et environnementaux et par ses des-
tructions d’emplois. Face à ce constat, notre projet
s’organise autour de quatre axes et de trois leviers.
I. Nos quatre axes
A. Placer l’alimentation
au cœur des politiques publiques
Les politiques agricoles des dernières décen-
nies ont progressivement abandonné la question
de l’alimentation à l’industrie agroalimentaire. Le
temps est venu de se réapproprier cette question
et de poser les fondements d’une politique ali-
mentaire ambitieuse, car notre santé est (aussi)
dans notre assiette. Pour cela, il faut:
• limiter les surplus de production alimen-
taire et en finir avec le gaspillage;
• développer une offre alimentaire au plus
près des bassins de vie grâce à une relocalisation
des productions;
durabilité des peuplements, aide aux pays en
développement).
– La fiscalité forestière doit encourager le maintien
des peuplements (fiscalité des transmissions),
la durabilité de la gestion (fiscalité sylvicole) et
leur capacité à répondre aux objectifs ci-dessus
(taxe carbone, documents de gestion, TVA sur les
produits bois, etc.).
– Les aides publiques à la forêt doivent financer
directement les apports environnementaux et
sociaux de la forêt (stockage de CO2, eau, air,
stabilisation des sols, qualité de la sylviculture et de
la biodiversité forestière, etc.).
– L’Office national des forêts (ONF), gestionnaire
des forêts publiques, doit être recentré sur ses
missions de base, dont celles de protection et de
restauration de la nature, financées directement
par l’État, rompant avec sa dérive commerciale
(les produits du domaine et les ventes de bois ne
doivent plus faire partie des ressources de l’ONF).
– Les stratégies industrielles de la filière doivent
viser la valorisation maximale des produits
nationaux actuels, afin de limiter le déficit de la
balance commerciale.
– Le bois énergie, au centre des objectifs
gouvernementaux et industriels, doit faire l’objet
d’un suivi statistique et scientifique indépendant
(bilan carbone forêt par forêt, réalité des bassins
d’approvisionnement, traçabilité des bois).
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D. Accompagner la transition écologique
dans les territoires ruraux
Les conditions d’existence se sont dégra-
dées dans beaucoup de zones rurales. Un senti-
ment d’abandon se développe, qui s’exprime de
plus en plus par des votes d’extrême droite. Une
défiance s’est installée entre l’État et le monde
rural. Les politiques publiques apparaissent cloi-
sonnées, illisibles, dispersées et pensées surtout
pour les grandes villes et les métropoles. Engager
la transition écologique et l’accompagner, c’est
permettre aux territoires ruraux de valoriser leurs
ressources locales, d’apparaître comme des lieux
où il est possible de concrétiser des projets pro-
fessionnels et de vivre mieux. Mais, pour cela,
plusieurs préalables sont indispensables:
• redéfinir le rôle de l’État, qui doit porter
une vision globale de l’aménagement du territoire
et être le garant de la cohésion sociale, donc du
maintien des services publics;
• garantir l’égalité d’accès aux transports et
aux services publics et de santé;
• instaurer les aides à la structuration des
circuits courts dans chaque bassin de vie;
• soutenir l’innovation sociale et sociétale en
matière de coopération, de transport et de créa-
tion d’activités économiques;
• inciter à l’installation de médecins;
• développer des structures de télétravail
pour éviter une fuite vers les villes;
• mettre en place un schéma de dévelop-
pement urbain et rural pour développer les
complémentarités.
• défendre l’étiquetage dit des cinq couleurs,
qui met en garde les consommateur.trice.s sur les
dangers d’une alimentation déséquilibrée.
B. Conforter et créer des emplois en agriculture,
et encourager les initiatives
Le nombre d’actifs du secteur agricole est
passé de 957000 en 2000 à 716000 en 2015.
Mais, pour les écologistes, la diminution du
nombre d’agriculteurs est loin d’être une fatalité:
• Pour enrayer le phénomène d’agrandisse-
ment des exploitations et celui des fermes-usines,
il est primordial de remplacer les agriculteurs qui
partent à la retraite.
• Assurer une activité pérenne, économique-
ment viable et humainement vivable est la condi-
tion pour susciter de nouvelles vocations.
• Les cadres de l’installation ont largement
été pensés par et pour les personnes issues du
monde agricole: ils s’avèrent inadaptés pour
celles et ceux qui désirent s’installer sur de plus
petites structures, plus légères en capitaux, et de
manière progressive, commercialiser en circuits
courts et créer des activités nouvelles grâce au
numérique.
• Il est temps de se doter de cadres institu-
tionnels et réglementaires favorables à une poli-
tique offensive d’activités en milieu rural.
C. Préserver la biodiversité, les sols et lutter contre
le dérèglement climatique grâce à des modèles plus
économes et intelligents basés sur l’agroécologie
La transition vers des systèmes en agroé-
cologie doit devenir une réalité dans toutes les
fermes.
Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
BIEN VIVRE
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• l’introduction d’une taxe sur l’urbanisation
des terres agricoles.
C. Une politique de formation-recherche-
développement réorientée
Les changements ne se feront pas du jour au
lendemain, et ils ne se décrètent pas d’en haut.
Aussi, l’ensemble des établissements et structures
qui interviennent dans le champ de la formation,
de la recherche publique, du développement et de
l’ingénierie ont un rôle essentiel: aider et faciliter
les changements de pratiques en associant tous
les acteurs. Pour cela, il nous faut:
• renforcer l’accompagnement des produc-
teurs et leur structuration collective autour de va-
leurs mutualistes et coopératives, pour peser face
à l’aval, que ce soit en circuit court ou en circuit
long;
• ré-ancrer le développement des filières
agricoles au sein de relations commerciales équi-
librées et équitables entre les parties prenantes, à
l’échelle de territoires de projet;
• former les jeunes agriculteurs aux tech-
niques agricoles biologiques, en mettant celles-ci
au cœur de l’enseignement agricole.
II. Nos trois leviers
A. Des financements à légitimer et à réorienter de
l’Europe aux régions
Plus de 10 milliards d’euros d’aides eu-
ropéennes sont distribués chaque année en
France. Cela représente une contribution de
150 euros par habitant.e. Mais combien d’agri-
culteur.trice.s en profitent ? Seule une vraie
réforme de la politique agricole commune au ser-
vice de l’emploi, de la souveraineté alimentaire et
du développement rural permettra de réorienter
ces aides importantes. Un redéploiement sera
nécessaire pour sécuriser les systèmes en agro-
écologie, conforter les aides au maintien en agri-
culture biologique et mieux prendre en compte
les effets positifs de ces deux approches pour
la société.
B. Une politique foncière audacieuse inscrite dans
une loi spécifique
Force est de constater la faible efficacité
de l’ensemble des législations: l’artificialisation
continue, le prix des terres agricoles augmente,
l’accès au foncier pour de nouveaux agriculteurs
est quasi impossible, et un phénomène d’accapa-
rement des terres s’installe dans tous les pays de
l’Union européenne. La préservation des espaces
agricoles, naturels et forestiers doit constituer un
impératif national, avec:
• une grande loi foncière pour ne pas laisser
faire la loi du marché;
• un renforcement des objectifs de protection
et de gestion de l’environnement et des paysages
au sein des espaces agricoles et ruraux;
Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
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– de soutenir des loisirs respectueux du littoral;
– de limiter l’impact de la pêche à pied sur la
biodiversité;
– de développer les expériences de sciences
participatives en milieu marin et de soutenir les
associations d’éducation à l’environnement marin.
D’autre part, l’embellie actuelle de la filière de
pêche française est conjoncturelle et ne doit pas
masquer le fait que la surexploitation de certaines
espèces, la pollution croissante des mers et le ré-
chauffement de la mer compromettent son avenir.
Les écologistes proposent:
– d’amplifier des démarches participatives et
concertées associant tous les acteurs de la mer
et du littoral, de créer des espaces de dialogue et
d’écoute entre professionnel.le.s, associations et
collectivités territoriales, de mettre en place des
politiques co-construites, efficaces et adaptées
grâce à une approche de gestion intégrée de la
zone côtière (GIZC) visant à en faire un espace
de vie et de travail, mais aussi un territoire où
l’environnement (biodiversité, paysage) est
préservé; suivant en cela l’exemple de la charte sur
les espaces côtiers bretons, il s’agit de créer des
«centres de ressources» pour la mer et le littoral;
– de promouvoir une pêche et une aquaculture
durables plus sélectives, plus respectueuses des
écosystèmes et de la biodiversité, et de soutenir la
pêche artisanale;
– de gérer et de protéger la ressource, de créer
des zones de protection et de reproduction et de
lutter contre la pêche illégale (surtout dans les
DOM-TOM);
6. LES ENJEUX MARITIMES ET LITTORAUX
FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Les conséquences du réchauffement climatique
sur les mers et les océans sont importantes. En ef-
fet, au cours du XXe
siècle, le niveau des mers s’est
élevé en moyenne de 20 cm, et il pourrait s’élever
de 50 à 80 cm d’ici la fin du XXIe
siècle. La variation
de la température de la mer et de l’air entraînera
des modifications notables en termes de biodiver-
sité, d’érosion des côtes ou de comblement des
marais maritimes, et l’augmentation des précipita-
tions peut entraîner l’effondrement des falaises ou
le recul des terrains littoraux. D’autre part, 50% de
la population mondiale vivant dans la zone littorale,
des pressions énormes s’exercent sur les habitats
naturels et les ressources côtières, renforcées par
le tourisme littoral. Aussi, l’État et les collectivités
locales souhaitant anticiper l’impact du réchauffe-
ment climatique sur le littoral doivent travailler sur
les hypothèses de remontée du niveau de la mer et
arrêter l’urbanisation des zones à risques. La pré-
vention des risques naturels liés à la mer doit être
prise en compte dans les documents de prospec-
tive et d’aménagement du territoire.
Les écologistes proposent:
– de créer des réserves foncières en zones rétro-
littorales accueillant les habitant.e.s et de régionaliser
la politique du littoral pour plus de cohérence;
– de renforcer les compétences des collectivités
territoriales à l’égard de la mer et du littoral;
– de relier aménagement du territoire et politique du
littoral en ajoutant des volets marins aux schémas
de cohérence territoriale (Scot);
Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
BIEN VIVRE
90 91
des activités maritimes sans pour autant créer de
sanctuaires;
– d’étendre les aires marines protégées, qui jouent
un rôle majeur en matière de protection de la
biodiversité;
– d’intensifier la lutte contre les pollutions
marines et terrestres (renforcer la surveillance et
le contrôle des navires, sanctionner sévèrement
les négligences et les tricheries, collecter et
traiter les déchets liés à l’activité maritime et à la
pêche).
– d’interdire les techniques de pêche les plus
néfastes pour l’environnement.
Dans un contexte d’échanges commerciaux
globalisés, les ports se développent fortement, ce
qui n’est pas sans impact sur le milieu naturel et
l’environnement urbain.
Les écologistes proposent:
– de veiller à ce que les ports soient respectueux
de l’environnement, économes en foncier et
intégrés aux villes ; l’État doit interdire tout rejet
en mer des boues de dragage et soutenir la
création de filières de traitement de ces boues
à terre ;
– de soutenir une filière de déconstruction navale
dans les ports français les plus adaptés;
– de transformer les ports en hubs en termes
d’intermodalité et d’accès aux transports
décarbonés de marchandises.
Enfin, la mer est un espace très convoité et
soumis à beaucoup de pressions qui justifient la
mise en place d’une protection des sites et des
espèces sensibles, la conservation de la biodi-
versité, une gestion rigoureuse des ressources
marines exploitables, le maintien de la qualité de
l’eau et la poursuite des actions destinées à en
finir avec la mer-poubelle.
Les écologistes proposent:
– de veiller à la cohérence terre-mer dans
les projets de parcs marins portés par l’État et
d’associer tous les acteurs de la zone côtière:
c’est l’occasion de tester un développement durable
Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
92 93
santé, de sécurité, de bien-être et d’environnement
au travail;
– de créer un institut de veille environnementale
chargé notamment de lancer un grand
plan national d’analyse et de recherche en
santé-environnement;
– de donner à la prévention la même importance
qu’aux soins dans les agences régionales de santé;
– de protéger les citoyen.ne.s de la surexposition
aux champs électromagnétiques (CEM) et des
émissions sonores
– de lutter contre les déserts médicaux par
la multiplication des maisons de santé pluri-
professionnelles et des maisons de naissance.
– de susciter une mobilisation de grande ampleur,
particulièrement en direction des femmes enceintes
et des parents de jeunes enfants, sur les dangers
des substances chimiques toxiques, notamment les
perturbateurs endocriniens.
– d’agir en faveur de la santé mentale
(prévention et soin) en lançant une campagne de
«déstigmatisation» des malades mentaux (dont
les statistiques montrent qu’ils sont plus souvent
victimes qu’auteurs de violence) et en redonnant
aux secteurs de psychiatrie pour enfants,
adolescents et adultes la place qu’ils méritent
dans le dispositif de soins, en luttant contre
l’hospitalo-centrisme.
– de garantir l’accessibilité financière des soins:
• en augmentant la part de l’assurance maladie
dans le financement des soins de santé, donc en
diminuant la part des assurances complémentaires,
afin de tendre vers l’équité entre assurés sociaux;
• en mettant en place un principe de
cofinancement d’une mutuelle en partenariat
7. RELIER ENVIRONNEMENT ET SANTÉ: UN
ENJEU SANITAIRE ET DÉMOCRATIQUE MAJEUR
Aujourd’hui, les avancées scientifiques et médi-
cales démontrent que nous ne pouvons plus igno-
rer l’influence de notre environnement sur notre
santé. L’augmentation des maladies chroniques
non infectieuses, liée aux facteurs environne-
mentaux et aux modes de vie, est reconnue par
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme
un défi majeur pour les systèmes de santé et les
économies mondiales.
La France n’échappe pas à ce diagnostic:
problèmes respiratoires dus à la pollution de l’air
extérieur et intérieur, affections générées par les
perturbateurs endocriniens. Nous devons viser
la diminution de 25% des maladies chroniques à
l’horizon 2025. Or, la politique de santé actuelle
s’inscrit principalement dans une logique curative.
La majorité des crédits est centrée sur les soins et
le dépistage, ce qui laisse peu de place à la préven-
tion. Pour cette raison, il est urgent:
• de promouvoir les médecines alternatives;
• de réduire les inégalités territoriales, envi-
ronnementales et sociales, et de garantir l’accès
de tou.te.s à la santé;
• deformerlesprofessionnel.le.sdesantéetde
prévention aux liens environnement-travail-santé.
Pour renforcer la démocratie sanitaire,
les écologistes proposent:
– de créer un secrétariat d’État à la prévention
santé-sécurité-environnement et une mission
interministérielle en charge d’élaborer une grande
loi pour développer la prévention en termes de
Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
BIEN VIVRE
94
à leur sexualité et leur identité de genre – les
personnes lesbiennes, gays, bi et trans se suicident
en moyenne quatre fois plus que le reste de la
population, d’où l’importance de mettre en place
une politique spécifique de prévention du suicide
auprès d’elles.
Conclusion: un nouveau rapport
à la nature et au vivant
Avec les débats récents sur l’Anthropocène
et le réchauffement climatique, la Terre et la na-
ture redeviennent des thèmes politiques en tant
que tels. Si toute la période industrielle a cru
pouvoir se libérer des contraintes physiques et
des déterminations naturelles, l’humanité redé-
couvre la fragilité de la planète. L’idée d’une his-
toire commune entre les sociétés humaines et les
processus naturels desquels nous dépendons se
matérialise dans le concept d’Anthropocène. Les
écologistes tiennent compte de cette fragilité
consubstantielle à la Terre et aux vivants. Les im-
pacts de l’action humaine sur la trajectoire géolo-
gique de notre planète, avec le risque de la rendre
inhabitable pour les générations futures, néces-
sitent que nous changions fondamentalement nos
relations à la nature et que nous prenions soin du
vivant sous toutes ses formes.
régions-collectivités et en permettant une meilleure
couverture des soins dentaires et oculaires;
• en baissant les prix des médicaments;
• en luttant contre les déserts médicaux par
le développement des maisons de santé pluri-
professionnelles et des maisons de naissance;
• en conditionnant les aides à l’installation au
respect du conventionnement en secteur 1;
– d’agir contre les lobbys en développant le rôle
de l’expertise citoyenne et en défendant les
lanceur.se.s d’alerte;
– d’élargir par la loi le périmètre de l’action de
groupe (loi relative à la consommation, dite
loi Hamon) aux domaines de la santé et de
l’environnement (responsabilité), avec prise en
compte des dommages corporels et du préjudice
écologique et moral;
– de mettre en place une politique de prévention
des dépendances, en sus des soins et des
accompagnements adaptés, car l’usager de
drogues n’est pas un délinquant; concernant la
lutte contre le cannabis: constat de l’inefficacité
de la prohibition, légalisation de la vente aux
majeurs, prise en charge publique de la régulation
commerciale et du contrôle qualité;
– de reprendre la lutte contre les infections
sexuellement transmissibles et le VIH/SIDA
(prévention, recherche, accès aux soins) et d’assurer
l’accompagnement des personnes touchées;
– d’améliorer les conditions de fin de vie en rendant
les directives anticipées opposables et de donner le
choix aux patient.e.s en dépénalisant l’aide active à
mourir;
– d’organiser des actions de prévention du mal-être
en direction des jeunes en recherche par rapport
Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
TROISIÈME PARTIE
VERS UN NOUVEAU PACTE SOCIAL
ALLIANT AUTONOMIE, SOLIDARITÉS ET DIGNITÉ
98 99
parents non diplômés, 14% des parents diplômés
du supérieur). Enfin, selon le rapport de l’Observa-
toire des inégalités, la pauvreté et les inégalités se
concentrent dans les grandes villes: les deux tiers
des pauvres vivent au cœur des grandes aires
urbaines. Le taux de pauvreté à 60% du niveau
de vie médian atteint son maximum – 18% – dans
les villes de 100000 à 200000 habitants. Dans
les communes des banlieues défavorisées ou les
quartiers populaires des grandes villes, le taux de
pauvreté dépasse souvent 40%.
Retrouver le ciment nécessaire à la construc-
tion du vivre-ensemble passe non seulement par
la lutte contre les inégalités et la pauvreté de
masse, mais aussi par la définition de nouveaux
droits sociaux qui ne soient plus assis sur le tra-
vail et le mythe des richesses créées et redistri-
buées par la croissance. Les écologistes veulent
renforcer les droits de chacun.e à vivre dignement
et ouvrir le pacte social à de nouveaux droits.
Depuis la dernière élection présidentielle, la
société française a continué de se déliter pan
après pan. Les fractures qui la traversent sont
de tous ordres: sociales, avec la montée des iné-
galités et l’inaction des pouvoirs publics face au
chômage de masse; territoriales, avec les écarts
grandissants entre les métropoles et leur périphé-
rie, les espaces ruraux et les petites communes
périurbaines; mais aussi générationnelles symbo-
liques, culturelles, politiques… Les jeunes, les ou-
vriers et employés, les femmes, la main-d’œuvre
peu qualifiée dans les petites entreprises du sec-
teur privé et les immigré.e.s en sont les premières
victimes.
Parmi les plus riches, les revenus ont conti-
nué de progresser entre 2008 et 2012: 500 euros
mensuels de plus pour les 10% les plus aisés.
A contrario, parmi les 40% du bas de la hiérarchie
sociale, ils ont diminué durant la même période
de 300 à 500 euros. Quant à la classe moyenne,
elle a vu sa situation stagner. Depuis 2012, les
plus pauvres se sont encore appauvris et les plus
riches enrichis. Ce décrochage de la «France d’en
bas» est lié à un chômage qui touche particu-
lièrement les jeunes sans qualification issus des
catégories modestes (la moitié des décrocheurs
ont un père ouvrier, 5% seulement un père cadre;
54% des enfants en retard en troisième ont des
Vers un nouveau pacte social
100 101
Les écologistes proposent:
– Une politique publique à part entière dotée d’un
budget multiplié par dix et la création d’un ministère
de plein exercice avec pour mission de défendre
et de faire appliquer les droits acquis et de fixer et
faire respecter la politique publique d’égalité.
– Un renforcement du Haut Conseil à l’égalité
femmes-hommes, avec des moyens humains et
financiers en adéquation avec les missions qui lui
sont confiées.
– Une loi-cadre contre les violences faites aux
femmes, à la hauteur de l’enjeu, axée autour de la
prévention (campagnes nationales bisannuelles),
de la formation obligatoire (des élu.e.s, des services
de santé, des éducateur.trice.s et psychologues, de
la police et de la justice), de l’accompagnement et
de l’écoute des victimes.
– La fin de l’impunité (allongement des délais de
prescription, juges et tribunaux spécialisés dans les
violences faites aux femmes, etc.).
– Ni répression ni stigmatisation des prostitué.e.s:
suppression de la conditionnalité de l’aide aux
prostitué.e.s à l’arrêt de la prostitution, garantie
d’un droit au séjour pour les prostitué.e.s
migrant.e.s, en particulier celles et ceux qui sont
victimes de la traite des êtres humains, arrêt de
la pénalisation des prostitué.e.s par les arrêtés
municipaux.
– Un renforcement des dispositifs de parité en
harmonisant l’ensemble par le haut pour limiter les
stratégies de contournement qui les accompagnent
habituellement; augmentation des pénalités pour les
partis politiques ne respectant pas ces règles, jusqu’à
un arrêt total des financements publics pour ceux
qui ne présenteraient pas 50% de candidates. Enfin,
1. RENFORCER LES DROITS ACTUELS
DES PLUS DÉMUNI.E.S ET LUTTER
CONTRE TOUTES LES DISCRIMINATIONS
Assurer l’accès de tou.te.s aux droits fondamen-
taux et aux biens de première nécessité, cela
passe par une adresse, une alimentation saine et
régulière, l’augmentation du niveau de prise en
charge des soins par l’assurance maladie, la gra-
tuité d’une première tranche de consommation
d’eau et d’électricité, l’augmentation du budget de
l’aide juridictionnelle, l’accès à la culture et à un
service public de transports, en particulier dans
les territoires ruraux ou urbains défavorisés (bus,
transports à la demande, covoiturage, taxis col-
lectifs…). Nous voulons mettre fin à la misère.
I. Vers une société d’égalité
entre les femmes et les hommes
Dans la vie privée, au travail ou dans la sphère
publique, le constat est le même et il est amer:
l’inégalité femmes-hommes perdure. Chaque an-
née, 216000 femmes sont encore victimes de vio-
lences conjugales. Les hommes gagnent 23,5% de
plus que leurs homologues féminines, et 84% des
maires sont des hommes. Certes, les droits ont
progressé et quelques avancées ont émaillé les
cinq dernières années, mais les progrès sont lents
et d’autres politiques publiques viennent souvent
les contrecarrer. Les écologistes ne se résignent
pas à penser que la domination masculine, parce
que millénaire, serait inéluctable. C’est tout sim-
plement une question de priorité dans les choix et
de moyens, notamment budgétaires.
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
102 103
Vers un nouveau pacte social
Les écologistes proposent:
– d’assurer des emplois de qualité, notamment
pour les femmes, afin de sortir les familles de la
précarité;
– de développer une culture de l’égalité via une
politique éducative de lutte contre les stéréotypes;
– d’instaurer des congés de parentalité réellement
partagés: nous réformerons le congé de maternité
au profit d’un congé prénatal et postnatal pour la
mère complété d’un congé d’accueil de l’enfant
réparti entre chaque parent; le congé parental
sera transformé en un crédit temps de trois ans
indemnisé à 80%, à utiliser jusqu’à la majorité de
l’enfant et réparti à parts égales entre les parents;
ces congés devront être comptabilisés dans le
calcul des retraites de manière rétroactive;
– de rendre le congé paternité obligatoire en fixant
une interdiction légale de travail d’une semaine pour
les pères, à l’instar de celle prévue pour les mères.
II. Faire des jeunes des citoyen.ne.s à part entière
Malgré les promesses du candidat Hollande
en 2012, la situation sociale et économique des
jeunes s’est aggravée. Pire, la confiance en la dé-
mocratie et ses représentant.e.s s’est étiolée. Les
jeunes Français.e.s seraient à la source de tous
les maux – insécurité, paresse et donc affaiblis-
sement économique –, assisté.e.s et donc respon-
sable d’un gaspillage de l’argent public… Pourtant
la jeunesse n’a jamais été aussi éduquée et entre-
prenante! Il est temps de changer notre regard.
Ultra-connectée, souple, éprise de valeurs et non
résignée, la jeunesse française peut être un véri-
table moteur du changement social.
parce que la parité ne se limite pas à un objectif de
50/50, nous interrogerons la distribution sexuée des
responsabilités entre les femmes et les hommes.
– Une priorité donnée à la lutte contre la précarité
des femmes: une attention particulière sera portée
à l’augmentation du Smic, à la lutte contre les temps
partiels subis et le recours abusif à ce type de contrats.
– Les entreprises seront tenues pour responsables
de l’inégalité de salaires entre femmes et hommes.
La liste des entreprises ne respectant pas leurs
obligations en matière d’égalité professionnelle et,
à ce titre, ne bénéficiant pas des marchés publics,
sera rendue publique et mise à jour chaque année.
Les règles permettant l’accès aux marchés publics
seront renforcées et les rapports de situation
comparée réhabilités et rendus plus complets.
D’autre part, un nombre grandissant d’en-
fants vit aujourd’hui dans la pauvreté. Les familles
nombreuses et les familles monoparentales sont
les plus touchées: le taux de pauvreté est de
22,7% pour les ménages composés d’un couple
avec au moins trois enfants et de 32,2% pour les
familles monoparentales. Dans les familles mono-
parentales, les familles constituées d’une femme
seule avec un ou plusieurs enfants sont prépon-
dérantes. Ces familles ont d’autant plus de proba-
bilités de tomber dans la pauvreté que 80% des
salarié.e.s qui vivent avec 750 euros par mois ou
moins sont des femmes. Les femmes sont encore
surreprésentées dans les emplois précaires: 85%
des plus de 4,5 millions d’employés travaillant à
temps partiel sont en fait des employées. Les sec-
teurs d’emplois considérés comme «féminins»
sont souvent dévalorisés et précaires.
BIEN VIVRE
104 105
B. Une proposition phare: la représentation réelle
des jeunes dans les institutions.
Les 16-30 ans représentent 20% de la popu-
lation française, ils doivent pouvoir contribuer au
débat parlementaire selon la même proportion: les
écologistes proposent de sanctionner les partis qui
neprésenteraientpasaumoins20%decandidat.e.s
de cette classe d’âge à chaque élection.
C. Vers l’autonomie: intégration au système général
et revenu d’existence
La précarité financière atteint des propor-
tions alarmantes: le taux de pauvreté est de
21,9% chez les jeunes de moins de 25 ans, et 23%
des jeunes actif.ve.s sont au chômage. Quant à
celles et ceux qui travaillent, près d’un tiers ont
un CDD (contre 8,4% dans la population totale).
Les jeunes salarié.e.s sont généralement les plus
exposé.e.s aux licenciements et aux aléas de la
flexibilité des entreprises.
L’accès au logement devient également
de plus en plus difficile: on estime qu’il y a au-
jourd’hui 240000 jeunes de 18 ans et plus (hors
étudiant.e.s) qui n’ont pas les moyens financiers
d’accéder à un logement autonome. Non béné-
ficiaires des minima sociaux, les jeunes se re-
trouvent ainsi sans ressources, et en grand risque
de subir la misère et l’exclusion.
Les écologistes proposent:
– la fin du système spécial pour les jeunes, en
termes d’accès au RSA comme aux autres minima
sociaux, et notamment les mutuelles étudiantes;
– l’instauration d’un revenu d’autonomie: les
écologistes proposent de faire des jeunes les
A. Citoyen.ne.s d’abord!
La France et plus largement les démocra-
ties occidentales souffrent d’un accaparement
du pouvoir de représentation et peinent à faire
de la place aux générations nées après les Trente
Glorieuses. Le constat est frappant: 70% des
jeunes ne font plus confiance aux médias, 70%
des jeunes Européen.ne.s s’abstiennent aux
élections, nombre d’entre eux préfèrent voter
pour un.e candidat.e «hors système» que pour
les candidat.e.s issu.e.s des partis politiques
traditionnels.
Les écologistes proposent:
– le droit de vote dès 16 ans;
– la fin du cumul des mandats dans la vie politique,
mais également dans la sphère économique et
sociale;
– la mise en place de dispositifs facilitant la place
des jeunes dans les instances représentatives de la
société civile;
– la généralisation des dispositifs de démocratie
participative, basés notamment sur le numérique,
au sein des établissements scolaires (de la
primaire au lycée) et des budgets participatifs
d’établissements;
– le soutien accru aux structures d’éducation
populaire;
– l’instauration d’un droit de saisine parlementaire
pour les organisations représentatives de
la jeunesse, voire d’un droit de proposition
législative;
– un accroissement des démarches d’éducation
au numérique tout au long du cursus scolaire et à
travers l’éducation populaire.
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
106 107
– D’investir dans la création d’entreprises par
des jeunes et de les accompagner, notamment
lorsque le projet relève des économies solidaires,
coopératives et collaboratives.
– La lutte contre l’emploi précaire chez les jeunes
doit être une priorité. Il faut donc soutenir les
initiatives favorisant l’emploi de jeunes actif.ve.s
en CDI, tels les emplois tremplins. Par contre, les
stages post-formation doivent être strictement
encadrés, en abaissant le plafond de 10% du
nombre de stagiaires par entreprise ou par
administration. Il est également nécessaire de
renforcer le suivi des stages, tant par le tuteur
entreprise que par le tuteur université, pour assurer
leur apport pédagogique.
– En attendant la mise en œuvre du revenu
d’existence, il faut augmenter l’indemnité minimum
des stages et renforcer la formation des tuteurs en
entreprise.
– Les périodes de stage et d’insertion
professionnelle s’allongeant, il faut prendre en
compte les périodes de formation initiale et de
stages dans le calcul de la retraite.
– Les aides financières pour le logement des
stagiaires, le service civique et les précaires doivent
être majorées.
– Un enseignement du droit social doit être délivré
dès le lycée, toutes catégories confondues, afin de
mieux préparer chaque jeune à entrer sur le marché
du travail en pleine connaissance de ses droits.
– L’apprentissage doit être renforcé et sécurisé.
Il faudra le déployer dans tous les domaines et à
destination de tou.te.s.
premiers bénéficiaires de l’instauration d’un revenu
universel. Cette avancée doit être accompagnée des
mesures permettant à tous les jeunes de disposer de
l’ensemble des outils d’autonomie: accès au logement,
accès aux soins et lutte contre le travail précaire.
D. Mettre fin au chômage des jeunes:
un pari d’avenir
Le principal frein à l’emploi des jeunes reste
le verrouillage du système: des difficultés de re-
prise des terres pour les jeunes agriculteur.trice.s
au taux de chômage dans le monde du travail, sans
réelles perspectives, en passant par le manque de
reconnaissance des compétences acquises.
Les écologistes proposent:
– De soutenir l’engagement associatif et d’ouvrir/
simplifier la validation des acquis de l’expérience
(VAE) aux activités associatives, afin que soient
reconnues les compétences développées dans ce
cadre.
– De favoriser et de mieux reconnaître le service
civique. L’ouvrir à toutes et à tous sans limite
d’âge constituera un outil de valorisation de ce
service civique. Plutôt que de le rendre obligatoire,
nous devons nous donner les moyens d’accueillir
l’ensemble des volontaires actuels. Le service
civique ne peut en aucun cas constituer un emploi
déguisé! Tout comme les stages, les services
civiques doivent être mieux encadrés et contrôlés.
– D’améliorer la reconnaissance des acquis de
l’expérience hors système scolaire et de changer de
regard: en normalisant, généralisant, accompagnant
et sécurisant les années de césure, et en passant
des accords avec des structures d’accueil.
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
108 109
par an pour les 16-25 ans et le renforcement de
la médecine universitaire grâce à la création de
maisons de santé étudiantes, avec un système de
tiers payant systématique. Parce que près de 30%
des jeunes renoncent à des soins pour des raisons
financières, nous souhaitons également simplifier
l’accès à la CMU complémentaire et à l’aide au
paiement d’une complémentaire santé (ACS).
Les écologistes proposent également:
– de créer un «pass contraception» pour tous les
jeunes;
– d’encourager les municipalités à développer des
actions de sensibilisation sur la santé dans les
temps périscolaires;
– de créer un appel à projets écocitoyens (en
milieu scolaire, dans les associations de quartier,
les missions locales, etc.) et de contribuer
au «basculement culturel» par une politique
volontariste d’éducation à l’environnement et au
développement durable, comme le fait l’association
Génération cobayes;
– d’expérimenter une démarche participative
de gestion de la qualité de l’air intérieur dans
les lycées, avec des réunions d’information à
destination des professionnels de santé, la création
de supports de communication (dépliants, vidéos…)
et la diffusion d’informations sur les perturbateurs
endocriniens;
– d’encourager tous les projets d’éducation
des jeunes à la santé – y compris sexuelle et
reproductive;
– de soutenir la création de centres de prévention
jeunesse (d’accès gratuit et à l’anonymat
préservé), pour favoriser l’écoute sur les questions
E. Accès aux droits: un logement, la mobilité
et la santé pour tou.te.s!
Nous devons investir massivement dans les
résidences étudiantes en réhabilitant les 70000
places existantes et en construisant 50000 nou-
velles chambres. Nous devons également facili-
ter l’accès au logement pérenne en construisant
12000 logements sociaux neufs par an pour les
jeunes et développer les aides à l’installation.
Enfin, il est nécessaire de soutenir l’offre dévelop-
pée par les foyers de jeunes travailleur.se.s. Cette
offre doit notamment être mobilisée en direction
des personnes sortant de l’aide sociale à l’enfance
ou en rupture familiale, qui ne bénéficient pas des
moyens financiers ou du soutien familial néces-
saires. Enfin, l’encadrement des loyers doit être
étendu.
Trop de jeunes sont encore contraint.e.s par
les difficultés d’accès à la mobilité: outre le néces-
saire développement des transports en commun,
nous mettrons en place un «pass jeunes» pour
les transports et une aide budgétaire à l’achat
d’un vélo ou autres moyens de déplacement peu
consommateurs d’énergie fossile.
De même, nous devons faciliter l’accès aux
soins. Du fait de la multiplication des maladies
longues, comme les cancers, et des diverses pol-
lutions, la courbe d’espérance de vie se renverse.
Or, dans le même temps, l’accès aux soins est de
plus en plus difficile. Le baromètre de la jeunesse
montre d’ailleurs que la priorité absolue d’inter-
vention pour les jeunes est un meilleur rembour-
sement des soins et une meilleure répartition des
médecins sur le territoire. Nous proposons donc
la création d’un «chèque santé» de 200 euros
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
110 111
Les écologistes proposent:
– de favoriser l’activité bénévole et les lieux
d’échanges intergénérationnels par la création
d’agences intercommunales pour le travail bénévole
et l’incitation fiscale au moyen de réductions
d’impôts; le soutien aux clubs de seniors, aux
universités et aux lieux de formation dits du
troisième âge; l’encouragement à la mixité des
générations dans la construction des logements
neufs;
– de sécuriser les revenus et l’accès aux soins
des plus fragiles par l’augmentation du minimum
vieillesse selon les mêmes critères que les autres
revenus sociaux, et de revaloriser les retraites à
partir des salaires et non de l’indice des prix;
– d’instaurer la garantie d’une visite médicale
annuelle gratuite à toutes les personnes de plus de
65 ans et la suppression des franchises médicales;
– de permettre un choix réellement ouvert quant au
mode d’hébergement, par la création de logements
adaptés, l’hébergement en structure collective ou
autogérée ou le maintien à domicile;
– d’augmenter le nombre de places en Ehpad
(établissements d’hébergement pour personnes
âgées dépendantes) public, de sorte qu’il soit au
moins égal au nombre de places dans le secteur
privé, avec une adaptation des équipements;
– d’offrir aux travailleur.se.s immigré.e.s âgé.e.s
et à leurs conjoint.e.s un dispositif spécifique
d’hébergement, d’écoute, d’amélioration et de suivi
des droits à la pension;
– de soutenir et d’améliorer les emplois de
service; la puissance publique doit contrôler le
développement de ce secteur pour améliorer les
conditions d’emploi et la qualité du service en
liées à la sexualité, aux drogues, au mal-être et à
la violence;
– d’intégrer dans les enseignements, dès l’école
maternelle et primaire, les connaissances et les
comportements de prévention des risques pour
l’être humain et son environnement, grâce à des
«préventeurs» agréés pour intervenir en milieu
scolaire, à l’instar des intervenants en musique;
– d’intégrer dans les projets pédagogiques l’axe
prévention-santé-environnement;
– de réactiver dans les collèges et les lycées
les commissions d’éducation à la santé et à
la citoyenneté, animées par un «préventeur»
santé-sécurité-environnement.
III. Ouvrir des choix à nos aîné.e.s
Aujourd’hui, près d’un quart de la population
française a plus de 60 ans, et l’espérance de vie
augmente régulièrement. La situation des per-
sonnes âgées est marquée par de fortes dispari-
tés sociales, qui placent les unes dans l’opulence
extrême et les autres dans une grande pauvreté,
aggravée par la stagnation et la réforme des
pensions.
Les aîné.e.s ne sont pas, comme l’instillent
certains discours, une charge pour la société,
mais un maillon important de la transmission de
l’expérience collective et de la cohésion sociale.
Ils et elles méritent mieux que le paternalisme et
le clientélisme des petits cadeaux de certaines
municipalités, qui entretiennent leur séparation
d’avec la société et leur solitude.
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
112 113
précédente à la baisse. Cette hausse de la pau-
vreté, plus modérée qu’ailleurs en Europe, touche
surtout les ménages actifs, notamment les ou-
vriers, les familles monoparentales et les familles
nombreuses.»
Nous savons qu’il faut agir sur différents le-
viers. Les causes de la pauvreté et des inégalités
sont nombreuses et se cumulent: état de santé,
logement, isolement social, emploi et formation
doivent être traités ensemble. L’accès de tou.te.s
aux droits fondamentaux et aux biens de première
nécessité doit être assuré: donner à chacun.e la
possibilité de posséder une adresse et de se nour-
rir sainement et régulièrement, assurer l’accès
aux soins, augmenter le niveau de prise en charge
par l’assurance maladie, supprimer les franchises,
assurer la gratuité d’une première tranche de
consommation énergétique répondant aux be-
soins essentiels (boire, se laver, se chauffer, cui-
siner), avec une augmentation graduée des tarifs
pour les consommations supérieures à ce seuil,
augmenter le budget de l’aide juridictionnelle,
assurer à chacun.e l’accès à un service public de
transport.
Les écologistes proposent:
– de porter le Smic à 1800 euros bruts dans la
législature avec une augmentation immédiate de
10%, soit 150 euros brut;
– de revaloriser les minima sociaux de 50% durant
la mandature;
– de développer l’offre de logement très social et de
faire baisser les loyers du parc social;
– de poursuivre l’expérimentation de l’encadrement
des loyers et de réguler les loyers du parc privé;
visant trois objectifs: limiter la place du gré à gré et
favoriser l’économie sociale et solidaire, poursuivre
la professionnalisation, simplifier et assouplir les
outils de paiement et de gestion;
– de financer la perte d’autonomie et la prise en
charge de la dépendance: outre les recettes fiscales
ordinaires, les retraité.e.s les plus prospères
doivent être mis à contribution par une taxation
des patrimoines les plus élevés (hors habitation
principale), par l’alignement de leur CSG sur
celle des actifs avec un taux progressif, et par
la suppression de l’abattement de 10% des frais
professionnels pour le versement de l’impôt;
– de rendre possible une formation en alternance
pour les aidants informels à la personne en perte
d’autonomie, entrant dans le cursus de la formation
aide-soignant.e sous forme de spécialité;
– d’organiser les soins palliatifs et le choix de
mourir dans la dignité au moment et à l’endroit où
la personne le souhaite; cela implique l’installation
dans chaque département d’une unité de soins
palliatifs assurant aussi la logistique des réseaux à
domicile et dans les résidences de personnes âgées.
IV. Lutter contre la pauvreté et la précarité:
une urgence!
Selon l’Insee: «En 2013, le seuil de pauvreté,
qui correspond à 60% du niveau de vie médian
de la population, s’établit à 1000 euros mensuels.
La pauvreté concerne 8,6 millions de personnes,
soit 14% de la population. Cette proportion di-
minue légèrement en 2012 et 2013 (- 0,4 puis
- 0,3 point), mais, sur cinq ans, la pauvreté a aug-
menté de 0,7 point, en rupture avec sa tendance
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
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l’avancée en âge, la situation de handicap entrave
la vie de millions de personnes, souvent laissées
pour compte par les politiques publiques prônant
la performance. Les réponses apportées sont in-
suffisantes, et la loi du 11 février 2005, qui se vou-
lait fondamentale pour la politique du handicap,
reste peu connue et mal appliquée. Politique de
compassion et de mise en scène: les écologistes
disent stop! Les multiples rapports et les lois mal
appliquées laissent un goût amer aux personnes
en situation de handicap.
Une politique écologiste du handicap est fon-
dée sur les principes de solidarité nationale, d’ac-
cessibilité et d’autonomie pour tou.te.s, de lutte
contre les discriminations liées au handicap, de
promotion et d’application des droits. La politique
écologiste du handicap est une politique «d’irri-
gation» de toutes les composantes publiques.
Elle s’oppose à la distinction et au stéréotype et
se comprend comme une politique inclusive. Elle
s’inscrit dans un contexte international par l’enga-
gement d’appliquer la Convention internationale
des droits des personnes handicapées, et par son
évaluation publique annuelle.
Notre société doit ainsi garantir aux per-
sonnes en situation de handicap les conditions
de l’exercice plein et entier de la citoyenneté.
L’administration publique sera paramétrée pour
répondre à cet impératif politique.
Lapolitiqueécologisteduhandicapestunepo-
litique participative, où le Conseil national consul-
tatif des personnes handicapées (CNCPH) et ses
instances régionales auront un pouvoir reconnu de
décision, de mise en œuvre et d’évaluation.
– concentrer la garantie des loyers sur les jeunes
et les plus précaires, et de réfléchir à son extension
aux chômeur.se.s de longue durée;
– de renforcer la prévention des expulsions locatives;
– de limiter le recours aux nuitées hôtelières et de
développer des solutions alternatives;
– de favoriser la scolarisation précoce des enfants
de familles modestes, en particulier dans les
territoires d’éducation prioritaire;
– de créer un service public de la petite enfance
et 400000 places d’accueil: chaque enfant doit
pouvoir être accueilli dans une structure (petite
enfance, périscolaire, extrascolaire) du choix des
parents, même si ceux-ci sont sans emploi;
– d’augmenter le nombre de crèches: crèches
d’entreprise, d’université, associatives et
coopératives, en horaires décalés; afin de freiner les
stéréotypes de genre, le personnel sera davantage
paritaire, grâce à des mesures incitant les jeunes
hommes à s’orienter vers les métiers de la petite
enfance, les approches pédagogiques non-violentes
et émancipatrices devront y être appliquées;
– de soutenir davantage les structures de
l’économie sociale et solidaire ayant trait à l’aide à
la parentalité;
– concernant les personnes les plus éloignées de
l’emploi, de renforcer les moyens de Pôle emploi
afin de proposer un accompagnement personnalisé
aux bénéficiaires du RSA, et de soutenir le secteur
de l’insertion par l’activité économique.
V. Pour une politique du handicap inclusive
Qu’elle soit d’origine mentale, psychique,
sensorielle, cognitive, physique, plurielle ou due à
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
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formation liée à la vie sexuelle des personnes en
situation de handicap dans leur cursus initial.
VI. Un logement pour chacun.e
Il manque aujourd’hui plus de 900000 loge-
ments en France. 3,8 millions de personnes sont
mal logées ou sans logis, dont 600000 enfants.
L’habitat est devenu un facteur majeur de précari-
sation, du fait de la hausse incontrôlée des prix et
du renchérissement du coût de l’énergie.
La logique du «tous propriétaires» est un
leurre qui endette les ménages, creuse les inégali-
tés et aggrave l’étalement urbain. Les écologistes
prônent un habitat choisi, où chacun.e, selon ses
aspirations et son parcours, puisse devenir pro-
priétaire ou locataire.
Face à l’urgence, nous revendiquons l’accueil
inconditionnel dans les structures d’héberge-
ment, en maintenant les capacités d’accueil tout
au long de l’année. La suppression des places
d’hébergement ne doit se faire qu’au rythme de
l’extinction de la demande. Nous ne laisserons
personne à la rue. Nous interdirons les expulsions
sans relogement. Nous développerons «l’intermé-
diation locative» à grande échelle, c’est-à-dire au
prix du marché si nécessaire, aboutissant impé-
rativement à la mise en œuvre d’une solution de
logement durable (sans remise à la rue). Nous lo-
gerons les plus de 59000 personnes prioritaires
au Dalo (Droit au logement opposable), par la
construction de logements très sociaux et la cap-
tation de logements dans le parc privé.
Nous éradiquerons l’habitat indigne et mo-
biliserons le parc vacant en faisant adopter à
Les écologistes proposent:
– De manière globale, nous assurerons plus de
cohérence dans les politiques liées au handicap,
notamment avec la création d’un ministère du
Handicap et de l’Autonomie.
– Une agence nationale de la citoyenneté et de
l’autonomie sera créée. Elle fusionnera l’ensemble
des agences nationales et des observatoires du
secteur social et médico-social.
– Nous créerons une organisation régionale au
service des établissements et une organisation
départementale au service des personnes. Il
importe de faire évoluer les agences régionales de
santé (ARS) en agences régionales de la santé et
de la cohésion sociale, pour une prise en compte
explicite de l’accompagnement social des personnes
en situation de handicap, en transférant les
compétences de gestion des départements vers les
nouvelles agences régionales.
– Il nous faut penser l’accessibilité universelle,
l’accessibilité pour tou.te.s, et pas seulement
pour les personnes en situation de handicap:
garantir l’accessibilité de tous les services publics,
généraliser les traductions en Falc (français facile à
lire et à comprendre) ainsi que les repères visuels et
sensoriels, créer l’Agence nationale de l’accessibilité
universelle (Anau).
– La vie affective et sexuelle des personnes
en situation de handicap ne peut être niée ou
volontairement passée sous silence, comme c’est
le cas actuellement. Les écologistes proposeront
un débat, puis une loi, pour encadrer l’activité
d’accompagnement sexuel.
– Les personnels soignants, médecins, infirmier.ère.s,
aide-soignant.e.s, notamment, recevront une
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
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VII. Éduquer, un outil fondamental
de la transition écologique
«Personne n’éduque autrui,
personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent
ensemble par l’intermédiaire du monde.»
Paulo Freire
La transition écologique doit être aussi une
transition éducative pour vivre ensemble en har-
monie avec les autres êtres vivants et en équilibre
avec les richesses de cette planète. Construit sur la
séparation entre savoirs académiques et pratiques
professionnelles, le système scolaire est inadapté
aux besoins des élèves et des familles ainsi qu’aux
enjeux de notre temps, et l’école de la République,
élitiste, creuse les inégalités. Les dispositifs se suc-
cèdent pour remédier au décrochage et à l’échec
scolaire, sans succès. Alors que l’école devrait sou-
der notre nation, elle contribue à exclure et ne pré-
pare pas aux défis planétaires du XXIe
siècle.
La société actuelle incite à produire et
à consommer toujours plus, contribuant ainsi à
une indifférence croissante à l’autre, à la nature
et au monde. «Produire, consommer, jeter» n’est
pas notre devise! Au moment où nous vivons la
sixième grande extinction des espèces, l’avenir
nécessite une prise de conscience qui commence
par l’éducation. Nous avons besoin d’une éduca-
tion pour et par la liberté, l’égalité et la fraternité,
et l’indispensable préservation de la biodiversité
naturelle et culturelle doit en faire partie.
Nous voulons une éducation qui répare les
inégalités. Nous voulons une école ouverte et
inclusive. Nous voulons que, tout au long de la vie,
chacun.e puisse donner le meilleur de soi-même
selon ses aspirations.
l’échelle communale un plan d’éradication de
l’habitat indigne et en renforçant les crédits de
l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Nous appli-
querons systématiquement la loi de réquisition.
Face à la pénurie, nous construirons 500000 lo-
gements par an, dont 160000 logements sociaux.
La priorité sera donnée aux logements les plus
sociaux, avec la construction d’au moins 30000
PLAI (prêts locatifs aidés d’intégration) familiaux
et en limitant les agréments PLS (prêt locatif so-
cial) à 10%. Nous renforcerons la transparence et
l’égalité des demandes de logement via des dos-
siers anonymes et la généralisation des systèmes
de cotation des dossiers. Nous développerons le
modèle londonien du «scoring», basé sur le clas-
sement automatisé des demandes.
Dans les zones tendues, nous étendrons,
l’encadrement des loyers en suivant l’exemple
de Paris. Nous sécuriserons la location par l’ins-
tauration d’une véritable garantie des risques
locatifs généralisée, et non réservée aux plus
aisés. Nous renforcerons la loi SRU (solidarité
et renouvellement urbains) en passant l’obliga-
tion de construction à 25% de logements so-
ciaux (30% en Île-de-France) et en augmentant
les sanctions financières pour les communes
récalcitrantes. Nous enrayerons la spéculation
immobilière. Nous préviendrons les situations
de surendettement et les pièges du crédit facile.
Nous limiterons la durée des crédits immobiliers
à vingt-cinq ans et renforcerons les règles de
prudence bancaire.
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
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B. Faire confiance aux acteurs de l’éducation,
donner de l’autonomie aux établissements
– Des rythmes scolaires adaptés aux besoins
des élèves, moins d’élèves par professeur.e: pos-
sibilité donnée aux établissements de moduler les
horaires en fonction de leurs choix et de leurs pro-
jets pédagogiques.
– Créer un statut unique d’enseignant.e du
primaire et du secondaire: cela implique une éga-
lité de traitement et de service à tous les niveaux
d’enseignement.
– Réformer le système d’évaluation par la
généralisation de l’évaluation positive; remplacer
le brevet des collèges et le baccalauréat par des
certifications raisonnablement exigeantes et da-
vantage fondées sur les compétences.
– Créer une base nationale de ressources
pédagogiques libres de droits pour que les
équipes puissent élaborer un projet d’établisse-
ment adapté aux besoins de leurs élèves, pour
que chacun.e puisse avoir accès à un ensei-
gnement gratuit et certifié quand il ou elle le
souhaite.
C. Accompagner les parents dès la naissance de
leur enfant
– Créer un congé de parentalité paritaire
couvrant la première année de l’enfant, ouvrir
400000 places en crèche publique, organi-
ser une participation des parents (par exemple
cinq demi-journées annuelles) à l’animation des
crèches publiques.
– Proposer des ateliers d’accompagnement à
la parentalité à tous les parents et à chaque étape
de la vie de leur enfant.
A. Une éducation pour tou.te.s, avec tou.te.s
– Contrer les inégalités en créant une do-
tation progressive des établissements: sur le
modèle de la loi SRU, la dotation consolidée des
établissements sera progressive. Tous les établis-
sements, publics et privés, auront comme objectif
d’atteindre une mixité réelle et seront évalués et
financés selon ce critère.
– Faire de la carte scolaire un outil de mixité
sociale en la transposant à l’échelle des bassins
de vie. Elle sera réévaluée tous les cinq ans par
une instance indépendante composée à parité de
représentant.e.s des familles, de l’Éducation na-
tionale et d’élu.e.s locaux.
– Affecter des moyens humains supplémen-
taires à la lutte contre le décrochage scolaire et
réduire le nombre d’élèves par classe dans les
établissements en difficulté.
– Promouvoir une véritable démocratie sco-
laire grâce à des conseils dotés de véritables pou-
voirs, à la pratique régulière du débat dans les
établissements et à la mise en place de budgets
participatifs gérés par les élèves. Encourager la
coopération en apprenant dès le plus jeune âge
à résoudre les désaccords et les conflits par la
non-violence.
– Affirmer le caractère inclusif de l’école, ac-
cueillir dignement les enfants à besoins particu-
liers (situation de handicap, précocité, etc.), grâce
à une formation spécifique des professeurs et à la
professionnalisation du métier d’auxiliaire de vie
scolaire.
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
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– Encourager tous les projets d’éducation des
jeunes à la prévention santé et environnement.
– Réactiver dans les collèges et les lycées
les commissions d’éducation à la santé et à la
citoyenneté.
– Taxer à 1% les dépenses publicitaires des
médias à destination des jeunes publics pour fi-
nancer des initiatives d’enfants et de jeunes dans
les territoires.
– Donner à chaque jeune, quelle que soit sa
situation, la possibilité de passer six mois dans un
autre pays européen au cours de sa scolarité.
– Instaurer un service civique universel: que
chaque citoyen.ne puisse consacrer une semaine
par an ou une année à un engagement indemnisé
en faveur de la collectivité dans le domaine de son
choix.
– Créer des «maisons des savoirs et de la
formation populaire» ouvertes à tous les âges, en
s’appuyant sur les missions locales, les écoles de
la seconde chance et l’Éducation nationale.
– Éduquer sur le droit à une sexualité libre,
consentie et épanouissante.
VIII. Pour un véritable service public
de l’enseignement supérieur
Malgré une avalanche de réformes, les fai-
blesses historiques de l’enseignement supérieur
français perdurent, quand elles ne se sont pas ac-
crues: clivage entre écoles et universités, manque
global de moyens et fortes inégalités entre filières
et disciplines, orientation par défaut vers l’univer-
sité, qui aboutit trop souvent à l’échec. La loi du
22 juillet 2013 n’a pas répondu aux vrais enjeux de
– Promouvoir l’ouverture de l’école pu-
blique aux parents en leur permettant de par-
ticiper régulièrement aux tâches et aux projets
scolaires.
D. Éduquer autrement et tout au long de la vie
– Populariser l’accès à la pratique artistique
en offrant à chaque jeune une année de pratique
artistique gratuite dans un conservatoire, une
école d’art ou une association.
– Créer des associations de pratique artis-
tique dans les collèges et les lycées, encadrées
par des professeur.e.s et des professionnel.le.s
sur le modèle du fonctionnement des associations
sportives encadrées par les professeur.e.s d’EPS.
– Créer un dispositif interministériel (Culture
et Éducation nationale) pour soutenir et favoriser
dans les établissements scolaires l’intervention
d’artistes, la résidence d’écrivains et d’artistes du
spectacle vivant, des arts plastiques et de l’audio-
visuel, et la tenue d’événements culturels (spec-
tacle, exposition…) sur temps scolaire, accessibles
à tou.te.s hors temps scolaire.
– Développer des contenus pédagogiques
numériques gratuits, conçus si possible avec des
élèves, grâce à des partenariats entre l’Éducation
nationale et les acteur.trice.s de la culture.
– Généraliser le bio, proposer des produits lo-
caux de saison toute l’année, et servir au moins un
repas végétarien hebdomadaire dans la restaura-
tion collective (crèches, cantines scolaires, etc.).
– Enseigner l’économie domestique (gestion
de la maison, cuisine), l’agriculture, la menuise-
rie, etc., dans un souci d’économie de l’énergie et
des ressources.
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
124 125
– de reconnaître et d’encourager les multiples
formes d’engagement dans la vie citoyenne des
étudiant.e.s;
– d’améliorer le financement des thèses pour
obtenir à terme qu’elles soient toutes financées,
avec un système souple de trois années
équivalent temps plein, de créer un statut pour les
doctorant.e.s incluant la charte des thèses et la
possibilité de monitorat, et de reconnaître le titre de
docteur.e dans les grilles de la fonction publique et
dans les conventions collectives.
B. Donner une véritable ambition à l’orientation
et à la formation
Le système de formation supérieure français
reste appuyé sur une logique de hiérarchie entre
les filières et de sélection par l’échec. Le défi est
d’accompagner chacun.e dans la construction
de son projet, en permettant à tous les jeunes de
trouver une formation qui leur corresponde.
Pour cela, les écologistes proposent:
– d’inclure la formation pédagogique dans le service
des enseignant.e.s du supérieur;
– d’instituer des dispositifs d’évaluation qualitative
des enseignements;
– d’accélérer le rapprochement entre les grandes
écoles et les universités au sein de pôles
territoriaux et de développer le recrutement sur
dossier anonyme dans les écoles;
– de substituer progressivement aux classes
préparatoires des parcours renforcés de licence;
– d’améliorer l’accueil des étudiant.e.s
étranger.ère.s ou réfugié.e.s et de renforcer
les échanges avec les universités étrangères.
l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR):
au contraire, elle a contribué à amplifier la polari-
sation des moyens vers les pôles de prestige, via
la poursuite du «plan Campus», l’autonomie des
universités et leur mise en concurrence (à travers
les appels à projets devenus systématiques et les
critères internationaux quantitatifs de publication
et d’évaluation des labos) et les pôles d’excellence,
qui accroissent la compétition et alourdissent les
charges administratives des équipes de recherche,
sans moyens supplémentaires.
Les écologistes réaffirment que la possibilité
pour chacun.e de se former au meilleur niveau, le
développementdel’espritcritiqueetladiffusiondes
connaissances et des savoir-faire les plus récents
sont indispensables à un développement soute-
nable. Cela implique de faire de l’investissement
dans l’intelligence collective une vraie priorité.
A. Autonomiser les étudiant.e.s pour les rendre
acteur.trice.s de leur parcours
La paupérisation des jeunes est une réalité
qui conduit pour la première fois au recul du taux
de poursuite d’études après le bac. Il faut à la fois
assurer aux étudiant.e.s des conditions de vie et
d’études correctes et faciliter les parcours non
linéaires (année de césure, validation des acquis,
reprise d’études).
Les écologistes proposent:
– de mettre en place, en attendant la mise en œuvre
du revenu universel, une allocation de formation
sous la forme de seize semestres de revenu,
utilisable tout au long de la vie, en formation initiale
ou continue;
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
126 127
procédures d’évaluation depuis dix ans a fait perdre
beaucoup de temps et d’énergie.
D. Rendre à la recherche les moyens de son
indépendance
Une loi de programmation budgétaire est
indispensable. Elle s’articulera autour d’une aug-
mentation d’un milliard d’euros par an, financée
par le plafonnement progressif du crédit impôt re-
cherche (CIR). Nous avons pour objectif qu’1% du
PIB soit consacré à la recherche publique civile à
l’issue de la mandature (contre 0,8% aujourd’hui).
Les écologistes proposent:
– de rééquilibrer les financements au profit des
crédits de base, notamment par la réintégration
des crédits extrabudgétaires, comme les
investissements d’avenir, et de préciser les missions
de l’Agence nationale de la recherche (ANR) en
ciblant mieux ses appels, de manière à élever le
taux de succès;
– d’encadrer les recours aux CDD et aux heures
complémentaires, notamment pour les chargé.e.s
de cours, en supprimant l’obligation de réaliser
960 heures de travail, afin de lutter contre les abus
et de favoriser l’emploi pérenne, de revaloriser
les contrats à durée déterminée en fonction de
l’expérience des chercheurs;
– de cibler le financement de l’innovation vers les
PME, seul moyen de progresser concrètement
vers l’objectif de 3% du PIB pour la recherche et le
développement;
– de développer une coopération juste et équilibrée
avec les pays du Sud, en y soutenant la recherche
par des moyens financiers et logistiques.
C. Un service public de l’enseignement supérieur
et de la recherche, des régions à l’Europe
L’enseignement supérieur est une mission à
part entière de la collectivité: il doit donc dispo-
ser des moyens nécessaires à l’exécution de ses
missions, et peut en retour être appelé à jouer un
rôle clé dans la transition écologique et la structu-
ration des territoires.
Les écologistes proposent:
– de donner à un ministère de l’ESR de plein
exercice la tutelle de l’ensemble des formations
post-bac, en lien étroit avec les régions;
– de faire de l’immobilier universitaire un levier
de la transition écologique par le développement
d’éco-campus: plan général de rénovation du bâti
universitaire, amélioration de l’offre de transports
en commun, 70000 rénovations et 50000
nouvelles chambres éco-conçues, alimentation bio
et équitable, centres de santé, crèches, etc.;
– de développer l’emploi scientifique et de résorber
progressivement la précarité en créant chaque
année 5000 postes statutaires.
D’autre part, la transition écologique suppose
de faire le pari de l’intelligence collective. Cela passe
non seulement par une recherche publique indépen-
dantedesintérêtséconomiques,maiségalementpar
un lien renforcé avec la société, qui est aujourd’hui
capable de créer ou de co-créer de la connaissance
dans de nombreux domaines. Cela suppose de re-
trouver un juste équilibre entre confiance et contrôle
des laboratoires, afin de remettre ceux-ci en situa-
tion de coopération plutôt que de concurrence. La
multiplication des guichets de financement et des
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
128 129
Les écologistes proposent:
– de développer les recherches fondées sur une
collaboration entre les laboratoires de recherche
publics et les organisations de la société civile;
– de développer l’accès libre aux biens publics par
la numérisation du patrimoine et la mise en place
d’exceptions aux droits de propriété intellectuelle
tenant compte de l’intérêt général; d’imposer
l’open access et de renforcer l’open science, qui
permettent d’accélérer la recherche, d’augmenter la
transparence, de décloisonner les secteurs (public,
privé et citoyen) et les filières, et de soutenir tous
les types de recherche, notamment en sciences
humaines.
IX. Les droits culturels: un autre modèle
de société, d’autres pratiques
Les «droits culturels» sont au cœur de notre
conception d’une politique culturelle durable et so-
lidaire, facteur de liberté, d’égalité et de fraternité
entre les personnes et les peuples. Ils se déclinent
danstouteslespolitiquespubliquescommeprincipe
d’émancipation, d’épanouissement des personnes,
d’accès aux savoirs et d’exercice de la démocratie.
Ainsi, chacune des politiques publiques devra inté-
grer la dimension culturelle dans sa mise en œuvre,
entendue au sens anthropologique des échanges
symboliques, de la circulation d’objets et de pra-
tiques interculturelles, qui font le ciment de toute
société, favorisent l’interconnaissance et la com-
mune humanité. Qu’il s’agisse de l’art dans l’espace
public et l’aménagement du territoire, de l’éduca-
tion, de la santé et du «prendre soin», de l’habitat,
de l’environnement, des sciences et techniques, de
E. Des orientations prises dans la transparence
L’indépendance de la recherche publique
doit être garantie. Si certains axes méritent d’être
particulièrement soutenus, la décision doit faire l’ob-
jetd’unlargedébatassociantl’ensemble de lasociété.
Les écologistes proposent:
– de mettre en place un office national indépendant
chargé de mettre en débat public les grands choix
en matière scientifique;
– d’élaborer davantage de «projets blancs» dans
le cadre de l’ANR, c’est-à-dire non fléchés sur des
thématiques imposées, pour permettre l’émergence
de sujets de recherche indépendants des lobbys ou
des orientations ministérielles;
– de réviser les processus d’évaluation pour
que celle-ci soit strictement qualitative et
automatiquement déléguée aux instances
majoritairement élues;
– de garantir une expertise publique autonome
et contradictoire en créant une Haute Autorité de
l’alerte et de l’expertise, et de mettre en place un
statut véritablement protecteur des lanceur.se.s
d’alerte.
F. Ouvrir la recherche à la société
Face au défi de la transition écologique, il
faut mettre en place une véritable démocratie
scientifique. Les pratiques d’«open science» et
la participation citoyenne bénéficient autant aux
chercheur.se.s qu’à la société; elles doivent être
encouragées et développées partout où elles font
sens.
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
130 131
les plus défavorisées en raison de leur situation
sociale ou de leur appartenance à une minorité;
– de promouvoir la diversité culturelle et la
participation de tou.te.s à la vie culturelle;
– de co-élaborer des plans locaux d’éducation
artistique et culturelle, aux différentes échelles
territoriales, avec la communauté éducative et les
acteurs culturels et sociaux;
– de redéployer les financements publics pour
atteindre les objectifs d’une politique culturelle
ambitieuse: trouver de nouveaux équilibres entre
les outils existants et de nouveaux dispositifs plus
équitables, entre des acteurs reconnus et d’autres
émergents, entre institutions, acteurs associatifs
et «tiers-secteur», entre zones urbaines et zones
rurales;
– de réaffirmer et de faire appliquer les objectifs du
1% culture du budget de l’État et du 1% artistique
dans les constructions publiques;
– de créer un fonds de développement du tiers-
secteur culturel (ESS) et de mettre à disposition
des moyens mutualisés pour permettre aux artistes
et aux artisans d’art d’accéder à des locaux ou
terrains vacants et à des services partagés;
– de soutenir le développement de «tiers-
lieux» pour favoriser les périodes de recherche
et d’expérimentation des artistes et stimuler le
dialogue avec la population;
– de consolider et de développer l’offre légale sur
Internet, de supprimer les lois DAVDSI et Hadopi,
qui criminalisent les utilisateur.trice.s, et co-
élaborer de nouveaux dispositifs afin d’assurer le
financement de la production artistique numérique;
– de libérer les données publiques open data
en formats accessibles aux citoyen.ne.s afin de
l’artisanat, de l’économie, du social ou encore de la
coopération internationale, les «droits culturels»
doivent être visibles et défendus.
Aujourd’hui, la non-reconnaissance de cer-
taines expressions culturelles par les institutions
publiques, la marchandisation des biens et des
services culturels au détriment de l’équilibre entre
service public et marché privé, l’ingérence des
pouvoirs politiques dans la programmation artis-
tique, ou le renoncement à leur responsabilité en
matière culturelle, ainsi que le fondamentalisme
religieux menacent la vie culturelle et artistique
ainsi que son rôle essentiel dans la cohésion so-
ciale et le «faire société».
Nous, écologistes, souhaitons au contraire
accorder à la culture un rôle primordial dans la
construction durable du «bien-vivre ensemble».
Les lieux culturels doivent s’appréhender comme
des espaces de liberté de création, de partage et
de transmission, de débat et de reconnaissance
des personnes et de leurs expressions, acces-
sibles par tou.te.s.
À l’heure des replis identitaires, de l’intolé-
rance et de la peur de l’autre, les écologistes sou-
haitent faire de la culture une source de cohésion
sociale, d’expression de la diversité et de la créati-
vité, d’expérience de l’altérité, de partage des biens
communs, de convivialité, de désir et de plaisir.
Les écologistes proposent:
– d’instaurer une gouvernance partagée des
politiques culturelles: l’inscription des «droits
culturels» dans la loi confère aux pouvoirs publics
l’obligation de développer des modes de concertation
et de participation, en particulier pour les personnes
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
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Les écologistes proposent:
– d’assurer l’indépendance financière et stratégique
des grandes entreprises de l’audiovisuel public,
qui ont un rôle central à jouer dans le numérique,
notamment pour une information indépendante et
vérifiée;
– de garantir que la nomination des dirigeant.e.s
de ces entreprises ne relèvera pas d’un arbitraire
politique mais se fera en concertation avec les
professionnels et les usagers, et de repenser la
composition de leurs conseils d’administration,
pour que les représentant.e.s de l’État y soient
minoritaires et ceux des professionnels et des
usagers majoritaires;
– de supprimer la publicité sur France Télévisions;
– de renforcer et de redéfinir les missions des
Web-Cosip (dispositif visant à accompagner
le développement et la production d’œuvres
patrimoniales audiovisuelles sur Internet) et du
Dicréam (dispositif pour la création artistique
multimédias et numérique) afin d’encourager
les nouvelles formes de création audiovisuelle,
numérique et transmédias par un soutien en amont
à la création;
– de réexaminer et de clarifier les missions
des sociétés collectives de gestion de
droits (auteurs, interprètes, producteurs,
distributeurs, etc.) et d’assurer une
meilleure représentativité aux multiples ayants
droit issus des mutations technologiques;
– d’assurer un large soutien interministériel aux
pôles territoriaux de développement économique
dédiés aux thématiques numériques transversales:
éducation, tourisme, artisanat, écologie ou
citoyenneté;
permettre la création de nouveaux services et
le développement d’une économie culturelle de
partage;
– de consolider l’accord de 2016 du régime de
l’intermittence et de réexaminer ses sources
de financement, et de promouvoir un statut de
«pluriactif culturel» conjuguant revenus de
transfert et revenus d’activité, pour une garantie de
revenus;
– de développer les droits sociaux des artistes
plasticien.ne.s et des intervenant.e.s culturel.le.s;
– de soutenir les librairies, les disquaires, les labels
et les cinémas indépendants.
X. Droit à l’information et à l’indépendance
des médias: défendre la liberté d’informer
et soutenir la création audiovisuelle
Le rôle des médias dans la construction et la
transmission de l’information, dans l’éducation et
la formation, voire dans le «formatage» de notre
imaginaire social, n’est plus à démontrer. Les mé-
dias ayant acquis un poids décisif dans la forma-
tion de l’opinion, il est vital pour nos démocraties
que leur indépendance soit assurée par la puis-
sance publique. Or, ce que nous observons depuis
des années est inquiétant: concentration des opé-
rateurs privés et mainmise de puissants groupes
financiers ou industriels, connivences politico-
médiatiques, recherche du profit et homogénéi-
sation des productions. Le métier de journaliste
indépendant.e est de plus en plus difficile à exer-
cer, et la profession se précarise. Il y a urgence à
rétablir l’indépendance des médias et à permettre
l’exercice du métier de journaliste en toute liberté.
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
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2. ÉLARGIR LE PACTE SOCIAL
À DE NOUVEAUX DROITS
Le contrat social que nous connaissons est
issu, dans ses grands principes, du programme
du Conseil national de la Résistance. Fondé sur le
volontarisme de l’État social, il a permis d’instal-
ler un socle de droits favorable à une plus grande
cohésion sociale. Pourtant, face au chômage de
masse, aux difficultés de la jeunesse et aux inéga-
lités persistantes, de nouveaux droits et solidari-
tés sont à inventer.
I. Pour la reconnaissance de toutes les familles
– Réformer le système d’adoption (plus de
transparence).
– Réformer la filiation afin de la faire reposer
sur le projet parental et non sur la biologie: un pa-
rent d’intention doit pouvoir être reconnu comme
parent sans avoir à adopter son propre enfant.
– Assurer un véritable statut aux parents so-
ciaux, à égalité avec les parents biologiques. En
effet, la cellule familiale a évolué; les familles re-
composées, homoparentales, la coparentalité etc.
doivent être prises en compte afin que chacun.e
puisse trouver sa place dans la famille et dans la
société et puisse être protégé.e de manière égale,
quelle que soit la forme du foyer.
– Sécuriser et reconnaître toutes les familles,
notamment celles dont un enfant est né par PMA
(procréation médicalement assistée) ou par GPA
(gestation pour autrui) légale à l’étranger. Il est
inadmissible que des enfants pâtissent des choix
faits par leurs parents pour leur conception.
– de faciliter la présence d’une presse indépendante
d’information en ligne, notamment en lui accordant
les mêmes droits qu’à la presse papier (taux de
TVA, annonces légales);
– d’encourager l’émergence de médias
indépendants par la création d’un statut de
fondation (et donc de fonds de dotation) et d’un
organisme indépendant équivalent au Centre
national du cinéma (CNC), avec des taxes prélevées
sur les «tuyaux» de communication télécoms
et autres opérateurs Internet; ce fonds serait
redistribué aux projets de médias indépendants,
avec des sommes allouées suffisantes pour faire
tourner une équipe de journalistes.
De plus nous défendrons:
– une directive européenne pour empêcher les
gros industriels de faire main basse sur des médias
indépendants en en devenant les principaux
actionnaires;
– une exonération de taxes (ou du moins une
taxation très faible) pendant trois ans, le temps
pour un jeune média d’atteindre sa vitesse de
croisière;
– la protection des lanceur.se.s d’alerte et du secret
des sources des journalistes;
– la défiscalisation des dons aux médias;
– le retrait de la directive sur le secret des affaires, etc.
Le pluralisme des médias sera garanti. Il faut
abroger la loi du 5 mars 2009 relative à la com-
munication audiovisuelle et redonner au CSA ses
prérogatives. Le mode de nomination et de dési-
gnation du CSA permettra d’assurer la représen-
tativité de l’ensemble de la société civile.
BIEN VIVRE
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par rapport à 2015, mais il reste en deçà de la
moyenne européenne.
Parallèlement, la situation des personnels
de la justice – greffiers, magistrats – ne s’est pas
améliorée. L’institution judiciaire est exsangue,
les délais de jugement continuent de s’allonger,
les comparutions immédiates augmentent et
entraînent 70% des peines d’emprisonnement.
Outre la garantie de son indépendance, il est né-
cessaire d’améliorer l’efficacité de la justice, de la
rendre plus accessible et plus respectueuse des
droits de tou.te.s.
Les écologistes proposent:
– D’augmenter le budget de la justice. Une loi
d’orientation et de programmation sera discutée
au Parlement. Elle évaluera les besoins matériels
et humains de la politique judiciaire, ainsi que ses
objectifs sur cinq ans.
– Une justice équitable. Un véritable habeas
corpus à la française sera proposé. La Cour de
justice de la République sera supprimée. La
comparution immédiate sera mieux encadrée, son
utilisation restreinte et la durée des audiences
limitée.
– Une réforme de la justice antiterroriste, qui
souffre de dérives nombreuses. Les peines
planchers et la rétention de sûreté seront abrogées.
Afin de désengorger les tribunaux, certains délits
seront dépénalisés.
– Une augmentation du budget de l’aide
juridictionnelle et l’expérimentation d’un dispositif
innovant de pro bono. En concertation avec
les professionnels du droit, une nouvelle carte
judiciaire sera élaborée, afin que toute personne
– Régler la question du mariage des couples
binationaux en réaffirmant que le mariage pour
tou.te.s les concerne également.
– Ouvrir la PMA à toutes les femmes.
– Ouvrir un débat contradictoire sur la GPA.
II. Le droit d’être soi: renforcer la lutte
contre les discriminations de genre
– Donner de vrais droits aux personnes trans:
changement de sexe libre, gratuit et déclaratif.
– Renforcer la lutte contre l’homophobie, la
lesbophobie et la transphobie dans toute la vie
scolaire, le monde sportif et le monde du travail,
par la sensibilisation de tou.te.s les acteur.trice.s.
– Prévoir un aménagement favorisant la
mixité de genre dans tous les espaces publics de
jeux et sportifs.
– Former les personnels de la fonction pu-
blique à l’accueil des personnes LGBT.
III. Le droit à une justice équitable,
accessible et efficace
La France est la cinquième puissance
mondiale et, en tant que « pays des droits de
l’homme », on s’attendrait à ce qu’elle soit exem-
plaire quant à l’importance de la part de son
budget dédiée à la justice. Or, il n’en est rien.
Bien qu’elle compte parmi les pays les plus
riches du monde, la part de son budget public
annuel allouée au système judiciaire représente
0,197 % de son PIB. En 2016, la France a consa-
cré un budget total à la justice de 8,04 milliards
d’euros. Ce budget est en augmentation de 1,3 %
Vers un nouveau pacte social
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matière, qui tient compte de l’intérêt supérieur
de l’enfant.
Des mesures s’imposent pour éviter la mise à l’écart
des mineurs et leur redonner une place au sein du
corps social:
– privilégier les mesures éducatives en milieu
ouvert et favoriser les alternatives à l’enfermement;
– engager une véritable politique pénale dans le
cadre d’une justice réparatrice;
– promouvoir au sein de l’école les questions de
justice (droits et devoirs);
– renforcer la Protection judiciaire de la jeunesse en
sa qualité de service public et de ses missions, à la
fois au civil et au pénal;
– renforcer les moyens en matière d’équipements
et de personnels: étoffer les services en équipes
pluridisciplinaires: psychologues, assistant.e.s
sociaux.ales, éducateur.trice.s;
– réhabiliter les services d’insertion
professionnelle;
– créer une brigade des mineur.e.s en charge des
affaires au pénal.
Enfin, l’état des prisons françaises consti-
tue un véritable scandale dans une démocratie
moderne. Au 1er
avril 2016, on comptait 68361
personnes détenues pour 58659 places, et 1645
détenus dormaient sur des matelas par terre…
Dans l’ensemble des maisons d’arrêt, le taux de
surpopulation carcérale est de 137%. Certains éta-
blissements atteignent même des taux records de
200%! Régulièrement, les prisons françaises font
l’objet de critiques, que ce soit au niveau national
ou international. Les rapports parlementaires sur
puisse bénéficier d’une juridiction accessible à
proximité de chez elle.
– Afin de lutter contre les délits environnementaux,
la création d’un pôle environnemental, auquel
seront affecté.e.s des magistrat.e.s spécialisé.e.s.
Le code de l’environnement sera revu et les recours
seront simplifiés. Les catastrophes industrielles
pourront relever de la faute inexcusable.
– De préserver la spécificité des lois pénales
spéciales, notamment la loi de 1881 sur la liberté de
la presse.
Par ailleurs, la France a été un modèle en
matière de justice des mineurs au lendemain de la
Libération: l’ordonnance du 2 février 1945 a posé
le principe essentiel de la primauté de l’éducatif
sur le répressif. Or, ces principes ont été large-
ment remis en cause par les politiques mises en
place depuis quinze ans, notamment par les gou-
vernements de droite, souvent, hélas, avec l’ac-
cord tacite de la gauche. Nous sommes passés de
l’enfant victime de son milieu de vie, qui a besoin
d’éducation, d’aide sociale, de compréhension
psychologique, à l’enfant coupable, qui a choisi la
délinquance et doit être sanctionné, la sanction
étant considérée comme éducative.
Le choix des moyens alloués à la justice des
mineurs détermine sa politique en la matière.
Quelles que soient les mesures prises à l’égard
des enfants, la préservation de ses droits doit
rester au cœur de tous les dispositifs mis en
place pour sa prise en charge. L’évolution des
politiques publiques en direction de l’enfance et
de la jeunesse doit se faire dans le respect des
textes internationaux et du droit européen en la
Vers un nouveau pacte social
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accroissement du contrôle social et politique,
développement et croisement des fichiers, y
compris biométriques…
Le projet écologiste réaffirme une vision
mondiale de la question et prône une politique
d’immigration ouverte et humaniste, permettant
une autre approche des rapports Nord-Sud que
la guerre aux migrant.e.s menée actuellement par
l’Union européenne à travers l’agence Frontex.
En effet, la mission principale de cette agence
consiste à maintenir et à agrandir les camps éloi-
gnés de l’Europe (Libye, Égypte, Maghreb, Niger…),
de manière à bloquer l’arrivée des réfugié.e.s et
migrant.e.s dans l’espace Schengen.
Le «droit à la mobilité», qui figure dans la
Déclaration universelle des droits de l’homme de
1948 (article 13), est un élément fondamental de
la liberté de chaque être humain. Il sera précédé
d’une mesure d’apurement des situations créées
ces quinze dernières années.
D’autre part, le droit de solliciter l’asile est un
principe de valeur constitutionnelle.
Les écologistes proposent:
– L’application des conventions internationales
signées par la France (convention de Genève sur le
droit d’asile, Convention européenne des droits de
l’homme, Convention des droits de l’enfant…) et la
ratification par la France de la convention de l’ONU
sur les droits des travailleur.se.s migrant.e.s et des
membres de leur famille.
– La mise en œuvre d’une politique d’accueil des
réfugié.e.s qui respecte leurs droits et leur dignité.
La France doit accueillir un nombre plus important
de personnes réfugiées venues directement
les prisons sont unanimes sur les conditions de
vie des détenus: la surpopulation, l’insalubrité et
le manque chronique de personnel sont dénoncés
sans que les pouvoirs publics ne réagissent.
Les écologistes proposent:
– un plan d’urgence pour les prisons à partir des
recommandations de la Contrôleure générale des
lieux de privation de liberté;
– une véritable réflexion sur l’échelle des peines
et le renforcement des mesures alternatives à
l’emprisonnement;
– l’augmentation des effectifs de l’administration
pénitentiaire (il manquait 1500 agent.e.s en 2016);
– la mise en œuvre effective du principe de
l’encellulement individuel, avec prise en compte
par les juridictions des capacités d’accueil des
établissements, et particulièrement dans les cahiers
des charges de gestion privée des prisons.
IV. Une politique des migrations respectueuse
des droits
Alors que le monde traverse sa plus grande
crise des réfugié.e.s depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale, avec plus de 21 millions de
réfugié.e.s en 2016, depuis trente ans, le dis-
cours faisant de l’immigré.e le bouc émissaire
de la crise de l’emploi, de la crise sociale, de la
« crise des banlieues », des déficits des budgets
sociaux ou des comptes de l’État est passé de
l’extrême droite au sommet de l’État. Depuis
2002, nous assistons à une avalanche de textes
répressifs et de pratiques attentatoires aux
droits humains : objectifs chiffrés d’expulsions,
Vers un nouveau pacte social
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l’accès aux droits, et la suspension de toute
évacuation de bidonville qui ne s’accompagne pas
de propositions d’hébergement.
– La présence de correspondant.e.s d’asile et
d’orientation aux frontières et aux gares, et la mise
en place de centres d’accueil de taille humaine et de
proximité sur tout le territoire pour les personnes
qui arrivent de pays en guerre ou gouvernés par des
dictatures sanguinaires.
– La suspension du renvoi des demandeur.se.s
d’asile dans le pays de première entrée dans
l’Union européenne, prévu par les accords de
Dublin.
– Une réécriture du Ceseda (code de l’entrée et du
séjour des étrangers et du droit d’asile), qui prévoit
le rétablissement du droit de circulation avec
l’unification des visas.
– La suppression des restrictions au droit à vivre en
famille, à la vie privée et aux soins.
– Une garantie de protection sur le long terme des
mineur.e.s isolé.e.s, d’autant que leur nombre est en
augmentation exponentielle.
V. Outre-Mer: en finir avec la République
postcoloniale, vers la responsabilité
et le développement durable
Les départements, régions et territoires ultra-
marins (Drom-Com) représentent 4% de la popu-
lation nationale (soit 2,7 millions de personnes en
2016), près de 17,9% du territoire national et 97%
de l’espace maritime (zone économique exclusive,
ZEE).
Les Outre-Mer procurent effectivement à la
France 97% des 11 millions de kilomètres carrés
d’un premier pays d’asile, et retirer les clauses
migratoires des accords bilatéraux.
– Le respect des droits fondamentaux des
personnes étrangères comme des nationaux, avec
l’encadrement des contrôles d’identité et la fin
de la mainmise du ministère de l’Intérieur sur les
directions ministérielles les concernant (travail,
visas, nationalité, etc.).
– L’affectation des moyens nécessaires au service
en charge de l’enregistrement des demandes d’asile
pour que le délai de trois jours soit respecté sur
l’ensemble du territoire français.
– La dépénalisation du séjour irrégulier.
– Le caractère suspensif des recours pour toute
décision relative au séjour.
– La fermeture des prisons administratives que sont
les centres de rétention et les zones d’attente.
– L’abrogation du délit de solidarité.
– La lutte contre les filières mafieuses et toutes les
formes d’exploitation de la précarité, en particulier
des immigré.e.s, dont de nombreux mineurs et
jeunes non accompagnés.
– La réaffirmation de la nécessité de procéder
en continu à la régularisation de la situation
administrative des étranger.ère.s présent.e.s sur
notre territoire, et de ne pas accepter l’arbitraire et
les disparités de pratiques entre les préfectures.
– La solidarité avec les Roms. Persécuté.e.s
dans leurs pays d’origine et soumis.e.s à des
réglementations discriminatoires bien que citoyen.
ne.s européen.ne.s, les Roms ont en outre fait
l’objet d’attaques particulièrement odieuses de la
part du gouvernement français.
– La mise en place d’une véritable politique positive
de résorption des bidonvilles par l’insertion et
Vers un nouveau pacte social
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La mer, notamment, présente de réelles op-
portunités pour les Outre-Mer en termes de res-
sources alimentaires (ressources halieutiques),
biologiques (pharmacie, santé), commerciales
(relais des routes maritimes et pôles de distribu-
tion), énergétiques (pôle de développement des
énergies marines renouvelables) et touristiques.
La biodiversité, la possibilité de développer mas-
sivement les énergies renouvelables, l’agricul-
ture, la pêche et les petites entreprises (unités
de transformation, commerces, artisanat local)
doivent être encouragés.
Pourtant, depuis 1946, les gouvernements
successifs n’ont cessé d’osciller entre effets d’an-
nonce et menace d’abandon de ces territoires, en
lieu et place d’une politique audacieuse. L’absence
d’une politique volontariste contribue à faire de
ces Drom-Com des lieux d’inégalités sociales, de
chômage et de pauvreté: les richesses demeurent
concentrées aux mains de quelques-un.e.s, le
chômage est plus élevé que dans l’Hexagone,
le nombre d’allocataires du RSA explose, l’illet-
trisme et les détresses individuelles et sociales
sont visibles, les questions des transports et de
la pollution sont une préoccupation généralisée
et constante, tout comme l’étalement urbain et
l’aménagement des territoires, etc.
De telles réalités constituent des freins pour
faire face aux défis auxquels sont confrontés les
Outre-Mer. Parmi ceux-ci: la croissance démo-
graphique et ses conséquences en matière de
logements, d’infrastructures publiques, de sé-
curité alimentaire et énergétique, de gestion de
l’eau et des déchets sans recours à l’incinération,
notamment, et les crises climatiques, avec la
de sa ZEE, incluant 55000 km2
de récifs coral-
liens et de lagons, soit environ 10% de la superfi-
cie mondiale. C’est donc grâce aux Outre-Mer que
la France possède aujourd’hui le deuxième espace
maritime du monde.
Ces régions et territoires concentrent au-
jourd’hui abondamment ressources, défis et iné-
galités. S’ils constituent l’une des plus grandes
réserves de biodiversité au monde, ils confrontent
aussi nos compatriotes aux plus grands défis éco-
nomiques et sociaux. Les conséquences cumu-
lées de l’esclavage, du colonialisme, de l’économie
de comptoir et du déséquilibre des échanges ont
engendré une situation de dépendance, transfor-
mant à bien des égards, mais à des degrés divers,
ces régions et territoires en colonies d’hypercon-
sommation, souffrant d’un retard de développe-
ment économique et social structurel.
Ces territoires sont notamment menacés par
le dérèglement climatique, avec la montée des
eaux et l’érosion de leur littoral, par la déforesta-
tion, l’extractivisme et la destruction de leurs éco-
systèmes, du fait d’un développement reposant
sur le modèle productiviste, qui fait une large part
au tout-automobile. Quelques grands groupes y
maîtrisent l’ensemble des échanges commerciaux,
bloquent toute politique de développement local
et imposent sur place leur modèle de consom-
mation et des prix exorbitants (y compris sur des
produits de première nécessité). Enfin, le chô-
mage ainsi que les très grandes inégalités dans
l’accès aux droits et la pauvreté font des ravages,
entraînant des problèmes croissants d’insécurité.
Pourtant, les ressources et les potentiels de déve-
loppement soutenable ne manquent pas.
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
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énergétique grâce aux énergies renouvelables,
notamment par l’accompagnement des investis-
seurs publics et privés dans des programmes de
développement des énergies solaires, éoliennes
et géothermiques; s’assurer que les financements
destinés à la biomasse ne servent pas indirec-
tement à solvabiliser la déforestation ou la «dé-
friche agricole».
– Dans le domaine de l’environnement: pro-
téger la biodiversité des territoires, entre autres
par un contrôle accru de l’exploitation des milieux
naturels (exploitations minières, forestières…)
et des bassins de reproduction des espèces
endémiques (mangroves, notamment). La sauve-
garde des parcs nationaux est une priorité.
– Dans le domaine du tourisme: établir un
schéma de développement touristique en cohé-
rence avec les bassins géographiques.
– Dans le domaine du transport: développer
les infrastructures de transport en commun et de
modes de déplacement doux; créer des autorités
territoriales uniques organisatrices de la mobilité
(AOM) dans chaque territoire.
B. L’émergence d’une société plus juste
– En matière de fracture numérique: assurer
le déploiement des technologies de l’information
et de la communication (TIC) dans l’ensemble des
territoires.
– En matière de continuité territoriale: ga-
rantir le droit à la mobilité des Ultramarin.e.s et
des ressortissant.e.s des Outre-Mer en favorisant
la réduction des coûts de transport entre l’Hexa-
gone et les territoires des Outre-Mer, mais aussi
entre les différents territoires.
raréfaction des ressources naturelles. Le modèle
de développement productiviste importé et im-
posé aux territoires ultramarins a fait la preuve
de son échec.
C’est pourquoi, les écologistes proposent un
plan de rattrapage qui doit s’exprimer à travers
des politiques spécifiques, par une péréquation
permettant de promouvoir un développement
soutenable et par une reconnaissance prenant
en compte la spécificité et le potentiel de chaque
territoire. Chacun pourra alors progressivement
réduire sa dépendance à l’Hexagone, en accédant
à un modèle de développement plus autonome,
privilégiant ainsi les circuits courts et centrés sur
sa zone géographique.
A. Un développement soutenable et local
– Dans le domaine du commerce et de l’in-
dustrie: orienter les investissements vers le dé-
veloppement local; favoriser l’accès des PME et
des TPE aux financements bancaires et aux fonds
européens.
– Dans le domaine de l’agriculture: viser la
souveraineté alimentaire au moyen d’une réforme
foncière permettant de restituer le foncier aux
communes et aux collectivités qui en ont la ges-
tion; repenser le schéma de développement agri-
cole; réhabiliter des sols qui ont été pollués dans
le silence de l’État, afin d’aider et d’encadrer le
développement d’une filière bio sur tous les terri-
toires des Outre-Mer, et favoriser l’installation des
jeunes agriculteurs.trice.s bio.
– Dans le domaine de l’énergie: substituer
les énergies propres aux énergies fossiles au
terme de la mandature; atteindre l’autosuffisance
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
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la déclaration des Nations unies sur les droits
des peuples autochtones, signée en 2007; de
signer la convention 169 de l’OIT sur la reconnais-
sance des peuples autochtones présents dans les
Outre-Mer.
C. L’adaptation des structures institutionnelles aux
réalités des territoires
– Permettre à chaque territoire de choisir sa
structure administrative.
– En matière de coopération régionale: doter
les collectivités majeures, dans le respect de la
hiérarchie des institutions, de pouvoirs de déci-
sion concernant l’articulation de leurs relations
avec les pays de leur zone géographique.
VI. Une autre politique pour les Français.e.s
établi.e.s hors de France
La population des Français.e.s de l’étran-
ger est en forte croissance et représente environ
3,5 millions de personnes, dont près de la moitié
sont binationales, se répartissant entre celles
résidant dans l´Union européenne et celles habi-
tant dans le reste du monde. Ces personnes sont
représentatives de toutes les couches sociales et
affrontent, comme sur le territoire national, les
crises quelles qu’elles soient, dans un contexte
où l’État s’est déresponsabilisé de ses tâches
primordiales.
Que ce soit en matière de citoyenneté et de
sécurité, d’éducation, de culture, de recherche, de
protection sociale et de fiscalité, de droits envi-
ronnementaux, de politique étrangère ou de déve-
loppement, les écologistes proposent:
– En matière de logement social: mettre
en place un plan de résorption de l’habitat insa-
lubre sur l’ensemble des territoires et un plan de
construction de logements sociaux, en prenant
en compte les besoins des familles et la réalité
climatique.
– En matière de réparations: opérer une
réelle indemnisation du préjudice subi par les vic-
times des essais nucléaires et par les pêcheur.se.s
et agriculteur.trice.s impactés par la pollution des
sols et des eaux par le chlordécone et autres pes-
ticides, avec la complicité de l’État.
– En matière de protection de l’en-
fance: renforcer les structures d’accueil et
d’accompagnement des mineur.e.s et des jeunes
adultes rencontrant des difficultés sociales.
– En matière de lutte contre la délinquance :
développer les structures de prévention de la
délinquance des mineur.e.s ; lutter contre la
déscolarisation ; développer les écoles de la
parentalité.
– En matière de mémoire, nous défendons la
création dans l’Hexagone d’un musée de la Traite
transatlantique (dans une des villes têtes de pont
du commerce triangulaire).
– En matière de fiscalité: une réforme de la
fiscalité dans les Outre-Mer devra faire l’objet
d’une réflexion associant l’État mais aussi les
collectivités.
– En matière de droit, il est indispensable de
redonner aux peuples autochtones des Outre-
Mer et aux minorités leurs droits fonciers cultu-
rels; de mettre en pratique les obligations que
nous confère le protocole de Nagoya, que nous
avons signé en septembre 2011, en accord avec
Vers un nouveau pacte social
BIEN VIVRE
– de mener une politique réellement progressiste,
inclusive et solidaire dans le domaine de
l’éducation: garantir un accès équitable à une
éducation française, et notamment au réseau des
écoles et des lycées français (augmentation des
dotations et révision à la hausse des barèmes de
bourses, extension de la capacité d’accueil des
établissements là où c’est nécessaire, maîtrise
de l’augmentation des frais de scolarité des
établissements de l’Agence pour l’enseignement
français à l’étranger);
– de soutenir l’action culturelle et linguistique à
l’extérieur: rétablir la couverture du réseau culturel
français à l’étranger;
– de faciliter la mobilité internationale des
Français.e.s ainsi que leur retour en France:
renforcement du réseau consulaire et des services
apportés aux Français.e.s établi.e.s hors de France
(aide à l’insertion professionnelle, réseautage…),
amélioration de la prise en compte des années
travaillées à l’extérieur dans le calcul de la
retraite (annuités, transferts de droits là où c’est
possible), aide à la mobilité étudiante en créant
des opportunités de financement des études à
l’étranger;
– de renforcer les droits civiques des Français.e.s
de l’étranger: finaliser la réforme de leur
représentation en transformant l’Assemblée des
Français de l’étranger en une véritable collectivité
publique, élue à la proportionnelle directe,
en charge des politiques publiques à destination
des Français.e.s de l’étranger.
QUATRIÈME PARTIE
FACE À L’ÉTAT D’URGENCE ET AUX MENACES
SUR LES LIBERTÉS PUBLIQUES:
DÉMOCRATIE RÉINVENTÉE ET ÉGALITÉ DES TERRITOIRES
152 153
refondation de la démocratie passe-t-elle par la
réforme des institutions territoriales? Par davan-
tage de fédéralisme? Comment passer de l’État-
nation à des institutions supranationales? Et
comment décliner autrement, dès lors, la souve-
raineté populaire? Comment exercer une citoyen-
neté active à l’échelle du territoire?
«J’essaie de voir comment on peut redonner
une chance à la démocratie.»
Achille Mbembe
Les démocraties européennes sont à un tournant.
Soit elles se réinventent profondément et placent
la citoyenneté active au centre de leurs dispositifs
institutionnels, soit elles plient et disparaissent
sous la pression des oligarchies, du chaos géopo-
litique et de la montée des intégrismes. La montée
des dispositifs sécuritaires et liberticides face aux
attentats doit nous alerter, comme doivent nous
alerter la crise de la représentation politique, le
sentiment du «tous pourris» partagé par une
partie de l’opinion et l’inertie ou l’impuissance
du corps politique face à l’urgence écologique.
Parallèlement, un désir profond de transforma-
tion se manifeste ici et là à travers le monde, par
le réveil de l’esprit démocratique. Des Indignés
espagnols à Occupy Wall Street, des occupations
de places à Nuit debout, l’expérimentation de pra-
tiques de démocratie directe est une dimension
forte de la période actuelle: tirage au sort, vote à
main levée, jury citoyen, etc.
Il est donc urgent de réinventer et de propo-
ser de nouvelles formes d’exercice de la démo-
cratie ou de «nouveaux modes d’action pour agir
sur les affaires communes» (Kristin Ross). La
Démocratie réinventée et égalité des territoires
154 155
par tous les moyens mais dans le cadre de l’État
de droit. Nous devons donc répondre au besoin
de sécurité qui s’exprime dans la société fran-
çaise tout en préservant nos institutions et la
Constitution. À cet égard, l’évolution vers une jus-
tice préemptive est préoccupante, puisqu’il s’agit
de condamner des «suspects» avant qu’ils n’aient
agi, sur la simple observation de supposés signes
précurseurs. La virtualité du passage à l’acte se
substitue alors à la matérialité du fait, et la gestion
du risque au modèle légaliste de l’État de droit.
Or, pour les écologistes, le terrorisme ne
se combat ni en restreignant les droits et les li-
bertés individuelles ni en désignant des boucs
émissaires.
Les écologistes déplorent qu’à un travail de
fond sur la sécurité aient été préférées l’agitation
médiatique et la facilité d’un état d’urgence que
tout le monde s’accorde à qualifier d’inutile. Ceux
qui instrumentalisent nos peurs mentent, il n’y a
pas à choisir entre guerre civile et aventure ex-
trémiste: la riposte démocratique est possible si
nous avons le courage d’œuvrer à développer la
cohésion sociale. Par ailleurs, la question du ter-
rorisme percute d’autres problématiques posées
à la société française depuis plusieurs années,
comme celles de la laïcité, de l’autorité, de l’iden-
tité et de la place de l’Islam.
C’est pourquoi nous ne pouvons pas aborder
la lutte contre le terrorisme et le radicalisme vio-
lent uniquement travers des mesures sécuritaires
ou policières. Opposer sécurité et prévention,
c’est se condamner à l’échec.
Nous constatons qu’il n’y a pas de profils so-
ciaux type des candidats à la radicalisation: d’un
1. ÉTAT D’URGENCE ET DÉMOCRATIE
«Les nouveaux défis du XXIe
siècle montrent
que la compréhension des causes et l’explication
des raisons sont la seule façon de déterminer
et de décider comment combattre le terrorisme.»
Alain Fuchs, CNRS
Depuis les attentats du 13 novembre 2015 au
Bataclan, dans plusieurs cafés parisiens et à
Saint-Denis, le gouvernement a introduit «un état
d’urgenceglissant,unrégimed’exceptiondurable»
(Jacques Toubon, Défenseur des droits), tout en
multipliant les lois antiterroristes. En permettant
de perquisitionner de jour comme de nuit sans
l’autorisation du juge ou d’assigner à résidence
une personne sur le vague critère de «raisons sé-
rieuses suggérant une atteinte possible à l’ordre
public», l’état d’urgence peut entraîner une priva-
tion de liberté sous le contrôle du seul juge admi-
nistratif. Pire encore, la loi de juin 2016 permet de
retenir une personne pendant quatre heures sans
avocat, au vu de simples soupçons d’activités ter-
roristes, de poser des écoutes téléphoniques, de
réaliser des perquisitions de nuit, des vidéosur-
veillances, etc. En juillet 2015, le comité des droits
de l’homme de l’ONU s’inquiétait «des pouvoirs
excessivement larges de surveillance très intru-
sive donnés aux services de renseignements sur
la base d’objectifs vastes et peu définis, sans au-
torisation préalable d’un juge et sans mécanisme
de contrôle adéquat et indépendant».
Nous sommes entrés dans un régime d’ex-
ception permanent qui heurte les principes de
la démocratie et de la séparation des pouvoirs.
Or, nous devons lutter contre le terrorisme, non
Démocratie réinventée et égalité des territoires
BIEN VIVRE
156 157
Démocratie réinventée et égalité des territoires
– Réinstaurer le contrôle a priori du juge
avant de prendre toute mesure restrictive des
droits et libertés.
– S’assurer que les personnes s’estimant
visées par des mesures arbitraires ou discrimina-
toires puissent avoir un recours effectif en justice
et obtenir réparation (les recours sont de plus en
plus difficiles).
II. Respect du droit à la vie privée
– Revenir sur la loi renseignement de juil-
let 2015 et la loi de surveillance des commu-
nications électroniques internationales de
novembre 2015.
– Interdire toute technique de surveillance
de masse.
– Garantir l’exercice d’un contrôle judi-
ciaire préalable à toute demande de mise sous
surveillance.
– S’abstenir d’adopter toute loi ou tout décret
fragilisant le chiffrement des communications en
ligne.
III. Respect de la liberté d’expression et de réunion
Garantir le droit de réunion, en restreignant
les interdictions de manifestation aux seuls ras-
semblements visant, dans leur but déclaré, une
propagande en faveur de la guerre ou un appel à
la haine nationale, raciale ou religieuse (l’interdic-
tion de manifester ne peut être qu’exceptionnelle
et dûment justifiée).
côté, nous retrouvons des jeunes «désaffiliés» is-
sus de milieux défavorisés; de l’autre, des jeunes
radicalisés issus des classes moyennes et récem-
ment convertis, ou des personnalités fragiles. Les
facteurs économiques et sociaux peuvent être mis
en avant, ainsi que des facteurs politiques comme
la disparition des utopies, le rôle d’Internet, le ma-
laise identitaire ou la recherche d’un cadre nor-
matif, voire une forme de nihilisme générationnel
qu’exprimerait le comportement suicidaire de cer-
tains jeunes…
C’est pourquoi, dans l’arsenal des réponses
apportées au terrorisme, en dehors de la dimen-
sion sécuritaire indispensable, les écologistes
privilégient les politiques de prévention et d’édu-
cation, des politiques culturelles et des réponses
structurelles de long terme. Il faut articuler les
moyens de la justice avec les politiques de pré-
vention, de même qu’il faut prioritairement renfor-
cer la police de proximité et les moyens alloués
aux travailleurs sociaux.
I. Lutter contre le terrorisme dans le respect
des droits humains
– Réviser la loi de novembre 2014 afin de
rendre le délit d’apologie du terrorisme conforme
au droit international, en limitant sa définition à
tout appel à la haine nationale, raciale ou reli-
gieuse et constituant une incitation directe à la
discrimination, à l’hostilité ou à la violence.
– Engager une évaluation approfondie, indé-
pendante et transparente des politiques de lutte
contre le terrorisme et de leur impact sur les droits
fondamentaux.
BIEN VIVRE
158 159
2. METTRE L’HUMAIN AU CŒUR
DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ
La fin de l’année 2106 a mis en évidence le malaise
de la police – parallèle à celui de l’institution judi-
ciaire. Ce malaise est lié à plusieurs facteurs qui
s’entretiennent et se renforcent mutuellement: la
dégradation des conditions de travail, l’augmenta-
tion du nombre d’interventions depuis les attentats,
une mauvaise organisation du travail, des procé-
dures judiciaires trop lourdes et chronophages…
Face à cette situation, les revendications des
policier.ère.s sont de plusieurs ordres. Certaines
sont justifiées et relèvent de dimensions maté-
rielles (locaux vétustes, matériel informatique hors
d’usage ou véhicules et protections inadaptés),
quand d’autres sont problématiques, voire dange-
reuses, comme la réforme de la légitime défense ou
la fin de la mention des noms des policier.ère.s dans
les procédures judiciaires, par la mise en place de
la «non-identification». D’autre part, la critique de
l’institution judiciaire, jugée trop laxiste (en parti-
culier concernant les agresseurs de policier.ère.s),
ne correspond pas à la réalité et aux évolutions
concernant la réponse pénale: le nombre de per-
sonnes incarcérées a atteint un nouveau record en
2016 (soit 69375 personnes incarcérées et une
augmentation de 19% entre 1995 et 2016), et les
peines n’ont jamais été aussi lourdes (la moyenne
de la durée des incarcérations est passée de 8,5
mois à 11,5 mois entre 2007 et 2015).
Pour les écologistes, il faut prendre au sé-
rieux cette situation, qui reflète un «climat»
caractérisé par le sentiment, justifié ou non,
d’insécurité et d’une montée des violences de tous
IV. Renforcer les moyens de prévention
– Il est urgent d’engager des éducateurs et
éducatrices de rue aux profils diversifiés et de
renforcer les moyens accordés aux associations
et aux structures qui œuvrent dans les quartiers
dits «sensibles»;
– d’accompagner les familles touchées par le
départ d’un.e proche dans les zones de conflit au
Moyen-Orient;
– de concevoir une politique ambitieuse du
soin, en particulier psychiatrique, et d’interrompre
le démantèlement des services de psychiatrie.
V. Favoriser un islam de France
Combattre l’influence religieuse de l’Arabie
Saoudite et stopper tout soutien aux monarchies
pétrolières (ni ventes d’armes ni financements de
mosquées par ces pays).
BIEN VIVRE
160 161
– De développer des critères objectifs d’évolution
de carrière.
– De sortir de la «politique du chiffre», notamment
en matière de délinquance ou de recherche des
sans-papiers: celles-ci conduisent trop souvent
à des interpellations de personnes issues de
l’immigration ou en situation de pauvreté, et
mettent ainsi en péril le vivre-ensemble.
– D’améliorer l’efficacité des forces de police. Nous
recruterons du personnel pour améliorer la prise en
charge dans les commissariats et répartirons mieux
les effectifs sur le territoire. Pour que les conditions
de garde à vue, d’accueil et de travail soient
dignes, un grand plan d’investissements (locaux et
matériels) sera lancé.
– Les gendarmes disposeront du droit d’expression
collective.
– Afin de réprimer l’ensemble des délinquances, la
brigade financière sera renforcée, et nous créerons
une police environnementale adossée à un pôle
environnemental. La police judiciaire sera placée
sous l’autorité d’un procureur général de l’État.
– Le contrôle des armes sera renforcé, les armes
seront reclassifiées et les saisies facilitées.
Les Flash-Ball, grenades, pratiques d’asphyxie
posturale ou encore courses-poursuites seront
interdits, et l’usage de l’ensemble des armes par
les forces de sécurité sera revu. Nous procéderons
à un encadrement strict des drones, qu’ils soient
civils ou militaires. Nous imposerons un moratoire
national sur la vidéosurveillance de voie publique
et doterons la Cnil de pouvoirs accrus. Une autorité
indépendante de la sécurité privée sera chargée
du contrôle des entreprises du secteur. Les
citoyen.ne.s pourront faire appel à une autorité
ordres: attentats, agressions contre la police et
violences policières, violence sociale et fractures
entre les territoires, violence des banlieues, etc.
L’amélioration des rapports entre la police et les
citoyen.ne.s est une clé pour l’efficacité de la po-
litique de sécurité et pour lutter contre le terro-
risme. Face à ce constat, les solutions ne peuvent
être que multifactorielles.
Les écologistes proposent:
– De déconcentrer l’action de la police et de la
gendarmerie. Nous mettrons en place une police
territorialisée s’appuyant sur la connaissance de
son terrain. Nous voulons une police au plus près
de la population et qui produit de la confiance (sur
le modèle de la police de voisinage anglaise).
– À cet égard, les contrôles d’identité doivent
être justes et ne pas cibler une catégorie de
la population (contrôle au faciès constaté par
certaines études, qui accentue la distance entre
la population et la police). Nous favoriserons
l’identification des policier.ère.s et l’introduction
d’un système d’enregistrement des pratiques, via
par exemple le récépissé.
– De renforcer les liens avec les collectivités
territoriales et les différents partenaires œuvrant
sur le terrain.
– D’améliorer les dispositifs de formation, fortement
affaiblis, en y intégrant des modules portant
sur la non-violence et la gestion relationnelle;
les formations continues et par les pairs seront
renforcées.
– Le code de déontologie de la police doit faire
l’objet d’une appropriation et d’un vote citoyen: il
doit faire l’objet d’une loi et non d’un décret.
Démocratie réinventée et égalité des territoires
BIEN VIVRE
162 163
3. LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS
ET PROMOUVOIR UNE IDENTITÉ POSITIVE
• Les discriminations en tout genre, le sen-
timent d’être rejeté et l’absence de perspectives
peuvent constituer un terreau favorable à la ré-
ception des discours radicaux.
• Il faut lutter contre le racisme et l’islamo-
phobie; l’État doit donner l’exemple avec une
fonction publique et une police ouvertes à la di-
versité culturelle.
• Nous devons renforcer la lutte contre tous
les messages de haine, en particulier à travers
les réseaux sociaux (via la responsabilité des
hébergeurs).
• Nous devons faire de l’école un lieu straté-
gique de prévention du radicalisme et agir sur les
inégalités scolaires. Le rôle de l’enseignement et
de l’école est fondamental dans l’apprentissage
de la distinction entre le registre du savoir et celui
de la foi. L’école doit «désintriquer sans cesse,
dans l’acte d’enseigner lui-même, ce qui relève du
savoir stabilisé […] des croyances religieuses, qui
relèvent du domaine privé et ne doivent pas em-
piéter sur la sphère publique» (Philippe Meirieu).
• Nous devons mettre un terme aux contrôles
au faciès et introduire la délivrance, par les
forces de police, d’un récépissé aux personnes
contrôlées.
• En garde à vue: présence obligatoire d’un
avocat, d’un interprète, et d’un médecin pour les
16-18 ans.
administrative indépendante concernant l’action
des forces de sécurité, sur le modèle du contrôleur
général des lieux de privation de liberté.
– Le rapprochement gendarmerie-police sera
poursuivi. Le ministère de l’Intérieur sera réformé
et le Secrétariat général à l’immigration supprimé.
Le corps préfectoral sera rattaché aux services du
Premier ministre et la préfecture de police de Paris
sera supprimée pour faire revenir la métropole
parisienne dans le droit commun.
164 165
gestion écologique des espaces s’intéresse au
bilan carbone et au bilan énergétique de la popu-
lation qui y habite et y travaille. En cela, l’urbanité
et la ruralité forment un continuum et non une
bipolarité dont les termes s’opposent.
Le mouvement d’hyperconcentration des
activités et des services au sein et autour des
villes, qui s’étalent, est facteur de gaspillage et de
déséquilibres. Il conduit au mitage des terres agri-
coles, à la désertification des territoires ruraux et
à la précarisation de leurs habitant.e.s, en même
temps qu’il provoque la thrombose des centres
urbains, l’abandon des quartiers périurbains,
l’uniformisation des emplois et des commerces
et l’épuisement des citadin.e.s. À l’heure où les
Français.e.s recherchent un mode de vie apaisé,
exempt de nuisances et de pollutions, inventent
des solutions locales, revendiquent des mobili-
tés diversifiées, développent des réseaux et acti-
vités connectées et collaboratives, plébiscitent
une alimentation saine issue d’une agriculture
bio de proximité, etc., les écologistes s’engagent
pour une politique de solidarité et de complémen-
tarité intelligente entre les territoires urbains,
périurbains et ruraux, source de développement
local, d’innovation sociale et d’économie des res-
sources. Il est grand temps de réguler les proces-
sus cumulatifs, dont la spéculation foncière, pour
«ménager» les territoires et en prendre soin.
I. Organisation du territoire
Issues de législations inachevées, les nou-
velles régions agrandies et la création des métro-
poles appellent la redéfinition des relations entre
4. ÉCOLOGIE ET ÉGALITÉ DES TERRITOIRES
Les écologistes s’engagent sur une vision globale
des transformations nécessaires à l’adéquation
entre les territoires et leurs habitants. Soutenus
par de fortes dynamiques locales citoyennes, les
écologistes portent des mesures productrices
d’emplois, socialement et écologiquement inno-
vantes, fondées sur le respect des communs envi-
ronnementaux et visant à faire système.
L’écologie des territoires recouvre la néces-
sité d’agir pour la maîtrise de la transformation
des espaces, des paysages et des villes au service
des Français.e.s, grâce à une politique d’aména-
gement aussi ambitieuse en qualité qu’économe
en ressources pour l’égalité des territoires et le
bien-être des habitant.e.s. Aller plus loin dans les
engagements de la France pour le climat, la biodi-
versité et la transition énergétique permet à l’éco-
logie des territoires d’être source d’innovation et
d’emplois, porteuse de projets utiles et partagés,
respectueuse des milieux naturels, attachée au
développement de villes et de territoires intelli-
gents, denses et accueillants.
La gestion écologique des territoires s’op-
pose à une gestion concurrentielle et spécialisée,
en mettant en œuvre une répartition harmonieuse
des activités et des résidences humaines, en fonc-
tion des caractéristiques géographiques et topo-
graphiques des espaces, ainsi que des habitats
des espèces animales et végétales. Dans un terri-
toire sillonné de réseaux d’énergie, de transports,
de flux de communications informationnelles,
il est moins question de développement que de
rationalisation et d’optimisation de l’existant. La
Démocratie réinventée et égalité des territoires
BIEN VIVRE
166 167
C. Repenser l’urbanité
– Créer les conditions légales de l’urbanisme
provisoire.
– Favoriser le maintien, voire l’accroissement,
de la nature en ville.
– Soutenir le développement des transports
en commun non polluants.
– Généraliser les ratios emplois/logement
dans les documents d’urbanisme pour favoriser
l’emploi de proximité.
– Évolution des codes de l’urbanisme et de
la construction pour incitation à la conception
de bâtiments biodégradables/recyclables, créa-
tion d’indicateurs de métabolisme urbain, mesure
anti-imperméabilisation des sols, introduction de
la qualité agronomique des terres dans le choix
des zones à urbaniser (ZAU), soutien au dévelop-
pement des productions vivrières urbaines.
D. Ville et ruralité: un nouveau contrat social et
écologique territorial
– Soutien aux unités de production et de
transformation (énergétique, agricole, élevage)
pour l’approvisionnement en circuits courts et
leur mise en réseau.
– Obligation d’élaboration des plans locaux
d’urbanisme (PLU) intercommunaux.
– Création de nouvelles fonctions dans les
règlements d’urbanisme: PLU-Énergie (pres-
criptions énergétiques renforcées, économie de
la consommation et production d’EnR) et PLU-
Circulaire (implantation des activités et écologie
industrielle, gestion des déchets, etc.), visant à
respecter les limites planétaires et le rythme de
renouvellement des ressources.
collectivités pour une plus grande complémenta-
rité, une meilleure répartition des compétences
pour davantage d’efficacité au service des citoyen.
ne.s, une plus grande part d’innovation publique,
une plus grande solidarité entre les collectivités,
une fiscalité équitable, une meilleure gestion des
compétences environnementales (air, eau, éner-
gie, sols) et une nouvelle démocratie directe.
A. Des régions fortes pour:
– garantir l’équilibre, la solidarité et la dyna-
mique entre territoires urbains et ruraux;
– favoriser la cohésion sociale et l’égalité des
territoires;
– garantir la fonction redistributive entre col-
lectivités par une péréquation fiscale forte;
– planifier l’organisation régionale des terri-
toires, le développement des économies nouvelles,
des entreprises et de l’activité commerciale;
– renforcer le rôle et les compétences des
intercommunalités.
B. Des métropoles apaisées et…
– démocratiques: reconnaissance des métro-
poles comme collectivités et élection au suffrage
universel direct des conseillers métropolitains;
– écologiques: affirmation des compétences
environnementales liées à leur densité (qualité de
l’air et de l’eau et énergie – consommation, éner-
gies renouvelables [EnR] et distribution), gestion
des syndicats techniques interdépartementaux,
élaboration de Scot cohérents et ambitieux;
– solidaires: fiscalité garantissant la péré-
quation interdépartementale de solidarité.
Démocratie réinventée et égalité des territoires
BIEN VIVRE
168 169
et de complémentarité. L’égalité des territoires
nécessite de porter une attention particulière
aux conditions de vie dans les espaces ruraux
précarisés et les quartiers périurbains les plus
défavorisés, pour permettre la création de nou-
velles dynamiques qui leur soient propres, et
dans tous les domaines.
A. Services publics et commerces
– Coup d’arrêt à la construction de nouveaux
centres commerciaux aux portes des villes.
– Réappropriation de l’aménagement com-
mercial en ville à travers la généralisation des ma-
nagers de centre-ville et le changement de la loi,
afin de permettre des préemptions automatiques
des communes aux fins de vitalisation commer-
ciale, notamment en faveur de l’économie de
proximité contre les chaînes mondiales.
– Intégration complète de l’aménagement
commercial dans le code de l’urbanisme.
– Création du schéma régional d’implanta-
tion des surfaces commerciales (répartition et
développement) et de l’Observatoire régional de
l’activité commerciale.
– Soumission des centres commerciaux à la
taxe générale sur les activités polluantes en fonc-
tion de leurs efforts d’intégration dans les plans
de déplacements urbains (PDU) et des réductions
de places de stationnement;
– Généralisation des maisons de services au
public dans les bourgs et les villages.
B. Mobilités
– Amélioration du maillage des dessertes se-
condaires en chemin de fer.
E. Associer les citoyen.ne.s aux projets d’urbanisme
– Soutien aux réseaux et start-up favorisant
la contribution citoyenne aux projets d’aménage-
ment et d’urbanisme.
– Reconnaissance des nouveaux outils de
contribution des citoyen.ne.s dans les documents
d’urbanisme.
– Développement des formations initiales
et professionnelles sur les métiers de la ville du-
rable et intelligente (urbanistes, architectes, ingé-
nieurs, génie urbain).
II. Pour l’égalité des territoires
Onze ans après les émeutes de 2005, les
mesures mises en place pour améliorer le sort
des habitant.e.s des quartiers défavorisés sont un
échec. Dans les zones urbaines sensibles (ZUS),
le taux de chômage est supérieur à 23%, les reve-
nus décrochent et le niveau de qualification dimi-
nue. Les habitant.e.s de ces quartiers, notamment
les jeunes, subissent une double injustice: ségré-
gation dans le logement et l’emploi, insécurité
dans la vie au quotidien…
Donner à chaque territoire, à ses
habitant.e.s et ses acteur.trice.s, dans leur diver-
sité, les moyens d’un développement équilibré
et durable, c’est permettre à chacun.e l’accès
aux droits, à l’emploi, à la santé, à l’éducation,
à la mobilité, à la formation et au numérique,
quel que soit son lieu de vie. Il s’agit de donner
à chaque territoire des capacités de développe-
ment propres en rapport avec ses atouts et ses
spécificités, pour sortir d’une logique de com-
pétition et aller vers une logique de solidarité
Démocratie réinventée et égalité des territoires
BIEN VIVRE
170 171
5. LA 6e
RÉPUBLIQUE
POUR LA TRANSFORMATION
ÉCOLOGIQUE DE LA SOCIÉTÉ
En temps de crise, la tentation d’un gouvernement
autoritaire est forte. Certain.e.s seraient prêt.e.s à
sacrifier la démocratie pour préserver leurs privi-
lèges ou leur mode de vie actuel. Notre réponse,
en tant qu’écologistes, est différente: nous propo-
sons de refonder profondément nos institutions,
à tous les niveaux, pour affronter démocratique-
ment les temps qui viennent et bâtir ensemble
une nouvelle société.
I. La crise de la Ve
Depuis son adoption en 1958, la constitution
de la Ve
République, conçue à l’origine pour as-
seoir l’autorité du général de Gaulle et répondre à
l’instabilité de la IVe
République, a connu de nom-
breuses retouches, dont la réduction du septennat
à un quinquennat et l’inversion du calendrier élec-
toral. Les différentes réformes de la Constitution
n’ont fait que renforcer la présidentialisation du
régime au détriment du rôle du Parlement comme
de la séparation des pouvoirs. Aujourd’hui, ce ré-
gime est en crise.
II. Restaurer la confiance dans les institutions
C’est en se libérant de la direction et du
travail gouvernementaux que le président de la
République pourra acquérir une nouvelle légiti-
mité: il ne contrôlera plus les tâches de gouverne-
ment, ne soumettra aucun texte à référendum, ne
– Soutien au développement des mobilités
bas carbone et innovantes.
– Couverture en très haut débit de la tota-
lité du territoire afin de lutter contre la fracture
numérique, tout en y aménageant des zones
blanches.
C. Des banlieues vertes
La réforme de la politique de la ville de 2014
porte lentement quelques maigres fruits, sans
atteindre ses ambitions. Les outils et finance-
ments tardent, pendant qu’augmentent chômage,
précarité et discriminations. Les écologistes
veulent innover en partant des énergies et des
atouts locaux. Les deux transitions à l’œuvre
– numérique et écologique – sont les ressorts
de la créativité et du potentiel à développer.
D. Rétablir l’égalité et s’appuyer sur la richesse des
territoires
– Créer un fonds pour une démocratie d’ini-
tiative citoyenne.
– Mettre en œuvre la coconstruction de
politiques de transition écologique avec les
habitant.e.s et les conseils citoyens.
– Accroître le soutien aux tissus associatifs
locaux à travers notamment un fonds de soutien à
l’emploi associatif.
– Miser sur l’entrepreneuriat, avec la création
d’un label «Banlieues vertes» visant à soutenir
les initiatives d’entrepreneuriat socialement et
écologiquement innovant, doté d’un fonds alloué,
administré par les structures issues des banlieues
et accompagné d’un parcours d’accompagnement
à la création d’entreprise.
172 173
de dissolution, en cas de crise entre l’Assemblée
nationale et le gouvernement.
III. Le Parlement libre de légiférer
La séparation des pouvoirs doit redevenir le
pilier de notre démocratie. Le législatif doit trou-
ver la quiétude pour remplir sa mission en toute
indépendance.
Nous proposons:
– Le Parlement maîtrisera son ordre du jour sans
intervention du gouvernement.
– Les procédures d’adoption de textes sans
vote, comme l’article 49.3, véritables dénis de
démocratie, seront supprimées.
– Le Parlement, organe de délibération, développera
ses moyens d’évaluation des politiques publiques,
en renforçant son contrôle sur la législation
d’origine européenne et en limitant l’usage de la
procédure des ordonnances pour transposer les
directives européennes.
– L’opposition parlementaire sera renforcée dans
sa fonction d’interpellation du pouvoir exécutif,
dans sa capacité à mobiliser des instruments de
contrôle et d’investigation: création de commissions
d’enquête, saisine de la Cour des comptes,
nomination de contre-rapporteurs. Elle interviendra
dans la maîtrise du temps de travail parlementaire,
en interdisant par exemple au gouvernement
d’utiliser des procédures d’urgence sans l’accord
d’une majorité qualifiée des parlementaires.
nommera aucun fonctionnaire, n’assurera aucun
arbitrage budgétaire, ne participera pas à la négo-
ciation des traités internationaux, ne représentera
pas la France dans les instances internationales
ou européennes – toutes choses qui, dans les dé-
mocraties parlementaires de l’Union européenne,
relèvent du Premier ministre.
Véritable héritage de la monarchie et outil de
possible dérive vers une dictature, l’article 16, qui
donne les pleins pouvoirs au Président, en cas de
crise grave, sera supprimé. Il sera également mis
fin à l’immunité civile et pénale du Président, qui
redeviendra un justiciable ordinaire, tout comme
les membres du gouvernement. Engendrant
une justice d’exception, la Cour de justice de la
République, censée juger les ministres pour les
crimes et délits commis dans l’exercice de leurs
fonctions, sera supprimée.
Nous proposons:
– Toujours élu au suffrage universel, le Président
nommera le Premier ministre, issu de la majorité du
Parlement.
– Il devient le garant du bien commun et, en
particulier, de la prise en compte par le gouvernement
et le Parlement des exigences du long terme.
– Il sera un protecteur de l’indépendance du
pouvoir: l’exécutif, le législatif et la justice, ainsi que
des droits fondamentaux définis par la Constitution
et les traités internationaux.
– Il aura le pouvoir de solliciter tous les autres
pouvoirs constitués (gouvernement, Parlement,
Cour constitutionnelle, Conseil supérieur de la
magistrature, Procureur général de la nation)
et jouera un rôle d’arbitre en conservant le droit
Démocratie réinventée et égalité des territoires
BIEN VIVRE
174 175
chacune des décisions: celles-ci y gagneront en
qualité et en légitimité.
VI. Réforme des modes de scrutin
On ne peut diriger un pays moderne avec des
règles qui datent du temps où la stabilité de la
République était incertaine. Nos modes de scrutin
sont les héritiers de notre histoire tourmentée
depuis la Ire
République. Nous devons les réviser
et permettre une représentativité politique réelle.
Nous proposons:
– L’extension de la proportionnelle à tous les
scrutins.
– Pour les élections locales, une élection à deux
tours avec une prime majoritaire de 25% pour la
liste arrivée en tête au second tour.
– Pour l’élection des député.e.s, une moitié élue
dans les circonscriptions au scrutin uninominal
majoritaire à deux tours et la moitié restante sur
une liste nationale compensatoire permettant de
rétablir la proportionnelle sur la base des résultats
du premier tour de la liste nationale.
– Le suffrage universel direct pour élire les
membres du Sénat en même temps que les
élections régionales, sur une liste régionale
complémentaire, sur un seul tour.
– La reconnaissance du vote blanc.
VII. Limitation des cumuls de mandats
La confiscation du pouvoir dans le temps et
l’espace par une poignée d’élu.e.s a généré des
potentats locaux ou régionaux; le cumul est aussi
IV. Enfin une réforme du Sénat!
Le Sénat, dont la réforme fut voulue par
nombre de présidents depuis l’instauration de la
Ve
République, ne doit plus être un supplétif de
l’Assemblée nationale.
Nous proposons:
– Transformé en chambre des Régions, le Sénat
sera le gardien du principe de subsidiarité : chaque
territoire obtiendra la liberté de gérer ce qui le
concerne, sans intervention centralisatrice.
– Il disposera de pouvoirs législatifs et de contrôles
spécifiques relatifs à l’organisation territoriale de la
République, s’agissant à la fois des règles régissant
les compétences des collectivités territoriales,
des conditions de leur autonomie normative et
financière et de l’organisation de la solidarité
financière entre territoires.
V. Des instances de contrôle de la République
indépendantes du pouvoir
La séparation des pouvoirs passe aussi par
les moyens de contrôler la République.
Nous proposons:
– Le Conseil constitutionnel évoluera vers une Cour
constitutionnelle garante des droits fondamentaux.
Elle n’inclura pas les anciens présidents de la
République. Ses membres seront élu.e.s par une
majorité qualifiée de parlementaires sur proposition
des président.e.s des assemblées.
– Les juges constitutionnels auront le droit de
produire des «opinions dissidentes» annexées à
Démocratie réinventée et égalité des territoires
BIEN VIVRE
176 177
Nous proposons:
– Tout parti qui ne présentera pas 50% de femmes
candidates aux élections verra son financement
public entièrement suspendu, y compris pour les
têtes de liste pour les élections proportionnelles.
Pour aller vers une parité de résultat, tout parti qui
n’aura pas au moins 40% de femmes parmi ses
représentant.e.s élu.e.s verra son financement public
diminué. Ces pénalités seront proportionnelles au
manquement à l’obligation légale.
– Un véritable statut de l’élu.e permettra de mieux
concilier activité professionnelle et exercice d’un
mandat. Il permettra aux élu.e.s de retrouver un
emploi, d’offrir des niveaux d’indemnité suffisants
pour, le cas échéant, un investissement à temps
plein dans le mandat, et de favoriser la formation
des nouveaux et nouvelles élu.e.s;
– Le vote blanc sera reconnu, mais également
comptabilisé dans les résultats d’un scrutin, ce qui
lui donnera une véritable représentation.
– Le droit de vote aux élections locales pour les
résident.e.s étranger.ère.s présent.e.s depuis cinq
ans sur le territoire national sera enfin unifié.
X. La démocratie participative:
citoyen.ne.s au plus près du pouvoir
L’élection ne doit plus être la seule expres-
sion de la démocratie: des outils participatifs et
délibératifs (outre les budgets participatifs, les
jurys citoyens et les conférences de consensus)
seront largement diffusés, et la coélaboration des
politiques publiques sera encouragée. La démo-
cratie directe et délibérative sera donc enrichie.
un frein à la représentation équitable des femmes
et au renouveau du personnel politique.
Nous proposons:
– Les parlementaires nationaux et européens, les
président.e.s d’exécutifs locaux, excepté les maires
des communes de moins de 3500 habitants, ne
pourront détenir plus d’un mandat.
– Les membres du gouvernement devront
abandonner leur mandat local durant l’exercice de
leurs fonctions ministérielles.
– Limiter dans le temps l’occupation d’un mandat
permettra une véritable rotation des responsabilités
et le renouvellement du personnel politique.
VIII. Transparence de la vie politique
Nous proposons:
– De réduire certains avantages aux élu.e.s: voiture
et logement de fonction supprimés, frais de mission
plafonnés, réserve parlementaire justifiée du point
de vue comptable, suppression des indemnités
post-mandat, etc.
– D’instaurer la transparence totale sur les
rémunérations des élu.e.s.
– De contrôler les situations de potentiels conflits
d’intérêts entre fonction élective et professionnelle.
IX. Une juste représentativité de tou.te.s
Laparitédegenre,ladiversitédanslareprésen-
tation, le droit de vote des étranger.ère.s non com-
munautaires aux élections locales: les promesses
faites en ce sens lors des élections – mais oubliées
après la victoire – doivent enfin être appliquées.
Démocratie réinventée et égalité des territoires
BIEN VIVRE
178 179
redistribuées entre la région, l’intercommunalité et
les communes.
– Les intercommunalités seront transformées en
collectivités de plein exercice, et leurs membres
élu.e.s au suffrage universel direct par scrutins de
listes proportionnelles.
– Seront renforcés les conseils de développement,
issus de la loi Voynet, et les CESR (conseils
économiques et sociaux régionaux), notamment en
matière de budget participatif.
– Une réflexion sera menée sur le fonctionnement
des collectivités territoriales, afin de repenser le
pouvoir des président.e.s d’exécutifs, de diminuer
la prime majoritaire et de redéfinir les droits des
élu.e.s minoritaires.
– Les langues régionales et minoritaires: depuis
2008, l’article 75-1 de la Constitution reconnaît
certes l’existence des langues régionales, mais
seulement en tant que patrimoine, et il n’a
débouché sur aucune modification législative. Nous
revendiquons la possibilité du bilinguisme dans
tous les secteurs et les régions historiquement
concernées. Il s’agit, d’autre part, de permettre aux
langues parlées par des populations migrantes d’être
transmises en toute dignité à leur descendance.
Après la ratification de la Charte européenne des
langues régionales et minoritaires inscrite dans la
Constitution, une loi sera votée, établissant un statut
stable et ambitieux assurant l’utilisation des langues
régionales dans l’enseignement, les médias, etc.
– Nous soutiendrons une langue neutre
internationale telle que l’espéranto.
– Nous généraliserons les conventions
de citoyen.ne.s pour aider aux décisions majeures
de politique publique.
Nous proposons notamment:
– L’initiative référendaire populaire et les
procédures de débat public et de conférences
de consensus seront simplifiées et, surtout,
deviendront décisionnelles;
– Un groupe de citoyen.ne.s représentant 1% de
la population pourra réclamer un référendum.
Parallèlement, sera instauré un droit d’interpellation
populaire qui ouvrira la possibilité à une fraction de la
population de faire inscrire par pétition une question
à l’ordre du jour des assemblées délibératives (du
conseil municipal à l’Assemblée nationale).
XI. Décentraliser autrement:
vers un fédéralisme différencié
En 2012, nous demandions déjà que les
régions soient redéfinies et leurs pouvoirs ren-
forcés. Notre demande prenait en compte plu-
sieurs facteurs : les échanges territoriaux, les
bassins d’activités, les continuités naturelles,
les cultures et sentiments d’appartenance ré-
gionaux. La loi NOTRe (Nouvelle organisation
territoriale de la République), cependant, l’a
malheureusement ignorée. Le résultat est un
découpage sur la base d’une organisation dé-
passée : le département, créé à la Révolution,
est désormais inutile.
Nous proposons:
– Les moyens et compétences des régions seront
augmentés pour devenir comparables à ceux de nos
voisins européens.
– Le conseil départemental sera supprimé.
Ses compétences, notamment sociales, seront
Démocratie réinventée et égalité des territoires
BIEN VIVRE
– Nous inscrirons la protection de notre
environnement et des générations futures dans le
marbre.
Une Charte des communs et du long terme
contraignante sera élaborée. Elle permettra de
disposer d’un socle plus ambitieux et plus complet
de droits fondamentaux relatifs à l’environnement
que ceux prévus actuellement par la Charte de
l’environnement.
CINQUIÈME PARTIE
L’EUROPE DANS LE MONDE
182 183
Pour les écologistes, l’Union européenne,
et plus largement l’Europe, est le bon cadre
pour faire face au capitalisme mondial financia-
risé, au dumping social et environnemental, au
dérèglement climatique, à la perte de biodiver-
sité et à la surconsommation des ressources. En
somme, pour promouvoir la démocratie, la paix,
le respect des droits humains et la protection de
l’environnement.
Changer l’Europe est urgent! Nous, écolo-
gistes, avons des propositions pour une sortie de
crise, défendons un modèle social et écologique
européen, et souhaitons faire de l’Europe une
force motrice dans un monde de paix.
Il ne sert à rien de regarder ailleurs: l’Union euro-
péenne est en crise. Responsable de ne pas avoir
su répondre aux attentes de ses citoyen.ne.s,
elle a déçu et affaibli le désir d’un projet euro-
péen construit sur l’union dans la diversité, la
convergence des consciences européennes et la
paix. Nous assistons aujourd’hui à la résurgence
des frontières (suspension de Schengen et
construction de murs au sein même de l’Union)
et observons des tensions renouvelées. Sous
l’effet de la «crise des dettes» européennes et
de l’incapacité de construire une réponse com-
mune ambitieuse au défi migratoire et à l’arrivée
de réfugié.e.s fuyant des pays en guerre, l’Union
se disloque entre nationalismes exacerbés et
antieuropéens, de droite comme de gauche, par-
tisans d’un statu quo intenable, et celles et ceux
qui, comme nous, espèrent ouvrir une autre voie
pour l’Europe.
La sortie du Royaume-Uni de l’Union euro-
péenne ainsi que l’arrêt des négociations avec la
Turquie, suite aux dérives du président Erdogan,
constituent un coup fort porté au projet euro-
péen: d’une part car le précédent britannique dé-
terminera l’avenir de l’Union, d’autre part car les
nouvelles orientations politiques turques mettent
en évidence la perte d’influence et l’affaissement
des valeurs de l’Union.
L’Europe dans le monde
184 185
I. Une Convention pour résoudre le blocage
institutionnel et la défaillance démocratique
Le retour des nationalismes et des égoïsmes,
la résurgence des murs aux frontières ainsi que le
repli nationaliste et les politiques liberticides des
pays d’Europe centrale mettent en péril le pro-
jet européen. Nous devons débloquer l’Union en
lui redonnant les moyens de faire vraiment de la
politique.
Dans le cadre des traités actuels,
les écologistes proposent:
– Une démocratie accrue: mise en œuvre du droit
d’enquête du Parlement européen, révision et
ouverture de l’initiative citoyenne européenne,
mise en place d’un carton vert pour les Parlements
nationaux, examen par le Parlement français
de toute prise de position française lors de ses
négociations avec la Commission européenne.
– Contre les conflits d’intérêts: encadrer
le pantouflage des commissaires et des
eurodéputé.e.s; protéger les lanceur.se.s d’alerte;
instaurer une obligation de déclaration vérifiable
d’intérêts financiers, associée à la création de
codes déontologiques et de comités d’éthique
pouvant avoir recours à des sanctions; interdire le
cumul des postes d’eurodéputé.e et de lobbyiste;
et rendre contraignant et transparent le registre
des lobbys au sein de toutes les institutions
européennes.
– La fin de l’unanimité pour tous les sujets hors
questions militaires, en utilisant l’article 48-7
du traité sur l’Union européenne, qui prévoit
explicitement cette possibilité.
1. REFONDER L’EUROPE:
UN PLAN POLITIQUE DE SORTIE DE CRISE
Refonder l’Europe? C’est possible et urgent. Les
écologistes souhaitent une profonde réforme des
traités, dans un vaste mouvement de démocra-
tisation: au-delà des institutions, une démocra-
tisation des droits! Mais nous pouvons déjà agir
dans le cadre des traités actuels. C’est notre pre-
mière ambition. Nous devons tracer une feuille de
route précise, permettant de répondre à la fois
au besoin criant de solidarité au sein de l’Union,
à la nécessaire transition écologique et à la crise
démocratique.
Dans un premier temps, dès 2017, les éco-
logistes proposent une grande Convention pour
l’Union européenne. Cette Convention, qui pour-
rait être sollicitée par la France, permettrait d’en-
gager de profondes réformes sans attendre une
refonte des traités, afin de mettre fin à la paralysie
des veto, d’améliorer l’engagement des citoyens
et de permettre à l’Union d’agir dans un certain
nombre de domaines essentiels.
Dans un second temps, nous devons ré-
pondre à la crise des dettes européennes et créer
les moyens d’une véritable solidarité, notamment
au sein de la zone euro et entre les citoyen.ne.s.
Enfin, nous appelons à faire des élections euro-
péennes de 2019 une Constituante européenne,
visant à faire de l’Union un véritable projet poli-
tique reposant sur la démocratie, l’écologie
et la solidarité, plutôt qu’un projet seulement
économique.
L’Europe dans le monde
BIEN VIVRE
186 187
d’arbitrage privés. Si ces accords sont adoptés
et mis en œuvre, ils nuiront aux réglementations
sociales, fiscales et environnementales. Il est grand
temps de mettre fin aux traités Tafta, Ceta et Tisa
avec les États-Unis et le Canada sur les biens et les
services.
II. Sortir de l’austérité: placer l’humain
et la planète au cœur des mécanismes
de solidarité et de contrôle
La crise des dettes européennes depuis
2007, le taux de chômage élevé en Europe, no-
tamment chez les jeunes, l’écroulement écono-
mique des pays du sud de l’Europe, dont le plus
critique est la Grèce, l’accaparement de la démo-
cratie par la Troïka (Banque centrale européenne,
Fonds monétaire international et Commission eu-
ropéenne) et les banques obligent l’Union euro-
péenne à réviser de fond en comble sa politique
économique et monétaire.
Les écologistes proposent:
– Une conférence pour répondre aux conséquences
économiques, sociales et environnementales de
la crise des dettes, un audit et une mutualisation
progressive des dettes publiques et des taux
d’intérêt. Il ne suffit pas de sauver les banques:
nous devons amorcer une véritable solidarité au
niveau européen, rejeter la mise en concurrence des
budgets publics et des salarié.e.s. Une Conférence
pour les dettes sera organisée, qui aura notamment
pour but de restructurer la dette grecque, voire d’en
annuler une partie «non légitime et odieuse», et de
modifier les critères du semestre européen.
– Les traités actuels dictent des objectifs et des
orientations politiques qui condamnent notre
capacité à agir politiquement. Les écologistes
appellent à l’utilisation de l’article 352 (qui
permet de légiférer sans base légale si nécessaire
pour atteindre les objectifs de l’Union), afin de
prendre un certain nombre d’initiatives législatives
essentielles.
– L’élargissement du rôle du Parlement européen et
la transparence dans la gouvernance économique
de l’Union: les orientations économiques de la
Commission européenne doivent être débattues
et adoptées par le Parlement européen, qui doit
être associé à chaque étape de la construction
des semestres européens (cycles de coordination
des politiques économiques), en particulier dans
le cadre de l’adoption des recommandations par
pays, des programmes de partenariat économique,
des plans d’action corrective et des sanctions.
Les rencontres de l’Eurogroupe et du Mécanisme
de stabilité doivent être rendues publiques et
présentées devant le Parlement européen.
– Faire du président de l’Eurogroupe le président du
Conseil pour les affaires économiques et financières
(Ecofin) et le vice-président de la Commission
européenne, reconnectant ainsi les décisions prises
au sein de l’Eurogroupe avec le Parlement européen
et la représentation des citoyen.ne.s. Ce président
serait élu par les ministres des Finances des pays
membres, mais redevable devant le Parlement
européen et destituable par celui-ci.
– Mettre fin aux accords de libre-échange, qui
donnent le pouvoir aux multinationales plutôt
qu’aux citoyen.ne.s en permettant à ces firmes de
recourir à des règles instaurées par des tribunaux
L’Europe dans le monde
BIEN VIVRE
188 189
dérivés et la vente à découvert, l’augmentation des
fonds propres par augmentation de capital sans
pondération, la taxation spécifique des dividendes
bancaires, une taxe sur les transactions financières
qui deviendrait l’un des pans des ressources
propres pour l’Europe et pourrait financer la
transition écologique.
– Un véritable fédéralisme économique, à travers
la création des institutions manquantes, comme un
Trésor public européen ayant la capacité d’émettre
et de gérer une dette publique européenne, et une
agence européenne des banques pour coordonner
leurs activités et réduire les risques de stress
systémique et de faillites bancaires.
– Lancer l’harmonisation fiscale pour une
politique sociale plus juste. Sans convergence et
transparence fiscales, la concurrence entre les
États membres ne cessera pas. Les écologistes
appellent donc à la mise en place d’une assiette
consolidée pour l’impôt des sociétés, avec
progressivement une convergence des taux.
Dans le même temps, nous demandons une réelle
transparence fiscale, c’est-à-dire un reporting
public pays par pays de toutes les entreprises
opérant en Europe, afin que nous sachions
exactement où sont réalisés les chiffres d’affaires,
où sont déclarés les bénéfices et où sont payés les
impôts.
– Lutter contre le dumping social: renforcer
la protection sociale européenne, notamment
en augmentant considérablement les sommes
allouées au Fonds européen pour les plus
démuni.e.s, travailler avec les partenaires sociaux
à la convergence des salaires et à l’instauration
d’un salaire minimum; lutter contre le dumping
– De faire valoir la solidarité, les droits humains
et les exigences environnementales au sein du
semestre européen. La procédure de contrôle et
de surveillance des équilibres macroéconomiques
de l’Union, intégrée aux réunions du semestre
européen, doit être réformée pour intégrer de
nouveaux indicateurs relatifs au revenu des
ménages, aux taux de pauvreté et de chômage des
jeunes, au développement durable et à l’innovation.
L’Agence européenne de l’environnement et l’Agence
européenne des droits fondamentaux devront être
associées aux processus ex-ante et ex-post. Enfin,
des volets sur l’emploi et le chômage doivent être
intégrés aux rapports annuels par pays produits par
la Commission européenne
– Un budget pour agir: l’Union européenne
manque encore d’un budget propre. L’instauration
d’une taxe sur les transactions financières, d’une
taxe carbone aux frontières et le relèvement du
plafond du budget européen sont trois premières
initiatives pouvant être prises à traités constants,
qui permettront à l’Union de mettre en place des
politiques de protection des citoyen.ne.s les plus
exclu.e.s, d’accueillir les réfugié.e.s et de relancer
l’investissement dans la transition écologique en
Europe. Nous devons mobiliser le Plan Juncker
vers une priorité: la transition énergétique et la
promotion des renouvelables. En parallèle, devra
être créée une taxe carbone et devront cesser les
investissements carbone. La politique monétaire
de Quantitative Easing (rachat massif de dettes)
menée par la BCE devra être réorientée vers le
financement de la transition écologique et sociale.
– La mise au pas de la finance: l’arrêt, donc
l’interdiction, des spéculations sur les produits
L’Europe dans le monde
BIEN VIVRE
190 191
basée sur trois piliers majeurs: démocratie, droits
humains et environnement. Notre démocratie doit
désormais intégrer pleinement la responsabilité
de l’humain vis-à-vis de la nature, et considérer
cette dernière comme un véritable partenaire.
Les écologistes proposent:
– D’élire une Assemblée constituante en 2019
pour rédiger un traité qui devra être validé par
référendum européen avec un résultat à la double
majorité qualifiée des citoyens et des États
membres. Cette Constitution devra être un texte
relativement court qui se cantonne à déterminer
les pouvoirs et les compétences des différentes
institutions et les modalités décisionnelles. Toutes
les dispositions relevant des politiques de l’Union
devront faire l’objet de textes de loi (lois organiques,
par exemple). La Constituante devra avoir pour
mandat d’organiser la séparation des pouvoirs,
d’introduire dans le corpus constitutionnel les droits
et libertés fondamentales et d’édicter les objectifs
de l’Union.
– De refonder les traités: l’Union européenne
a fait fausse route en érigeant des politiques
économiques au rang de règles fondamentales. Les
écologistes demandent à mettre fin au traité de
Lisbonne et souhaitent que la nouvelle Constitution
européenne intègre trois socles de droits et de
règles de fonctionnement, concernant la démocratie
et les droits politiques, les droits humains et
sociaux, et un traité environnemental garantissant
le respect et la protection de l’environnement et
des écosystèmes. Ce traité environnemental, qui
remplacera le pacte de stabilité et de croissance
ainsi que les critères de Maastricht, qui encadrent
environnemental: établir une taxation harmonisée,
améliorer les règles civiles et pénales et promouvoir
des investissements verts.
– Améliorer la mobilité professionnelle en Europe,
notamment en améliorant la reconnaissance des
qualifications et en favorisant le recours aux
protections sociales européennes.
– Sanctionner les États membres refusant
d’accueillir des réfugié.e.s. Les pays du sud et
de l’est de l’Europe, zones frontières, sont à
l’heure actuelle les territoires d’arrivée des flux
de réfugié.e.s. Tandis que l’Est se protège en
bâtissant des murs, le Sud en appelle à la solidarité
européenne pour mieux répartir les arrivants,
répartition nécessaire à l’octroi de conditions de vie
acceptables pour ces personnes, dans le respect de
la Convention de Genève. Le refus de certains pays
d’accueillir les quotas de réfugié.e.s adoptés par
l’Union européenne doit être sanctionné par une
réduction des fonds structurels européens.
III. 2019, une Constituante pour refonder
les traités sur un triptyque constitutionnel:
démocratie, droits humains et environnement
En dehors des modifications qui peuvent
être apportées immédiatement, nous souhaitons
l’élection d’une Assemblée constituante pour une
refondation complète du cadre institutionnel ac-
tuel. La logique de cette refondation ne doit pas
reposer sur un discours axé sur «plus d’Europe»
(expression qui n’a pas beaucoup de sens) mais
sur «plus de démocratie».
Nous avons besoin de refonder les traités!
Nous revendiquons pour l’Europe une Constitution
L’Europe dans le monde
BIEN VIVRE
192 193
2. L’EUROPE QUE NOUS VOULONS
L’Europe que nous désirons est démocratique,
écologique, solidaire, innovante. Un plan de sortie
de crise est aujourd’hui indispensable afin d’éviter
la dislocation de l’Union européenne.
I. Une Europe inclusive
Notre Europe est profondément inclusive.
Elle refuse le nivellement des conditions de vie par
le bas. Face à la crise du chômage dans plusieurs
États membres, notamment dans les pays du Sud,
face à l’aggravation de la pauvreté, y compris
dans les pays les plus riches, face au délitement
des libertés dans certains États, les écologistes
promeuvent:
– Un socle de protection sociale européen. Pour
répondre à la promesse de prospérité partagée,
l’UE doit se doter de mécanismes efficaces pour
combattre les inégalités socio-économiques. Pour
ce faire, les écologistes soutiennent la mise en
place d’une assurance chômage européenne en
plusieurs phases. Tout d’abord, l’établissement
d’un socle de protection visant à garantir un
niveau minimal de protection dans tous les États,
puis, à terme, au travers de la création d’un
véritable instrument budgétaire de la zone euro,
une assurance chômage organisée à l’échelle
de la zone euro. Seront également réalisés: la
convergence des salaires, avec mise en place
d’un revenu minimum européen et d’un revenu
maximum; la convergence des protections
sociales, avec notamment la mise en place d’un
accompagnement à l’emploi pour chaque citoyen
aujourd’hui l’économie européenne, engagera
l’Union sur l’objectif de la conversion écologique
de notre économie et de la protection de
l’environnement, et sur sa transformation sociale.
La nouvelle Union européenne disposera alors de
nouveaux objectifs financiers, complétés par des
critères sociaux et environnementaux: réduction de
l’empreinte écologique, emploi pour tou.te.s, lutte
contre le réchauffement climatique, diminution du
taux de pauvreté, indicateur de développement
humain, aide publique au développement, etc.
– De mettre en place en 2019 des élections
vraiment européennes: un tiers des député.e.s
européen.ne.s devront être élu.e.s sur la base
de listes transnationales, dont les têtes de liste
correspondraient aux candidat.e.s des partis
européens à la présidence de la Commission.
Dans l’attente d’un accord européen sur cette
réforme, la France devra supprimer le système
d’élection par eurorégions et revenir à un mode de
scrutin national. Les commissaires européen.ne.s
seront élu.e.s parmi les député.e.s européen.ne.s,
qui pourront également les destituer. Les
parlementaires européen.ne.s auront le droit de
porter des initiatives et des projets de loi pour
l’Union européenne.
BIEN VIVRE
194 195
l’intérêt général de tou.te.s les citoyen.ne.s euro-
péen.ne.s tout en respectant les réalités locales
et régionales. Nous prônons une élaboration dé-
mocratique de la future Constitution de l’Europe
à travers une Constituante élue dès 2019. Lors de
cette Constituante, nous défendrons une Europe
fédérale avec les préconisations suivantes:
– Un régime parlementaire et bicaméral. Le Conseil
de l’Union européenne (dit «des ministres») sera
redéfini comme une véritable seconde chambre
représentant les États (ou des ensembles infra-
nationaux en fonction de l’organisation propre
des différentes régions de l’Union), ses membres
devant être des personnes identifiables par les
citoyen.ne.s, dédiées exclusivement à cette
mission et siégeant à temps plein. Chaque
État détermine le mode de désignation de ses
membres. En outre, la réunion des chefs d’État et
de gouvernement, dont les décisions sont bridées
par la règle de l’unanimité, doit revenir à son rôle
d’instance de débat, d’analyse et de prospective.
Le Conseil européen disparaît ainsi pour devenir
éventuellement une émanation temporaire du
Conseil, une formation spéciale, tout comme
l’Eurogroupe disparaît.
– Le pouvoir exécutif européen devra être confié,
sans ambiguïté, à la Commission, rebaptisée
Gouvernement européen et élue par le Parlement
européen sur une majorité politique claire et
respectant le principe de la parité femmes-hommes,
les commissaires étant proposés par le président de
la Commission dans une démarche de constitution
d’un gouvernement, sur la seule base de leurs
compétences, sans considération de leur origine
nationale. Le nombre de commissaires n’est pas
européen; un socle commun de droits sociaux;
un moratoire sur toute nouvelle libéralisation des
services publics ou d’intérêt général; ainsi qu’une
clause de non-régression sociale permettant une
harmonisation sociale par le haut. Ces revenus
minimums européens seraient fixés en fonction des
revenus moyens nationaux, par exemple 60% du
salaire moyen pour le salaire minimum ou pour les
retraites, etc.
– Une politique commune de responsabilité sociale
des entreprises (RSE) et le renforcement par la loi
de la vérification du respect des engagements pris
par les entreprises européennes. La consolidation
progressive par la loi des avancées en matière
sociale et environnementale de ces entreprises sera
également un gage d’amélioration des pratiques,
d’éthique et de transformation des processus de
production au sein et en dehors de l’Union.
– L’initiative citoyenne européenne, pensée comme
un véritable outil de participation. Son introduction
dans le traité de Lisbonne était une grande avancée.
Malheureusement, aucune initiative citoyenne
européenne ayant réuni le nombre de signatures
nécessaires n’a abouti à une proposition législative.
Dès lors, les citoyen.ne.s se sont détourné.e.s
de cet outil. Il faut donc réviser son règlement,
notamment en introduisant une obligation pour la
Commission européenne d’agir lorsqu’une initiative
atteint le nombre requis de signatures.
II. Une Europe fédérale
Les écologistes appellent à la transformation
de l’Union pour une véritable démocratie parle-
mentaire et fédérale, seule à même de garantir
L’Europe dans le monde
BIEN VIVRE
196 197
– Certaines compétences relèveront exclusivement
de l’Union, d’autres exclusivement des États, le
reste sera partagé. Les formulations ne devront pas
être trop rigides, de sorte à permettre une certaine
souplesse d’application. Le partage de compétences
pourra évoluer.
– Des coopérations renforcées plutôt qu’une Europe
à la carte: nous rejetons l’idée d’une Europe où
chacun pourrait venir faire son shopping, sans pour
autant rejeter l’idée que des territoires puissent
mettre en place des expérimentations, encadrées
et organisées constitutionnellement, sur des sujets
d’intérêt général qui ne recueillent pas encore la
majorité au Conseil. Nous proposons une procédure
de type coopération renforcée pour permettre la
mise en place de «projets pilotes» ayant vocation
par la suite à s’appliquer dans toute l’Union, et
l’établissement d’un statut spécial pour les États
hors UE souhaitant y être associés.
III. Un budget, des ressources propres et une
gouvernance financière assainie pour l’Europe
L’Europe que nous voulons est au service du
développement humain et de la protection de l’en-
vironnement. C’est une Europe des peuples, dont
les citoyen.ne.s sont libres de circuler et d’échan-
ger. La fiscalité que nous voulons ne sert pas seu-
lement à faire entrer de l’argent dans les caisses
de l’UE, elle sert aussi à orienter les choix éco-
nomiques vers le non-gaspillage des ressources,
à réduire les inégalités et à limiter la concentra-
tion des pouvoirs au profit de quelques entités
(groupes bancaires, industriels ou commerciaux)
qui sont devenues plus puissantes que les États.
fixe mais dépend des choix politiques effectués. Le
président est désigné par le Parlement et le collège
est approuvé à la suite d’un processus d’audition.
La Commission devra aussi être dotée d’une
véritable administration de terrain, agissant dans
les régions et pas uniquement au niveau fédéral.
Le Parlement peut voter une motion de censure
pour dissoudre le gouvernement (majorité similaire
à celle de l’approbation), et le gouvernement peut
aussi dissoudre le Parlement (principe d’équilibre
caractéristique d’un régime parlementaire).
– La codécision généralisée: un rééquilibrage des
pouvoirs entre le Parlement européen et le Conseil
de l’Union européenne, qui doivent être dotés
de forces de décision et d’initiative identiques.
La saisine de la Cour sera ouverte à un nombre
fixe de parlementaires, tandis qu’un contrôle de
constitutionnalité sera créé.
– Les deux comités consultatifs européens verront
leur légitimité renforcée: les membres du Comité
des régions (CDR) seront désignés au sein des
associations nationales d’élu.e.s régionaux,
tandis que les membres du Comité économique
et social européen (CESE) seront désignés par
les grandes fédérations européennes syndicales,
professionnelles et associatives.
– Le parquet européen devra faire respecter sur
l’ensemble du territoire de l’Union la protection de
l’environnement et les droits et libertés garantis
au niveau européen. Ce pôle de justice sera
accompagné d’un contrôle démocratique et citoyen
de l’ensemble des organes de coopération de police
et de justice, afin de vérifier que ceux-ci respectent
bien les libertés publiques et ne contribuent pas à
construire une Europe forteresse.
L’Europe dans le monde
BIEN VIVRE
198 199
résultat imposable, plutôt qu’aux différents régimes
propres à chacun des États membres dans lesquels
l’activité est exercée.
– Sauf accords particuliers, une préférence sociale
et environnementale aux frontières de l’Europe
sera instaurée. Les produits entrants seront taxés
à hauteur de ce qu’ils auraient coûté s’ils avaient
respecté les clauses environnementales des
accords multilatéraux sur l’environnement et les
accords de l’Organisation internationale du travail.
Par ailleurs, une TVA à 0% sera mise en place sur
les produits alimentaires de première nécessité et
élaborés dans la proximité.
– Une union monétaire intégrée, dotée de politiques
communes et de mécanismes automatiques de
stabilisation au sein de l’Eurozone. Les dettes
souveraines seront transmises au niveau
communautaire, nécessitant une modification des
traités actuels ainsi que de certaines constitutions
nationales.
– Un mécanisme de mutualisation pour faire
face aux chocs affectant l’union monétaire (crise
financière) ou des chocs asymétriques (catastrophe
naturelle, éclatement d’une bulle spécifique, etc.),
plutôt qu’un ajustement reposant uniquement sur
les taux de dévaluation.
IV. Un Green New Deal et la relocalisation
européenne: des investissements pour
l’innovation, l’écologie et l’emploi
L’Union européenne ne peut vivre sans inves-
tissements tournés vers l’avenir: harmonisation
des conditions de vie, construction des infras-
tructures et des emplois de demain, transition
Les écologistes proposent:
– Un budget pour de véritables politiques: il faut
relever le plafonnement du budget européen de
1,24% à 5% du RNB. Par ailleurs, nous appelons à
la mise en place d’un système réel de financement
du budget par des ressources propres, qui devront
remplacer le système actuel, majoritairement
fondé sur les contributions nationales, qui ne fait
qu’accentuer le caractère intergouvernemental
des négociations budgétaires au détriment de
l’intérêt général. Parmi les ressources propres
que nous appelons de nos vœux, figurent une TVA
européenne, une taxe carbone aux frontières et une
taxe sur les transactions financières.
– Un impôt pour financer la solidarité fédérale,
accompagné d’une harmonisation fiscale
européenne, rendue possible par l’application du
mécanisme de codécision, en remplacement de
l’unanimité actuellement requise en la matière.
Il viendra en substitution de l’essentiel des
contributions nationales et aura pour assiette
les bénéfices des sociétés multinationales, les
revenus financiers, les transactions financières
et les activités polluantes (taxe carbone, taxe
sur les déchets, y compris nucléaires, etc.). Le
processus budgétaire devra être rendu transparent
et démocratique, associant pleinement le
Parlement, notamment en lui donnant le pouvoir de
codécider des recettes. Nous agissons aussi pour
l’introduction d’une assiette commune consolidée
pour l’impôt sur les sociétés, afin de réduire la
concurrence fiscale entre les États membres.
Il s’agit, pour chaque entreprise présente dans
plusieurs États membres, de se conformer à un
seul régime fiscal au sein de l’UE pour calculer son
L’Europe dans le monde
BIEN VIVRE
200 201
(la Commission estime que l’Europe peut réduire
sa consommation des ressources de 17%, soit
23 milliards d’euros d’économie par an et la création
de 1,4 à 2,8 millions d’emplois) et enfin les services
publics. Les priorités d’investissements, notamment
géographiques, seront élaborées avec l’ensemble
des États membres, la société civile et les Agences
européennes des droits fondamentaux et de
l’environnement.
– Un plan d’industrialisation écologique pour
l’Europe. Aujourd’hui, l’industrie européenne
ne pèse que 12% du PIB européen. Nous visons
l’objectif de la faire passer à 20%, en nous
appuyant sur les industries d’avenir: énergies
propres et renouvelables hors nucléaire; transports
propres, notamment ferroviaire, et connexion de
l’ensemble des zones européennes; économie
circulaire et préservation des ressources via le
réemploi, la réparation et le recyclage; et enfin
industrie du numérique. Nous proposons la création
de pôles industriels européens financés par des
«project bounds», c’est-à-dire avec un financement
européen mutuellement garanti et un pilotage
supranational. La réindustrialisation européenne
nécessite de sortir du principe, considéré comme
absolu, de «concurrence libre et non faussée»,
afin de permettre la création d’une industrie
européenne à même de faire face à ses concurrents
mondiaux. Les États doivent être en mesure de
coopérer pour faire naître des industries aussi
rayonnantes que celle d’Airbus. Afin de créer cette
industrie européenne, il est également nécessaire
d’encadrer fortement les activités des entreprises
industrielles multinationales. Ainsi, l’Union devra
mettre en place des règles strictes à leur égard.
énergétique et écologique visant à la protection
des ressources et à la solidarité.
Les écologistes ont accueilli avec prudence
le plan Juncker d’investissements, qui visait, dans
un premier temps, à réunir 315 milliards d’euros au
sein du Fonds européen pour les investissements
stratégiques. Face à la crise européenne, Jean-
Claude Juncker a annoncé en septembre 2016
qu’il souhaitait doubler le montant et la durée pré-
vus pour ce plan.
Les écologistes proposent:
– Un Green New Deal de 600 milliards d’euros
d’investissements sur deux ans, afin de financer
la transition écologique et sociale de l’Union.
Cette somme proviendra pour un tiers du secteur
public et pour deux tiers du secteur privé, à
travers l’activation de crédits d’impôts différés et
la mise en place d’un fonds d’épargne énergétique.
Elle financera en priorité la mise en place
d’une Union énergétique écologiste (efficacité
énergétique et renouvelables), la relocalisation
de l’économie, l’innovation sociale et écologique.
Les investissements mobilisés dans ces domaines
permettront aux États membres de s’approcher
des objectifs (emploi, inclusion sociale, éducation,
R & D, énergie/climat) adoptés dans le cadre de
la Stratégie UE 2020. Ils permettront de créer
un million d’emplois. Les rendements attendus
sont tels qu’à terme le pouvoir d’achat des
citoyen.ne.s sera augmenté et l’assainissement
des finances publiques accéléré, voire consolidé.
Les publics prioritaires ciblés par ce fonds seront:
les Européen.ne.s en situation de précarité
énergétique (actuellement 10 à 11%), les PME
L’Europe dans le monde
BIEN VIVRE
202
Notamment: la récupération des aides publiques,
y compris européennes, lorsque les entreprises
usent de licenciements abusifs; la suspension des
aides publiques, y compris européennes, lorsque
les dividendes y sont excessifs ou les écarts de
salaires disproportionnés; la suppression des
exonérations fiscales non liées à la création
d’emplois ou à la transition écologique. L’Union
européenne devra également limiter les montages
fiscaux abusifs par une plus grande coopération
entre les États membres, instaurer des droits de
douane sociaux et environnementaux aux frontières
européennes et établir une cellule d’anticipation et
de prévention des restructurations d’industries.
– Pour l’industrie et les entreprises européennes:
des règles de responsabilité écologique et
sociale. Nous proposons que de 1,5 à 2% du PIB
européen soit investi dans le financement de la
transition écologique, avec des ambitions fortes
de réduction des émissions de CO2 à l’horizon
2020. L’ensemble des politiques européennes
devront être revues à cette aune, et dans le
respect du traité environnemental constitutionnel
à mettre en place. L’Union énergétique écologiste
aura vocation à remplacer le traité Euratom
et sera chargée de préparer un futur 100%
sobre, efficace et renouvelable, notamment en
améliorant l’organisation institutionnelle et le
suivi des politiques énergétiques. Le financement
de la recherche sur le nucléaire sera réorienté.
L’industrie européenne a besoin d’être protégée.
Afin d’assurer sa transition écologique, un prix
devra être rapidement donné au carbone, et des
taxes douanières devront être instaurées sur
l’empreinte écologique des biens importés. Afin
d’assurer l’équité sociale au sein de l’Union, un
travail d’harmonisation par le haut des salaires et
des conditions de travail devra être entamé. Mais,
surtout, l’Union européenne devra reconnaître
le devoir de vigilance des sociétés-mères ou
donneuses d’ordre pour prévenir les violations
graves des droits humains ou environnementaux
liées à leur activité; promouvoir un haut standard
de RSE comme valeur ajoutée des entreprises
françaises et européennes sur les marchés publics
internationaux d’infrastructures ou d’exploitation
extractives; et stopper toute subvention à
l’exportation de biens ou de services polluants.
L’Europe dans le monde
SIXIÈME PARTIE
VERS UN MONDE DE PAIX
ET DE JUSTICE SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE
206 207
le terreau sur lequel se développe la violence
armée.
Ces bouleversements s’accompagnent d’une
quadruple crise: environnementale, économique,
sociale et démocratique. Réchauffement clima-
tique, fin des énergies fossiles, pollutions, cap-
tation et raréfaction des ressources naturelles,
accélérées par la mondialisation, nous obligent
encore davantage à une réflexion transnationale.
Les exemples foisonnent: délocalisations indus-
trielles, exportations agricoles, imposition des
politiques d’immigration du Nord sur «les Suds»,
jonction des mouvements djihadistes, etc.
Dans cette période de chaos, le capita-
lisme financier ultralibéral et ses fonds divers
spéculent à tout-va, déstabilisant pays ou sec-
teurs entiers, les multinationales intensifient
leur course aux matériaux rares, détruisant
l’environnement de populations entières. Dans
cette guerre économique, les luttes de peuples
secouent de nombreuses régions de la planète.
Mais la répression, le manque de soutien des
pays occidentaux, l’héritage traumatique des
guerres du Moyen-Orient, les inégalités et
l’extrémisme religieux ont abouti au djihadisme.
Sauf exception, les régimes autoritaires se
renforcent, dans une compétition féroce pour
l’hégémonie régionale. De grandes incertitudes
s’installent, notamment parce que de plus en
plus d’États pauvres ou en crise sont dépossédés
de leur souveraineté économique par les multi-
nationales, mais également de leurs fonctions
régaliennes par des groupes et des institutions
financières internationaux qui finissent par en
faire des États faillis.
En ce début du XXIe
siècle, le monde est caractérisé
par de grands bouleversements géopolitiques, qui
brouillent les repères et accroissent les incer-
titudes. Ils résultent d’abord de la disparition du
monde bipolaire issu de la Guerre froide, auquel a
succédé une période centrée sur l’hyperpuissance
américaine, elle-même bousculée depuis la fin
des années 1990 par l’ascension des puissances
émergentes (les Brics: Brésil, Russie, Inde,
Chine et Afrique du Sud), annonçant un nouvel
ordre multipolaire. En plus des États, il faut aussi
compter avec le poids croissant d’autres acteurs
comme les organisations internationales, les or-
ganisations non gouvernementales, les collectivi-
tés locales et les firmes transnationales.
Mais on constate aussi un foisonnement de
mouvements sociaux et citoyens qui se battent
pour une société plus juste, pour plus de liberté
et une démocratie réelle. Tous ces mouvements
au Nord et au Sud remettent en question la mar-
chandisation des échanges, la déréglementation
généralisée, l’inégalité de la répartition des ri-
chesses et la destruction de l’environnement. La
fin du « gendarme » unique, la multiplicité des
acteurs, la multiplication de nouveaux foyers de
conflits se superposant à d’anciens non réglés
minent encore un peu plus la crédibilité des
institutions internationales et des États. C’est
Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
BIEN VIVRE
208 209
1. POUR UNE DÉMOCRATIE GLOBALE
I. Redonner une place centrale aux Nations unies
et au droit international, engager la dissolution
à terme du G8 et du G20, et instaurer un contrat
social mondial
Le G8 et le G20, organisations à très faible
légitimité démocratique, décident aujourd’hui de
la guerre et de la paix mondiales, des modèles
de société et des politiques économiques. La
France devra défendre l’Organisation des Nations
unies comme élément central de la gouvernance
mondiale, notamment par la revalorisation du
rôle de l’Assemblée générale, par une réforme
de son Conseil de sécurité pour une meilleure
représentation des pays du Sud et émergents,
et par sa capacité à faire appliquer ses propres
résolutions et le droit international. Cela sup-
pose des ratifications des États qui soient oppo-
sables et contraignantes, et des organismes de
règlement des différends aux décisions réelle-
ment exécutoires (a contrario de l’ORD, l’instance
d’arbitrage de l’OMC). Les législations nationales
et européennes doivent néanmoins anticiper,
démontrer et inciter au droit international auquel
nous aspirons. Et les États doivent enfin respecter
leurs engagements internationaux.
Sur le plan économique et financier, la
France et l’Union européenne doivent promou-
voir une gouvernance mondiale régulée, avec des
ensembles régionaux économiques et monétaires
plus homogènes, une responsabilisation des
parties prenantes et la gestion internationale
de la dette. Les décisions de la gouvernance
Dans ce contexte, la diplomatie française,
entre 2012 et 2017, a privilégié des interventions
militaires, sans s’attaquer aux causes. Au
contraire, elle a favorisé l’économique et le com-
mercial, c’est-à-dire une politique d’exportation
pour booster la sacro-sainte croissance: agricul-
ture, gaz de schiste en Algérie, Rafales en Égypte,
EPR en Iran, ventes d’armes en arabie Saoudite…
Le tout conjugué au soutien de plusieurs dicta-
tures en Afrique ou au Moyen-Orient.
Pourtant, dans les pays du Sud, l’écologie
n’apparaît plus comme un luxe de pays riches,
mais comme vitale. Leur participation et leur
contribution aux COP 21 et 22 l’ont souligné. Ils
subissent de plein fouet les maux inhérents au
productivisme: industrie extractive, déforestation,
sécheresse, exploitation barbare. Et les pires
conséquences des émissions de gaz à effet de
serre, dont ils sont les moins responsables.
Une autre politique internationale, une autre
coopération, une autre diplomatie, une autre
défense de la France et de l’Europe dans le monde
sont nécessaires pour l’avenir commun des
peuples et un projet de société enviable.
BIEN VIVRE
210 211
niches, l’évasion et le dumping fiscaux, qui per-
mettent aux multinationales d’échapper à l’impôt,
comme la quasi-absence de redevance du sec-
teur des transports représentent un dramatique
manque à gagner pour tous les pays, mais encore
plus pour les pays les plus pauvres.
Les États n’ont plus les moyens de pourvoir
aux besoins des populations, les services publics
sont sacrifiés, le recours à l’emprunt pour des ser-
vices et infrastructures de base qui doivent rester
non marchands (éducation, santé, justice…) re-
lance le cercle vicieux de la dette. Il s’agit d’initier
une fiscalité globale, homogène et transparente,
pour la proposer progressivement à l’ensemble de
la planète.
II. Lutter contre la criminalité internationale,
politique et militaire
La France devra défendre et pratiquer une
diplomatie active de lutte contre les dictatures et
les régimes autoritaires, et de solidarité avec les
mouvements d’émancipation. La succession des
élections en Afrique (plus de seize en une année),
où les peuples se sont révoltés contre le maintien
de présidents à vie ou héréditaires, a montré que
des élections sans respect des règles ne peuvent
être qualifiées de démocratiques. Elle a aussi
souligné le manque de pugnacité du gouverne-
ment français et de la Commission européenne
pour dénoncer ces dénis démocratiques et les
répressions qui les ont accompagnés.
La France devra solliciter la Cour pénale
internationale (CPI) dès lors que des crimes
de guerre auront été suspectés, à l’instar de la
économique mondiale doivent ainsi être compa-
tibles avec les règles de l’Organisation internatio-
nale du travail, de l’Organisation mondiale de la
santé et de l’Unesco.
Les 17 Objectifs du développement durable
(ODD) 2015-2030 de l’ONU, signés par 193 pays,
devront être le cadre d’action majeur pour la di-
plomatie française et européenne. Les politiques
publiques françaises et européennes devront être
mises en cohérence entre elles et avec l’Agenda
2030. La coopération internationale, notamment,
devra être cohérente avec la coopération pour le
développement, qui doit privilégier – contraire-
ment aux faits – les pays les plus pauvres, dits
les moins avancés (PMA). Les ODD étant trans-
versaux et la démarche holistique, les objectifs
environnementaux ont une importance égale aux
autres, car il n’y a pas de réduction durable de la
pauvreté et d’accès aux droits sans préservation
des écosystèmes locaux et mondiaux.
Les droits fondamentaux des citoyen.ne.s du
monde doivent être garantis par un «contrat so-
cial mondial». Pour cela, il faudra mettre en place
une fiscalité mondiale pour la planète. La taxa-
tion des transactions (en particulier journalières)
sur les marchés des changes financiers et bour-
siers, mais aussi des profits des multinationales,
des déchets nucléaires et des transports aériens
et maritimes rapporterait 775 milliards de dollars
hors taxe carbone. C’est-à-dire deux à trois fois les
sommes nécessaires pour l’accès de tou.te.s aux
droits fondamentaux et à la résilience climatique.
La spéculation boursière, dont la volatilité
journalière est une épée de Damoclès pour toutes
les entreprises et les marchés mondiaux, les
Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
BIEN VIVRE
212 213
strict des marchés des matières premières, en
particulier agricoles, et des produits dérivés; la
suppression des paradis fiscaux et judiciaires;
l’annulation des dettes illégitimes, en commençant
par les pays les plus pauvres, et l’instauration
d’une responsabilité mutuelle des créanciers et
débiteurs publics et privés. Entre 2000 et 2014,
les sommes placées dans les paradis fiscaux ont
été multipliées par quatre.
Syrie, en se saisissant aussi de l’extension, par la
procureure de la CPI, de la notion de crimes de
guerre aux destructions de l’environnement ayant
entraîné des déplacements de population. Afin de
préserver la crédibilité de la CPI, pierre d’achop-
pement de l’architecture pénale internationale et
de la lutte contre les violations graves des droits
humains, la France devra se prémunir contre
toute utilisation politique de la Cour, notamment
dans les pays où elle est intervenue militairement.
Elle pourra alors, en toute légitimité, participer
aux débats pour une réforme de la CPI, afin que
celle-ci regagne la confiance des pays qui sont
aujourd’hui tentés de la quitter. L’enjeu, crucial,
est de continuer à étendre l’emprise du droit hu-
manitaire international et de le connecter aux vio-
lations graves du droit environnemental.
La France œuvrera également au renfor-
cement de la lutte contre les délits économiques
et financiers, contre l’impunité en cas de délits
commis par les chefs d’État ou les élites inter-
nationales. Il faut mettre un terme définitif à la
Françafrique financière et militaire, aux valises de
billets et aux trafics d’influence, prévenir et sanc-
tionner les conflits d’intérêts des responsables po-
litiques et des hauts fonctionnaires par une réelle
coopération judiciaire et fiscale. Il faut assurer la
restitution rapide des avoirs détournés aux pays
spoliés (comme les «biens mal acquis»), selon un
mécanisme qui empêche les gouvernants spolia-
teurs de se les approprier de nouveau, avec notam-
ment la création d’un fonds d’appui aux ONG, et en
hébergeant les lanceur.se.s d’alerte de toute sorte.
La France doit lutter contre la spéculation
financière, notamment par un encadrement
Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
214 215
matière de pollutions. L’exploitation des énergies
fossiles et des minerais repose sur un travail
inhumain, l’échange inégal, l’évasion fiscale,
les trafics et la destruction de l’environnement.
Qu’il s’agisse du pétrole en Amazonie, dans le
golfe de Guinée, au Bahreïn, ou du coltan de nos
portables en République démocratique du Congo,
de l’uranium au Niger ou encore de l’or au Brésil,
l’industrie extractive accentue ses pressions pour
capter les dernières ressources naturelles afin de
nourrir des sociétés de plus en plus énergivores,
à n’importe quel prix, même celui de guerres. Hors
les cas les plus graves, les atteintes majeures
à l’environnement doivent ainsi pouvoir être
sanctionnées.
– De créer une Organisation mondiale de
l’environnement (OME), dont les préconisations
auront une valeur juridique supérieure à celles de
l’OMC. Cette OME, à développer à partir de l’actuel
Programme des nations unies pour l’environnement
(Pnue), basé à Nairobi (Kenya), aurait vocation à
centraliser, harmoniser et faire respecter les plus
de 3 500 traités internationaux sur l’environnement
qui existent aujourd’hui dans le monde. Il
permettrait aussi d’améliorer les systèmes de co-
élaboration des règles qui y sont relatives, comme
celles de la police environnementale internationale,
à des fins de contrôle, de suivi et de sanctions.
– De généraliser la traçabilité des ressources et
matières naturelles exploitées, à travers notamment
les achats publics.
– De créer une Agence internationale pour la
régulation du commerce des minerais précieux,
chargée de contrôler les produits importés
(identification et certification de l’origine des
2. POUR UNE POLITIQUE MONDIALE
DES COMMUNS ET DE JUSTICE SOCIALE
ET ENVIRONNEMENTALE
De l’eau au génome humain, les combats des
peuples pour la préservation et la gestion collec-
tive des communs ont émergé sur la scène inter-
nationale. Un autre modèle de développement doit
prévaloir pour la défense des communs globaux et
la survie de l’humanité.
Les écologistes proposent:
– D’instituer une règle de protection des communs
environnementaux (air, eau, sols, biodiversité,
climat…) et de respect des limites planétaires.
– D’éliminer plus ou moins progressivement, ou
de réorienter, les activités qui enrichissent les uns
et détériorent les conditions de vie des autres,
humains ou non-humains.
– De porter au niveau international la
reconnaissance des droits des générations
futures, rendant ainsi concret le principe de
précaution et permettant de protéger les plus
jeunes des atteintes à l’environnement ou à leur
santé.
– D’œuvrer à la reconnaissance de la notion de
crime climatique et d’écocide par la Cour pénale
internationale, permettant ainsi de condamner
lourdement des personnes morales (États,
entreprises, etc.). Les juridictions pénales
nationales de l’UE doivent se doter d’une
compétence universelle pour les atteintes graves à
l’environnement survenues dans des pays tiers.
– De reconnaître pénalement toutes les atteintes
à la nature et de renforcer le droit international en
Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
BIEN VIVRE
216 217
en Inde, etc.), modifient les équilibres agricoles
et provoquent migrations et conflits: en Syrie, en
Turquie, en Israël-Palestine et dans l’ensemble
du Moyen-Orient, dans les pays frontaliers du
lac Tchad, dont le niveau est en constante dimi-
nution, etc. Partout, le recours à la fracturation
hydraulique, nécessaire à l’extraction du gaz de
schiste (auquel participe une multinationale d’ori-
gine française telle que Total), fait peser de gros
risques de pollutions sur les ressources en eau.
Les écologistes proposent:
– de reconnaître en France, dans l’Union
européenne et au niveau international l’eau
patrimoine commun de l’humanité et commun
environnemental non privatisable;
– de garantir l’accès à l’eau potable pour chacun.e;
– de refuser la gestion publique-privée (concession
ou délégation) des programmes d’assainissement,
de production et de distribution d’eau, et d’y
substituer des partenariats publics;
– de supprimer l’Accord général sur le commerce
et les services (AGCS), qui a fait entrer l’eau dans
le domaine marchand et impose d’avoir recours à
des entreprises privées pour bénéficier de l’aide
internationale;
– de promouvoir un contrat mondial de l’eau,
dont le respect serait garanti par une Autorité
mondiale de l’eau (AME), indépendante et intégrée
aux Nations unies, en lieu et place de l’actuel
Conseil mondial de l’eau, mis en place par Veolia et
Suez-Environnement.
Enfin, la France signera les déclarations de l’OIT et
de l’ONU sur les droits des peuples autochtones,
notamment le droit à préserver leurs ressources,
matières premières, traçabilité des transactions,
transparence sur les marges, de la production à la
distribution puis à la consommation).
– D’accélérer le calendrier d’interdiction des
minerais issus de zones de conflit (étain, tantale,
tungstène, or): fixer cette interdiction en 2017
plutôt que d’attendre la date de 2021 fixée par
l’Union européenne.
– De tirer progressivement l’ensemble des
importations et des échanges internationaux
vers les normes du commerce équitable, par la
transparence et la régulation.
I. L’eau, un commun environnemental
Dans le monde, 88% des maladies ont pour
origine une consommation d’eau non potable, des
installations sanitaires inadéquates ou encore
une mauvaise hygiène. Chaque jour, 2 millions de
tonnes de déchets sont déversées dans des cours
d’eau. Soumises à la pollution du cœur des océans
jusqu’à la sortie de notre robinet, l’eau et sa ges-
tion sont un enjeu majeur.
Ressource indispensable à l’accès très inégal,
l’eau est devenue une marchandise aux mains de
grands groupes internationaux. Elle se raréfie et
des chercheurs évoquent régulièrement une pro-
chaine «guerre de l’eau».
Le gaspillage, les cultures industrielles et
le réchauffement climatique ont provoqué des
sécheresses sévères, qui ont affecté des superfi-
cies presque deux fois plus importantes en 2015
que l’année précédente (14% contre 8%). Elles
atteignent des records dans certaines régions du
monde (Sahel, Sao Paulo au Brésil, Tamil Nadu
Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
BIEN VIVRE
218 219
– des transferts de technologie aux populations
locales pour une énergie de remplacement
renouvelable pour se loger et se nourrir, hors
système REDD (Reducing Emissions from
Deforestation and forest Degradation);
– la valorisation économique des apports
environnementaux et sociaux des forêts et
des pratiques agroécologiques, dits «services
écosystémiques».
III. Cesser tout soutien aux énergies fossiles
Pour limiter le réchauffement climatique à
moins de 2 °C, 80% des énergies fossiles doivent
impérativement rester dans le sol. La seule solu-
tion raisonnable est d’interrompre les subven-
tions aux industries extractives. Or, d’après une
étude du Fonds monétaire international (FMI)
de Mai 2016, 5 300 milliards de dollars par an
(9,5 millions de dollars par minute) sont dépensés
par les États pour soutenir les énergies fossiles,
sous forme de subventions ou des externalités
négatives qui y sont liées. Si 48 pays, parmi les
plus pauvres, se sont engagés à produire de
l’électricité sur la base d’énergies 100% renou-
velables d’ici à 2050, un rapport d’Oil Change
International estime que 14000 milliards de dol-
lars devraient être injectés durant les vingt ans à
venir pour de nouveaux forages, mines et infras-
tructures de transports.
Les écologistes proposent:
– que la France cesse tout financement aux
énergies fossiles passant par la Banque mondiale,
la Coface ou l’Agence française de développement;
et adhérera à la Convention européenne sur les
minorités nationales.
II. Les forêts
Les forêts jouent un rôle écologique essentiel
de retenue des sols, d’écrétage des crues, de filtra-
tion de l’air et des eaux, de réserve de biodiversité,
de captation du CO2 et de régulation climatique. La
déforestationparticipepour20%auréchauffement
climatique et à la destruction des habitats des
peuples autochtones. Or, selon une étude de la
FAO de 2015, quelque 129 millions d’hectares de
forêts – presque la superficie de l’Afrique du Sud –
ont été perdus depuis 1990.
Aujourd’hui, des espaces forestiers sont
dévastés pour installer des cultures industrielles
rentables, comme les sojas transgéniques, les
plantes à agrocarburants et les palmiers à huile
en Argentine ou au Brésil, l’huile de palme en
Malaisie, au Guatemala, etc. S’y ajoutent les me-
sures, confirmées lors de l’Accord de Paris, qui per-
mettent aux entreprises responsables d’émissions
de gaz à effet de serre de les compenser par des
plantations, quelles qu’elles soient, éventuelle-
ment au détriment des cultures vivrières, pourtant
indispensables pour atteindre la souveraineté ali-
mentaire. Autre effet pervers: l’accaparement des
terres par ces mêmes entreprises et des États,
spoliant ainsi les petits agriculteurs.
Les écologistes défendent:
– la création d’une protection internationale des
forêts contre l’exploitation pétrolière et minière et
les cultures industrielles;
Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
BIEN VIVRE
220 221
en soutien aux populations locales, en particulier
pour le non-déboisement et l’entretien des forêts
tropicales.
À cause d’une distribution massive de crédits
carbone lors de la création du marché européen,
le prix carbone est au plus bas et ne constitue
pas une incitation à la réduction des émissions de
gaz à effet de serre mais des droits spéculatifs à
polluer. Le marché des crédits carbone doit pro-
gressivement disparaître, comme le «mécanisme
de développement propre» (MDP). Avec l’arrêt
des subventions massives aux énergies fossiles
et l’accompagnement social des plus précaires et
vulnérables sur le plan énergétique, les taxations
carbone doivent se multiplier.
V. Mettre en place une véritable fiscalité
écologique
Afin de financer la transition écologique,
nous souhaitons une fiscalité globale de protec-
tion de l’environnement reposant sur le principe
du pollueur-payeur. Cette fiscalité sera compen-
sée par ailleurs et différenciée socialement. Sans
attendre l’alignement des niveaux de taxation, les
États les plus volontaires devraient déjà avancer
ensemble sur cet aspect.
VI. Diminuer les échanges inutiles et inéquitables,
favoriser un commerce à faible impact sur
l’environnement
Cela se fera notamment à travers la mise
en place d’une certification bas carbone et
la reconnaissance de la responsabilité des
– que l’État, actionnaire principal d’Engie (33%)
et majoritaire d’EDF (84%), impose aux deux
structures un plan de fermeture de leurs centrales
à charbon en France et dans le monde à l’horizon
2020, et interdise tout nouveau projet d’exploitation
des fossiles;
– que les États et collectivités territoriales imposent
aux secteurs bancaire et assurantiel le respect de
leurs engagements climat;
– que les gisements d’énergies fossiles soient
reconnus comme des biens publics mondiaux.
IV. Reconnaître la dette climatique et assumer
la solidarité qui en découle
La transition écologique nécessite le respect
par la France et l’Union européenne des engage-
ments pris en faveur de la lutte contre le chan-
gement climatique et de l’adaptation des pays les
plus vulnérables. Mais, selon l’OCDE, seuls 67 mil-
liards de dollars ont été mobilisés au sein du Fonds
vert pour le climat sur les 100 milliards de dollars
annuels promis par les pays développés, d’ores et
déjà insuffisants face aux enjeux climatiques.
La vocation du Fonds vert est trop imprécise:
on constate que ses financements vont et iront
vers les pays émergents et à revenu intermédiaire,
qui peuvent pourtant se financer autrement,
et vers l’atténuation plutôt que l’adaptation. Le
Fonds vert doit être abondé rapidement, en dons
plutôt qu’en prêts, et contrôlé par les citoyen.ne.s.
Il doit prioriser les pays les plus pauvres et les
États insulaires, compter au moins 50% de finan-
cements allant à des projets et à des stratégies ap-
puyées sur les communautés et les écosystèmes,
Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
BIEN VIVRE
222 223
3. CONTRE LE POUVOIR PRÉDATEUR
DES MULTINATIONALES
La mondialisation a multiplié les relations com-
merciales en leur donnant la primeur sur toute
autre considération. D’où un dysfonctionnement
à grande échelle du droit international comme
national, qui échoue à protéger et à faire prévaloir
les droits humains et la préservation des res-
sources. Le libre-échange mondial est un outil
extrêmement efficace pour les multinationales
dans la défense de leurs profits et de leurs intérêts.
En effet, même si, en principe, la hiérarchie des
normes de droit international donne la primauté à
la Charte internationale des droits de l’homme des
Nations unies, en réalité, seul le droit commercial
international (issu de l’OMC et des traités com-
merciaux ou d’investissement) est contraignant
dans les faits.
De plus en plus concentrées, avec des ramifi-
cations et des propriétés croisées, les multinatio-
nales ont acquis un pouvoir inégalé, parfois plus
important économiquement que celui de nombre
d’États. Elles échappent ainsi à tout contrôle,
d’autant plus que les puissances publiques sont
soumises à un intense lobbying.
De fait, nous assistons depuis plusieurs
décennies au développement d’un «droit global
mou», c’est-à-dire émanant d’indicateurs, de stan-
dards,decodesdeconduites,etbiensûrdesusages,
pratiques et coutumes du commerce transnational,
et non plus de processus législatifs démocratiques.
Mais cette primauté n’est pas neutre: elle consacre
le laisser-faire et le consentement généralisé des
États à des types de régulation, prétendument
multinationales quant à leurs agissements so-
ciaux et environnementaux.
VII. Reconnaître le droit des générations futures,
le droit de la nature, et punir les crimes
climatiques en reconnaissant le droit aux citoyen.
ne.s d’ester en justice
La justice l’a déjà rappelé à plusieurs re-
prises: les États et pouvoirs publics sont respon-
sables et garants du respect des droits humains,
voire de la stabilisation du climat.
BIEN VIVRE
224 225
responsabilité doit être élargie à l’ensemble des
entreprises, y compris celles comptant moins
de 5000 salariés. Comme doit être inversé
le «renversement de la charge de la preuve»: ce
sont les firmes qui doivent prouver qu’elles ont tout
fait pour éviter toute atteinte aux droits humains ou
de l’environnement, et non les victimes qui doivent
prouver les dommages subis.
par le biais du marché, qui favorisent les acteurs
économiques transnationaux. Ce qui rend plus dif-
ficiles les revendications des mouvements sociaux
et citoyens et des associations, de même que la
préservation de la nature.
Les écologistes proposent:
– De soumettre le commerce mondial au respect
des droits humains, en soutenant, dès 2017, la
proposition de Traité international des peuples
pour le contrôle des sociétés transnationales. Ce
traité a été élaboré par des mouvements citoyens,
des populations affectées par les activités des
multinationales et des associations membres de la
Campagne globale pour démanteler le pouvoir des
multinationales.
– De reconnaître la responsabilité des
multinationales. Dès 2017, la France soutiendra
activement la proposition d’élaboration d’un
traité international visant à «créer un instrument
international juridiquement contraignant sur les
sociétés transnationales et autres entreprises et les
droits de l’homme», dont la rédaction a été lancée
par l’adoption en 2014 de la résolution 29/6 au
Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
– De renforcer la responsabilité sociale et
sociétale des multinationales françaises. Suite
à l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh,
qui a fait plus de mille victimes, une loi est en
cours d’adoption au moment de la rédaction de ce
programme, reconnaissant le devoir de vigilance
des multinationales, soit la responsabilité des
firmes françaises pour les agissements de leurs
filiales étrangères quant au respect des droits
humains et du droit environnemental. Cette
226 227
irrégularité climatique, une crise des prix et une
crise alimentaire. L’agriculture industrielle, méca-
nisée et chimique – et souvent très subvention-
née –, détériore par ailleurs la fertilité des sols,
la biodiversité, la reproduction des écosystèmes,
ainsi que la santé des cultivateur.trice.s et des
consommateur.trice.s.
Côté pêche, la situation n’est guère plus
reluisante: si le rythme actuel de la pêche inter-
nationale se poursuit, les océans seront essen-
tiellement peuplés de méduses à l’horizon 2050,
époque à laquelle nous compterons également
plus de déchets plastiques que de poissons.
Pour les écologistes, préserver et dévelop-
per les agricultures locales du Sud, de l’Est et du
Nord, qui emploient encore le plus grand nombre
d’actifs et d’actives dans le monde (les femmes y
étant majoritaires), c’est lutter contre la pauvreté
et la faim, pour l’emploi et la justice climatique et,
par-là, contre l’instabilité, le chômage urbain et
les migrations non choisies. Il s’agit:
– De réguler la pêche au niveau mondial,
afin de préserver les stocks et les espèces de
poissons: interdiction des pêches sur les litto-
raux étrangers comme du pillage des ressources
halieutiques, défense des pêches artisanales et
accord international à ce sujet.
– De soustraire l’agriculture au libre-échange
etdepermettrelasouverainetéalimentaire,comme
l’ont fait de nombreux pays développés et émer-
gents. Mettre en place aux frontières de chaque
aire régionale un ensemble de droits de douane
variables (en fonction inverse du prix internatio-
nal) sur les importations de denrées alimentaires
permettra d’assurer des prix rémunérateurs et
4. DES AGRICULTURES PAYSANNES ET UNE
PÊCHE FAMILIALE POUR NOURRIR LE MONDE
Boire et se nourrir sont les premiers besoins
de l’être humain. La population mondiale vient
d’atteindre 7 milliards d’habitant.e.s et atteindra
9 milliards en 2050. À l’heure actuelle, un mil-
liard de personnes souffrent de la faim, et un
autre milliard – dont nous faisons partie – sont en
«suralimentation».
Depuis trois décennies, les paysanneries du
monde les moins bien équipées ont été livrées
sans protection à la concurrence des grandes en-
treprises et des producteurs les mieux équipés et
les mieux protégés du Nord. Avec, comme consé-
quences, le blocage du développement et l’ap-
pauvrissement de la majorité de la paysannerie,
l’exode vers les bidonvilles, les vagues de migra-
tions déstabilisantes, les frustrations, les ressen-
timents et les dérives d’une partie de la jeunesse,
qui nourrissent l’instabilité politique et l’insécurité
militaire.
Les émeutes de 2008 et les flambées de
prix récurrentes sont de fait consubstantielles
au système libre-échangiste mondial: ruine des
petites paysanneries livrées à la concurrence
des surplus mondiaux et à la spéculation sur les
matières premières agricoles, abandon des stocks
de sécurité alimentaire, gestion spéculative des
matières premières agricoles, utilisation du fon-
cier au profit des agrocarburants ou de la produc-
tion de viande, donc moins accessible aux plus
pauvres,accaparementdesterresetdéforestation,
chômage massif dans des bidonvilles en pleine ex-
tension, etc. ont pour conséquence, à la moindre
Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
BIEN VIVRE
228 229
5. COOPÉRER RÉELLEMENT POUR
LE DÉVELOPPEMENT: FAIRE DE L’AGENDA
ODD 2030 UN VÉRITABLE PROJET POLITIQUE
Engagements internationaux bafoués depuis cin-
quante ans; chute libre de l’Aide publique au déve-
loppement (APD) française et mondiale au niveau
le plus bas jamais atteint (0,37% du PIB fran-
çais, dont 6% seulement de dons); abandon des
pays les plus pauvres, qui reçoivent de la France
à peine 150 millions d’euros sur les 8 milliards
d’engagements annuels de l’Agence française de
développement (AFD); abandon ultralibéral de
toutes régulations commerciales, agricoles, finan-
cières, fiscales et minières: la coopération pour le
développement a perdu toute ambition.
Aux 15 Objectifs millénaires du développe-
ment 1990-2015 ont succédé les 17 Objectifs de
développement durable 2015-2030 (ODD), votés
par 193 pays à l’ONU dans l’ignorance générale,
malgré une ambition inédite dans l’histoire de
l’humanité: en 2030, «Faim zéro, zéro pauvreté,
accès pour toutes et tous à l’éducation, à la santé,
à l’eau, à l’environnement, à l’énergie…».
Mais qui connaît l’Agenda 2030, censé unir
les pays dits «développés» et ceux dits «en voie
de développement»?
Pour l’Europe et la France, coopérer réel-
lement pour réaliser en 2030 les 17 ODD passe
par la mise en cohérence de l’ensemble des poli-
tiques publiques nationales et européennes avec
ces engagements universels. Cela engage trois
dimensions de l’action publique et citoyenne, du
local au transnational
stables aux paysanneries locales, qui seront ainsi
en capacité de se nourrir et de nourrir les villes en
vivant dignement. Ce doit être accompagné de la
création de stocks agricoles locaux, nationaux et
régionaux.
– De lutter contre la faim des plus pauvres
et vulnérables des villes ou des sans-terre en leur
apportant des aides à la consommation de pro-
duits locaux.
– De renoncer aux exportations, à des prix de
fait bradés, des surplus européens et mondiaux
de denrées agricoles et alimentaires largement
subventionnées, directement ou indirectement.
– De mettre fin à l’accaparement des terres.
– D’appuyer résolument les paysanneries
(service technique, crédit agricole, coopération)
et de les aider à réinvestir leurs savoir-faire locaux
et à adopter des pratiques d’agro-foresto-écologie
aptes à doubler, au moins, les rendements les plus
bas, à préserver les ressources naturelles et à
massivement stocker le CO2.
BIEN VIVRE
230 231
– cesser la substitution massive des finance-
ments (AFD, CDC, UE, Fonds Vert) et projets cli-
matiques (et post-conflits) aux financements de
l’APD, et les flécher prioritairement vers les PMA
(aux deux tiers africains) et les États insulaires, en
privilégiant leur adaptation climatique et en amor-
çant l’accès de tou.te.s, aujourd’hui abordable et
finançable, à une énergie renouvelable.
III. Exigences démocratiques, citoyenneté
mondiale et projet de faire société mondialement
Pour ancrer les politiques publiques dans les
libertés civiles et politiques, afin de garantir l’inté-
rêt général et l’égalité des minorités, il faut:
– intégrer systématiquement la dimension
de genre et l’égalité femmes-hommes dans la
coopération;
– systématiser la participation active des
populations concernées et la décentralisation
à tous les niveaux, et promouvoir, du local au
global, une démocratie délibérative autant que
représentative;
– sortir de la diplomatie commerciale et mili-
taire, et faire vivre une diplomatie des droits hu-
mains et de la paix;
– en régime autoritaire et dans les pays
émergents et néo-émergents, coopérer de société
civile à société civile (ONG, collectivités locales)
en faveur de l’accès aux droits des plus pauvres
et discriminé.e.s;
– activer réellement les dispositifs fran-
çais multipartites de transparence, de débat
public et d’action de l’État avec la société civile,
via le Conseil national du développement et de
I. justice, régulation et partages
Il faut refuser les accords de libre-échange
de l’UE, et notamment les Accords de partenariat
économiques (APE) imposés à l’Afrique et leur
application aux marchés publics.
II. Respect des engagements internationaux de la
France et de l’Union européenne
Cela suppose l’application réelle des conven-
tions internationales: APD, biodiversité, déve-
loppement durable, Climat, Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et cultu-
rels (Pidesc), conventions OIT de l’ONU, ODD,
COP 21, etc., ce qui signifie:
– augmenter l’APD rapidement à hauteur
de 0,7% du PIB (10 milliards d’euros), selon un
calendrier contraignant, et la rendre totalement
transparente;
– exiger une taxe sur les transactions finan-
cières (TTF) européenne ambitieuse (180 mil-
liards par an, dont un tiers au moins pour l’APD
et un autre tiers pour l’adaptation au climat des
PMA) ainsi qu’une TTF française plus large;
– prioriser enfin dans l’APD et dans les finan-
cements et programmes de l’AFD (aujourd’hui
dispersés dans 80 pays) l’aide aux ODD des 47
«pays les moins avancés», la lutte contre la pau-
vreté et les inégalités, et privilégier les dons aux
prêts;
– réserver les financements du commerce
extérieur, comme les aides militaires (sous condi-
tions éco-sociales), aux ministères ad hoc, à la
Caisse des dépôts et consignations et à la Coface.
Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
BIEN VIVRE
232 233
6. POUR UNE POLITIQUE DE RÉSOLUTION
DES CONFLITS PAR LA DIPLOMATIE
Réorienter la politique de défense vers une dé-
fense européenne commune, indépendante des
États Unis, et sortir de l’Otan sont les premières
mesures que prônent les écologistes. Elles permet-
tront d’économiser 10% sur le budget de la défense
(3 milliards d’euros). La réorientation de la dissua-
sion et la diminution des interventions extérieures
(Opex) diminueront de facto ce budget d’au moins
1,5 milliard d’euros. D’autres économies sont pos-
sibles, notamment en redéfinissant les missions de
la Marine vers la protection des zones économiques
exclusives ou en renégociant les contrats de l’Airbus
A400M, couplés avec les avions ravitailleurs.
Il s’agit ensuite de décider démocratique-
ment des opérations extérieures éventuelles, de
les effectuer sous mandat international et sous le
contrôle démocratique du Parlement national et
européen, avec des consultations ouvertes aux
ONG spécialisées. La présence des forces armées
hors du territoire national doit être fondée soit
sur un mandat international, soit sur des accords
bilatéraux. Les forces ne pourront être engagées
que dans le cadre d’un mandat international de
l’ONU. Enfin, le contrôle de la représentation na-
tionale sera renforcé par l’obligation d’un vote du
Parlement dans un délai rapide pour tout enga-
gement extérieur et de la publication de tous les
traités (ratification explicite).
Néanmoins, plusieurs conditions devront être
portées par la France auprès et au sein de l’Union
européenne pour parvenir à cet objectif, dans le
respect des principes que porte l’écologie politique:
la solidarité internationale, l’Observatoire du
développement et le contrôle parlementaire (au-
jourd’hui inexistant);
– soutenir matériellement les ONG Nord-Sud
et les collectivités locales dans leur recherche
concrète de l’intérêt général, d’accès de tou.te.s
aux services collectifs et de lutte contre les iné-
galités, et dans leur rôle de sensibilisation et de
mobilisation des populations aux enjeux 2030;
– stopper l’évolution visible de l’APD vers
des accords de «gestion migratoire contre APD et
préférences commerciales»;
– créer un avenir avec les jeunes par «l’édu-
cation à» et l’action coopérative.
BIEN VIVRE
234 235
Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
Afin de sortir du système de la Françafrique,
le démantèlement de la cellule Afrique (ou son
équivalent), l’instauration d’un contrôle parlemen-
taire des décisions militaires de l’Élysée et l’enca-
drement strict des missions des services secrets
français devront également être mis en œuvre. La
fermeture et le démantèlement des bases militaires
françaises à l’extérieur seront programmés dans la
mandature. La France pourra alors demander, de
façon légitime, à ses alliés d’en faire autant, afin de
créer un mouvement vertueux de démilitarisation à
l’échelon international. La présence à Djibouti, qui
se justifierait par l’instabilité régionale (Éthiopie,
Érythrée, Somalie, ainsi que la protection du dé-
troit de Bab El Mandeb), sera renégociée dans le
cadre d’un mandat international. Nous fermerons
la base d’Abu Dhabi, qui s’inscrit dans un objectif
de vente d’armes aux pays du Golfe, politique belli-
ciste et mercantile que nous réprouvons.
Enfin, dans la recherche d’un monde de paix
et de solidarité, deux initiatives nous paraissent
devoir être portées par la France en Europe et
aux Nations unies: une conférence internatio-
nale pour un Proche et un Moyen-Orient pacifiés
et dénucléarisés, en développant un fédéralisme
adossé à une Union économique; une relance du
partenariat Euro-Méditerranée, avec en priorité le
règlement du conflit israélo-palestinien (source
du discrédit occidental face à la non-application
du droit international et du «deux poids deux me-
sures» favorisant la montée des replis identitaires
et religieux contre l’Occident), ainsi qu’une sortie
de guerre en Syrie, en Irak et en Libye, un rétablis-
sement de la démocratie en Égypte, etc.
– implication des citoyens de l’Union: infor-
mations, débats publics, actions civiques, contrôle;
– création d’un European Peace Corps dédié
à la prévention des conflits et au maintien de la
paix (composante citoyenne de la politique euro-
péenne de défense);
– création d’Instituts européens de la paix
pour appuyer la consolidation du volet civil de
la gestion de crise au niveau de l’UE et des États
membres (notamment la France);
– création d’un état-major européen intégrant
la gestion civile des crises, placé sous la double
autorité du Conseil européen/SEAE (Service euro-
péen pour l’action extérieure) et des commissions
compétentes du Parlement européen;
– mise en place des Battle Groups (traité de
Lisbonne) sous la forme d’unités transnationales
permanentes, sur le modèle de l’Eurocorps;
– création d’une commission «sécurité, dé-
fense et maintien de la paix» au sein du Parlement
européen, avec pouvoir de codécision sur les opé-
rations extérieures de l’UE et renforcement du
contrôle interparlementaire des forces armées;
– critères communs pour une intervention
extérieure légitime de l’UE: légalité internationale,
consentement démocratique, proportionnalité,
dernier recours, conséquences écologiques et
humanitaires;
– remplacement de la stratégie de dissuasion
nucléaire par un sanctuaire européen «dénucléa-
risé» et une diplomatie active en faveur du désar-
mement nucléaire;
– consultation sur le maintien de l’Union
européenne dans le commandement intégré de
l’Otan.
236 237
Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
contrats d’exportation, via la Direction générale
de l’armement. L’ébauche d’une politique euro-
péenne, marquée par un code de bonne conduite
en matière d’exportation d’armes et une incitation
à mutualiser les bases industrielles et technolo-
giques de défense au niveau de l’Union, a renforcé
les dérives libérales. L’UE doit au contraire régu-
ler et moraliser le secteur de l’armement. Il s’agira
de renforcer le contrôle des ventes d’armes par la
représentation nationale et de rendre l’informa-
tion plus transparente. Ce plan de sortie devra
inclure une reconversion des travailleurs de ces
entreprises, élaborée avec eux, en lien avec leurs
savoir-faire.
III. Relancer le processus de désarmement
nucléaire mondial
La dissuasion nucléaire française est consti-
tuée de la composante «océanique», avec quatre
sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE),
et de la Force aéroportée. Il faut démanteler une
partie de notre force de dissuasion pour montrer
notre volonté de soutien au projet de Convention
d’élimination proposé par les Nations unies. Au
niveau régional, ce processus pourrait inciter
les Britanniques à une démarche identique et
convaincre les Américains de retirer d’Europe
leurs armes nucléaires déployées dans le cadre
de l’Otan.
À court terme, la France doit respecter les dis-
positions du traité de non-prolifération et dénon-
cer l’accord de Lisbonne, signé en décembre 2010,
sur le dispositif antimissile. Une zone exempte
d’armes nucléaires en Europe ouvrirait un espace
7. POUR UNE PLANÈTE PACIFIÉE:
VERS LE DÉSARMEMENT MONDIAL
ET LA RECONVERSION INDUSTRIELLE
I. Une organisation mondiale
de réduction de l’armement
En accord avec les travailleur.se.s du secteur
de l’armement et des institutions de la défense,
la France pourra proposer la création d’une orga-
nisation mondiale de réduction de l’armement, et
commencer par rendre effectif un contrôle natio-
nal du marché des armes. Un forum citoyen sur
la prévention et la résolution non-violente des
conflits pourrait être organisé. 1% du budget de la
défense sera consacré à la formation à la non-vio-
lence, à la polémologie (approche des conflits fon-
dée sur la compréhension de leur origine et de leur
fonctionnement), etc. Une politique internationale
et de sécurité devra encadrer strictement le «se-
cret-défense» d’État, notamment pour connaître
l’implication de la France dans les conflits (entre
autres, celui du Rwanda entre 1990 et 1994).
II. La réduction et la reconversion des secteurs
de l’industrie de l’armement
La France est depuis 2015 le deuxième ex-
portateur d’armes dans le monde. Le secteur de
l’armement est, à l’exception du groupe Nexter,
entièrement privatisé. Bien que dominé par des
entreprises multinationales (Thales, Safran,
EADS), s’appuyant sur un tissu local et dense de
PME, il reste étroitement lié à l’État pour le finan-
cement des programmes et la négociation des
BIEN VIVRE
239
POSTFACE
POUR UNE POLITIQUE
À L’ÂGE DE L’ANTHROPOCÈNE
«L’Anthropocène est avant tout une guerre – une guerre
menée contre les populations les plus vulnérables de cette
planète. Nous, humains, sommes devenus les principaux
agents de transformation de la Terre. Et cette transformation
rend cette Terre de moins en moins habitable pour un
nombre croissant de populations.»
François Gemenne
«[…] une guerre de tous contre tous, dans laquelle les
protagonistes peuvent désormais être non seulement le loup
et l’agneau, mais également le thon et le CO2, le niveau de
la mer, les nodules des plantes ou les algues, en plus des
nombreuses factions d’humains en train de se battre. Le
problème est que cet état de nature n’est pas situé, comme
avec Hobbes, dans un passé mythique avant le contrat
social: il vient vers nous, il est notre présent.»
Bruno Latour.
Cette transformation radicale de nos rapports à
la Terre impose de nouvelles politiques à toutes
les échelles. De l’infiniment petit à l’infini grand,
du local au global, du vivant au non-vivant, nous
devons être inventifs, volontaires, engagés face à
la «grande accélération» qui a commencé dans
les années 1950 et qui se traduit aujourd’hui par
une Terre de moins en moins habitable.
de négociation avec les Russes pour l’élimination
de leurs propres armes tactiques. La première
mesure de réduction concernera la suppression
de la force aéroportée. D’autres mesures sont
envisageables par l’annulation de programmes
de modernisation (production du missile M51,
finalisation de la nouvelle tête nucléaire océa-
nique, nouvel outil d’expérimentation avec les
Britanniques, super-Airix à Valduc, en Côte-d’Or).
Ces mesures pourraient permettre par ailleurs
une économie de plus d’1 milliard d’euros.
IV. Un traité universel d’interdiction
des armes nucléaires
Actuellement portée par 139 États, à l’initia-
tive d’Ican, le réseau international pour le désar-
mement nucléaire, cette proposition permettra
d’aller plus loin que l’application des dispositions
du traité de non-prolifération nucléaire.
Enfin, la France doit montrer la voie pour la
ratification et l’application de la Convention sur
les armes chimiques et bactériologiques. Son ac-
tion au sein des Nations unies doit viser la dispa-
rition de ce type d’armes.
BIEN VIVRE
Notre projet «Bien vivre» ne cherche pas à
esquiver les difficultés ou à verser dans la déma-
gogie préélectorale. Pour les écologistes, les prio-
rités ne sont pas celles que l’on nous présente
à longueur de journée: règle d’or et critères de
Maastricht, équilibre des finances publiques,
libre-échange… mais le réchauffement climatique,
la raréfaction des ressources, la disparition des
glaciers de l’Himalaya, l’acidification des océans,
l’extinction des espèces, le sol que l’on épuise,
soit l’ensemble des conditions qui rendent cette
Terre viable pour le plus grand nombre. Le temps
presse. Nos propositions s’inscrivent dans la
volonté d’éviter le pire et de proposer une poli-
tique permettant de rendre la Terre habitable au-
jourd’hui et pour les générations futures.
Achevé d’imprimer en février 2017 par CPI Brodard et Taupin
Avenue Rhin et Danube – BP 40019 – La Flèche Cedex – France
Dépôt légal: février 2017

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Bien Vivre

  • 2. Sous la direction d’Alain Coulombel, chargé du projet, et de Marie Toussaint, déléguée à l’Europe, Bien vivre est le résultat d’une réflexion collective issue des commissions thématiques d’Europe Écologie-Les Verts, menée sur plusieurs mois, et des propositions d’une plateforme participative ouverte à la société civile et qui a rassemblé plusieurs centaines de contributions. Il actualise le projet écologiste à l’aune des évolutions de l’environnement politique et économique de ces dernières années, tout en mettant l’accent sur les dimensions européennes et internationales. Maquette: Laura Fredducci Couverture: Géraldine Boyer Ce livre a été imprimé sur papier recyclé Cyclus Offset. © Les petits matins, 2017 Les petits matins, 31, rue Faidherbe, 75011 Paris www.lespetitsmatins.fr ISBN: 978-2-36383-232-0 Diffusion Interforum – Volumen Distribution Interforum Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.
  • 3. Introduction Première partie Vers une société post-croissance 1. Une économie résiliente au service de l’humain et du vivant dans le respect de leur environnement 2. Réinventer le travail et lutter contre le chômage 3. La réforme de l’entreprise autour du projet de création collective, de la promotion de l’entreprise citoyenne et de la lutte contre les discriminations 4. Libérer l’économie de sa financiarisation 5. Donner du sens à notre politique économique au service de la transition écologique et de la protection des citoyen.ne.s 6. Un nouvel art de vivre au temps de l’Anthropocène Deuxième partie Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant 1. Protéger et restaurer la nature et la biodiversité 2. Respecter l’animal 3. Une eau de qualité pour tou.te.s 4. Une forêt mieux protégée et gérée durablement 5. Donner des perspectives aux territoires ruraux : pour une agriculture écologique et paysanne 6. Les enjeux maritimes et littoraux face au changement climatique 7. Relier environnement et santé : un enjeu sanitaire et démocratique majeur Troisième partie Vers un nouveau pacte social alliant autonomie, solidarités et dignité 1. Renforcer les droits actuels des plus démuni.e.s et lutter contre toutes les discriminations 2. Élargir le pacte social à de nouveaux droits Quatrième partie Face à l’État d’urgence et aux menaces sur les libertés publiques : démocratie réinventée et égalité des territoires 7 11 15 43 53 57 60 67 69 71 74 78 81 83 88 92 97 100 135 151
  • 4. 7 1. État d’urgence et démocratie 2. Mettre l’humain au cœur de la politique de sécurité 3. Lutter contre les discriminations et promouvoir une identité positive 4. Écologie et égalité des territoires 5. La 6e République pour la transformation écologique de la société Cinquième partie L’Europe dans le monde 1. Refonder l’Europe : un plan politique de sortie de crise 2. L’Europe que nous voulons Sixième partie Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale 1. Pour une démocratie globale 2. Pour une politique mondiale des communs et de la justice sociale et environnementale 3. Contre le pouvoir prédateur des multinationales 4. Des agricultures paysannes et une pêche familiale pour nourrir le monde 5. Coopérer réellement pour le développement: faire de l’Agenda OD 2030 un véritable projet politique 6. Pour une politique de résolution des conflits par la diplomatie 7. Pour une planète pacifiée: vers le désarmement mondial et la reconversion industrielle Postface Pour une politique à l’âge de l’Anthropocène INTRODUCTION «Comme les pièces dispersées au hasard d’un puzzle, les ferments premiers de la nouvelle civilisation travaillent ici et là, font ici et là lever la pâte nouvelle. Les besoins inconscients d’une autre vie commencent alors à passer à la conscience. Des oasis de convivialité, de vie nouvelle se sont créées.» Edgar Morin Qu’est-ce que l’écologie politique? Une philosophie de réconciliation et de res- pect de l’environnement et des êtres humains. La volonté de replacer au centre des valeurs démo- cratiques la solidarité plutôt que l’individualisme, la coopération plutôt que la compétition, le temps long plutôt que les décisions à courte vue, l’intérêt général plutôt que la somme des intérêts particu- liers, la démocratie citoyenne en lieu et place de la technocratie ou des populismes. Un projet de transformation global portant sur l’environnement, l’économie, le contrat social. Un chemin, celui de la conversion écologique de la société, pour développer de nouveaux sec- teurs économiques, réinvestir les territoires, créer des emplois et soutenir l’innovation créant de la valeur sociale et environnementale. Les écologistes portent un projet de civili- sation, réformiste et radical. Une autre manière d’habiter le monde. Une autre vision du collectif, 154 159 163 164 171 181 184 193 205 209 214 223 226 229 233 236 239
  • 5. BIEN VIVRE 8 9 Introduction avec le bien-vivre comme horizon, la confiance et la bienveillance… Partout les crises sévissent – crises écono- miques, monétaires, financières, sociales, toutes en lien avec une crise écologique systémique. Partout prospèrent de fausses solutions: l’austé- rité, la déréglementation, le recul de la puissance publique ou la reproduction sans frein de l’ancien modèle de croissance infinie. Ces fausses solu- tions, portées comme des évidences année après année, nous conduisent dans le mur. Le capitalisme, productiviste et consumé- riste, impose la marchandisation générale du vivant et du non-vivant. Depuis la fin de la guerre froide, jamais le monde n’avait semblé aussi me- naçant et la paix aussi fragile. Les populismes ont le vent en poupe. Les faiseurs de guerre; les intégrismes en tous genres. Tous ces signaux sont inquiétants et nécessitent de déconstruire l’ima- ginaire capitaliste qui domine la planète et impose sa «volonté de puissance», son rapport de préda- tion à la nature, ses choix économiques, sociaux, politiques… Face à toutes ces menaces, il est urgent d’agir! Il ne s’agit plus de prendre des décisions pour la durée d’un mandat électoral mais de s’in- terroger sur le long terme, de décider de l’avenir de notre planète en faisant des choix pour plu- sieurs générations: – soit nous continuons avec les croyances du passé, et nous préparons alors l’aggravation des maux qui nous accablent: épuisement écolo- gique et désordres climatiques, pertes de biodi- versité et conséquences sur l’eau, l’air, les forêts, les milieux naturels, l’alimentation et la santé humaine, accroissement de la pauvreté et de la précarité; – soit nous changeons de modèle, nous fai- sons décroître notre empreinte écologique, nous promouvons de nouveaux droits et de nouvelles solidarités humaines, reconstruisons notre rela- tion à la nature et aux animaux et préservons notre maison commune. Il n’y a pas de fatalité. Notre programme d’ac- tion s’appuie sur les nombreuses alternatives de vie, les solutions technologiques nouvelles, les expérimentations réussies depuis des années sur tous les territoires, l’enthousiasme né de milliers d’initiatives qui démontrent que l’avancée vers une autre société est possible, et même qu’elle est déjà en marche. Pour peu que la politique lui donne le coup d’accélérateur indispensable, pour peu qu’elle aide à lever les obstacles qui se dressent sur notre chemin, nous sommes prêt.e.s pour une société plus écologique et plus solidaire. C’est ce que nous proposons… Depuis 1974 et la candidature de René Dumont, nous n’avons cessé de porter dans l’es- pace public une approche différente des enjeux de notre époque. Face à la crise du projet européen, nous avons choisi d’élargir l’horizon du débat poli- tique français hors des frontières. Nous sommes convaincu.e.s que les institutions européennes, et particulièrement le Parlement européen, doivent devenir un lieu démocratique central de débats et de décision. La campagne qui s’ouvre doit être l’occasion de donner un sens nouveau au «rêve européen».
  • 6. BIEN VIVRE Nous voulons que l’ouverture à la diversité des débats et au monde devienne partie inté- grante des processus de décision nationaux. Nous entendons non seulement faire face aux urgences et réparer les conséquences des mauvaises déci- sions passées, mais avant tout aller aux causes, anticiper, prévoir. – Parce que nous devons dès aujourd’hui favoriser la transition écologique de l’économie; – parce que nous devons lutter contre les inégalités qui minent la cohérence de nos sociétés et sapent les fondements de la démocratie; – parce que nous voulons promouvoir la dignité, l’autonomie et les solidarités, mais aussi la non-violence, la responsabilité collective et individuelle; – parce que l’Europe doit rester un pôle de stabilité dans le monde et parce que le monde est notre maison commune; notre programme d’action pour les an- nées à venir s’organise autour de six grandes orientations: 1. Écologie:versunesociétépost-croissance, 2. Écologie: un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant 3. Écologie: autonomie, solidarités et dignité. Lutter contre les inégalités. 4. Écologie: démocratie réinventée et égalité des territoires. 5. Écologie: l’Europe dans le monde. 6. Écologie: vers un monde de paix, de jus- tice sociale et environnementale PREMIÈRE PARTIE VERS UNE SOCIÉTÉ POST-CROISSANCE
  • 7. 12 13 défis. Comment réduire le taux de chômage ou le niveau de la dette? Mais aussi, comment amélio- rer l’utilité sociale et écologique de la production, comment créer des emplois, comment amélio- rer la qualité du travail? Comment promouvoir un modèle de développement plus sobre et plus convivial? D’autre part, sur le plan climatique, ces der- nières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. Chacun sait aujourd’hui que ce réchauffement est lié aux activités humaines et à l’émission de gaz à effet de serre (GES). Les impacts de cette évolution sont déjà perceptibles sur notre territoire: sécheresses, déplacement de certaines espèces animales et végétales, inonda- tions, etc. Notre modèle de développement épuise les ressources naturelles, relègue une partie de l’humanité dans les marges, augmente les pollu- tions et accélère le réchauffement. Nous devons en sortir au plus vite! Pour lutter contre le réchauffement clima- tique et pour réduire le chômage de masse dans notre pays, pour éviter aux pays en voie de dé- veloppement d’être durablement réduits au rôle d’«usines du monde», la relocalisation et la tran- sition écologique de notre économie sont deux pistes majeures prônées par les écologistes. Mais il faut aussi examiner la place du travail et de l’ac- tivité dans notre société, face à l’automatisation et aux profondes transformations dans l’organisa- tion du travail. Enfin, dans le contexte des crises actuelles, les écologistes ne se reconnaissent pas dans le discours libéral sur la dette publique qui présente l’austérité et la réduction de la dépense publique L’évolution des chiffres du chômage, des finances publiques et des inégalités ne plaide pas en fa- veur de la politique économique conduite par le gouvernement depuis cinq ans. Le choix du gou- vernement a été de favoriser l’offre et les entre- prises plutôt que les ménages, en se concentrant sur la compétitivité-prix – via le CICE (Crédit d’im- pôt pour la compétitivité et l’emploi) et le Pacte de responsabilité – et la restauration du taux de marge des entreprises. Conséquence de cette po- litique: le pouvoir d’achat par ménage en 2016 est inférieur de 350 euros par rapport à son niveau de 2010. Quant au chômage, il a crû de manière dra- matique (entre 2008 et 2012, le nombre de chômeurs a augmenté de 751000 personnes; entre 2012 et 2016, de 194000 chômeurs sup- plémentaires). La politique de l’emploi du gou- vernement est un échec, la France compterait fin 2016 plus de 6 millions de personnes fragilisées vis-à-vis de l’emploi (temps partiel subi, chômeurs découragés, personnes en sous-emploi etc.). Face à cette situation, le gouvernement ac- tuel – comme ses prédécesseurs depuis quarante ans – n’a cessé de miser sur le retour de la crois- sance. Or la croissance que nous avons connue durant les Trente Glorieuses, autour de 5% par an, ne reviendra pas. Cela soulève de nombreux Vers une société post-croissance
  • 8. BIEN VIVRE 14 15 1. UNE ÉCONOMIE RÉSILIENTE AU SERVICE DE L’HUMAIN ET DU VIVANT, DANS LE RESPECT DE LEUR ENVIRONNEMENT «Une économie soutenable doit être capable de résister aux choix exogènes et d’éviter les contradictions internes qui engendrent le chaos durant les périodes de récession […]. Mais il faudra explicitement faire entrer en ligne de compte de nouvelles variables macroéconomiques, qui incluront presque certainement la dépendance de l’économie à l’énergie et aux ressources, ainsi que des plafonds en termes de carbone. Elles incluront peut-être également des variables qui refléteront la valeur des services écosystémiques ou des stocks de capital naturel.» Tim Jackson Nous ne retrouverons plus les conditions écono- miques que nous avons connues après la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’entrée dans l’Anthro- pocène – à savoir le fait que l’humanité est deve- nue une force géologique susceptible de modifier le système-Terre – représente pour nos sociétés un défi difficilement imaginable jusque-là. Cela nécessite de sortir des mesures d’ajus- tement à la marge. L’aveuglement dont font preuve sur ce point les différents gouvernants est coupable. Nous devons rendre notre économie résiliente. Les conditions pour résister à des chocs exo- gènes (crise financière, catastrophe climatique, pic pétrolier, etc.) sont aujourd’hui connues: re- tour au local et au circuit court, économie low- tech (plutôt que high-tech), construction de petits systèmes résilients, réduction de la complexité, autonomie énergétique et alimentaire, économie circulaire, économie collaborative, transports doux et partagés, auto-construction, isolation et comme les seules solutions pertinentes. Pour les écologistes, qui raisonnent sur le long terme, il est certes important de consolider nos finances et de maîtriser l’endettement privé. Mais pas à n’im- porte quel prix humain ni au détriment des plus faibles. Pour transformer l’économie, réduire nos émissions de gaz à effet de serre, accompagner les changements sociaux, réduire la pauvreté et les inégalités ou encore protéger la biodiversité, il est indispensable de prévoir et de planifier. La ré- duction brutale de la dette paralyse toute capacité d’agir, d’influer sur le cours des choses. Une poli- tique volontariste est nécessaire, un État stratège face aux lobbys et aux puissances financières qui refusent de prendre le virage d’une société post-croissance.
  • 9. BIEN VIVRE 16 17 faible valeur ajoutée). 84% des entreprises fran- çaises comptent moins de dix salarié.e.s, contre 60,5% en Allemagne. La pérennité de ces pe- tites entreprises est notamment fragilisée par les problèmes d’accès au crédit et une relation de subordination entre les donneurs d’ordre et les fournisseurs. La France manque de PME/PMI de bonne taille et d’entreprises intermédiaires, qui sont des lieux d’innovation et d’adaptation. Enfin, la stratégie des grands programmes de l’État a soutenu le développement d’entreprises publiques ou privées à partir de commandes réga- liennes (le Rafale, l’EPR, etc.) qui – pour des rai- sons différentes – n’ont pas trouvé de marchés à l’étranger. Les programmes de coopération euro- péenne (Airbus, Ariane) auront eu plus de succès. De plus, les exportations d’armement pèsent d’un poids bien discutable. Si l’on ajoute à ces constats l’insuffisance du dialogue social et une fiscalité inadaptée aux enjeux écologiques, notre industrie nationale pré- sente toutes les caractéristiques d’un «colosse aux pieds d’argile». Pourtant, la réindustrialisation de nos terri- toires est une nécessité pour lutter à la fois contre le changement climatique, la mise en concurrence internationale de salarié.e.s aux conditions de vie très différentes et le dumping social et environne- mental pratiqué par certains pays. Inverser la tendance, c’est relocaliser et créer des emplois nouveaux et de qualité. C’est réduire les transports de marchandises et de matières premières, c’est partir des savoir-faire et des res- sources locales, c’est aussi rechercher la sou- veraineté alimentaire et énergétique. L’industrie alternatives énergétiques, solidarités de proxi- mité, recycleries-ressourceries, accorderies, monnaies locales, micro-crédit, agro-écologie et agriculture urbaine, etc. À travers ces différentes expériences, des perspectives nouvelles se dessinent, qui pour- raient préfigurer un nouveau modèle de société fondé sur la confiance, la commune humanité et la commune socialité. I. Relocaliser l’économie «Relocaliser, cela signifie avant tout “démondialiser”. Ce qu’on appelle la mondialisation n’est en fait qu’un jeu de massacre à l’échelle globale. Une compétition dans laquelle tous les peuples s’autodétruisent les uns les autres.» Serge Latouche Une révolution industrielle est en cours. Elle a bouleversé l’organisation du travail en entre- prise et entraîné l’éclatement mondial de la pro- duction. En France, tous les indicateurs signalent un déclin important de l’industrie: baisse du nombre d’emplois industriels, baisse de la part de l’industrie dans le PIB (12,4% en 2014 contre 16,6% en 2000). Cette désindustrialisation est marquée par une spécialisation en déclin, le choix de la compétitivité-prix poussant nos entreprises vers le moins-disant social (baisse des rémunéra- tions, précarisation), la stagnation de nos efforts de recherche et développement (entre 2,1% et 2,3% du PIB), loin de ceux consentis dans d’autres pays. D’autre part, les entreprises françaises sont éclatées entre deux extrêmes: de grandes firmes concentrant de la haute technologie et de nom- breuses PME/PMI positionnées majoritairement sur des secteurs à faible technologie (et donc à Vers une société post-croissance
  • 10. BIEN VIVRE 18 19 active au recensement des compétences disponibles et à la définition des objectifs, des évolutions de l’appareil de production et des formations nécessaires; – clarifier des compétences sur les territoires et renforcer le développement régional; – soutenir la recherche et l’innovation, mais à travers d’autres dispositifs que le crédit d’impôt recherche (CIR). Quels sont les grands secteurs stratégiques de la reconversion? • L’agriculture, chaînon essentiel dans la conversion écologique de nos économies. • L’énergie: le plan de transition énergétique et la sortie du nucléaire entraîneront une grande politique industrielle dans la production de maté- riaux et de matériels, et d’investissements dans les énergies renouvelables. • La filière bois fournira une partie de la bio- masse nécessaire. Elle est aujourd’hui déficitaire sur l’ensemble des postes de la balance commer- ciale alors que la forêt s’étend. • Les énergies renouvelables de haute tech- nologie nécessitent une approche spécifique, tant la France a pris du retard dans ce domaine. Le développement de l’éolien doit pouvoir s’ap- puyer sur un réseau de PMI ancrées dans les territoires; • Les transports collectifs et les mobilités du futur (voir «Un plan d’urgence pour les trans- ports», p. 25). • Lebâtimentperformantetlesécomatériaux; • La chimie verte, substitut au pétrole; • L’économie du recyclage et de la réparation. du XXIe siècle sera celle d’un éco-développe- ment. Elle dépassera le verdissement à la marge (greenwashing) des anciennes industries. Notre avenir industriel passe par une modernisation des entreprises, un effort de formation et d’innovation, et une évolution de notre appareil productif afin de l’adapter aux enjeux écologiques du XXIe siècle. La transition écologique de l’économie, la réindustrialisation de nos territoires et la reloca- lisation ont besoin d’une planification écologique souple, capable d’organiser la programmation des investissements, de dégager les financements adaptés et de hiérarchiser les projets industriels. La gravité de la crise économique, sociale et éco- logique doit nous conduire vers la mise en place de moyens radicalement différents de ceux mis en œuvre en temps normal: définir strictement les secteurs dont la reconversion doit être engagée rapidement, définir les métiers et les qualifica- tions dont nous avons besoin, définir les besoins sociaux prioritaires et allouer les capitaux en fonction de ces priorités. Pour cela, il faudra: – s’appuyer davantage sur le réseau d’entreprises intermédiaires, sur l’innovation et les circuits courts, et revoir complètement le maillage industriel français; – investir dans les ressources locales existantes: savoir-faire, appareil productif, présence de services; – favoriser une gestion foncière régionale de zones industrielles en déshérence pour les affecter à des projets locaux de revitalisation territoriale; – s’appuyer sur les salarié.e.s: leur participation Vers une société post-croissance
  • 11. BIEN VIVRE 20 21 elle représente des opportunités tant au niveau de l’emploi que des économies: 700000 emplois pourraient être créés et 200 milliards d’euros économisés dans le seul domaine de la santé. Trois grands principes guident notre démarche: • sortir de la dépendance aux énergies fossiles et au nucléaire en moins de vingt ans (2017-2035); • une France «100% renouvelables» en 2050; • la réduction de la consommation d’énergie par la sobriété et l’efficacité. A. Sortir du nucléaire La sortie du nucléaire s’impose pour trois raisons: le risque inacceptable d’un accident ma- jeur, dont les conséquences catastrophiques ont été démontrées par Tchernobyl et Fukushima, la production de déchets radioactifs extrêmement dangereux pour des milliers d’années, l’utilisation et la diffusion de techniques permettant la prolifé- ration des armes nucléaires. Plus récemment, une menace terroriste accrue bien que diffuse pour- rait par ailleurs cibler nos centrales nucléaires. À ces risques s’ajoutent des raisons écono- miques. En effet, la poursuite du programme nu- cléaire français bloque les politiques d’économie d’électricité, freine le développement des énergies renouvelables et empêche les mutations indus- trielles indispensables à la transition énergétique. Les écologistes proposent: – En ce qui concerne les centrales et réacteurs nucléaires, l’arrêt définitif et le démantèlement des cinquante-huit réacteurs nucléaires français Plus globalement, il s’agit d’«écologiser» l’en- semble des secteurs de l’économie et d’intégrer en amont de tout projet la protection et la recon- quête de la biodiversité. II. Pour le climat, la santé et l’économie: une France «100% renouvelables» à l’horizon 2050 Les objectifs officiels sont connus: • réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% entre 1990 et 2030 et les diviser par quatre entre 1990 et 2050; • réduire la consommation énergétique fi- nale de 50% en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20% en 2030; • réduire la consommation énergétique pri- maire des énergies fossiles de 30% en 2030 par rapport à l’année de référence 2012; • porter la part des énergies renouvelables à 23% de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32% en 2030; à cette date, pour parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables doivent représenter 40% de la production d’élec- tricité, 38% de la consommation finale de chaleur, 15% de la consommation finale de carburant et 10% de la consommation de gaz; • réduire la part du nucléaire dans la produc- tion d’électricité à 50% à l’horizon 2025. Selon l’Ademe (Agence de l’environnement et delamaîtrisedel’énergie),laFrancepourraittrans- former sa production et sa consommation éner- gétiques pour atteindre les 100% renouvelables à l’horizon 2050. Cette transition est urgente et Vers une société post-croissance
  • 12. BIEN VIVRE 22 23 urgent d’arrêter de subventionner les énergies fossiles et polluantes, de réorienter la produc- tion d’énergie par EDF et, enfin, de construire des régies locales de l’énergie pour engager ainsi la transition. Les énergies renouvelables à plus fort poten- tiel de développement sont l’éolien et le solaire. Avec une politique volontariste, la France pourrait viser la création de 400000 emplois directs dans les énergies renouvelables d’ici à 2023. Ce chiffre, ajouté aux créations d’emplois des programmes de rénovation énergétique des bâtiments, donne un volume de création nette d’emplois estimé à 500000 à l’horizon 2020, 900000 à l’horizon 2050 (scénario Ademe). Les principales mesures pour faciliter le développement des énergies renouvelables sont: – un investissement massif dans le déploiement des énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, géothermie, récupération d’énergie, etc.); – la simplification des procédures et du cadre réglementaire; – la stabilité du cadre réglementaire et tarifaire des énergies renouvelables ainsi que son harmonisation européenne progressive sont des éléments essentiels au développement de filières françaises; – l’insertion de clauses circulaires et renouvelables obligatoires dans les nouvelles constructions; – l’élaboration, par les acteurs du territoire, de plans régionaux de développement des énergies renouvelables, en complémentarité avec les programmes et actions de sobriété et d’efficacité énergétique; auront lieu de façon progressive, sur la base de trente années de fonctionnement par réacteur, en commençant par les installations les plus dangereuses. L’objectif visé est une sortie complète du nucléaire en 2035. – Les projets en cours de construction seront interrompus dès 2017: la construction de l’EPR de Flamanville sera gelée, ainsi que le projet Astrid de réacteur au plutonium et la construction d’Iter. – Une filière de démantèlement des installations nucléaires sera créée en lien avec les organisations syndicales. – En ce qui concerne les combustibles nucléaires, nous visons l’arrêt immédiat de la production du plutonium, de la fabrication et de l’utilisation du combustible MOX qui en découle. – Le stockage en profondeur, comme à Bure, sera définitivement arrêté, et les combustibles irradiés seront stockés à sec en sub-surface. – Un renforcement massif des ressources humaines et du budget de l’Autorité pour la sûreté nucléaire, et l’autonomisation vis-à-vis d’EDF. – La construction rapide d’installations de stockage à sec en sub-surface pour les combustibles irradiés et pour les déchets de haute et moyenne activité, et la décontamination des sites nucléaires désaffectés (mines, anciennes usines et laboratoires etc.). B. Une France «100% renouvelables» en 2050 Nous souhaitons parvenir à 100% d’éner- gies renouvelables d’ici à 2050. De nombreuses initiatives de transition énergétique sont déjà mises en œuvre sur les territoires: des coopéra- tives d’énergie citoyenne, de réduction des émis- sions, des plans climat-énergie locaux, etc. Il est Vers une société post-croissance
  • 13. BIEN VIVRE 24 25 • abandon des compteurs communicants pour les particuliers et les petits consommateurs; • mise en place d’outils permettant aux usa- gers de contrôler leur consommation d’énergie en temps réel, afin de leur donner la maîtrise et la connaissance de leur consommation; • interdiction des usages inutiles et énergi- vores (panneaux publicitaires, notamment); • interdiction du chauffage électrique et sa substitution jusqu’à sa suppression dans l’ancien; • réforme et renforcement des certificats d’économie d’énergie; • tarification progressive de l’électricité consommée (les premiers kWh sont très peu chers et le prix augmente avec la consomma- tion), afin de garantir à tou.te.s un accès aux services énergétiques, tout en décourageant les gaspillages; • utilisation de sources renouvelables pour la production de chaleur et d’eau chaude. Pour financer la transition énergétique, les écologistes proposent: – le renforcement des dispositifs existants pour la rénovation des bâtiments (éco-prêt à taux zéro, crédit d’impôt développement durable, TVA réduite, subventions ciblées pour les logements sociaux); – la mise en place de fonds de garantie et de systèmes assurantiels pour faciliter les investissements de long terme et l’émergence de nouveaux modèles économiques; – une réorientation des recettes issues de la mise aux enchères des quotas de CO2 européens; – une réforme de la contribution climat énergie – le Réseau de transport de l’électricité (RTE) doit devenir une entreprise publique au capital détenu à 100% par l’État, totalement indépendante d’EDF; en ce qui concerne la distribution d’électricité, la réglementation devra assurer la transparence et l’équité des négociations de concession de distribution des énergies de réseau par les autorités concédantes; – la recherche sur le stockage et l’efficacité énergétiques. C. Consommer moins, consommer mieux La politique de sobriété et d’efficacité éner- gétique dans tous les secteurs d’activité doit per- mettre de réduire la consommation d’énergie tout en assurant de meilleurs services à l’ensemble de la population. L’objectif est d’atteindre en 2030 une consommation énergétique finale inférieure de 30% à sa valeur en 2012 et une consomma- tion primaire de combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz) inférieure de 35% à cette valeur et proche de zéro en 2050. Pour y parvenir, plu- sieurs cibles doivent être visées. Le couple «produits pétroliers-transports» constitue la première cible de la politique d’effica- cité énergétique. Le secteur du bâtiment fera l’ob- jet d’un plan massif de rénovation énergétique. L’objectif principal est l’accroissement régulier du rythme annuel de rénovations. Pour l’électricité, le potentiel d’économies est considérable. L’objectif visé est la réduction de la consommation finale d’électricité du même ordre que celle de la consommation finale énergétique, soit 30% en 2030. Des mesures réglementaires et tarifaires permettront d’y parvenir: Vers une société post-croissance
  • 14. BIEN VIVRE 26 27 France), Semca (Sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes), Aéroports de Paris… La dette du système ferroviaire est désastreuse pour la gestion de l’entreprise publique: il faut donc une reprise de cette dette par les pouvoirs publics. – Au vu de ses conséquences écologiques et économiques, le développement du réseau autoroutier doit cesser, et les relations entre l’État et les sociétés d’exploitation des autoroutes doivent être clarifiées et transparentes. Nous refuserons toute nouvelle privatisation d’autoroutes. Enfin, nous instaurerons un moratoire sur tous les projets autoroutiers, notamment celui de l’A42 et le projet de contournement Grand-Ouest de Strasbourg (CGO). – Le grand public et les associations d’usagers doivent être davantage impliqués dans l’élaboration des politiques de transport et d’aménagement avec les différents acteurs de ce domaine (élu.e.s, administrations, entreprises, etc.). Ils doivent être consultés en amont des décisions, durant leur mise en œuvre et pour donner leur avis sur les projets réalisés. – La fin du diesel doit être programmée pour tous les types de véhicules, des automobiles aux navires. Cela passe par la mise en œuvre accélérée de la transition énergétique vers le gaz et les énergies renouvelables. – Les dispositifs réglementaires (réduction des vitesses limite et de la puissance des véhicules, normes sur les émissions polluantes) doivent être renforcés et accompagnés d’incitations de type tarifaire (bonus-malus, fiscalité climat-énergie, etc.). (CCE) pour en faire une véritable taxe carbone appuyée sur trois assiettes: énergie primaire, gaz à effet de serre et risques environnementaux et sanitaires (dont nucléaire); le triple taux de la CCE évoluera selon des règles stables sur plusieurs décennies, afin d’offrir aux investisseurs et aux ménages la visibilité nécessaire pour anticiper les coûts futurs liés aux consommations d’énergie. III. Un plan d’urgence pour les transports La politique nationale des transports doit être cohérente et s’inscrire dans une politique d’aménagement globale qui contribue à l’équi- libre des territoires. Pour ce faire, nous devons œuvrer au développement des réseaux de villes moyennes, afin de favoriser la transition urbaine, l’équilibre ville-campagne et les déplacements de proximité. Ainsi, au travers de la fiscalité et des priorités budgétaires, il faut donner la priorité au rail et à la voie d’eau plutôt qu’à la route et à l’aérien. Pour cela, les écologistes proposent: – La valorisation et l’amélioration des infrastructures, notamment ferroviaires, existantes. Le maillage de l’ensemble du territoire sera recherché. – Une meilleure répartition des moyens sur l’ensemble du territoire et la fin de la politique de grands projets inutiles (ligne à grande vitesse Lyon-Turin, Canal Seine-Nord Europe, aéroport de Notre-Dame-des-Landes…). – Un pilotage réel et efficace des établissements publics: SNCF, VNF (Voies navigables de Vers une société post-croissance
  • 15. BIEN VIVRE 28 29 gaspillage des matières premières, de l’eau et des sources d’énergie. Il s’agit de déployer une nou- velle économie – circulaire et non plus linéaire –, fondée sur le principe de «refermer le cycle de vie» des produits, des services, des déchets, des matériaux, de l’eau et de l’énergie, de sorte à rap- procher nos écosystèmes industriels du fonction- nement des écosystèmes naturels. D’après un rapport commandé par la Fondation Ellen-MacArthur (2013), la mise en place d’une telle économie pourrait géné- rer 700 milliards de dollars d’économies nettes annuelles en matériaux au niveau européen, soit environ 1,1 point de PIB. Certaines indus- tries, comme l’automobile et l’équipement, pour- raient réaliser des économies importantes sur leurs coûts de production. Par ailleurs, l’Insti- tut de l’économie circulaire, s’appuyant sur des études menées par la Commission européenne et l’Ademe, estime que les sept composantes opérationnelles sur lesquelles il est possible d’agir afin de pousser la transition (approvision- nement, écoconception, écologie industrielle et territoriale, économie de la fonctionnalité, consommation responsable, allongement de la durée de vie, recyclage et valorisation des dé- chets) permettraient de créer jusqu’à 400000 emplois. Enfin, l’économie circulaire représente une condition de la préservation des ressources et de notre environnement. Pour favoriser le développement de l’économie circulaire, les écologistes proposent: – un soutien à la recherche et à l’innovation pour développer des technologies efficaces en – La consommation de carburant doit être optimisée (objectif 2 litres aux 100 km en 2020) par une politique de reconversion industrielle favorisant la réduction du poids et de la puissance des véhicules et le développement des véhicules hybrides. – La réduction des distances parcourues sera favorisée par des mesures sur l’urbanisme (PDU et PLU) et l’aménagement du territoire, mais aussi par la généralisation d’outils limitant le besoin de voiture individuelle (PDE). – L’État et les collectivités doivent développer des solutions intermodales à moindre impact environnemental pour limiter le recours à la voiture et au camion. Les pouvoirs publics doivent inciter notamment au covoiturage, assurer la présence de transports en commun sur tout le territoire, concourir au maintien de l’emploi local, des services de proximité et du petit commerce, et encourager le télétravail organisé en espaces collectifs. – Enfin, nous voulons des villes apaisées où il fait bon vivre. Pour cela, il faut développer massivement l’usage du vélo et la marche en ville. L’État et les collectivités doivent viser la réduction progressive des vitesses, et il faut mettre en œuvre un véritable code de la rue qui concerne l’ensemble des modes de déplacement. IV. Économie circulaire, économie de la fonctionnalité, économie du partage La relocalisation des activités doit s’accom- pagner de nouvelles formes d’organisation de la production. En lien avec les Régions, l’économie circulaire a pour objectif de produire des biens et des services tout en limitant la consommation et le Vers une société post-croissance
  • 16. BIEN VIVRE 30 31 Enfin, l’économie du partage (phénomène économique et social combinant l’économie de pair-à-pair, la consommation et l’économie colla- boratives, le capitalisme de plateforme, l’économie circulaire, l’économie de location ou d’abonnement, le mouvement des «makers» et l’économie du don), fondée sur la production en commun, représente un mode de production et de consommation émer- gent au potentiel émancipateur encourageant, à condition que son sens ne soit pas détourné par le capitalisme. En effet, plusieurs courants coexistent aujourd’hui, qui vont de plateformes commerciales comme Uber ou Airbnb, exploitant des algorithmes dont elles ont la maîtrise, à des initiatives centrées sur le partage, le don, l’échange non marchand ou le troc: éco-agriculteurs créant une plateforme de création d’outils agricoles en open source, création de tiers-lieux, etc. Face à ces évolutions, le rôle de l’État et des pouvoirs publics est de construire un cadre écono- miqueetréglementairefavorableauxmodèles«ver- tueux», tourné vers les plateformes permettant les échanges gratuits entre particuliers, les initiatives locales ou celles relevant de l’économie sociale et solidaire (ESS). L’État doit aussi accompagner les nouvelles formes de travail par une protection ac- crue des auto-entrepreneurs, l’accès aux droits et aux devoirs des indépendants, et le rééquilibrage des rapports de force entre donneurs d’ordre et travailleurs indépendants. Les écologistes proposent: – des règles de protection des travailleurs en fonction de la part de dépendance économique des auto-entrepreneurs envers les plateformes; ressources (recyclage, extraction, etc.) et allonger la durée de vie de la matière; – une réforme fiscale afin de mettre en place une TVA circulaire, sociale et environnementale, avec des taux différenciés selon le mode de production; – un véritable plan d’investissement dans le déploiement de l’économie circulaire, notamment dans les secteurs de la réparation et du recyclage ; – le renforcement des règles et des conditions liées à l’écoconception des objets, à leur durée de vie (obsolescence programmée) et à leur capacité à être revalorisés-réparés-réemployés; – des campagnes de communication et d’éducation afin d’induire des modifications dans le comportement des ménages; – une réforme du code des marchés publics pour favoriser les entreprises locales, avec découpage des appels d’offres en lots pour permettre aux PME de concourir, notamment en se regroupant en groupement d’intérêt économique (GIE), ce que les collectivités ignorent trop souvent. La relocalisation va de pair avec une écono- mie dite de la «fonctionnalité», qui valorise au- tant l’usage d’un bien que sa possession et incite au partage et à l’invention de nouveaux rapports sociaux de coopération. Une évolution de la fis- calité sera nécessaire, afin d’adapter les règles relatives à l’investissement ou au fonctionnement en matière de fournitures et d’équipements. Les services publics s’appuieront de manière crois- sante sur l’économie de la fonctionnalité, notam- ment dans le domaine des transports ou pour des objets quotidiens. Vers une société post-croissance
  • 17. BIEN VIVRE 32 33 encore des plateformes et des réseaux de voisinage aidant à retisser un lien au cœur de nos territoires et améliorant ainsi leur résilience sociale; – des appels à projets locaux ou nationaux (la région Aquitaine, par exemple, a lancé en 2015 un appel à projets de plus de 500000 euros visant à «développer des projets innovants relevant de l’économie collaborative, à vocation sociale, environnementale ou citoyenne, s’appuyant sur les technologies et usages numériques»); – une aide à la communication, car les développeurs de plateformes ont besoin de communiquer auprès du grand public pour atteindre la masse critique d’utilisateurs et faire fonctionner leur service (les pouvoirs publics, nationaux ou locaux, disposent d’outils de communication grand public qu’ils peuvent utiliser au profit de l’économie du partage). V. Les déchets sont une ressource: une trajectoire zéro déchet pour la France! Certaines collectivités dans le monde se sont engagées dans le «zéro déchet» avec des résultats spectaculaires en quelques années. La dynamique associe une réduction drastique des déchets et la création d’activités visant la fin du gaspillage ainsi que la récupération et la trans- formation de toutes sortes de résidus. Le modèle linéaire mondial (extraction/production/vente/ déchet/élimination) est transformé en un modèle circulaire induisant une relocalisation de l’activité et une valorisation de chacun de nos déchets. Les déchets organiques ne sont pas des dé- chets comme les autres, et ils n’ont pas vocation à – un accès à la retraite, au chômage et, d’une manière générale, à la protection sociale pour les travailleurs indépendants et les auto-entrepreneurs; – la protection des pratiques de partage en instituant une démarcation nette entre ces pratiques et celles de nature professionnelle (en fonction de la part du revenu); – des règles strictes concernant la collecte, le partage et la protection des données, qui doivent correspondre à un partenariat entre les pouvoirs publics et les plateformes sur leurs territoires d’activité; – la facilitation des pratiques collaboratives des coopératives et des entreprises issues de l’économie sociale et solidaire. Face aux pratiques prédatrices, la collabora- tion et la coopération peuvent à la fois constituer des innovations sociales, économiques et environ- nementales, et devenir des atouts majeurs pour le bien-vivre. Cela concerne également le savoir et les connaissances partagées, l’open source, les creative commons, etc. Notons que le partage et la collaboration restent toutefois largement répandus hors du cadre des plateformes numériques: le troc, la se- conde main et les fab labs constituent encore plus de 70% de l’économie collaborative. Les écologistes proposent: – des financements publics et la mise en place d’incubateurs pour des projets innovants, mais aussi des petits projets territoriaux de déploiement du troc, du partage, du réemploi des objets, ou Vers une société post-croissance
  • 18. BIEN VIVRE 34 35 – qui incite à la réparation et à la réutilisation locale (ressourceries, fab labs); – qui affiche les vrais coûts en généralisant le paiement du service (redevance incitative) et le paiement intégral du coût global de recyclage des emballages par Éco-emballage, répercuté sur les producteurs. Quant aux activités industrielles et artisa- nales qui génèrent des «matières secondaires», d’autres fabricants peuvent s’en emparer comme composants de leurs propres fabrications sans passer par la case «déchets». La politique des écologistes vise à: – généraliser l’économie circulaire des matières secondaires; – organiser des bourses publiques de matières secondaires gérées dans le cadre des plans régionaux; – prévoir des possibilités de stockage réversible de matières pré-triées et susceptibles de retrouver un débouché industriel ou artisanal, à brève ou moyenne échéance. Pour les combustibles, l’incinération des dé- chets en mélange est un gaspillage de ressources nécessitant des investissements lourds et inutiles, dès lors que la logique d’économie circulaire de- vient dominante. Le regroupement horizontal des différents gisements, dont ceux issus des déchets ménagers, permet de re-manufacturer un produit commercialisable à fort pouvoir calorifique, assorti d’une norme de combustibilité (européenne de préférence) garantissant une pollution minimale. disparaître, car ils sont le reflet de notre alimenta- tion. Ils ne doivent pas être mélangés aux autres résidus mais traités à part, selon une économie circulaire de retour vers les terres vivrières. C’est une nécessité vitale pour combattre l’appauvris- sement biologique des terres agricoles et la sur- consommation d’engrais chimiques. C’est pourquoi les écologistes proposent: – dans les cuisines, de donner les moyens et l’habitude de ranger les fermentescibles dans un espace à part; – de composter au plus près ou au plus rationnel selon le territoire; – de promouvoir des normes européennes de qualité et de valorisation économique du compost; – de prohiber les systèmes de tri mécano-biologique après collecte en mélange et de s’opposer à la construction de nouveaux incinérateurs. Pour les écologistes, la production de biogaz n’est pas seulement une question énergétique, elle doit assurer la qualité du compost final. Elle sup- pose une coopération des différents secteurs éco- nomiques du bois, de l’agriculture, de l’épuration des eaux et de l’agroalimentaire, mais toujours avec l’objectif de qualité agronomique du compost fini. Pour les autres déchets, l’objectif des écologistes est de tendre vers le zéro déchet en développant une politique: – de lutte contre la publicité agressive; – favorisant l’écoconception (logique du cycle de vie) et décourageant l’obsolescence programmée via la responsabilité élargie du producteur; Vers une société post-croissance
  • 19. BIEN VIVRE 36 37 sociétés commerciales poursuivant un objectif d’utilité social ou environnemental, nous permet d’envisager une nouvelle gestion des communs environnementaux et des savoirs pour dévelop- per des services publics coopératifs adaptés aux enjeux du siècle. Les écologistes proposent: – une démocratisation des services publics en s’appuyant sur les connaissances issues de l’usage; – la poursuite de la dynamique engagée par la loi ESS de 2014, en accroissant l’ouverture des marchés publics aux entreprises agréées «entreprise solidaire d’utilité sociale» (Esus); – une réorganisation des politiques d’insertion afin que l’accès aux postes soit plus souple et intègre la nécessité de structurer les postes en insertion vers des emplois d’avenir et les filières écologiques; – l’aide à la création et à la reprise d’entreprises solidaires via un nouveau droit de préemption sur les terrains en friches ou locaux industriels désaffectés; – des incitations fiscales spécifiques pour les entreprises qui respectent le principe «une personne, une voix», le partage des bénéfices avec les salarié.e.s et la limitation du salaire des dirigeant.e.s; – la transformation des chambres consulaires en chambres de l’économie plurielle intégrant les Cress actuelles (chambres régionales de l’économie sociale et solidaire) et autres plateformes ou regroupements régionaux; – la création de fonds souverains régionaux dédiés aux projets d’économie sociale et solidaire sur les territoires; Enfin, les écologistes sont attachés à la qua- lité du service public et à la maîtrise des coûts. En cela, ils développent une politique visant à: – créer des pôles de compétence «déchets» au sein des services régionaux; – généraliser la vérité des coûts et la redevance incitative; – privilégier l’investissement public dans le cadre des marchés publics, à l’exclusion des partenariats public/privé; – privilégier la gestion en régie ou par contrats de délégation à durée courte; – accompagner les initiatives citoyennes locales dans la recherche de solutions de réduction des flux; – limiter les flux de déchets en volume et en distance par une territorialisation des équipements par bassin de collecte. VI. Démocratiser l’économie, pour une économie porteuse de sens social et environnemental Le capitalisme globalisé a pour conséquence de concentrer le pouvoir économique dans les mains de quelques-uns: banquiers, rentiers, mul- tinationales ou poignée d’actionnaires milliar- daires. Les inégalités se renforcent, les accords de libre-échange adossés à des tribunaux d’ar- bitrage privés se multiplient. Face à cette perte de pouvoir citoyen, nous devons démocratiser l’économie. Or, l’économie sociale et solidaire, qui réunit les associations, les mutuelles, les coopé- ratives et les fondations, ainsi que de nouvelles formes d’entrepreneuriat social telles que des Vers une société post-croissance
  • 20. BIEN VIVRE 38 39 d’utiliser équitablement l’air, l’eau, les sols et la biodiversité, ces biens communs fondamentaux nécessaires à la vie. De la même manière, les biens sociaux fondamentaux, visant à satisfaire un besoin d’intérêt général, doivent relever de la compétence de la collectivité publique afin d’être préservés et utilisés équitablement. Par consé- quent, des activités comme l’éducation, la santé, la protection de la nature et de l’environnement, la culture, les transports, l’énergie ou les télé- communications doivent demeurer sous maîtrise d’ouvrage publique et pouvoir déroger à l’exigence de rentabilité financière. Les services publics sont une richesse et non un coût pour la collectivité! Dans cette perspective, plusieurs mesures sont prioritaires: – créer un bouclier de services publics essentiels permettant d’assurer une égalité d’accès aux services publics sur tout le territoire, sans discrimination d’aucune sorte, à travers les guichets de la poste, les centres de santé, les services d’urgence, les gares, etc.; – créer des emplois dans les services de la justice, de la police, de l’éducation, etc. et rompre avec la logique «du tout-plateforme» et du traitement numérique, car la présence humaine est indispensable; – réexaminer la politique d’externalisation des missions de service public et renforcer les capacités de contrôle sur les partenariats public/privé; – résorber la précarité des emplois; – créer de nouveaux dispositifs de participation citoyenne au fonctionnement des services publics. – une amplification des outils de l’épargne solidaire (livret d’épargne, carte bleue solidaire, etc.); – le soutien à la mise en œuvre d’une certification publique européenne reconnaissant les produits du commerce équitable; – le déploiement de systèmes économiques de la gratuité et du troc; – le développement des monnaies locales, notamment en desserrant la contrainte des autorités monétaires. VII. Renforcer et rénover les services publics Face à la dégradation de la qualité des ser- vices publics, il est impératif que la puissance publique s’engage à renforcer les moyens des hôpitaux, de l’éducation (en particulier dans les quartiers prioritaires), de la recherche, du logement social, etc. En effet, les compétences et périmètres d’action des services publics ne peuvent se limiter aux fonctions régaliennes de l’État (administration, finances publiques, police, justice, etc.). Les services publics doivent être de qualité et accessibles à tous, sans discrimination aucune, partout sur le territoire. D’autre part, la qualité des infrastructures publiques (en particulier du transport ferroviaire), de la formation des salarié.e.s et des centres de recherche participe à la définition d’un éco- système favorable à la compétitivité des entre- prises (en particulier la compétitivité hors prix). Les entreprises ont besoin de services publics performants. En tant qu’écologistes, nous avons conscience de la nécessité de préserver et Vers une société post-croissance
  • 21. BIEN VIVRE 40 41 B. Santé: stop à la grande braderie d’un bien commun! Les hôpitaux sont en train de se déshumani- ser, ne prenant plus en charge des patient.e.s mais gérant des client.e.s, et sont livrés à des managers chargés de trouver les économies de 1,5 milliard d’euros réclamées par le gouvernement. Et, pour les patient.e.s, on ne parle plus de bien-être, mais de prise en charge ambulatoire, de télémédecine ou d’hospitalisation à domicile pour réduire les coûts et les durées d’hospitalisation. Cette situa- tion s’accompagne du malaise grandissant des personnels soignants, qui voient leurs conditions de travail se dégrader. D’autre part, la désertification médicale de territoires entiers, la disparition des hôpitaux de proximité, la suppression de journées d’hospita- lisation pour les personnes isolées, sans voiture et sans revenu décent, créent angoisse et senti- ment d’abandon en milieu rural, retardent la prise en charge hospitalière et génèrent des situations à haut risque. Les écologistes proposent: – de mettre en place un plan d’urgence de revalorisation pour les soignants (salaires, conditions de travail et effectifs) et de renforcer les moyens de l’hôpital à la hauteur des besoins de la population; – de lancer un moratoire sur les fermetures et les restructurations d’hôpitaux ou établissements sanitaires; de garantir un maillage de l’offre de soins sur tout le territoire et de mettre un terme aux concentrations dans les grandes agglomérations ou métropoles; A. La poste, service public pour tou.te.s Les évolutions du service public postal impul- sées par le groupe La Poste sont préoccupantes et même inacceptables. Il en est ainsi des fer- metures de bureaux de poste, de la réduction des horaires d’ouverture, de la suppression de tournées de facteurs, du transfert d’activités postales dans des commerces, des pratiques de management humiliantes, de la réduction du nombre d’agents. Ces évolutions se traduisent simultanément par une dégradation importante du service rendu aux usagers et des conditions de travail des agents. Les écologistes proposent: – un moratoire sur la fermeture des bureaux de poste; – que les CDPPT (commissions départementales de présence postale et territoriale) soient élargies aux associations d’usagers et aux organisations syndicales représentatives du personnel et qu’elles soient consultées sur les évolutions en cours ou sur les réorganisations de services; – d’augmenter sensiblement les ressources du fonds de péréquation en faveur du maintien et de la rénovation des bureaux de poste; – de maintenir et de renforcer le maillage des services publics dans les territoires suburbains et ruraux, d’agir pour leur réimplantation avec une gestion démocratique et participative associant direction, usagers, élu.e.s et représentant.e.s des personnels tout en les dotant de moyens financiers et humains suffisants pour assurer l’intégralité de leurs missions. Vers une société post-croissance
  • 22. 42 43 2. RÉINVENTER LE TRAVAIL ET LUTTER CONTRE LE CHÔMAGE Depuis plus de trente ans, nous subissons le dis- cours néolibéral sur la nécessité de flexibiliser le marché du travail. Malgré l’échec de ces poli- tiques, on persévère dans la même direction. En inversant la hiérarchie des normes, la loi travail adoptée en 2016 représente une étape supplé- mentaire dans l’affaiblissement des protections des salarié.e.s. Aujourd’hui, la réduction du temps de travail est devenue un enjeu politique détermi- nant, car nous savons que l’évolution spontanée de l’économie ne permettra pas de faire reculer le chômage à un rythme suffisant pour éviter les risques d’explosion sociale. D’autre part, l’aug- mentation de la productivité du capital-travail, l’automatisation et la numérisation changent profondément la nature du travail et fragilisent son cadre juridique, via le développement, par exemple, de l’auto-entrepreneuriat. Contre celles et ceux qui préconisent de «travailler toujours plus», les écologistes sou- haitent redonner du sens au travail afin de mieux répondre aux attentes des Français.e.s, ce qui suppose une rupture avec l’économisme et le pro- ductivisme actuels. I. Travailler tou.te.s Le chômage reste pour nos concitoyen.ne.s une des préoccupations majeures. Pour des mil- lions de personnes, la précarité, le chômage et le sous-emploi sont devenus une réalité diffici- lement surmontable. Or cette situation est une – de tourner le dos à la pure logique de rentabilité et d’engager une véritable concertation et une réflexion prospective, afin de mettre en adéquation l’offre de soins et les besoins actuels et futurs de la population; – de rééquilibrer les moyens du public par rapport au privé, des hôpitaux vis-à-vis des cliniques; – de revoir, voire de supprimer, les numerus clausus, générateurs d’inégalités d’accès aux soins, d’injustice, de sélection absurde en faculté de médecine; en outre, la formation des étudiant.e.s doit être renforcée en santé publique et environnementale, prévention, droit des patient.e.s et soins aux publics vulnérables; – pour faire face au naufrage de certaines spécialités, de prendre les mesures nécessaires pour pallier les déficits dans certaines branches médicales (psychiatrie et gynécologie, entre autres), en augmentant le nombre de places pour ces spécialités et en envisageant des mesures incitatives comme l’aide à l’installation dans les territoires sous-dotés.
  • 23. BIEN VIVRE 44 45 et professionnels entre les hommes et les femmes. Elle s’inscrit dans notre volonté de bâtir une so- ciété de plein-emploi et de pleine activité, qui puisse concilier la vie personnelle, la vie profes- sionnelle, une citoyenneté active et le plaisir de la culture, du sport ou des loisirs. II. Travailler mieux: lutter contre l’intensification du travail Ces vingt dernières années, le travail a été l’objet de discours paradoxaux. D’un côté, on a continué d’accorder à la «valeur travail» une place centrale, tant au niveau collectif qu’indivi- duel, comme vecteur d’épanouissement et d’in- tégration; de l’autre, le travail n’a cessé d’être dévalorisé, pressuré. Le nombre de personnes subissant des expositions fortes à des produits nocifs dans le cadre de leur emploi est passé de 14 à 17%. Le phénomène marquant de ces der- nières décennies est l’intensification du travail, liée à l’augmentation des contraintes de temps (horaires décalés comprenant le travail de nuit ou tôt le matin ou le dimanche), à la pression exercée par la production en flux tendus ou le lean management, à la pression sur les coûts et sur les effectifs. Le pourcentage de salarié.e.s devant res- pecter des normes ou des délais de production inférieurs à l’heure est passé de 5 à 25% en une vingtaine d’années. On a assisté à l’explosion des troubles musculo-squelettiques (TMS), deve- nus, avec plus de 40000 cas reconnus par an, la première cause de maladies professionnelles indemnisées. catastrophe pour l’équilibre de notre démocratie et pour la vitalité de notre société. En effet, le chô- mage et la précarité gangrènent toute la société. Ils sont la première cause de l’échec scolaire des enfants ou de leur décrochage, la première cause de la délinquance ou des difficultés d’intégration… Mais, alors que, depuis plus de trente ans, nos politiques de l’emploi (actives ou passives) ont échoué, nous continuons à miser sur la relance de la croissance ou la réduction de la dette. Dès lors que nous ne croyons plus à un taux de croissance élevé, comment peut-on vaincre le chômage de masse, de surcroît avec des entre- prises ayant fait le choix de délocaliser? Pour travailler tou.te.s, les écologistes proposent: – la réorientation de l’investissement vers la transformation écologique de l’économie, permettant la création de 600000 emplois sur la durée de la mandature; – une relance de la négociation sur la réduction du temps de travail tout au long de la vie, avec comme objectif d’encourager les entreprises et les salarié.e.s à aller vers les 32 heures lissables sur une année ou plus (avec le compte épargne-temps), ou de développer la semaine de quatre jours, les congés sabbatiques, etc. – la garantie, à nouveau, d’un droit au départ à la retraite à 60 ans sans décote ni surcote, tout en repensant le pacte de solidarité intergénérationnel avec la prise en compte de la pénibilité au travail, l’égalité femmes/hommes et les parcours de vie. La réforme du temps de travail est aussi un moyen de rééquilibrer les temps de vie familiaux Vers une société post-croissance
  • 24. BIEN VIVRE 46 47 donneuse d’ordre et de l’entreprise sous-traitante; – d’augmenter le nombre de médecins et d’inspecteurs du travail; – d’étendre la liste des maladies professionnelles et de simplifier les démarches en cas de maladies professionnelles; – de rendre la fonction publique exemplaire. III. Lutter conte l’ubérisation et le travailleur low cost Depuis plusieurs années, on constate la forte progression aux États-Unis et en Europe de l’éco- nomie du service à la demande autour des plate- formes Internet qui proposent des services (aide à domicile, livraison, nettoyage, etc.) sans avoir à salarier leur main-d’œuvre. En mettant en contact des demandeurs et des offreurs de services, ces plateformes permettent de mobiliser le travail d’autrui à leur profit sans assumer les responsabi- lités attachées normalement à l’employeur. Cette «ubérisation» du travail soulève de nombreux problèmes. En particulier, dans ce système, l’en- semble des risques (santé, chômage, etc.) est à la charge du prestataire, qui n’est ni un salarié ni un entrepreneur, puisqu’il doit, pour pouvoir accéder à la plateforme, remplir un grand nombre d’obliga- tions qui l’éloignent du statut d’indépendant. Les écologistes proposent: – de favoriser le développement des coopératives d’activités et d’emploi (CAE), qui regroupent des entrepreneurs et des micro-entrepreneurs qu’elles salarient et qui deviennent dès lors sociétaires; – d’instaurer une vraie protection pour les Chasse aux effectifs, pressions pour dimi- nuer la masse salariale en poussant à la démission, sur-individualisation des rémunérations et de l’évaluation des performances, multiplication des contraintes, suppression des temps «improduc- tifs», organisation du travail en «juste-à-temps», prescription de modes opératoires standardisés: tous ces phénomènes existent dans la plupart des secteurs de l’économie et des fonctions publiques. Le travail est donc de moins en moins une source d’épanouissement mais un facteur d’épuisement physique et psychique. Pour travailler mieux, les écologistes proposent: – d’engager un véritable plan de lutte contre la dégradation des conditions de travail entraînant des troubles musculo-squelettiques ou des dépressions; – d’établir un plan «antistress» national en coordonnant les politiques et les services de santé publique et de santé au travail, et d’intégrer la problématique du burn-out dans la politique d’aide aux entreprises en favorisant celles qui améliorent les conditions de travail, notamment en prévenant les risques psychosociaux; – d’étendre les missions des CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) à la prévention en santé globale (bien-être au travail et dans la vie quotidienne) et à la protection de l’environnement; – de réduire les risques du travail dans la sous- traitance en rendant les donneurs d’ordre coresponsables des accidents du travail et des maladies professionnelles et en renforçant la coopération entre les CHSCT de l’entreprise Vers une société post-croissance
  • 25. BIEN VIVRE 48 49 • individuel: il est versé à chaque personne du foyer, et son montant ne dépend ni du revenu global du ménage ni de sa composition; • permanent: chaque bénéficiaire le perçoit sans interruption du début jusqu’à la fin de sa vie; • inaliénable: il ne peut être saisi, le bénéfi- ciaire ne peut en être dépossédé; • cumulable: il s’additionne avec toute forme de salaire issu d’un emploi déjà existant et de toute autre forme de revenus. Ce revenu doit être suffisant et représenter un revenu primaire qui ne se substitue pas aux dispositifs de protection sociale. Face au rac- courcissement général des cycles d’emploi, à la multiplication des dispositifs temporaires, inter- mittents, d’auto-entrepreneuriat ou plus informels – comme le travail gratuit –, face à l’augmenta- tion de la pauvreté en France (depuis plusieurs années autour de 14%), le revenu inconditionnel doit constituer une base de revenu garantissant un niveau de vie suffisant pour accéder aux biens et aux services essentiels. Par ailleurs, le revenu de base permet de simplifier notre régime de pres- tation sociale, extrêmement complexe. Le taux de non-recours aux prestations sociales, considé- rablement élevé (plus de 30% pour le RSA), doit nous alerter. Le revenu d’existence permet de ré- gler ce problème. Les écologistes proposent que le revenu d’existence vienne se substituer aux actuels mi- nima sociaux existants (si le montant de cette prestation est supérieur au revenu de base ins- tauré, le différentiel serait naturellement pré- servé). Cette simplification, associée à la fin du contrôle des allocataires, aura également pour nouveaux statuts: auto-entrepreneurs, vrais/faux salarié.e.s de type Uber, etc. Aujourd’hui, ce modèle économique est inopérant, car il ne contribue pas au financement de la protection sociale. Ces travailleur.se.s, comme les autres, doivent être protégés en cas d’accidents du travail, de maladie ou de licenciement; – d’assurer la contribution des plateformes aux charges publiques en France en luttant contre les montages fiscaux permettant d’échapper à l’impôt; – de mobiliser le compte personnel d’activité (CPA) pour instaurer une véritable portabilité des droits; – de définir les conditions de rupture des relations avec le prestataire. IV. Du revenu d’existence au revenu maximum acceptable Parce que la place du travail dans nos socié- tés doit être réinterrogée, parce que la croissance ne résout ni le chômage de masse ni la précarité, parce que «toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimenta- tion, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires» (article 25-1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948), nous défendons l’instauration d’un re- venu d’existence consistant à garantir à chaque citoyen.n.e un revenu de base. Celui-ci est: • inconditionnel: il est versé sans contre- partie de travail ni d’engagement à chercher un emploi; • universel: chaque membre de la société en est bénéficiaire; Vers une société post-croissance
  • 26. BIEN VIVRE 50 51 Vers une société post-croissance débat aura été engagé avec l’ensemble de la po- pulation et les corps intermédiaires sur le mon- tant du revenu d’existence et les modalités de son financement. Dans un premier temps, nous retenons le scénario progressif suivant: • étendre le RSA aux 18-25 ans (aujourd’hui exclus du dispositif); • l’individualiser (aujourd’hui, un couple touche 1,5 RSA et non pas 2); • supprimer la conditionnalité (recherche d’emploi) du RSA et automatiser son versement; D’autre part, il n’y a pas de changement écolo- gique possible dans une société minée par l’explo- sion des inégalités et par des écarts extravagants de revenus. Ainsi, les 2000 foyers les plus riches disposent de revenus 50 à 60 fois plus élevés que la moyenne. Et 5% de la population détient près du tiers du patrimoine total. Les écologistes mi- litent pour la réduction de ces écarts. Dans ce cadre, l’augmentation des minima sociaux, du Smic et des plus bas salaires, la lutte contre la précarité et le temps partiel subi visent à redistribuer du pouvoir d’achat et à récupé- rer la part de la richesse du capital accumulée au détriment du travail depuis trente ans. Notre souci est aussi d’articuler réduction des dépenses contraintes et augmentation des salaires, afin d’éviter que les revenus supplémentaires obtenus par les salarié.e.s n’aillent directement alimenter les rentes énergétiques et locatives. Les écologistes proposent: – la mise en place d’un revenu maximum acceptable (RMA); la fixation d’un seuil pour les très hauts effet de diminuer les frais de gestion, pour les re- mobiliser vers d’autres missions. Le revenu d’existence présente un autre avantage. Cumulable avec tout type de revenu, il supprime «les trappes à inactivité» créées par le RSA et ses effets de seuil. Aujourd’hui, face à l’in- certitude que représente le calcul de son montant de RSA, face au découragement que provoque l’idée de devoir recommencer toutes les fasti- dieuses et humiliantes démarches administratives nécessaires à son obtention, de nombreuses personnes refusent des contrats courts ou des contrats à temps partiel. Le revenu d’existence, cumulable avec tout type de revenu du travail, met un terme à cette situation. Loin de «désinciter» au travail, comme on l’entend beaucoup trop souvent, le revenu d’existence serait, de fait, beaucoup plus efficace que l’actuel RSA pour favoriser le retour vers l’em- ploi des chômeurs. Le revenu d’existence s’inscrit dans une lo- gique de dépassement du capitalisme en déclinant le principe d’un droit d’existence en dehors du sala- riat et de son lien de subordination. Il repose sur la distinction entre travail contraint et activité libre, grâce à des transitions vers des activités choisies, une formation, une reconversion ou encore une ac- tivité d’utilité sociale. Pour autant, le revenu d’exis- tence seul, n’est pas suffisant, il doit s’intégrer à d’autres dispositifs, comme les monnaies complé- mentaires, pour jouer pleinement son rôle d’éman- cipation des individus d’un point de vue financier. Au regard de tous les bénéfices évoqués, nous défendons la mise en œuvre progressive d’une allocation universelle, après qu’un vaste
  • 27. BIEN VIVRE 52 53 3. LA RÉFORME DE L’ENTREPRISE AUTOUR DU PROJET DE CRÉATION COLLECTIVE, DE LA PROMOTION DE L’ENTREPRISE CITOYENNE ET DE LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS Les entreprises sont au centre du système productif et des rapports sociaux. Depuis les années 1980, la gouvernance des grandes entre- prises a profondément changé, modifiant leur fonctionnement et les relations entre les petites et les grandes entreprises, via le développement des stratégies d’impartition. De nos jours, règne l’image de l’entreprise comme projet d’investissement financier pour des actionnaires, reléguant au second plan le projet industriel et le progrès collectif. Le poids des actionnaires dans les choix stratégiques et managériaux devient prépondérant, et la «Corporate Governance» s’impose en désignant l’ensemble des dispositifs susceptibles d’enca- drer les pouvoirs des dirigeant.e.s (stock-op- tions, par exemple). L’entreprise n’est plus qu’un assemblage d’actifs valorisables sur le marché, et le «court-termisme» de la performance ac- tionnariale l’emporte sur le développement de l’entreprise et ses capacités collectives d’inves- tissement. Face à cette situation, dans quelles directions engager les réformes de l’entreprise? Comment passer d’une logique court-termiste à une vision de long terme? Réformer les rap- ports de pouvoir dans l’entreprise? Passer d’une logique actionnariale à une logique de projet de création collective, où l’entreprise n’est plus orga- nisée autour de la maximisation du profit mais du développement des compétences individuelles et revenus sera fixée à vingt fois le Smic; au-delà, le taux d’imposition sera d’au moins 80%; – l’interdiction des parachutes dorés et des retraites chapeaux; – la réduction massive du travail précaire par l’introduction d’une prime salariale majorée pour toute heure travaillée dans le cadre d’un contrat inférieur à un mi-temps.
  • 28. BIEN VIVRE 54 55 – Nous renforcerons les effectifs de l’inspection du travail afin que les décisions administratives soient appliquées. – Nous instaurerons une véritable démocratie d’entreprise, en redonnant du pouvoir d’agir aux salarié.e.s. Cela passe par la restauration de la légitimité syndicale dans les entreprises, quelle que soit leur taille, et auprès des travailleurs eux- mêmes. Les représentant.e.s des salarié.e.s, des associations et des collectivités territoriales doivent être associé.e.s largement à la décision dans les conseils d’administration des grandes entreprises, avec des droits à l’information et à l’expertise indépendantes. – Nous réactiverons le droit à l’expression directe et collective sur les alternatives économiques portées par les salarié.e.s, le contenu du travail, les conditions de son exercice et son organisation. – Nous renforcerons le pouvoir des institutions représentatives du personnel et des comités d’entreprise. – Nous faciliterons la reprise des entreprises par leurs salarié.e.s. Quant à la responsabilité sociale des entre- prises (RSE) – définie comme la manière dont les entreprises intègrent, sur une base volontaire, des préoccupations sociales, environnementales et éthiques dans leurs activités économiques comme dans leurs interactions avec toutes les parties prenantes –, à peine plus d’un quart des entreprises françaises de plus de neuf salarié.e.s déclare s’y impliquer réellement. Face à cette si- tuation, nous devons aider en priorité les petites collectives, de l’innovation et de la prise en compte de l’écologie? Quels sont les autres modèles dis- ponibles et comment aider au développement de la cogestion ou de la cosurveillance, des Scop et des coopératives? Refonder l’entreprise passe par une organi- sation nouvelle, une autre organisation des pou- voirs, de nouveaux principes de management: • Refonder le droit des sociétés et créer de nouveaux supports juridiques autour de l’entre- prise comme institution collective et sociale structurée autour des apports de capitaux, des salarié.e.s, des cadres, des clients, des fournis- seurs, des collectivités locales, etc. • Refonder les critères de gestion en tenant compte de la gestion des ressources (bilan envi- ronnemental, audit, comptabilité verte…). Des in- citations fiscales pourraient être envisagées afin de favoriser les entreprises «durables». Le code des marchés publics pourrait privilégier les entre- prises en fonction de leur gouvernance et/ou des écarts de salaires internes. • Refonder le droit des salarié.e.s, en particu- lier leur présence dans les conseils d’administra- tion, et favoriser le rachat de leur entreprise par les salarié.e.s. À cet égard, la démocratie sociale doit être renforcée, le rôle des syndicats et des représentant.e.s du personnel reconnu dans la grande comme dans la petite entreprise. Pour ce faire: – Nous abrogerons la loi travail actuelle et nous élaborerons une loi fondée sur la protection des salarié.e.s et leur participation aux décisions. Vers une société post-croissance
  • 29. BIEN VIVRE 56 57 4. LIBÉRER L’ÉCONOMIE DE SA FINANCIARISATION L’économie contemporaine est engagée dans un vaste mouvement de financiarisation à l’échelle mondiale, processus engagé dans les années 1980 à travers une triple évolution marquée par la déréglementation, la désintermédiation ban- caire et le décloisonnement. Ce mouvement, sou- tenu et accompagné par les gouvernements de droite comme de gauche, a engendré une très forte instabilité du système monétaire et financier international, ainsi qu’une succession de crises bancaires, boursières et de change. Avec la forte augmentation des flux de capitaux à l’échelle mondiale (40 milliards d’euros de biens et ser- vices échangés par jour contre plus de 4000 mil- liards de capitaux), la déconnexion des flux réels et financiers révèle l’ampleur des transactions pu- rement spéculatives, qui ont de nouveau atteint des sommets alors que l’endettement mondial a progressé entre 2007 et 2014 de 57000 milliards de dollars. Aucune leçon n’a été tirée de la crise des subprimes de 2008! Il est impératif de remettre l’économie sur ses pieds et de combattre le capitalisme financier. Appliquer de nouvelles règles et contraintes à la fi- nance est une priorité urgente. Car, utile quand elle est au service du financement de l’économie réelle, elle devient nuisible et prédatrice quand elle met l’économie réelle à son service. Les écologistes agissent d’abord dans ce domaine à l’échelle mon- diale, en particulier par la taxation des transactions financières. Mais ils n’ignorent pas que notre pays doit aussi balayer devant sa propre porte. entreprises à s’engager dans des démarches favo- rables à la RSE par: • la création de plateformes territoriales multi-acteurs pour accompagner les PME-TPE dans leurs démarches RSE; • le soutien à la certification et la labellisation RSE à destination des TPE et des PME; • la mise en place d’un processus permettant de passer de la soft law (mesures incitatives) à la hard law (mesures contraignantes) et d’accom- pagner les entreprises dans leur progression afin d’inscrire dans le dur de la loi les progrès réalisés.
  • 30. BIEN VIVRE 58 59 dérivés. Ces opérateurs de marché virtuels peuvent exécuter des opérations sur les marchés financiers en un temps calculé en microsecondes. Or, le THF présente des risques systémiques importants, car il suffit d’un petit dysfonctionnement (qui pourrait, par exemple, empêcher certains ordres d’être annulés) pour entraîner les prix de marchés dans des mouvements complètement erratiques. – De lutter contre les paradis fiscaux par l’adoption en France de l’équivalent de la loi Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act), votée aux États- Unis en 2010, qui obligerait toutes les institutions financières ouvrant un compte à un.e citoyen.ne français.e ou à une entreprise à capitaux majoritairement français de le déclarer au fisc. – De revoir la place de la BCE dans la définition de la politique monétaire de l’UE et lui fixer des objectifs autres que la stabilité des prix. – D’étendre l’épargne solidaire: les dispositions permettant de diriger une fraction de l’épargne salariale vers l’épargne solidaire seront généralisées à tous les types de supports de placement collectifs. Aujourd’hui les banques dictent leur loi aux politiques. Elles réussissent à bloquer les pro- jets de réorganisation de leurs activités ou de leur contrôle: toute évolution passe donc d’abord par une réelle volonté politique. Indifférentes aux impacts des projets qu’elles financent, elles ont comme seul objectif de garantir le maximum de retour sur investissement. Nos priorités sont: – D’orienter le financement bancaire vers des projets soutenables. Pour ce faire, une politique sélective du crédit doit être mise en place avec des taux d’intérêt plus bas pour les projets écologiques et un encadrement quantitatif pour les autres crédits. Cela passe par une forte remise en cause des critères imposés par la Banque centrale européenne (BCE) et les agences de notation. L’intégration de critères sociaux et environnementaux à côté des critères financiers dans l’analyse de la solvabilité des entreprises avance trop lentement. – De séparer les activités de crédit des activités sur les marchés financiers.Ces dernières doivent être plus réglementées pour stopper la fuite en avant actuelle, à base de produits de plus en plus sophistiqués et d’algorithmes visant à la maximisation des profits. – De plafonner la rémunération des traders. – D’interdire l’ensemble des opérations de «trading à haute fréquence» (THF), qui permettent l’exécution à grande vitesse de transactions financières générées par des algorithmes informatiques. Les produits traités peuvent être des actions, mais aussi des obligations ou des produits Vers une société post-croissance
  • 31. 60 61 35 milliards d’euros de prélèvements. Quant à la fiscalité écologiste, aucune réforme d’envergure n’a été engagée. I. Les propositions fiscales des écologistes La fiscalité est donc, pour les écologistes, un outil de transformation écologique de notre mode de production et de consommation, un outil de solidarité et de redistribution équitable des reve- nus et le moyen de garantir le meilleur niveau de service public. Les écologistes proposent: – la suppression du CICE, qui n’a rien apporté en termes d’emploi; – un impôt sur le revenu rénové, basé sur le principe que tout revenu est imposable et que tout impôt doit être progressif, et sur l’individualisation de l’impôt (l’État devant rester neutre face aux modes de vie choisis par ses concitoyen.ne.s); – la fusion de la contribution sociale généralisée et de l’impôt sur le revenu; – le renforcement de l’ISF; – la suppression du quotient conjugal, allant de pair avec la suppression du quotient familial, qui bénéficie en majorité aux plus aisés; il sera remplacé, à coût constant pour les finances publiques, par une allocation forfaitaire et individuelle, attribuée dès le premier enfant; sa mise en place sera progressive, sans favoriser ni pénaliser les familles plus nombreuses; – la restauration de l’universalité des allocations familiales, en faisant bénéficier des mêmes montants les foyers avec un enfant ou deux enfants; 5. DONNER DU SENS À NOTRE POLITIQUE ÉCONOMIQUE AU SERVICE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET DE LA PROTECTION DES CITOYEN.NE.S La politique économique de la France doit être au service de la transition écologique et se défaire de tout dogmatisme. La grande réforme fiscale n’a pas eu lieu, et le gouvernement a gaspillé ses marges de ma- nœuvre. Entre 2012 et 2013, la hausse des recettes fiscales de 13 milliards d’euros s’est accompagnée de la fin des exonérations sur les heures supplé- mentaires, de l’abrogation de la TVA sociale et de la surtaxe sur l’ISF (impôt sur la fortune), puis, dans la loi de finances pour 2013, de la création d’une tranche d’impôt à 45% et de la baisse du quotient familial. Le gel du barème de l’impôt sur le revenu (IR) est maintenu, ce qui touche tous les contribuables. Ajoutons à cela l’instauration du CICE, financé par une hausse de la TVA. En 2014, le gouvernement revient sur le gel du barème de l’IR, l’indexation étant accompagnée d’une décote pour les contribuables les plus modestes. Par ail- leurs, la baisse du quotient familial se poursuit et la réduction d’impôts pour frais de scolarité est supprimée, etc. Avec le CICE, le gouvernement s’engage à réduire sur trois ans les prélèvements sur les en- treprises de 41 milliards d’euros, et à des baisses d’impôt sur les ménages bénéficiant à plus de 8 millions de contribuables. Sur la durée du quinquennat, les entreprises auront bénéficié de 20,6 milliards d’euros d’allégements, tandis que les ménages auront connu une augmentation de Vers une société post-croissance
  • 32. BIEN VIVRE 62 63 Cependant, la fiscalité écologique peut susciter de nombreuses résistances et conduire à des reculs dommageables, d’où la nécessité de négocier au préalable un planning de mise en place permettant aux différents acteurs concernés d’amorcer leur changement productif et/ou de consommation, de mettre en place des solutions de remplacement (infrastructures, approvisionnement, etc.) et de compenser la mise en place d’une fiscalité écolo- gique par la baisse d’autres impôts. Enfin, nous savons que le problème le plus difficile auquel se heurte une véritable fiscalité écologique est l’évaluation financière de ce que l’on appelle les externalités (que celles-ci soient négatives ou positives). Comment, par exemple, évaluer les services rendus par la nature? Les écologistes proposent: – d’instaurer une fiscalité et des mécanismes financiers favorables à la biodiversité en expérimentant la bio-conditionnalité des aides publiques ou en intégrant des critères environnementaux dans le calcul d’une partie de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les collectivités disposant d’espaces naturels; – de taxer le diesel au même taux que l’essence, car il est temps de mettre fin à cet avantage pour des raisons de santé publique: les particules fines émises par les moteurs diesel seraient responsables du décès prématuré de 42000 personnes par an; – de mettre fin aux avantages fiscaux du transport aérien, l’avion étant le moyen de transport le plus polluant (la défiscalisation du kérosène coûte 1,3 milliard d’euros par an à l’État rien que sur les vols intérieurs); – des cotisations sociales calculées sur d’autres assiettes que le travail: les machines, les logiciels, les écrans, les pollutions, etc.; – la suppression de toutes les niches fiscales injustes socialement, coûteuses et inutiles (les niches fiscales représentent un manque à gagner annuel de 100 milliards d’euros pour l’État); – la lutte contre l’évasion et la fraude: les paradis fiscaux représentent chaque année un manque à gagner compris entre 60 et 80 milliards d’euros; – des impôts locaux respectant l’égalité territoriale: renforcement des systèmes de péréquation entre territoires et révision des bases locatives de 1970 servant au calcul des impôts locaux. II. Pour une fiscalité écologique ambitieuse En 2014, les taxes environnementales repré- sentaient 44 milliards d’euros en France, soit 2,1% du PIB et 4,5% de l’ensemble des prélèvements obligatoires (contre 2,5% du PIB en moyenne dans l’UE). La fiscalité verte française est assise aux trois-quarts sur la consommation d’éner- gie, comme dans la plupart des pays européens. Mais, alors que de nombreux pays européens ont relancé leur fiscalité environnementale, la France reste en retard. C’est pourquoi la fiscalité écologique doit être conçue dans le cadre d’une réforme fiscale plus large, dans un sens incitatif, redistributif et de lutte contre les inégalités. Elle doit deve- nir un puissant levier de modification des com- portements individuels et collectifs grâce à de multiples outils comme les taxes, le marché des droits à polluer, les dispositifs de tarification, etc. Vers une société post-croissance
  • 33. BIEN VIVRE 64 65 la conversion écologique de l’économie et d’évi- ter les effets récessifs des politiques austéri- taires – comme celles imposées aux Grecs et aux Portugais –, qui creusent finalement un peu plus la dette publique. La question de la dette doit donc être inscrite dans une évaluation plus globale du patrimoine commun, de la richesse véritablement produite dans la société et de sa répartition présente et à venir. Les cadeaux fiscaux octroyés depuis vingt ans par les gouvernements tant de droite que de gauche sont si élevés (CICE, niches Copé, éner- gies fossiles subventionnées, crédit impôt-re- cherche…) qu’il nous paraît possible de mener une politique de restriction de la dette sans politique austéritaire. Pour cela, les écologistes proposent: – un audit de la dette publique française et de toutes les niches fiscales pour évaluer la part qui relève des manques à gagner liés aux cadeaux fiscaux faits aux plus riches et des dépenses inutiles dans lesquelles il sera possible et juste de tailler; – que cet audit soit également mené au niveau européen, en visant une mutualisation des dettes et des taux d’intérêt afin d’assurer la solidarité et la solidité de la zone euro. Conclusion: politique de l’offre ou politique de la demande? La primauté donnée durant le quinquennat de François Hollande à la production au détri- ment de la répartition a cristallisé le débat poli- – de supprimer toutes les autres niches énergétiques anti-écologiques (agrocarburants, gazole non routier dans l’agriculture ou le BTP, etc.); – de soutenir les éco-organismes qui sont chargés de la collecte et du recyclage des déchets; – d’approfondir la fiscalité carbone via la contribution «climat énergie», la question centrale étant le prix de la tonne de CO2 (22 euros en 2016). Pour les écologistes, ce prix est insuffisant et doit être rapidement augmenté pour atteindre 100 euros la tonne d’ici à 2030; – de rétablir la taxe poids lourds – ou «pollutaxe» – et de laisser aux régions le droit d’aménager celle-ci. III. Dette et déficit: réhabiliter la dépense publique On entend souvent dire que la dépense pu- blique est improductive ou qu’il faut la réduire. Mais de quoi parle-t-on précisément? La dépense publique représente certes environ 57% du PIB en 2015, chiffre relativement stable depuis 2012, mais ce sont les prestations sociales qui forment une grande part de cette dépense: le financement de la retraite, les allocations familiales, le coût du chô- mage, les remboursements de médicaments, etc. Doit-on considérer ces dépenses comme inutiles alors qu’elles sont sources de justice et d’effica- cité? Ne jouent-elles pas un rôle dans la cohésion sociale et la réduction des inégalités? C’est pourquoi nous considérons que la dette publique n’est pas un mal en soi. Elle permet de financer les investissements publics, de soutenir Vers une société post-croissance
  • 34. BIEN VIVRE 66 67 tico-économique de ces dernières années sur les mérites comparés des politiques de l’offre et de la demande. D’un côté, les partisans de la compéti- tivité-prix des entreprises (réduction du coût du travail); de l’autre, les partisans du soutien de la demande des ménages. Cette opposition n’est guère pertinente, non seulement parce qu’elle fait fi du rythme propre de l’économie (à court terme, les politiques de la demande ont un fort impact immédiat, mais celui- ci décroît et réclame donc d’être soutenu dans le temps), mais aussi parce qu’il faut à la fois sou- tenir et accompagner l’investissement des entre- prises vers la transition écologique de l’économie et relancer la demande. Selon les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), trois conditions étaient nécessaires pour que le «choc d’offre» que devait provoquer le CICE ait un effet positif sur la croissance et l’emploi: que les entreprises françaises fassent le choix de répercuter les baisses de cotisations et d’impôts dans leurs prix (au lieu de gagner en marges), que la politique de nos partenaires ne soit pas iden- tique à la nôtre et que la croissance en Europe soit suffisante pour compenser sur les marchés extérieurs la baisse de consommation interne liée à la contraction de la demande. Or ces conditions n’ont pas été remplies. Pour être efficace, la poli- tique de l’offre a besoin de mesures en faveur de la demande, de moins d’allégements de charges en faveur des entreprises et de moins de coupes dans les dépenses. 6. UN NOUVEL ART DE VIVRE AU TEMPS DE L’ANTHROPOCÈNE «La machine infernale d’une croissance économique aveuglément quantitative, sans souci des incidences humaines et écologiques, et placée sous l’égide exclusive de l’économie de profit et du néolibéralisme, doit laisser place à un nouveau type de développement qualitatif, réhabilitant la singularité et la complexité des objets du désir humain.» Félix Guattari Se diriger vers une société post-croissance ne saurait se limiter à favoriser la transition éco- logique de l’économie. Il faut aussi changer de logique sociale et de système de valeurs, qui en- ferment les gens dans le consumérisme, le «tou- jours plus», les effets délétères de la compétition et la recherche de la puissance. Nous souhaitons sortir du modèle de déve- loppement tourné vers le profit, l’accumulation illimitée et la multiplication des besoins matériels inutiles, et donc nous tourner vers d’autres mo- dalités du vivre-ensemble, vers un nouvel art de vivre. «Il nous faut faire, déclare Patrick Viveret, de la question de l’art de vivre et de la sagesse un enjeu politique et pas seulement individuel.» Sagesse fondée sur l’attention à autrui et à soi- même, sur la sobriété volontaire, sur la simpli- cité et la fragilité, sur le refus de la violence et du pouvoir. Nous voulons en finir avec cette foi quasi religieuse dans le progrès; nous voulons en finir avec la manipulation du vivant; nous devons réapprendre la nature, élargir les espaces de la
  • 35. BIEN VIVRE gratuité, réinvestir le temps long et redécouvrir les vertus de la lenteur. La période que nous traver- sons peut être aussi, comme toutes les périodes de transition, l’occasion d’un saut qualitatif qui nous permette de sortir de l’économisme et de réinventer une société bienveillante. De nombreuses expériences à travers le monde cherchent à décliner ce nouvel art de vivre: réseau des villes lentes ou des villes en transition, slow food, slow science, slow management… Nos politiques publiques doivent renforcer, mutuali- ser, soutenir ces initiatives qui sont des «petites pierres» vers une société de confiance. DEUXIÈME PARTIE UN NOUVEAU RAPPORT À LA NATURE, À L’ANIMAL ET AU VIVANT
  • 36. 70 71 1. PROTÉGER ET RESTAURER LA NATURE ET LA BIODIVERSITÉ «En économie, la bonne santé de la planète ou la place de la nature ont toujours été considérées comme négligeables. La nature non exploitée recèle une valeur nulle. On reconnaît dans cette position anthropocentrique, centrée sur l’être humain, le pendant économique de la conception cartésienne du dualisme entre les humains et la nature.» Michel Sourrouille Alors que la perte de nature et les dégâts causés aux écosystèmes sont pour la plupart irréver- sibles, nous vivons la sixième grande crise d’ex- tinction des espèces. Les populations de vertébrés ont chuté de 58% entre 1970 et 2012. Les causes de cette évolution sont connues: la dégradation des habitats, sous l’effet conjugué de l’agriculture, de l’exploitation forestière et de l’urbanisation, la surexploitation des espèces (chasse, pêche, bra- connage) et la pollution. La nature rend pourtant gratuitement un nombre considérable de services: pollinisation, épuration, paysages, protection contre de nom- breux risques, etc. 40% de l’économie mondiale repose sur ces services et 60% d’entre eux sont en déclin. La France possède un capital naturel exceptionnel, notamment en outre-mer. Or, elle est au huitième rang des pays abritant le plus grand nombre d’espèces mondialement mena- cées. Il y a donc urgence. Nous sommes une espèce parmi d’autres. Notre existence, l’air que nous respirons, ce que nous mangeons, l’eau que nous buvons et notre santé dépendent de la richesse et de la santé des écosystèmes dans lesquels nous évoluons. Sur le plan de la lutte pour la protection de l’envi- ronnement, les années 2012-2017 n’ont pas été à la hauteur des enjeux, malgré plusieurs confé- rences environnementales et plusieurs lois sur le sujet. Les constats sont accablants: on déplore 48000 morts prématurées chaque année du fait de la pollution de l’air; seulement 43% des eaux de surface peuvent être qualifiées de bonnes et 32% des eaux souterraines sont dans un état médiocre (chiffres de 2013), du fait principalement de l’acti- vité agricole. La proportion de déchets recyclés reste encore très faible et la part du transport fer- roviaire de marchandises (12% en 2014) n’a cessé de baisser depuis le début du siècle… Au regard des enjeux climatiques et envi- ronnementaux, les objectifs inscrits dans la loi de transition énergétique sont insuffisants; la France peine à imaginer un projet global et des politiques d’amélioration structurelles.
  • 37. BIEN VIVRE 72 73 Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant stockage du carbone et leur rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique; – de dégager un budget dédié au service de protection-restauration de la nature; – de mettre en place le service de protection et de restauration de la biodiversité, en mobilisant et en coordonnant l’activité des offices et des agences nationales; – de rendre opposables les schémas d’aménagement et de protection de la nature. Notre sort est lié à celui de toutes les espèces vivantes. C’est pourquoi préserver l’environnement, la qualité de l’air, de l’eau et des sols et la biodiversité devrait être notre priorité. Il est vital de redéfinir nos priorités. L’économie et la croissance ne sont pas des valeurs auxquelles il est légitime de tout sacrifier, d’autant qu’il est possible de créer des emplois sans contribuer à la destruction irréver- sible des milieux naturels et à la pollution de notre environnement. À l’opposé d’une vision purement utilitariste de la nature, en France comme ailleurs, l’humain doit redéfinir sa place dans l’équilibre du monde vivant. Les écologistes proposent: – d’inscrire dans nos lois fondamentales (Constitution, traités européens) une règle de protection des communs environnementaux (air, eau, sols, biodiversité, climat…) pour en finir avec les pratiques actuelles de capitalisation des bénéfices économiques, basées sur l’exploitation de la nature et la socialisation des coûts des dommages qui lui sont causés; – d’intégrer la protection et la restauration de la nature et de la biodiversité en amont de toutes les politiques publiques, afin de permettre une gestion transversale via l’internalisation des coûts, la fiscalité écologique, l’éco-conditionnalité des aides, l’évaluation écologique de l’économie, le contrôle sérieux des usages et la juste réparation des dommages; – d’adopter, au niveau national et régional, des objectifs de préservation et de restauration des sols, afin de garantir leur capacité globale de
  • 38. 74 75 – De créer une brigade nationale pour la protection animale. Son rôle sera d’enquêter et de sanctionner toute infraction quels que soient le lieu et les conditions dans lesquelles des animaux (domestiques, d’élevage ou sauvages) sont détenus, transportés et/ou utilisés. – De créer un comité d’éthique national sur la condition animale. Sa mission sera d’établir et de publier le bilan annuel des infractions au bien-être animal (alertes, plaintes et sanctions effectives). – De créer une agence nationale des méthodes alternatives. Sa vocation sera d’accompagner la transition de la recherche expérimentale vers des procédures n’utilisant pas d’animaux. – De constituer un code animal. Son objectif sera de regrouper dans un même corpus juridique l’ensemble de la réglementation applicable aux animaux (dispositions pénales, civiles, sociales, etc.) et d’encadrer les conditions dans lesquelles les animaux pourront être utilisés dans les activités économiques. – De renforcer la lutte contre les abandons des animaux de compagnie en améliorant les contrôles de l’identification de ces animaux et en développant des incitations à la stérilisation des chiens et des chats, avant d’appliquer, dans un délai de 3 à 5 ans, une taxe aux détenteurs d’animaux non stérilisés (dont le produit alimentera un fonds d’aide à la stérilisation et aux refuges). – D’interdire les spectacles avec des animaux sauvages, y compris les combats impliquant des animaux (corridas, combats de coq…) et toute détention ne respectant pas leur condition de vie naturelle (mammifères marins, notamment). 2. RESPECTER L’ANIMAL Les animaux restent soumis à la législation sur les biens, et les quelques outils législatifs cen- sés améliorer leur «bien-être» sont insuffisam- ment mobilisés par la puissance publique. Il est nécessaire de transformer le rapport humain/ani- mal en une coopération respectueuse de chacun, et non plus une exploitation productiviste. Les conditions d’élevage ou de détention des animaux doivent respecter leurs besoins élémentaires en termes d’espaces, d’alimentation, d’habitat, de vie sociale et de santé, et leur garantir une absence de souffrance et de stress. L’urgence climatique et environnementale impose d’engager le pays dans la transition ali- mentaire vers une consommation majoritaire- ment végétale, durable, saine, respectueuse de l’environnement, des animaux et des humains. Si le végétarisme relève d’une décision personnelle, permettre une consommation non quotidienne de produits animaux doit être un choix de so- ciété. Cela passe par le développement de l’offre végétarienne, notamment auprès des enfants. L’expérimentation animale doit être pro- gressivement remplacée par des méthodes de recherche non animales, dans l’intérêt de la santé humaine et animale. Celles-ci doivent être pro- mues et subventionnées. Les écologistes proposent: – De créer un secrétariat d’État à la condition animale. Son rôle sera de mettre en place une politique intersectorielle afin de faire disparaître les pratiques violentes et cruelles à l’égard des animaux. Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
  • 39. BIEN VIVRE 76 77 – De faire évoluer notre rapport à la faune sauvage afin de mettre un terme aux usages fondés sur la violence. Cela passe par un encadrement strict de la chasse et l’abolition des pratiques les plus cruelles (déterrage, piégeage), ainsi que le développement d’espaces apaisés permettant de tester de nouveaux rapports avec la faune sauvage. – D’instaurer le dimanche sans chasse. – De faire respecter les directives européennes sur la biodiversité et de faire cesser tout acte de chasse sur les animaux protégés. – D’étendre le statut juridique de l’animal à la faune sauvage. Le trafic d’animaux sauvages est le troisième trafic le plus lucratif au monde. Il est dévasta- teur pour les espèces et source de grandes souf- frances pour les animaux. Il s’appuie souvent sur l’ignorance des personnes et la cupidité des trafi- quants. Il est indispensable de renforcer l’informa- tion des citoyen.ne.s et de se donner les moyens, notamment législatifs, de supprimer les trafics. Afin de rendre effective la règle des «3R» (réduire, raffiner, remplacer) en matière d’expéri- mentation animale, il est indispensable de créer des structures d’évaluation impartiales et trans- parentes, de produire une information régulière, d’encadrer et de contrôler aussi bien les éleveurs que les projets de recherches, et de développer les méthodes de substitution. – De soutenir des dispensaires pour animaux dans un but d’intérêt social et sanitaire: leurs missions seraient de fournir des soins aux animaux ou d’effectuer des stérilisations, à un coût indexé sur les revenus des propriétaires. – D’éduquer dès l’enfance au respect des animaux dans les écoles primaires, puis de poursuivre à tous les niveaux scolaires et de ne pas confier d’interventions en milieu scolaire aux associations de chasse. – D’engager le pays dans la transition alimentaire vers une alimentation durable, respectueuse de l’environnement, de l’humain et de l’animal. Cela passe par une incitation à réduire la consommation de produits d’origine animale au profit des produits d’origine végétale, via l’information, la formation et la pédagogie. – D’améliorer l’information auprès des consommateur.trice.s sur l’origine de la production de leur alimentation, en termes d’impact environnemental et de bien-être animal, via la mise en place d’un étiquetage approprié; – De promouvoir et de subventionner la transition de l’élevage industriel vers celui en plein air. – De créer un groupe de travail sur l’ensemble du secteur de la viande pour étudier l’aspect économique de cette filière (rentabilité, coût social, environnemental, subventions, etc.). – De mettre en œuvre les 65 mesures préconisées par la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français. – De créer une commission d’enquête sur les conditions d’élevage et d’abattage des volailles et des lapins. Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
  • 40. 78 79 faibles). Un État en retrait dans la planification: pas de jugement sur l’opportunité des actions, sur leur faisabilité et leur équité financière, retrait du champ technique, cantonnement à un formalisme juridique tatillon, etc. On doit s’interroger en outre sur le système des agences de l’eau, sur leur efficience tech- nique et financière comme sur leur pertinence administrative et politique. Il apparaît clairement que les budgets dépensés n’ont pas les résultats escomptés – ce qui est d’autant plus inquiétant que le prix de l’eau est élevé – et que le processus de décision est opaque et insatisfaisant. Face à cette situation, les écologistes défendent une nouvelle loi sur l’eau et les milieux aquatiques afin: – d’annuler les dispositions contraires à la protection-restauration introduites par la droite en 2006 dans la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (Lema) et non corrigées par la gauche sous la présidence de François Hollande; – d’asseoir le financement de la politique de l’eau sur des bases saines: réviser les règles d’attribution des aides, les conditionner au respect de la nature, à l’action préventive et à l’équité sociale, les rendre sélectives et publiques, les contrôler; établir les redevances sur les usages en fonction de leur désutilité pour l’environnement; rééquilibrer les contributions des ménages, des industriels et des agriculteurs; fixer des taux planchers (et non plafonds) et renforcer la taxation des pollutions agricoles; – de modifier la gouvernance des agences, de mettre fin aux conflits d’intérêts chez les membres des instances, de démocratiser leur administration 3. UNE EAU DE QUALITÉ POUR TOU.TE.S Dans les six grands bassins hydrographiques de France métropolitaine, le bilan de l’état des eaux, superficielles et souterraines, en 2013 n’est pas bon. Il est peu différent de celui établir dix ans plus tôt, malgré une diminution des pollutions domes- tiques et industrielles en général et une certaine résorption des masses d’eau les plus dégradées sur certains bassins. Et ce ne sont pas les sché- mas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) pour 2016-2021 qui relèveront le défi, car ces schémas, qui fixent les orientations et les mesures à prendre sur chaque bassin, n’ont été qu’un toilettage et une actualisation des pré- cédents, sans réel engagement de s’attaquer aux causes. Le bon état des eaux ne sera pas atteint car on ne s’attaque pas aux causes: la pression crois- sante des pollutions diffuses (azote, pesticides et eaux pluviales), l’excès des prélèvements (irriga- tion) et l’artificialisation des lits mineurs et des zones humides. Ces trois facteurs handicapent lourdement la résilience des milieux aquatiques face à l’adversité, notamment climatique. Le tout dans un contexte de retrait de l’État, au nom de la décentralisation et du renvoi sur les collectivités locales, techniquement dépassées ou culturellement inféodées aux lobbys. Un État déficient en matière de connaissance des usages et d’évaluation des impacts et des mesures adop- tées. Un État absent en matière de police admi- nistrative (soutien et autorisation de projets néfastes pour l’eau – voir Sivens ou Notre-Dame- des-Landes) et judiciaire (sanctions nulles ou Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
  • 41. BIEN VIVRE 80 81 4. UNE FORÊT MIEUX PROTÉGÉE ET GÉRÉE DURABLEMENT La forêt française recouvre 30% du terri- toire. Elle constitue le tiers des espaces classés Natura 2000 et une grosse partie du stock na- tional de biomasse. Elle joue un rôle écologique essentiel de stockage de carbone, de protection des sols, d’écrêtage des crues, de retenue des avalanches, de filtration de l’air et des eaux. C’est par ailleurs un poumon social irremplaçable avec 440000 emplois dans la filière. La forêt fait l’objet de convoitises des indus- triels, en particulier pour l’utilisation énergétique. Pourtant, c’est le parent pauvre des politiques agricoles, et les orientations gouvernementales menacent directement son équilibre à moyen et à long terme (surexploitation, artificialisation, enré- sinement, arbres OGM). Aussi, les écologistes proposent: – D’augmenter la capacité de stockage de carbone des peuplements et surtout des sols (maintien dans chaque forêt d’au moins 25% de la production biologique annuelle), afin de lutter contre le changement climatique. – De maintenir et de renforcer les équilibres écologiques, la diversité, les sols et les paysages forestiers. – De produire du bois de qualité permettant de mieux valoriser financièrement les produits pour le propriétaire, de créer plus d’emplois et d’augmenter la diversité et la richesse biologiques de la forêt. – De renforcer l’ingénierie forestière française (changement climatique, biodiversité et et leur direction, de diminuer le collège État et de créer un collège experts et personnels (ceux-ci étant les experts de leur établissement et de leurs métiers) ainsi qu’un collège des protecteurs et consommateurs différent de celui des autres usagers (agriculteurs et industriels) et d’assurer la juste représentation de tous les collèges dans les commissions et groupes de travail; – d’évaluer les mesures prises au double niveau écologique et économique, en parallèle de l’évaluation des usages et des milieux/espèces confiée à l’Onema (Office national de l’eau et des milieux aquatiques).
  • 42. BIEN VIVRE 82 83 5. DONNER DES PERSPECTIVES AUX TERRITOIRES RURAUX: POUR UNE AGRICULTURE ÉCOLOGIQUE ET PAYSANNE Le modèle de développement agricole actuel est totalement dépassé, inadapté et inefficace à tous points de vue: environnemental, économique et social. L’agriculture n’est pas un secteur d’acti- vité comme les autres. La vision néolibérale qui s’est imposée condamne une grande majorité de paysan.ne.s de tous les pays à une guerre écono- mique sans fin qui profite avant tout aux géants de l’agrochimie et de l’agroalimentaire. En outre, ce modèle est coûteux pour les contribuables en termes d’aides publiques, par ses coûts de répara- tion sanitaires et environnementaux et par ses des- tructions d’emplois. Face à ce constat, notre projet s’organise autour de quatre axes et de trois leviers. I. Nos quatre axes A. Placer l’alimentation au cœur des politiques publiques Les politiques agricoles des dernières décen- nies ont progressivement abandonné la question de l’alimentation à l’industrie agroalimentaire. Le temps est venu de se réapproprier cette question et de poser les fondements d’une politique ali- mentaire ambitieuse, car notre santé est (aussi) dans notre assiette. Pour cela, il faut: • limiter les surplus de production alimen- taire et en finir avec le gaspillage; • développer une offre alimentaire au plus près des bassins de vie grâce à une relocalisation des productions; durabilité des peuplements, aide aux pays en développement). – La fiscalité forestière doit encourager le maintien des peuplements (fiscalité des transmissions), la durabilité de la gestion (fiscalité sylvicole) et leur capacité à répondre aux objectifs ci-dessus (taxe carbone, documents de gestion, TVA sur les produits bois, etc.). – Les aides publiques à la forêt doivent financer directement les apports environnementaux et sociaux de la forêt (stockage de CO2, eau, air, stabilisation des sols, qualité de la sylviculture et de la biodiversité forestière, etc.). – L’Office national des forêts (ONF), gestionnaire des forêts publiques, doit être recentré sur ses missions de base, dont celles de protection et de restauration de la nature, financées directement par l’État, rompant avec sa dérive commerciale (les produits du domaine et les ventes de bois ne doivent plus faire partie des ressources de l’ONF). – Les stratégies industrielles de la filière doivent viser la valorisation maximale des produits nationaux actuels, afin de limiter le déficit de la balance commerciale. – Le bois énergie, au centre des objectifs gouvernementaux et industriels, doit faire l’objet d’un suivi statistique et scientifique indépendant (bilan carbone forêt par forêt, réalité des bassins d’approvisionnement, traçabilité des bois).
  • 43. BIEN VIVRE 84 85 D. Accompagner la transition écologique dans les territoires ruraux Les conditions d’existence se sont dégra- dées dans beaucoup de zones rurales. Un senti- ment d’abandon se développe, qui s’exprime de plus en plus par des votes d’extrême droite. Une défiance s’est installée entre l’État et le monde rural. Les politiques publiques apparaissent cloi- sonnées, illisibles, dispersées et pensées surtout pour les grandes villes et les métropoles. Engager la transition écologique et l’accompagner, c’est permettre aux territoires ruraux de valoriser leurs ressources locales, d’apparaître comme des lieux où il est possible de concrétiser des projets pro- fessionnels et de vivre mieux. Mais, pour cela, plusieurs préalables sont indispensables: • redéfinir le rôle de l’État, qui doit porter une vision globale de l’aménagement du territoire et être le garant de la cohésion sociale, donc du maintien des services publics; • garantir l’égalité d’accès aux transports et aux services publics et de santé; • instaurer les aides à la structuration des circuits courts dans chaque bassin de vie; • soutenir l’innovation sociale et sociétale en matière de coopération, de transport et de créa- tion d’activités économiques; • inciter à l’installation de médecins; • développer des structures de télétravail pour éviter une fuite vers les villes; • mettre en place un schéma de dévelop- pement urbain et rural pour développer les complémentarités. • défendre l’étiquetage dit des cinq couleurs, qui met en garde les consommateur.trice.s sur les dangers d’une alimentation déséquilibrée. B. Conforter et créer des emplois en agriculture, et encourager les initiatives Le nombre d’actifs du secteur agricole est passé de 957000 en 2000 à 716000 en 2015. Mais, pour les écologistes, la diminution du nombre d’agriculteurs est loin d’être une fatalité: • Pour enrayer le phénomène d’agrandisse- ment des exploitations et celui des fermes-usines, il est primordial de remplacer les agriculteurs qui partent à la retraite. • Assurer une activité pérenne, économique- ment viable et humainement vivable est la condi- tion pour susciter de nouvelles vocations. • Les cadres de l’installation ont largement été pensés par et pour les personnes issues du monde agricole: ils s’avèrent inadaptés pour celles et ceux qui désirent s’installer sur de plus petites structures, plus légères en capitaux, et de manière progressive, commercialiser en circuits courts et créer des activités nouvelles grâce au numérique. • Il est temps de se doter de cadres institu- tionnels et réglementaires favorables à une poli- tique offensive d’activités en milieu rural. C. Préserver la biodiversité, les sols et lutter contre le dérèglement climatique grâce à des modèles plus économes et intelligents basés sur l’agroécologie La transition vers des systèmes en agroé- cologie doit devenir une réalité dans toutes les fermes. Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
  • 44. BIEN VIVRE 86 87 • l’introduction d’une taxe sur l’urbanisation des terres agricoles. C. Une politique de formation-recherche- développement réorientée Les changements ne se feront pas du jour au lendemain, et ils ne se décrètent pas d’en haut. Aussi, l’ensemble des établissements et structures qui interviennent dans le champ de la formation, de la recherche publique, du développement et de l’ingénierie ont un rôle essentiel: aider et faciliter les changements de pratiques en associant tous les acteurs. Pour cela, il nous faut: • renforcer l’accompagnement des produc- teurs et leur structuration collective autour de va- leurs mutualistes et coopératives, pour peser face à l’aval, que ce soit en circuit court ou en circuit long; • ré-ancrer le développement des filières agricoles au sein de relations commerciales équi- librées et équitables entre les parties prenantes, à l’échelle de territoires de projet; • former les jeunes agriculteurs aux tech- niques agricoles biologiques, en mettant celles-ci au cœur de l’enseignement agricole. II. Nos trois leviers A. Des financements à légitimer et à réorienter de l’Europe aux régions Plus de 10 milliards d’euros d’aides eu- ropéennes sont distribués chaque année en France. Cela représente une contribution de 150 euros par habitant.e. Mais combien d’agri- culteur.trice.s en profitent ? Seule une vraie réforme de la politique agricole commune au ser- vice de l’emploi, de la souveraineté alimentaire et du développement rural permettra de réorienter ces aides importantes. Un redéploiement sera nécessaire pour sécuriser les systèmes en agro- écologie, conforter les aides au maintien en agri- culture biologique et mieux prendre en compte les effets positifs de ces deux approches pour la société. B. Une politique foncière audacieuse inscrite dans une loi spécifique Force est de constater la faible efficacité de l’ensemble des législations: l’artificialisation continue, le prix des terres agricoles augmente, l’accès au foncier pour de nouveaux agriculteurs est quasi impossible, et un phénomène d’accapa- rement des terres s’installe dans tous les pays de l’Union européenne. La préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers doit constituer un impératif national, avec: • une grande loi foncière pour ne pas laisser faire la loi du marché; • un renforcement des objectifs de protection et de gestion de l’environnement et des paysages au sein des espaces agricoles et ruraux; Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
  • 45. 88 89 – de soutenir des loisirs respectueux du littoral; – de limiter l’impact de la pêche à pied sur la biodiversité; – de développer les expériences de sciences participatives en milieu marin et de soutenir les associations d’éducation à l’environnement marin. D’autre part, l’embellie actuelle de la filière de pêche française est conjoncturelle et ne doit pas masquer le fait que la surexploitation de certaines espèces, la pollution croissante des mers et le ré- chauffement de la mer compromettent son avenir. Les écologistes proposent: – d’amplifier des démarches participatives et concertées associant tous les acteurs de la mer et du littoral, de créer des espaces de dialogue et d’écoute entre professionnel.le.s, associations et collectivités territoriales, de mettre en place des politiques co-construites, efficaces et adaptées grâce à une approche de gestion intégrée de la zone côtière (GIZC) visant à en faire un espace de vie et de travail, mais aussi un territoire où l’environnement (biodiversité, paysage) est préservé; suivant en cela l’exemple de la charte sur les espaces côtiers bretons, il s’agit de créer des «centres de ressources» pour la mer et le littoral; – de promouvoir une pêche et une aquaculture durables plus sélectives, plus respectueuses des écosystèmes et de la biodiversité, et de soutenir la pêche artisanale; – de gérer et de protéger la ressource, de créer des zones de protection et de reproduction et de lutter contre la pêche illégale (surtout dans les DOM-TOM); 6. LES ENJEUX MARITIMES ET LITTORAUX FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE Les conséquences du réchauffement climatique sur les mers et les océans sont importantes. En ef- fet, au cours du XXe siècle, le niveau des mers s’est élevé en moyenne de 20 cm, et il pourrait s’élever de 50 à 80 cm d’ici la fin du XXIe siècle. La variation de la température de la mer et de l’air entraînera des modifications notables en termes de biodiver- sité, d’érosion des côtes ou de comblement des marais maritimes, et l’augmentation des précipita- tions peut entraîner l’effondrement des falaises ou le recul des terrains littoraux. D’autre part, 50% de la population mondiale vivant dans la zone littorale, des pressions énormes s’exercent sur les habitats naturels et les ressources côtières, renforcées par le tourisme littoral. Aussi, l’État et les collectivités locales souhaitant anticiper l’impact du réchauffe- ment climatique sur le littoral doivent travailler sur les hypothèses de remontée du niveau de la mer et arrêter l’urbanisation des zones à risques. La pré- vention des risques naturels liés à la mer doit être prise en compte dans les documents de prospec- tive et d’aménagement du territoire. Les écologistes proposent: – de créer des réserves foncières en zones rétro- littorales accueillant les habitant.e.s et de régionaliser la politique du littoral pour plus de cohérence; – de renforcer les compétences des collectivités territoriales à l’égard de la mer et du littoral; – de relier aménagement du territoire et politique du littoral en ajoutant des volets marins aux schémas de cohérence territoriale (Scot); Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
  • 46. BIEN VIVRE 90 91 des activités maritimes sans pour autant créer de sanctuaires; – d’étendre les aires marines protégées, qui jouent un rôle majeur en matière de protection de la biodiversité; – d’intensifier la lutte contre les pollutions marines et terrestres (renforcer la surveillance et le contrôle des navires, sanctionner sévèrement les négligences et les tricheries, collecter et traiter les déchets liés à l’activité maritime et à la pêche). – d’interdire les techniques de pêche les plus néfastes pour l’environnement. Dans un contexte d’échanges commerciaux globalisés, les ports se développent fortement, ce qui n’est pas sans impact sur le milieu naturel et l’environnement urbain. Les écologistes proposent: – de veiller à ce que les ports soient respectueux de l’environnement, économes en foncier et intégrés aux villes ; l’État doit interdire tout rejet en mer des boues de dragage et soutenir la création de filières de traitement de ces boues à terre ; – de soutenir une filière de déconstruction navale dans les ports français les plus adaptés; – de transformer les ports en hubs en termes d’intermodalité et d’accès aux transports décarbonés de marchandises. Enfin, la mer est un espace très convoité et soumis à beaucoup de pressions qui justifient la mise en place d’une protection des sites et des espèces sensibles, la conservation de la biodi- versité, une gestion rigoureuse des ressources marines exploitables, le maintien de la qualité de l’eau et la poursuite des actions destinées à en finir avec la mer-poubelle. Les écologistes proposent: – de veiller à la cohérence terre-mer dans les projets de parcs marins portés par l’État et d’associer tous les acteurs de la zone côtière: c’est l’occasion de tester un développement durable Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
  • 47. 92 93 santé, de sécurité, de bien-être et d’environnement au travail; – de créer un institut de veille environnementale chargé notamment de lancer un grand plan national d’analyse et de recherche en santé-environnement; – de donner à la prévention la même importance qu’aux soins dans les agences régionales de santé; – de protéger les citoyen.ne.s de la surexposition aux champs électromagnétiques (CEM) et des émissions sonores – de lutter contre les déserts médicaux par la multiplication des maisons de santé pluri- professionnelles et des maisons de naissance. – de susciter une mobilisation de grande ampleur, particulièrement en direction des femmes enceintes et des parents de jeunes enfants, sur les dangers des substances chimiques toxiques, notamment les perturbateurs endocriniens. – d’agir en faveur de la santé mentale (prévention et soin) en lançant une campagne de «déstigmatisation» des malades mentaux (dont les statistiques montrent qu’ils sont plus souvent victimes qu’auteurs de violence) et en redonnant aux secteurs de psychiatrie pour enfants, adolescents et adultes la place qu’ils méritent dans le dispositif de soins, en luttant contre l’hospitalo-centrisme. – de garantir l’accessibilité financière des soins: • en augmentant la part de l’assurance maladie dans le financement des soins de santé, donc en diminuant la part des assurances complémentaires, afin de tendre vers l’équité entre assurés sociaux; • en mettant en place un principe de cofinancement d’une mutuelle en partenariat 7. RELIER ENVIRONNEMENT ET SANTÉ: UN ENJEU SANITAIRE ET DÉMOCRATIQUE MAJEUR Aujourd’hui, les avancées scientifiques et médi- cales démontrent que nous ne pouvons plus igno- rer l’influence de notre environnement sur notre santé. L’augmentation des maladies chroniques non infectieuses, liée aux facteurs environne- mentaux et aux modes de vie, est reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un défi majeur pour les systèmes de santé et les économies mondiales. La France n’échappe pas à ce diagnostic: problèmes respiratoires dus à la pollution de l’air extérieur et intérieur, affections générées par les perturbateurs endocriniens. Nous devons viser la diminution de 25% des maladies chroniques à l’horizon 2025. Or, la politique de santé actuelle s’inscrit principalement dans une logique curative. La majorité des crédits est centrée sur les soins et le dépistage, ce qui laisse peu de place à la préven- tion. Pour cette raison, il est urgent: • de promouvoir les médecines alternatives; • de réduire les inégalités territoriales, envi- ronnementales et sociales, et de garantir l’accès de tou.te.s à la santé; • deformerlesprofessionnel.le.sdesantéetde prévention aux liens environnement-travail-santé. Pour renforcer la démocratie sanitaire, les écologistes proposent: – de créer un secrétariat d’État à la prévention santé-sécurité-environnement et une mission interministérielle en charge d’élaborer une grande loi pour développer la prévention en termes de Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
  • 48. BIEN VIVRE 94 à leur sexualité et leur identité de genre – les personnes lesbiennes, gays, bi et trans se suicident en moyenne quatre fois plus que le reste de la population, d’où l’importance de mettre en place une politique spécifique de prévention du suicide auprès d’elles. Conclusion: un nouveau rapport à la nature et au vivant Avec les débats récents sur l’Anthropocène et le réchauffement climatique, la Terre et la na- ture redeviennent des thèmes politiques en tant que tels. Si toute la période industrielle a cru pouvoir se libérer des contraintes physiques et des déterminations naturelles, l’humanité redé- couvre la fragilité de la planète. L’idée d’une his- toire commune entre les sociétés humaines et les processus naturels desquels nous dépendons se matérialise dans le concept d’Anthropocène. Les écologistes tiennent compte de cette fragilité consubstantielle à la Terre et aux vivants. Les im- pacts de l’action humaine sur la trajectoire géolo- gique de notre planète, avec le risque de la rendre inhabitable pour les générations futures, néces- sitent que nous changions fondamentalement nos relations à la nature et que nous prenions soin du vivant sous toutes ses formes. régions-collectivités et en permettant une meilleure couverture des soins dentaires et oculaires; • en baissant les prix des médicaments; • en luttant contre les déserts médicaux par le développement des maisons de santé pluri- professionnelles et des maisons de naissance; • en conditionnant les aides à l’installation au respect du conventionnement en secteur 1; – d’agir contre les lobbys en développant le rôle de l’expertise citoyenne et en défendant les lanceur.se.s d’alerte; – d’élargir par la loi le périmètre de l’action de groupe (loi relative à la consommation, dite loi Hamon) aux domaines de la santé et de l’environnement (responsabilité), avec prise en compte des dommages corporels et du préjudice écologique et moral; – de mettre en place une politique de prévention des dépendances, en sus des soins et des accompagnements adaptés, car l’usager de drogues n’est pas un délinquant; concernant la lutte contre le cannabis: constat de l’inefficacité de la prohibition, légalisation de la vente aux majeurs, prise en charge publique de la régulation commerciale et du contrôle qualité; – de reprendre la lutte contre les infections sexuellement transmissibles et le VIH/SIDA (prévention, recherche, accès aux soins) et d’assurer l’accompagnement des personnes touchées; – d’améliorer les conditions de fin de vie en rendant les directives anticipées opposables et de donner le choix aux patient.e.s en dépénalisant l’aide active à mourir; – d’organiser des actions de prévention du mal-être en direction des jeunes en recherche par rapport Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
  • 49. TROISIÈME PARTIE VERS UN NOUVEAU PACTE SOCIAL ALLIANT AUTONOMIE, SOLIDARITÉS ET DIGNITÉ
  • 50. 98 99 parents non diplômés, 14% des parents diplômés du supérieur). Enfin, selon le rapport de l’Observa- toire des inégalités, la pauvreté et les inégalités se concentrent dans les grandes villes: les deux tiers des pauvres vivent au cœur des grandes aires urbaines. Le taux de pauvreté à 60% du niveau de vie médian atteint son maximum – 18% – dans les villes de 100000 à 200000 habitants. Dans les communes des banlieues défavorisées ou les quartiers populaires des grandes villes, le taux de pauvreté dépasse souvent 40%. Retrouver le ciment nécessaire à la construc- tion du vivre-ensemble passe non seulement par la lutte contre les inégalités et la pauvreté de masse, mais aussi par la définition de nouveaux droits sociaux qui ne soient plus assis sur le tra- vail et le mythe des richesses créées et redistri- buées par la croissance. Les écologistes veulent renforcer les droits de chacun.e à vivre dignement et ouvrir le pacte social à de nouveaux droits. Depuis la dernière élection présidentielle, la société française a continué de se déliter pan après pan. Les fractures qui la traversent sont de tous ordres: sociales, avec la montée des iné- galités et l’inaction des pouvoirs publics face au chômage de masse; territoriales, avec les écarts grandissants entre les métropoles et leur périphé- rie, les espaces ruraux et les petites communes périurbaines; mais aussi générationnelles symbo- liques, culturelles, politiques… Les jeunes, les ou- vriers et employés, les femmes, la main-d’œuvre peu qualifiée dans les petites entreprises du sec- teur privé et les immigré.e.s en sont les premières victimes. Parmi les plus riches, les revenus ont conti- nué de progresser entre 2008 et 2012: 500 euros mensuels de plus pour les 10% les plus aisés. A contrario, parmi les 40% du bas de la hiérarchie sociale, ils ont diminué durant la même période de 300 à 500 euros. Quant à la classe moyenne, elle a vu sa situation stagner. Depuis 2012, les plus pauvres se sont encore appauvris et les plus riches enrichis. Ce décrochage de la «France d’en bas» est lié à un chômage qui touche particu- lièrement les jeunes sans qualification issus des catégories modestes (la moitié des décrocheurs ont un père ouvrier, 5% seulement un père cadre; 54% des enfants en retard en troisième ont des Vers un nouveau pacte social
  • 51. 100 101 Les écologistes proposent: – Une politique publique à part entière dotée d’un budget multiplié par dix et la création d’un ministère de plein exercice avec pour mission de défendre et de faire appliquer les droits acquis et de fixer et faire respecter la politique publique d’égalité. – Un renforcement du Haut Conseil à l’égalité femmes-hommes, avec des moyens humains et financiers en adéquation avec les missions qui lui sont confiées. – Une loi-cadre contre les violences faites aux femmes, à la hauteur de l’enjeu, axée autour de la prévention (campagnes nationales bisannuelles), de la formation obligatoire (des élu.e.s, des services de santé, des éducateur.trice.s et psychologues, de la police et de la justice), de l’accompagnement et de l’écoute des victimes. – La fin de l’impunité (allongement des délais de prescription, juges et tribunaux spécialisés dans les violences faites aux femmes, etc.). – Ni répression ni stigmatisation des prostitué.e.s: suppression de la conditionnalité de l’aide aux prostitué.e.s à l’arrêt de la prostitution, garantie d’un droit au séjour pour les prostitué.e.s migrant.e.s, en particulier celles et ceux qui sont victimes de la traite des êtres humains, arrêt de la pénalisation des prostitué.e.s par les arrêtés municipaux. – Un renforcement des dispositifs de parité en harmonisant l’ensemble par le haut pour limiter les stratégies de contournement qui les accompagnent habituellement; augmentation des pénalités pour les partis politiques ne respectant pas ces règles, jusqu’à un arrêt total des financements publics pour ceux qui ne présenteraient pas 50% de candidates. Enfin, 1. RENFORCER LES DROITS ACTUELS DES PLUS DÉMUNI.E.S ET LUTTER CONTRE TOUTES LES DISCRIMINATIONS Assurer l’accès de tou.te.s aux droits fondamen- taux et aux biens de première nécessité, cela passe par une adresse, une alimentation saine et régulière, l’augmentation du niveau de prise en charge des soins par l’assurance maladie, la gra- tuité d’une première tranche de consommation d’eau et d’électricité, l’augmentation du budget de l’aide juridictionnelle, l’accès à la culture et à un service public de transports, en particulier dans les territoires ruraux ou urbains défavorisés (bus, transports à la demande, covoiturage, taxis col- lectifs…). Nous voulons mettre fin à la misère. I. Vers une société d’égalité entre les femmes et les hommes Dans la vie privée, au travail ou dans la sphère publique, le constat est le même et il est amer: l’inégalité femmes-hommes perdure. Chaque an- née, 216000 femmes sont encore victimes de vio- lences conjugales. Les hommes gagnent 23,5% de plus que leurs homologues féminines, et 84% des maires sont des hommes. Certes, les droits ont progressé et quelques avancées ont émaillé les cinq dernières années, mais les progrès sont lents et d’autres politiques publiques viennent souvent les contrecarrer. Les écologistes ne se résignent pas à penser que la domination masculine, parce que millénaire, serait inéluctable. C’est tout sim- plement une question de priorité dans les choix et de moyens, notamment budgétaires. Vers un nouveau pacte social
  • 52. BIEN VIVRE 102 103 Vers un nouveau pacte social Les écologistes proposent: – d’assurer des emplois de qualité, notamment pour les femmes, afin de sortir les familles de la précarité; – de développer une culture de l’égalité via une politique éducative de lutte contre les stéréotypes; – d’instaurer des congés de parentalité réellement partagés: nous réformerons le congé de maternité au profit d’un congé prénatal et postnatal pour la mère complété d’un congé d’accueil de l’enfant réparti entre chaque parent; le congé parental sera transformé en un crédit temps de trois ans indemnisé à 80%, à utiliser jusqu’à la majorité de l’enfant et réparti à parts égales entre les parents; ces congés devront être comptabilisés dans le calcul des retraites de manière rétroactive; – de rendre le congé paternité obligatoire en fixant une interdiction légale de travail d’une semaine pour les pères, à l’instar de celle prévue pour les mères. II. Faire des jeunes des citoyen.ne.s à part entière Malgré les promesses du candidat Hollande en 2012, la situation sociale et économique des jeunes s’est aggravée. Pire, la confiance en la dé- mocratie et ses représentant.e.s s’est étiolée. Les jeunes Français.e.s seraient à la source de tous les maux – insécurité, paresse et donc affaiblis- sement économique –, assisté.e.s et donc respon- sable d’un gaspillage de l’argent public… Pourtant la jeunesse n’a jamais été aussi éduquée et entre- prenante! Il est temps de changer notre regard. Ultra-connectée, souple, éprise de valeurs et non résignée, la jeunesse française peut être un véri- table moteur du changement social. parce que la parité ne se limite pas à un objectif de 50/50, nous interrogerons la distribution sexuée des responsabilités entre les femmes et les hommes. – Une priorité donnée à la lutte contre la précarité des femmes: une attention particulière sera portée à l’augmentation du Smic, à la lutte contre les temps partiels subis et le recours abusif à ce type de contrats. – Les entreprises seront tenues pour responsables de l’inégalité de salaires entre femmes et hommes. La liste des entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle et, à ce titre, ne bénéficiant pas des marchés publics, sera rendue publique et mise à jour chaque année. Les règles permettant l’accès aux marchés publics seront renforcées et les rapports de situation comparée réhabilités et rendus plus complets. D’autre part, un nombre grandissant d’en- fants vit aujourd’hui dans la pauvreté. Les familles nombreuses et les familles monoparentales sont les plus touchées: le taux de pauvreté est de 22,7% pour les ménages composés d’un couple avec au moins trois enfants et de 32,2% pour les familles monoparentales. Dans les familles mono- parentales, les familles constituées d’une femme seule avec un ou plusieurs enfants sont prépon- dérantes. Ces familles ont d’autant plus de proba- bilités de tomber dans la pauvreté que 80% des salarié.e.s qui vivent avec 750 euros par mois ou moins sont des femmes. Les femmes sont encore surreprésentées dans les emplois précaires: 85% des plus de 4,5 millions d’employés travaillant à temps partiel sont en fait des employées. Les sec- teurs d’emplois considérés comme «féminins» sont souvent dévalorisés et précaires.
  • 53. BIEN VIVRE 104 105 B. Une proposition phare: la représentation réelle des jeunes dans les institutions. Les 16-30 ans représentent 20% de la popu- lation française, ils doivent pouvoir contribuer au débat parlementaire selon la même proportion: les écologistes proposent de sanctionner les partis qui neprésenteraientpasaumoins20%decandidat.e.s de cette classe d’âge à chaque élection. C. Vers l’autonomie: intégration au système général et revenu d’existence La précarité financière atteint des propor- tions alarmantes: le taux de pauvreté est de 21,9% chez les jeunes de moins de 25 ans, et 23% des jeunes actif.ve.s sont au chômage. Quant à celles et ceux qui travaillent, près d’un tiers ont un CDD (contre 8,4% dans la population totale). Les jeunes salarié.e.s sont généralement les plus exposé.e.s aux licenciements et aux aléas de la flexibilité des entreprises. L’accès au logement devient également de plus en plus difficile: on estime qu’il y a au- jourd’hui 240000 jeunes de 18 ans et plus (hors étudiant.e.s) qui n’ont pas les moyens financiers d’accéder à un logement autonome. Non béné- ficiaires des minima sociaux, les jeunes se re- trouvent ainsi sans ressources, et en grand risque de subir la misère et l’exclusion. Les écologistes proposent: – la fin du système spécial pour les jeunes, en termes d’accès au RSA comme aux autres minima sociaux, et notamment les mutuelles étudiantes; – l’instauration d’un revenu d’autonomie: les écologistes proposent de faire des jeunes les A. Citoyen.ne.s d’abord! La France et plus largement les démocra- ties occidentales souffrent d’un accaparement du pouvoir de représentation et peinent à faire de la place aux générations nées après les Trente Glorieuses. Le constat est frappant: 70% des jeunes ne font plus confiance aux médias, 70% des jeunes Européen.ne.s s’abstiennent aux élections, nombre d’entre eux préfèrent voter pour un.e candidat.e «hors système» que pour les candidat.e.s issu.e.s des partis politiques traditionnels. Les écologistes proposent: – le droit de vote dès 16 ans; – la fin du cumul des mandats dans la vie politique, mais également dans la sphère économique et sociale; – la mise en place de dispositifs facilitant la place des jeunes dans les instances représentatives de la société civile; – la généralisation des dispositifs de démocratie participative, basés notamment sur le numérique, au sein des établissements scolaires (de la primaire au lycée) et des budgets participatifs d’établissements; – le soutien accru aux structures d’éducation populaire; – l’instauration d’un droit de saisine parlementaire pour les organisations représentatives de la jeunesse, voire d’un droit de proposition législative; – un accroissement des démarches d’éducation au numérique tout au long du cursus scolaire et à travers l’éducation populaire. Vers un nouveau pacte social
  • 54. BIEN VIVRE 106 107 – D’investir dans la création d’entreprises par des jeunes et de les accompagner, notamment lorsque le projet relève des économies solidaires, coopératives et collaboratives. – La lutte contre l’emploi précaire chez les jeunes doit être une priorité. Il faut donc soutenir les initiatives favorisant l’emploi de jeunes actif.ve.s en CDI, tels les emplois tremplins. Par contre, les stages post-formation doivent être strictement encadrés, en abaissant le plafond de 10% du nombre de stagiaires par entreprise ou par administration. Il est également nécessaire de renforcer le suivi des stages, tant par le tuteur entreprise que par le tuteur université, pour assurer leur apport pédagogique. – En attendant la mise en œuvre du revenu d’existence, il faut augmenter l’indemnité minimum des stages et renforcer la formation des tuteurs en entreprise. – Les périodes de stage et d’insertion professionnelle s’allongeant, il faut prendre en compte les périodes de formation initiale et de stages dans le calcul de la retraite. – Les aides financières pour le logement des stagiaires, le service civique et les précaires doivent être majorées. – Un enseignement du droit social doit être délivré dès le lycée, toutes catégories confondues, afin de mieux préparer chaque jeune à entrer sur le marché du travail en pleine connaissance de ses droits. – L’apprentissage doit être renforcé et sécurisé. Il faudra le déployer dans tous les domaines et à destination de tou.te.s. premiers bénéficiaires de l’instauration d’un revenu universel. Cette avancée doit être accompagnée des mesures permettant à tous les jeunes de disposer de l’ensemble des outils d’autonomie: accès au logement, accès aux soins et lutte contre le travail précaire. D. Mettre fin au chômage des jeunes: un pari d’avenir Le principal frein à l’emploi des jeunes reste le verrouillage du système: des difficultés de re- prise des terres pour les jeunes agriculteur.trice.s au taux de chômage dans le monde du travail, sans réelles perspectives, en passant par le manque de reconnaissance des compétences acquises. Les écologistes proposent: – De soutenir l’engagement associatif et d’ouvrir/ simplifier la validation des acquis de l’expérience (VAE) aux activités associatives, afin que soient reconnues les compétences développées dans ce cadre. – De favoriser et de mieux reconnaître le service civique. L’ouvrir à toutes et à tous sans limite d’âge constituera un outil de valorisation de ce service civique. Plutôt que de le rendre obligatoire, nous devons nous donner les moyens d’accueillir l’ensemble des volontaires actuels. Le service civique ne peut en aucun cas constituer un emploi déguisé! Tout comme les stages, les services civiques doivent être mieux encadrés et contrôlés. – D’améliorer la reconnaissance des acquis de l’expérience hors système scolaire et de changer de regard: en normalisant, généralisant, accompagnant et sécurisant les années de césure, et en passant des accords avec des structures d’accueil. Vers un nouveau pacte social
  • 55. BIEN VIVRE 108 109 par an pour les 16-25 ans et le renforcement de la médecine universitaire grâce à la création de maisons de santé étudiantes, avec un système de tiers payant systématique. Parce que près de 30% des jeunes renoncent à des soins pour des raisons financières, nous souhaitons également simplifier l’accès à la CMU complémentaire et à l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS). Les écologistes proposent également: – de créer un «pass contraception» pour tous les jeunes; – d’encourager les municipalités à développer des actions de sensibilisation sur la santé dans les temps périscolaires; – de créer un appel à projets écocitoyens (en milieu scolaire, dans les associations de quartier, les missions locales, etc.) et de contribuer au «basculement culturel» par une politique volontariste d’éducation à l’environnement et au développement durable, comme le fait l’association Génération cobayes; – d’expérimenter une démarche participative de gestion de la qualité de l’air intérieur dans les lycées, avec des réunions d’information à destination des professionnels de santé, la création de supports de communication (dépliants, vidéos…) et la diffusion d’informations sur les perturbateurs endocriniens; – d’encourager tous les projets d’éducation des jeunes à la santé – y compris sexuelle et reproductive; – de soutenir la création de centres de prévention jeunesse (d’accès gratuit et à l’anonymat préservé), pour favoriser l’écoute sur les questions E. Accès aux droits: un logement, la mobilité et la santé pour tou.te.s! Nous devons investir massivement dans les résidences étudiantes en réhabilitant les 70000 places existantes et en construisant 50000 nou- velles chambres. Nous devons également facili- ter l’accès au logement pérenne en construisant 12000 logements sociaux neufs par an pour les jeunes et développer les aides à l’installation. Enfin, il est nécessaire de soutenir l’offre dévelop- pée par les foyers de jeunes travailleur.se.s. Cette offre doit notamment être mobilisée en direction des personnes sortant de l’aide sociale à l’enfance ou en rupture familiale, qui ne bénéficient pas des moyens financiers ou du soutien familial néces- saires. Enfin, l’encadrement des loyers doit être étendu. Trop de jeunes sont encore contraint.e.s par les difficultés d’accès à la mobilité: outre le néces- saire développement des transports en commun, nous mettrons en place un «pass jeunes» pour les transports et une aide budgétaire à l’achat d’un vélo ou autres moyens de déplacement peu consommateurs d’énergie fossile. De même, nous devons faciliter l’accès aux soins. Du fait de la multiplication des maladies longues, comme les cancers, et des diverses pol- lutions, la courbe d’espérance de vie se renverse. Or, dans le même temps, l’accès aux soins est de plus en plus difficile. Le baromètre de la jeunesse montre d’ailleurs que la priorité absolue d’inter- vention pour les jeunes est un meilleur rembour- sement des soins et une meilleure répartition des médecins sur le territoire. Nous proposons donc la création d’un «chèque santé» de 200 euros Vers un nouveau pacte social
  • 56. BIEN VIVRE 110 111 Les écologistes proposent: – de favoriser l’activité bénévole et les lieux d’échanges intergénérationnels par la création d’agences intercommunales pour le travail bénévole et l’incitation fiscale au moyen de réductions d’impôts; le soutien aux clubs de seniors, aux universités et aux lieux de formation dits du troisième âge; l’encouragement à la mixité des générations dans la construction des logements neufs; – de sécuriser les revenus et l’accès aux soins des plus fragiles par l’augmentation du minimum vieillesse selon les mêmes critères que les autres revenus sociaux, et de revaloriser les retraites à partir des salaires et non de l’indice des prix; – d’instaurer la garantie d’une visite médicale annuelle gratuite à toutes les personnes de plus de 65 ans et la suppression des franchises médicales; – de permettre un choix réellement ouvert quant au mode d’hébergement, par la création de logements adaptés, l’hébergement en structure collective ou autogérée ou le maintien à domicile; – d’augmenter le nombre de places en Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) public, de sorte qu’il soit au moins égal au nombre de places dans le secteur privé, avec une adaptation des équipements; – d’offrir aux travailleur.se.s immigré.e.s âgé.e.s et à leurs conjoint.e.s un dispositif spécifique d’hébergement, d’écoute, d’amélioration et de suivi des droits à la pension; – de soutenir et d’améliorer les emplois de service; la puissance publique doit contrôler le développement de ce secteur pour améliorer les conditions d’emploi et la qualité du service en liées à la sexualité, aux drogues, au mal-être et à la violence; – d’intégrer dans les enseignements, dès l’école maternelle et primaire, les connaissances et les comportements de prévention des risques pour l’être humain et son environnement, grâce à des «préventeurs» agréés pour intervenir en milieu scolaire, à l’instar des intervenants en musique; – d’intégrer dans les projets pédagogiques l’axe prévention-santé-environnement; – de réactiver dans les collèges et les lycées les commissions d’éducation à la santé et à la citoyenneté, animées par un «préventeur» santé-sécurité-environnement. III. Ouvrir des choix à nos aîné.e.s Aujourd’hui, près d’un quart de la population française a plus de 60 ans, et l’espérance de vie augmente régulièrement. La situation des per- sonnes âgées est marquée par de fortes dispari- tés sociales, qui placent les unes dans l’opulence extrême et les autres dans une grande pauvreté, aggravée par la stagnation et la réforme des pensions. Les aîné.e.s ne sont pas, comme l’instillent certains discours, une charge pour la société, mais un maillon important de la transmission de l’expérience collective et de la cohésion sociale. Ils et elles méritent mieux que le paternalisme et le clientélisme des petits cadeaux de certaines municipalités, qui entretiennent leur séparation d’avec la société et leur solitude. Vers un nouveau pacte social
  • 57. BIEN VIVRE 112 113 précédente à la baisse. Cette hausse de la pau- vreté, plus modérée qu’ailleurs en Europe, touche surtout les ménages actifs, notamment les ou- vriers, les familles monoparentales et les familles nombreuses.» Nous savons qu’il faut agir sur différents le- viers. Les causes de la pauvreté et des inégalités sont nombreuses et se cumulent: état de santé, logement, isolement social, emploi et formation doivent être traités ensemble. L’accès de tou.te.s aux droits fondamentaux et aux biens de première nécessité doit être assuré: donner à chacun.e la possibilité de posséder une adresse et de se nour- rir sainement et régulièrement, assurer l’accès aux soins, augmenter le niveau de prise en charge par l’assurance maladie, supprimer les franchises, assurer la gratuité d’une première tranche de consommation énergétique répondant aux be- soins essentiels (boire, se laver, se chauffer, cui- siner), avec une augmentation graduée des tarifs pour les consommations supérieures à ce seuil, augmenter le budget de l’aide juridictionnelle, assurer à chacun.e l’accès à un service public de transport. Les écologistes proposent: – de porter le Smic à 1800 euros bruts dans la législature avec une augmentation immédiate de 10%, soit 150 euros brut; – de revaloriser les minima sociaux de 50% durant la mandature; – de développer l’offre de logement très social et de faire baisser les loyers du parc social; – de poursuivre l’expérimentation de l’encadrement des loyers et de réguler les loyers du parc privé; visant trois objectifs: limiter la place du gré à gré et favoriser l’économie sociale et solidaire, poursuivre la professionnalisation, simplifier et assouplir les outils de paiement et de gestion; – de financer la perte d’autonomie et la prise en charge de la dépendance: outre les recettes fiscales ordinaires, les retraité.e.s les plus prospères doivent être mis à contribution par une taxation des patrimoines les plus élevés (hors habitation principale), par l’alignement de leur CSG sur celle des actifs avec un taux progressif, et par la suppression de l’abattement de 10% des frais professionnels pour le versement de l’impôt; – de rendre possible une formation en alternance pour les aidants informels à la personne en perte d’autonomie, entrant dans le cursus de la formation aide-soignant.e sous forme de spécialité; – d’organiser les soins palliatifs et le choix de mourir dans la dignité au moment et à l’endroit où la personne le souhaite; cela implique l’installation dans chaque département d’une unité de soins palliatifs assurant aussi la logistique des réseaux à domicile et dans les résidences de personnes âgées. IV. Lutter contre la pauvreté et la précarité: une urgence! Selon l’Insee: «En 2013, le seuil de pauvreté, qui correspond à 60% du niveau de vie médian de la population, s’établit à 1000 euros mensuels. La pauvreté concerne 8,6 millions de personnes, soit 14% de la population. Cette proportion di- minue légèrement en 2012 et 2013 (- 0,4 puis - 0,3 point), mais, sur cinq ans, la pauvreté a aug- menté de 0,7 point, en rupture avec sa tendance Vers un nouveau pacte social
  • 58. BIEN VIVRE 114 115 l’avancée en âge, la situation de handicap entrave la vie de millions de personnes, souvent laissées pour compte par les politiques publiques prônant la performance. Les réponses apportées sont in- suffisantes, et la loi du 11 février 2005, qui se vou- lait fondamentale pour la politique du handicap, reste peu connue et mal appliquée. Politique de compassion et de mise en scène: les écologistes disent stop! Les multiples rapports et les lois mal appliquées laissent un goût amer aux personnes en situation de handicap. Une politique écologiste du handicap est fon- dée sur les principes de solidarité nationale, d’ac- cessibilité et d’autonomie pour tou.te.s, de lutte contre les discriminations liées au handicap, de promotion et d’application des droits. La politique écologiste du handicap est une politique «d’irri- gation» de toutes les composantes publiques. Elle s’oppose à la distinction et au stéréotype et se comprend comme une politique inclusive. Elle s’inscrit dans un contexte international par l’enga- gement d’appliquer la Convention internationale des droits des personnes handicapées, et par son évaluation publique annuelle. Notre société doit ainsi garantir aux per- sonnes en situation de handicap les conditions de l’exercice plein et entier de la citoyenneté. L’administration publique sera paramétrée pour répondre à cet impératif politique. Lapolitiqueécologisteduhandicapestunepo- litique participative, où le Conseil national consul- tatif des personnes handicapées (CNCPH) et ses instances régionales auront un pouvoir reconnu de décision, de mise en œuvre et d’évaluation. – concentrer la garantie des loyers sur les jeunes et les plus précaires, et de réfléchir à son extension aux chômeur.se.s de longue durée; – de renforcer la prévention des expulsions locatives; – de limiter le recours aux nuitées hôtelières et de développer des solutions alternatives; – de favoriser la scolarisation précoce des enfants de familles modestes, en particulier dans les territoires d’éducation prioritaire; – de créer un service public de la petite enfance et 400000 places d’accueil: chaque enfant doit pouvoir être accueilli dans une structure (petite enfance, périscolaire, extrascolaire) du choix des parents, même si ceux-ci sont sans emploi; – d’augmenter le nombre de crèches: crèches d’entreprise, d’université, associatives et coopératives, en horaires décalés; afin de freiner les stéréotypes de genre, le personnel sera davantage paritaire, grâce à des mesures incitant les jeunes hommes à s’orienter vers les métiers de la petite enfance, les approches pédagogiques non-violentes et émancipatrices devront y être appliquées; – de soutenir davantage les structures de l’économie sociale et solidaire ayant trait à l’aide à la parentalité; – concernant les personnes les plus éloignées de l’emploi, de renforcer les moyens de Pôle emploi afin de proposer un accompagnement personnalisé aux bénéficiaires du RSA, et de soutenir le secteur de l’insertion par l’activité économique. V. Pour une politique du handicap inclusive Qu’elle soit d’origine mentale, psychique, sensorielle, cognitive, physique, plurielle ou due à Vers un nouveau pacte social
  • 59. BIEN VIVRE 116 117 formation liée à la vie sexuelle des personnes en situation de handicap dans leur cursus initial. VI. Un logement pour chacun.e Il manque aujourd’hui plus de 900000 loge- ments en France. 3,8 millions de personnes sont mal logées ou sans logis, dont 600000 enfants. L’habitat est devenu un facteur majeur de précari- sation, du fait de la hausse incontrôlée des prix et du renchérissement du coût de l’énergie. La logique du «tous propriétaires» est un leurre qui endette les ménages, creuse les inégali- tés et aggrave l’étalement urbain. Les écologistes prônent un habitat choisi, où chacun.e, selon ses aspirations et son parcours, puisse devenir pro- priétaire ou locataire. Face à l’urgence, nous revendiquons l’accueil inconditionnel dans les structures d’héberge- ment, en maintenant les capacités d’accueil tout au long de l’année. La suppression des places d’hébergement ne doit se faire qu’au rythme de l’extinction de la demande. Nous ne laisserons personne à la rue. Nous interdirons les expulsions sans relogement. Nous développerons «l’intermé- diation locative» à grande échelle, c’est-à-dire au prix du marché si nécessaire, aboutissant impé- rativement à la mise en œuvre d’une solution de logement durable (sans remise à la rue). Nous lo- gerons les plus de 59000 personnes prioritaires au Dalo (Droit au logement opposable), par la construction de logements très sociaux et la cap- tation de logements dans le parc privé. Nous éradiquerons l’habitat indigne et mo- biliserons le parc vacant en faisant adopter à Les écologistes proposent: – De manière globale, nous assurerons plus de cohérence dans les politiques liées au handicap, notamment avec la création d’un ministère du Handicap et de l’Autonomie. – Une agence nationale de la citoyenneté et de l’autonomie sera créée. Elle fusionnera l’ensemble des agences nationales et des observatoires du secteur social et médico-social. – Nous créerons une organisation régionale au service des établissements et une organisation départementale au service des personnes. Il importe de faire évoluer les agences régionales de santé (ARS) en agences régionales de la santé et de la cohésion sociale, pour une prise en compte explicite de l’accompagnement social des personnes en situation de handicap, en transférant les compétences de gestion des départements vers les nouvelles agences régionales. – Il nous faut penser l’accessibilité universelle, l’accessibilité pour tou.te.s, et pas seulement pour les personnes en situation de handicap: garantir l’accessibilité de tous les services publics, généraliser les traductions en Falc (français facile à lire et à comprendre) ainsi que les repères visuels et sensoriels, créer l’Agence nationale de l’accessibilité universelle (Anau). – La vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap ne peut être niée ou volontairement passée sous silence, comme c’est le cas actuellement. Les écologistes proposeront un débat, puis une loi, pour encadrer l’activité d’accompagnement sexuel. – Les personnels soignants, médecins, infirmier.ère.s, aide-soignant.e.s, notamment, recevront une Vers un nouveau pacte social
  • 60. BIEN VIVRE 118 119 VII. Éduquer, un outil fondamental de la transition écologique «Personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent ensemble par l’intermédiaire du monde.» Paulo Freire La transition écologique doit être aussi une transition éducative pour vivre ensemble en har- monie avec les autres êtres vivants et en équilibre avec les richesses de cette planète. Construit sur la séparation entre savoirs académiques et pratiques professionnelles, le système scolaire est inadapté aux besoins des élèves et des familles ainsi qu’aux enjeux de notre temps, et l’école de la République, élitiste, creuse les inégalités. Les dispositifs se suc- cèdent pour remédier au décrochage et à l’échec scolaire, sans succès. Alors que l’école devrait sou- der notre nation, elle contribue à exclure et ne pré- pare pas aux défis planétaires du XXIe siècle. La société actuelle incite à produire et à consommer toujours plus, contribuant ainsi à une indifférence croissante à l’autre, à la nature et au monde. «Produire, consommer, jeter» n’est pas notre devise! Au moment où nous vivons la sixième grande extinction des espèces, l’avenir nécessite une prise de conscience qui commence par l’éducation. Nous avons besoin d’une éduca- tion pour et par la liberté, l’égalité et la fraternité, et l’indispensable préservation de la biodiversité naturelle et culturelle doit en faire partie. Nous voulons une éducation qui répare les inégalités. Nous voulons une école ouverte et inclusive. Nous voulons que, tout au long de la vie, chacun.e puisse donner le meilleur de soi-même selon ses aspirations. l’échelle communale un plan d’éradication de l’habitat indigne et en renforçant les crédits de l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Nous appli- querons systématiquement la loi de réquisition. Face à la pénurie, nous construirons 500000 lo- gements par an, dont 160000 logements sociaux. La priorité sera donnée aux logements les plus sociaux, avec la construction d’au moins 30000 PLAI (prêts locatifs aidés d’intégration) familiaux et en limitant les agréments PLS (prêt locatif so- cial) à 10%. Nous renforcerons la transparence et l’égalité des demandes de logement via des dos- siers anonymes et la généralisation des systèmes de cotation des dossiers. Nous développerons le modèle londonien du «scoring», basé sur le clas- sement automatisé des demandes. Dans les zones tendues, nous étendrons, l’encadrement des loyers en suivant l’exemple de Paris. Nous sécuriserons la location par l’ins- tauration d’une véritable garantie des risques locatifs généralisée, et non réservée aux plus aisés. Nous renforcerons la loi SRU (solidarité et renouvellement urbains) en passant l’obliga- tion de construction à 25% de logements so- ciaux (30% en Île-de-France) et en augmentant les sanctions financières pour les communes récalcitrantes. Nous enrayerons la spéculation immobilière. Nous préviendrons les situations de surendettement et les pièges du crédit facile. Nous limiterons la durée des crédits immobiliers à vingt-cinq ans et renforcerons les règles de prudence bancaire. Vers un nouveau pacte social
  • 61. BIEN VIVRE 120 121 B. Faire confiance aux acteurs de l’éducation, donner de l’autonomie aux établissements – Des rythmes scolaires adaptés aux besoins des élèves, moins d’élèves par professeur.e: pos- sibilité donnée aux établissements de moduler les horaires en fonction de leurs choix et de leurs pro- jets pédagogiques. – Créer un statut unique d’enseignant.e du primaire et du secondaire: cela implique une éga- lité de traitement et de service à tous les niveaux d’enseignement. – Réformer le système d’évaluation par la généralisation de l’évaluation positive; remplacer le brevet des collèges et le baccalauréat par des certifications raisonnablement exigeantes et da- vantage fondées sur les compétences. – Créer une base nationale de ressources pédagogiques libres de droits pour que les équipes puissent élaborer un projet d’établisse- ment adapté aux besoins de leurs élèves, pour que chacun.e puisse avoir accès à un ensei- gnement gratuit et certifié quand il ou elle le souhaite. C. Accompagner les parents dès la naissance de leur enfant – Créer un congé de parentalité paritaire couvrant la première année de l’enfant, ouvrir 400000 places en crèche publique, organi- ser une participation des parents (par exemple cinq demi-journées annuelles) à l’animation des crèches publiques. – Proposer des ateliers d’accompagnement à la parentalité à tous les parents et à chaque étape de la vie de leur enfant. A. Une éducation pour tou.te.s, avec tou.te.s – Contrer les inégalités en créant une do- tation progressive des établissements: sur le modèle de la loi SRU, la dotation consolidée des établissements sera progressive. Tous les établis- sements, publics et privés, auront comme objectif d’atteindre une mixité réelle et seront évalués et financés selon ce critère. – Faire de la carte scolaire un outil de mixité sociale en la transposant à l’échelle des bassins de vie. Elle sera réévaluée tous les cinq ans par une instance indépendante composée à parité de représentant.e.s des familles, de l’Éducation na- tionale et d’élu.e.s locaux. – Affecter des moyens humains supplémen- taires à la lutte contre le décrochage scolaire et réduire le nombre d’élèves par classe dans les établissements en difficulté. – Promouvoir une véritable démocratie sco- laire grâce à des conseils dotés de véritables pou- voirs, à la pratique régulière du débat dans les établissements et à la mise en place de budgets participatifs gérés par les élèves. Encourager la coopération en apprenant dès le plus jeune âge à résoudre les désaccords et les conflits par la non-violence. – Affirmer le caractère inclusif de l’école, ac- cueillir dignement les enfants à besoins particu- liers (situation de handicap, précocité, etc.), grâce à une formation spécifique des professeurs et à la professionnalisation du métier d’auxiliaire de vie scolaire. Vers un nouveau pacte social
  • 62. BIEN VIVRE 122 123 – Encourager tous les projets d’éducation des jeunes à la prévention santé et environnement. – Réactiver dans les collèges et les lycées les commissions d’éducation à la santé et à la citoyenneté. – Taxer à 1% les dépenses publicitaires des médias à destination des jeunes publics pour fi- nancer des initiatives d’enfants et de jeunes dans les territoires. – Donner à chaque jeune, quelle que soit sa situation, la possibilité de passer six mois dans un autre pays européen au cours de sa scolarité. – Instaurer un service civique universel: que chaque citoyen.ne puisse consacrer une semaine par an ou une année à un engagement indemnisé en faveur de la collectivité dans le domaine de son choix. – Créer des «maisons des savoirs et de la formation populaire» ouvertes à tous les âges, en s’appuyant sur les missions locales, les écoles de la seconde chance et l’Éducation nationale. – Éduquer sur le droit à une sexualité libre, consentie et épanouissante. VIII. Pour un véritable service public de l’enseignement supérieur Malgré une avalanche de réformes, les fai- blesses historiques de l’enseignement supérieur français perdurent, quand elles ne se sont pas ac- crues: clivage entre écoles et universités, manque global de moyens et fortes inégalités entre filières et disciplines, orientation par défaut vers l’univer- sité, qui aboutit trop souvent à l’échec. La loi du 22 juillet 2013 n’a pas répondu aux vrais enjeux de – Promouvoir l’ouverture de l’école pu- blique aux parents en leur permettant de par- ticiper régulièrement aux tâches et aux projets scolaires. D. Éduquer autrement et tout au long de la vie – Populariser l’accès à la pratique artistique en offrant à chaque jeune une année de pratique artistique gratuite dans un conservatoire, une école d’art ou une association. – Créer des associations de pratique artis- tique dans les collèges et les lycées, encadrées par des professeur.e.s et des professionnel.le.s sur le modèle du fonctionnement des associations sportives encadrées par les professeur.e.s d’EPS. – Créer un dispositif interministériel (Culture et Éducation nationale) pour soutenir et favoriser dans les établissements scolaires l’intervention d’artistes, la résidence d’écrivains et d’artistes du spectacle vivant, des arts plastiques et de l’audio- visuel, et la tenue d’événements culturels (spec- tacle, exposition…) sur temps scolaire, accessibles à tou.te.s hors temps scolaire. – Développer des contenus pédagogiques numériques gratuits, conçus si possible avec des élèves, grâce à des partenariats entre l’Éducation nationale et les acteur.trice.s de la culture. – Généraliser le bio, proposer des produits lo- caux de saison toute l’année, et servir au moins un repas végétarien hebdomadaire dans la restaura- tion collective (crèches, cantines scolaires, etc.). – Enseigner l’économie domestique (gestion de la maison, cuisine), l’agriculture, la menuise- rie, etc., dans un souci d’économie de l’énergie et des ressources. Vers un nouveau pacte social
  • 63. BIEN VIVRE 124 125 – de reconnaître et d’encourager les multiples formes d’engagement dans la vie citoyenne des étudiant.e.s; – d’améliorer le financement des thèses pour obtenir à terme qu’elles soient toutes financées, avec un système souple de trois années équivalent temps plein, de créer un statut pour les doctorant.e.s incluant la charte des thèses et la possibilité de monitorat, et de reconnaître le titre de docteur.e dans les grilles de la fonction publique et dans les conventions collectives. B. Donner une véritable ambition à l’orientation et à la formation Le système de formation supérieure français reste appuyé sur une logique de hiérarchie entre les filières et de sélection par l’échec. Le défi est d’accompagner chacun.e dans la construction de son projet, en permettant à tous les jeunes de trouver une formation qui leur corresponde. Pour cela, les écologistes proposent: – d’inclure la formation pédagogique dans le service des enseignant.e.s du supérieur; – d’instituer des dispositifs d’évaluation qualitative des enseignements; – d’accélérer le rapprochement entre les grandes écoles et les universités au sein de pôles territoriaux et de développer le recrutement sur dossier anonyme dans les écoles; – de substituer progressivement aux classes préparatoires des parcours renforcés de licence; – d’améliorer l’accueil des étudiant.e.s étranger.ère.s ou réfugié.e.s et de renforcer les échanges avec les universités étrangères. l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR): au contraire, elle a contribué à amplifier la polari- sation des moyens vers les pôles de prestige, via la poursuite du «plan Campus», l’autonomie des universités et leur mise en concurrence (à travers les appels à projets devenus systématiques et les critères internationaux quantitatifs de publication et d’évaluation des labos) et les pôles d’excellence, qui accroissent la compétition et alourdissent les charges administratives des équipes de recherche, sans moyens supplémentaires. Les écologistes réaffirment que la possibilité pour chacun.e de se former au meilleur niveau, le développementdel’espritcritiqueetladiffusiondes connaissances et des savoir-faire les plus récents sont indispensables à un développement soute- nable. Cela implique de faire de l’investissement dans l’intelligence collective une vraie priorité. A. Autonomiser les étudiant.e.s pour les rendre acteur.trice.s de leur parcours La paupérisation des jeunes est une réalité qui conduit pour la première fois au recul du taux de poursuite d’études après le bac. Il faut à la fois assurer aux étudiant.e.s des conditions de vie et d’études correctes et faciliter les parcours non linéaires (année de césure, validation des acquis, reprise d’études). Les écologistes proposent: – de mettre en place, en attendant la mise en œuvre du revenu universel, une allocation de formation sous la forme de seize semestres de revenu, utilisable tout au long de la vie, en formation initiale ou continue; Vers un nouveau pacte social
  • 64. BIEN VIVRE 126 127 procédures d’évaluation depuis dix ans a fait perdre beaucoup de temps et d’énergie. D. Rendre à la recherche les moyens de son indépendance Une loi de programmation budgétaire est indispensable. Elle s’articulera autour d’une aug- mentation d’un milliard d’euros par an, financée par le plafonnement progressif du crédit impôt re- cherche (CIR). Nous avons pour objectif qu’1% du PIB soit consacré à la recherche publique civile à l’issue de la mandature (contre 0,8% aujourd’hui). Les écologistes proposent: – de rééquilibrer les financements au profit des crédits de base, notamment par la réintégration des crédits extrabudgétaires, comme les investissements d’avenir, et de préciser les missions de l’Agence nationale de la recherche (ANR) en ciblant mieux ses appels, de manière à élever le taux de succès; – d’encadrer les recours aux CDD et aux heures complémentaires, notamment pour les chargé.e.s de cours, en supprimant l’obligation de réaliser 960 heures de travail, afin de lutter contre les abus et de favoriser l’emploi pérenne, de revaloriser les contrats à durée déterminée en fonction de l’expérience des chercheurs; – de cibler le financement de l’innovation vers les PME, seul moyen de progresser concrètement vers l’objectif de 3% du PIB pour la recherche et le développement; – de développer une coopération juste et équilibrée avec les pays du Sud, en y soutenant la recherche par des moyens financiers et logistiques. C. Un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, des régions à l’Europe L’enseignement supérieur est une mission à part entière de la collectivité: il doit donc dispo- ser des moyens nécessaires à l’exécution de ses missions, et peut en retour être appelé à jouer un rôle clé dans la transition écologique et la structu- ration des territoires. Les écologistes proposent: – de donner à un ministère de l’ESR de plein exercice la tutelle de l’ensemble des formations post-bac, en lien étroit avec les régions; – de faire de l’immobilier universitaire un levier de la transition écologique par le développement d’éco-campus: plan général de rénovation du bâti universitaire, amélioration de l’offre de transports en commun, 70000 rénovations et 50000 nouvelles chambres éco-conçues, alimentation bio et équitable, centres de santé, crèches, etc.; – de développer l’emploi scientifique et de résorber progressivement la précarité en créant chaque année 5000 postes statutaires. D’autre part, la transition écologique suppose de faire le pari de l’intelligence collective. Cela passe non seulement par une recherche publique indépen- dantedesintérêtséconomiques,maiségalementpar un lien renforcé avec la société, qui est aujourd’hui capable de créer ou de co-créer de la connaissance dans de nombreux domaines. Cela suppose de re- trouver un juste équilibre entre confiance et contrôle des laboratoires, afin de remettre ceux-ci en situa- tion de coopération plutôt que de concurrence. La multiplication des guichets de financement et des Vers un nouveau pacte social
  • 65. BIEN VIVRE 128 129 Les écologistes proposent: – de développer les recherches fondées sur une collaboration entre les laboratoires de recherche publics et les organisations de la société civile; – de développer l’accès libre aux biens publics par la numérisation du patrimoine et la mise en place d’exceptions aux droits de propriété intellectuelle tenant compte de l’intérêt général; d’imposer l’open access et de renforcer l’open science, qui permettent d’accélérer la recherche, d’augmenter la transparence, de décloisonner les secteurs (public, privé et citoyen) et les filières, et de soutenir tous les types de recherche, notamment en sciences humaines. IX. Les droits culturels: un autre modèle de société, d’autres pratiques Les «droits culturels» sont au cœur de notre conception d’une politique culturelle durable et so- lidaire, facteur de liberté, d’égalité et de fraternité entre les personnes et les peuples. Ils se déclinent danstouteslespolitiquespubliquescommeprincipe d’émancipation, d’épanouissement des personnes, d’accès aux savoirs et d’exercice de la démocratie. Ainsi, chacune des politiques publiques devra inté- grer la dimension culturelle dans sa mise en œuvre, entendue au sens anthropologique des échanges symboliques, de la circulation d’objets et de pra- tiques interculturelles, qui font le ciment de toute société, favorisent l’interconnaissance et la com- mune humanité. Qu’il s’agisse de l’art dans l’espace public et l’aménagement du territoire, de l’éduca- tion, de la santé et du «prendre soin», de l’habitat, de l’environnement, des sciences et techniques, de E. Des orientations prises dans la transparence L’indépendance de la recherche publique doit être garantie. Si certains axes méritent d’être particulièrement soutenus, la décision doit faire l’ob- jetd’unlargedébatassociantl’ensemble de lasociété. Les écologistes proposent: – de mettre en place un office national indépendant chargé de mettre en débat public les grands choix en matière scientifique; – d’élaborer davantage de «projets blancs» dans le cadre de l’ANR, c’est-à-dire non fléchés sur des thématiques imposées, pour permettre l’émergence de sujets de recherche indépendants des lobbys ou des orientations ministérielles; – de réviser les processus d’évaluation pour que celle-ci soit strictement qualitative et automatiquement déléguée aux instances majoritairement élues; – de garantir une expertise publique autonome et contradictoire en créant une Haute Autorité de l’alerte et de l’expertise, et de mettre en place un statut véritablement protecteur des lanceur.se.s d’alerte. F. Ouvrir la recherche à la société Face au défi de la transition écologique, il faut mettre en place une véritable démocratie scientifique. Les pratiques d’«open science» et la participation citoyenne bénéficient autant aux chercheur.se.s qu’à la société; elles doivent être encouragées et développées partout où elles font sens. Vers un nouveau pacte social
  • 66. BIEN VIVRE 130 131 les plus défavorisées en raison de leur situation sociale ou de leur appartenance à une minorité; – de promouvoir la diversité culturelle et la participation de tou.te.s à la vie culturelle; – de co-élaborer des plans locaux d’éducation artistique et culturelle, aux différentes échelles territoriales, avec la communauté éducative et les acteurs culturels et sociaux; – de redéployer les financements publics pour atteindre les objectifs d’une politique culturelle ambitieuse: trouver de nouveaux équilibres entre les outils existants et de nouveaux dispositifs plus équitables, entre des acteurs reconnus et d’autres émergents, entre institutions, acteurs associatifs et «tiers-secteur», entre zones urbaines et zones rurales; – de réaffirmer et de faire appliquer les objectifs du 1% culture du budget de l’État et du 1% artistique dans les constructions publiques; – de créer un fonds de développement du tiers- secteur culturel (ESS) et de mettre à disposition des moyens mutualisés pour permettre aux artistes et aux artisans d’art d’accéder à des locaux ou terrains vacants et à des services partagés; – de soutenir le développement de «tiers- lieux» pour favoriser les périodes de recherche et d’expérimentation des artistes et stimuler le dialogue avec la population; – de consolider et de développer l’offre légale sur Internet, de supprimer les lois DAVDSI et Hadopi, qui criminalisent les utilisateur.trice.s, et co- élaborer de nouveaux dispositifs afin d’assurer le financement de la production artistique numérique; – de libérer les données publiques open data en formats accessibles aux citoyen.ne.s afin de l’artisanat, de l’économie, du social ou encore de la coopération internationale, les «droits culturels» doivent être visibles et défendus. Aujourd’hui, la non-reconnaissance de cer- taines expressions culturelles par les institutions publiques, la marchandisation des biens et des services culturels au détriment de l’équilibre entre service public et marché privé, l’ingérence des pouvoirs politiques dans la programmation artis- tique, ou le renoncement à leur responsabilité en matière culturelle, ainsi que le fondamentalisme religieux menacent la vie culturelle et artistique ainsi que son rôle essentiel dans la cohésion so- ciale et le «faire société». Nous, écologistes, souhaitons au contraire accorder à la culture un rôle primordial dans la construction durable du «bien-vivre ensemble». Les lieux culturels doivent s’appréhender comme des espaces de liberté de création, de partage et de transmission, de débat et de reconnaissance des personnes et de leurs expressions, acces- sibles par tou.te.s. À l’heure des replis identitaires, de l’intolé- rance et de la peur de l’autre, les écologistes sou- haitent faire de la culture une source de cohésion sociale, d’expression de la diversité et de la créati- vité, d’expérience de l’altérité, de partage des biens communs, de convivialité, de désir et de plaisir. Les écologistes proposent: – d’instaurer une gouvernance partagée des politiques culturelles: l’inscription des «droits culturels» dans la loi confère aux pouvoirs publics l’obligation de développer des modes de concertation et de participation, en particulier pour les personnes Vers un nouveau pacte social
  • 67. BIEN VIVRE 132 133 Les écologistes proposent: – d’assurer l’indépendance financière et stratégique des grandes entreprises de l’audiovisuel public, qui ont un rôle central à jouer dans le numérique, notamment pour une information indépendante et vérifiée; – de garantir que la nomination des dirigeant.e.s de ces entreprises ne relèvera pas d’un arbitraire politique mais se fera en concertation avec les professionnels et les usagers, et de repenser la composition de leurs conseils d’administration, pour que les représentant.e.s de l’État y soient minoritaires et ceux des professionnels et des usagers majoritaires; – de supprimer la publicité sur France Télévisions; – de renforcer et de redéfinir les missions des Web-Cosip (dispositif visant à accompagner le développement et la production d’œuvres patrimoniales audiovisuelles sur Internet) et du Dicréam (dispositif pour la création artistique multimédias et numérique) afin d’encourager les nouvelles formes de création audiovisuelle, numérique et transmédias par un soutien en amont à la création; – de réexaminer et de clarifier les missions des sociétés collectives de gestion de droits (auteurs, interprètes, producteurs, distributeurs, etc.) et d’assurer une meilleure représentativité aux multiples ayants droit issus des mutations technologiques; – d’assurer un large soutien interministériel aux pôles territoriaux de développement économique dédiés aux thématiques numériques transversales: éducation, tourisme, artisanat, écologie ou citoyenneté; permettre la création de nouveaux services et le développement d’une économie culturelle de partage; – de consolider l’accord de 2016 du régime de l’intermittence et de réexaminer ses sources de financement, et de promouvoir un statut de «pluriactif culturel» conjuguant revenus de transfert et revenus d’activité, pour une garantie de revenus; – de développer les droits sociaux des artistes plasticien.ne.s et des intervenant.e.s culturel.le.s; – de soutenir les librairies, les disquaires, les labels et les cinémas indépendants. X. Droit à l’information et à l’indépendance des médias: défendre la liberté d’informer et soutenir la création audiovisuelle Le rôle des médias dans la construction et la transmission de l’information, dans l’éducation et la formation, voire dans le «formatage» de notre imaginaire social, n’est plus à démontrer. Les mé- dias ayant acquis un poids décisif dans la forma- tion de l’opinion, il est vital pour nos démocraties que leur indépendance soit assurée par la puis- sance publique. Or, ce que nous observons depuis des années est inquiétant: concentration des opé- rateurs privés et mainmise de puissants groupes financiers ou industriels, connivences politico- médiatiques, recherche du profit et homogénéi- sation des productions. Le métier de journaliste indépendant.e est de plus en plus difficile à exer- cer, et la profession se précarise. Il y a urgence à rétablir l’indépendance des médias et à permettre l’exercice du métier de journaliste en toute liberté. Vers un nouveau pacte social
  • 68. BIEN VIVRE 134 135 2. ÉLARGIR LE PACTE SOCIAL À DE NOUVEAUX DROITS Le contrat social que nous connaissons est issu, dans ses grands principes, du programme du Conseil national de la Résistance. Fondé sur le volontarisme de l’État social, il a permis d’instal- ler un socle de droits favorable à une plus grande cohésion sociale. Pourtant, face au chômage de masse, aux difficultés de la jeunesse et aux inéga- lités persistantes, de nouveaux droits et solidari- tés sont à inventer. I. Pour la reconnaissance de toutes les familles – Réformer le système d’adoption (plus de transparence). – Réformer la filiation afin de la faire reposer sur le projet parental et non sur la biologie: un pa- rent d’intention doit pouvoir être reconnu comme parent sans avoir à adopter son propre enfant. – Assurer un véritable statut aux parents so- ciaux, à égalité avec les parents biologiques. En effet, la cellule familiale a évolué; les familles re- composées, homoparentales, la coparentalité etc. doivent être prises en compte afin que chacun.e puisse trouver sa place dans la famille et dans la société et puisse être protégé.e de manière égale, quelle que soit la forme du foyer. – Sécuriser et reconnaître toutes les familles, notamment celles dont un enfant est né par PMA (procréation médicalement assistée) ou par GPA (gestation pour autrui) légale à l’étranger. Il est inadmissible que des enfants pâtissent des choix faits par leurs parents pour leur conception. – de faciliter la présence d’une presse indépendante d’information en ligne, notamment en lui accordant les mêmes droits qu’à la presse papier (taux de TVA, annonces légales); – d’encourager l’émergence de médias indépendants par la création d’un statut de fondation (et donc de fonds de dotation) et d’un organisme indépendant équivalent au Centre national du cinéma (CNC), avec des taxes prélevées sur les «tuyaux» de communication télécoms et autres opérateurs Internet; ce fonds serait redistribué aux projets de médias indépendants, avec des sommes allouées suffisantes pour faire tourner une équipe de journalistes. De plus nous défendrons: – une directive européenne pour empêcher les gros industriels de faire main basse sur des médias indépendants en en devenant les principaux actionnaires; – une exonération de taxes (ou du moins une taxation très faible) pendant trois ans, le temps pour un jeune média d’atteindre sa vitesse de croisière; – la protection des lanceur.se.s d’alerte et du secret des sources des journalistes; – la défiscalisation des dons aux médias; – le retrait de la directive sur le secret des affaires, etc. Le pluralisme des médias sera garanti. Il faut abroger la loi du 5 mars 2009 relative à la com- munication audiovisuelle et redonner au CSA ses prérogatives. Le mode de nomination et de dési- gnation du CSA permettra d’assurer la représen- tativité de l’ensemble de la société civile.
  • 69. BIEN VIVRE 136 137 par rapport à 2015, mais il reste en deçà de la moyenne européenne. Parallèlement, la situation des personnels de la justice – greffiers, magistrats – ne s’est pas améliorée. L’institution judiciaire est exsangue, les délais de jugement continuent de s’allonger, les comparutions immédiates augmentent et entraînent 70% des peines d’emprisonnement. Outre la garantie de son indépendance, il est né- cessaire d’améliorer l’efficacité de la justice, de la rendre plus accessible et plus respectueuse des droits de tou.te.s. Les écologistes proposent: – D’augmenter le budget de la justice. Une loi d’orientation et de programmation sera discutée au Parlement. Elle évaluera les besoins matériels et humains de la politique judiciaire, ainsi que ses objectifs sur cinq ans. – Une justice équitable. Un véritable habeas corpus à la française sera proposé. La Cour de justice de la République sera supprimée. La comparution immédiate sera mieux encadrée, son utilisation restreinte et la durée des audiences limitée. – Une réforme de la justice antiterroriste, qui souffre de dérives nombreuses. Les peines planchers et la rétention de sûreté seront abrogées. Afin de désengorger les tribunaux, certains délits seront dépénalisés. – Une augmentation du budget de l’aide juridictionnelle et l’expérimentation d’un dispositif innovant de pro bono. En concertation avec les professionnels du droit, une nouvelle carte judiciaire sera élaborée, afin que toute personne – Régler la question du mariage des couples binationaux en réaffirmant que le mariage pour tou.te.s les concerne également. – Ouvrir la PMA à toutes les femmes. – Ouvrir un débat contradictoire sur la GPA. II. Le droit d’être soi: renforcer la lutte contre les discriminations de genre – Donner de vrais droits aux personnes trans: changement de sexe libre, gratuit et déclaratif. – Renforcer la lutte contre l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie dans toute la vie scolaire, le monde sportif et le monde du travail, par la sensibilisation de tou.te.s les acteur.trice.s. – Prévoir un aménagement favorisant la mixité de genre dans tous les espaces publics de jeux et sportifs. – Former les personnels de la fonction pu- blique à l’accueil des personnes LGBT. III. Le droit à une justice équitable, accessible et efficace La France est la cinquième puissance mondiale et, en tant que « pays des droits de l’homme », on s’attendrait à ce qu’elle soit exem- plaire quant à l’importance de la part de son budget dédiée à la justice. Or, il n’en est rien. Bien qu’elle compte parmi les pays les plus riches du monde, la part de son budget public annuel allouée au système judiciaire représente 0,197 % de son PIB. En 2016, la France a consa- cré un budget total à la justice de 8,04 milliards d’euros. Ce budget est en augmentation de 1,3 % Vers un nouveau pacte social
  • 70. BIEN VIVRE 138 139 matière, qui tient compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Des mesures s’imposent pour éviter la mise à l’écart des mineurs et leur redonner une place au sein du corps social: – privilégier les mesures éducatives en milieu ouvert et favoriser les alternatives à l’enfermement; – engager une véritable politique pénale dans le cadre d’une justice réparatrice; – promouvoir au sein de l’école les questions de justice (droits et devoirs); – renforcer la Protection judiciaire de la jeunesse en sa qualité de service public et de ses missions, à la fois au civil et au pénal; – renforcer les moyens en matière d’équipements et de personnels: étoffer les services en équipes pluridisciplinaires: psychologues, assistant.e.s sociaux.ales, éducateur.trice.s; – réhabiliter les services d’insertion professionnelle; – créer une brigade des mineur.e.s en charge des affaires au pénal. Enfin, l’état des prisons françaises consti- tue un véritable scandale dans une démocratie moderne. Au 1er avril 2016, on comptait 68361 personnes détenues pour 58659 places, et 1645 détenus dormaient sur des matelas par terre… Dans l’ensemble des maisons d’arrêt, le taux de surpopulation carcérale est de 137%. Certains éta- blissements atteignent même des taux records de 200%! Régulièrement, les prisons françaises font l’objet de critiques, que ce soit au niveau national ou international. Les rapports parlementaires sur puisse bénéficier d’une juridiction accessible à proximité de chez elle. – Afin de lutter contre les délits environnementaux, la création d’un pôle environnemental, auquel seront affecté.e.s des magistrat.e.s spécialisé.e.s. Le code de l’environnement sera revu et les recours seront simplifiés. Les catastrophes industrielles pourront relever de la faute inexcusable. – De préserver la spécificité des lois pénales spéciales, notamment la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Par ailleurs, la France a été un modèle en matière de justice des mineurs au lendemain de la Libération: l’ordonnance du 2 février 1945 a posé le principe essentiel de la primauté de l’éducatif sur le répressif. Or, ces principes ont été large- ment remis en cause par les politiques mises en place depuis quinze ans, notamment par les gou- vernements de droite, souvent, hélas, avec l’ac- cord tacite de la gauche. Nous sommes passés de l’enfant victime de son milieu de vie, qui a besoin d’éducation, d’aide sociale, de compréhension psychologique, à l’enfant coupable, qui a choisi la délinquance et doit être sanctionné, la sanction étant considérée comme éducative. Le choix des moyens alloués à la justice des mineurs détermine sa politique en la matière. Quelles que soient les mesures prises à l’égard des enfants, la préservation de ses droits doit rester au cœur de tous les dispositifs mis en place pour sa prise en charge. L’évolution des politiques publiques en direction de l’enfance et de la jeunesse doit se faire dans le respect des textes internationaux et du droit européen en la Vers un nouveau pacte social
  • 71. BIEN VIVRE 140 141 accroissement du contrôle social et politique, développement et croisement des fichiers, y compris biométriques… Le projet écologiste réaffirme une vision mondiale de la question et prône une politique d’immigration ouverte et humaniste, permettant une autre approche des rapports Nord-Sud que la guerre aux migrant.e.s menée actuellement par l’Union européenne à travers l’agence Frontex. En effet, la mission principale de cette agence consiste à maintenir et à agrandir les camps éloi- gnés de l’Europe (Libye, Égypte, Maghreb, Niger…), de manière à bloquer l’arrivée des réfugié.e.s et migrant.e.s dans l’espace Schengen. Le «droit à la mobilité», qui figure dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (article 13), est un élément fondamental de la liberté de chaque être humain. Il sera précédé d’une mesure d’apurement des situations créées ces quinze dernières années. D’autre part, le droit de solliciter l’asile est un principe de valeur constitutionnelle. Les écologistes proposent: – L’application des conventions internationales signées par la France (convention de Genève sur le droit d’asile, Convention européenne des droits de l’homme, Convention des droits de l’enfant…) et la ratification par la France de la convention de l’ONU sur les droits des travailleur.se.s migrant.e.s et des membres de leur famille. – La mise en œuvre d’une politique d’accueil des réfugié.e.s qui respecte leurs droits et leur dignité. La France doit accueillir un nombre plus important de personnes réfugiées venues directement les prisons sont unanimes sur les conditions de vie des détenus: la surpopulation, l’insalubrité et le manque chronique de personnel sont dénoncés sans que les pouvoirs publics ne réagissent. Les écologistes proposent: – un plan d’urgence pour les prisons à partir des recommandations de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté; – une véritable réflexion sur l’échelle des peines et le renforcement des mesures alternatives à l’emprisonnement; – l’augmentation des effectifs de l’administration pénitentiaire (il manquait 1500 agent.e.s en 2016); – la mise en œuvre effective du principe de l’encellulement individuel, avec prise en compte par les juridictions des capacités d’accueil des établissements, et particulièrement dans les cahiers des charges de gestion privée des prisons. IV. Une politique des migrations respectueuse des droits Alors que le monde traverse sa plus grande crise des réfugié.e.s depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec plus de 21 millions de réfugié.e.s en 2016, depuis trente ans, le dis- cours faisant de l’immigré.e le bouc émissaire de la crise de l’emploi, de la crise sociale, de la « crise des banlieues », des déficits des budgets sociaux ou des comptes de l’État est passé de l’extrême droite au sommet de l’État. Depuis 2002, nous assistons à une avalanche de textes répressifs et de pratiques attentatoires aux droits humains : objectifs chiffrés d’expulsions, Vers un nouveau pacte social
  • 72. BIEN VIVRE 142 143 l’accès aux droits, et la suspension de toute évacuation de bidonville qui ne s’accompagne pas de propositions d’hébergement. – La présence de correspondant.e.s d’asile et d’orientation aux frontières et aux gares, et la mise en place de centres d’accueil de taille humaine et de proximité sur tout le territoire pour les personnes qui arrivent de pays en guerre ou gouvernés par des dictatures sanguinaires. – La suspension du renvoi des demandeur.se.s d’asile dans le pays de première entrée dans l’Union européenne, prévu par les accords de Dublin. – Une réécriture du Ceseda (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), qui prévoit le rétablissement du droit de circulation avec l’unification des visas. – La suppression des restrictions au droit à vivre en famille, à la vie privée et aux soins. – Une garantie de protection sur le long terme des mineur.e.s isolé.e.s, d’autant que leur nombre est en augmentation exponentielle. V. Outre-Mer: en finir avec la République postcoloniale, vers la responsabilité et le développement durable Les départements, régions et territoires ultra- marins (Drom-Com) représentent 4% de la popu- lation nationale (soit 2,7 millions de personnes en 2016), près de 17,9% du territoire national et 97% de l’espace maritime (zone économique exclusive, ZEE). Les Outre-Mer procurent effectivement à la France 97% des 11 millions de kilomètres carrés d’un premier pays d’asile, et retirer les clauses migratoires des accords bilatéraux. – Le respect des droits fondamentaux des personnes étrangères comme des nationaux, avec l’encadrement des contrôles d’identité et la fin de la mainmise du ministère de l’Intérieur sur les directions ministérielles les concernant (travail, visas, nationalité, etc.). – L’affectation des moyens nécessaires au service en charge de l’enregistrement des demandes d’asile pour que le délai de trois jours soit respecté sur l’ensemble du territoire français. – La dépénalisation du séjour irrégulier. – Le caractère suspensif des recours pour toute décision relative au séjour. – La fermeture des prisons administratives que sont les centres de rétention et les zones d’attente. – L’abrogation du délit de solidarité. – La lutte contre les filières mafieuses et toutes les formes d’exploitation de la précarité, en particulier des immigré.e.s, dont de nombreux mineurs et jeunes non accompagnés. – La réaffirmation de la nécessité de procéder en continu à la régularisation de la situation administrative des étranger.ère.s présent.e.s sur notre territoire, et de ne pas accepter l’arbitraire et les disparités de pratiques entre les préfectures. – La solidarité avec les Roms. Persécuté.e.s dans leurs pays d’origine et soumis.e.s à des réglementations discriminatoires bien que citoyen. ne.s européen.ne.s, les Roms ont en outre fait l’objet d’attaques particulièrement odieuses de la part du gouvernement français. – La mise en place d’une véritable politique positive de résorption des bidonvilles par l’insertion et Vers un nouveau pacte social
  • 73. BIEN VIVRE 144 145 La mer, notamment, présente de réelles op- portunités pour les Outre-Mer en termes de res- sources alimentaires (ressources halieutiques), biologiques (pharmacie, santé), commerciales (relais des routes maritimes et pôles de distribu- tion), énergétiques (pôle de développement des énergies marines renouvelables) et touristiques. La biodiversité, la possibilité de développer mas- sivement les énergies renouvelables, l’agricul- ture, la pêche et les petites entreprises (unités de transformation, commerces, artisanat local) doivent être encouragés. Pourtant, depuis 1946, les gouvernements successifs n’ont cessé d’osciller entre effets d’an- nonce et menace d’abandon de ces territoires, en lieu et place d’une politique audacieuse. L’absence d’une politique volontariste contribue à faire de ces Drom-Com des lieux d’inégalités sociales, de chômage et de pauvreté: les richesses demeurent concentrées aux mains de quelques-un.e.s, le chômage est plus élevé que dans l’Hexagone, le nombre d’allocataires du RSA explose, l’illet- trisme et les détresses individuelles et sociales sont visibles, les questions des transports et de la pollution sont une préoccupation généralisée et constante, tout comme l’étalement urbain et l’aménagement des territoires, etc. De telles réalités constituent des freins pour faire face aux défis auxquels sont confrontés les Outre-Mer. Parmi ceux-ci: la croissance démo- graphique et ses conséquences en matière de logements, d’infrastructures publiques, de sé- curité alimentaire et énergétique, de gestion de l’eau et des déchets sans recours à l’incinération, notamment, et les crises climatiques, avec la de sa ZEE, incluant 55000 km2 de récifs coral- liens et de lagons, soit environ 10% de la superfi- cie mondiale. C’est donc grâce aux Outre-Mer que la France possède aujourd’hui le deuxième espace maritime du monde. Ces régions et territoires concentrent au- jourd’hui abondamment ressources, défis et iné- galités. S’ils constituent l’une des plus grandes réserves de biodiversité au monde, ils confrontent aussi nos compatriotes aux plus grands défis éco- nomiques et sociaux. Les conséquences cumu- lées de l’esclavage, du colonialisme, de l’économie de comptoir et du déséquilibre des échanges ont engendré une situation de dépendance, transfor- mant à bien des égards, mais à des degrés divers, ces régions et territoires en colonies d’hypercon- sommation, souffrant d’un retard de développe- ment économique et social structurel. Ces territoires sont notamment menacés par le dérèglement climatique, avec la montée des eaux et l’érosion de leur littoral, par la déforesta- tion, l’extractivisme et la destruction de leurs éco- systèmes, du fait d’un développement reposant sur le modèle productiviste, qui fait une large part au tout-automobile. Quelques grands groupes y maîtrisent l’ensemble des échanges commerciaux, bloquent toute politique de développement local et imposent sur place leur modèle de consom- mation et des prix exorbitants (y compris sur des produits de première nécessité). Enfin, le chô- mage ainsi que les très grandes inégalités dans l’accès aux droits et la pauvreté font des ravages, entraînant des problèmes croissants d’insécurité. Pourtant, les ressources et les potentiels de déve- loppement soutenable ne manquent pas. Vers un nouveau pacte social
  • 74. BIEN VIVRE 146 147 énergétique grâce aux énergies renouvelables, notamment par l’accompagnement des investis- seurs publics et privés dans des programmes de développement des énergies solaires, éoliennes et géothermiques; s’assurer que les financements destinés à la biomasse ne servent pas indirec- tement à solvabiliser la déforestation ou la «dé- friche agricole». – Dans le domaine de l’environnement: pro- téger la biodiversité des territoires, entre autres par un contrôle accru de l’exploitation des milieux naturels (exploitations minières, forestières…) et des bassins de reproduction des espèces endémiques (mangroves, notamment). La sauve- garde des parcs nationaux est une priorité. – Dans le domaine du tourisme: établir un schéma de développement touristique en cohé- rence avec les bassins géographiques. – Dans le domaine du transport: développer les infrastructures de transport en commun et de modes de déplacement doux; créer des autorités territoriales uniques organisatrices de la mobilité (AOM) dans chaque territoire. B. L’émergence d’une société plus juste – En matière de fracture numérique: assurer le déploiement des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’ensemble des territoires. – En matière de continuité territoriale: ga- rantir le droit à la mobilité des Ultramarin.e.s et des ressortissant.e.s des Outre-Mer en favorisant la réduction des coûts de transport entre l’Hexa- gone et les territoires des Outre-Mer, mais aussi entre les différents territoires. raréfaction des ressources naturelles. Le modèle de développement productiviste importé et im- posé aux territoires ultramarins a fait la preuve de son échec. C’est pourquoi, les écologistes proposent un plan de rattrapage qui doit s’exprimer à travers des politiques spécifiques, par une péréquation permettant de promouvoir un développement soutenable et par une reconnaissance prenant en compte la spécificité et le potentiel de chaque territoire. Chacun pourra alors progressivement réduire sa dépendance à l’Hexagone, en accédant à un modèle de développement plus autonome, privilégiant ainsi les circuits courts et centrés sur sa zone géographique. A. Un développement soutenable et local – Dans le domaine du commerce et de l’in- dustrie: orienter les investissements vers le dé- veloppement local; favoriser l’accès des PME et des TPE aux financements bancaires et aux fonds européens. – Dans le domaine de l’agriculture: viser la souveraineté alimentaire au moyen d’une réforme foncière permettant de restituer le foncier aux communes et aux collectivités qui en ont la ges- tion; repenser le schéma de développement agri- cole; réhabiliter des sols qui ont été pollués dans le silence de l’État, afin d’aider et d’encadrer le développement d’une filière bio sur tous les terri- toires des Outre-Mer, et favoriser l’installation des jeunes agriculteurs.trice.s bio. – Dans le domaine de l’énergie: substituer les énergies propres aux énergies fossiles au terme de la mandature; atteindre l’autosuffisance Vers un nouveau pacte social
  • 75. BIEN VIVRE 148 149 la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, signée en 2007; de signer la convention 169 de l’OIT sur la reconnais- sance des peuples autochtones présents dans les Outre-Mer. C. L’adaptation des structures institutionnelles aux réalités des territoires – Permettre à chaque territoire de choisir sa structure administrative. – En matière de coopération régionale: doter les collectivités majeures, dans le respect de la hiérarchie des institutions, de pouvoirs de déci- sion concernant l’articulation de leurs relations avec les pays de leur zone géographique. VI. Une autre politique pour les Français.e.s établi.e.s hors de France La population des Français.e.s de l’étran- ger est en forte croissance et représente environ 3,5 millions de personnes, dont près de la moitié sont binationales, se répartissant entre celles résidant dans l´Union européenne et celles habi- tant dans le reste du monde. Ces personnes sont représentatives de toutes les couches sociales et affrontent, comme sur le territoire national, les crises quelles qu’elles soient, dans un contexte où l’État s’est déresponsabilisé de ses tâches primordiales. Que ce soit en matière de citoyenneté et de sécurité, d’éducation, de culture, de recherche, de protection sociale et de fiscalité, de droits envi- ronnementaux, de politique étrangère ou de déve- loppement, les écologistes proposent: – En matière de logement social: mettre en place un plan de résorption de l’habitat insa- lubre sur l’ensemble des territoires et un plan de construction de logements sociaux, en prenant en compte les besoins des familles et la réalité climatique. – En matière de réparations: opérer une réelle indemnisation du préjudice subi par les vic- times des essais nucléaires et par les pêcheur.se.s et agriculteur.trice.s impactés par la pollution des sols et des eaux par le chlordécone et autres pes- ticides, avec la complicité de l’État. – En matière de protection de l’en- fance: renforcer les structures d’accueil et d’accompagnement des mineur.e.s et des jeunes adultes rencontrant des difficultés sociales. – En matière de lutte contre la délinquance : développer les structures de prévention de la délinquance des mineur.e.s ; lutter contre la déscolarisation ; développer les écoles de la parentalité. – En matière de mémoire, nous défendons la création dans l’Hexagone d’un musée de la Traite transatlantique (dans une des villes têtes de pont du commerce triangulaire). – En matière de fiscalité: une réforme de la fiscalité dans les Outre-Mer devra faire l’objet d’une réflexion associant l’État mais aussi les collectivités. – En matière de droit, il est indispensable de redonner aux peuples autochtones des Outre- Mer et aux minorités leurs droits fonciers cultu- rels; de mettre en pratique les obligations que nous confère le protocole de Nagoya, que nous avons signé en septembre 2011, en accord avec Vers un nouveau pacte social
  • 76. BIEN VIVRE – de mener une politique réellement progressiste, inclusive et solidaire dans le domaine de l’éducation: garantir un accès équitable à une éducation française, et notamment au réseau des écoles et des lycées français (augmentation des dotations et révision à la hausse des barèmes de bourses, extension de la capacité d’accueil des établissements là où c’est nécessaire, maîtrise de l’augmentation des frais de scolarité des établissements de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger); – de soutenir l’action culturelle et linguistique à l’extérieur: rétablir la couverture du réseau culturel français à l’étranger; – de faciliter la mobilité internationale des Français.e.s ainsi que leur retour en France: renforcement du réseau consulaire et des services apportés aux Français.e.s établi.e.s hors de France (aide à l’insertion professionnelle, réseautage…), amélioration de la prise en compte des années travaillées à l’extérieur dans le calcul de la retraite (annuités, transferts de droits là où c’est possible), aide à la mobilité étudiante en créant des opportunités de financement des études à l’étranger; – de renforcer les droits civiques des Français.e.s de l’étranger: finaliser la réforme de leur représentation en transformant l’Assemblée des Français de l’étranger en une véritable collectivité publique, élue à la proportionnelle directe, en charge des politiques publiques à destination des Français.e.s de l’étranger. QUATRIÈME PARTIE FACE À L’ÉTAT D’URGENCE ET AUX MENACES SUR LES LIBERTÉS PUBLIQUES: DÉMOCRATIE RÉINVENTÉE ET ÉGALITÉ DES TERRITOIRES
  • 77. 152 153 refondation de la démocratie passe-t-elle par la réforme des institutions territoriales? Par davan- tage de fédéralisme? Comment passer de l’État- nation à des institutions supranationales? Et comment décliner autrement, dès lors, la souve- raineté populaire? Comment exercer une citoyen- neté active à l’échelle du territoire? «J’essaie de voir comment on peut redonner une chance à la démocratie.» Achille Mbembe Les démocraties européennes sont à un tournant. Soit elles se réinventent profondément et placent la citoyenneté active au centre de leurs dispositifs institutionnels, soit elles plient et disparaissent sous la pression des oligarchies, du chaos géopo- litique et de la montée des intégrismes. La montée des dispositifs sécuritaires et liberticides face aux attentats doit nous alerter, comme doivent nous alerter la crise de la représentation politique, le sentiment du «tous pourris» partagé par une partie de l’opinion et l’inertie ou l’impuissance du corps politique face à l’urgence écologique. Parallèlement, un désir profond de transforma- tion se manifeste ici et là à travers le monde, par le réveil de l’esprit démocratique. Des Indignés espagnols à Occupy Wall Street, des occupations de places à Nuit debout, l’expérimentation de pra- tiques de démocratie directe est une dimension forte de la période actuelle: tirage au sort, vote à main levée, jury citoyen, etc. Il est donc urgent de réinventer et de propo- ser de nouvelles formes d’exercice de la démo- cratie ou de «nouveaux modes d’action pour agir sur les affaires communes» (Kristin Ross). La Démocratie réinventée et égalité des territoires
  • 78. 154 155 par tous les moyens mais dans le cadre de l’État de droit. Nous devons donc répondre au besoin de sécurité qui s’exprime dans la société fran- çaise tout en préservant nos institutions et la Constitution. À cet égard, l’évolution vers une jus- tice préemptive est préoccupante, puisqu’il s’agit de condamner des «suspects» avant qu’ils n’aient agi, sur la simple observation de supposés signes précurseurs. La virtualité du passage à l’acte se substitue alors à la matérialité du fait, et la gestion du risque au modèle légaliste de l’État de droit. Or, pour les écologistes, le terrorisme ne se combat ni en restreignant les droits et les li- bertés individuelles ni en désignant des boucs émissaires. Les écologistes déplorent qu’à un travail de fond sur la sécurité aient été préférées l’agitation médiatique et la facilité d’un état d’urgence que tout le monde s’accorde à qualifier d’inutile. Ceux qui instrumentalisent nos peurs mentent, il n’y a pas à choisir entre guerre civile et aventure ex- trémiste: la riposte démocratique est possible si nous avons le courage d’œuvrer à développer la cohésion sociale. Par ailleurs, la question du ter- rorisme percute d’autres problématiques posées à la société française depuis plusieurs années, comme celles de la laïcité, de l’autorité, de l’iden- tité et de la place de l’Islam. C’est pourquoi nous ne pouvons pas aborder la lutte contre le terrorisme et le radicalisme vio- lent uniquement travers des mesures sécuritaires ou policières. Opposer sécurité et prévention, c’est se condamner à l’échec. Nous constatons qu’il n’y a pas de profils so- ciaux type des candidats à la radicalisation: d’un 1. ÉTAT D’URGENCE ET DÉMOCRATIE «Les nouveaux défis du XXIe siècle montrent que la compréhension des causes et l’explication des raisons sont la seule façon de déterminer et de décider comment combattre le terrorisme.» Alain Fuchs, CNRS Depuis les attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan, dans plusieurs cafés parisiens et à Saint-Denis, le gouvernement a introduit «un état d’urgenceglissant,unrégimed’exceptiondurable» (Jacques Toubon, Défenseur des droits), tout en multipliant les lois antiterroristes. En permettant de perquisitionner de jour comme de nuit sans l’autorisation du juge ou d’assigner à résidence une personne sur le vague critère de «raisons sé- rieuses suggérant une atteinte possible à l’ordre public», l’état d’urgence peut entraîner une priva- tion de liberté sous le contrôle du seul juge admi- nistratif. Pire encore, la loi de juin 2016 permet de retenir une personne pendant quatre heures sans avocat, au vu de simples soupçons d’activités ter- roristes, de poser des écoutes téléphoniques, de réaliser des perquisitions de nuit, des vidéosur- veillances, etc. En juillet 2015, le comité des droits de l’homme de l’ONU s’inquiétait «des pouvoirs excessivement larges de surveillance très intru- sive donnés aux services de renseignements sur la base d’objectifs vastes et peu définis, sans au- torisation préalable d’un juge et sans mécanisme de contrôle adéquat et indépendant». Nous sommes entrés dans un régime d’ex- ception permanent qui heurte les principes de la démocratie et de la séparation des pouvoirs. Or, nous devons lutter contre le terrorisme, non Démocratie réinventée et égalité des territoires
  • 79. BIEN VIVRE 156 157 Démocratie réinventée et égalité des territoires – Réinstaurer le contrôle a priori du juge avant de prendre toute mesure restrictive des droits et libertés. – S’assurer que les personnes s’estimant visées par des mesures arbitraires ou discrimina- toires puissent avoir un recours effectif en justice et obtenir réparation (les recours sont de plus en plus difficiles). II. Respect du droit à la vie privée – Revenir sur la loi renseignement de juil- let 2015 et la loi de surveillance des commu- nications électroniques internationales de novembre 2015. – Interdire toute technique de surveillance de masse. – Garantir l’exercice d’un contrôle judi- ciaire préalable à toute demande de mise sous surveillance. – S’abstenir d’adopter toute loi ou tout décret fragilisant le chiffrement des communications en ligne. III. Respect de la liberté d’expression et de réunion Garantir le droit de réunion, en restreignant les interdictions de manifestation aux seuls ras- semblements visant, dans leur but déclaré, une propagande en faveur de la guerre ou un appel à la haine nationale, raciale ou religieuse (l’interdic- tion de manifester ne peut être qu’exceptionnelle et dûment justifiée). côté, nous retrouvons des jeunes «désaffiliés» is- sus de milieux défavorisés; de l’autre, des jeunes radicalisés issus des classes moyennes et récem- ment convertis, ou des personnalités fragiles. Les facteurs économiques et sociaux peuvent être mis en avant, ainsi que des facteurs politiques comme la disparition des utopies, le rôle d’Internet, le ma- laise identitaire ou la recherche d’un cadre nor- matif, voire une forme de nihilisme générationnel qu’exprimerait le comportement suicidaire de cer- tains jeunes… C’est pourquoi, dans l’arsenal des réponses apportées au terrorisme, en dehors de la dimen- sion sécuritaire indispensable, les écologistes privilégient les politiques de prévention et d’édu- cation, des politiques culturelles et des réponses structurelles de long terme. Il faut articuler les moyens de la justice avec les politiques de pré- vention, de même qu’il faut prioritairement renfor- cer la police de proximité et les moyens alloués aux travailleurs sociaux. I. Lutter contre le terrorisme dans le respect des droits humains – Réviser la loi de novembre 2014 afin de rendre le délit d’apologie du terrorisme conforme au droit international, en limitant sa définition à tout appel à la haine nationale, raciale ou reli- gieuse et constituant une incitation directe à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence. – Engager une évaluation approfondie, indé- pendante et transparente des politiques de lutte contre le terrorisme et de leur impact sur les droits fondamentaux.
  • 80. BIEN VIVRE 158 159 2. METTRE L’HUMAIN AU CŒUR DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ La fin de l’année 2106 a mis en évidence le malaise de la police – parallèle à celui de l’institution judi- ciaire. Ce malaise est lié à plusieurs facteurs qui s’entretiennent et se renforcent mutuellement: la dégradation des conditions de travail, l’augmenta- tion du nombre d’interventions depuis les attentats, une mauvaise organisation du travail, des procé- dures judiciaires trop lourdes et chronophages… Face à cette situation, les revendications des policier.ère.s sont de plusieurs ordres. Certaines sont justifiées et relèvent de dimensions maté- rielles (locaux vétustes, matériel informatique hors d’usage ou véhicules et protections inadaptés), quand d’autres sont problématiques, voire dange- reuses, comme la réforme de la légitime défense ou la fin de la mention des noms des policier.ère.s dans les procédures judiciaires, par la mise en place de la «non-identification». D’autre part, la critique de l’institution judiciaire, jugée trop laxiste (en parti- culier concernant les agresseurs de policier.ère.s), ne correspond pas à la réalité et aux évolutions concernant la réponse pénale: le nombre de per- sonnes incarcérées a atteint un nouveau record en 2016 (soit 69375 personnes incarcérées et une augmentation de 19% entre 1995 et 2016), et les peines n’ont jamais été aussi lourdes (la moyenne de la durée des incarcérations est passée de 8,5 mois à 11,5 mois entre 2007 et 2015). Pour les écologistes, il faut prendre au sé- rieux cette situation, qui reflète un «climat» caractérisé par le sentiment, justifié ou non, d’insécurité et d’une montée des violences de tous IV. Renforcer les moyens de prévention – Il est urgent d’engager des éducateurs et éducatrices de rue aux profils diversifiés et de renforcer les moyens accordés aux associations et aux structures qui œuvrent dans les quartiers dits «sensibles»; – d’accompagner les familles touchées par le départ d’un.e proche dans les zones de conflit au Moyen-Orient; – de concevoir une politique ambitieuse du soin, en particulier psychiatrique, et d’interrompre le démantèlement des services de psychiatrie. V. Favoriser un islam de France Combattre l’influence religieuse de l’Arabie Saoudite et stopper tout soutien aux monarchies pétrolières (ni ventes d’armes ni financements de mosquées par ces pays).
  • 81. BIEN VIVRE 160 161 – De développer des critères objectifs d’évolution de carrière. – De sortir de la «politique du chiffre», notamment en matière de délinquance ou de recherche des sans-papiers: celles-ci conduisent trop souvent à des interpellations de personnes issues de l’immigration ou en situation de pauvreté, et mettent ainsi en péril le vivre-ensemble. – D’améliorer l’efficacité des forces de police. Nous recruterons du personnel pour améliorer la prise en charge dans les commissariats et répartirons mieux les effectifs sur le territoire. Pour que les conditions de garde à vue, d’accueil et de travail soient dignes, un grand plan d’investissements (locaux et matériels) sera lancé. – Les gendarmes disposeront du droit d’expression collective. – Afin de réprimer l’ensemble des délinquances, la brigade financière sera renforcée, et nous créerons une police environnementale adossée à un pôle environnemental. La police judiciaire sera placée sous l’autorité d’un procureur général de l’État. – Le contrôle des armes sera renforcé, les armes seront reclassifiées et les saisies facilitées. Les Flash-Ball, grenades, pratiques d’asphyxie posturale ou encore courses-poursuites seront interdits, et l’usage de l’ensemble des armes par les forces de sécurité sera revu. Nous procéderons à un encadrement strict des drones, qu’ils soient civils ou militaires. Nous imposerons un moratoire national sur la vidéosurveillance de voie publique et doterons la Cnil de pouvoirs accrus. Une autorité indépendante de la sécurité privée sera chargée du contrôle des entreprises du secteur. Les citoyen.ne.s pourront faire appel à une autorité ordres: attentats, agressions contre la police et violences policières, violence sociale et fractures entre les territoires, violence des banlieues, etc. L’amélioration des rapports entre la police et les citoyen.ne.s est une clé pour l’efficacité de la po- litique de sécurité et pour lutter contre le terro- risme. Face à ce constat, les solutions ne peuvent être que multifactorielles. Les écologistes proposent: – De déconcentrer l’action de la police et de la gendarmerie. Nous mettrons en place une police territorialisée s’appuyant sur la connaissance de son terrain. Nous voulons une police au plus près de la population et qui produit de la confiance (sur le modèle de la police de voisinage anglaise). – À cet égard, les contrôles d’identité doivent être justes et ne pas cibler une catégorie de la population (contrôle au faciès constaté par certaines études, qui accentue la distance entre la population et la police). Nous favoriserons l’identification des policier.ère.s et l’introduction d’un système d’enregistrement des pratiques, via par exemple le récépissé. – De renforcer les liens avec les collectivités territoriales et les différents partenaires œuvrant sur le terrain. – D’améliorer les dispositifs de formation, fortement affaiblis, en y intégrant des modules portant sur la non-violence et la gestion relationnelle; les formations continues et par les pairs seront renforcées. – Le code de déontologie de la police doit faire l’objet d’une appropriation et d’un vote citoyen: il doit faire l’objet d’une loi et non d’un décret. Démocratie réinventée et égalité des territoires
  • 82. BIEN VIVRE 162 163 3. LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET PROMOUVOIR UNE IDENTITÉ POSITIVE • Les discriminations en tout genre, le sen- timent d’être rejeté et l’absence de perspectives peuvent constituer un terreau favorable à la ré- ception des discours radicaux. • Il faut lutter contre le racisme et l’islamo- phobie; l’État doit donner l’exemple avec une fonction publique et une police ouvertes à la di- versité culturelle. • Nous devons renforcer la lutte contre tous les messages de haine, en particulier à travers les réseaux sociaux (via la responsabilité des hébergeurs). • Nous devons faire de l’école un lieu straté- gique de prévention du radicalisme et agir sur les inégalités scolaires. Le rôle de l’enseignement et de l’école est fondamental dans l’apprentissage de la distinction entre le registre du savoir et celui de la foi. L’école doit «désintriquer sans cesse, dans l’acte d’enseigner lui-même, ce qui relève du savoir stabilisé […] des croyances religieuses, qui relèvent du domaine privé et ne doivent pas em- piéter sur la sphère publique» (Philippe Meirieu). • Nous devons mettre un terme aux contrôles au faciès et introduire la délivrance, par les forces de police, d’un récépissé aux personnes contrôlées. • En garde à vue: présence obligatoire d’un avocat, d’un interprète, et d’un médecin pour les 16-18 ans. administrative indépendante concernant l’action des forces de sécurité, sur le modèle du contrôleur général des lieux de privation de liberté. – Le rapprochement gendarmerie-police sera poursuivi. Le ministère de l’Intérieur sera réformé et le Secrétariat général à l’immigration supprimé. Le corps préfectoral sera rattaché aux services du Premier ministre et la préfecture de police de Paris sera supprimée pour faire revenir la métropole parisienne dans le droit commun.
  • 83. 164 165 gestion écologique des espaces s’intéresse au bilan carbone et au bilan énergétique de la popu- lation qui y habite et y travaille. En cela, l’urbanité et la ruralité forment un continuum et non une bipolarité dont les termes s’opposent. Le mouvement d’hyperconcentration des activités et des services au sein et autour des villes, qui s’étalent, est facteur de gaspillage et de déséquilibres. Il conduit au mitage des terres agri- coles, à la désertification des territoires ruraux et à la précarisation de leurs habitant.e.s, en même temps qu’il provoque la thrombose des centres urbains, l’abandon des quartiers périurbains, l’uniformisation des emplois et des commerces et l’épuisement des citadin.e.s. À l’heure où les Français.e.s recherchent un mode de vie apaisé, exempt de nuisances et de pollutions, inventent des solutions locales, revendiquent des mobili- tés diversifiées, développent des réseaux et acti- vités connectées et collaboratives, plébiscitent une alimentation saine issue d’une agriculture bio de proximité, etc., les écologistes s’engagent pour une politique de solidarité et de complémen- tarité intelligente entre les territoires urbains, périurbains et ruraux, source de développement local, d’innovation sociale et d’économie des res- sources. Il est grand temps de réguler les proces- sus cumulatifs, dont la spéculation foncière, pour «ménager» les territoires et en prendre soin. I. Organisation du territoire Issues de législations inachevées, les nou- velles régions agrandies et la création des métro- poles appellent la redéfinition des relations entre 4. ÉCOLOGIE ET ÉGALITÉ DES TERRITOIRES Les écologistes s’engagent sur une vision globale des transformations nécessaires à l’adéquation entre les territoires et leurs habitants. Soutenus par de fortes dynamiques locales citoyennes, les écologistes portent des mesures productrices d’emplois, socialement et écologiquement inno- vantes, fondées sur le respect des communs envi- ronnementaux et visant à faire système. L’écologie des territoires recouvre la néces- sité d’agir pour la maîtrise de la transformation des espaces, des paysages et des villes au service des Français.e.s, grâce à une politique d’aména- gement aussi ambitieuse en qualité qu’économe en ressources pour l’égalité des territoires et le bien-être des habitant.e.s. Aller plus loin dans les engagements de la France pour le climat, la biodi- versité et la transition énergétique permet à l’éco- logie des territoires d’être source d’innovation et d’emplois, porteuse de projets utiles et partagés, respectueuse des milieux naturels, attachée au développement de villes et de territoires intelli- gents, denses et accueillants. La gestion écologique des territoires s’op- pose à une gestion concurrentielle et spécialisée, en mettant en œuvre une répartition harmonieuse des activités et des résidences humaines, en fonc- tion des caractéristiques géographiques et topo- graphiques des espaces, ainsi que des habitats des espèces animales et végétales. Dans un terri- toire sillonné de réseaux d’énergie, de transports, de flux de communications informationnelles, il est moins question de développement que de rationalisation et d’optimisation de l’existant. La Démocratie réinventée et égalité des territoires
  • 84. BIEN VIVRE 166 167 C. Repenser l’urbanité – Créer les conditions légales de l’urbanisme provisoire. – Favoriser le maintien, voire l’accroissement, de la nature en ville. – Soutenir le développement des transports en commun non polluants. – Généraliser les ratios emplois/logement dans les documents d’urbanisme pour favoriser l’emploi de proximité. – Évolution des codes de l’urbanisme et de la construction pour incitation à la conception de bâtiments biodégradables/recyclables, créa- tion d’indicateurs de métabolisme urbain, mesure anti-imperméabilisation des sols, introduction de la qualité agronomique des terres dans le choix des zones à urbaniser (ZAU), soutien au dévelop- pement des productions vivrières urbaines. D. Ville et ruralité: un nouveau contrat social et écologique territorial – Soutien aux unités de production et de transformation (énergétique, agricole, élevage) pour l’approvisionnement en circuits courts et leur mise en réseau. – Obligation d’élaboration des plans locaux d’urbanisme (PLU) intercommunaux. – Création de nouvelles fonctions dans les règlements d’urbanisme: PLU-Énergie (pres- criptions énergétiques renforcées, économie de la consommation et production d’EnR) et PLU- Circulaire (implantation des activités et écologie industrielle, gestion des déchets, etc.), visant à respecter les limites planétaires et le rythme de renouvellement des ressources. collectivités pour une plus grande complémenta- rité, une meilleure répartition des compétences pour davantage d’efficacité au service des citoyen. ne.s, une plus grande part d’innovation publique, une plus grande solidarité entre les collectivités, une fiscalité équitable, une meilleure gestion des compétences environnementales (air, eau, éner- gie, sols) et une nouvelle démocratie directe. A. Des régions fortes pour: – garantir l’équilibre, la solidarité et la dyna- mique entre territoires urbains et ruraux; – favoriser la cohésion sociale et l’égalité des territoires; – garantir la fonction redistributive entre col- lectivités par une péréquation fiscale forte; – planifier l’organisation régionale des terri- toires, le développement des économies nouvelles, des entreprises et de l’activité commerciale; – renforcer le rôle et les compétences des intercommunalités. B. Des métropoles apaisées et… – démocratiques: reconnaissance des métro- poles comme collectivités et élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains; – écologiques: affirmation des compétences environnementales liées à leur densité (qualité de l’air et de l’eau et énergie – consommation, éner- gies renouvelables [EnR] et distribution), gestion des syndicats techniques interdépartementaux, élaboration de Scot cohérents et ambitieux; – solidaires: fiscalité garantissant la péré- quation interdépartementale de solidarité. Démocratie réinventée et égalité des territoires
  • 85. BIEN VIVRE 168 169 et de complémentarité. L’égalité des territoires nécessite de porter une attention particulière aux conditions de vie dans les espaces ruraux précarisés et les quartiers périurbains les plus défavorisés, pour permettre la création de nou- velles dynamiques qui leur soient propres, et dans tous les domaines. A. Services publics et commerces – Coup d’arrêt à la construction de nouveaux centres commerciaux aux portes des villes. – Réappropriation de l’aménagement com- mercial en ville à travers la généralisation des ma- nagers de centre-ville et le changement de la loi, afin de permettre des préemptions automatiques des communes aux fins de vitalisation commer- ciale, notamment en faveur de l’économie de proximité contre les chaînes mondiales. – Intégration complète de l’aménagement commercial dans le code de l’urbanisme. – Création du schéma régional d’implanta- tion des surfaces commerciales (répartition et développement) et de l’Observatoire régional de l’activité commerciale. – Soumission des centres commerciaux à la taxe générale sur les activités polluantes en fonc- tion de leurs efforts d’intégration dans les plans de déplacements urbains (PDU) et des réductions de places de stationnement; – Généralisation des maisons de services au public dans les bourgs et les villages. B. Mobilités – Amélioration du maillage des dessertes se- condaires en chemin de fer. E. Associer les citoyen.ne.s aux projets d’urbanisme – Soutien aux réseaux et start-up favorisant la contribution citoyenne aux projets d’aménage- ment et d’urbanisme. – Reconnaissance des nouveaux outils de contribution des citoyen.ne.s dans les documents d’urbanisme. – Développement des formations initiales et professionnelles sur les métiers de la ville du- rable et intelligente (urbanistes, architectes, ingé- nieurs, génie urbain). II. Pour l’égalité des territoires Onze ans après les émeutes de 2005, les mesures mises en place pour améliorer le sort des habitant.e.s des quartiers défavorisés sont un échec. Dans les zones urbaines sensibles (ZUS), le taux de chômage est supérieur à 23%, les reve- nus décrochent et le niveau de qualification dimi- nue. Les habitant.e.s de ces quartiers, notamment les jeunes, subissent une double injustice: ségré- gation dans le logement et l’emploi, insécurité dans la vie au quotidien… Donner à chaque territoire, à ses habitant.e.s et ses acteur.trice.s, dans leur diver- sité, les moyens d’un développement équilibré et durable, c’est permettre à chacun.e l’accès aux droits, à l’emploi, à la santé, à l’éducation, à la mobilité, à la formation et au numérique, quel que soit son lieu de vie. Il s’agit de donner à chaque territoire des capacités de développe- ment propres en rapport avec ses atouts et ses spécificités, pour sortir d’une logique de com- pétition et aller vers une logique de solidarité Démocratie réinventée et égalité des territoires
  • 86. BIEN VIVRE 170 171 5. LA 6e RÉPUBLIQUE POUR LA TRANSFORMATION ÉCOLOGIQUE DE LA SOCIÉTÉ En temps de crise, la tentation d’un gouvernement autoritaire est forte. Certain.e.s seraient prêt.e.s à sacrifier la démocratie pour préserver leurs privi- lèges ou leur mode de vie actuel. Notre réponse, en tant qu’écologistes, est différente: nous propo- sons de refonder profondément nos institutions, à tous les niveaux, pour affronter démocratique- ment les temps qui viennent et bâtir ensemble une nouvelle société. I. La crise de la Ve Depuis son adoption en 1958, la constitution de la Ve République, conçue à l’origine pour as- seoir l’autorité du général de Gaulle et répondre à l’instabilité de la IVe République, a connu de nom- breuses retouches, dont la réduction du septennat à un quinquennat et l’inversion du calendrier élec- toral. Les différentes réformes de la Constitution n’ont fait que renforcer la présidentialisation du régime au détriment du rôle du Parlement comme de la séparation des pouvoirs. Aujourd’hui, ce ré- gime est en crise. II. Restaurer la confiance dans les institutions C’est en se libérant de la direction et du travail gouvernementaux que le président de la République pourra acquérir une nouvelle légiti- mité: il ne contrôlera plus les tâches de gouverne- ment, ne soumettra aucun texte à référendum, ne – Soutien au développement des mobilités bas carbone et innovantes. – Couverture en très haut débit de la tota- lité du territoire afin de lutter contre la fracture numérique, tout en y aménageant des zones blanches. C. Des banlieues vertes La réforme de la politique de la ville de 2014 porte lentement quelques maigres fruits, sans atteindre ses ambitions. Les outils et finance- ments tardent, pendant qu’augmentent chômage, précarité et discriminations. Les écologistes veulent innover en partant des énergies et des atouts locaux. Les deux transitions à l’œuvre – numérique et écologique – sont les ressorts de la créativité et du potentiel à développer. D. Rétablir l’égalité et s’appuyer sur la richesse des territoires – Créer un fonds pour une démocratie d’ini- tiative citoyenne. – Mettre en œuvre la coconstruction de politiques de transition écologique avec les habitant.e.s et les conseils citoyens. – Accroître le soutien aux tissus associatifs locaux à travers notamment un fonds de soutien à l’emploi associatif. – Miser sur l’entrepreneuriat, avec la création d’un label «Banlieues vertes» visant à soutenir les initiatives d’entrepreneuriat socialement et écologiquement innovant, doté d’un fonds alloué, administré par les structures issues des banlieues et accompagné d’un parcours d’accompagnement à la création d’entreprise.
  • 87. 172 173 de dissolution, en cas de crise entre l’Assemblée nationale et le gouvernement. III. Le Parlement libre de légiférer La séparation des pouvoirs doit redevenir le pilier de notre démocratie. Le législatif doit trou- ver la quiétude pour remplir sa mission en toute indépendance. Nous proposons: – Le Parlement maîtrisera son ordre du jour sans intervention du gouvernement. – Les procédures d’adoption de textes sans vote, comme l’article 49.3, véritables dénis de démocratie, seront supprimées. – Le Parlement, organe de délibération, développera ses moyens d’évaluation des politiques publiques, en renforçant son contrôle sur la législation d’origine européenne et en limitant l’usage de la procédure des ordonnances pour transposer les directives européennes. – L’opposition parlementaire sera renforcée dans sa fonction d’interpellation du pouvoir exécutif, dans sa capacité à mobiliser des instruments de contrôle et d’investigation: création de commissions d’enquête, saisine de la Cour des comptes, nomination de contre-rapporteurs. Elle interviendra dans la maîtrise du temps de travail parlementaire, en interdisant par exemple au gouvernement d’utiliser des procédures d’urgence sans l’accord d’une majorité qualifiée des parlementaires. nommera aucun fonctionnaire, n’assurera aucun arbitrage budgétaire, ne participera pas à la négo- ciation des traités internationaux, ne représentera pas la France dans les instances internationales ou européennes – toutes choses qui, dans les dé- mocraties parlementaires de l’Union européenne, relèvent du Premier ministre. Véritable héritage de la monarchie et outil de possible dérive vers une dictature, l’article 16, qui donne les pleins pouvoirs au Président, en cas de crise grave, sera supprimé. Il sera également mis fin à l’immunité civile et pénale du Président, qui redeviendra un justiciable ordinaire, tout comme les membres du gouvernement. Engendrant une justice d’exception, la Cour de justice de la République, censée juger les ministres pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions, sera supprimée. Nous proposons: – Toujours élu au suffrage universel, le Président nommera le Premier ministre, issu de la majorité du Parlement. – Il devient le garant du bien commun et, en particulier, de la prise en compte par le gouvernement et le Parlement des exigences du long terme. – Il sera un protecteur de l’indépendance du pouvoir: l’exécutif, le législatif et la justice, ainsi que des droits fondamentaux définis par la Constitution et les traités internationaux. – Il aura le pouvoir de solliciter tous les autres pouvoirs constitués (gouvernement, Parlement, Cour constitutionnelle, Conseil supérieur de la magistrature, Procureur général de la nation) et jouera un rôle d’arbitre en conservant le droit Démocratie réinventée et égalité des territoires
  • 88. BIEN VIVRE 174 175 chacune des décisions: celles-ci y gagneront en qualité et en légitimité. VI. Réforme des modes de scrutin On ne peut diriger un pays moderne avec des règles qui datent du temps où la stabilité de la République était incertaine. Nos modes de scrutin sont les héritiers de notre histoire tourmentée depuis la Ire République. Nous devons les réviser et permettre une représentativité politique réelle. Nous proposons: – L’extension de la proportionnelle à tous les scrutins. – Pour les élections locales, une élection à deux tours avec une prime majoritaire de 25% pour la liste arrivée en tête au second tour. – Pour l’élection des député.e.s, une moitié élue dans les circonscriptions au scrutin uninominal majoritaire à deux tours et la moitié restante sur une liste nationale compensatoire permettant de rétablir la proportionnelle sur la base des résultats du premier tour de la liste nationale. – Le suffrage universel direct pour élire les membres du Sénat en même temps que les élections régionales, sur une liste régionale complémentaire, sur un seul tour. – La reconnaissance du vote blanc. VII. Limitation des cumuls de mandats La confiscation du pouvoir dans le temps et l’espace par une poignée d’élu.e.s a généré des potentats locaux ou régionaux; le cumul est aussi IV. Enfin une réforme du Sénat! Le Sénat, dont la réforme fut voulue par nombre de présidents depuis l’instauration de la Ve République, ne doit plus être un supplétif de l’Assemblée nationale. Nous proposons: – Transformé en chambre des Régions, le Sénat sera le gardien du principe de subsidiarité : chaque territoire obtiendra la liberté de gérer ce qui le concerne, sans intervention centralisatrice. – Il disposera de pouvoirs législatifs et de contrôles spécifiques relatifs à l’organisation territoriale de la République, s’agissant à la fois des règles régissant les compétences des collectivités territoriales, des conditions de leur autonomie normative et financière et de l’organisation de la solidarité financière entre territoires. V. Des instances de contrôle de la République indépendantes du pouvoir La séparation des pouvoirs passe aussi par les moyens de contrôler la République. Nous proposons: – Le Conseil constitutionnel évoluera vers une Cour constitutionnelle garante des droits fondamentaux. Elle n’inclura pas les anciens présidents de la République. Ses membres seront élu.e.s par une majorité qualifiée de parlementaires sur proposition des président.e.s des assemblées. – Les juges constitutionnels auront le droit de produire des «opinions dissidentes» annexées à Démocratie réinventée et égalité des territoires
  • 89. BIEN VIVRE 176 177 Nous proposons: – Tout parti qui ne présentera pas 50% de femmes candidates aux élections verra son financement public entièrement suspendu, y compris pour les têtes de liste pour les élections proportionnelles. Pour aller vers une parité de résultat, tout parti qui n’aura pas au moins 40% de femmes parmi ses représentant.e.s élu.e.s verra son financement public diminué. Ces pénalités seront proportionnelles au manquement à l’obligation légale. – Un véritable statut de l’élu.e permettra de mieux concilier activité professionnelle et exercice d’un mandat. Il permettra aux élu.e.s de retrouver un emploi, d’offrir des niveaux d’indemnité suffisants pour, le cas échéant, un investissement à temps plein dans le mandat, et de favoriser la formation des nouveaux et nouvelles élu.e.s; – Le vote blanc sera reconnu, mais également comptabilisé dans les résultats d’un scrutin, ce qui lui donnera une véritable représentation. – Le droit de vote aux élections locales pour les résident.e.s étranger.ère.s présent.e.s depuis cinq ans sur le territoire national sera enfin unifié. X. La démocratie participative: citoyen.ne.s au plus près du pouvoir L’élection ne doit plus être la seule expres- sion de la démocratie: des outils participatifs et délibératifs (outre les budgets participatifs, les jurys citoyens et les conférences de consensus) seront largement diffusés, et la coélaboration des politiques publiques sera encouragée. La démo- cratie directe et délibérative sera donc enrichie. un frein à la représentation équitable des femmes et au renouveau du personnel politique. Nous proposons: – Les parlementaires nationaux et européens, les président.e.s d’exécutifs locaux, excepté les maires des communes de moins de 3500 habitants, ne pourront détenir plus d’un mandat. – Les membres du gouvernement devront abandonner leur mandat local durant l’exercice de leurs fonctions ministérielles. – Limiter dans le temps l’occupation d’un mandat permettra une véritable rotation des responsabilités et le renouvellement du personnel politique. VIII. Transparence de la vie politique Nous proposons: – De réduire certains avantages aux élu.e.s: voiture et logement de fonction supprimés, frais de mission plafonnés, réserve parlementaire justifiée du point de vue comptable, suppression des indemnités post-mandat, etc. – D’instaurer la transparence totale sur les rémunérations des élu.e.s. – De contrôler les situations de potentiels conflits d’intérêts entre fonction élective et professionnelle. IX. Une juste représentativité de tou.te.s Laparitédegenre,ladiversitédanslareprésen- tation, le droit de vote des étranger.ère.s non com- munautaires aux élections locales: les promesses faites en ce sens lors des élections – mais oubliées après la victoire – doivent enfin être appliquées. Démocratie réinventée et égalité des territoires
  • 90. BIEN VIVRE 178 179 redistribuées entre la région, l’intercommunalité et les communes. – Les intercommunalités seront transformées en collectivités de plein exercice, et leurs membres élu.e.s au suffrage universel direct par scrutins de listes proportionnelles. – Seront renforcés les conseils de développement, issus de la loi Voynet, et les CESR (conseils économiques et sociaux régionaux), notamment en matière de budget participatif. – Une réflexion sera menée sur le fonctionnement des collectivités territoriales, afin de repenser le pouvoir des président.e.s d’exécutifs, de diminuer la prime majoritaire et de redéfinir les droits des élu.e.s minoritaires. – Les langues régionales et minoritaires: depuis 2008, l’article 75-1 de la Constitution reconnaît certes l’existence des langues régionales, mais seulement en tant que patrimoine, et il n’a débouché sur aucune modification législative. Nous revendiquons la possibilité du bilinguisme dans tous les secteurs et les régions historiquement concernées. Il s’agit, d’autre part, de permettre aux langues parlées par des populations migrantes d’être transmises en toute dignité à leur descendance. Après la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires inscrite dans la Constitution, une loi sera votée, établissant un statut stable et ambitieux assurant l’utilisation des langues régionales dans l’enseignement, les médias, etc. – Nous soutiendrons une langue neutre internationale telle que l’espéranto. – Nous généraliserons les conventions de citoyen.ne.s pour aider aux décisions majeures de politique publique. Nous proposons notamment: – L’initiative référendaire populaire et les procédures de débat public et de conférences de consensus seront simplifiées et, surtout, deviendront décisionnelles; – Un groupe de citoyen.ne.s représentant 1% de la population pourra réclamer un référendum. Parallèlement, sera instauré un droit d’interpellation populaire qui ouvrira la possibilité à une fraction de la population de faire inscrire par pétition une question à l’ordre du jour des assemblées délibératives (du conseil municipal à l’Assemblée nationale). XI. Décentraliser autrement: vers un fédéralisme différencié En 2012, nous demandions déjà que les régions soient redéfinies et leurs pouvoirs ren- forcés. Notre demande prenait en compte plu- sieurs facteurs : les échanges territoriaux, les bassins d’activités, les continuités naturelles, les cultures et sentiments d’appartenance ré- gionaux. La loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République), cependant, l’a malheureusement ignorée. Le résultat est un découpage sur la base d’une organisation dé- passée : le département, créé à la Révolution, est désormais inutile. Nous proposons: – Les moyens et compétences des régions seront augmentés pour devenir comparables à ceux de nos voisins européens. – Le conseil départemental sera supprimé. Ses compétences, notamment sociales, seront Démocratie réinventée et égalité des territoires
  • 91. BIEN VIVRE – Nous inscrirons la protection de notre environnement et des générations futures dans le marbre. Une Charte des communs et du long terme contraignante sera élaborée. Elle permettra de disposer d’un socle plus ambitieux et plus complet de droits fondamentaux relatifs à l’environnement que ceux prévus actuellement par la Charte de l’environnement. CINQUIÈME PARTIE L’EUROPE DANS LE MONDE
  • 92. 182 183 Pour les écologistes, l’Union européenne, et plus largement l’Europe, est le bon cadre pour faire face au capitalisme mondial financia- risé, au dumping social et environnemental, au dérèglement climatique, à la perte de biodiver- sité et à la surconsommation des ressources. En somme, pour promouvoir la démocratie, la paix, le respect des droits humains et la protection de l’environnement. Changer l’Europe est urgent! Nous, écolo- gistes, avons des propositions pour une sortie de crise, défendons un modèle social et écologique européen, et souhaitons faire de l’Europe une force motrice dans un monde de paix. Il ne sert à rien de regarder ailleurs: l’Union euro- péenne est en crise. Responsable de ne pas avoir su répondre aux attentes de ses citoyen.ne.s, elle a déçu et affaibli le désir d’un projet euro- péen construit sur l’union dans la diversité, la convergence des consciences européennes et la paix. Nous assistons aujourd’hui à la résurgence des frontières (suspension de Schengen et construction de murs au sein même de l’Union) et observons des tensions renouvelées. Sous l’effet de la «crise des dettes» européennes et de l’incapacité de construire une réponse com- mune ambitieuse au défi migratoire et à l’arrivée de réfugié.e.s fuyant des pays en guerre, l’Union se disloque entre nationalismes exacerbés et antieuropéens, de droite comme de gauche, par- tisans d’un statu quo intenable, et celles et ceux qui, comme nous, espèrent ouvrir une autre voie pour l’Europe. La sortie du Royaume-Uni de l’Union euro- péenne ainsi que l’arrêt des négociations avec la Turquie, suite aux dérives du président Erdogan, constituent un coup fort porté au projet euro- péen: d’une part car le précédent britannique dé- terminera l’avenir de l’Union, d’autre part car les nouvelles orientations politiques turques mettent en évidence la perte d’influence et l’affaissement des valeurs de l’Union. L’Europe dans le monde
  • 93. 184 185 I. Une Convention pour résoudre le blocage institutionnel et la défaillance démocratique Le retour des nationalismes et des égoïsmes, la résurgence des murs aux frontières ainsi que le repli nationaliste et les politiques liberticides des pays d’Europe centrale mettent en péril le pro- jet européen. Nous devons débloquer l’Union en lui redonnant les moyens de faire vraiment de la politique. Dans le cadre des traités actuels, les écologistes proposent: – Une démocratie accrue: mise en œuvre du droit d’enquête du Parlement européen, révision et ouverture de l’initiative citoyenne européenne, mise en place d’un carton vert pour les Parlements nationaux, examen par le Parlement français de toute prise de position française lors de ses négociations avec la Commission européenne. – Contre les conflits d’intérêts: encadrer le pantouflage des commissaires et des eurodéputé.e.s; protéger les lanceur.se.s d’alerte; instaurer une obligation de déclaration vérifiable d’intérêts financiers, associée à la création de codes déontologiques et de comités d’éthique pouvant avoir recours à des sanctions; interdire le cumul des postes d’eurodéputé.e et de lobbyiste; et rendre contraignant et transparent le registre des lobbys au sein de toutes les institutions européennes. – La fin de l’unanimité pour tous les sujets hors questions militaires, en utilisant l’article 48-7 du traité sur l’Union européenne, qui prévoit explicitement cette possibilité. 1. REFONDER L’EUROPE: UN PLAN POLITIQUE DE SORTIE DE CRISE Refonder l’Europe? C’est possible et urgent. Les écologistes souhaitent une profonde réforme des traités, dans un vaste mouvement de démocra- tisation: au-delà des institutions, une démocra- tisation des droits! Mais nous pouvons déjà agir dans le cadre des traités actuels. C’est notre pre- mière ambition. Nous devons tracer une feuille de route précise, permettant de répondre à la fois au besoin criant de solidarité au sein de l’Union, à la nécessaire transition écologique et à la crise démocratique. Dans un premier temps, dès 2017, les éco- logistes proposent une grande Convention pour l’Union européenne. Cette Convention, qui pour- rait être sollicitée par la France, permettrait d’en- gager de profondes réformes sans attendre une refonte des traités, afin de mettre fin à la paralysie des veto, d’améliorer l’engagement des citoyens et de permettre à l’Union d’agir dans un certain nombre de domaines essentiels. Dans un second temps, nous devons ré- pondre à la crise des dettes européennes et créer les moyens d’une véritable solidarité, notamment au sein de la zone euro et entre les citoyen.ne.s. Enfin, nous appelons à faire des élections euro- péennes de 2019 une Constituante européenne, visant à faire de l’Union un véritable projet poli- tique reposant sur la démocratie, l’écologie et la solidarité, plutôt qu’un projet seulement économique. L’Europe dans le monde
  • 94. BIEN VIVRE 186 187 d’arbitrage privés. Si ces accords sont adoptés et mis en œuvre, ils nuiront aux réglementations sociales, fiscales et environnementales. Il est grand temps de mettre fin aux traités Tafta, Ceta et Tisa avec les États-Unis et le Canada sur les biens et les services. II. Sortir de l’austérité: placer l’humain et la planète au cœur des mécanismes de solidarité et de contrôle La crise des dettes européennes depuis 2007, le taux de chômage élevé en Europe, no- tamment chez les jeunes, l’écroulement écono- mique des pays du sud de l’Europe, dont le plus critique est la Grèce, l’accaparement de la démo- cratie par la Troïka (Banque centrale européenne, Fonds monétaire international et Commission eu- ropéenne) et les banques obligent l’Union euro- péenne à réviser de fond en comble sa politique économique et monétaire. Les écologistes proposent: – Une conférence pour répondre aux conséquences économiques, sociales et environnementales de la crise des dettes, un audit et une mutualisation progressive des dettes publiques et des taux d’intérêt. Il ne suffit pas de sauver les banques: nous devons amorcer une véritable solidarité au niveau européen, rejeter la mise en concurrence des budgets publics et des salarié.e.s. Une Conférence pour les dettes sera organisée, qui aura notamment pour but de restructurer la dette grecque, voire d’en annuler une partie «non légitime et odieuse», et de modifier les critères du semestre européen. – Les traités actuels dictent des objectifs et des orientations politiques qui condamnent notre capacité à agir politiquement. Les écologistes appellent à l’utilisation de l’article 352 (qui permet de légiférer sans base légale si nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Union), afin de prendre un certain nombre d’initiatives législatives essentielles. – L’élargissement du rôle du Parlement européen et la transparence dans la gouvernance économique de l’Union: les orientations économiques de la Commission européenne doivent être débattues et adoptées par le Parlement européen, qui doit être associé à chaque étape de la construction des semestres européens (cycles de coordination des politiques économiques), en particulier dans le cadre de l’adoption des recommandations par pays, des programmes de partenariat économique, des plans d’action corrective et des sanctions. Les rencontres de l’Eurogroupe et du Mécanisme de stabilité doivent être rendues publiques et présentées devant le Parlement européen. – Faire du président de l’Eurogroupe le président du Conseil pour les affaires économiques et financières (Ecofin) et le vice-président de la Commission européenne, reconnectant ainsi les décisions prises au sein de l’Eurogroupe avec le Parlement européen et la représentation des citoyen.ne.s. Ce président serait élu par les ministres des Finances des pays membres, mais redevable devant le Parlement européen et destituable par celui-ci. – Mettre fin aux accords de libre-échange, qui donnent le pouvoir aux multinationales plutôt qu’aux citoyen.ne.s en permettant à ces firmes de recourir à des règles instaurées par des tribunaux L’Europe dans le monde
  • 95. BIEN VIVRE 188 189 dérivés et la vente à découvert, l’augmentation des fonds propres par augmentation de capital sans pondération, la taxation spécifique des dividendes bancaires, une taxe sur les transactions financières qui deviendrait l’un des pans des ressources propres pour l’Europe et pourrait financer la transition écologique. – Un véritable fédéralisme économique, à travers la création des institutions manquantes, comme un Trésor public européen ayant la capacité d’émettre et de gérer une dette publique européenne, et une agence européenne des banques pour coordonner leurs activités et réduire les risques de stress systémique et de faillites bancaires. – Lancer l’harmonisation fiscale pour une politique sociale plus juste. Sans convergence et transparence fiscales, la concurrence entre les États membres ne cessera pas. Les écologistes appellent donc à la mise en place d’une assiette consolidée pour l’impôt des sociétés, avec progressivement une convergence des taux. Dans le même temps, nous demandons une réelle transparence fiscale, c’est-à-dire un reporting public pays par pays de toutes les entreprises opérant en Europe, afin que nous sachions exactement où sont réalisés les chiffres d’affaires, où sont déclarés les bénéfices et où sont payés les impôts. – Lutter contre le dumping social: renforcer la protection sociale européenne, notamment en augmentant considérablement les sommes allouées au Fonds européen pour les plus démuni.e.s, travailler avec les partenaires sociaux à la convergence des salaires et à l’instauration d’un salaire minimum; lutter contre le dumping – De faire valoir la solidarité, les droits humains et les exigences environnementales au sein du semestre européen. La procédure de contrôle et de surveillance des équilibres macroéconomiques de l’Union, intégrée aux réunions du semestre européen, doit être réformée pour intégrer de nouveaux indicateurs relatifs au revenu des ménages, aux taux de pauvreté et de chômage des jeunes, au développement durable et à l’innovation. L’Agence européenne de l’environnement et l’Agence européenne des droits fondamentaux devront être associées aux processus ex-ante et ex-post. Enfin, des volets sur l’emploi et le chômage doivent être intégrés aux rapports annuels par pays produits par la Commission européenne – Un budget pour agir: l’Union européenne manque encore d’un budget propre. L’instauration d’une taxe sur les transactions financières, d’une taxe carbone aux frontières et le relèvement du plafond du budget européen sont trois premières initiatives pouvant être prises à traités constants, qui permettront à l’Union de mettre en place des politiques de protection des citoyen.ne.s les plus exclu.e.s, d’accueillir les réfugié.e.s et de relancer l’investissement dans la transition écologique en Europe. Nous devons mobiliser le Plan Juncker vers une priorité: la transition énergétique et la promotion des renouvelables. En parallèle, devra être créée une taxe carbone et devront cesser les investissements carbone. La politique monétaire de Quantitative Easing (rachat massif de dettes) menée par la BCE devra être réorientée vers le financement de la transition écologique et sociale. – La mise au pas de la finance: l’arrêt, donc l’interdiction, des spéculations sur les produits L’Europe dans le monde
  • 96. BIEN VIVRE 190 191 basée sur trois piliers majeurs: démocratie, droits humains et environnement. Notre démocratie doit désormais intégrer pleinement la responsabilité de l’humain vis-à-vis de la nature, et considérer cette dernière comme un véritable partenaire. Les écologistes proposent: – D’élire une Assemblée constituante en 2019 pour rédiger un traité qui devra être validé par référendum européen avec un résultat à la double majorité qualifiée des citoyens et des États membres. Cette Constitution devra être un texte relativement court qui se cantonne à déterminer les pouvoirs et les compétences des différentes institutions et les modalités décisionnelles. Toutes les dispositions relevant des politiques de l’Union devront faire l’objet de textes de loi (lois organiques, par exemple). La Constituante devra avoir pour mandat d’organiser la séparation des pouvoirs, d’introduire dans le corpus constitutionnel les droits et libertés fondamentales et d’édicter les objectifs de l’Union. – De refonder les traités: l’Union européenne a fait fausse route en érigeant des politiques économiques au rang de règles fondamentales. Les écologistes demandent à mettre fin au traité de Lisbonne et souhaitent que la nouvelle Constitution européenne intègre trois socles de droits et de règles de fonctionnement, concernant la démocratie et les droits politiques, les droits humains et sociaux, et un traité environnemental garantissant le respect et la protection de l’environnement et des écosystèmes. Ce traité environnemental, qui remplacera le pacte de stabilité et de croissance ainsi que les critères de Maastricht, qui encadrent environnemental: établir une taxation harmonisée, améliorer les règles civiles et pénales et promouvoir des investissements verts. – Améliorer la mobilité professionnelle en Europe, notamment en améliorant la reconnaissance des qualifications et en favorisant le recours aux protections sociales européennes. – Sanctionner les États membres refusant d’accueillir des réfugié.e.s. Les pays du sud et de l’est de l’Europe, zones frontières, sont à l’heure actuelle les territoires d’arrivée des flux de réfugié.e.s. Tandis que l’Est se protège en bâtissant des murs, le Sud en appelle à la solidarité européenne pour mieux répartir les arrivants, répartition nécessaire à l’octroi de conditions de vie acceptables pour ces personnes, dans le respect de la Convention de Genève. Le refus de certains pays d’accueillir les quotas de réfugié.e.s adoptés par l’Union européenne doit être sanctionné par une réduction des fonds structurels européens. III. 2019, une Constituante pour refonder les traités sur un triptyque constitutionnel: démocratie, droits humains et environnement En dehors des modifications qui peuvent être apportées immédiatement, nous souhaitons l’élection d’une Assemblée constituante pour une refondation complète du cadre institutionnel ac- tuel. La logique de cette refondation ne doit pas reposer sur un discours axé sur «plus d’Europe» (expression qui n’a pas beaucoup de sens) mais sur «plus de démocratie». Nous avons besoin de refonder les traités! Nous revendiquons pour l’Europe une Constitution L’Europe dans le monde
  • 97. BIEN VIVRE 192 193 2. L’EUROPE QUE NOUS VOULONS L’Europe que nous désirons est démocratique, écologique, solidaire, innovante. Un plan de sortie de crise est aujourd’hui indispensable afin d’éviter la dislocation de l’Union européenne. I. Une Europe inclusive Notre Europe est profondément inclusive. Elle refuse le nivellement des conditions de vie par le bas. Face à la crise du chômage dans plusieurs États membres, notamment dans les pays du Sud, face à l’aggravation de la pauvreté, y compris dans les pays les plus riches, face au délitement des libertés dans certains États, les écologistes promeuvent: – Un socle de protection sociale européen. Pour répondre à la promesse de prospérité partagée, l’UE doit se doter de mécanismes efficaces pour combattre les inégalités socio-économiques. Pour ce faire, les écologistes soutiennent la mise en place d’une assurance chômage européenne en plusieurs phases. Tout d’abord, l’établissement d’un socle de protection visant à garantir un niveau minimal de protection dans tous les États, puis, à terme, au travers de la création d’un véritable instrument budgétaire de la zone euro, une assurance chômage organisée à l’échelle de la zone euro. Seront également réalisés: la convergence des salaires, avec mise en place d’un revenu minimum européen et d’un revenu maximum; la convergence des protections sociales, avec notamment la mise en place d’un accompagnement à l’emploi pour chaque citoyen aujourd’hui l’économie européenne, engagera l’Union sur l’objectif de la conversion écologique de notre économie et de la protection de l’environnement, et sur sa transformation sociale. La nouvelle Union européenne disposera alors de nouveaux objectifs financiers, complétés par des critères sociaux et environnementaux: réduction de l’empreinte écologique, emploi pour tou.te.s, lutte contre le réchauffement climatique, diminution du taux de pauvreté, indicateur de développement humain, aide publique au développement, etc. – De mettre en place en 2019 des élections vraiment européennes: un tiers des député.e.s européen.ne.s devront être élu.e.s sur la base de listes transnationales, dont les têtes de liste correspondraient aux candidat.e.s des partis européens à la présidence de la Commission. Dans l’attente d’un accord européen sur cette réforme, la France devra supprimer le système d’élection par eurorégions et revenir à un mode de scrutin national. Les commissaires européen.ne.s seront élu.e.s parmi les député.e.s européen.ne.s, qui pourront également les destituer. Les parlementaires européen.ne.s auront le droit de porter des initiatives et des projets de loi pour l’Union européenne.
  • 98. BIEN VIVRE 194 195 l’intérêt général de tou.te.s les citoyen.ne.s euro- péen.ne.s tout en respectant les réalités locales et régionales. Nous prônons une élaboration dé- mocratique de la future Constitution de l’Europe à travers une Constituante élue dès 2019. Lors de cette Constituante, nous défendrons une Europe fédérale avec les préconisations suivantes: – Un régime parlementaire et bicaméral. Le Conseil de l’Union européenne (dit «des ministres») sera redéfini comme une véritable seconde chambre représentant les États (ou des ensembles infra- nationaux en fonction de l’organisation propre des différentes régions de l’Union), ses membres devant être des personnes identifiables par les citoyen.ne.s, dédiées exclusivement à cette mission et siégeant à temps plein. Chaque État détermine le mode de désignation de ses membres. En outre, la réunion des chefs d’État et de gouvernement, dont les décisions sont bridées par la règle de l’unanimité, doit revenir à son rôle d’instance de débat, d’analyse et de prospective. Le Conseil européen disparaît ainsi pour devenir éventuellement une émanation temporaire du Conseil, une formation spéciale, tout comme l’Eurogroupe disparaît. – Le pouvoir exécutif européen devra être confié, sans ambiguïté, à la Commission, rebaptisée Gouvernement européen et élue par le Parlement européen sur une majorité politique claire et respectant le principe de la parité femmes-hommes, les commissaires étant proposés par le président de la Commission dans une démarche de constitution d’un gouvernement, sur la seule base de leurs compétences, sans considération de leur origine nationale. Le nombre de commissaires n’est pas européen; un socle commun de droits sociaux; un moratoire sur toute nouvelle libéralisation des services publics ou d’intérêt général; ainsi qu’une clause de non-régression sociale permettant une harmonisation sociale par le haut. Ces revenus minimums européens seraient fixés en fonction des revenus moyens nationaux, par exemple 60% du salaire moyen pour le salaire minimum ou pour les retraites, etc. – Une politique commune de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et le renforcement par la loi de la vérification du respect des engagements pris par les entreprises européennes. La consolidation progressive par la loi des avancées en matière sociale et environnementale de ces entreprises sera également un gage d’amélioration des pratiques, d’éthique et de transformation des processus de production au sein et en dehors de l’Union. – L’initiative citoyenne européenne, pensée comme un véritable outil de participation. Son introduction dans le traité de Lisbonne était une grande avancée. Malheureusement, aucune initiative citoyenne européenne ayant réuni le nombre de signatures nécessaires n’a abouti à une proposition législative. Dès lors, les citoyen.ne.s se sont détourné.e.s de cet outil. Il faut donc réviser son règlement, notamment en introduisant une obligation pour la Commission européenne d’agir lorsqu’une initiative atteint le nombre requis de signatures. II. Une Europe fédérale Les écologistes appellent à la transformation de l’Union pour une véritable démocratie parle- mentaire et fédérale, seule à même de garantir L’Europe dans le monde
  • 99. BIEN VIVRE 196 197 – Certaines compétences relèveront exclusivement de l’Union, d’autres exclusivement des États, le reste sera partagé. Les formulations ne devront pas être trop rigides, de sorte à permettre une certaine souplesse d’application. Le partage de compétences pourra évoluer. – Des coopérations renforcées plutôt qu’une Europe à la carte: nous rejetons l’idée d’une Europe où chacun pourrait venir faire son shopping, sans pour autant rejeter l’idée que des territoires puissent mettre en place des expérimentations, encadrées et organisées constitutionnellement, sur des sujets d’intérêt général qui ne recueillent pas encore la majorité au Conseil. Nous proposons une procédure de type coopération renforcée pour permettre la mise en place de «projets pilotes» ayant vocation par la suite à s’appliquer dans toute l’Union, et l’établissement d’un statut spécial pour les États hors UE souhaitant y être associés. III. Un budget, des ressources propres et une gouvernance financière assainie pour l’Europe L’Europe que nous voulons est au service du développement humain et de la protection de l’en- vironnement. C’est une Europe des peuples, dont les citoyen.ne.s sont libres de circuler et d’échan- ger. La fiscalité que nous voulons ne sert pas seu- lement à faire entrer de l’argent dans les caisses de l’UE, elle sert aussi à orienter les choix éco- nomiques vers le non-gaspillage des ressources, à réduire les inégalités et à limiter la concentra- tion des pouvoirs au profit de quelques entités (groupes bancaires, industriels ou commerciaux) qui sont devenues plus puissantes que les États. fixe mais dépend des choix politiques effectués. Le président est désigné par le Parlement et le collège est approuvé à la suite d’un processus d’audition. La Commission devra aussi être dotée d’une véritable administration de terrain, agissant dans les régions et pas uniquement au niveau fédéral. Le Parlement peut voter une motion de censure pour dissoudre le gouvernement (majorité similaire à celle de l’approbation), et le gouvernement peut aussi dissoudre le Parlement (principe d’équilibre caractéristique d’un régime parlementaire). – La codécision généralisée: un rééquilibrage des pouvoirs entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, qui doivent être dotés de forces de décision et d’initiative identiques. La saisine de la Cour sera ouverte à un nombre fixe de parlementaires, tandis qu’un contrôle de constitutionnalité sera créé. – Les deux comités consultatifs européens verront leur légitimité renforcée: les membres du Comité des régions (CDR) seront désignés au sein des associations nationales d’élu.e.s régionaux, tandis que les membres du Comité économique et social européen (CESE) seront désignés par les grandes fédérations européennes syndicales, professionnelles et associatives. – Le parquet européen devra faire respecter sur l’ensemble du territoire de l’Union la protection de l’environnement et les droits et libertés garantis au niveau européen. Ce pôle de justice sera accompagné d’un contrôle démocratique et citoyen de l’ensemble des organes de coopération de police et de justice, afin de vérifier que ceux-ci respectent bien les libertés publiques et ne contribuent pas à construire une Europe forteresse. L’Europe dans le monde
  • 100. BIEN VIVRE 198 199 résultat imposable, plutôt qu’aux différents régimes propres à chacun des États membres dans lesquels l’activité est exercée. – Sauf accords particuliers, une préférence sociale et environnementale aux frontières de l’Europe sera instaurée. Les produits entrants seront taxés à hauteur de ce qu’ils auraient coûté s’ils avaient respecté les clauses environnementales des accords multilatéraux sur l’environnement et les accords de l’Organisation internationale du travail. Par ailleurs, une TVA à 0% sera mise en place sur les produits alimentaires de première nécessité et élaborés dans la proximité. – Une union monétaire intégrée, dotée de politiques communes et de mécanismes automatiques de stabilisation au sein de l’Eurozone. Les dettes souveraines seront transmises au niveau communautaire, nécessitant une modification des traités actuels ainsi que de certaines constitutions nationales. – Un mécanisme de mutualisation pour faire face aux chocs affectant l’union monétaire (crise financière) ou des chocs asymétriques (catastrophe naturelle, éclatement d’une bulle spécifique, etc.), plutôt qu’un ajustement reposant uniquement sur les taux de dévaluation. IV. Un Green New Deal et la relocalisation européenne: des investissements pour l’innovation, l’écologie et l’emploi L’Union européenne ne peut vivre sans inves- tissements tournés vers l’avenir: harmonisation des conditions de vie, construction des infras- tructures et des emplois de demain, transition Les écologistes proposent: – Un budget pour de véritables politiques: il faut relever le plafonnement du budget européen de 1,24% à 5% du RNB. Par ailleurs, nous appelons à la mise en place d’un système réel de financement du budget par des ressources propres, qui devront remplacer le système actuel, majoritairement fondé sur les contributions nationales, qui ne fait qu’accentuer le caractère intergouvernemental des négociations budgétaires au détriment de l’intérêt général. Parmi les ressources propres que nous appelons de nos vœux, figurent une TVA européenne, une taxe carbone aux frontières et une taxe sur les transactions financières. – Un impôt pour financer la solidarité fédérale, accompagné d’une harmonisation fiscale européenne, rendue possible par l’application du mécanisme de codécision, en remplacement de l’unanimité actuellement requise en la matière. Il viendra en substitution de l’essentiel des contributions nationales et aura pour assiette les bénéfices des sociétés multinationales, les revenus financiers, les transactions financières et les activités polluantes (taxe carbone, taxe sur les déchets, y compris nucléaires, etc.). Le processus budgétaire devra être rendu transparent et démocratique, associant pleinement le Parlement, notamment en lui donnant le pouvoir de codécider des recettes. Nous agissons aussi pour l’introduction d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, afin de réduire la concurrence fiscale entre les États membres. Il s’agit, pour chaque entreprise présente dans plusieurs États membres, de se conformer à un seul régime fiscal au sein de l’UE pour calculer son L’Europe dans le monde
  • 101. BIEN VIVRE 200 201 (la Commission estime que l’Europe peut réduire sa consommation des ressources de 17%, soit 23 milliards d’euros d’économie par an et la création de 1,4 à 2,8 millions d’emplois) et enfin les services publics. Les priorités d’investissements, notamment géographiques, seront élaborées avec l’ensemble des États membres, la société civile et les Agences européennes des droits fondamentaux et de l’environnement. – Un plan d’industrialisation écologique pour l’Europe. Aujourd’hui, l’industrie européenne ne pèse que 12% du PIB européen. Nous visons l’objectif de la faire passer à 20%, en nous appuyant sur les industries d’avenir: énergies propres et renouvelables hors nucléaire; transports propres, notamment ferroviaire, et connexion de l’ensemble des zones européennes; économie circulaire et préservation des ressources via le réemploi, la réparation et le recyclage; et enfin industrie du numérique. Nous proposons la création de pôles industriels européens financés par des «project bounds», c’est-à-dire avec un financement européen mutuellement garanti et un pilotage supranational. La réindustrialisation européenne nécessite de sortir du principe, considéré comme absolu, de «concurrence libre et non faussée», afin de permettre la création d’une industrie européenne à même de faire face à ses concurrents mondiaux. Les États doivent être en mesure de coopérer pour faire naître des industries aussi rayonnantes que celle d’Airbus. Afin de créer cette industrie européenne, il est également nécessaire d’encadrer fortement les activités des entreprises industrielles multinationales. Ainsi, l’Union devra mettre en place des règles strictes à leur égard. énergétique et écologique visant à la protection des ressources et à la solidarité. Les écologistes ont accueilli avec prudence le plan Juncker d’investissements, qui visait, dans un premier temps, à réunir 315 milliards d’euros au sein du Fonds européen pour les investissements stratégiques. Face à la crise européenne, Jean- Claude Juncker a annoncé en septembre 2016 qu’il souhaitait doubler le montant et la durée pré- vus pour ce plan. Les écologistes proposent: – Un Green New Deal de 600 milliards d’euros d’investissements sur deux ans, afin de financer la transition écologique et sociale de l’Union. Cette somme proviendra pour un tiers du secteur public et pour deux tiers du secteur privé, à travers l’activation de crédits d’impôts différés et la mise en place d’un fonds d’épargne énergétique. Elle financera en priorité la mise en place d’une Union énergétique écologiste (efficacité énergétique et renouvelables), la relocalisation de l’économie, l’innovation sociale et écologique. Les investissements mobilisés dans ces domaines permettront aux États membres de s’approcher des objectifs (emploi, inclusion sociale, éducation, R & D, énergie/climat) adoptés dans le cadre de la Stratégie UE 2020. Ils permettront de créer un million d’emplois. Les rendements attendus sont tels qu’à terme le pouvoir d’achat des citoyen.ne.s sera augmenté et l’assainissement des finances publiques accéléré, voire consolidé. Les publics prioritaires ciblés par ce fonds seront: les Européen.ne.s en situation de précarité énergétique (actuellement 10 à 11%), les PME L’Europe dans le monde
  • 102. BIEN VIVRE 202 Notamment: la récupération des aides publiques, y compris européennes, lorsque les entreprises usent de licenciements abusifs; la suspension des aides publiques, y compris européennes, lorsque les dividendes y sont excessifs ou les écarts de salaires disproportionnés; la suppression des exonérations fiscales non liées à la création d’emplois ou à la transition écologique. L’Union européenne devra également limiter les montages fiscaux abusifs par une plus grande coopération entre les États membres, instaurer des droits de douane sociaux et environnementaux aux frontières européennes et établir une cellule d’anticipation et de prévention des restructurations d’industries. – Pour l’industrie et les entreprises européennes: des règles de responsabilité écologique et sociale. Nous proposons que de 1,5 à 2% du PIB européen soit investi dans le financement de la transition écologique, avec des ambitions fortes de réduction des émissions de CO2 à l’horizon 2020. L’ensemble des politiques européennes devront être revues à cette aune, et dans le respect du traité environnemental constitutionnel à mettre en place. L’Union énergétique écologiste aura vocation à remplacer le traité Euratom et sera chargée de préparer un futur 100% sobre, efficace et renouvelable, notamment en améliorant l’organisation institutionnelle et le suivi des politiques énergétiques. Le financement de la recherche sur le nucléaire sera réorienté. L’industrie européenne a besoin d’être protégée. Afin d’assurer sa transition écologique, un prix devra être rapidement donné au carbone, et des taxes douanières devront être instaurées sur l’empreinte écologique des biens importés. Afin d’assurer l’équité sociale au sein de l’Union, un travail d’harmonisation par le haut des salaires et des conditions de travail devra être entamé. Mais, surtout, l’Union européenne devra reconnaître le devoir de vigilance des sociétés-mères ou donneuses d’ordre pour prévenir les violations graves des droits humains ou environnementaux liées à leur activité; promouvoir un haut standard de RSE comme valeur ajoutée des entreprises françaises et européennes sur les marchés publics internationaux d’infrastructures ou d’exploitation extractives; et stopper toute subvention à l’exportation de biens ou de services polluants. L’Europe dans le monde
  • 103. SIXIÈME PARTIE VERS UN MONDE DE PAIX ET DE JUSTICE SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE
  • 104. 206 207 le terreau sur lequel se développe la violence armée. Ces bouleversements s’accompagnent d’une quadruple crise: environnementale, économique, sociale et démocratique. Réchauffement clima- tique, fin des énergies fossiles, pollutions, cap- tation et raréfaction des ressources naturelles, accélérées par la mondialisation, nous obligent encore davantage à une réflexion transnationale. Les exemples foisonnent: délocalisations indus- trielles, exportations agricoles, imposition des politiques d’immigration du Nord sur «les Suds», jonction des mouvements djihadistes, etc. Dans cette période de chaos, le capita- lisme financier ultralibéral et ses fonds divers spéculent à tout-va, déstabilisant pays ou sec- teurs entiers, les multinationales intensifient leur course aux matériaux rares, détruisant l’environnement de populations entières. Dans cette guerre économique, les luttes de peuples secouent de nombreuses régions de la planète. Mais la répression, le manque de soutien des pays occidentaux, l’héritage traumatique des guerres du Moyen-Orient, les inégalités et l’extrémisme religieux ont abouti au djihadisme. Sauf exception, les régimes autoritaires se renforcent, dans une compétition féroce pour l’hégémonie régionale. De grandes incertitudes s’installent, notamment parce que de plus en plus d’États pauvres ou en crise sont dépossédés de leur souveraineté économique par les multi- nationales, mais également de leurs fonctions régaliennes par des groupes et des institutions financières internationaux qui finissent par en faire des États faillis. En ce début du XXIe siècle, le monde est caractérisé par de grands bouleversements géopolitiques, qui brouillent les repères et accroissent les incer- titudes. Ils résultent d’abord de la disparition du monde bipolaire issu de la Guerre froide, auquel a succédé une période centrée sur l’hyperpuissance américaine, elle-même bousculée depuis la fin des années 1990 par l’ascension des puissances émergentes (les Brics: Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), annonçant un nouvel ordre multipolaire. En plus des États, il faut aussi compter avec le poids croissant d’autres acteurs comme les organisations internationales, les or- ganisations non gouvernementales, les collectivi- tés locales et les firmes transnationales. Mais on constate aussi un foisonnement de mouvements sociaux et citoyens qui se battent pour une société plus juste, pour plus de liberté et une démocratie réelle. Tous ces mouvements au Nord et au Sud remettent en question la mar- chandisation des échanges, la déréglementation généralisée, l’inégalité de la répartition des ri- chesses et la destruction de l’environnement. La fin du « gendarme » unique, la multiplicité des acteurs, la multiplication de nouveaux foyers de conflits se superposant à d’anciens non réglés minent encore un peu plus la crédibilité des institutions internationales et des États. C’est Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
  • 105. BIEN VIVRE 208 209 1. POUR UNE DÉMOCRATIE GLOBALE I. Redonner une place centrale aux Nations unies et au droit international, engager la dissolution à terme du G8 et du G20, et instaurer un contrat social mondial Le G8 et le G20, organisations à très faible légitimité démocratique, décident aujourd’hui de la guerre et de la paix mondiales, des modèles de société et des politiques économiques. La France devra défendre l’Organisation des Nations unies comme élément central de la gouvernance mondiale, notamment par la revalorisation du rôle de l’Assemblée générale, par une réforme de son Conseil de sécurité pour une meilleure représentation des pays du Sud et émergents, et par sa capacité à faire appliquer ses propres résolutions et le droit international. Cela sup- pose des ratifications des États qui soient oppo- sables et contraignantes, et des organismes de règlement des différends aux décisions réelle- ment exécutoires (a contrario de l’ORD, l’instance d’arbitrage de l’OMC). Les législations nationales et européennes doivent néanmoins anticiper, démontrer et inciter au droit international auquel nous aspirons. Et les États doivent enfin respecter leurs engagements internationaux. Sur le plan économique et financier, la France et l’Union européenne doivent promou- voir une gouvernance mondiale régulée, avec des ensembles régionaux économiques et monétaires plus homogènes, une responsabilisation des parties prenantes et la gestion internationale de la dette. Les décisions de la gouvernance Dans ce contexte, la diplomatie française, entre 2012 et 2017, a privilégié des interventions militaires, sans s’attaquer aux causes. Au contraire, elle a favorisé l’économique et le com- mercial, c’est-à-dire une politique d’exportation pour booster la sacro-sainte croissance: agricul- ture, gaz de schiste en Algérie, Rafales en Égypte, EPR en Iran, ventes d’armes en arabie Saoudite… Le tout conjugué au soutien de plusieurs dicta- tures en Afrique ou au Moyen-Orient. Pourtant, dans les pays du Sud, l’écologie n’apparaît plus comme un luxe de pays riches, mais comme vitale. Leur participation et leur contribution aux COP 21 et 22 l’ont souligné. Ils subissent de plein fouet les maux inhérents au productivisme: industrie extractive, déforestation, sécheresse, exploitation barbare. Et les pires conséquences des émissions de gaz à effet de serre, dont ils sont les moins responsables. Une autre politique internationale, une autre coopération, une autre diplomatie, une autre défense de la France et de l’Europe dans le monde sont nécessaires pour l’avenir commun des peuples et un projet de société enviable.
  • 106. BIEN VIVRE 210 211 niches, l’évasion et le dumping fiscaux, qui per- mettent aux multinationales d’échapper à l’impôt, comme la quasi-absence de redevance du sec- teur des transports représentent un dramatique manque à gagner pour tous les pays, mais encore plus pour les pays les plus pauvres. Les États n’ont plus les moyens de pourvoir aux besoins des populations, les services publics sont sacrifiés, le recours à l’emprunt pour des ser- vices et infrastructures de base qui doivent rester non marchands (éducation, santé, justice…) re- lance le cercle vicieux de la dette. Il s’agit d’initier une fiscalité globale, homogène et transparente, pour la proposer progressivement à l’ensemble de la planète. II. Lutter contre la criminalité internationale, politique et militaire La France devra défendre et pratiquer une diplomatie active de lutte contre les dictatures et les régimes autoritaires, et de solidarité avec les mouvements d’émancipation. La succession des élections en Afrique (plus de seize en une année), où les peuples se sont révoltés contre le maintien de présidents à vie ou héréditaires, a montré que des élections sans respect des règles ne peuvent être qualifiées de démocratiques. Elle a aussi souligné le manque de pugnacité du gouverne- ment français et de la Commission européenne pour dénoncer ces dénis démocratiques et les répressions qui les ont accompagnés. La France devra solliciter la Cour pénale internationale (CPI) dès lors que des crimes de guerre auront été suspectés, à l’instar de la économique mondiale doivent ainsi être compa- tibles avec les règles de l’Organisation internatio- nale du travail, de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Unesco. Les 17 Objectifs du développement durable (ODD) 2015-2030 de l’ONU, signés par 193 pays, devront être le cadre d’action majeur pour la di- plomatie française et européenne. Les politiques publiques françaises et européennes devront être mises en cohérence entre elles et avec l’Agenda 2030. La coopération internationale, notamment, devra être cohérente avec la coopération pour le développement, qui doit privilégier – contraire- ment aux faits – les pays les plus pauvres, dits les moins avancés (PMA). Les ODD étant trans- versaux et la démarche holistique, les objectifs environnementaux ont une importance égale aux autres, car il n’y a pas de réduction durable de la pauvreté et d’accès aux droits sans préservation des écosystèmes locaux et mondiaux. Les droits fondamentaux des citoyen.ne.s du monde doivent être garantis par un «contrat so- cial mondial». Pour cela, il faudra mettre en place une fiscalité mondiale pour la planète. La taxa- tion des transactions (en particulier journalières) sur les marchés des changes financiers et bour- siers, mais aussi des profits des multinationales, des déchets nucléaires et des transports aériens et maritimes rapporterait 775 milliards de dollars hors taxe carbone. C’est-à-dire deux à trois fois les sommes nécessaires pour l’accès de tou.te.s aux droits fondamentaux et à la résilience climatique. La spéculation boursière, dont la volatilité journalière est une épée de Damoclès pour toutes les entreprises et les marchés mondiaux, les Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
  • 107. BIEN VIVRE 212 213 strict des marchés des matières premières, en particulier agricoles, et des produits dérivés; la suppression des paradis fiscaux et judiciaires; l’annulation des dettes illégitimes, en commençant par les pays les plus pauvres, et l’instauration d’une responsabilité mutuelle des créanciers et débiteurs publics et privés. Entre 2000 et 2014, les sommes placées dans les paradis fiscaux ont été multipliées par quatre. Syrie, en se saisissant aussi de l’extension, par la procureure de la CPI, de la notion de crimes de guerre aux destructions de l’environnement ayant entraîné des déplacements de population. Afin de préserver la crédibilité de la CPI, pierre d’achop- pement de l’architecture pénale internationale et de la lutte contre les violations graves des droits humains, la France devra se prémunir contre toute utilisation politique de la Cour, notamment dans les pays où elle est intervenue militairement. Elle pourra alors, en toute légitimité, participer aux débats pour une réforme de la CPI, afin que celle-ci regagne la confiance des pays qui sont aujourd’hui tentés de la quitter. L’enjeu, crucial, est de continuer à étendre l’emprise du droit hu- manitaire international et de le connecter aux vio- lations graves du droit environnemental. La France œuvrera également au renfor- cement de la lutte contre les délits économiques et financiers, contre l’impunité en cas de délits commis par les chefs d’État ou les élites inter- nationales. Il faut mettre un terme définitif à la Françafrique financière et militaire, aux valises de billets et aux trafics d’influence, prévenir et sanc- tionner les conflits d’intérêts des responsables po- litiques et des hauts fonctionnaires par une réelle coopération judiciaire et fiscale. Il faut assurer la restitution rapide des avoirs détournés aux pays spoliés (comme les «biens mal acquis»), selon un mécanisme qui empêche les gouvernants spolia- teurs de se les approprier de nouveau, avec notam- ment la création d’un fonds d’appui aux ONG, et en hébergeant les lanceur.se.s d’alerte de toute sorte. La France doit lutter contre la spéculation financière, notamment par un encadrement Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
  • 108. 214 215 matière de pollutions. L’exploitation des énergies fossiles et des minerais repose sur un travail inhumain, l’échange inégal, l’évasion fiscale, les trafics et la destruction de l’environnement. Qu’il s’agisse du pétrole en Amazonie, dans le golfe de Guinée, au Bahreïn, ou du coltan de nos portables en République démocratique du Congo, de l’uranium au Niger ou encore de l’or au Brésil, l’industrie extractive accentue ses pressions pour capter les dernières ressources naturelles afin de nourrir des sociétés de plus en plus énergivores, à n’importe quel prix, même celui de guerres. Hors les cas les plus graves, les atteintes majeures à l’environnement doivent ainsi pouvoir être sanctionnées. – De créer une Organisation mondiale de l’environnement (OME), dont les préconisations auront une valeur juridique supérieure à celles de l’OMC. Cette OME, à développer à partir de l’actuel Programme des nations unies pour l’environnement (Pnue), basé à Nairobi (Kenya), aurait vocation à centraliser, harmoniser et faire respecter les plus de 3 500 traités internationaux sur l’environnement qui existent aujourd’hui dans le monde. Il permettrait aussi d’améliorer les systèmes de co- élaboration des règles qui y sont relatives, comme celles de la police environnementale internationale, à des fins de contrôle, de suivi et de sanctions. – De généraliser la traçabilité des ressources et matières naturelles exploitées, à travers notamment les achats publics. – De créer une Agence internationale pour la régulation du commerce des minerais précieux, chargée de contrôler les produits importés (identification et certification de l’origine des 2. POUR UNE POLITIQUE MONDIALE DES COMMUNS ET DE JUSTICE SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE De l’eau au génome humain, les combats des peuples pour la préservation et la gestion collec- tive des communs ont émergé sur la scène inter- nationale. Un autre modèle de développement doit prévaloir pour la défense des communs globaux et la survie de l’humanité. Les écologistes proposent: – D’instituer une règle de protection des communs environnementaux (air, eau, sols, biodiversité, climat…) et de respect des limites planétaires. – D’éliminer plus ou moins progressivement, ou de réorienter, les activités qui enrichissent les uns et détériorent les conditions de vie des autres, humains ou non-humains. – De porter au niveau international la reconnaissance des droits des générations futures, rendant ainsi concret le principe de précaution et permettant de protéger les plus jeunes des atteintes à l’environnement ou à leur santé. – D’œuvrer à la reconnaissance de la notion de crime climatique et d’écocide par la Cour pénale internationale, permettant ainsi de condamner lourdement des personnes morales (États, entreprises, etc.). Les juridictions pénales nationales de l’UE doivent se doter d’une compétence universelle pour les atteintes graves à l’environnement survenues dans des pays tiers. – De reconnaître pénalement toutes les atteintes à la nature et de renforcer le droit international en Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
  • 109. BIEN VIVRE 216 217 en Inde, etc.), modifient les équilibres agricoles et provoquent migrations et conflits: en Syrie, en Turquie, en Israël-Palestine et dans l’ensemble du Moyen-Orient, dans les pays frontaliers du lac Tchad, dont le niveau est en constante dimi- nution, etc. Partout, le recours à la fracturation hydraulique, nécessaire à l’extraction du gaz de schiste (auquel participe une multinationale d’ori- gine française telle que Total), fait peser de gros risques de pollutions sur les ressources en eau. Les écologistes proposent: – de reconnaître en France, dans l’Union européenne et au niveau international l’eau patrimoine commun de l’humanité et commun environnemental non privatisable; – de garantir l’accès à l’eau potable pour chacun.e; – de refuser la gestion publique-privée (concession ou délégation) des programmes d’assainissement, de production et de distribution d’eau, et d’y substituer des partenariats publics; – de supprimer l’Accord général sur le commerce et les services (AGCS), qui a fait entrer l’eau dans le domaine marchand et impose d’avoir recours à des entreprises privées pour bénéficier de l’aide internationale; – de promouvoir un contrat mondial de l’eau, dont le respect serait garanti par une Autorité mondiale de l’eau (AME), indépendante et intégrée aux Nations unies, en lieu et place de l’actuel Conseil mondial de l’eau, mis en place par Veolia et Suez-Environnement. Enfin, la France signera les déclarations de l’OIT et de l’ONU sur les droits des peuples autochtones, notamment le droit à préserver leurs ressources, matières premières, traçabilité des transactions, transparence sur les marges, de la production à la distribution puis à la consommation). – D’accélérer le calendrier d’interdiction des minerais issus de zones de conflit (étain, tantale, tungstène, or): fixer cette interdiction en 2017 plutôt que d’attendre la date de 2021 fixée par l’Union européenne. – De tirer progressivement l’ensemble des importations et des échanges internationaux vers les normes du commerce équitable, par la transparence et la régulation. I. L’eau, un commun environnemental Dans le monde, 88% des maladies ont pour origine une consommation d’eau non potable, des installations sanitaires inadéquates ou encore une mauvaise hygiène. Chaque jour, 2 millions de tonnes de déchets sont déversées dans des cours d’eau. Soumises à la pollution du cœur des océans jusqu’à la sortie de notre robinet, l’eau et sa ges- tion sont un enjeu majeur. Ressource indispensable à l’accès très inégal, l’eau est devenue une marchandise aux mains de grands groupes internationaux. Elle se raréfie et des chercheurs évoquent régulièrement une pro- chaine «guerre de l’eau». Le gaspillage, les cultures industrielles et le réchauffement climatique ont provoqué des sécheresses sévères, qui ont affecté des superfi- cies presque deux fois plus importantes en 2015 que l’année précédente (14% contre 8%). Elles atteignent des records dans certaines régions du monde (Sahel, Sao Paulo au Brésil, Tamil Nadu Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
  • 110. BIEN VIVRE 218 219 – des transferts de technologie aux populations locales pour une énergie de remplacement renouvelable pour se loger et se nourrir, hors système REDD (Reducing Emissions from Deforestation and forest Degradation); – la valorisation économique des apports environnementaux et sociaux des forêts et des pratiques agroécologiques, dits «services écosystémiques». III. Cesser tout soutien aux énergies fossiles Pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C, 80% des énergies fossiles doivent impérativement rester dans le sol. La seule solu- tion raisonnable est d’interrompre les subven- tions aux industries extractives. Or, d’après une étude du Fonds monétaire international (FMI) de Mai 2016, 5 300 milliards de dollars par an (9,5 millions de dollars par minute) sont dépensés par les États pour soutenir les énergies fossiles, sous forme de subventions ou des externalités négatives qui y sont liées. Si 48 pays, parmi les plus pauvres, se sont engagés à produire de l’électricité sur la base d’énergies 100% renou- velables d’ici à 2050, un rapport d’Oil Change International estime que 14000 milliards de dol- lars devraient être injectés durant les vingt ans à venir pour de nouveaux forages, mines et infras- tructures de transports. Les écologistes proposent: – que la France cesse tout financement aux énergies fossiles passant par la Banque mondiale, la Coface ou l’Agence française de développement; et adhérera à la Convention européenne sur les minorités nationales. II. Les forêts Les forêts jouent un rôle écologique essentiel de retenue des sols, d’écrétage des crues, de filtra- tion de l’air et des eaux, de réserve de biodiversité, de captation du CO2 et de régulation climatique. La déforestationparticipepour20%auréchauffement climatique et à la destruction des habitats des peuples autochtones. Or, selon une étude de la FAO de 2015, quelque 129 millions d’hectares de forêts – presque la superficie de l’Afrique du Sud – ont été perdus depuis 1990. Aujourd’hui, des espaces forestiers sont dévastés pour installer des cultures industrielles rentables, comme les sojas transgéniques, les plantes à agrocarburants et les palmiers à huile en Argentine ou au Brésil, l’huile de palme en Malaisie, au Guatemala, etc. S’y ajoutent les me- sures, confirmées lors de l’Accord de Paris, qui per- mettent aux entreprises responsables d’émissions de gaz à effet de serre de les compenser par des plantations, quelles qu’elles soient, éventuelle- ment au détriment des cultures vivrières, pourtant indispensables pour atteindre la souveraineté ali- mentaire. Autre effet pervers: l’accaparement des terres par ces mêmes entreprises et des États, spoliant ainsi les petits agriculteurs. Les écologistes défendent: – la création d’une protection internationale des forêts contre l’exploitation pétrolière et minière et les cultures industrielles; Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
  • 111. BIEN VIVRE 220 221 en soutien aux populations locales, en particulier pour le non-déboisement et l’entretien des forêts tropicales. À cause d’une distribution massive de crédits carbone lors de la création du marché européen, le prix carbone est au plus bas et ne constitue pas une incitation à la réduction des émissions de gaz à effet de serre mais des droits spéculatifs à polluer. Le marché des crédits carbone doit pro- gressivement disparaître, comme le «mécanisme de développement propre» (MDP). Avec l’arrêt des subventions massives aux énergies fossiles et l’accompagnement social des plus précaires et vulnérables sur le plan énergétique, les taxations carbone doivent se multiplier. V. Mettre en place une véritable fiscalité écologique Afin de financer la transition écologique, nous souhaitons une fiscalité globale de protec- tion de l’environnement reposant sur le principe du pollueur-payeur. Cette fiscalité sera compen- sée par ailleurs et différenciée socialement. Sans attendre l’alignement des niveaux de taxation, les États les plus volontaires devraient déjà avancer ensemble sur cet aspect. VI. Diminuer les échanges inutiles et inéquitables, favoriser un commerce à faible impact sur l’environnement Cela se fera notamment à travers la mise en place d’une certification bas carbone et la reconnaissance de la responsabilité des – que l’État, actionnaire principal d’Engie (33%) et majoritaire d’EDF (84%), impose aux deux structures un plan de fermeture de leurs centrales à charbon en France et dans le monde à l’horizon 2020, et interdise tout nouveau projet d’exploitation des fossiles; – que les États et collectivités territoriales imposent aux secteurs bancaire et assurantiel le respect de leurs engagements climat; – que les gisements d’énergies fossiles soient reconnus comme des biens publics mondiaux. IV. Reconnaître la dette climatique et assumer la solidarité qui en découle La transition écologique nécessite le respect par la France et l’Union européenne des engage- ments pris en faveur de la lutte contre le chan- gement climatique et de l’adaptation des pays les plus vulnérables. Mais, selon l’OCDE, seuls 67 mil- liards de dollars ont été mobilisés au sein du Fonds vert pour le climat sur les 100 milliards de dollars annuels promis par les pays développés, d’ores et déjà insuffisants face aux enjeux climatiques. La vocation du Fonds vert est trop imprécise: on constate que ses financements vont et iront vers les pays émergents et à revenu intermédiaire, qui peuvent pourtant se financer autrement, et vers l’atténuation plutôt que l’adaptation. Le Fonds vert doit être abondé rapidement, en dons plutôt qu’en prêts, et contrôlé par les citoyen.ne.s. Il doit prioriser les pays les plus pauvres et les États insulaires, compter au moins 50% de finan- cements allant à des projets et à des stratégies ap- puyées sur les communautés et les écosystèmes, Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
  • 112. BIEN VIVRE 222 223 3. CONTRE LE POUVOIR PRÉDATEUR DES MULTINATIONALES La mondialisation a multiplié les relations com- merciales en leur donnant la primeur sur toute autre considération. D’où un dysfonctionnement à grande échelle du droit international comme national, qui échoue à protéger et à faire prévaloir les droits humains et la préservation des res- sources. Le libre-échange mondial est un outil extrêmement efficace pour les multinationales dans la défense de leurs profits et de leurs intérêts. En effet, même si, en principe, la hiérarchie des normes de droit international donne la primauté à la Charte internationale des droits de l’homme des Nations unies, en réalité, seul le droit commercial international (issu de l’OMC et des traités com- merciaux ou d’investissement) est contraignant dans les faits. De plus en plus concentrées, avec des ramifi- cations et des propriétés croisées, les multinatio- nales ont acquis un pouvoir inégalé, parfois plus important économiquement que celui de nombre d’États. Elles échappent ainsi à tout contrôle, d’autant plus que les puissances publiques sont soumises à un intense lobbying. De fait, nous assistons depuis plusieurs décennies au développement d’un «droit global mou», c’est-à-dire émanant d’indicateurs, de stan- dards,decodesdeconduites,etbiensûrdesusages, pratiques et coutumes du commerce transnational, et non plus de processus législatifs démocratiques. Mais cette primauté n’est pas neutre: elle consacre le laisser-faire et le consentement généralisé des États à des types de régulation, prétendument multinationales quant à leurs agissements so- ciaux et environnementaux. VII. Reconnaître le droit des générations futures, le droit de la nature, et punir les crimes climatiques en reconnaissant le droit aux citoyen. ne.s d’ester en justice La justice l’a déjà rappelé à plusieurs re- prises: les États et pouvoirs publics sont respon- sables et garants du respect des droits humains, voire de la stabilisation du climat.
  • 113. BIEN VIVRE 224 225 responsabilité doit être élargie à l’ensemble des entreprises, y compris celles comptant moins de 5000 salariés. Comme doit être inversé le «renversement de la charge de la preuve»: ce sont les firmes qui doivent prouver qu’elles ont tout fait pour éviter toute atteinte aux droits humains ou de l’environnement, et non les victimes qui doivent prouver les dommages subis. par le biais du marché, qui favorisent les acteurs économiques transnationaux. Ce qui rend plus dif- ficiles les revendications des mouvements sociaux et citoyens et des associations, de même que la préservation de la nature. Les écologistes proposent: – De soumettre le commerce mondial au respect des droits humains, en soutenant, dès 2017, la proposition de Traité international des peuples pour le contrôle des sociétés transnationales. Ce traité a été élaboré par des mouvements citoyens, des populations affectées par les activités des multinationales et des associations membres de la Campagne globale pour démanteler le pouvoir des multinationales. – De reconnaître la responsabilité des multinationales. Dès 2017, la France soutiendra activement la proposition d’élaboration d’un traité international visant à «créer un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme», dont la rédaction a été lancée par l’adoption en 2014 de la résolution 29/6 au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. – De renforcer la responsabilité sociale et sociétale des multinationales françaises. Suite à l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, qui a fait plus de mille victimes, une loi est en cours d’adoption au moment de la rédaction de ce programme, reconnaissant le devoir de vigilance des multinationales, soit la responsabilité des firmes françaises pour les agissements de leurs filiales étrangères quant au respect des droits humains et du droit environnemental. Cette
  • 114. 226 227 irrégularité climatique, une crise des prix et une crise alimentaire. L’agriculture industrielle, méca- nisée et chimique – et souvent très subvention- née –, détériore par ailleurs la fertilité des sols, la biodiversité, la reproduction des écosystèmes, ainsi que la santé des cultivateur.trice.s et des consommateur.trice.s. Côté pêche, la situation n’est guère plus reluisante: si le rythme actuel de la pêche inter- nationale se poursuit, les océans seront essen- tiellement peuplés de méduses à l’horizon 2050, époque à laquelle nous compterons également plus de déchets plastiques que de poissons. Pour les écologistes, préserver et dévelop- per les agricultures locales du Sud, de l’Est et du Nord, qui emploient encore le plus grand nombre d’actifs et d’actives dans le monde (les femmes y étant majoritaires), c’est lutter contre la pauvreté et la faim, pour l’emploi et la justice climatique et, par-là, contre l’instabilité, le chômage urbain et les migrations non choisies. Il s’agit: – De réguler la pêche au niveau mondial, afin de préserver les stocks et les espèces de poissons: interdiction des pêches sur les litto- raux étrangers comme du pillage des ressources halieutiques, défense des pêches artisanales et accord international à ce sujet. – De soustraire l’agriculture au libre-échange etdepermettrelasouverainetéalimentaire,comme l’ont fait de nombreux pays développés et émer- gents. Mettre en place aux frontières de chaque aire régionale un ensemble de droits de douane variables (en fonction inverse du prix internatio- nal) sur les importations de denrées alimentaires permettra d’assurer des prix rémunérateurs et 4. DES AGRICULTURES PAYSANNES ET UNE PÊCHE FAMILIALE POUR NOURRIR LE MONDE Boire et se nourrir sont les premiers besoins de l’être humain. La population mondiale vient d’atteindre 7 milliards d’habitant.e.s et atteindra 9 milliards en 2050. À l’heure actuelle, un mil- liard de personnes souffrent de la faim, et un autre milliard – dont nous faisons partie – sont en «suralimentation». Depuis trois décennies, les paysanneries du monde les moins bien équipées ont été livrées sans protection à la concurrence des grandes en- treprises et des producteurs les mieux équipés et les mieux protégés du Nord. Avec, comme consé- quences, le blocage du développement et l’ap- pauvrissement de la majorité de la paysannerie, l’exode vers les bidonvilles, les vagues de migra- tions déstabilisantes, les frustrations, les ressen- timents et les dérives d’une partie de la jeunesse, qui nourrissent l’instabilité politique et l’insécurité militaire. Les émeutes de 2008 et les flambées de prix récurrentes sont de fait consubstantielles au système libre-échangiste mondial: ruine des petites paysanneries livrées à la concurrence des surplus mondiaux et à la spéculation sur les matières premières agricoles, abandon des stocks de sécurité alimentaire, gestion spéculative des matières premières agricoles, utilisation du fon- cier au profit des agrocarburants ou de la produc- tion de viande, donc moins accessible aux plus pauvres,accaparementdesterresetdéforestation, chômage massif dans des bidonvilles en pleine ex- tension, etc. ont pour conséquence, à la moindre Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
  • 115. BIEN VIVRE 228 229 5. COOPÉRER RÉELLEMENT POUR LE DÉVELOPPEMENT: FAIRE DE L’AGENDA ODD 2030 UN VÉRITABLE PROJET POLITIQUE Engagements internationaux bafoués depuis cin- quante ans; chute libre de l’Aide publique au déve- loppement (APD) française et mondiale au niveau le plus bas jamais atteint (0,37% du PIB fran- çais, dont 6% seulement de dons); abandon des pays les plus pauvres, qui reçoivent de la France à peine 150 millions d’euros sur les 8 milliards d’engagements annuels de l’Agence française de développement (AFD); abandon ultralibéral de toutes régulations commerciales, agricoles, finan- cières, fiscales et minières: la coopération pour le développement a perdu toute ambition. Aux 15 Objectifs millénaires du développe- ment 1990-2015 ont succédé les 17 Objectifs de développement durable 2015-2030 (ODD), votés par 193 pays à l’ONU dans l’ignorance générale, malgré une ambition inédite dans l’histoire de l’humanité: en 2030, «Faim zéro, zéro pauvreté, accès pour toutes et tous à l’éducation, à la santé, à l’eau, à l’environnement, à l’énergie…». Mais qui connaît l’Agenda 2030, censé unir les pays dits «développés» et ceux dits «en voie de développement»? Pour l’Europe et la France, coopérer réel- lement pour réaliser en 2030 les 17 ODD passe par la mise en cohérence de l’ensemble des poli- tiques publiques nationales et européennes avec ces engagements universels. Cela engage trois dimensions de l’action publique et citoyenne, du local au transnational stables aux paysanneries locales, qui seront ainsi en capacité de se nourrir et de nourrir les villes en vivant dignement. Ce doit être accompagné de la création de stocks agricoles locaux, nationaux et régionaux. – De lutter contre la faim des plus pauvres et vulnérables des villes ou des sans-terre en leur apportant des aides à la consommation de pro- duits locaux. – De renoncer aux exportations, à des prix de fait bradés, des surplus européens et mondiaux de denrées agricoles et alimentaires largement subventionnées, directement ou indirectement. – De mettre fin à l’accaparement des terres. – D’appuyer résolument les paysanneries (service technique, crédit agricole, coopération) et de les aider à réinvestir leurs savoir-faire locaux et à adopter des pratiques d’agro-foresto-écologie aptes à doubler, au moins, les rendements les plus bas, à préserver les ressources naturelles et à massivement stocker le CO2.
  • 116. BIEN VIVRE 230 231 – cesser la substitution massive des finance- ments (AFD, CDC, UE, Fonds Vert) et projets cli- matiques (et post-conflits) aux financements de l’APD, et les flécher prioritairement vers les PMA (aux deux tiers africains) et les États insulaires, en privilégiant leur adaptation climatique et en amor- çant l’accès de tou.te.s, aujourd’hui abordable et finançable, à une énergie renouvelable. III. Exigences démocratiques, citoyenneté mondiale et projet de faire société mondialement Pour ancrer les politiques publiques dans les libertés civiles et politiques, afin de garantir l’inté- rêt général et l’égalité des minorités, il faut: – intégrer systématiquement la dimension de genre et l’égalité femmes-hommes dans la coopération; – systématiser la participation active des populations concernées et la décentralisation à tous les niveaux, et promouvoir, du local au global, une démocratie délibérative autant que représentative; – sortir de la diplomatie commerciale et mili- taire, et faire vivre une diplomatie des droits hu- mains et de la paix; – en régime autoritaire et dans les pays émergents et néo-émergents, coopérer de société civile à société civile (ONG, collectivités locales) en faveur de l’accès aux droits des plus pauvres et discriminé.e.s; – activer réellement les dispositifs fran- çais multipartites de transparence, de débat public et d’action de l’État avec la société civile, via le Conseil national du développement et de I. justice, régulation et partages Il faut refuser les accords de libre-échange de l’UE, et notamment les Accords de partenariat économiques (APE) imposés à l’Afrique et leur application aux marchés publics. II. Respect des engagements internationaux de la France et de l’Union européenne Cela suppose l’application réelle des conven- tions internationales: APD, biodiversité, déve- loppement durable, Climat, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et cultu- rels (Pidesc), conventions OIT de l’ONU, ODD, COP 21, etc., ce qui signifie: – augmenter l’APD rapidement à hauteur de 0,7% du PIB (10 milliards d’euros), selon un calendrier contraignant, et la rendre totalement transparente; – exiger une taxe sur les transactions finan- cières (TTF) européenne ambitieuse (180 mil- liards par an, dont un tiers au moins pour l’APD et un autre tiers pour l’adaptation au climat des PMA) ainsi qu’une TTF française plus large; – prioriser enfin dans l’APD et dans les finan- cements et programmes de l’AFD (aujourd’hui dispersés dans 80 pays) l’aide aux ODD des 47 «pays les moins avancés», la lutte contre la pau- vreté et les inégalités, et privilégier les dons aux prêts; – réserver les financements du commerce extérieur, comme les aides militaires (sous condi- tions éco-sociales), aux ministères ad hoc, à la Caisse des dépôts et consignations et à la Coface. Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale
  • 117. BIEN VIVRE 232 233 6. POUR UNE POLITIQUE DE RÉSOLUTION DES CONFLITS PAR LA DIPLOMATIE Réorienter la politique de défense vers une dé- fense européenne commune, indépendante des États Unis, et sortir de l’Otan sont les premières mesures que prônent les écologistes. Elles permet- tront d’économiser 10% sur le budget de la défense (3 milliards d’euros). La réorientation de la dissua- sion et la diminution des interventions extérieures (Opex) diminueront de facto ce budget d’au moins 1,5 milliard d’euros. D’autres économies sont pos- sibles, notamment en redéfinissant les missions de la Marine vers la protection des zones économiques exclusives ou en renégociant les contrats de l’Airbus A400M, couplés avec les avions ravitailleurs. Il s’agit ensuite de décider démocratique- ment des opérations extérieures éventuelles, de les effectuer sous mandat international et sous le contrôle démocratique du Parlement national et européen, avec des consultations ouvertes aux ONG spécialisées. La présence des forces armées hors du territoire national doit être fondée soit sur un mandat international, soit sur des accords bilatéraux. Les forces ne pourront être engagées que dans le cadre d’un mandat international de l’ONU. Enfin, le contrôle de la représentation na- tionale sera renforcé par l’obligation d’un vote du Parlement dans un délai rapide pour tout enga- gement extérieur et de la publication de tous les traités (ratification explicite). Néanmoins, plusieurs conditions devront être portées par la France auprès et au sein de l’Union européenne pour parvenir à cet objectif, dans le respect des principes que porte l’écologie politique: la solidarité internationale, l’Observatoire du développement et le contrôle parlementaire (au- jourd’hui inexistant); – soutenir matériellement les ONG Nord-Sud et les collectivités locales dans leur recherche concrète de l’intérêt général, d’accès de tou.te.s aux services collectifs et de lutte contre les iné- galités, et dans leur rôle de sensibilisation et de mobilisation des populations aux enjeux 2030; – stopper l’évolution visible de l’APD vers des accords de «gestion migratoire contre APD et préférences commerciales»; – créer un avenir avec les jeunes par «l’édu- cation à» et l’action coopérative.
  • 118. BIEN VIVRE 234 235 Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale Afin de sortir du système de la Françafrique, le démantèlement de la cellule Afrique (ou son équivalent), l’instauration d’un contrôle parlemen- taire des décisions militaires de l’Élysée et l’enca- drement strict des missions des services secrets français devront également être mis en œuvre. La fermeture et le démantèlement des bases militaires françaises à l’extérieur seront programmés dans la mandature. La France pourra alors demander, de façon légitime, à ses alliés d’en faire autant, afin de créer un mouvement vertueux de démilitarisation à l’échelon international. La présence à Djibouti, qui se justifierait par l’instabilité régionale (Éthiopie, Érythrée, Somalie, ainsi que la protection du dé- troit de Bab El Mandeb), sera renégociée dans le cadre d’un mandat international. Nous fermerons la base d’Abu Dhabi, qui s’inscrit dans un objectif de vente d’armes aux pays du Golfe, politique belli- ciste et mercantile que nous réprouvons. Enfin, dans la recherche d’un monde de paix et de solidarité, deux initiatives nous paraissent devoir être portées par la France en Europe et aux Nations unies: une conférence internatio- nale pour un Proche et un Moyen-Orient pacifiés et dénucléarisés, en développant un fédéralisme adossé à une Union économique; une relance du partenariat Euro-Méditerranée, avec en priorité le règlement du conflit israélo-palestinien (source du discrédit occidental face à la non-application du droit international et du «deux poids deux me- sures» favorisant la montée des replis identitaires et religieux contre l’Occident), ainsi qu’une sortie de guerre en Syrie, en Irak et en Libye, un rétablis- sement de la démocratie en Égypte, etc. – implication des citoyens de l’Union: infor- mations, débats publics, actions civiques, contrôle; – création d’un European Peace Corps dédié à la prévention des conflits et au maintien de la paix (composante citoyenne de la politique euro- péenne de défense); – création d’Instituts européens de la paix pour appuyer la consolidation du volet civil de la gestion de crise au niveau de l’UE et des États membres (notamment la France); – création d’un état-major européen intégrant la gestion civile des crises, placé sous la double autorité du Conseil européen/SEAE (Service euro- péen pour l’action extérieure) et des commissions compétentes du Parlement européen; – mise en place des Battle Groups (traité de Lisbonne) sous la forme d’unités transnationales permanentes, sur le modèle de l’Eurocorps; – création d’une commission «sécurité, dé- fense et maintien de la paix» au sein du Parlement européen, avec pouvoir de codécision sur les opé- rations extérieures de l’UE et renforcement du contrôle interparlementaire des forces armées; – critères communs pour une intervention extérieure légitime de l’UE: légalité internationale, consentement démocratique, proportionnalité, dernier recours, conséquences écologiques et humanitaires; – remplacement de la stratégie de dissuasion nucléaire par un sanctuaire européen «dénucléa- risé» et une diplomatie active en faveur du désar- mement nucléaire; – consultation sur le maintien de l’Union européenne dans le commandement intégré de l’Otan.
  • 119. 236 237 Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale contrats d’exportation, via la Direction générale de l’armement. L’ébauche d’une politique euro- péenne, marquée par un code de bonne conduite en matière d’exportation d’armes et une incitation à mutualiser les bases industrielles et technolo- giques de défense au niveau de l’Union, a renforcé les dérives libérales. L’UE doit au contraire régu- ler et moraliser le secteur de l’armement. Il s’agira de renforcer le contrôle des ventes d’armes par la représentation nationale et de rendre l’informa- tion plus transparente. Ce plan de sortie devra inclure une reconversion des travailleurs de ces entreprises, élaborée avec eux, en lien avec leurs savoir-faire. III. Relancer le processus de désarmement nucléaire mondial La dissuasion nucléaire française est consti- tuée de la composante «océanique», avec quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), et de la Force aéroportée. Il faut démanteler une partie de notre force de dissuasion pour montrer notre volonté de soutien au projet de Convention d’élimination proposé par les Nations unies. Au niveau régional, ce processus pourrait inciter les Britanniques à une démarche identique et convaincre les Américains de retirer d’Europe leurs armes nucléaires déployées dans le cadre de l’Otan. À court terme, la France doit respecter les dis- positions du traité de non-prolifération et dénon- cer l’accord de Lisbonne, signé en décembre 2010, sur le dispositif antimissile. Une zone exempte d’armes nucléaires en Europe ouvrirait un espace 7. POUR UNE PLANÈTE PACIFIÉE: VERS LE DÉSARMEMENT MONDIAL ET LA RECONVERSION INDUSTRIELLE I. Une organisation mondiale de réduction de l’armement En accord avec les travailleur.se.s du secteur de l’armement et des institutions de la défense, la France pourra proposer la création d’une orga- nisation mondiale de réduction de l’armement, et commencer par rendre effectif un contrôle natio- nal du marché des armes. Un forum citoyen sur la prévention et la résolution non-violente des conflits pourrait être organisé. 1% du budget de la défense sera consacré à la formation à la non-vio- lence, à la polémologie (approche des conflits fon- dée sur la compréhension de leur origine et de leur fonctionnement), etc. Une politique internationale et de sécurité devra encadrer strictement le «se- cret-défense» d’État, notamment pour connaître l’implication de la France dans les conflits (entre autres, celui du Rwanda entre 1990 et 1994). II. La réduction et la reconversion des secteurs de l’industrie de l’armement La France est depuis 2015 le deuxième ex- portateur d’armes dans le monde. Le secteur de l’armement est, à l’exception du groupe Nexter, entièrement privatisé. Bien que dominé par des entreprises multinationales (Thales, Safran, EADS), s’appuyant sur un tissu local et dense de PME, il reste étroitement lié à l’État pour le finan- cement des programmes et la négociation des
  • 120. BIEN VIVRE 239 POSTFACE POUR UNE POLITIQUE À L’ÂGE DE L’ANTHROPOCÈNE «L’Anthropocène est avant tout une guerre – une guerre menée contre les populations les plus vulnérables de cette planète. Nous, humains, sommes devenus les principaux agents de transformation de la Terre. Et cette transformation rend cette Terre de moins en moins habitable pour un nombre croissant de populations.» François Gemenne «[…] une guerre de tous contre tous, dans laquelle les protagonistes peuvent désormais être non seulement le loup et l’agneau, mais également le thon et le CO2, le niveau de la mer, les nodules des plantes ou les algues, en plus des nombreuses factions d’humains en train de se battre. Le problème est que cet état de nature n’est pas situé, comme avec Hobbes, dans un passé mythique avant le contrat social: il vient vers nous, il est notre présent.» Bruno Latour. Cette transformation radicale de nos rapports à la Terre impose de nouvelles politiques à toutes les échelles. De l’infiniment petit à l’infini grand, du local au global, du vivant au non-vivant, nous devons être inventifs, volontaires, engagés face à la «grande accélération» qui a commencé dans les années 1950 et qui se traduit aujourd’hui par une Terre de moins en moins habitable. de négociation avec les Russes pour l’élimination de leurs propres armes tactiques. La première mesure de réduction concernera la suppression de la force aéroportée. D’autres mesures sont envisageables par l’annulation de programmes de modernisation (production du missile M51, finalisation de la nouvelle tête nucléaire océa- nique, nouvel outil d’expérimentation avec les Britanniques, super-Airix à Valduc, en Côte-d’Or). Ces mesures pourraient permettre par ailleurs une économie de plus d’1 milliard d’euros. IV. Un traité universel d’interdiction des armes nucléaires Actuellement portée par 139 États, à l’initia- tive d’Ican, le réseau international pour le désar- mement nucléaire, cette proposition permettra d’aller plus loin que l’application des dispositions du traité de non-prolifération nucléaire. Enfin, la France doit montrer la voie pour la ratification et l’application de la Convention sur les armes chimiques et bactériologiques. Son ac- tion au sein des Nations unies doit viser la dispa- rition de ce type d’armes.
  • 121. BIEN VIVRE Notre projet «Bien vivre» ne cherche pas à esquiver les difficultés ou à verser dans la déma- gogie préélectorale. Pour les écologistes, les prio- rités ne sont pas celles que l’on nous présente à longueur de journée: règle d’or et critères de Maastricht, équilibre des finances publiques, libre-échange… mais le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources, la disparition des glaciers de l’Himalaya, l’acidification des océans, l’extinction des espèces, le sol que l’on épuise, soit l’ensemble des conditions qui rendent cette Terre viable pour le plus grand nombre. Le temps presse. Nos propositions s’inscrivent dans la volonté d’éviter le pire et de proposer une poli- tique permettant de rendre la Terre habitable au- jourd’hui et pour les générations futures. Achevé d’imprimer en février 2017 par CPI Brodard et Taupin Avenue Rhin et Danube – BP 40019 – La Flèche Cedex – France Dépôt légal: février 2017