Regéneration Cas Du Centre Riadh El Fath PDF
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Résumé
La réalisation d’équipements emblématiques (EE) pour affirmer l’identité métropolitaine de la
capitale algérienne est l’une des priorités du Plan stratégique de développement d’Alger. Ces
équipements sont imaginés comme des catalyseurs des mutations nécessaires à la régénération
des localités pour s’adapter aux nouveaux besoins du développement métropolitain. Dans la
réalité, cet urbanisme de projet n’apporte pas toujours les changements escomptés ; le centre
des arts d’Alger Riad El Feth en est un exemple. Comment déterminer alors les facteurs de
succès ou d’échec d’une telle édification dans le contexte local, en conjuguant les objectifs
de métropolisation avec ceux de développement local ? Dans cet article, nous proposons la
démarche de construction d’un outil qui permet de vérifier et d’évaluer l’effet de levier des
EE sur les stratégies de régénération urbaine (RU) dans la perspective d’optimiser leurs effets
positifs après leur réalisation ou, le cas échéant, de remédier aux insuffisances avant la prise
de décision de localisation.
Mots-clés
Régénération urbaine, équipement emblématique, levier, Plan stratégique de développement
d’Alger (PSDA).
Abstract
One of the priorities of Algiers’ Strategic Development Plan (PSDA) is to affirm the identity of
the Algerian capital as a world-class city through the implementation of emblematic facilities.
Such features are seen as having the potential to become catalysts of the changes needed to
revitalize urban communities, and thus help them to adapt to the new demands and challenges
of their development. In reality, this method of project-based town planning does not always
produce the expected changes. The Riad El Feth Arts Centre, in Algiers, is one such example.
How can we assess the factors optimizing or weakening the process, as we try to combine
urban development objectives with local development objectives? In this article, we propose
the construction of an operational tool, which can be used to monitor and evaluate the leverage
effect of emblematic facilities on urban renewal strategies, in order to identify opportunities,
but also inadequacies prior to decision making regarding location.
Keywords
Urban renewal, emblematic facilities, instruments of urban attractiveness, Algiers’ Strategic
Development Plan (PSDA).
Cahiers de géographie du Québec Volume 60, numéro 169, avril 2016 Pages 57-81
Version originale soumise en novembre 2015. Version révisée reçue en juin 2016 .
Resumen
Construir equipos emblemáticos (EE) que afirmen la identidad metropolitana de la capital
argelina constituye una de las prioridades del Plan Estratégico de Desarrollo de Argel. Se
los piensa catalizadores de cambios necesarios para regenerar localidades adaptadas a las
nuevas necesidades del desarrollo metropolitano. En realidad, este proyecto urbanístico no
genera los cambios esperados, el centro de artes de Argel Riad El Feth es un ejemplo. ¿Cómo
identificar entonces los factores de éxito o de fracaso de tal realización en un contexto local,
conjugando objetivos de metropolización y desarrollo local? En este artículo proponemos un
proceso de construcción de un útil que permita verificar y evaluar el efecto de palanca de los
(EE) sobre las estrategias de regeneración urbana (RU), con la perspectiva de optimizar los
efectos positivos luego de su realización o de remediar las insuficiencias antes de la toma de
decisión de localización, según el caso.
Palabras claves
Regeneración urbana, equipo emblemático, palanca, Plan Estratégico de Desarrollo de Argel
(PSDA).
Introduction
La superposition des lignes directrices et objectifs des différents instruments et outils
multiscalaires d’aménagement et de développement 1 de la capitale algérienne met en
avant une volonté d’induire et de consolider le processus de métropolisation d’Alger
en vue de la positionner dans l’un des réseaux de l’économie mondiale, celui de la
région méditerranéenne. Dans le sillage de ce processus, des projets de régénération
urbaine et de réalisation d’équipements emblématiques sont programmés selon
différentes temporalités : « La diffusion d’une nouvelle approche de l’espace public et
la structuration de la maille urbaine, grâce à la concrétisation d’une série de projets
emblématiques, de réhabilitation et de régénération urbaine, vont affirmer Alger […]
comme capitale agglomératrice, à la pointe du développement du pays, projetant
simultanément vers l’extérieur l’image d’une ville, d’une région et d’un pays ouvert
au monde et aux autres » (DUAC, 2011 : 17).
Il est vrai que, au moment où les ressources publiques ont tendance à être réduites,
l’édification des EE est considérée par de nombreux chercheurs (Boino, 2005 ;
Rollet et Torre, 2008 ; Ethier, 2013) comme un mécanisme efficace pour conduire
une démarche de redynamisation urbaine d’un territoire en déclin. Par opposition,
d’autres chercheurs voient en ces réalisations une mondialisation de la production
architecturale qui tend à nier l’identité locale et à aplanir les différences (Sudjic, 2003 ;
Bertoncello et Dubois, 2010). Toutefois, dans un monde où la médiatisation et la
communication sont des parties prenantes du processus d’évolution socioéconomique,
l’impact de ces édifications sur le façonnage de l’image et la visibilité de la ville
est un fait avéré (Mercier, 2010). Il intègre un processus de création de valeurs
économiques par interférence avec des valeurs socioculturelles, que Zukin qualifie
d’« économie symbolique » (Zukin, 1998). Au-delà des exemples des monuments et
bâtiments historiques (Choay, 1992 ; Boyer, 1994), le musée Guggenheim à Bilbao,
la bibliothèque d’Alexandrie, le stade de France à Paris, la grande mosquée Hassan
II à Casablanca, le Bordj El Khalifa à Dubaï ou la grande bibliothèque du Québec à
Montréal ont contribué à transformer leur territoire d’accueil, mais également l’image
de leur ville et son attractivité.
Dans cet article, nous proposons une démarche pour la construction d’un outil
permettant de vérifier et d’estimer l’effet de levier induit par l’attractivité de l’EE sur le
projet de RU, que nous appelons E2LRU. Cet outil a été élaboré dans l’objectif d’offrir
aux acteurs concernés par l’aménagement urbain d’Alger la possibilité d’agir afin
d’optimiser le rôle de levier assigné à l’EE. La finalité est d’amplifier le phénomène de
« contamination positive » des effets de l’EE sur la RU (Boelsums, 2012), une manière de
renforcer les chances de réussite de l’articulation des objectifs des différentes échelles
urbaines à l’égard des projets emblématiques (Djament-Tran et Guinand, 2014).
Le centre des arts Riad El Feth (figure 1), localisé sur les hauteurs d’Alger et inauguré
en1986 par le président algérien, Chadli Bendjedid, est l’un des premiers EE réalisés
après – l’indépendance dans une logique d’opération de prestige en faveur du
gouvernement en place (Driss, 2002). Il se situe dans la commune El-Madania,
qui s’associe à trois autres communes pour former l’hypercentre algérois, mais qui
se distingue par une dynamique de développement beaucoup moins importante
(Berezowska-Azzag, 2015) alors qu’elle est directement liée, sur la crête, aux
équipements de prestige de l’État, tels que la Présidence de la République, le ministère
Des stars architectes développant des discours individualistes (Zaha Hadid, Rem
Koolhaas, Daniel Libeskind et autres) sont les producteurs de cette architecture
d’exception qui, malgré la divergence d’opinions des experts sur le sujet (Arseneault,
2012), tend à devenir la référence indiquant ce qui est beau et exceptionnel dans les
paysages métropolitains de ce siècle. Di Méo perçoit ces icones comme des tentatives
de création d’une mythologie territoriale (1996, dans Djament-Tran et Guinand, 2014).
Il s’agit d’offrir des réalisations d’exception, qui soient aptes à rivaliser avec celles des
grandes métropoles, mais également capables de transformer les perceptions qu’ont
les populations de leur territoire (Smyth, 1994), parfois au détriment de l’harmonie
et de l’équilibre de l’ensemble de la composition urbaine. A contrario, dans un article
publié dans The Observer, en 2003, Deyan Sudjic dénonçait la quête de l’architecture
« signée » et rappelait que c’est la mémoire collective et l’histoire urbaine qui font des
bâtiments publics des réalisations exceptionnelles, et non pas seulement leur apparence.
Dans une approche globale, la mise en œuvre des politiques de RU s’appuie sur
différents programmes et projets sectoriels (transport, réhabilitation du cadre bâti,
équipement, infrastructures, formation, etc.) pour stimuler les différentes dimensions
de l’écosystème urbain et enclencher le processus d’évolution escompté des territoires.
Par leur capacité à modeler le paysage urbain, à améliorer l’image et à confirmer
l’identité des territoires, ainsi qu’à attirer de nouvelles populations et de nouveaux
investissements (tableau 1), les EE peuvent devenir, dans ce cadre, de véritables
sources de rayonnement et d’attractivité (Carrière, 2002).
Tableau 1 Exemple des effets produits par les EE, selon Boelsums
Gouvernance intelligente
nouveaux services et
commerces
Attraction de nouveaux
flux de populations
Le développement
Projet de régénération Équipement
du système urbain Amélioration du cadre
urbaine emblématique
local bâti environnant
Dévalorisation du cachet
local
Gentrification
..............
63
2 La production de la dynamique urbaine est perçue comme l’ensemble des actions œuvrant à la
production des dynamiques écosystémiques : sociale, économique et environnementale.
L’outil que nous nous proposons de construire est un instrument d’aide à l’action, au
service des acteurs chargés de la gestion territoriale et de l’aménagement urbain, qui
permet d’agir en faveur d’une contamination positive entre l’objet (l’EE) et le système
(la RU) pour la construction d’une dynamique de mise en valeur (Kebir, 2006).
Méthodologie
Pour la construction de l’outil, une approche systémique holistique est privilégiée.
Elle permet de cerner la complexité de la notion de RU et de distinguer les effets
directs et indirects que pourrait engendrer l’EE. Étant ainsi objectivement holistique
et transversal, l’outil paraît être un modèle transposable. Cependant, les objectifs de
RU diffèrent d’une situation à l’autre, en fonction des enjeux prioritaires déterminés
dans le contexte local. C’est pourquoi notre outil propose une approche générale
dotée d’indicateurs globaux, dont l’évaluation intègre la priorisation des cibles en
conformité avec la stratégie de régénération adoptée.
3 La SWOT est une méthode anglo-saxonne d’analyse stratégique combinatoire qui permet de dégager
les caractéristiques du sujet analysé et d’envisager les possibilités de son développement.
4 Attractivité, forte médiatisation, similitude du contexte urbain, diversité, disponibilité des données.
Projet de
Équipement
régénération
emblématique
urbaine
5 dimensions 5 concepts
urbaines fondamentaux
EFn = ∑ (Indn*Pn)
EFn : valeur arithmétique de l’effet N
Idn : valeur arithmétique de l’indicateur n
Pn : pondération de l’indicateur n
VEFn = EFn*In
VEFn : valeur estimée de l’effet de levier dans la réalisation des
15 cibles de la RU
Dans l’esprit des demeures de la Casbah d’Alger, Riad El Feth s’organise autour
d’un patio qui s’étend sur trois niveaux. Il regroupe une salle de conférences d’une
capacité de 90 places, un cinéma de 495 places et trois salles de projection, un petit
théâtre, 127 locaux commerciaux dont quelques-uns seulement sont en activité 5
l’ensemble est couvert par une large esplanade d’environ 1500 m2 qui sert pour le
regroupement des foules lors des grandes manifestations culturelles (figure 5). Le
centre est géré par organisme public qui emploie 367 personnes, un Établissement
public à caractère industriel et commercial (EPIC) 6 rattaché au ministère de la
Culture : l’Office de Riad El Feth (OREF). En 2014, le nombre de visiteurs était estimé
à 235 204, 7 soit plus de 600 par jour.
5 En 2015, selon le service commercial de l’OREF, le loyer mensuel des locaux commerciaux était estimé
à 500Da / m2.
6 Décret 47-95 du 5 février 1995.
7 Évalué sur la base du nombre d’entrées (y compris les employés) enregistrées par les scanners
des portes d’accès au centre des arts, sur une période de 80 jours non consécutifs comprenant des
journées de vacances scolaires et les fins de semaine (OREF, 2014).
Semaines culturelles
Année 2013
Festivals
Année 2008
Expositions
Salons
Rencontres thématiques
Festivals de films
Projections de films
Spectacles enfants
Spectacles adultes
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110
Source : OREF, 2014
Quant à la localité d’accueil d’El Madania, située sur les hauteurs d’Alger à environ
six km au sud-est du centre-ville, elle forme, avec les communes d’Alger Centre,
Sidi M’Hamed et El Mouradia, la circonscription administrative de Sidi M’hamed.
Elle se distingue dans cet ensemble par ses ressources financières limitées. 8 C’est
une commune essentiellement résidentielle (figure 6), 9 composée de plusieurs cités
populaires du type grand ensemble, datant de la fin de la période coloniale (Diar El
Mahçoul et Diar Essâada de l’architecte F. Pouillon ; Diar Echems ; Diar El Bahia...)
qui se caractérisent par l’exiguïté et une suroccupation des logements, ainsi que le
manque de confort sanitaire (tableau 2). Le « mal-vivre » des populations a fini par
se traduire en émeutes urbaines très violentes.
Tableau 2 Quelques repères statistiques d’El Madania par rapport aux autres communes de
Sidi M’Hamed
8 « Que faire avec un budget de 17 milliards de centimes ? Plus de 80 % de cette somme sont destinés à
payer les fonctionnaires de l’APC. D’ailleurs je ne sais pas comment on va s’en sortir avec les nouvelles
augmentations. » (Iddir, 2013). Interview du maire d’El Madania, publiée dans El Watan le 20 avril 2013.
9 7949 logements pour une superficie de 217 ha.
Dans l’objectif de mise à niveau globale de la capitale, notamment de son hypercentre qui
regroupe les plus hautes institutions nationales, 10 le PDAU, révisé en 2011, recommande
la régénération d’El Madania en zone centrale multifonctionnelle. Par cette orientation,
on ambitionne de redorer l’image de la commune et de valoriser sa centralité pour
mieux répondre aux nouveaux enjeux de développement métropolitain (DUAC, 2011).
Parallèlement, la mise en place d’un barème de notation nous permet d’estimer les
effets EFn de notre liste, rapportés aux centres des arts. Des scores sont attribués
aux indicateurs relatifs à chaque effet selon son niveau d’efficacité. 12 Ces derniers
sont appréciés en comparaison avec les besoins qui ont émergé du prédiagnostic,
mais également par rapport aux différents niveaux de performance urbaine de
la commune (figure 7), enregistrés dans le cadre de l’élaboration d’une étude de
classement des communes algéroises 13 (Berezowska-Azzag, 2015). Les profils des
performances de la commune nous permettent ainsi de visualiser les cibles de la RU
les plus vulnérables, à savoir celles liées à la dynamique économique et sociale, par
exemple, le repositionnement du quartier dans le système des territoires créateurs
de plus-value économique et l’adaptation de l’offre urbaine aux nouveaux besoins
de l’économie moderne. Préalablement, un questionnaire ciblé adressé au service
d’urbanisme ainsi qu’à des experts de l’aménagement nous a permis de fixer le système
de pondération de ces indicateurs.
Figure 7 Profils des performances économiques d'El Madania : Active city index
Profil économique
9
8
7
6
5
4
Gouvernance 3 Conditions de
locale 2 localisation
1
0
Performances maximales
enregistrées à Alger
Performances moyennes des
communes algéroises
Technologies
de l’information et Performances d'El Madania
de la communication (TIC) Risques majeurs
Source : Berezowska-Azzag et al., 2015
12 Barème de notation des indicateurs et des effets EF ; il est inversé pour les effets négatifs :
13 Dans une approche écosystémique, cette étude a été élaborée sur la base d’un tableau de bord
regroupant trois indices : environnemental, économique et qualité de vie, chacun se développant en
cinq catégories et indicateurs, donnant un aperçu assez complet des performances de la commune et
de son niveau de développement.
Trois effets se distinguent dans le lot. Ils sont évalués comme importants (EF8) et
très importants (EF3 et EF9) et concernent :
Valeur
Score Pondération Valeur Indice effet de
Effet Indicateurs
indicateur % EF influence levier
VEF / 3,5
Renforcement de la
sécurité des espaces 1,5 50
publics
Réduction de la
Renforcement vulnérabilité du site
de la sécurité par la création de 2,5 25 1,50 1,74 2,61 / 3,5
et de la sûreté nouveaux espaces de
regroupement
Localisation de
nouveaux services de 0,5 25
sûreté urbaine
Conception : Bouallag-Azoui et Berezowska-Azzag, 2016
Enfin, les effets négatifs se positionnent dans les catégories « peu importants » et
« non signifiants ».
Selon Leila Kebir, en position D3, le manquement de l’objet et de ses effets peut
atteindre un niveau d’importance capable de limiter ou d’arrêter la production du
système. La chercheuse confirme également que la persistance dans le temps de
cette situation risque d’engendrer la dilution de l’objet du fait de la dégradation ou la
destruction graduelle du système (Kebir, 2006). Une telle situation mettrait en péril
le statut d’EE de Riad El Feth, faisant perdre ainsi à la localité une source potentielle
de génération de dynamique urbaine.
L’utilisation de l’outil E2LRU pour une réévaluation périodique des effets induits par
le centre des arts permettrait de vérifier la compatibilité des actions engagées avec
les cibles de RU, laquelle pourrait être constatée dans l’amélioration du tracé de la
courbe de « contamination positive ». Comme le remarquent à juste titre Dejardin
et Fripiat (1998), le principal enjeu auquel se trouvent confrontés les membres du
couple EE / RU est d’ajuster les stratégies de leurs fonctionnements respectifs selon
une relation « d’entraînement » qui assure le développement mutuel de chacun d’eux.
L’exemple de Riad El Feth nous a servi de prétexte pour vérifier que la liste des effets
proposés pour la construction de l’outil E2LRU, sans être exhaustive, est suffisamment
représentative de l’ensemble des dimensions urbaines : sociodémographique,
spatiale, identitaire, économique et environnementale. Elle peut varier selon la
spécificité et l’importance de l’équipement emblématique et dépend du contexte
urbain local, avec lequel elle entretient une relation interactive. En effet, nous l’avons
constaté, les performances locales contribuent à l’accroissement ou, au contraire, à
l’évanouissement de l’effet (Kebir, 2006). Quant aux cibles de la régénération, elles
peuvent être précisées et complétées selon les spécificités territoriales, à la condition
qu’elles demeurent représentatives des objectifs fondamentaux de la régénération
urbaine (figure 4). Ces contraintes concourent à la préservation du caractère
systémique et holistique de l’approche adoptée pour la construction de l’outil.
Dans une seconde étape, le E2LRU s’avère également un outil d’aide à la décision,
destiné aux acteurs concernés par l’aménagement et la gestion du territoire local,
pour proposer et choisir les actions nécessaires au maintien ou au repositionnement
du couple EE / RU dans une dynamique de mise en valeur D4 (figure 3). Des actions
prioritaires pour redonner une lisibilité au lieu visant l’amélioration de l’image du
site et, par conséquent, agissant sur l’attractivité de l’équipement sont un préalable
indéniable (Barbier, 2003) afin de hisser l’EE au rang de levier de la régénération
urbaine. L’aménagement urbain devient ainsi une stratégie pour le développement
Tel que proposé, le E2LRU s’avère un outil d’évaluation ex-post destiné aux EE
localisés sur des territoires concernés par des opérations de RU. Mais il peut également
se révéler utile dans le cas d’une nouvelle localisation (ex-ante) pour assurer la
compatibilité des objectifs globaux du projet avec les objectifs de régénération locale,
une étude d’impact étant alors un préalable nécessaire à l’évaluation pour une mise
à jour de la liste des effets.
Nous suggérons également l’usage de l’outil dans le cadre d’une étude prospective pour
déterminer certaines caractéristiques de l’EE au stade de projet. Dans ce cas, il s’agira :
(i) d’identifier les objectifs détaillés des cibles de la RU aux différentes temporalités ;
(ii) de fixer les tracés optimaux des courbes de contamination positive connexe ;
(iii) de détecter les valeurs des EF qui correspondent aux tracés ; (iv) d’interpréter
ces valeurs en données spécifiques (architectoniques, urbanistiques, fonctionnelles,
structurelles) ; (v) et, enfin, de les intégrer au cahier des charges destiné à l’étude de
l’EE. Une telle projection suppose une évolution des modes de gouvernance urbaine
et une plus grande flexibilité de la planification spatiale. Il s’agirait donc, en fait,
d’engager la réflexion dans le sens inverse du sens actuel pour évaluer la relation
réciproque du couple RU / EE.
Conclusion
De nombreux chercheurs ont étudié les impacts des équipements culturels singuliers
sur les politiques de régénération urbaine. Cependant, très peu d’attention a été
accordée à l’évaluation des effets de leur attractivité sur les stratégies de redynamisation
locale. L’outil proposé dans cet exposé permet d’évaluer les effets des équipements
structurants sur les politiques de développement afin que, d’une part, puissent être
entreprises les actions nécessaires à l’amplification de l’effet de leur contamination
positive et, d’autre part, que puissent être réduites leurs nuisances.
L’application de l’outil au cas du centre Riad El Feth a démontré que malgré sa situation
stratégique, cet équipement n’a pas été le catalyseur escompté pour la commune
d’accueil d’El Madania. Positionner un EE dans un site en difficulté sans aucun
préalable pour la mise à niveau du territoire d’accueil est une décision hasardeuse dont
l’échec est fort probable. Une stratégie globale traduite en projet urbain (Berezowska-
Azzag, 2011) faciliterait indéniablement la construction de relations interactives dans
le couple EE / projet de RU, en faveur d’un processus constructif dans une dynamique
de croissance renouvelable ou de mise en valeur pour une « contamination positive ».
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