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Charles Matthews 3e dan

Seong-June Kim 5e dan

Traduit par :
les Gobelins Golois ∗

PUBLIÉ DANS LA PAMPA RENNAISE

∗. Les gogos pour les intimes.


Publié et édité par :
Vannier Éditions
6, rue de l’Armor
35760 Saint-Grégoire FRANCE
SIRET : 819 746 785 00016
Mail : [email protected]

Titre original :
Shape Up !
c 2004 Charles Matthews pour la version originale

Traduit de l’anglais par :


Rémi Vannier, Jean-Pierre Lalo & Thomas Galliot
Mise en page :
Rémi Vannier
Couverture :
May-Soua Ya & Rémi Vannier

ISBN : 978-2-9566471-0-2

Imprimé en France en Avril 2019


Dépôt légal : Avril 2019

Merci à nos relecteurs attentifs (Stéphan, Claude, Guillaume,


Olivier, Benjamin, Lindsay et à ceux que j’oublie !) ainsi qu’à la
communauté GO.ON pour leur travail initial et anonyme !
Tous les diagrammes ont été réalisés à l’aide de l’excellent logi-
ciel GoWrite 2.

Cette œuvre est sous licence Creative Commons Attribution - Par-


tage dans les Mêmes Conditions 4.0 International. Pour accéder à
une copie de cette licence, merci de vous rendre à l’adresse suivante :
http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/ ou envoyez un courrier à
Creative Commons, 444 Castro Street, Suite 900, Mountain View, Cali-
fornia, 94041, USA.
Préface

Le projet de traduire « Shape Up ! » a commencé en 2012 sur


le forum GO.ON. De nombreuses bonnes âmes se sont mises à tra-
duire, plus ou moins bien, puis, une fois que tout a été traduit, le
projet s’est éteint ! Fort de mon expérience acquise sur les Leçons
sur les Fondamentaux du jeu de Go, j’ai – Rémi – pensé que je
pouvais relancer le projet et aller jusqu’au bout. Début août 2018,
j’ai donc contacté Thomas, un de ses initiateurs, et il m’a fourni les
textes. Ensemble, puis avec l’aide de Jean-Pierre, nous avons relu,
souvent retraduit, homogénéisé le vocabulaire, et dessiné les 1000
diagrammes du livre. . . Bref, un travail énorme. Nous sommes tous
très fiers de vous offrir cette traduction gratuitement. Et si vous
avez acheté la version papier, sachez que le prix a été fixé pour nous
permettre de couvrir les frais d’impression et d’édition sous Over-
leaf et les taxes. N’hésitez pas à faire connaître cet ouvrage et à le
diffuser autour de vous !

Rémi Vannier
Jean-Pierre Lalo
Thomas Galliot

i
Table des matières

Lexique iv

Introduction 1

I Principes de développement 13

1 La forme de la table 14

2 Les formes : principes de base 23

3 Combat rapproché I 41

II Principes d’engagement 63

4 Hane et autres proverbes 64

5 Combat rapproché II 76

6 Bloquer l’adversaire 84

Problèmes : Créer une bonne forme 92

III Le combat en pratique 113

7 Huit nuances de coupe 114

ii
TABLE DES MATIÈRES iii

8 Les mystères du tsuke-nobi 127

9 L’art de l’évasion 135

Problèmes : Points de coupe 142

IV Points vitaux et formes au fuseki 163


10 Extensions et points d’invasion 164

11 À l’étroit 173

12 Infériorité numérique 183

V Éléments de théorie 191


13 Éléments théoriques pour un jeu efficace 192

14 Haengma 201

15 Sabaki 209

Problèmes avancés 221

Annexes 229
A Index des formes 229

B Index des proverbes 235


Lexique
Note des traducteurs

Bien que le jeu de go ait été inventé en Chine, c’est le Japon qui
a le plus contribué au développement du go français. C’est pourquoi
la plupart des termes de go utilisés en France sont d’origine japo-
naise. Alors que les anglophones ont généralement choisi de traduire
ces termes, ce qu’a fait Charles Matthews dans la version originale,
les francophones ont gardé les termes originaux, sauf quand les tra-
ductions anglaises se sont imposées, comme les cas du snap-back, du
clamp ou du cross-cut.
Nous avons donc choisi d’utiliser les termes japonais quand ils
étaient courants en français et traduit les termes dont la version ja-
ponaise était moins connue. Si vous êtes habitué aux termes anglais,
vous serez peut-être surpris par la « prise en retour » (snap-back
en anglais) ou par la double coupe (le cross-cut). Pour les autres
termes, vous trouverez leur signification dans ce lexique. Dans le
texte, vous pouvez cliquer sur un terme pour revenir au lexique.
Bonne lecture !

Les traducteurs

aji – arrière-goût, potentiel latent.


Dans le diagramme ci-contre, la pierre
∆ ne peut être sauvée, mais elle a beau-
coup d’aji. Grâce à cet aji, Blanc peut
sortir en 1 sans craindre la coupe en a.
Si Noir a, Blanc b, Noir c et Blanc peut
capturer les deux pierres . aji

iv
v

double-coupe geta hane

atari – situation dans laquelle une ou plusieurs pierres n’ont


plus qu’une liberté et peuvent être capturées au coup suivant.
bōshi – littéralement, « chapeau », coup couvrant qui empêche
l’adversaire de sortir vers le centre en tobi (voir aussi 9.2).
chuban (prononcer [tchouban]) – milieu de partie.
clamp – les amateurs de la série Urgences reconnaîtront ce
terme issu de la langue anglaise et désormais francisé, qui désigne
une pince chirurgicale. Ce coup est aussi appelé prise en étau dans
les textes de Motoki. Voir les exemples de la section 4.8.
double-coupe – cross-cut en anglais (voir diagramme).
fuseki – début de partie. On considère généralement que le pre-
mier combat signe la fin du fuseki.
geta [guéta] – dans le diagramme ci-
dessus, Noir 1 capture la pierre ∆ en geta.
gote [goté] – un coup est gote s’il ne re-
quiert pas de réponse de l’adversaire et perd
l’initiative. Voir aussi sente.
hane [hané] – coup diagonal au contact
d’une pierre adverse (à comparer avec nobi).
hoshi – point 4-4. san-san (a), hoshi
jōseki – séquence locale de début de par- (b), komoku (c)
tie considérée comme optimale pour les deux
joueurs.
keima – petit saut de cheval.
kikashi – un coup est un kikashi si
l’adversaire doit y répondre et si l’échange
est favorable à celui qui le joue. À ne pas
confondre avec nozoki.
keima
vi Lexique

kō kosumi nobi

kō – éternité, situation impliquant des captures à répétition.


La règle du kō interdit les répétitions pour éviter des parties sans
fin. Dans la situation du diagramme ci-dessus où Blanc vient de
capturer, Noir n’a pas le droit de recapturer immédiatement. Il doit
jouer une menace de kō, c’est à dire jouer ailleurs, avant de pouvoir
le faire.
komi – avantage en points donné à Blanc pour compenser le
fait qu’il joue en second.
komoku – point 3-4.
kosumi – coup en diagonale.
miai – se dit de coups équivalents tels que si un joueur joue
l’un, l’autre joueur joue l’autre (voir section 13.3).
moyo – vaste zone d’influence, potentiel de territoire.
nobi – extension solide au contact d’une pierre adverse (voir
aussi hane).
nozoki – menace de coupe.
sabaki – désigne une manière de jouer lorsque des pierres se
trouvent en difficulté chez l’adversaire. On ne cherche pas à faire
du territoire, mais à faire des formes légères, flexibles, qui sortent
rapidement vers le centre, ou qui puissent faire facilement des yeux.
Le sacrifice tient aussi une place importante dans le sabaki (voir
chapitre 15).
san-san – point 3-3.
seki – un seki, que l’on pourrait traduire
par « impasse », est une position où aucun des
deux joueurs ne peut tenter de capturer l’autre
sans se faire capturer avant. La figure ci-contre
montre un cas de seki simple. Il en existe de
bien plus compliqués.
seki
vii

shichō snap-back tobi

semeai – course aux libertés.


sente [senn-té] – un coup est sente si l’ad-
versaire doit y répondre, par opposition à un
coup gote.
shibori – littéralement, un « essorage » :
séquence consistant à contraindre l’adversaire
à capturer des pierres mortes ou sacrifiées afin
d’obtenir une compensation sur l’extérieur.
shichō – capture en escalier.
shimari – verrou de coin.
snap-back – prise en retour en français,
utte-gaeshi en japonais.
tenuki – « faire tenuki » signifie « jouer
ailleurs ».
tesuji – coup brillant, astucieux.
tobi – saut d’un espace.
tsuke [tsouké] – pierre seule jouée au
contact d’une pierre adverse.
tsumego – problème de vie et de mort.
warikomi – coup s’intercalant entre deux exemples de
pierres adverses. shimaris
yose [yossé] – fin de partie.

warikomi
viii Lexique
Introduction :
L’importance des formes

Qu’est ce que la forme ?

Les bons joueurs de go ont dans leur arsenal de nombreuses


séquences pré-établies. Le terme de « forme » (katachi en japonais)
peut faire référence à un quelconque motif récurrent sur le plateau,
mais dans ce livre, nous allons en restreindre le sens. Les concepts
de forme qui vous seront le plus utile dans l’immédiat sont ceux
qui permettent d’identifier les points vitaux. Un point vital est un
endroit-clé d’une position : le simple fait d’y poser une pierre vous
donne un avantage, non pas par magie, mais parce que ce point est
intrinsèquement bon dans cette position.
En pratique, il est très utile de connaître ces points vitaux, ne
serait-ce que du point de vue de la lecture de séquences : pour
trouver un point vital, il suffit de savoir lire à une profondeur d’un
seul coup ! Les joueurs expérimentés ne semblent pas avoir besoin
de réfléchir pour bien jouer : il leur suffit de se concentrer sur les
formes correctes. Cependant, n’allez pas en déduire que la lecture
consciencieuse n’a pas sa place dans le jeu de go.
Pour démarrer, vous trouverez dans ce livre un ensemble de pro-
verbes de go qui vous aideront à reconnaître ces points vitaux (voir
l’index des proverbes page 235). Ce ne sont que des heuristiques et
pas des règles rigoureuses. Il faut donc connaître aussi leurs excep-
tions. Comme le dit le meta-proverbe : « Gardez-vous d’appliquer
les proverbes aveuglément ! ».

1
2 Introduction

Forme, tesuji et jōseki


Quand on apprend les tactiques de base du jeu de go, on dé-
couvre rapidement l’importance des points de coupe. Peu après,
en étudiant les problèmes de tesuji, on constate que certains coups
peuvent permettre de remporter une victoire locale décisive, notam-
ment ceux tirant parti du manque de libertés. Les belles formes ne
permettent pas d’obtenir des avantages aussi extrêmes, aussi spec-
taculaires que les tesujis, mais ont malgré tout leur importance. En
effet, dans une partie entre joueurs de même valeur, les occasions
de jouer un tesuji sont rares ; en revanche, on doit en permanence
soigner sa forme.
Avant de commencer à étudier les formes, la plupart des joueurs
commencent par étudier des ouvertures pré-établies que l’on ap-
pelle jōseki en japonais. Les jōsekis sont des séquences standardi-
sées dont, notamment, les ouvertures classiques dans les coins. Ces
séquences ont été établies par un consensus de joueurs profession-
nels.
Chaque jōseki couvre de nombreuses variations dont certaines
ont été écartées quand elles menaient clairement au désastre. Beau-
coup de variations sont éludées dès que l’un des joueurs a une forme
trop mauvaise, quand ses pierres sont inefficaces ou redondantes,
quand l’un des groupes n’a pas une forme efficace pour créer des
yeux ou n’a pas de perspectives de développement, etc.
Objectifs de ce livre
 Montrer les points vitaux de chaque forme.
 Expliquer comment construire de bonnes formes, et comment
exploiter les mauvaises dans les situations de combat.
 Intégrer les proverbes relatifs aux formes à votre connaissance du
go.
 Aller au delà des proverbes et accéder à un autre niveau de lecture
plus explicite, à l’aide d’exemples et de contre-exemples.
 Faire tomber les barrières entre le point de vue tesuji et le point
de vue jōseki et bâtir des ponts entre intuition et connaissance.
 Démystifier quelques tesujis courants.
 Aider le lecteur à anticiper et à faire apparaître les tesujis, une
condition requise pour un joueur en dan.
3

 Examiner les différentes variations dans un jōseki et vous aider


à choisir quand les raisons tactiques seules ne suffisent pas.
 Aborder au fil du livre les questions de formes et de style de jeu
(kata et suji), dont regorge la littérature japonaise.
 Faire avancer la théorie du jeu de go en fournissant des études
systématiques de certaines positions ainsi que des critères pour
choisir parmi les variations possibles.
 Développer chez le lecteur un respect très profond pour les prin-
cipes de la bonne forme. Par exemple : se connecter mais rester
léger et souple, ne pas réduire ses propres libertés sans raison, se
développer rapidement tout en veillant à construire des yeux.
 Fournir aux joueurs de go un dictionnaire des formes (vous trou-
verez un index des formes et des proverbes à la page 235).
 Montrer comment comparer les formes entre elles.

Que devrais-je étudier à mon niveau ?

Du niveau 10e kyu au niveau 5e kyu, essayez de vous concentrer


sur vos propres formes durant vos parties et d’identifier les formes
classiques. Vous pouvez aussi rechercher ces formes dans les parties
de professionnels. Il peut être difficile de comprendre pourquoi les
mauvaises formes le sont tant qu’on n’a pas assimilé les concepts
basiques de forme. En particulier, à ce stade, l’étude des jōsekis
pourrait vous apparaître comme un simple exercice de mémorisation
rébarbatif.
La résolution de problèmes, en commençant par des problèmes
élémentaires de vie et de mort puis par des problèmes plus généraux
de tesuji, est davantage susceptible de plaire à un joueur souhaitant
progresser au delà du 10e kyu. Quand vous aurez résolu suffisamment
de problèmes, vous commencerez à voir les points vitaux de certaines
positions. Cet ouvrage peut vous servir de référence pour les formes
classiques.
L’exemple de jōseki étudié dans cette introduction est davantage
destiné à des joueurs 5-kyu et plus forts. Il peut vous permettre de
diagnostiquer vos forces et vos faiblesses. Si cet exemple ne vous
apporte pas grand chose, commencez par lire les sections les plus
abordables (voir ci-dessous).
4 Introduction

L’approche de ce livre

Les livres de jōseki sont organisés par variation. Ceux de tesuji


peuvent être organisés par forme, ou par fonction (comme dans le
Tesuji Dictionnary de Fujisawa Shuko, l’ouvrage de référence sur
le sujet). Aucune de ces structures n’est très agréable à lire, mais
elles sont adaptées pour des ouvrages qui ont vocation à servir de
référence. Nous avons choisi de mélanger les deux approches : forme
et fonction.

Comment utiliser ce livre ?

Certains liront ce livre comme ils liraient un roman (si vous êtes
de niveau dan, cette approche peut vous convenir), peut-être en
alternant avec un ouvrage de tesuji. Le livre est divisé en cinq parties
relativement indépendantes, et la difficulté à l’intérieur d’une partie
va croissante. Les parties deviennent elles aussi plus complexes au
fil du livre. Chaque chapitre est divisé en brèves sections traitant
d’un thème particulier. Il y a également trois séries de problèmes à
résoudre, la troisième étant bien plus difficile que les deux autres.
Sinon, vous pouvez aussi suivre l’un des cours de forme ci-
dessous. Ces listes de sections vous donnent une indication de leur
difficulté.
Première lecture (cours pour 10e kyu) :
1.1, 1.2, 1.3, de 2.1 à 2.5, 3.1, 3.4, 3.5B, G et M, 4.1, 4.2, 4.4, 4.5,
4.6, 5.1, 5.3, 5.4, première série de problèmes (première moitié), 7.1,
7.4, 7.5, 7.6, deuxième série de problèmes : six premiers problèmes,
11.1, 13.1, 13.2, 13.4.
Deuxième lecture (cours pour 5e kyu) :
Introduction, 1.4, 1.5, 2.6, 3.2, 3.3, 4.3, 4.7, 4.8, 4.9, 5.2, 5.5, 5.6, 6.1,
6.3, le reste de la première série de problèmes, 7.2, 7.3, 7.7, 7.8, 8.1,
8.2, 8.3, 9.1, le reste de la deuxième série de problèmes, chapitre 10,
11.2, 11.4, 12.4, 13.3, 13.7, 14.1, 14.2.
Troisième lecture :
3.5, 6.2, 6.4, 8.4, 8.5, 9.2, 9.3, 11.3, 11.5, chapitre 12, 13.5, 13.6,
chapitre 14 et 15, troisième série de problèmes.
5

Références
Il serait fort utile d’accompagner la lecture de ce livre des ou-
vrages suivants :
 Tesuji de James Davies (Kiseido),
 Get strong at Tesuji de Richard Bozulich (Kiseido) – ce livre
donne de nombreux exemples sur les lignes de jeu correctes,
 Tesuji and anti-suji of Go de Sakata Eio (Yutopian),
 Proverbs (traduction en anglais par Max Golem, Yutopian).
En guise d’introduction générale au go, vous pouvez lire Teach
Yourself Go de Charles Matthews (Hodder and Stoughton/NTC)
qui fournit suffisamment d’éléments de base pour commencer ce
livre.
Nous faisons référence dans le texte à des idées de Bruce Wilcox.
Vous pourrez retrouver ces idées dans son livre, EZGO – Oriental
Strategy in a Nutshell (Ki press, ISBN 0-9652235-4-X), écrit avec
Sue Wilcox.

Un exemple traité dans le style jōseki


Dans le reste de cette introduction, nous nous intéressons à un
seul jōseki. Cette approche est typique des livres de jōseki : on
part d’une position particulière dans un coin, puis on en discute les
variations possibles. Vous pouvez continuer à lire pour vous faire
une idée de comment la forme et quelques proverbes de base aident
à la prise de décision. En revanche, cette approche a l’inconvénient
de ne pas donner de conclusion définitive ou d’idée générale. C’est
pourquoi, au moins en partie, nous n’avons pas choisi cette approche
dans le reste de l’ouvrage. En général, nous montrons une position et
l’étudions dans des contextes variés. À partir de là, on peut raisonner
par comparaisons puis donner quelques affirmations péremptoires.
Le texte contient de nombreux renvois sur lesquels vous pouvez
cliquer pour en savoir plus, et les proverbes sont mis en évidence
comme ceci .
6 Introduction

Voici un jōseki classique quand Noir oc-


cupe un coin au san-san. Il est relativement
simple : Blanc ne conteste pas le coin de
Noir et cherche surtout à ne pas se créer un
groupe faible. À l’issue du jōseki, l’influence
du groupe blanc rayonne vers le centre.
Dès le début du jōseki, Blanc a décidé
que le coin appartenait à Noir et ensuite, les
deux joueurs se contentent de prendre forme. Diagramme 1
Ce jōseki peut sembler très simple, mais
il recèle de nombreuses variations. Dans le reste de cette introduc-
tion, nous allons en étudier quelques unes, afin de passer en revue
les différentes facettes de l’idée de forme.
Vous trouverez d’autres jōsekis du san-san dans les sections 1.4,
1.5, 3.1 et 3.3.

Et soudain, Blanc perdit la forme . . .

Commençons par un exemple de base.


 est une mauvaise forme. Avec Í, Noir
applique le proverbe « Jouez hane à la
tête de deux pierres ». Après cela, Blanc
ne peut obtenir un bon résultat dans cette
partie du plateau. Si vous aviez l’habitude
de faire subir cette torture à vos pierres, il
vous suffira vraisemblablement de l’éviter
pour progresser immédiatement. Ce pro-
verbe, ainsi que d’autres proverbes sem- Diagramme 2
blables, seront étudiés dans le chapitre 4.

Jouer léger

Il y a une autre possibilité pour


Blanc 3 : Blanc peut jouer un tobi comme
dans ce diagramme. Mais il est important
de comprendre le sens de ce coup. Quand
Noir répond en 4, Blanc ne pourra pas
connecter ses pierres solidement. On dit
que Blanc 3 est une forme légère. Diagramme 3
7

En général, on va choisir de jouer une forme légère car


ce sont des formes plus faciles à défendre (voir 2.6).
Les joueurs amateurs ont souvent tendance à com-
mettre l’erreur de jouer des formes lourdes, de déve-
lopper leurs groupes en oubliant que, plus tard, il leur
faudra les défendre.
Ce problème se manifeste de différentes manières : une
réticence à sacrifier des pierres, même quand elles n’ont
pas vraiment de valeur stratégique ; une propension
aux invasions jalouses, à refuser d’admettre que l’ad-
versaire a droit à un minimum de territoire ; des ré-
ductions trop profondes, qui finiront par devoir lutter
pour leur survie ; un excès de connexions solides, qui
aboutit à des groupes rabougris, par peur des coupes
et des invasions.
Les forts joueurs n’hésitent pas à sacrifier des pierres.
Ils le font avec succès et ce pour plusieurs raisons : ils
savent quelles pierres peuvent être sacrifiées et quelles
pierres sont essentielles ; grâce à une bonne technique,
ils savent tirer au mieux parti de leurs sacrifices ; leur
jugement est précis et ils anticipent la position qui en
résultera et les possibilités futures que leur offriront
les pierres sacrifiées.

Diagramme 4 Diagramme 5
Normalement, Blanc joue vers l’extérieur en 5 puis connecte en 7
(dia. 4) : il est prêt à sacrifier la pierre ∆. Si Blanc tente de la sauver,
comme dans le dia. 5, il se retrouve immédiatement empêtré dans
un combat difficile quand Noir coupe en 8.
8 Introduction

Tactiques de combat rapproché

Diagramme 6 Diagramme 7

Noir peut aussi envisager le clamp en Ë mais cette forme fragile


n’est pas infaillible. Blanc peut tenter de jouer  puis Ä. Comment
Noir doit-il répondre ?

Diagramme 8 Diagramme 9

Si Noir fait hane en 10, il se met immédiatement en difficulté.


Ce coup est trop direct : après B23, Noir est capturé en geta. Il vaut
mieux prendre du recul et sauter comme dans le dia. 9. Le combat
est plus complexe, mais il semble que ce soit un plan déraisonnable
pour Blanc.
Pour plus d’informations sur le clamp, voir pages 36 et 38, ainsi
que la section 4.8.
9

Quelles sont mes options ?


Revenons un peu en arrière. De quels
choix Noir dispose-t-il en réponse au coup
à l’épaule À ? À la place, peut-on jouer en
A, B, ou C ? Ces coups sont rarement pré-
sentés dans la littérature. Deux d’entre eux
sont plutôt mauvais et le troisième est ap-
paru dans une partie au plus haut niveau et Diagramme 10
c’est un maître du san-san qui l’a joué.
Lister l’ensemble des variantes imaginables d’un jōseki consti-
tuerait une tâche colossale. La seule chose dont on puisse être sûr,
c’est que tous les coups imaginés par les professionnels aujourd’hui
et par le passé ont été examinés avec attention.
L’extension orthodoxe
Le coup Ë, quoique peu ordinaire, pro-
vient d’une partie de professionnels. On peut
s’attendre au développement du dia. 11.
Ä s’étend à une distance de trois de-
puis un mur de deux , en accord avec le
proverbe ; dans certains cas, on peut aussi
répondre en A. Les coups 1 à 4 ont été joués Diagramme 11
par Sakata Eio 9-dan et Otake Hideo durant le match pour le titre
de Judan en 1969. Cependant, dans cette partie, Blanc ne pouvait
pas répondre en Ä.
Capturer une pierre de coupe
Le choix B est une mauvaise forme. Blanc
peut créer deux points de coupe avec Â.
Noir ne peut pas accepter de se faire trancher
en deux et le coup Í est donc obligatoire.
Blanc peut couper d’un côté ou de
l’autre, selon la position globale. Dans le
dia. 12, il prend le coin. Et si le shichō lui est Diagramme 12
favorable, Blanc peut choisir de prendre l’extérieur (dia. 13, page
suivante). Ces deux résultats sont bons pour Blanc, compte tenu du
fait que le coin était à Noir.
10 Introduction

Noir fait bien d’obéir au proverbe « cap-


turez la pierre de coupe ». Si Noir con-
necte en Ï comme dans le dia. 14, sa forme
est moins bonne que s’il avait capturé la
pierre et laissé l’extérieur à Blanc.
La forme obtenue en capturant une
pierre s’appelle un ponnuki. En général, une
telle forme a beaucoup de valeur : il lui est Diagramme 13
facile de créer des yeux ou de l’influence et
elle peut se développer dans plusieurs direc-
tions.
Dans les paragraphes qui précèdent, nous
n’avons pas dressé l’éloge de Noir 2. Et en
effet, c’est une erreur. L’abandon du coin est
une grosse perte et laisser une bonne forme
à Blanc est trop coûteux.
Pour en savoir plus sur le proverbe « un Diagramme 14
ponnuki vaut trente points », lisez l’en-
cadré de la page 17.

Utilisation astucieuse de la symétrie

En fait, le coup Ë est un piège. Son but


est d’obtenir la situation du dia. 15, où Noir
vit dans le coin avec Ï, une application du
proverbe : « jouez au centre de symé-
trie ». Maintenant, Blanc ne peut pas em-
pêcher Noir de vivre ou de se connecter à Diagramme 15
l’extérieur. Noir espère ainsi causer des dif-
ficultés à Blanc à l’extérieur.
Jouer au contact puis bloquer comme
dans le dia. 16 est approprié dans ce cas, si
Blanc souhaite prendre le territoire. Ensuite,
Blanc peut garder le coin mais doit faire at-
tention à ne pas se faire enfermer.

Diagramme 16
11

La forme tsuke-nobi du dia. 17 est


une autre manière d’éviter le piège.
Ensuite, Blanc pince en 15 . Cepen-
dant, Blanc 13 est un coup vulgaire car
il « pousse en retard ». D’autre part,
la pierre noire sur le bord gauche pour-
rait, plus tard, contre-attaquer violem-
ment.
Diagramme 17

Perspectives

Diagramme 18 Diagramme 19

On ne peut pas contraindre son adversaire à répondre. Quitte à


ce que Blanc ignore Ê, Noir préférera la forme du dia. 18 à celle
du dia. 19. Cette dernière laisse une faiblesse en A que Blanc peut
menacer en jouant en ×, auquel Noir aimerait répondre solidement
en B.
12 Introduction
Première partie

Principes de développement

13
1 La forme de la table

1.1 Trois formes solides


Ce chapitre présente quelques formes solides. Les bonnes formes
ne se résument pas aux formes solides, mais c’est un bon point de
départ.

Diagramme 1 Diagramme 2 Diagramme 3

Dia. 1. La forme de base : la table.


Dia. 2. La double-table, idéale pour créer un œil et formée de deux
tables superposées, la deuxième étant représentée par les pierres ∆.
Dia. 3. Le nœud de bambou, qui ressemble beaucoup à la table,
à une pierre près (la pierre ∆).

14
1.2. CONSTRUIRE DES TABLES 15

Diagramme 4 Diagramme 5

Ici, lorsque Blanc joue en Á, son groupe prend une forme par-
faite. Si, par la suite, Blanc a besoin de pousser vers le centre, la
continuation est naturelle (cf dia. 5), et la pierre ∆ se trouve idéa-
lement placée.

1.2 Construire des tables

Diagramme 6 Diagramme 7

Dia. 6. Noir forme une table


et renforce ainsi son tobi. Ensuite
(dia. 7), Blanc va vraisemblable-
ment jouer le point vital de la table.
Dans le dia. 8, Noir joue le nœud de
bambou solide en Î pour empêcher
Blanc de connecter sur le bord.
Diagramme 8
16 CHAPITRE 1. LA FORME DE LA TABLE

S’il n’y a pas de pierre blanche à


gauche, Noir peut aussi jouer comme
dans le dia. 9 ; il reste une coupe en A,
Noir 5 supprime une liberté aux deux
pierres blanches, et Noir a la possibilité
de créer un œil avec un coup en B.
Diagramme 9

Diagramme 10 Diagramme 11

À cause de sa mauvaise forme, Blanc n’a pas de bonne réponse


contre Ê. C’est un combat désavantageux pour Blanc. C’est pour-
quoi Blanc doit protéger la coupe immédiatement. Dans certains cas,
Noir peut même résister avec un kō un peu téméraire (cf dia. 11).

Diagramme 12 Diagramme 13

À titre de comparaison, observez ce qui se passe quand Noir


joue en 3 comme dans le dia. 12. Si Blanc continue en sacrifiant une
pierre (dia. 13), le résultat pour Noir est un échec du point de vue
de la forme ; la pierre noire ∆ n’a que peu d’effet, étant trop proche
de son groupe désormais solide. L’efficacité est un élément crucial
au jeu de go.
1.2. CONSTRUIRE DES TABLES 17

Diagramme 14 Dia. 15 - 8 connecte le kō


Si les circonstances le permettent, Noir a une autre possibilité.
Noir sacrifie volontairement une pierre (dia. 15). Après Noir 9, le
groupe noir obtient une bonne forme au centre ; l’échange précédent
des deux pierres ∆ est nettement à l’avantage de Noir. La forme que
l’on obtient après la capture d’une pierre est une forme classique
(voir encadré ci-dessous).

Le ponnuki
Cette forme solide, qui résulte de la cap-
ture d’une pierre au centre du goban, est
appelée ponnuki. Il existe un proverbe
qui dit qu’un ponnuki vaut trente
points. Grosso modo, cela signifie que
les trois coups de Blanc permettant de
créer cette forme (quatre moins la pierre Diagramme 16
que Noir s’est fait capturer), valent chacun dix points, une va-
leur typique durant le chuban. Cependant, lorsqu’un ponnuki
est confiné, tel que dans l’exemple du dia. 15, son influence est
moindre, ainsi que sa valeur. Lorsqu’il est situé au centre du
goban, l’influence d’un ponnuki est considérable.
Dans cette position classique, il
est tout à fait acceptable pour
Blanc d’échanger les points du
coin contre un ponnuki. La va-
leur des coups Á et à se ressen-
tira dans les combats de milieu
de partie.
Diagramme 17
18 CHAPITRE 1. LA FORME DE LA TABLE

Ici, dans ce jōseki d’invasion du san-


san, Blanc a intérêt à prendre le pon-
nuki, bien que Noir recapture le coin.
Le groupe blanc formé par le ponnuki
est assez solide : il peut faire ses deux
yeux facilement et Blanc n’a généra-
lement pas besoin de lui consacrer un Diagramme 18
coup supplémentaire dans l’immédiat.
Dans le dia. 19, Blanc prend le coin,
mais Noir a une bonne influence à l’ex-
térieur. En capturant définitivement la
pierre prise en shichō avec le coup 6,
Noir se prémunit contre un futur bri-
seur de shichō et obtient un ponnuki. Diagramme 19
Noir conserve une coupe, mais a par ailleurs une forme solide
qui lui sera utile au combat.
La valeur de 30 points que le proverbe attribue au ponnuki doit
être nuancée, comme nous l’avons vu, lorsque celui-ci ne peut
exercer pleinement son influence, ou s’il est trop proche d’une
autre influence.

1.3 Le warikomi : le talon d’Achille de la table

Diagramme 20 Diagramme 21
La forme de la table est parfois moins avantageuse que le nœud
de bambou, car elle a une faiblesse : le warikomi. Dans cette situa-
tion, Noir n’a pas de bonne réponse si Blanc s’introduit au point 1.
Il est impossible de protéger les trois coupes A, B et C.
1.3. LE WARIKOMI 19

Diagramme 22 Diagramme 23

On retrouve une forme semblable dans cet exemple de shichō à


deux libertés. Blanc peut capturer Noir. Blanc 1 est sur le point du
nœud de bambou de Noir.

Diagramme 24 Diagramme 25

Supposons que Blanc n’ait pas vu le shichō à deux libertés et


qu’il rampe en 1 pour sortir. Noir doit maintenant faire un nœud
de bambou en Ë. Dans le dia. 25, la faiblesse de la table apparaît
quand Blanc joue en Ä. Ceci dit, la technique pour l’exploiter est
différente ici : si Blanc joue immédiatement son coup 3 en 5, le coup
de forme, il ne peut pas capturer les pierres de coupe.
20 CHAPITRE 1. LA FORME DE LA TABLE

1.4 La grande table

Diagramme 26 Diagramme 27

Nous appelons cette version étendue de la table la grande table.


Blanc 4 crée une bonne forme pour les pierres qui s’enfuient vers le
centre.

Diagramme 28 Diagramme 29

La grande table requiert parfois


une modification, pour la renforcer
par le côté. Si Blanc veut mettre l’ac-
cent sur le bord haut, le coup À du
dia. 28 est bon. Si Blanc joue en 1
du dia. 29, Noir peut profiter de la
faiblesse en 2. Dans le dia. 30, Noir
se trouve en difficulté dès que Blanc
joue au point clé 6.
Diagramme 30
1.5. AU-DELÀ DES FORMES EN TABLE 21

Diagramme 31 Diagramme 32

Quand on souhaite développer un mur de deux pierres vers le


centre, le saut de deux demande de prendre plus de précautions
que le saut d’un espace. Après Á dans le dia. 31, Noir pourrait
avoir besoin de renforcer avec un coup comme A ou B. Si Noir ne
saute qu’en 1 dans le dia. 32, poursuivre avec 2 ou 3 lui permet de
conserver une bonne forme.

1.5 Au-delà des formes en table

Diagramme 33 Dia. 34 – È connecte


Ici, Noir peut sauter d’un espace au lieu de faire une table avec
A, en considérant l’échange des deux pierres marquées comme un
gain. Dans la séquence du dia. 34, Blanc cherche désespérément à
capturer des pierres. Ce résultat est désastreux pour lui.
22 CHAPITRE 1. LA FORME DE LA TABLE

Diagramme 35 Diagramme 36

Le coup 1, qui induit la réponse en 2, suivie par le coup 3 –


plutôt que A – traite les deux pierres de manière légère. Dans le
dia. 36, Noir continue d’attaquer au point vital, mais Blanc est prêt
à sacrifier toutes les pierres ∆ pour créer une influence.

Diagramme 37 Diagramme 38

Ici, Blanc 1 permet de sortir plus rapidement vers le centre que A.


Noir n’a pas intérêt à couper immédiatement (dia. 38). Il perdra
beaucoup plus sur le bord haut que ce qu’il a gagné en capturant
quelques pierres.

***

Les exemples précédents tournaient autour du thème de la légè-


reté : la table est une forme solide, mais il est parfois plus approprié
de jouer légèrement et de sacrifier quelques pierres.
2 Les formes : principes
de base

2.1 Introduction : fonctions et comparaisons


Dans le chapitre 1, nous avons abordé quelques formes solides et
utiles, mais vous avez également besoin de principes généraux. La
première étape dans l’étude des formes ne doit pas être l’étude de
motifs spécifiques, mais tout d’abord de comprendre que certains
coups fonctionnent bien, alors que d’autres non.

Diagramme 1 Diagramme 2

Le tobi À du dia. 1 ne permet pas à Blanc de maintenir les 2


pierres noires séparées : après Noir 6, Noir A et B sont miai. En
revanche, le kosumi À du dia. 2 fonctionne parfaitement.

23
24 CHAPITRE 2. LES FORMES : PRINCIPES DE BASE

Diagramme 3 Diagramme 4

Ici, le tobi est la bonne manière de défendre les deux pierres ∆,


car le kosumi laisse à Noir la possibilité de jouer en 2 et menacer
une prise en retour.

Diagramme 5 Diagramme 6

Ici, Noir devrait jouer le kosumi Ê pour capturer les deux pierres
blanches. Descendre vers le bord (dia. 6) est maladroit : si Blanc joue
en 2, Noir 3 devient nécessaire à cause de la menace Blanc A. Main-
tenant, Noir a perdu l’opportunité de capturer une pierre blanche
sur le bord, un gros coup de yose qui crée également un point de
coupe.
2.2. ANGLES VIDES 25

2.2 Angles vides – à chacun son heure de


gloire

Diagramme 7 Diagramme 8 Diagramme 9


Ceux qui ont appris que l’angle vide – la forme du dia. 7 consti-
tuée des trois pierres ∆, dans laquelle le point A n’est pas occupé par
une pierre blanche – est une mauvaise forme par essence pourront
être surpris de voir qu’elle peut avoir des avantages. Si l’on suit les
critères de la section 2.1, on doit seulement se demander comment
elle répond aux besoins de la position.
Pour commencer, voici deux raisons pour lesquelles l’angle vide
est considéré comme une mauvaise forme. Premièrement, elle est
inefficace. Si Noir a deux pierres en kosumi comme dans le dia. 8,
elles sont déjà connectées. Si Blanc joue en 1 comme dans le dia. 9,
Noir connecte avec 2 ; et vice versa. Deuxièmement, cette forme
possède peu de libertés. Les trois pierres alignées du dia. 10 ont
huit libertés. L’angle vide du dia. 11 n’en a que sept. Une liberté,
ce n’est pas grand-chose, mais ça peut faire la différence en combat
rapproché. La forme du dia. 12 contient deux angles vides et la
quatrième pierre n’apporte aucune liberté supplémentaire. Le bloc
2 × 2 du dia. 13 est aussi pauvre en libertés. De plus, c’est une
forme clairement inefficace résultant d’une mauvaise utilisation des
pierres.

Diagramme 10 Diagramme 11 Diagramme 12 Diagramme 13


26 CHAPITRE 2. LES FORMES : PRINCIPES DE BASE

Diagramme 15
Diagramme 14

Voici quelques cas pratiques.


Dia. 14. Un exemple criant d’inefficacité. Noir aurait dû jouer 1
en 7.
Dia. 15. Noir 1 est mauvais et Blanc 2 tue le coin ; Noir aurait
pu vivre en jouant lui-même au point vital 2 (cf. 4.6).

Diagramme 17
Diagramme 16

A contrario, voici deux exemples d’angles vides qui créent de


bonnes formes.
Dia. 16. Noir 2 évite l’enfermement.
Dia. 17. Si Noir ne peut pas gagner le kō, le coup 1 trouve son
intérêt après l’échange Blanc A, Noir B.
Bien qu’un angle vide soit le plus souvent une mauvaise forme,
il semble impossible de donner une liste exhaustive des cas dans
lesquels elle pourrait être qualifiée de bonne. Vous trouverez des
exemples aux pages 16, 32, 60, 66, 116, 130, 186, 205, 209, 212.
2.3. AUTOUR DE LA TABLE 27

2.3 Autour de la table


Dans la partie 1.1, je vous ai présenté la forme de la table sans
explication. Dire que « c’est une bonne forme » sans la moindre
justification est malheureusement une habitude courante chez les
joueurs de go. Dans la suite, nous allons donc nous intéresser à
deux pistes d’étude plus poussées.

À une intersection près

La pierre noire ∆ est le plus souvent mieux


placée ici plutôt qu’en n’importe quelle autre
position : A, B, C, ou D. Pourquoi ? Par
exemple, A crée un angle vide, ce qui n’est pas
intrinsèquement une bonne idée.
La forme créée par D est comparable à un
nœud de bambou. On pourrait dire que A et D
sont trop proches des autres pierres noires et Diagramme 18
ces coups semblent donc être moins efficaces
que les trois autres. Inversement, B et C semblent trop lointains. Il
semble donc que la pierre ∆ réalise une sorte d’équilibre.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. La forme créée par C est parfois
une bonne forme, comme nous l’avons vu dans les sections 1.4 et
1.5. Elle apparaîtra également dans la suite de l’ouvrage dans des
études de problèmes. La forme créée par A sera étudiée dans la
section 3.5L, dans un cas très particulier. La forme créée par D est
très importante (par exemple dans le chapitre 8). Seule la forme
créée par B est vraiment inhabituelle et c’est rarement une bonne
forme ; dans l’exemple qui suit, c’est une forme trop fragile.

Développement et perspectives

Les pierres sont placées une par une sur le goban. Toute forme
plus complexe qu’un kosumi ou une extension doit prendre en
compte le fait que l’adversaire peut intervenir. Les premiers concepts
concernant les formes peuvent venir de motifs statiques ; mais il y a
également un processus sous-jacent à prendre en considération.
28 CHAPITRE 2. LES FORMES : PRINCIPES DE BASE

Dia. 19. Nous allons étudier cette partie


de la table. Elle contient trois pierres, mais
semble incomplète à ce stade. On rencontre gé-
néralement cette forme en compagnie d’autres
pierres blanches, distribuées de différentes ma-
nières. C’est en considérant la position de ces
pierres adverses que les questions de forme et Diagramme 19
de connexion prennent tout leur sens.
Dia. 20. Maintenant, ajoutons quelques
pierres blanches pour réduire le niveau d’abs-
traction et amener des variations tactiques. Le
développement dans le dia. 20 est assez normal
(plus de détails dans le chapitre 5).
Dia. 21. Noir 5 crée une forme très solide,
Diagramme 20
qui se confirme quand Blanc joue en 6 et que
Noir répond en 7 par un nœud de bambou.
Dia. 22. Noir 5 cherche à être plus léger,
mais pourrait devenir redondant ou causer des
problèmes. Ici 5 et 7 sont trop proches l’une de
l’autre et la forme noire est inefficace.
Dia. 23. Le coup 8 saute aux yeux. C’est une
manière astucieuse de couper Noir.
Diagramme 21
Il est important de se demander en quoi le
coup Blanc 8 est le point vital. Cela peut s’ex-
pliquer de deux manières :

 c’est le point permettant de compléter la


double-table vue en 1.1,
 c’est une manière d’empêcher la création
d’un œil en se servant de la pierre blanche Diagramme 22
en 6.

En y réfléchissant, la première raison est


également en rapport avec la création d’un œil.
Cet exemple montre une subtilité de l’étude des
formes : à première vue, il s’agissait d’un pro-
blème de connexion et en définitive, il s’agit de
former des yeux.
Diagramme 23
2.3. AUTOUR DE LA TABLE 29

Diagramme 24 Diagramme 25

Dia. 24. Si Blanc réagit de manière plus passive avec Á, Noir


peut sauter en 3. C’est un résultat efficace pour Noir. À quels risques
s’expose-t-on en jouant Ì ?
Dia. 25. Blanc pourrait résister avec 4. Le sens des coups jusqu’à
14 se comprend facilement. Qui a l’avantage dans ce combat ? Après
Noir 15, il semble que les deux groupes noirs sont mieux développés ;
la perte d’une pierre est un détail.
Quand il y a de nombreux groupes faibles au centre du goban, il
faut prendre en considération la dynamique des différents combats
et leur équilibre. Un des facteurs à considérer dans cet équilibre est
la bonne forme des groupes, que ce soit pour sortir ou créer des
yeux.

Diagramme 26 Diagramme 27

Dans le dia. 26, Noir 3 est étrange : Blanc prend le point vital en
4. Le résultat du dia. 27 est horrible. Bien que Noir reste connecté,
il a créé un angle vide inefficace, et il y a une pierre blanche sur le
point vital permettant de créer un œil. Ce point est généralement
appelé « point d’angle » en relation avec Noir 5 (voir sections 4.8
et 4.9).
30 CHAPITRE 2. LES FORMES : PRINCIPES DE BASE

2.4 Combat : quand les libertés comptent

Diagramme 28 Diagramme 29

Diagramme 30 Diagramme 31 - 20 connecte

Voici une bien triste histoire en quatre actes. Noir s’efforce de


sortir, mais n’a pas assez de libertés. Dès que Blanc joue en 5, la
forme noire en manque cruellement. On arrive au dénouement de
l’histoire quand Noir connecte en 20 et n’a plus que trois libertés.
Capturer une pierre avec 16 ne permet pas de gagner de libertés,
puisque cela ne fait que créer un faux œil. Dans un combat, chaque
liberté compte.

Diagramme 32 Diagramme 33
2.4. COMBAT : QUAND LES LIBERTÉS COMPTENT 31

Dia. 32. En considérant uniquement les libertés, Noir 1 est le


point vital ; il donne à Noir cinq libertés, alors que Noir A et B
forment des angles vides, et seulement quatre libertés.
Dia. 33. Pour cette raison, Blanc 1 est un bon coup d’attaque.

Diagramme 34 Diagramme 35

Dia. 34. Parfois on a envie d’ajouter une seconde dimension à


un groupe. Ici, Noir 1 vise le coup en 3.
Dia. 35. Mais si Blanc répond en 2, la forme noire est fragile,
avec un point faible en A. Noir 1 est donc une mauvaise forme.

Diagramme 36 Diagramme 37

Dia. 36. Il serait plus judicieux de sauter en 1. Si Blanc joue


l’un des deux points vitaux, par exemple en 2, Noir obtient une très
bonne forme de table en jouant 3. Par la suite, Noir peut envisager
les coups A ou B.
Dia. 37. Noir 3 reste un bon coup, mais Noir devra surveiller sa
faiblesse en C, car Blanc 2 a créé un manque de libertés. Dans ce
cas, Noir peut préférer jouer 3 en C, un nœud de bambou (cf 1.3).
32 CHAPITRE 2. LES FORMES : PRINCIPES DE BASE

Diagramme 38 Diagramme 39

Dans les deux exemples ci-dessus, Noir n’a qu’une seule solution
pour gagner le semeai.
Dia. 38. Avec Noir 1, il gagne deux libertés (c’est un « coup sur
le nez » au sens de 4.3).
Dia. 39. Noir connecte ses deux groupes : tout autre coup de
connexion, par exemple le nœud de bambou, donne moins de liber-
tés. Les angles vides donnent autant de libertés que l’on peut en
compter, contrairement au nœud de bambou.

Diagramme 40 Diagramme 41

Dans cet exemple, Noir est en


retard d’une liberté dans le semeai.
Et si Noir joue en 1 ? Noir peut-il
gagner suffisamment de libertés sur
le bord après Î ? Après le sacrifice
en Å il devient clair que Noir est
toujours en retard dans la course.
Diagramme 42 - 9 connecte
2.4. COMBAT : QUAND LES LIBERTÉS COMPTENT 33

En fait Noir doit se concen-


trer sur la réduction des libertés de
Blanc. Ici Noir gagne car Blanc doit
connecter. Noir 1 ou 3 est le point
vital dans ce semeai.
Diagramme 43

Résumé sur les formes de combat

L’étude des formes n’apprend pas à éviter les combats, mais à


les entamer uniquement selon vos propres conditions, dans une
bonne position.
Les facteurs clefs dans les combats rapprochés sont les liber-
tés, les yeux et les connexions. La manière la plus rapide de
perdre un combat local est de réduire vos propres libertés en
jouant maladroitement. Il est relativement facile d’apprendre
les techniques pour exploiter et prévenir le manque de libertés.
En revanche, discuter en détail des connexions prendrait trop de
temps dans une introduction aux formes. Voici quelques prin-
cipes sur les libertés lors des combats rapprochés :
 Ajouter une pierre à une chaîne fait normalement gagner une
ou deux libertés, et votre adversaire pourra en éliminer une
au prochain coup ;
 Il peut être difficile de se remettre de la perte d’une liberté ;
évitez donc de jouer inutilement au contact de l’adversaire ;
 Faux yeux et connexions en « gueule de tigre » (voir p. 35)
peuvent causer des pertes de libertés, comme dans le dernier
exemple ; c’est aussi le cas du nœud de bambou.
Et voici les questions qu’il faut se poser durant un combat :
 Puis-je connecter ? (cette question peut engendrer d’autres
questions difficiles)
 Devrais-je connecter, et comment ?
 Puis-je couper, et comment couper au mieux ?
34 CHAPITRE 2. LES FORMES : PRINCIPES DE BASE

 Penser aux coupes qui créent des groupes faibles et aux com-
bats qu’elles engendrent.
 Penser aux nozokis, et comment y répondre.
La forme intervient dans toutes ces questions. Aspirez toujours
à vous étendre pour plus d’efficacité ; en général, on recule pour
éviter de se faire couper ou envahir.
Les joueurs expérimentés sont attirés par les formes qui aident
à créer des yeux. Avoir des formes susceptibles de créer des yeux
vous donne davantage de liberté pour combattre ; inversement,
un groupe qui est à peine vivant peut vous handicaper pour
mener d’autres projets.
Les yeux sont un sujet complexe, et ce n’est pas étonnant que
des livres entiers soient consacrés aux tsumegos, en particulier
sur les bords et dans les coins – et au centre le contexte devient
crucial.
Portez toujours une attention particulière au contexte dans les
combats (les pierres voisines, l’influence, la proximité du bord) ;
il est important de savoir en théorie quelles formes sont bonnes,
mais cela ne suffit pas.

2.5 Comment connecter


Dia. 44. Si la connexion en 1 ne convient pas, que faire ? On
peut connecter de plusieurs manières et il faut considérer des coups
tels que les coups A à D du dia. 45. Clairement, Blanc aimerait ne
pas se faire couper ici, mais quel est le coup correct ? La connexion
solide en A n’a pas l’ambition d’être efficace, mais ne laisse aucun
aji.

Diagramme 44 Diagramme 45
2.6. COMBAT : LES YEUX 35

Diagramme 46 Diagramme 47
Les connexions en « gueule de tigre » en C (gauche) et B (droite)
offrent toutes deux à Noir le nozoki 2. Si Blanc est fort à droite,
C peut être meilleur car le nozoki est inutile s’il se fait capturer
immédiatement. Remarquez que sur le diagramme de droite, Blanc
n’est pas obligé de connecter en A.

Diagramme 48 Diagramme 49

Le choix D est généralement la bonne forme. La connexion indi-


recte est supportée par deux shichōs (et ici également un geta). Le
nozoki noir du dia. 49 n’a pas grand intérêt : il n’y a pas de bonne
suite.

2.6 Combat : les yeux


Faire un œil sur le bord
Dia. 50. Il n’est pas si simple de
repérer les yeux potentiels. Ici, après
Ì, Noir a un œil.
Diagramme 50
36 CHAPITRE 2. LES FORMES : PRINCIPES DE BASE

Dia. 51. Échec de Blanc.


Dia. 52. Noir 1 fait un œil : main-
tenant Blanc A est contré par Noir B,
et après Blanc C, Noir D suffit.
Dia. 53. Noir 1 échoue ; Noir a be-
Diagramme 51
soin des deux coups E et F pour former
son œil.
Les problèmes de vie et de mort
illustrent le principe classique qui veut
que « ce n’est pas à partir de cas par-
ticuliers qu’il faut tirer une règle ».
Diagramme 52

Détruire un œil
Diagramme 53
Il n’y a qu’au centre du goban que
les yeux suivent des règles relative-
ment simples. Les formes fondamen-
tales pour l’attaquant sont le vol d’œil
(dia. 54) et le clamp (dia. 55). Toutes
deux reposent sur la présence de la
pierre ∆.
Comme nous allons le voir, l’en- Diagramme 54
thousiasme à détruire ou faire des yeux
peut aller trop loin. Ces coups sont une
sorte de suji (un style de jeu, un en-
semble de tactiques). Le coup dans le
dia. 54 est souvent appelé « tesuji du
vol d’œil », lorsqu’il est joué dans des
positions avec moins de pierres, quand
l’œil potentiel n’est pas encore formé. Diagramme 55
2.6. COMBAT : LES YEUX 37

Faire ses yeux ou s’enfuir

Il est faux de croire que la première


tâche dans la défense d’un groupe faible
est la construction d’yeux. Si les pierres
valent la peine d’être sauvées, le premier
devoir est de fuir afin de se connecter plus
facilement avec un autre groupe, et aussi
gagner des libertés dans le cas où la posi-
tion conduirait à un semeai. Diagramme 56
En défense, il y a un compromis à
trouver entre la construction d’yeux et la
fuite vers le centre.
Dia. 56. Blanc construit un œil sûr,
mais ce coup est parfois trop lent, trop
lourd (voir encadré plus bas).
Dia. 57. Blanc peut se développer plus
rapidement en acceptant de perdre un
œil. Si Noir joue 2, Blanc sacrifie une
pierre. C’est généralement meilleur. Dia. 57 - 6 connecte

Légèreté et solidité

La légèreté et la solidité sont des concepts essentiels pour ca-


ractériser une forme. Faire des formes légères, c’est sacrifier, à
court terme, la solidité et la sécurité de chaque pierre en échange
d’une plus grande flexibilité pour l’avenir.
Les formes légères se reconnaissent ha-
bituellement par leur flexibilité et leur
absence de connexions solides. On gagne
en flexibilité en acceptant de sacrifier des
pierres. Ici Blanc 1 résout le problème de
la connexion en étant préparé au sacri-
fice d’une pierre ; si Noir le coupe, Blanc Diagramme 58
peut le forcer à capturer avec A ou C.
38 CHAPITRE 2. LES FORMES : PRINCIPES DE BASE

Au contraire, les formes lourdes mettent l’accent sur le bénéfice


immédiat et la connexion, au détriment de considérations de
plus long terme, comme la survie des groupes, alors qu’il est par-
fois nécessaire de sacrifier quelques pierres. Ici, les connexions
blanches en A, B, ou C sont des coups solides, mais relativement
lourds. Jouer trop solide est peut-être l’erreur que partagent
tous les joueurs en kyu.
Les attaques trop ambitieuses peuvent conduire à un point de
non-retour à partir duquel on est contraint de tuer. Pour cela,
on est amené à sauver chacune des pierres de l’attaque, afin
d’empêcher l’adversaire d’obtenir des yeux et ainsi à se mettre
dans des situations où l’on manque de libertés et on laisse trop
de points de coupe. Pour décrire ces situations, les professionnels
japonais ont deux termes techniques assez peu connus parmi les
amateurs, mais qui mériteraient de l’être davantage. Ce sont les
termes d’amarigatachi et d’amashi.
Le terme « amarigatachi » désigne ces formes fragilisées ou trop
étendues qu’obtient l’attaquant à l’issue d’une attaque déraison-
nable. Le terme « amashi » désigne quant à lui une stratégie
défensive de haut niveau qui consiste à accepter de laisser un
groupe suffisamment faible et inviter l’adversaire à l’attaquer ;
s’il en résulte un amarigatachi, alors la stratégie a réussi.

Vouloir tuer à tout prix

Dia. 59. Le clamp en action. Si Blanc attaque de plus loin, (par


exemple en A), Noir n’aura aucune difficulté à former un œil au
centre. Pour autant,
Blanc 1 n’est pas né-
cessairement un bon
coup. En réalité, Blanc
devrait choisir un
plan plus élaboré,
moins direct, en jouant
l’un des points mar-
qués d’un ×.
Diagramme 59
2.6. COMBAT : LES YEUX 39

Diagramme 60

À première vue, le groupe noir est sous pression car les pierres ∆
volent un œil. Pourtant, le coup Blanc 5, qui semble cohérent avec
les coups précédents, est un coup lourd. Il oblige Blanc à sauver ses
deux pierres. C’est un exemple typique d’attaque trop ambitieuse.

Diagramme 61

Maintenant, remplaçons Blanc 5 du diagramme précédent par


ce Blanc 1. Alors, Blanc doit jouer en 3 et perd des points. À moins
que Blanc ne parvienne à tuer Noir, cette ligne de jeu est visible-
ment incorrecte. Blanc attaque de manière trop directe. Il est plus
approprié et plus subtil de commencer par s’appuyer sur la pierre ∆,
d’attaquer de manière détournée.
40 CHAPITRE 2. LES FORMES : PRINCIPES DE BASE

Diagramme 62 Diagramme 63

Un coup noir au point ∆ est sente sur le coin : Noir 1, le tesuji


de vol d’œil, est sévère. Par exemple, dans le dia. 63, Blanc meurt.
Néanmoins, Blanc ne doit pas se précipiter à éliminer ce demi-œil.

Pour rester flexible, jouez léger !

Dans les pages précédentes, nous avons vu que pour persister


dans une attaque, on est amené à jouer des coups lourds, ou
inutiles.
Les formes légères sont vraiment importantes que ce soit en
défense ou en attaque.
 En défense, sacrifier quelques pierres peut s’avérer utile pour
sauver le reste du groupe.
 En attaque, il faut éviter de partir du principe que le groupe
attaqué va mourir. Il faut attaquer en gardant de bonnes
formes et en gardant en tête l’objectif de construire de l’in-
fluence ou du territoire.
Si vous êtes débutant, ces conclusions vont peut-être à l’encontre
de votre intuition.
3 Combat rapproché I

Imaginez que vous déménagiez dans une grande ville. Dans un


premier temps, vous vous déplacez en voiture, ou à pied. Puis vous
apprenez à utiliser les transports en commun et peu à peu, votre vie
se simplifie, tout en étant moins individualiste. Cet apprentissage
fait partie du processus d’intégration à votre environnement urbain.
Ce chapitre et les deux suivants sont au cœur de notre concep-
tion de la forme. Ensuite, dans les chapitres 6 à 12, nous nous inté-
resserons à quelques aspects spécifiques à certains types de combat.
Mais dans un premier temps, nous allons essayer de mettre à plat les
principes de base du combat rapproché. Afin que vous vous sentiez
« comme chez vous » en tant que joueur de go, il vous faut apprendre
la carte sous-jacente des interactions entre les pierres. Comme notre
métaphore le suggère, ce sera un processus lent qui vous demandera
de changer certaines de vos habitudes et de respecter davantage les
séquences usuelles.
Afin de vous montrer comment fonctionne vraiment la forme,
nous allons devoir développer la notion de « combat » telle que pré-
sentée au chapitre 2. Dans ce chapitre, nous nous concentrerons sur
les aspects monochromes (d’une seule couleur) du développement
des pierres. On peut les classer en deux catégories :
 développement unidimensionnel : étendre sa forme dans une di-
rection tout en restant connecté ;
 développement bidimensionnel, comprenant les formes pour pré-
parer des yeux, mais également les formes pour se protéger indi-
rectement des coupes et des coups de déformation et les formes
préparant la construction de territoire.

41
42 CHAPITRE 3. COMBAT RAPPROCHÉ I

Dans le chapitre 4, l’accent sera mis sur les coups aux points
vitaux des formes de l’adversaire (hane à la tête, centre de trois
pierres, coups à l’angle pour priver l’adversaire de ses yeux poten-
tiels). Si vous occupez systématiquement ces points, ou plutôt si
votre adversaire vous laisse les prendre, vous gagnerez un avantage
considérable dans les combats locaux sans avoir à capturer, ni même
à couper. Et à moins que les connaissances des deux joueurs au sujet
de ces points vitaux ne soient équivalentes, la partie semblera vite
inégale, les groupes d’un joueur repliés sur eux-mêmes, en manque
de libertés et d’yeux ; en somme, comme une partie à handicap.
Le chapitre 5 traitera des formes résultant de coups aux contact.
En général, ces combats rapprochés se stabilisent rapidement, mais
les issues sont nombreuses. Nous verrons comment prendre un bon
départ dans ces combats.

3.1 Point de vue tactique des connexions


Ce chapitre s’intéresse à la question du développement de vos
pierres, en prenant en compte les effets à courte portée. Lorsqu’il est
question de shichō, de shichō à deux libertés ou de geta, le terme
« courte portée » n’est pas à prendre au pied de la lettre.

Diagramme 1 Diagramme 2

Dans ces deux exemples, la tentative de coupe échoue grâce à


des coups tactiques de base.
3.1. POINT DE VUE TACTIQUE DES CONNEXIONS 43

On voit que cette forme est


constituée d’une paire de keimas.
Un keima unique peut être coupé
si le shichō est favorable. Les
exemples précédents ont montré
que la troisième pierre de cette
forme est idéalement placée pour
ces shichōs (qui deviennent alors un
shichō très court et un geta). Il y a
d’autres coupes à essayer, bien sûr. Diagramme 3

Diagramme 4 Diagramme 5

Parfois, il faut lire beaucoup plus loin. Dans l’exemple du dia-


gramme 4, la coupe N1 fonctionne-t-elle ? (Dia. 5) Il y a deux varia-
tions importantes à prendre en compte. Noir doit répondre à B8 en
9 et non en A, sinon Blanc peut capturer avec 12 et B en shichō à
deux libertés. Blanc 10 oblige Noir à répondre puisqu’il menace un
coup blanc en A. Finalement, Noir survit et Blanc est bel et bien
coupé.
44 CHAPITRE 3. COMBAT RAPPROCHÉ I

Diagramme 6 Diagramme 7 Diagramme 8


Voici un exemple du genre d’idées que les professionnels utilisent
pour « faire travailler plus durement leurs pierres » afin de gagner
en efficacité. C’est une variation possible du jōseki du san-san vu
dans l’introduction, où Blanc choisit une direction différente de la
séquence principale pour se développer. Blanc a ici de l’influence au
centre et l’opportunité de contrôler le bord gauche. Mais comment
fonctionne le coup en 5 ?
(Dia. 8) Si Noir essaie de couper, Blanc
peut utiliser un shichō. Le coup blanc, ce-
pendant, ne dépend pas à proprement par-
ler d’un quelconque shichō. Si Noir coupe et
que le shichō lui est favorable, Blanc peut
envisager la séquence de sacrifice du dia-
gramme 9. Une telle force au centre pour
Blanc pourrait complètement bouleverser le
milieu de partie. Il n’y a alors qu’un seul
chemin ; il est naturel pour Noir de pousser
en 15 avant de connecter en N17 pour créer Diagramme 9
des possibilités de coupes pour plus tard. B18 finit la séquence avec
une bonne forme.
Être capable de voir de telles séquences permet d’être plus
flexible. Par exemple, Blanc n’a pas à se soucier plus que ça d’un
quelconque briseur de shichō. Ces séquences peuvent faire interve-
nir des shichōs, des shichōs à deux libertés, des getas ou des ge-
tas conduisant à un shibori. Ainsi, les techniques fondamentales de
capture s’imbriquent avec la question fondamentale de forme vue en
2.5 : « Comment dois-je connecter ? ». La prochaine section traite
d’un exemple complexe de ce type.
3.2. LE TOBI : UNE ÉTUDE APPROFONDIE 45

3.2 Le tobi : une étude approfondie


La complexité du go n’est pas d’un seul tenant. On peut être
confronté à de grandes variétés de choix, tout autant qu’à la pro-
fondeur de lecture. Si vous trouvez désagréable que l’on vous dise
que « les bonnes formes sont intuitives », vous pourrez trouver dans
cette analyse détaillée une grande aide.
Nous allons nous pencher sur une étude ap-
profondie de plusieurs pages concernant l’at-
taque de la faiblesse d’un tobi. Nous verrons
des shichōs, des getas, des shiboris et des sa-
crifices, des choix de connexion, des tactiques
anti-shibori ainsi que des questions de direction.
(Dia. 10) Voici notre sujet. Blanc a ici la Diagramme 10
pierre M en soutien, et Noir tente un warikomi.
Il y a une grande variété de réponses à évaluer pour le coup B4.
Même en se limitant à la situation dans laquelle Blanc joue atari
par au-dessus, il reste une demi-douzaine de possibilités à envisager.

Diagramme 11 Diagramme 12 Diagramme 13

Diagramme 14 Diagramme 15 Diagramme 16

(Dia. 11 à 16) Pour protéger les deux points de coupe Blanc peut
envisager tous les coups de A à F.
46 CHAPITRE 3. COMBAT RAPPROCHÉ I

Diagramme 17 Diagramme 18 Diagramme 19


(Dia. 17) Cette coupe échoue contre la gueule de tigre A.
(Dia. 18) Toutefois, ce nozoki est utile pour Noir. (Dia. 19) La
réponse A n’est pas bien placée si Noir tourne et pousse vers la
droite.

Diagramme 20 Diagramme 21 Diagramme 22


(Dia. 20) La réponse B est mieux placée pour résister à la poussée
de Noir en 1. (Dia. 21) Elle protège également la coupe en 1 grâce à
un geta. (Dia. 22) La réponse C s’avère intéressante à étudier après
1 et 3.

Diagramme 23 Diagramme 24 Diagramme 25


(Dia. 23) Blanc peut éviter un shichō et construire une forme
solide en visant le sacrifice du Dia. 24. (Dia. 25) Blanc peut aussi
choisir un shibori pour gagner de l’influence.
3.2. LE TOBI : UNE ÉTUDE APPROFONDIE 47

Diagramme 26 Diagramme 27 Diagramme 28

(Dia. 26 et 27) Ici, Noir 9 aide Blanc à construire un mur sur


l’extérieur. (Dia. 28) Il serait préférable pour Noir de capturer avec
9, compte tenu des faiblesses de Blanc.

Diagramme 29 Diagramme 30 Diagramme 31


(Dia. 29) Blanc peut connecter en 12 après le diagramme 28.
(Dia. 30) Que se passe-t-il alors si Noir coupe en 1 afin de détruire
l’influence de Blanc ? Après 2 et 4, Blanc peut connecter en 6 et
combattre. Mais il peut aussi envisager B6 en 7, Noir A, Blanc B.
Dans cette variation, Blanc est à même de construire une force solide
en sacrifiant des pierres, mais il perdra l’initiative.
(Dia. 31) Le keima en D : la coupe de Noir en 1 se précipite dans
un geta déjà vu.
(Dia. 32) Le nobi en E
conduit à plusieurs shi-
bori. Voyons d’abord ce
N5. (Dia. 33) Blanc obtient
un résultat correct avec 8,
la capture d’une pierre n’a
pas apporté grand-chose à
Noir... Diagramme 32 Diagramme 33
48 CHAPITRE 3. COMBAT RAPPROCHÉ I

Diagramme 34 Diagramme 35 Dia. 36 – 13 en ∆

(Dia. 34 et 35) Noir 5 est ici nécessaire, conduisant à une autre


position dans laquelle la coupe en A est protégée par un shichō en B
ou un shibori en C. (Dia. 36) La gueule de tigre en F peut conduire
à un shibori, mais avec des points de coupe dangereux pour Blanc.
Ces vingt variations ne sont pas exhaustives... Comment les ré-
sumer ? L’encadré qui suit propose une solution du point de vue de
la forme pure, à comparer avec l’ensemble de cette analyse tactique.

En résumé, les formes B


et C sont les plus recom-
mandables. Elles ont le
potentiel pour se trans-
former en « tables ».
Diagramme 37 Diagramme 38

3.3 Une étude des directions de jeu


Cet exemple, d’une certaine manière,
ressemble à celui vu en introduction,
mais cette fois nous l’étudierons dans un
contexte plus large.
(Dia. 39) Il est raisonnable de pré-
sumer, quand Noir joue 4, que Blanc 5
et Noir 6 (point de la gueule de tigre si
Blanc y joue) vont suivre. Le proverbe dit :
Diagramme 39
le point vital de mon adversaire est
3.3. UNE ÉTUDE DES DIRECTIONS DE JEU 49

mon point vital – vous trouverez plus de détails sur la gueule de


tigre dans la section 3.5G. La balle est maintenant dans le camp de
Blanc. Avant qu’il ne puisse bloquer Noir sur l’un des deux côtés,
Blanc doit jouer un coup efficace : A, B, C ou D.

Diagramme 40 Diagramme 41
(Dia. 40) B7 créé une forme de table, vue au Chapitre 1. Cela
semble moins efficace que Æ dans le diagramme 41 si Noir joue de
la même manière. Ici, B7 est apparemment moins solide, mais gagne
une ligne pour le contrôle du bord gauche, en traitant avec légèreté
la pierre M . Mais Noir peut aussi bien sauter sur le bord gauche
afin d’empêcher 9...

Diagramme 42
(Dia. 42) Nous avons vu que 7 est un choix intéressant. Avant de
jouer N10, Noir sonde l’attachement de Blanc pour ses deux pierres
(voir 13.6 pour ce concept) ; plus tard, Blanc aurait pu les sacrifier.
Noir 12 prend une bonne forme sur le côté gauche, et le coin est
gros. L’endroit où jouer B13 s’avère délicat, car il faut prendre en
considération le coup de yose de Noir en 14. Voici un exemple de
« go vivant ».
50 CHAPITRE 3. COMBAT RAPPROCHÉ I

Diagramme 43

(Dia. 43) Voici une autre variation intéressante, où N12 défie


Blanc. Celui-ci peut bloquer le bord gauche avec B13-B15, grâce à
la pierre M au centre.

Diagramme 44 Diagramme 45

Les autres choix, C et D du diagramme 39, ont en commun de


reposer sur un shichō pour protéger la coupe : un shichō court d’un
côté, et un shichō long de l’autre. Le choix entre ces coups ne peut
être fondé sur de simples considérations locales.

***
3.4. LES FORMES COMPOSITES 51

3.4 Les formes composites


Imaginez une pierre solitaire posée
quelque part au milieu du goban. Les pierres
amies ou ennemies les plus importantes,
dans le cadre de notre étude, seront celles
situées dans un rayon de deux intersections,
comme les deux pierres M , ou placées sur
Diagramme 46
une des intersections ×.
Ce que nous appelons une forme composite est une formation de
trois pierres de la même couleur n’ayant pas de connexions solides
entre elles et pouvant être réalisée en additionnant deux coups (par
exemple les pierres M ) à la pierre centrale. L’ensemble des quinze
formes possibles est listé dans la section qui suit, et pourra vous
servir de référence.

L’apprentissage par cœur et ses méfaits

Il y a quelques risques tactiques élémen-


taires à prendre en compte lorsque l’on
apprend si les formes composites sont
connectées ou non.
Dans ces deux exemples, la forme
blanche (les pierres M ) devrait être
correctement connectée, mais Noir est Diagramme 47
fort alentour. Blanc a probablement
construit cette bonne forme au moment
approprié, et a simplement oublié de vé-
rifier que les développements ultérieurs
n’avaient pas altéré la position locale.
Maintenant, le coup Ê coupe Blanc. Ce
type d’erreur est assez fréquent.
Diagramme 48
52 CHAPITRE 3. COMBAT RAPPROCHÉ I

3.5 Inventaire des formes composites


A Le double-tobi
Il s’agit de la forme la plus commune pour
sortir vers le centre. Cette formation a des
mystères cachés.

Diagramme 49 Diagramme 50
On peut envisager bon nombre de tactiques de coupe contre cette
forme. En général, pour que Blanc réussisse il lui faut des pierres
en soutien à proximité. (Dia. 49) Noir peut répondre au warikomi
B1 par N2 et N4, du côté qu’il souhaite. En principe, une façon de
jouer N2 fonctionne mieux pour Noir. Blanc devra donc envisager
les suites des deux double-coupes possibles avec B5. (Dia. 50) Noir a
aussi l’option de sacrifier la pierre M et de poursuivre avec A, ou B
pour un geta et un shibori.

Diagramme 51 Diagramme 52
Si l’on ajoute des pierres blanches, le nombre des possibilités
tactiques augmente. (Dia. 51) Avec cette pierre M , Blanc pourra
couper plus efficacement. (Dia. 52) Le double warikomi N1-N3 peut
être sévère, à condition que couper Noir vaille l’échange avec un
ponnuki. Dans ce cas, grâce aux deux pierres M , Blanc peut s’at-
tendre à N4 – si Noir joue de l’autre côté avec C, Blanc D est une
coupe spectaculaire.
3.5. FORMES COMPOSITES 53

B La grande équerre
L’autre manière de combiner deux to-
bis. On l’observe très fréquemment avec une
pierre blanche au quatrième coin du carré.

Diagramme 53 Diagramme 54
(Dia. 53) Le défaut évident de cette forme est la double menace
en 1. (Dia. 54) Quand cela arrive sur le bord du goban, Noir a une
ressource tactique en 6. Blanc découvre alors que la coupe en 5
pourrait bien ne rien lui apporter...

Diagramme 55 Diagramme 56
(Dia. 55) Si Blanc sort vers le centre avec 7 et 9, Noir peut se
connecter par en dessous avec N12. Normalement, cet échange est
favorable à Noir. (Dia. 56) Résister avec B7 de ce diagramme mène
à un désastre.

Tourner en équerre, comme N1 dans le


diagramme 57, est une forme de base que
l’on découvre assez tôt lors de l’appren-
tissage du go. Elle peut faire une grande
différence tant en matière de territoires
que sur le plan de l’équilibre des influences. Diagramme 57
54 CHAPITRE 3. COMBAT RAPPROCHÉ I

C Le kosumi de protection contre le warikomi


Ajouter un kosumi au tobi, protège nor-
malement sa faiblesse et permet également de
changer de direction. Cependant cette forme
n’est pas toujours bonne.

Diagramme 59
Diagramme 58
(Dia. 58) L’addition d’un kosumi au tobi permet cette séquence
fondamentale. Avec N2-N4 toutes les pierres noires sont connectées.
(Dia. 59) Toutefois, dans ce cas, Ê est moins bon que Noir en A (cf.
forme J). Blanc peut jouer B2 au point vital de la forme. Ensuite,
Blanc aura deux bons coups possibles, tsuke en A ou nozoki en B.

D Ajouter un keima de protection


Ce n’est pas une forme recommandée en gé-
néral, mais elle peut être utilisée comme alter-
native à la grande équerre (B) dans des cas par-
ticuliers.
Voici un conseil
utile pour les com-
bats au centre du
goban. Blanc peut
couper Noir après
le nozoki B1. Mais
l’avantage du keima
noir est que N4 est
connectée à sa voi- Diagramme 60 Diagramme 61
sine, ce qui donne une meilleure forme que si celle-ci était en A.
Après N6, le combat est difficile mais favorable à Noir. Blanc ne
peut pas envisager de pousser immédiatement en A pour couper.
3.5. FORMES COMPOSITES 55

E L’extension légère en keima


Cette forme est facile à couper. L’échec
ou le succès de cette coupe dépendra de la ca-
pacité d’anticipation du joueur sur la suite.

Diagramme 62 Diagramme 63

C’est un désastre pour Noir de se faire couper comme dans le


diagramme 62. B2 suit le proverbe de 7.5, « frapper à la charnière
du keima ». (Dia. 63) Noir peut se renforcer mais l’échange N1-B2
est une perte sèche (cf. la forme I, voir aussi 5.4).

F Le double kosumi d’évasion


C’est un coup prudent pour sortir vers le
centre.

Diagramme 64 Diagramme 65
(Dia. 64) B1 sort vers le centre. Noir s’est développé des deux
côtés mais Blanc pourra ensuite jouer en A ou B. (Dia. 65) Cette
formation dans le coin, appelée « les trois corbeaux », a une faiblesse
au san-san. Après N2, Blanc en A est un gros coup de yose sente
auquel Noir aura des difficultés à résister. Voici un exemple de gros
coin, peut-être trop gros pour s’avérer confortable.
56 CHAPITRE 3. COMBAT RAPPROCHÉ I

G La gueule du tigre
Cette forme est puissante dans une direc-
tion mais comporte, en revanche, un défaut
évident : l’intersection complétant l’œil poten-
tiel. Son orientation par rapport au bord peut
avoir de l’importance. ∗
Cette forme dessine les trois quarts d’un
ponnuki, ce qui ne signifie pas qu’il faille la
développer de cette manière ! (Dia. 66) Ici, B1
est bon, même si Noir peut menacer en A.
Diagramme 66

Diagramme 67 Diagramme 68

(Dia. 67) Avec B1 et B3, Blanc


construit une forme souple et prépare
le kō lancé avec N5. (Dia. 68) La
connexion B1 est une forme excellente
pour préparer une course de poussée
vers le centre. (Dia. 69) B5 crée une
gueule de tigre. Blanc répondra à N6 Diagramme 69
en A ou B, en évitant C et son angle
vide.

∗. NdT : historiquement, en France cette forme a d’abord été appelée « tête


de chat », puis « gueule du loup ». Le nom « gueule de tigre » a été popularisé
par Fan Hui, le pédagogue de la FFG.
3.5. FORMES COMPOSITES 57

Diagramme 70

N5 est ici le point vital pour empêcher Blanc de faire une gueule
de tigre (extrait d’une partie entre Sakata et Takemiya).

H Keima depuis un kosumi


C’est une forme fragile mais efficace
pouvant être utilisée pour optimiser ∗ une
attaque après un coup de contact.

Diagramme 71 Diagramme 72

Noir attaque Blanc en s’appuyant sur la pierre de pince du bord


gauche. Le renforcement N5 empêche la coupe B1 du diagramme 72.

∗. Cette forme est « optimale » dans le sens « la meilleure forme pour faire
du territoire tout en attaquant », pas pour tuer.
58 CHAPITRE 3. COMBAT RAPPROCHÉ I

I Le kosumi développant un keima


Cette forme est
souvent utilisée dans
les courses-poursuites,
en tant que version
corrigée de la forme E.
(Dia. 73) La coupe est défendue par Diagramme 73
un shichō. Le kosumi est avantageux
ici comparé à la forme E. (Dia. 74)
Le nozoki N1 protège la coupe mon-
trée dans le diagramme précédent en fai-
sant fonctionner le shichō. Cette forme
fonctionne particulièrement bien dans ce
contexte, à condition que Noir puisse at-
taquer sur le bord gauche. Elle est pré-
férable à la séquence Noir A, Blanc B,
Noir C, Blanc D pour protéger la coupe
mentionnée dans la section 3.5E. Diagramme 74

J Le boomerang
Des différentes formes constituées par deux
keimas, c’est la seule qui soit polyvalente.
(Dia. 75) Voici la bonne
manière de connecter par
en dessous. B2 menace la
séquence Blanc A jusqu’à
Noir E, mais N3 (cf. forme I)
la prévient. Comparez avec
la forme C... (Dia. 76) Une
bonne manière d’encaisser
du territoire tout en atta-
quant. Si Blanc pousse en A
puis coupe en C, Noir joue D
et sacrifie une pierre. Diagramme 75 Diagramme 76
3.5. FORMES COMPOSITES 59

K La face de singe ou nez du chien ∗


Appelée aussi la bouteille de sake (vue
à l’envers). C’est une forme bien connectée,
moins bonne toutefois que la grande équerre
en vue de former un œil.

Diagramme 77 Diagramme 78 Diagramme 79

(Dia. 77) Quand Noir est coiffé par le bōshi M , la combinai-


son d’un nozoki en 1 et d’un contact en 3 est une bonne manière
de combattre. Plus d’informations sur cela en 9.2. (Dia. 78 et 79)
Comment jouer quand il n’y a pas de bōshi ? Intéressante question
de forme ! Après N1, jouer le nez du chien N3 permettra une bonne
forme si Noir joue ensuite 5 sur la troisième ligne. Si Noir veut jouer
5 sur la cinquième ligne, il vaut mieux sauter en tobi. En principe,
cependant, Noir devrait éviter le nozoki et sauter immédiatement
en tobi.

L Le kosumi étrange
Une forme à l’objectif particulier. Elle en-
traîne l’abandon de certains points clefs, et né-
cessite donc une justification locale.

∗. NdT : la première dénomination est chinoise, la deuxième est japonaise.


En France, on utilise principalement, dans l’ordre de taille, les termes « gueule
de tigre » (ou « tête de chat »), « nez de chien », « tête de cheval » et « cou de
girafe ».
60 CHAPITRE 3. COMBAT RAPPROCHÉ I

Diagramme 80
Diagramme 81

La raison de cette appellation est montrée dans le diagramme 80.


Après Blanc 2, ni A, ni B, ni C ne permettent une forme noire
parfaite. (Dia. 81) Un exemple très fréquent. Grâce à Ì Noir peut
sortir vers le centre en « pointe de flèche ». Si Blanc joue 2 en A,
Noir 3 en B est correct.

M Attaquer avec le keima


Il s’agit d’une formation classique d’at-
taque lorsque l’adversaire n’a pas le temps de
couper.

Diagramme 82 Diagramme 83

Il y a en fait deux manières d’attaquer avec cette formation.


(Dia. 82) Noir construit un moyo vers le bas en mettant directement
la pression. (Dia. 83) Noir peut sembler reculer mais, en fait, il
attaque en restant en avance sur Blanc (cf. 4.9).
Naturellement, des attaques rapides comme celles-ci laissent des
faiblesses chez Noir.
3.5. FORMES COMPOSITES 61

N Le V volant
En principe, il s’agit simplement d’une
forme territoriale apparentée à la gueule de
tigre, mais Bruce Wilcox lui a donné une ré-
putation offensive.

Diagramme 84 Diagramme 85
(Dia. 84) Ici, jouer en 1, et pas A, est la forme correcte – Noir
ferme le territoire et stabilise le groupe. (Dia. 85) Une position qui
mène au V volant et qui peut se développer des deux côtés comme
dans le dia. 83 (forme M).

O La forme anonyme
Cette forme complète la liste. On l’observe
rarement en situation de combat.

Diagramme 87
Diagramme 86
(Dia. 86) Blanc 1 joue au point-clé de cette position, la frontière
des deux moyos. (Dia. 87) Un développement habituel sur le bord
au cours d’une course-poursuite. Le prochain coup de Blanc dans
cette zone sera en A. Cette forme peut être coupée par Noir B, mais
normalement le recul en C est une réponse suffisante pour Blanc.
62 CHAPITRE 3. COMBAT RAPPROCHÉ I
Deuxième partie

Principes d’engagement

63
4 Hane et autres pro-
verbes

4.1 Le hane à la tête de deux pierres tu feras


Dia. 1. La pierre M est un exemple de hane :
elle tourne autour des pierres adverses et laisse
un point de coupe.
Dia. 2. Noir 1 est un hane à la tête des deux
pierres blanches, et Noir 3 est aussi un hane.
Ce double hane, quand il fonctionne, est très
sévère. Diagramme 1
Dia. 3. Blanc doit défendre en 6 et Noir a donc réussi à faire
ployer la forme blanche.
Dia. 4. Après l’invasion au san-san, Blanc peut jouer 4 et 6, un
double hane. Si Blanc joue en A, Noir peut reprendre le coin avec B.

Diagramme 2 Diagramme 3 Diagramme 4

64
4.2. LE HANE À LA TÊTE DE TROIS PIERRES 65

4.2 Le hane à la tête de trois pierres tu feras

Diagramme 5 Diagramme 6 Diagramme 7

Dia. 5. Même avec trois pierres, le hane en 1 est possible. Il


déforme Blanc, d’autant plus si Noir le joue des deux côtés comme
dans le diagramme 6.
Dia. 7. Observons le double hane en action. Bien qu’il soit moins
forçant que dans l’exemple de la section 4.1, il reste désagréable pour
Blanc.
Dia. 8. Blanc peut capturer une
pierre avec 4 et 6, mais Noir pénètre
dans le coin avec Noir 7. Après Blanc 12,
Noir laisse la position telle quelle. Plus
tard, si Blanc joue en A, Noir peut envi-
sager de lancer un kō avec B mais en gé-
néral, il vaut mieux faire atari de l’autre
côté et sacrifier sans l’ombre d’un regret. Diagramme 8

Diagramme 9 Diagramme 10

Dia. 9. Voici une application typique du hane : Noir peut fermer


le bord.
Dia. 10. Après Noir 5, Blanc fait face à un dilemme.
66 CHAPITRE 4. HANE ET AUTRES PROVERBES

Dia. 11. Cette séquence n’est pas


acceptable pour Blanc : il perd trois
pierres et se fait couper.
Dia. 12. Blanc peut choisir de sa-
crifier Å dans le cas où poser un bri-
seur de shichō lui serait utile. Diagramme 11
Dia. 13. Si le shichō lui est dé-
favorable ou s’il ne peut se per-
mettre d’offrir un briseur de shichō
à Blanc, Noir a une solution astu-
cieuse : Noir 5. Si Blanc résiste en 6,
le résultat après Noir 11 est catas-
trophique.
Diagramme 12
Dia. 14. Noir peut donc sceller le
bord avec Noir 7. Il en paye le prix
en laissant à Blanc une belle forme
d’œil.
Dia. 15. La double gueule de
tigre M est généralement moins
bonne que la connexion solide en
9 du diagramme 14 car elle offre à Diagramme 13 – 10 connecte
Blanc deux nozoki en 1 et A.
Dia. 16. Dans certains cas, Blanc
peut envisager de jouer en 2, un
angle vide. Ce coup n’est pas mau-
vais ici, car il permet de se proté-
ger contre la coupe Noir A, Blanc B,
Noir C, tout en gardant le sente. Diagramme 14

Diagramme 15 Diagramme 16
4.3. COUPS SUR LE NEZ ET GAIN DE LIBERTÉS 67

4.3 Coups sur le nez et gain de libertés

Diagramme 17 Diagramme 18
Dans ce combat de rue, le coup sur le nez Blanc 1 est un tesuji.
Si Noir résiste en 2, Blanc peut capturer en A ou en B. Sinon, Blanc
sort vers le centre (dia. 18).
Il n’est pas surprenant que les débutants soient tentés par ces
coups sur le nez. Mais c’est avec l’expérience qu’on apprend à les
jouer à bon escient. Il y a cependant une leçon importante à tirer
de ces coups.
Dia. 19. Les deux libertés N – en référence au « nez » – de ce
groupe noir jouent un rôle particulier. En y jouant, Noir passe de
cinq à sept libertés. En jouant en tout autre endroit, Noir n’obtient
que cinq ou six libertés. C’est donc dans ces deux directions que
Noir gagne le plus de libertés.
Dia. 20. Dans cet autre exemple, Noir n’a qu’un seul « nez ». Il
n’y a qu’en ce point que Noir peut passer à sept libertés.

Diagramme 19 Diagramme 20
68 CHAPITRE 4. HANE ET AUTRES PROVERBES

Il suffit donc de savoir compter pour repérer ces « coups au nez ».


Cependant, les utiliser avec succès demande une grande maîtrise. Ici,
les proverbes relatifs au hane peuvent aider.
Un ordinateur est capable d’identifier ces coups bien plus rapide-
ment qu’un humain. Mais les joueurs de go humains ont l’avantage
de voir plus loin en tenant compte du contexte général du combat.
De plus, ils utilisent des heuristiques et sont plus sélectifs dans leurs
choix de formes. Il semble que cette dernière approche soit la plus
efficace ∗ .

Diagramme 21 Diagramme 22

Dia. 21. Dans cette position de double coupe, le nez des deux
pierres se trouve en N. Mais en général, c’est une erreur de novice
que d’y jouer immédiatement.
Dia. 22. Après Noir 1, Blanc 2 est un très bon coup. Noir a
alors un troisième groupe à gérer. Ensuite, Blanc peut jouer en Ã
si Noir n’a pas de shichō pour capturer la pierre M . Dans tous les
cas, Blanc obtient un bon résultat.

On serait tenté de généraliser, mais aucun proverbe ne dit


de « jouer hane à la tête de quatre pierres ». On dit aussi
que « cinq libertés sur une chaîne suffisent pour être
viable tactiquement ».

On peut tenter d’évaluer la force du hane à la tête de quatre


pierres par un simple décompte de libertés.

∗. NdT : c’était le cas en 2005 quand ce livre a été publié. Désormais, grâce
aux réseaux de neurones, les ordinateurs maîtrisent eux aussi ces techniques.
4.4. LA GUEULE DU TIGRE TU NE PERMETTRAS PAS 69

Diagramme 23 Diagramme 24
Dia. 23. Remarquez qu’avec À, Blanc passe à huit libertés. Assu-
rément, la chaîne blanche n’a pas à craindre de manquer de libertés
dans l’immédiat.
Dia. 24. Après le hane Ê, Blanc tombe à cinq libertés. Blanc va
vraisemblablement répondre, à moins que d’autres considérations de
territoire ou d’influence ne l’appellent ailleurs. En effet, un groupe
ayant cinq libertés ne risque pas grand-chose. Comme l’ont montré
les exemples des pages précédentes, il est déjà suffisamment difficile
de trouver des tactiques pour exploiter un manque de libertés pour
les chaînes en ayant quatre. Réduire le nombre de libertés d’une
chaîne de six à cinq n’est donc pas critique.

4.4 La gueule du tigre tu ne permettras pas


Dias. 25 & 26. Cette formation, qui peut se produire partout sur
le goban, est explosive en termes de forme. Entre les diagrammes
25 et 26, il y a une dif-
férence nette de quatre
points de coupe.
Dia. 27. La gueule de
tigre M (forme 3.5G) est
le point vital de nom-
breuses formes.
Dia. 28. Si Noir joue Diagramme 25 Diagramme 26
en 1, la séquence Noir A,
Blanc B crée deux dan-
gereux points de coupe.
Voyez-vous le lien avec les
diagrammes précédents ?

Diagramme 27 Diagramme 28
70 CHAPITRE 4. HANE ET AUTRES PROVERBES

Diagramme 29 Diagramme 30

Dia. 29. Noir 4 devrait plutôt être en 5 dans ce cas. Cependant,


Noir 6 est une grave erreur de forme. Blanc 7 prépare un coup en A,
auquel Noir n’a pas vraiment de bonne réponse. C’est le genre de
gueule de tigre que l’on ne doit pas accorder à son adversaire.
Dia. 30. À la place, si Noir joue Ï au point de la gueule de
tigre, il préserve sa forme et attaque celle de Blanc. Si Blanc répond
en 7 puis 9, Noir créé un problème pour Blanc avec la séquence
jusqu’à 16. La pierre de pince noire serait cependant mieux placée
en A, raison pour laquelle Noir 4 était une erreur.

Diagramme 31 Diagramme 32

Dia. 31. En revanche, dans cette position, la gueule de tigre en A


n’est importante pour aucun des deux joueurs. Noir devrait jouer
en 1 comme indiqué ici ; la séquence alternative Noir A, Blanc B,
Noir C ferait apparaître un angle vide.
Dia. 32. Blanc 1 est redondant avec M , et enfreint un autre
proverbe : « ne pas menacer les deux côtés d’un nœud de
bambou ». Ce coup serait mieux placé en D, puisque Noir n’a aucun
intérêt à jouer en 1.
4.5. SUR LA TÊTE TU NE TE COGNERAS PAS 71

4.5 Sur la tête tu ne te cogneras pas

Diagramme 33 Diagramme 34
Blanc 3 se cogne la tête contre une pierre noire. Après Noir 12,
la forme de Blanc est très mauvaise. Blanc a commis deux fois la
même erreur.

Diagramme 35
Diagramme 36
Blanc 2, qui se dirige vers le centre en se cognant la tête, conduit
généralement à une mauvaise forme. Après le double hane en 6,
Blanc ne peut pas jouer en A et doit donc reculer en 9.

4.6 Au centre des trois pierres tu joueras


Les sections qui suivent sont cruciales
et reprennent les idées vues dans les quatre
premiers chapitres.
Dia. 37. Blanc 1 est une bonne forme
pour sortir. Elle anticipe le double hane, et
prépare une forme de table. Cette pierre,
placée symétriquement au centre de trois
pierres, défend le point vital.

Diagramme 37
72 CHAPITRE 4. HANE ET AUTRES PROVERBES

Dia. 38. Remarquez que la pierre M , à elle seule, est plus efficace
que les deux pierres noires ×.

Diagramme 38 Diagramme 39 Diagramme 40

Dias. 39 & 40. Dans ces deux diagrammes, les trois pierres ∆
sont de parfaits exemples de formes d’attaque (dia. 39) et de défense
(dia. 40) au point vital.

Diagramme 42
Diagramme 41

Dia. 41. Noir occupe le point vital, et la forme d’œil de Blanc


s’évapore : Blanc A, Noir B ne laissent qu’un faux œil. On peut
omettre Noir 3.
Dia. 42. Comparez avec cette position où Noir joue le tesuji du
vol d’œil et empêche la formation d’une double table (cf 1.1).
4.7. LE TESUJI DU VOL D’ŒIL 73

4.7 Le tesuji du vol d’œil


Nous allons maintenant développer les
idées introduites dans la section précédente.
Voici deux manières de résister au tesuji
du vol d’œil. Dia. 43. Un tsuke extérieur...
Dia. 44. Un placement : si Noir A, Blanc B ;
si Noir C, Blanc D.
Dia. 45. Dans ce combat, Blanc aurait Diagramme 43
dû jouer 12 en 13. Dès lors que Noir joue la
grande table en 13, il devient solide et Blanc
se retrouve alors en difficulté.

Diagramme 44

Dia. 45
Diagramme 46
Dia. 46. Il est facile de passer à côté du
coup Blanc 2, un coup simple qui rappelle
le tesuji du coup sur le nez de la section 4.3.
Il corrige pourtant la mauvaise forme de
Blanc, due à la présence de M .
Dia. 47. Si Blanc joue en 2 ici, il se met
en difficulté, car Noir peut couper en 3 sans
craindre de se faire capturer la pierre Ê.
La pierre M est à l’origine de ce manque de Diagramme 47
libertés.
74 CHAPITRE 4. HANE ET AUTRES PROVERBES

4.8 Le clamp
Dia. 48. Plutôt que
de connecter en angle
vide en A, il vaut mieux
jouer au centre des trois
pierres en Ë.
Dia. 49. Après Â, le
clamp Í est une bonne
forme, comme le serait
un coup en B. Diagramme 48 Diagramme 49

Diagramme 50 Diagramme 51
Dia. 50. Blanc 7, en plus d’être un clamp, complète une forme
de table. C’est une très bonne forme. Quand Blanc joue la pince
en 11, il est préparé à une course vers le centre : il a le coup A en
réserve.
Dia. 51. Blanc 3 est un clamp efficace. Il vise à la fois A et B. Noir
répond avec style en Í. Avec Ä, Blanc se développe légèrement.
Quitte à se faire tra-
verser, il vaut mieux
avoir un pas d’éléphant
qu’un clamp, plus violent.
Dans le diagramme 52,
le coup Á affaiblit les
pierres noires. Noir doit Diagramme 52 Diagramme 53
absolument avoir une bonne raison de jouer ainsi. Dans le dia-
gramme 53, les pierres noires sont aux points vitaux de la forme
d’œil de Blanc, et ne perdent pas de libertés après Á.
4.9. LE PAS D’ÉLÉPHANT : TACTIQUES OFFENSIVES 75

4.9 Le pas d’éléphant : tactiques offensives


Le dia. 54 montre
une bonne manière de
jouer pour Noir quand
Blanc joue dans l’œil
d’éléphant. Noir 4 est un
coup léger pour conti-
nuer l’attaque.
Dia. 55. Noir 2 est
ici une mauvaise idée Diagramme 54 Diagramme 55
puisque Blanc veut, de
toute manière, jouer 3.
Évitez de forcer votre
adversaire à jouer de
bons coups !
Dias. 56 et 57. Insis-
tons sur ce point : les
pierres ∆ sont sur les Diagramme 56 Diagramme 57
points vitaux de la forme d’œil de Blanc. Cette différence d’une
pierre change tout en termes de potentiel d’œil.

Diagramme 58 Diagramme 59

Dias. 58 et 59. Dans ces deux exemples, Noir laisse Blanc connec-
ter (en 5 et en A), mais avec une forme sans yeux. On dit parfois
que « la connexion du pas d’éléphant perd de sa valeur quand ses
points vitaux sont occupés par l’adversaire ». Pour en savoir plus
sur le pas d’éléphant, voir les sections 11.2 et 14.3.
5 Combat rapproché II

5.1 Coups d’approche et lignes de front

Les coups d’approche


(kakari en japonais) sont
une des premières choses
que l’on apprend sur le fu-
seki. On peut les rencon-
trer partout sur le goban.
Aux abords d’un ka-
kari s’étend une ligne de Diagramme 1 Diagramme 2
confrontation, une ligne
de front telle que représen-
tée sur les diagrammes 1
et 2. Une manière de ga-
gner l’avantage localement
est de contraindre son ad-
versaire à reculer par rap-
port à cette ligne de front. Diagramme 3 Diagramme 4
Les coups des diagrammes 3 et 4 sont des coups au contact avec
soutien. Ce sont des coups conventionnels très utiles. Dans chacun
de ces cas, Noir cherche à obtenir un avantage maximal, dans le sens
où il franchit la ligne de confrontation tout en restant suffisamment
près de la pierre initiale pour bénéficier de sa présence. À cause de
leur importance et de la variété des issues possibles, nous dédions
deux pages à chacun de ces coups.

76
5.2. RÉPONDRE AU TSUKE À L’EXTÉRIEUR 77

5.2 Répondre au tsuke à l’extérieur

Diagramme 5 Diagramme 6 Diagramme 7

Quand Noir joue 1 dans le diagramme 5, Blanc a le choix parmi


les réponses de A à D. Blanc A, dans le diagramme 6, conduit à une
double-coupe et donc un combat. Blanc B, dans le diagramme 7,
bute contre la pierre noire (voir 4.5) : par conséquent, c’est en gé-
néral une mauvaise forme.

Diagramme 8 Diagramme 9 Diagramme 10

Après Blanc C, Noir peut envisager les réponses P, Q, R, S ou T


du diagramme 8. Si Noir joue en P comme dans le diagramme 9,
Blanc peut le forcer à faire un angle vide, mais il a consolidé la
ligne de front. On rencontre parfois cette position quand les deux
pierres initiales sont sur la troisième ligne. La réponse Q du dia. 10
est la plus courante. Blanc peut connecter so-
lidement ou protéger la coupe indirectement
avec l’un des coups ×. Il peut aussi sortir
en A.
Dia. 11. Noir peut aussi choisir le nobi,
une idée classique qui conduit à la position du
tsuke-nobi. Noir 3 en A induit une mauvaise
forme pour les deux camps.
Diagramme 11
78 CHAPITRE 5. COMBAT RAPPROCHÉ II

Diagramme 12 Diagramme 13 Diagramme 14

La réponse S (dia. 12) se joue dans des conditions rares, comme


ici où Noir souhaite vivre rapidement. Blanc doit faire l’atari en 2
(dia. 13) et laisser Noir vivre petit et en gote. Noir A sera gros plus
tard.
Dia. 14. Voici un cas typique où la réponse T est envisageable. Si
Blanc répond en Ã, Noir obtient une vie plutôt facile, compte tenu
du fait qu’il avait fait tenuki. Ces deux exemples illustrent l’idée
d’infériorité numérique qui sera étudiée au chapitre 12.

Diagramme 15 Diagramme 16

Dia. 15. Il reste à voir Blanc 2, la réponse D du diagramme 5.


Quand Blanc cherche à attaquer Noir, il peut choisir cette option
pour donner à Noir le moins d’aide possible. Cette idée est une
application du principe 1-2-3 de la section 13.2 : plutôt que de jouer
le hane puis de connecter en Á, Blanc joue directement en Á.
Dia. 16. Après B2-N3, Blanc a le choix entre les coups A à D,
mais grâce à Ì, Noir a obtenu une bonne forme et un point de
coupe subsiste chez Blanc.
5.3. RÉPONDRE AU TSUKE SUR LE DESSUS 79

5.3 Répondre au tsuke sur le dessus


Dia. 17. Les réponses
classiques de Blanc vont
de A à D (voir aussi
la section 4.4, pour une
forme à éviter).
Dia. 18. On peut dire
de Blanc A qu’il dépend Diagramme 17 Diagramme 18
d’un shichō.
Dia. 19. Si ce shichō
est bon pour Blanc et
que Noir doit jouer atari
par au-dessus, Blanc ob-
tient un bon résultat car
il a créé deux points de
Diagramme 19 Diagramme 20
coupe (les points ×).
Dia. 20. Blanc B simplifie et conduit à un échange d’influence.

Diagramme 21 Diagramme 22 Diagramme 23

Quand Blanc répond en C, il y a deux développements classiques.


Dia. 21. La séquence qui découle de Noir 3 est un jōseki. Noir 7
est un coup important qui protège le coin contre le tesuji sur le nez
(cf section 4.3).
Dia. 22. On retrouve la séquence tsuke-nobi de la section 5.2
sous une autre forme. Pour comprendre cette position en termes de
ligne de front, comparez-là à celle du diagramme 23 où Noir joue
le bōshi M . On peut dire que Noir a franchi la ligne de front, mais
a aussi construit une forme plus forte, et causé un point de coupe
chez Blanc.
80 CHAPITRE 5. COMBAT RAPPROCHÉ II

Diagramme 24 Diagramme 25

Dia. 24. Avant de jouer le nobi de la séquence tsuke-nobi, on


peut jouer la gueule du tigre en Ì. Ainsi, Noir se garde en réserve
la séquence utile Noir A, Blanc B, Noir C.
Dia. 25. Noir peut obtenir ce semeai. Blanc 6 sauve le coin, mais
Noir peut jouer des coups utiles à l’extérieur qui affectent la pierre
M.
Quant à la réponse D du diagramme 17, elle facilite la tâche à
Noir en lui laissant la gueule du tigre.

Diagramme 26 Diagramme 27

Dia. 26. Le coup Ê est réputé pour sur-concentrer Blanc sur le


bord inférieur (plus de détails dans la section 7.2).
Dia. 27. Et ce coup Ê est une idée légère. C’est une bonne idée
quand Noir est sur la défensive.
5.4. FORMES RESTREINTES 81

5.4 Formes restreintes

Diagramme 28 Diagramme 29 Diagramme 30

Dia. 28. Noir doit avoir de bonnes raisons pour choisir ce coup
de boutoir. Ce coup ne vise pas à dépasser la ligne de front. Il est
perdant en termes d’influence, car Ê finit trop près de Blanc.
Dia. 29. Le kosumi-tsuke est lui aussi synonyme de perte pour
Noir, et devrait être utilisé pour attaquer. Dans ces deux cas, Ê est
une concession locale.
Dia. 30. Le poteau d’acier ∗ peut être utile quand Noir cherche
à défendre du territoire à gauche tout en attaquant à droite.

Diagramme 31 Diagramme 32 Diagramme 33

Dia. 31. Ce keima sur la deuxième ligne, aussi appelé « fau-


chage » † peut être plus sévère, mais a une faiblesse en A (voir sec-
tion 7.5).
Dia. 32 et 33. Les coups ci-dessus servent à construire de l’in-
fluence ou du territoire au centre. Ce sont des coups paisibles qui
ne cherchent qu’à repousser l’adversaire. Remarquez qu’il y a de
réels avantages à choisir des coups qui laissent l’embarras du choix
à l’adversaire.
∗. techu en japonais (NdT).
†. susobarai en japonais. C’est aussi un terme de sumo (NdT).
82 CHAPITRE 5. COMBAT RAPPROCHÉ II

5.5 Coups au contact sans soutien et coups à


l’épaule

Diagramme 34 Diagramme 35 Diagramme 36

Dia. 34 et 35. Le point commun entre ces deux coups d’approche


très directs est qu’il est urgent d’y répondre afin de repousser la ligne
de front. En général, il n’y a pas de raison d’avoir peur de ces coups
au contact mais il ne faut pas les ignorer.
Dia. 36. En jouant le hane en 2, Noir choisit de ne pas se laisser
faire. Pour consolider ses gains territoriaux, Noir doit jouer en 4.
Dia. 37. Blanc peut aussi envisager la coupe. Les combats qui
découlent d’une double-coupe sont abordés dans les sections 7.1 et
7.2.

Diagramme 37 Diagramme 38 Diagramme 39

Dia. 38. Après le coup à l’épaule, Noir peut là aussi franchir la


ligne de confrontation.
Dia. 39. Encore une double-coupe. En général, Blanc 3 est dé-
raisonnable.
5.6. LE CONTRE-ATARI EN KŌ 83

5.6 Le contre-atari en kō


L’expression ko lock, qui n’a pas d’équivalent en France, est ve-
nue de Chine en passant par l’Afrique du Sud. C’est un nom récent
pour une vieille idée.

Diagramme 40 Diagramme 41 Diagramme 42


Dia. 40. Voici la position initiale. Après Blanc 2, Noir n’a guère
le choix : il doit capturer. Maintenant, Blanc peut lui barrer la route
en haut. Dans le dia. 41, après Blanc 7, Noir est enfermé.
Dia. 42. On peut reproduire la même
forme avec un ordre de coups différent.
Parfois, après une double-coupe, Blanc
1 est un tesuji. Après Noir 8 (dia. 43),
Blanc a plusieurs options : il peut jouer
pour l’influence avec Blanc A - Noir B,
combattre avec C, ou reprendre la même
idée avec Blanc D. Diagramme 43 – 7 en ∆

Diagramme 44 Diagramme 45
Dia. 44. Blanc 1 est à la limite de l’arnaque. Noir tombe dans le
piège s’il joue 6.
Dia. 45. À la place, Noir doit couper sans hésitation et se battre
(voir aussi en page 117).
6 Bloquer l’adversaire

6.1 Bords ouverts et infiltrations


Dans le go moderne, les coups sur la quatrième ligne sont deve-
nus courants, bien qu’ils laissent une porte ouverte sur la deuxième
ligne. Ces coups privilégient l’influence au détriment du territoire.
Comme l’attaque ne suffit pas pour gagner, il est essentiel de
connaître les formes permettant de bloquer ces infiltrations.

Blanc s’est glissé


sous une pierre de
quatrième ligne. Com-
ment répondre à ce
coup ?

Diagramme 1
Normalement, Noir recule en kosumi avec Ê. C’est maintenant
à Blanc de faire attention à sa forme. Après l’échange B2, N3,
le kosumi étrange en à est appro-
prié. Il vise à ajouter une pierre en 5
pour former un œil. Si, comme dans
l’exemple, Noir lui refuse cette possi-
bilité, Blanc peut obtenir une forme
acceptable avec Å et Ç.
Diagramme 2

84
6.1. BORDS OUVERTS ET INFILTRATIONS 85

Sauter en Á dans cette position


est une erreur de débutant. Avant le
yose, le territoire sur le bord est moins
important que la construction d’un es-
pace vital. Noir Î est solide, alors
qu’il reste une faiblesse en A chez Diagramme 3
Blanc.
Tenter de couper violemment en Ê
pour fermer le bord est aussi une er-
reur. En général, Blanc sera satisfait
de sacrifier à droite en échange d’un
ponnuki et donc d’un groupe stable à
gauche dans ce qui était la sphère d’in-
fluence de Noir. Diagramme 4

Diagramme 5

Si la situation l’exige, Noir peut bloquer la progression de Blanc


sur la deuxième ligne. Dans l’exemple ci-dessus, Noir a peu de
chances d’attaquer le groupe blanc qui s’est renforcé sur la droite.
Il paraît donc sensé de traiter la pierre M avec légèreté, avec Ê et
Ì. Noir est satisfait de sécuriser son coin en sente.
86 CHAPITRE 6. BLOQUER L’ADVERSAIRE

6.2 Taupes et sous-marins

Diagramme 6 Diagramme 7
Les coups sur la deuxième ligne sans pierres de soutien, tels que
À, A, B et C dans le diagramme 6, ont été surnommés « sous-
marins » chez les anglo-saxons. Ils peuvent aussi bien être des ar-
naques que des coups d’invasion corrects. Les Japonais parlent de
« taupe » ou « d’ourlet ». Le terme « ourlet » désigne un coup au
bord de la jupe ∗ , comme Ê dans le diagramme 7.

Diagramme 8 Diagramme 9
Couvrir la pierre (dia. 8) permet d’obtenir une forme solide qui
maintient Noir bas. Reculer avec un keima comme dans le dia-
gramme 9 construit une influence mais coûte du territoire.
Dia. 10. Le kosumi requiert une
grande précision tactique. Noir pour-
rait s’échapper en jouant 10 en 15,
mais la capture de la pierre À ne lui
apporte qu’un faux œil. Noir 10 ici est
un développement récent. Notez la po-
sition de Æ, qui accomplit plus qu’une
connexion solide. Diagramme 10
∗. NdT : en japonais, le terme « susoaki », qui désigne un bord ouvert sur
la deuxième ligne, signifie aussi « jupe ouverte ».
6.2. TAUPES ET SOUS-MARINS 87

Dia. 11. Blanc peut envisager ce


coup À si la réponse en Ë ne mène
nulle part. Si Blanc peut y répondre
en Â, alors Noir aurait vraisembla-
blement dû jouer Ë en Í immédia-
tement (voir la section 4.9).
Diagramme 11

Diagramme 12 Diagramme 13
Avec cette invasion, Noir jette un regard sous la jupe ouverte
du hoshi. Dans le diagramme 12, Noir vit confortablement dans le
coin. C’est pourquoi, en général, Blanc le défend (dia. 13).

Diagramme 14 Diagramme 15

Dia. 14. Blanc peut aussi venir au contact. Noir est presque
vivant, ayant le choix entre A et B pour son prochain coup. Blanc
aurait pu jouer le coup  en Í (voir section 15.1).
Dia. 15. Blanc peut essayer d’alourdir Noir, avec le kosumi-
tsuke À. Le coup approprié ici pour Noir est de jouer Ë en  ;
en choisissant l’extérieur comme dans le diagramme, il se crée un
groupe lourd et faible. Après Ä, Noir peut choisir entre A, B et C.
L’atari en D est à proscrire pour conserver des opportunités dans le
coin.
88 CHAPITRE 6. BLOQUER L’ADVERSAIRE

Diagramme 16

Cette approche en Ê est rarement bonne, mais dans ce contexte


particulier, elle semble correcte. Après Ê, l’invasion en A dans le
coin serait efficace, donc Blanc bloque le passage avec Á. Mais
ensuite, Ì est un coup parfait qui combine attaque et défense en
fragilisant la pierre M .

6.3 Menaces d’enfermement

Diagramme 17 Diagramme 18

En pratique, on a souvent recours à ce genre de coups qui me-


nacent d’enfermer l’adversaire. On peut considérer qu’ils sont « qua-
siment sente », puisque le coup suivant donnerait un avantage consi-
dérable. Si Noir ne répond pas à À, Blanc continue en A et s’il
répond en Ë, il reste de l’aji en B. Le coup Ê du diagramme 18
est une erreur.
6.4. UTILISER LA QUATRIÈME LIGNE 89

Diagramme 19 Diagramme 20
Parfois, le kosumi À s’avère meilleur pour l’influence que la
simple équerre en A. Mais dans ce cas, Blanc perd la possibilité
d’envahir en B plus tard. Si Blanc dispose de pierres aux alentours
des intersections ×, comme dans le diagramme 20, ce choix peut se
justifier puisqu’il peut alors jouer en À.

Diagramme 21 Diagramme 22
Dia. 21. Le keima À est envisageable dans une stratégie orientée
vers le centre. Noir glissera probablement en Ë.
Dia. 22. Couper directement est vraisemblablement abusif, car
après 4, 6 et 8, Noir doit faire très attention à son coin.

6.4 Utiliser la quatrième ligne


On retrouve souvent
cette séquence dans les
parties professionnelles.
Quel est le sens du coup
 ? Ici, l’idée normale
serait de jouer en A pour
assurer une base à son
groupe. C’est d’ailleurs
également un coup standard. Diagramme 23
90 CHAPITRE 6. BLOQUER L’ADVERSAIRE

Dia. 24. L’idée est de sauter en Á en réponse à Ê. Ensuite,


Blanc A serait une menace d’enfermement à laquelle Noir répon-
drait très certainement
en B. Cet échange ré-
duirait fortement l’in-
fluence de la pierre
M . Noir préférera donc
protéger le bord gauche
et Blanc reprendra l’ini-
tiative. En tout cas, ce
ne sont pas les points
du bord qui intéressent
le plus Blanc dans cette Diagramme 24
situation.
Dia. 25. Cette stra-
tégie de quatrième ligne
suppose de jouer des
coups comme Ê, le
« fauchage » de la sec-
tion 5.4, pour fermer
le bord avant de dé-
velopper le moyo avec
Ì. Ce coup pourrait
bien faire la différence Diagramme 25
quand Blanc envahira
en A.
Dia. 26. Blanc joue
À pour vivre dans
le territoire de Noir.
Après Â, Noir s’étend
en 4 pour faire une
bonne forme, mais passe
ainsi à côté d’une belle
opportunité. Avec Ä,
Blanc réduit calmement Diagramme 26
le potentiel de Noir même s’il reste une chance pour Noir de jouer
en A.
6.4. UTILISER LA QUATRIÈME LIGNE 91

Diagramme 27

Ici, Noir aurait pu jouer le fauchage Ê. Si Blanc résiste avec Á,


Noir Ì le met en danger. Blanc conserve des opportunités tactiques
en A et B mais il ne peut espérer un résultat avantageux avec des
pierres aussi faibles si tôt dans la partie.

Diagramme 28

Permettez-moi de vous raconter une anecdote sur la position ci-


dessus, tirée d’une partie de 1997 opposant Macfadyen à Matthews.
Matthews avait vu le coup À dans une partie opposant Macfadyen
à Janssen, commentée par Miyamoto Naoki 9-dan. Selon ce dernier,
cette variation est favorable à Blanc et l’invasion immédiate en Í
n’est donc pas raisonnable. Enregistrer les idées nouvelles sur les
formes est un moyen de se préparer à jouer contre des joueurs plus
forts.
Problèmes : Créer une bonne
forme

À Noir de jouer dans les deux problèmes. A ou B ?

Problème 1

Problème 2

92
93

Dia. 1. La réponse B est


correcte. Noir devrait simple-
ment s’étendre à partir de son
groupe de trois pierres.
Dia. 2. Dès lors, le meilleur
coup restant pour Blanc est le
hane en 2, un coup de yose va-
lant à peu près 13 points. Diagramme 1 Diagramme 2

Dia. 3. Si Noir joue tobi


dans le coin (réponse A), Blanc
peut jouer un hane à la tête
des trois pierres M .
Dia. 4. Blanc 4, qui menace
Blanc 5, permet de prendre le
coin.

Diagramme 3 Diagramme 4

Dia. 5 & 6. Noir devrait jouer une gueule de tigre (réponse B).
Ainsi, il peut couper en 5 avant de faire vivre son groupe.

Diagramme 5 Diagramme 6
94 Problèmes - partie I

Diagramme 7 Diagramme 8

Dia. 7. La descente en 1 (réponse A) est une mauvaise forme. Si


Blanc attaque immédiatement, Noir vit à peine, pendant que Blanc
gagne de l’influence.
Dia. 8. Sacrifier les deux pierres est aussi une mauvaise idée, car
les possibilités de coupe en « × » disparaissent.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 3 Problème 4
95

Dia. 9. Noir devrait jouer le tobi en 1 (réponse A). C’est un


exemple de forme légère.
Dia. 10. Si Blanc coupe en 2, indépen-
damment de tout shichō, Noir peut aban-
donner une pierre et ainsi faire un shibori ∗
avec la séquence N3–N11.
Dia. 11. La réponse B, une gueule de
tigre, est une forme lourde ici.
Dia. 12. Blanc peut jouer en 2, puis at-
tendre une opportunité de couper avec C,
Noir D, Blanc E. Diagramme 9

Dia. 10 – 10 connecte Diagramme 11 Diagramme 12

Dia. 13 & 14. Là encore, la bonne réponse est B, le tobi. Noir


devrait jouer avec légèreté, en visant le point C, et ne pas se soucier
des réponses 2 et 4. La faiblesse en D n’est pas grave.

Diagramme 13 Diagramme 14

∗. shibori : littéralement, « essorage ». Manœuvre de sacrifice.


96 Problèmes - partie I

Dia. 15 & 16. Le nobi (réponse A) est une forme lourde. Il est
alors facile pour Blanc de devancer Noir dans le combat vers le
centre avec le keima en 2.

Diagramme 15 Diagramme 16

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 5 Problème 6
97

Diagramme 17 Dia. 18 – 8 connecte

Diagramme 19 Diagramme 20

Dia. 17. La table est la bonne réponse. C’est une bonne forme.
Dans cette situation, le plus important pour Noir est de sortir.
Dia. 18. Ce résultat est bon pour Noir.
Dia. 19. Noir en A crée une forme incomplète. Blanc 2 est évident
et c’est le meilleur coup.
Dia. 20. Dans cette situation, Ì est le coup correct pour Noir,
mais naturellement ce n’est pas une très bonne forme.

Diagramme 21 Diagramme 22
98 Problèmes - partie I

Dia. 21 & 22 (page précédente). L’attaque en keima est correcte


dans ce cas (réponse A). Noir sort rapidement, et pourra par la suite
attaquer les pierres M .

Diagramme 23 Diagramme 24

Dia. 23 & 24. Dans ce cas, la forme de table (réponse B) est


lente. Blanc devance Noir et construit du territoire.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 7 Problème 8
99

Diagramme 25 Diagramme 26

Diagramme 27 Diagramme 28
Dia. 25. Noir devrait jouer le kosumi (réponse B) pour défendre
le territoire.
Dia. 26. Si Blanc perd son temps à prendre les deux pierres
noires avec 2 et 4, Noir en profitera ailleurs.
Dia. 27 & 28. La table (réponse A) est ici une mauvaise réponse.
La forme de Noir est inefficace. Après l’échange B2 - N3, Blanc est
satisfait.

Diagramme 29 Diagramme 30
Dia. 29. Dans ce problème, la table (réponse A) est meilleure.
Dia. 30. Ce coup prépare le sauvetage de la pierre isolée.
100 Problèmes - partie I

Dia. 31 & 32. Le saut de deux en Ê (réponse B) est une forme


fragile dans ce cas. Blanc pousse en 2, puis joue en 4. Noir a alors
des soucis à se faire. De ce fait, Noir 3 est mauvais, bien qu’il soit
sur le point vital de la forme. La pierre de coupe M est quasiment
capturée. Manifestement, Noir s’est trompé de direction.

Diagramme 31 Diagramme 32

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 9 Problème 10
101

Diagramme 33 Diagramme 34

Diagramme 35 Diagramme 36
Dia. 33 & 34. Le tsuke (réponse B)
est la manière pour Noir de se créer
une bonne forme ici. La séquence qui
suit montre Noir sortant en direction du
centre, alors que Blanc a un point de
coupe à gérer.
Dia. 35 & 36. Sortir simplement en
tobi (réponse A) est lent. Noir s’échappe Diagramme 37
vers le centre mais risque de subir une
attaque soutenue.
Dia. 37. Le tsuke (réponse B) est
encore correct ici (un tsuke de l’autre
côté de cette même pierre est également
bon). Blanc 2 dans le diagramme 38
n’est pas un problème puisque Noir peut
sortir vers le centre avec une bonne forme.
Diagramme 38
102 Problèmes - partie I

Dia. 39 & 40. Si Noir choisit la réponse A, Blanc pourra facile-


ment continuer l’attaque.

Diagramme 39 Diagramme 40

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 11 Problème 12
103

Diagramme 41 Diagramme 42

Diagramme 43 Diagramme 44
Dia. 41 et 42. La double-coupe (réponse A) est meilleure. En
sacrifiant une pierre, Noir s’assure une bonne forme sur la gauche,
puis joue en 7.
Dia. 43 et 44. Le problème avec la réponse B, la gueule de tigre,
est que Noir obtient une forme rigide. Il a perdu la possibilité de
répondre à Blanc 2 en C ou en D. De plus, Blanc peut aussi connecter
en 5 à la place de 4 pour gagner de la force au centre.

Diagramme 45 Diagramme 46
Dia. 45. La réponse correcte est la B : le tsuke sous le shimari
blanc.
Dia. 46. Dans cette variation, les deux pierres M sont devenues
vulnérables.
104 Problèmes - partie I

Diagramme 47 Diagramme 48

Dia. 47. La connexion simple (réponse A) est lourde et informe.


Dia. 48. Si Blanc joue 2, Noir écope d’un combat pénible.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 13 Problème 14
105

Diagramme 49 Diagramme 50
Dias. 49 et 50. La réponse correcte est B, bloquer le trajet direct
de Blanc vers le centre. Noir n’a rien à craindre, que Blanc joue 2
ou la double-coupe en C.

Diagramme 51 Diagramme 52
Dias. 51 et 52. Le nobi en 1 est trop mou. Un peu plus tard
dans la partie, Blanc pourrait couper Noir avec une forme efficace,
le keima en 2.

Diagramme 53 Diagramme 54
Dia. 53. Dans ce cas, Noir devrait s’étendre en nobi (réponse A).
Cela sécurise pour un temps le groupe sur le bord gauche.
Dia. 54. Si la position se développe de cette manière, Noir s’ins-
talle solidement des deux côtés.
106 Problèmes - partie I

Diagramme 55 Diagramme 56

Dia. 55 et 56. En jouant hane ici, Noir joue avec le feu. Blanc
2 menace de capturer les pierres de coupe par une prise en retour.
Quand Blanc joue 6, c’est un désastre pour Noir.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 15 Problème 16
107

Diagramme 57 Diagramme 58

Dia. 57. La réponse B, qui prépare un sacrifice, est correcte du


point de vue de la forme.
Dia. 58. Blanc a déjà une mauvaise forme.

Diagramme 59 Diagramme 60

Dia. 59. S’étendre simplement en nobi est moins efficace.


Dia. 60. Jouer atari est une erreur de débutant : Blanc n’a au-
cune raison de sauver les deux pierres M .

Diagramme 61 Diagramme 62

Dia. 61. Dans cette position, le tobi-tsuke en A est le point vital.


Dia. 62. Si Blanc essaie de couper Noir immédiatement, Noir est
satisfait de cet échange.
108 Problèmes - partie I

Diagramme 63 Diagramme 64

Dia. 63. Le coup à l’épaule de Noir 1 dans ce diagramme est


moins bon. Blanc prend le point vital en 2.
Dia. 64. Noir doit corriger sa forme en M . Le coup Ê est un
tesuji pour protéger la coupe.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 17 Problème 18
109

Diagramme 65 Diagramme 66

Dia. 65. Ici, le coup à l’épaule en A est le meilleur coup pour


Noir.
Dia. 66. Blanc pousse naturellement en 2, ensuite Noir développe
une bonne forme avec 3. Noir peut alors se permettre de répondre
à Blanc C en Noir D.

Diagramme 67 Diagramme 68

Dia. 67 et 68. Le tobi est une forme fragile ici. Avec 2, Blanc
laisse à Noir un groupe flottant, lourd et sans yeux. Le coup sévère
en 4 est même possible.
Dia. 69. La réponse B est le point vital de cette forme. Dia. 70.
C’est aussi le coup que Blanc jouerait pour attaquer.

Diagramme 69 Diagramme 70
110 Problèmes - partie I

Diagramme 71 Diagramme 72

Dia. 71 et 72. Là, le coup à l’épaule en Noir 1 n’est pas une


bonne idée. En poussant simplement, Blanc peut rendre la forme de
Noir inefficace : les trois pierres M sont maintenant trop proches.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 19 Problème 20
111

Diagramme 73 Diagramme 74

Dia. 73 et 74. La gueule de tigre (réponse B) est une bonne forme


ici. En sacrifiant une pierre, Noir peut sortir de sa prison, et faire
des pierres M un groupe faible.

Diagramme 75 Diagramme 76

Dia. 75 et 76. Si Noir descend en Ê (réponse A) pour empêcher


la connexion de Blanc sur le bord, le coup Blanc 2 crée alors des
problèmes. Noir ne peut pas défendre à la fois C et D.

Diagramme 77 Diagramme 78
112 Problèmes - partie I

Dia. 77 et 78. (page précédente) Noir devrait jouer immédiate-


ment en Ê (réponse A). Si Blanc joue 2, Noir peut répondre en 3 et
5. Puisque les pierres M ne sont plus importantes, Noir possède une
bonne forme : Blanc n’a pas de solution pour combiner les coupes
en C et D.

Diagramme 79 Diagramme 80

Dia. 79 et 80. Avec la descente de la réponse B, Noir raisonne à


court-terme. À plus ou moins long-terme, Blanc pourra jouer en 2
et menacer E ou F.
Troisième partie

Le combat en pratique

113
7 Huit nuances de coupe

7.1 Du moulin à vent aux crêpes

Diagramme 1 Diagramme 2 Diagramme 3

(Dia. 1) Il y a un certain nombre de séquences usuelles dans


les combats issus d’une double coupe. (Dia. 2) La réponse la plus
simple est le nobi en Ê. Selon le proverbe, cette réponse est préfé-
rable à l’un des quatre atari possibles :
Double coupe ? Extension ! (Dia. 3)
L’atari N1 se termine mal car, si Noir doit
se défendre en 3, Blanc capture la pierre
de coupe en shichō. (Dia. 4) Le « moulin
à vent » : chacun s’étend pour éviter un
shichō, chaque groupe a quatre libertés.

Diagramme 4

114
7.1. DU MOULIN À VENT AUX CRÊPES 115

Diagramme 5 Diagramme 6
(Dia. 5) N2 est abusif dans ce jōseki, sauf si Noir a déjà un
appui local. N6 achève la construction d’un moulin à vent. (Dia. 6)
Blanc prend l’avantage simplement en se développant sur chaque
bord. Après N14, Noir se retrouve avec un coin réduit et vulnérable
(Blanc en A mène à un kō), et il doit également s’occuper d’un
groupe faible au centre.

Diagramme 7 Diagramme 8
(Dia. 7) Ici aussi il est d’ordinaire abu-
sif de lancer une double coupe avec N2-N4.
(Dia. 8) Mais avec la pierre de pince M , B1
devient discutable : le « ponnuki plus une
pierre » n’est pas efficace. Si Blanc veut dé-
velopper un « moulin à vent », en jouant 5
en 6, après Noir 6 en 5, la forme sera favo- Diagramme 9
rable à Noir (le groupe blanc du bord doit
batailler pour vivre, tandis que le groupe
noir central est assez fort).
Les formes en T (dia. 9) ou asymétrique
(dia. 10), apparaissent également en com-
bat rapproché. Naturellement, Ì induit un
manque de libertés pour les deux groupes.
Diagramme 10
116 CHAPITRE 7. HUIT NUANCES DE COUPE

Diagramme 11 Diagramme 12

(Dia. 11) Faire hane en B1 est nettement meilleur que de laisser


Noir jouer lui-même hane en 3. Noir doit-il ensuite jouer en A, B,
ou C ? (Dia. 12) L’idée derrière Ê : sacrifier une pierre et attaquer le
centre - Blanc en 2 est mauvais lorsque son groupe est déjà vivant.

Diagramme 13 Diagramme 14

(Dia. 13) Le problème avec la connexion en gueule de tigre Ê


est que Noir devra tout de même ajouter une pierre en 3. Sinon...
(Dia. 14) Maintenant, les coups blancs 2 et 4 sont très sévères (cf. 9.1
pour plus de détails sur cette forme).
(Dia. 15) C’est pourquoi dans certains
cas (mais pas ici car Blanc est déjà fort
sur le bord), la connexion solide en C peut
être préférable. Elle affaiblit Blanc des
deux côtés, même si elle n’est pas en soi
une bonne forme.

Diagramme 15
7.1. DU MOULIN À VENT AUX CRÊPES 117

(Dia. 16) On appelle cette position ex-


trême aux libertés réduites une crêpe. Les
diagrammes suivants donnent des exemples
de séquences y menant. Bien sûr, le combat
peut devenir très complexe. Diagramme 16

Diagramme 17 Diagramme 18

(Dia. 17) Cette position peut résulter d’une séquence de la sec-


tion 5.6. (Dia. 18) Comme Blanc exploite facilement le manque de
libertés de Noir, N1 n’est pas la bonne idée dans ce combat.

Diagramme 19 Diagramme 20

(Dia. 19 et 20) Plusieurs jōsekis peuvent déboucher sur ce type


de combat, qui se développent souvent en crêpes. Pour jouer la
double coupe N2-N4, Noir a besoin d’une pierre de support (celle
du diagramme, ou sur un des points ×) et d’un shichō qui lui soit
favorable afin que Blanc ne puisse pas jouer la séquence de 5 à 17
(le shichō apparaît grâce au coup sente en A). Si Noir devait jouer
8 en 9 pour sortir ses pierres, ce serait très mauvais pour lui.
118 CHAPITRE 7. HUIT NUANCES DE COUPE

Diagramme 21 Diagramme 22

(Dia. 21-22) Blanc joue 5 ainsi quand il a l’intention d’écraser


Noir dans une position basse sur le bord. La pierre M se retrouve
idéalement placée après 18 ; si elle était sur la quatrième ligne, la
séquence serait défavorable pour Noir. C’est un exemple de combat
qui dépend beaucoup du contexte, ici à la fois un shichō vers le
Nord-Est et la présence de pierres à l’Ouest.

7.2 Double coupe : exceptions

Diagramme 23 Diagramme 24

(Dia. 23 et 24) Jouer un atari après une double coupe devient


courant lorsqu’il y a des pierres à proximité. Lorsque la séquence qui
suit l’atari permet d’imposer une direction aux pierres adverses ∗ ,
avec un shichō court brisé ou un yurumishicho (shichō à deux li-
bertés), on peut affaiblir les autres pierres de l’adversaire et obtenir
un très bon résultat. Ici, Noir s’est piégé : le coup B2 est efficace. Il
permet à Blanc d’attaquer les deux pierres M .

∗. NdT : on parle de driving tesuji dans la littérature anglophone.


7.3. JOUER LÉGER POUR CONTRER L’INFLUENCE 119

Diagramme 25 Diagramme 26

(Dia. 25 et 26) Kosumi après une double coupe. Ce jōseki a été


évoqué dans la section 5.3. Blanc tire le maximum de la position
étirée de Noir.

Diagramme 27 Diagramme 28

(Dia. 27 et 28) Le saut en tobi après une double coupe est un


tesuji très utile. L’idée de Blanc est d’établir un blocage par kō (voir
5.6). Noir peut résister avec N6, mais la pierre ∆ est tout de même
bien placée (cf. dia. 12).

7.3 Jouer léger pour contrer


l’influence
(Dia. 29) Le jeu léger implique souvent
de laisser des points de coupe. B6 est une
bonne idée lors d’une partie à fort handi-
cap. Une connexion solide serait lourde (cf.
dia. 34).
Diagramme 29
120 CHAPITRE 7. HUIT NUANCES DE COUPE

Diagramme 30 Diagramme 31 Diagramme 32

(Dia. 30) Blanc est heureux d’abandonner sa pierre afin d’obtenir


une bonne forme. (Dia. 31) Si Noir défend simplement son territoire
du bord Sud, le sacrifice de deux pierres ouvre le bord Ouest à Blanc.
(Dia. 32) Jouer N3 n’est pas plus approprié ici.

Diagramme 33 Diagramme 34

(Dia. 33) Si Noir coupe de l’autre côté, Blanc peut contre-


attaquer en 8 (qui vise A pour plus tard), et ensuite sortir avec B10.
(Dia. 34) À est lourd. Les coups N4 et N6 sont une bonne suite
pour attaquer la forme blanche. Après N8, Blanc est en difficulté.
7.4. CONNEXIONS EN ÉQUERRE 121

7.4 Connexions en équerre


Connecter solidement pour
ne laisser aucune faiblesse est
d’habitude l’apanage de celui
qui attaque.
Dia. 35. On appelle cette
forme de connexion solide
une équerre. Diagramme 35 Diagramme 36
Dia. 36. Cette séquence a été
vue au diagramme 3. On retrouve aussi le principe « 1-2-3 » de la
section 13.2. Selon le résultat du shichō, N1 peut s’avérer inutile ou
être plus intéressant joué en atari en 2.
Dia. 37. Comparons la
connexion solide N10
avec le double hane
en 11 (diagramme sui-
vant). De toute évi-
dence, Blanc a des en-
nuis après N16 alors
que Noir est solide.
Dia. 38. Ici, suivre
aveuglément la règle Diagramme 37
énoncée dans la section
4.1 n’est pas aussi ef-
ficace. Après 10, Blanc
est vivant, et il peut vi-
ser la coupe en A. Si
Noir veut pouvoir ten-
ter le double hane, il
doit jouer le hane en
7 à la tête des deux
pierres blanches en pre- Diagramme 38
mier.
122 CHAPITRE 7. HUIT NUANCES DE COUPE

7.5 Frapper à la charnière du keima


Voici un proverbe, et quelques recommandations...

Diagramme 39 Diagramme 40 Diagramme 41

(Dia. 39) S’il peut choisir la manière de couper le keima de


Blanc, Noir doit jouer Ê à la « charnière » du keima. (Dia. 40)
Cela dépend du shichō : Noir doit bénéficier d’un shichō favorable,
ou se contenter de sacrifier sa pierre (voir dia. 8 page 115).
(Dia. 41) Voilà l’autre coupe à la « charnière » ; de nouveau, il y
a un shichō. (Dia. 42) Cependant, ici, la coupe alternative (pousser
puis couper) est aussi une bonne forme.

Diagramme 42 Diagramme 43 Diagramme 44

Le fauchage, présenté dans les sections 5.4 et 6.4, est souvent


l’occasion de jouer cette séquence. (Dia. 43) Dans ce cas, si Noir
répond 2 en 3, Blanc A est dangereux pour Noir. (Dia. 44) Voici
une séquence typique du fuseki chinois. Maintenant, A est le point
clef pour les deux joueurs.
7.6. POUSSER DANS UN KEIMA 123

7.6 Pousser dans un keima

Diagramme 45 Diagramme 46
Une remarque importante sur la partie 7.5 : la coupe en kosumi,
comme Ê et Ì dans le diagramme 45, est une mauvaise forme. B8
force la création d’un angle vide. (Dia. 46) Si Noir joue en 7, après
B8, il perd la pierre de coupe M .

Diagramme 47 Diagramme 48
En général, pousser dans un keima sans couper donne une mau-
vaise forme. (Dia. 47) N1 devrait être omis. Blanc en A devient un
bon coup à envisager. (Dia. 48) Jouer directement Ê est d’ordinaire
meilleur pour Noir. Il conserve la possibilité de couper en A.

Diagramme 49 Diagramme 50
Dans ces situations, pousser dans le keima est acceptable.
(Dia. 49) À est une mauvaise forme, et N2 est approprié ; Blanc
n’a pas de bonne réponse. (Dia. 50) Dans ce jōseki, Noir joue 1
avant 3 pour réparer sa forme.
124 CHAPITRE 7. HUIT NUANCES DE COUPE

7.7 Menace de coupe directe et diagonale

Diagramme 51 Diagramme 52

Proverbe : Lors d’un combat, le nozoki doit être joué au plus


près du point menacé. (Dia. 51) À est correct, à faire suivre de B3
plutôt que d’un coup en A, trop lourd. (Dia. 52) Ce nozoki B1 est
mauvais car il permet à Noir de jouer en 2.

Diagramme 53 Diagramme 54

(Dia. 53) Le cas d’un point de coupe sur la troisième ligne est
une exception. Ici, B1 est un bon coup. Si Noir joue 2 en A, Blanc
joue B, et vice-versa. (Dia. 54) Si Blanc suit la règle, les coups 3 et
4 sont miai pour Noir. C’est clairement moins bon pour Blanc.
7.8. RÉPONDRE AU NOZOKI 125

Diagramme 55
Diagramme 56

(Dia. 55) B1 est la bonne manière de menacer la coupe, et N2


est le bon coup de forme en réponse. (Dia. 56) Dans ce combat N1
est un bon coup de forme. Il prépare le coup en A, qui donne à Noir
un kō pour couper Blanc, mais aussi une suite sur le bord droit.

7.8 N’importe quel idiot peut connecter face


à un nozoki

Diagramme 57 Diagramme 58

(Dia. 57) Noir peut connecter en 4 sans réfléchir, ou presque.


Blanc continuera en A ou B selon la situation extérieure. (Dia. 58)
Si Noir joue Ê, Blanc est assez content de prendre le coin. Blanc
en A maintenant est un peu gourmand car Noir répondrait C ; Blanc
jouera donc 8 en B ou en C.
126 CHAPITRE 7. HUIT NUANCES DE COUPE

Diagramme 59 Diagramme 60 Diagramme 61

(Dia. 59) La connexion ne doit pas être automatique. Il faut,


selon le contexte, envisager aussi Noir A, B ou C. (Dia. 60) Par
exemple, B2 est lourd, Noir a gagné un temps dans le combat.
(Dia. 61) Cette idée n’est pas vraiment une forme standard :
considérez-la comme une chose à garder dans un coin de mémoire
pour la ressortir au bon moment.

(Dia. 62) Ê, qui menace A et B, est


une bonne réponse au nozoki M .

Diagramme 62
8 Les mystères du tsuke-
nobi

8.1 Points de coupe classiques


Noir joue le jōseki tsuke-nobi pour se
renforcer et faire avancer la ligne de front.
En fait, cette séquence laisse de nombreux
points de coupe : en A pour Blanc, en D
(après Blanc B, Noir C) et en E pour Noir.

Diagrammes 2 et 3. Comme Blanc a Diagramme 1


des points de coupe, la coupe en À est abusive. Le dia. 2 mène à
un kō, mais Noir a une menace locale en A. Dans le dia. 3, après
Noir 14, Blanc est en difficulté.

Diagramme 2 Diagramme 3

127
128 CHAPITRE 8. LES MYSTÈRES DU TSUKE-NOBI

Diagramme 4 Diagramme 5

Dia. 4. Il est généralement mauvais de tourner directement en


Ê à moins que Noir n’ait une pierre sur l’un des points ×, auquel
,
cas Blanc subit un hane sur la tête. Le kosumi en Ê du dia. 5 est
plus subtil et généralement meilleur. Il menace la coupe en 3.

Diagramme 7
Diagramme 6

Dia. 6. Une astuce tactique pour Blanc dans cette position.


Dia. 7. Lorsque Blanc a l’extension en ∆, Blanc doit préférer 2 à
3 lorsque Noir coupe en 1 afin d’éviter la sur-concentration et pour
donner une mauvaise forme à Noir. Blanc peut maintenant jouer les
coups forçants en A ou B.

Diagramme 8 Diagramme 9
8.2. LA DOUBLE APPROCHE 129

Si Blanc pousse vers le centre comme dans le dia. 8, Noir se doit


de jouer en Ë : c’est une question d’honneur. Maintenant Blanc
coupe en 3, et Noir défend en bonne forme avec Í. Blanc 9 est
une possibilité qui vise A et B. Dans le dia. 9, après Ä, Noir doit se
retenir de jouer l’atari car Blanc peut lui jouer la tactique du contre-
atari en kō (voir 5.6). Noir doit maintenant attaquer énergiquement
sur le bord Nord, puisque Blanc a maintenant une bonne forme à
gauche.

8.2 La double approche

Diagramme 10 Diagramme 11
Noir 2 en réponse au double kakari blanc en 1 est un jōseki
vénérable. Noir peut se permettre de jouer en Ï quand À est sur
la troisième ligne : dans la plupart des cas, la séquence de coupe du
dia. 11 est mauvaise pour Blanc.

Diagramme 12 Diagramme 13

Dia. 12. La séquence standard, dans laquelle on peut facilement


se tromper. Par exemple, après Blanc 9, Noir 10 empêche la coupe.
Le but de Noir 16 est d’éviter le clamp du dia. 13.
130 CHAPITRE 8. LES MYSTÈRES DU TSUKE-NOBI

Diagramme 14 Diagramme 15
Blanc ne doit pas jouer l’atari (pierres ∆). Sinon, le clamp ne
fonctionne plus : Í protège la coupe en A. Pour protéger la faiblesse
dans le coin, Noir peut aussi jouer en Ê du dia. 15. Blanc 2 laisse
donc le sente à Noir ; on peut difficilement qualifier Á d’erreur sans
regarder le reste du goban.

8.3 L’attaque de la pince


haute
Dia. 16. Noir 1 ici est une forme d’at-
taque fondamentale, lorsque, pour une
raison ou une autre, Blanc choisit de ne
pas jouer une extension sur le bord nord. Diagramme 16
Blanc doit alors décider s’il vaut mieux
vivre sur le bord ou fuir vers le centre.
Selon la situation, on peut envisager les
réponses de A à E.
La réponse la plus courante est de
s’échapper comme dans le dia. 17, avec
Á puis Ã, mais cela mérite une expli-
cation. La possibilité du nozoki en Ê Diagramme 17
du dia. 18 – en accord avec les idées
de la section 7.7 – est la raison de cet
angle vide : maintenant, Blanc peut pro-
téger la coupe en sente avec B2 et B4.
C’est un de ces cas où il est acceptable
de pousser dans un keima (voir section
7.6). Ceci dit, Noir devrait résister en
jouant le coup 3 en 4. Diagramme 18
8.3. L’ATTAQUE DE LA PINCE HAUTE 131

Diagramme 19 Diagramme 20

Si Blanc choisit la réponse B (dia. 19), il devra accepter de ré-


pondre passivement au nozoki en Î, car l’idée précédente (dia. 20)
conduit à une mauvaise forme en 10 puis à un kō désespéré.

Diagramme 21 Diagramme 22
De toutes les séquences qui permettent de vivre, la réponse C,
Á du dia. 21, est la plus facile à comprendre. Blanc agrandit son
espace vital tout en laissant quelques points de coupe chez Noir. Le
double-hane du dia. 22 est une alternative pour fuir vers le centre.

Diagramme 23 Diagramme 24
B2 – la réponse D – vise la double coupe pour vivre sur le bord.
Comme N7 en A ne fonctionne pas, et que N7 en B conduit à une
forme lourde et inefficace quand Blanc répond en A, Blanc peut
envisager cette solution. Noir doit s’étendre calmement en Ð et
laisser Blanc prendre les décisions.
132 CHAPITRE 8. LES MYSTÈRES DU TSUKE-NOBI

Diagramme 25 Diagramme 26

La glissade en Á – la réponse E – est peut-être la solution la


plus simple pour Blanc. Quand Noir joue N3 et N5, Blanc sacrifie
une pierre : il accepte de laisser à Noir une influence centrale, mais
la forme noire présente quelques défauts que Blanc pourra exploiter
avec les coups A et B. Cette dernière manière de jouer est la plus
proche du concept de risque calculé, qui sera introduit au début du
chapitre 12. Quoi qu’il en soit, Blanc doit réfléchir à deux fois avant
de permettre à Noir d’attaquer ainsi.

8.4 La pince haute, une bonne forme

Diagramme 27 Diagramme 28

La pince haute est polyvalente et apparaît dans plusieurs ou-


vertures. Noir 2 ici permet Noir 4 et 6, après quoi la pierre initiale
est idéalement placée. La variation du dia. 28 est une découverte
récente. Noir continue en A ou B.
8.5. L’ATTAQUE DE LA PINCE BASSE 133

Diagramme 29 Diagramme 30

Si Blanc envahit le coin en 7, après Noir 10, la pierre de pince est


au point vital des trois pierres (voir section 4.6), comme le montre
le diagramme 30.

8.5 L’attaque de la pince basse

Diagramme 31 Diagramme 32
Noir peut aussi jouer 1 sur la troisième ligne, notamment s’il est
plus fort localement. Le dia. 32 montre une continuation naturelle.
Ensuite, Noir peut jouer un nozoki en A ou en B, mais il devient
assez urgent de protéger en C.

Diagramme 33 Diagramme 34
134 CHAPITRE 8. LES MYSTÈRES DU TSUKE-NOBI

Dia. 33 (page précédente). Blanc 2 tombe dans un piège. Le


warikomi Ì est sévère. Si Blanc répond en 4 dans le dia. 34, Noir
peut couper en A ou en B.

Diagramme 35 Diagramme 36
C’est pourquoi Blanc 4 doit être joué de l’autre côté, ce qui
complique la situation. Après 15 dans le dia. 35, Noir a un shichō
en A ou un geta en B, suivi d’un shibori. Dans la variation du dia. 36,
Blanc ne parvient pas vraiment à s’échapper.

Diagramme 37
La séquence du dia. 37 est un échec : Blanc ne parvient qu’à
donner de plus en plus d’influence à Noir.
La pince basse est plus sévère, mais la forme est moins bonne. Ce
peut même être un coup abusif car la pierre de pince est susceptible
de subir une contre-attaque. On peut être tenté de tirer des conclu-
sions hâtives à partir de ces quelques variations tactiques. Sachez
que les professionnels jouent l’une ou l’autre pince, selon les besoins
de la situation globale.
9 L’art de l’évasion

Trouver une sortie

L’objet du chapitre 6 était simplement de vous décrire de bonnes


formes pour bloquer les infiltrations sur le bord, et pour prévenir ce
genre de situations. Avec les évasions de milieu de partie, on ajoute
une nouvelle dimension.
Quand on parle d’évasion, il ne s’agit pas seulement d’éviter de
se faire enfermer. S’échapper, c’est trouver un chemin vers le centre
pour un groupe faible. Si votre groupe faible ne peut pas s’échapper,
il pourrait mourir. Mais ce n’est pas tout. Dans le meilleur des cas,
un groupe enfermé a un coût qui se paye au yose : votre adversaire
pourra jouer des coups en sente, dans la mesure où l’on ne peut
pas se permettre d’ignorer des coups qui menacent l’espace vital
d’un groupe encerclé. S’échapper avec style, plutôt que n’importe
comment, est un savoir-faire défensif primordial.

9.1 Les tactiques d’évasion


Dans cette situation tendue ti-
rée de la section 7.1, Noir a une so-
lution inattendue en Ê : après Î,
A et B sont miai. Rien de nouveau
sous le soleil du jeu de go au ni-
veau tactique : cette idée provient
du Guangzi Pu (Kanzufu en japo-
nais), publié il y a quatre siècles en
Chine. Diagramme 1

135
136 CHAPITRE 9. L’ART DE L’ÉVASION

Ceci dit, Blanc peut aussi


choisir de laisser Noir s’échap-
per en position très basse.
Sans C, Noir n’a pas d’œil. Il
n’y a donc pas de quoi être
fier.

Diagramme 2

Évasions audacieuses

Voici quelques idées élégantes pour éviter un geta.


Dia. 3. Noir 1 est
bon quand Noir sou-
haite sortir dans le
direction de 5 pour
affaiblir les pierres à
gauche.
Dia. 4. La sortie
en kosumi est une
mauvaise forme. On Diagramme 3 Diagramme 4
retrouve la forme de
la section 7.6 où Noir
coupe un keima en ko-
sumi.
Dia. 5. Quand deux
pierres sont sur le
point d’être captu-
rées en geta, il y a
ce Noir 1. Si Blanc
tourne en 2, Noir 3 ob- Diagramme 5 Diagramme 6
tient une bonne forme.
Dia. 6. Comme au-dessus, cela suppose que Noir a envisagé
Blanc 2, et que ce résultat lui convient. Voir la section 13.3 pour un
peu de théorie à propos de cette position.
9.2. LE BOSHI ET LES FORMES DE RAYON CINQ 137

9.2 Le boshi et les formes de rayon cinq


Nous appelons forme de rayon 5 la combinaison de la pierre M
avec une pierre en A, B, C ou D (à une distance de 5). Une des
manières habituelles d’at-
taquer consiste à conduire
votre adversaire dans
un intervalle de ce ca-
libre. Des passages plus
étroits, tels que celui du
diagramme 8, incitent
l’adversaire à traverser
Diagramme 7 Diagramme 8
simplement. En défini-
tive, les pierres d’un des
deux côtés finissent trop
proches de Blanc.
Type A : (dia. 9) Blanc
traverse avec une bonne
forme. Dans le dia-
gramme 10, le bōshi ne
pose pas de problème à Diagramme 9 Diagramme 10
Blanc : à la place de Ä,
A, B ou C sont aussi
bons. Dans ces situa-
tions, la tâche de Blanc
semble facile.
Type B : (dia. 11)
Blanc est peut-être en-
tré trop profondément. Diagramme 11 Diagramme 12
Si le diagramme 12 est
le meilleur résultat que
Blanc puisse espérer, il
est en danger.
Combats de type C :
(dias. 13 et 14) Noir
semble avoir la forme
pour lui. Diagramme 13 Diagramme 14
138 CHAPITRE 9. L’ART DE L’ÉVASION

Diagramme 15 Diagramme 16

Combats de type D : Blanc s’en sort bien dans le diagramme 15 :


la coupe en A est protégée. Noir peut-il résister à Blanc 5 du dia-
gramme 16 ?

Diagramme 17 Diagramme 18

Dia. 17. Noir peut bien sûr tenter le hane à l’intérieur en 6,


mais ça n’empêche généralement pas Blanc de développer une bonne
forme.
Dia. 18. Dans cette configuration semblable, Blanc peut en gé-
néral jouer les deux coups de contact en 1 et 3, pour finir avec une
bonne forme (voir aussi les problèmes page 100). Si Noir répond
en Í, la position est meilleure pour Blanc en termes de forme :
Noir s’est créé des faiblesses en attaquant trop violemment. Ces deux
derniers diagrammes sont des exemples du concept d’amarigatachi,
mentionné page 38. Noir doit se retenir de jouer ce genre de coups
agressifs quand ils ne fonctionnent pas bien.
9.3. LIGNES DE DÉMARCATION ET POINT MÉDIAN 139

9.3 Lignes de démarcation et point médian

Diagramme 19
Durant le chuban, c’est lors des réductions que la notion d’éva-
sion est très importante. Voici un exemple un peu artificiel : Noir
possède deux murs parfaits. Où Blanc doit-il jouer pour réduire le
moyo de Noir ? La ligne de A à F est équidistante des deux murs.
Conformément au proverbe « rester loin de la force », c’est donc sur
cette ligne qu’il faut jouer. L’expérience montre que le point C se
trouve à la bonne profondeur.

Diagramme 20

Le problème immédiat avec D est le risque de bōshi. À première


vue, Blanc peut s’échapper avec 3 et 5.
140 CHAPITRE 9. L’ART DE L’ÉVASION

Diagramme 21

Mais Noir s’appuie sur la force de son mur de droite. La com-


binaison de 8 et 10 est puissante, et le groupe blanc va sans doute
mourir.

Diagramme 22

Le coup de Blanc en C est beaucoup plus facile à défendre, si


Noir fait un bōshi. Joué à cette profondeur, Blanc 1 ne peut pas
être enfermé de force.
Cela ne signifie pas pour autant que C soit correct ; face aux
impressionnants murs noirs, un coup en B pourrait être plus raison-
nable. Il y a une discussion à la fin du chapitre 13 à propos de ce
genre de décisions et du comptage.
9.3. LIGNES DE DÉMARCATION ET POINT MÉDIAN 141

Diagramme 23

Nous avons représenté ici la ligne de démarcation ∗ qui relie le


haut des deux murs noirs. Elle passe entre les points C et D. Très
souvent le coup sur le point au milieu ou juste à l’extérieur de cette
ligne est le bon coup pour la réduction. On ne peut pas détailler
toutes les configurations de ce type, donc cette règle empirique peut
rendre service. Cela complète les variations présentées en 9.2.
Il ne faut pas confondre ces lignes de démarcation, qui s’étendent
entre des pierres de même couleur, avec les lignes de confrontation
du chapitre 5. Durant une évasion, l’objectif est de franchir cette
ligne de démarcation. Il y a deux parties de la règle à expliquer.
Un aspect de la règle du point médian est le respect des lignes
existantes, donc en cas de bōshi, on doit seulement franchir les lignes
fraîchement créées. De plus, considérer le point médian suppose que
les murs noirs sont également forts. S’il y a une faiblesse notable
dans un des murs, le sens commun (à l’inverse de « rester loin de
la force ») indique que l’on doit décaler le coup de ce côté (exemple
page 215).

∗. NdT : Bruce Wilcox, cité ici dans l’ouvrage original, utilise le terme sector
line. Bruce Wilcox est un pionnier de la programmation informatique du jeu de
go et un spécialiste de l’intelligence artificielle.
Problèmes : Points de coupe

Noir joue. A ou B ?

Problème 1 Problème 2

142
143

Diagramme 1 Diagramme 2

Dia. 1. La réponse A est correcte. C’est une position classique


et en connectant solidement, Noir vit immédiatement.
Dia. 2. Blanc devrait attendre le yose avant de jouer cette sé-
quence.

Diagramme 3 Diagramme 4

Dia. 3. Cette connexion en gueule de tigre est une erreur.


Dia. 4. Après le nozoki en 2, Noir n’a plus qu’un œil.

Diagramme 5 Diagramme 6

Dia. 5. Dans ce cas, la connexion en gueule de tigre (réponse B)


est meilleure car elle a plus d’effet sur l’extérieur.
Dia. 6. Maintenant, Noir peut sauter jusqu’en 3.
144 Problèmes - partie II

Diagramme 7 Diagramme 8

Dia. 7. La connexion solide en 1 est légèrement moins bonne.


Dia. 8. Maintenant, Noir ne peut pas aller plus loin que 3.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 3 Problème 4
145

Diagramme 9 Diagramme 10

Dia. 9 et 10. Avec B, Noir capture les deux pierres de coupe.

Diagramme 11 Diagramme 12

Dia. 11 et 12. Clairement, l’atari ne fonctionne pas.

Diagramme 13 Diagramme 14

Dia. 13 et 14. La réponse B est correcte. Ce coup, en conjonc-


tion avec la pierre M , permet de capturer les pierres de coupe. Ce
type de coup contre-intuitif, qui menace de couper un kosumi est
appelé « atekomi », qui siginifie littéralement « viser l’intérieur »
en japonais.
146 Problèmes - partie II

Diagramme 15 Diagramme 16

Dia. 15 et 16. Noir A, au point vital de la forme, a l’inconvénient


de ne pas du tout fonctionner pour capturer quoi que ce soit.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 5 Problème 6
147

Diagramme 17 Diagramme 18

Dia. 17. La connexion en gueule du tigre permet à Noir de vivre


et de sauver ses deux pierres.
Dia. 18. Quand Blanc joue en 2, Noir répond en 3 pour éviter la
prise en retour.

Diagramme 19 Diagramme 20

Dia. 19 et 20. Le tobi vers le bord est une erreur. Noir n’a pas
la place de faire deux yeux après Blanc 2. Des quatre manières de
défendre les deux pierres, la réponse A est celle qui offre le plus
d’espace vital.

Diagramme 21 Diagramme 22

Dia. 21. Il s’agit en fait d’un problème de yose, pas de vie et de


mort. Ici, la réponse B, le tobi, fait plus de points.
Dia. 22. Cette séquence est un privilège Noir, car il peut la jouer
en sente.
148 Problèmes - partie II

Diagramme 23 Diagramme 24

Dia. 23 et 24. L’angle vide permet à Blanc de jouer l’atari en 2.


Blanc obtient deux points de territoire supplémentaires par rapport
à la réponse correcte.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 7 Problème 8
149

Diagramme 25 Diagramme 26
Dia. 25. Noir 1 (réponse B) est la forme de la section 7.4. Ici,
c’est le bon choix.
Dia. 26. Blanc 2 occupe le point vital de la forme, mais Noir 3
crée une bonne forme au centre et se prépare à fermer le bord sud.

Diagramme 27 Diagramme 28
Dia. 27. Cette connexion est un mauvais choix. Noir a une forme
inefficace.
Dia. 28. De plus, Blanc peut couper immédiatement pour lancer
un combat dangereux ; le coin de Blanc est solide.

Diagramme 29 Diagramme 30
Dia. 29 et 30. Ici, Noir doit accepter de se faire couper. Blanc
prend le coin avec 2 et 4, puis Noir s’étend en 5. C’est un jōseki
coréen, mais l’avis des professionnels japonais sur cette séquence
peut différer.
150 Problèmes - partie II

Diagramme 31 Diagramme 32

Dia. 31. En choisissant de se connecter à la pierre du coin, Noir


accepte de se faire écraser sur le bord.
Dia. 32. Voici le jōseki d’où est tiré cette position.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 9 Problème 10
151

Diagramme 33 Diagramme 34

Dia. 33 et 34. La réponse B, le clamp, est correcte. Si Blanc


répond en 2, la coupe en 3 est plus douloureuse pour Blanc et Noir
peut maintenir la pression.

Diagramme 35 Diagramme 36

Dia. 35 et 36. Le nozoki en 1 est une erreur de principe. Après 5,


Noir a une mauvaise forme et il reste à Blanc la séquence Blanc C,
Noir D, Blanc E, une façon élégante de créer un œil. Noir joue de
manière trop directe. Le coup Blanc 6 est un coup patient.
152 Problèmes - partie II

Diagramme 37 Diagramme 38

Diagramme 39 Diagramme 40
Dia. 37 et 38. La réponse B, le nobi, est la forme correcte. Ainsi,
Noir sort et Blanc 2 et 4 n’affectent pas la connexion.
Dia. 39 et 40. Si, au lieu de cela, Noir joue un tobi, il y a une
faiblesse à exploiter en combinant les deux points ×. Dans le dia-
gramme 40, Blanc coupe.

Noir joue. A ou B ?

Problème 11 Problème 12
153

Diagramme 41 Diagramme 42

Dia. 41 et 42. Noir devrait jouer le nozoki 1 avant de défendre le


coin avec 3. Les pierres M sont bien placées alors que Blanc a une
forme inefficace et doit s’inquiéter d’un coup ultérieur de Noir en C.

Diagramme 43 Diagramme 44

Dia. 43 et 44. Jouer atari en 1 est mou. Après la connexion


de Noir en 3, Noir 1 n’apparaît plus comme un coup urgent : Noir
préférerait utiliser ce coup pour le combat à venir. Si Noir omet cet
échange (dia. 44), il devient clair que Blanc ne jouera pas en A.

Diagramme 45 Diagramme 46

Dia. 45. La réponse B est correcte : elle permet de couper Blanc.


Dia. 46. Si Blanc résiste, il se fait capturer par manque de liber-
tés.
154 Problèmes - partie II

Diagramme 47 Diagramme 48

Dia. 47 et 48. Si Noir pousse en 1 immédiatement, Blanc peut


résister avec un coup en 4.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 13 Problème 14
155

Diagramme 49 Diagramme 50

Dia. 49 et 50. Noir capture les trois pierres par une prise en
retour. Du point de vue du yose, ce coup est meilleur. L’échange
M – M est bon pour Noir.

Diagramme 51 Diagramme 52

Dia. 51. Noir 1 capture les pierres définitivement, mais c’est un


coup mou qui perd des points et le sente.
Dia. 52. Voici le résultat auquel on peut s’attendre au yose. Noir,
en jouant un coup redondant, a perdu un point.

Diagramme 53 Diagramme 54

Dia. 53 et 54. Le nozoki en 1 (réponse B) est correct. Ensuite,


Noir joue 3 en préparation du coup C, qui enferme Blanc.
156 Problèmes - partie II

Diagramme 55 Diagramme 56

Dia. 55 et 56. En jouant d’abord sur la deuxième ligne, Noir


se trompe dans l’ordre des coups. Blanc peut répondre en 2 car si
Noir C, Blanc capture en D avec une prise en retour. Ainsi, Blanc
s’échappe et empêche Noir de contrôler le centre.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 15 Problème 16
157

Diagramme 57 Diagramme 58
Dia. 57 et 58. La réponse B permet à Noir de connecter. Blanc
ne peut pas couper cette glissade du singe.

Diagramme 59 Diagramme 60
Dia. 59. Le problème avec la réponse A est que Blanc peut couper
en combinant les coups aux points ×.
Dia. 60. En jouant dans cet ordre, Blanc coupe. S’il joue 4 en
premier, Noir vit dans le coin.

Diagramme 61 Diagramme 62

Dia. 61. Le paisible kosumi en A détruit davantage de territoire,


car Blanc aura un point de coupe sur la deuxième ligne.
Dia. 62. Pour éviter un kō, Blanc ferait mieux de reculer en 4.
158 Problèmes - partie II

Diagramme 63 Diagramme 64

Dia. 63 et 64. La réponse B ne sera meilleure que si Blanc décide


de l’ignorer. Si Blanc répond, il aura un ou deux points de plus que
dans les diagrammes précédents.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 17 Problème 18
159

Diagramme 65 Diagramme 66

Dia. 65 et 66. Le clamp en A permet à Noir d’entrer dans le


territoire de Blanc. Blanc ne peut pas couper Noir en poussant en 2.
Si Blanc 4 en 5, Noir coupe en 4.

Diagramme 67 Diagramme 68

Dia. 67 et 68. L’autre façon de jouer ne sera meilleure que s’il est
important de conserver le sente. Blanc défend bien plus de territoire.

Diagramme 69 Diagramme 70

Dia. 69 et 70. La meilleure forme, dans ce cas, est la réponse A,


le nobi. Blanc y répondra probablement en 2 un peu plus tard.
160 Problèmes - partie II

Diagramme 71 Diagramme 72

Dia. 71 et 72. Le kosumi en 1 est une forme qui présente des


défauts. Blanc peut réduire le territoire de Noir en sente avec un
sacrifice habile.

***

Noir joue. A ou B ?

Problème 19 Problème 20
161

Diagramme 73 Diagramme 74

Dia. 73 et 74. Avec le kosumi en B, Noir répare sa forme. Blanc


peut jouer 2 et 4 en sente, mais Noir pourra capturer en C, un coup
d’une valeur de 10 points.

Diagramme 75 Diagramme 76

Dia. 75. Dans ce type de position, Blanc 2 est une tactique in-
téressante. Noir ne devrait pas répondre en 3 comme dans le dia-
gramme, mais plutôt en 4. Le résultat sera alors légèrement moins
bon pour Blanc que le dia. 74.
Dia. 76. Noir 1, la réponse A, est clairement mauvais.
162 Problèmes - partie II

Diagramme 77 Diagramme 78

Dia. 77 et 78. Avec la réponse A, Noir connecte. À cause de son


manque de libertés, Blanc ne peut pas couper sur le bord.

Diagramme 79 Diagramme 80

Dia. 79 et 80. Noir 1 ne fonctionne pas. Noir ne peut pas encercler


les pierres blanches car sa forme est trop fragile.
Quatrième partie

Points vitaux et formes au


fuseki

163
10 Extensions et points
d’invasion
10.1 L’extension deux est stable
Ce saut de deux intersections sur
la troisième ligne (la fameuse « exten-
sion deux » de Fan Hui) est le mo-
dule élémentaire pour s’installer sur le
bord. C’est à cette forme qu’aboutissent
la plupart des raisonnements cherchant
comment établir une base pour les
groupes en début de partie. De toutes les
Diagramme 1
façons de construire un groupe de deux
pierres sur le bord, celle-ci est la plus stable. Nous verrons dans la
suite de ce chapitre que chacun des autres membres de la famille des
extensions présente quelques inconvénients. Ceci ne veut bien sûr
pas dire que cette « extension deux » soit la seule forme que vous
deviez connaître ! Dans certains cas vous pouvez jouer des coups
de seconde ligne en vue d’assurer une vie immédiate. En d’autres
occasions, la stratégie globale dicte l’utilisation de coups sur la qua-
trième ligne, pour monter rapidement dans le centre et prendre des
points clés pour l’influence.
Dans ce chapitre, nous allons nous concentrer sur les points d’in-
vasion, des points vitaux où une invasion est possible ou pourrait
le devenir ultérieurement. La question de savoir s’il est rentable
d’envahir dans ces petits espaces sera évoquée dans l’encadré de
la section 13.7. Enfin, au chapitre 11, nous verrons que l’extension
deux n’est elle-même pas à l’abri d’une attaque.

164
10.2. L’EXTENSION DE TROIS ESPACES 165

10.2 L’extension de trois espaces

Diagramme 2
L’extension de trois espaces, ou « extension trois », sur la troi-
sième ligne est utile dans ce genre de situation. Noir construit un
groupe stable.

Diagramme 3 Diagramme 4
Cette extension est une forme légère : pour la défendre, on aura
donc recours à des tactiques de sacrifice. A est un point d’invasion.
Selon le contexte, Noir peut en général se tirer d’affaire en sacrifiant
une pierre (cf. diagramme 4).
Un professionnel considérerait la séquence du diagramme 2
comme manquant de sévérité de la part de Blanc. Au lieu de cela, il
s’attend à ce que Blanc envahisse tout de suite, puis abandonne pro-
visoirement la pierre
d’invasion, comme ici.
Elle a de très bonnes
chances de se réveiller
par la suite, à moins
que Noir ne rajoute
un coup (et perde un
temps !) pour la neu-
traliser. Diagramme 5
166 CHAPITRE 10. EXTENSIONS ET POINTS D’INVASION

10.3 Sur les troisième et quatrième lignes

Diagramme 6 Diagramme 7
D’un point de vue stratégique, on joue l’ogeima Ì afin de ré-
duire l’effet des coups blancs en ×. Il sert donc à contrer une stra-
tégie centrale. (Dia. 7) Considérée isolément, cette forme a un point
d’invasion en A.

Diagramme 8 Diagramme 9

Quand la pierre M est présente, il est possible d’envahir. Le


combat peut être complexe. La séquence du diagramme 9 est simple,
mais Noir donne le territoire en échange d’une faible contrepartie.

Diagramme 10 Diagramme 11
(Dia. 10) Si Noir résiste en 4, le combat devient complexe. Blanc
doit maintenant se préoccuper de son espace vital (coup en A) mais
il a créé deux coupes (en B et C). (Dia. 11) Noir peut aussi résister
avec N2 et N4 : Blanc peut s’échapper avec 5 et 7, mais doit faire
attention à l’ordre des coups.
10.3. SUR LES TROISIÈME ET QUATRIÈME LIGNES 167

Diagramme 12 Diagramme 13

(Dia. 12) Cette extension plus large en N3 donne à Noir une


bonne suite en A, mais laisse à Blanc un bon coup en B. Dans une
partie de grands moyos, cette zone serait très importante pour les
deux joueurs. (Dia. 13) Deux points vitaux pour l’attaque : Blanc
peut envahir en A, ou jouer au contact en B.

Diagramme 14 Diagramme 15
Blanc peut obtenir un bon résultat en envahissant sur la troi-
sième ligne si ces deux shichōs sont favorables. Comme vu en 5.3,
si Noir joue 4 en 5, Blanc obtient une bonne forme. Si Blanc com-
mence en 3, suivi de Noir en 4 et Blanc en 1, on arrive au même
résultat.
Un exemple de ré-
flexion basée sur la
forme dans une posi-
tion globale. Noir a
ignoré le coup M . B1
empêche ici la connexion
de Noir en A (cf. 2.1). Diagramme 16
Noir peut envahir au san-san dans le coin supérieur gauche, pour
résoudre son problème localement. Mais Blanc va alors développer
une position très solide, et l’influence de Noir sur le bord supérieur
en sera très diminuée. Blanc peut être confiant pour les combats à
venir.
168 CHAPITRE 10. EXTENSIONS ET POINTS D’INVASION

10.4 Sur les deuxième et troisième lignes

Diagramme 17 Diagramme 18
Il faut avoir une bonne raison stratégique pour jouer un coup sur
la deuxième ligne en début de partie. Le coup Ê du diagramme 17
est un « sous-marin » (cf 6.2) : son but est d’établir une position
vivante dans le moyo blanc. (Dia. 18) Le point d’invasion naturel
de cette forme est en A.

Diagramme 19 Diagramme 20

(Dia. 19) Dans ce jōseki, les deux joueurs ont des formes effi-
caces. (Dia. 20) Par la suite, Blanc peut encaisser un profit substan-
tiel en envahissant en B1. Cependant, Noir en sort renforcé.
Le diagramme 21 est une idée pour envahir le moyo blanc résul-
tant du développement d’un fuseki chinois haut. Noir a la place de
s’étendre en 3. La position résultante est complexe ; Blanc peut envi-
sager les invasions en
A, B ou C. Pourquoi
Noir jouerait-il de cette
manière ? En ajoutant
une pierre en B, il est
stabilisé, mais Blanc
peut intervenir... Diagramme 21
10.4. SUR LES DEUXIÈME ET TROISIÈME LIGNES 169

Diagramme 22 Diagramme 23
Ces invasions peuvent engendrer des kōs (voir les exemples de
blocage par kō au chapitre 5). Ce sont des batailles aux enjeux
importants, et difficiles à apprécier.
(Dia. 24) Si Blanc attaque ainsi,
Noir est vivant après N10, et de plus
réussit à sortir. Le coup N10 n’est pas
vraiment nécessaire pour vivre, mais
c’est un coup important pour conser-
ver l’accès au centre et garder la possi-
bilité de sauter en A, un gros coup de
yose. Diagramme 24
(Dia. 25) En effet, même sans le
coup N10 du diagramme précédent,
tenter de tuer immédiatement avec le
clamp À (cf. 2.6) est simpliste et perd
des points. Noir peut jouer comme
dans ce diagramme, en coupant en 4
pour créer des pénuries de libertés chez
Blanc, ou bien conserver 2 et 4 pour Diagramme 25
plus tard, puisque N2 ici est moins bon
en termes de yose que le saut en 3.
Toutefois, Noir ne doit pas compter
sur une attaque aussi grossière de la
part de Blanc : ce dernier attendra un
moment plus opportun.
(Dia. 26) Après le coup M , la
coupe en  est déraisonnable. Diagramme 26
170 CHAPITRE 10. EXTENSIONS ET POINTS D’INVASION

10.5 Sur la quatrième ligne


(Dia. 27) Les coups sur la
quatrième ligne tels que
Ê, suivi de Ì – un point-
clé dans cette position
– sont typiques des par-
ties de grands moyos. Ici,
Noir se concentre sur le
développement du centre
plus que sur le territoire Diagramme 27
du bord Nord.
(Dia. 28) Dans le cas où
la pierre M est au hoshi,
jouer N3-N5 avant de sau-
ter en 7 est gros, mais il
y a le risque que Blanc
joue en A plutôt qu’en 6,
une contre-mesure expéri- Diagramme 28
mentée par les pros.

Diagramme 29 Diagramme 30

(Dia. 29) Mais si Noir saute en 3 immédiatement, Blanc pour-


rait jouer 4 et 6, auxquels Noir n’a pas vraiment de bonne réponse
(connecter en 8 est sur-concentré). Si Noir fait tenuki avec 7, Blanc
peut couper en 8. N9 vise à sacrifier N5 pour construire de l’influence
extérieure. (Dia. 30) Un exemple rare (dans ce livre du moins, mal-
heureusement pas en partie...) de mauvaise forme. N9 est terrible,
Noir n’obtient qu’un groupe faible.
10.5. SUR LA QUATRIÈME LIGNE 171

(Dia. 31) Cette « extension trois » sur


la quatrième ligne peut être envahie en A
ou B. Elle est moins solide que les pré-
cédentes, et à moins que Noir ne soit fort
localement, Blanc peut l’envahir et même Diagramme 31
y vivre.

Diagramme 32 Diagramme 33
(Dia. 32) Il n’y a pas de point d’invasion précis pour l’extension
deux sur la quatrième ligne, mais elle ne contrôle solidement aucun
territoire. (Dia. 33) Sur le bord supérieur, N1 et N3 sont naturels.
Comme Blanc jouera tôt ou tard le point important B4, Noir doit
penser à reculer en Ì et non en A. Si N3 était en A, B4 serait plus
efficace, et les invasions évoquées ci-dessus seraient plus graves.

Diagramme 34 Diagramme 35
Il faut bien comprendre que Noir vise d’abord l’influence quand
il pose deux pierres sur la quatrième ligne. De nombreuses séquences
tactiques sont possibles. Les diagrammes 34 et 35 en sont deux
exemples. On peut donc ajouter à la discussion de la section 10.1
que sur la quatrième ligne, l’extension deux n’est pas stable en soi.
172 CHAPITRE 10. EXTENSIONS ET POINTS D’INVASION

10.6 La menace de connexion

A 1 B

Diagramme 36
Les idées tactiques de cette section peuvent être appliquées à
de nombreuses situations, et elles mériteraient d’être étudiées plus
en détail. Ici B1 est un point vital pour envahir, car Blanc peut
connecter ensuite en A ou B.

2
1

Diagramme 37

Dans le cas du dia. 37, l’invasion en


1 est rendue possible par la pierre M .
Après 2, il y a plusieurs séquences pos-
sibles pour Blanc, mais la priorité est
d’identifier B1 en tant que point vital
menaçant de connecter à gauche.
Voici deux autres exemples de points
vitaux. (Dia. 38) B1 repose sur la double Diagramme 38
menace de connexion en A ou en B.
(Dia. 39) B1 peut se permettre d’igno-
rer le proverbe sur le nozoki (cf. 7.7),
puisque ici, après N2, la connexion B3
est un gros coup. Noir a bien sûr d’autres
options (par exemple connexion solide
en A, ou descente en 3 pour faire un shi-
bori si Blanc coupe en A). Diagramme 39
11 À l’étroit

11.1 Extension deux : le placement

Diagramme 1 Diagramme 2
Ce chapitre montre le revers de la médaille de l’extension deux.
Quand elle est coincée entre deux pierres blanches (cf. dia. 1), elle
peut être attaquée de nombreuses façons. (Dia. 2) Le placement en
À ou A tient de la révélation lorsqu’on le découvre pour la première
fois.

Diagramme 3 Diagramme 4

Ensuite si Noir bloque en 2, Blanc devrait jouer B3 du dia-


gramme 3. Comme on le verra dans la suite, le choix du diagramme 4
est discutable.

173
174 CHAPITRE 11. À L’ÉTROIT

Diagramme 5 Diagramme 6 Diagramme 7

Noir ne peut résister en Í comme dans le dia. 5. Peut-il jouer


comme dans le dia. 6 ? Non, Noir obtient une meilleure forme en
jouant 4 comme dans le dia. 7. Blanc doit simplement répondre 5
plutôt que A.

Diagramme 8 Diagramme 9

(Dia. 8) Ce coup B3 est maladroit : l’échange B3-N4 est bon


pour Noir. (Dia. 9) De plus, Noir peut résister ainsi, ce qui conduit
à une position hasardeuse où les deux joueurs ont une mauvaise
forme.

Diagramme 10 Diagramme 11 Diagramme 12

(Dia. 10) Si Noir choisit Ë, Â est obligatoire. (Dia. 11) Blanc


peut connecter d’un côté ou de l’autre, mais il reste faible. (Dia. 12)
Noir bloque avec l’intention de sacrifier si nécessaire.
11.2. EXTENSION DEUX : L’ATTAQUE EN BOSHI 175

Diagramme 13
Diagramme 14
(Dia. 13) Blanc peut déformer en B5. (Dia. 14) Mais s’il coupe
ensuite avec B9, Noir sort renforcé de la séquence N10-N14. Blanc
ferait mieux d’attaquer à plus grande échelle.

11.2 Extension deux : l’attaque en boshi

Diagramme 15 Diagramme 16
L’attaque avec le bōshi À est flexible, et généralement mieux
équilibrée que le placement. Noir peut sortir avec A ou B, ou essayer
de vivre sur le bord avec un des coups de contact C. (Dia. 16) Le
bon sens dicte de sortir en Ë pour éviter d’être enfermé.

Diagramme 17 Diagramme 18
Maintenant, si Noir connecte solidement en réponse au nozoki
B3, le placement en Ä est plus efficace. (Dia. 18) Le groupe noir a
perdu sa base de vie, et il faut être prudent. Si Noir joue en 6, B7
est très sévère donc Noir pourrait préférer jouer N6 en 7.
176 CHAPITRE 11. À L’ÉTROIT

Diagramme 19 Diagramme 20

La réussite de ce bōshi dépend essentiellement de ce que Blanc


jouera quand Noir traverse en Ë (cf. 4.9). Le placement en 3 est
excellent. (Dia. 20) Avec la séquence N4–B13, Blanc construit une
force vers le centre, tandis que Noir n’a encore qu’un seul œil.

Diagramme 21 Diagramme 22

Au lieu de sacrifier, Blanc peut choisir de voler la base de vie


de Noir. (Dia. 21) Blanc occupe les points vitaux de la pierre M
(cf. 4.9). (Dia. 22) Un résultat acceptable pour Noir, bien que sa
forme manque d’yeux : la pierre de bōshi initiale est bien située par
rapport à M (si Blanc joue A, Noir B).

Diagramme 23
Diagramme 24

(Dia. 23) En pratique, Noir jouera souvent un des tsuke afin de


se stabiliser rapidement. (Dia. 24) Si Blanc résiste, il encaisse un
profit, mais Noir termine avec une bonne forme pour s’échapper.
11.2. EXTENSION DEUX : L’ATTAQUE EN BOSHI 177

Diagramme 25 Diagramme 26

Les variations sur l’autre côté sont similaires, à une différence


notable près : Blanc ne va vraisemblablement pas choisir la séquence
du diagramme 26 car sa pierre de bōshi en M finit trop près de la
force noire. Comme Noir 10 est une bonne forme et abîme la pierre
M , le tsuke de ce côté est meilleur, et B3 est une erreur.

Dia. 27. Dans cette


partie, Blanc a ignoré
le bōshi M pour dé-
clencher un combat
sur la gauche, où Noir
a perdu quelques pierres
mais gagné de l’in-
fluence. Quand Noir
a joué 1 pour ré-
duire son espace vi-
tal, Blanc aurait sim-
plement dû se dé- Diagramme 27
fendre avec 2 et 4.
Dia. 28. Dans la par-
tie Blanc a joué B2,
et Noir l’a attaqué
avec le placement N3.
Blanc a surestimé ses
chances de vivre sur
le bord, et l’attaque
brutale de Noir a
réussi à tuer ce groupe.
Diagramme 28
178 CHAPITRE 11. À L’ÉTROIT

11.3 D’autres manières d’attaquer

Diagramme 29 Diagramme 30
Dia. 29. Selon le contexte, Blanc peut préférer attaquer en A,
B, C, ou D. Blanc A (cf. dia. 30) cherche plutôt un gain territorial
au détriment de l’équilibre des forces. Le keima B est approprié si
Blanc souhaite construire du territoire ou un moyo. Blanc C est
similaire en terme de direction, mais c’est un coup au contact, et
il sera donc probablement plutôt employé en défense. Blanc D met
l’accent sur le centre.

Diagramme 31 Diagramme 32

Diagramme 33 Diagramme 34
(Dia. 31 et 32) N2 pour sortir et B3 pour sonder les défauts
dans la forme noire sont tous deux naturels. Blanc ne doit pas trop
attendre du double nozoki en 5. Si Blanc continue son attaque en
tentant de couper immédiatement (dia. 33), il échoue car il manque
de libertés : après N12, il ne peut plus sauver toutes ses pierres.
(Dia. 34) Pour continuer à profiter de l’attaque, il est plus raison-
nable de jouer en B7 suivi de B9.
11.3. D’AUTRES MANIÈRES D’ATTAQUER 179

Diagramme 35 Diagramme 36

Noir peut jouer des coups au contact pour défendre. (Dia. 35)
Noir 2 et 4 font une bonne forme (cf. section 14.5), mais Blanc
a réussi à se développer sur la gauche. (Dia. 36) Blanc peut être
satisfait ici d’avoir fait du profit, car N10 est une mauvaise forme.
(Dia. 37) Dans
cette partie, Blanc
aurait dû répondre
à l’extension 1 (qui
aurait pu aller un
cran plus loin) en
s’étendant en 2 comme
dans ce diagramme.
B2 fait du territoire,
protège la forme de
Blanc, et prépare
une invasion future
en bas à gauche.
(Dia. 38) Dans
la partie, Blanc a
préféré se construire
en bas, et Noir a Diagramme 37 Diagramme 38
joué 3. Ce coup au-
rait été meilleur en 4, auquel Blanc n’aurait eu aucune bonne ré-
ponse. Blanc 4 est une bonne forme pour défendre, mais l’échange
est quand même un gain pour Noir.
180 CHAPITRE 11. À L’ÉTROIT

Plus tard dans la partie Blanc a en-


vahi en 1. Au regard des pierres blanches
en haut et en bas, Noir en 2 (plutôt
qu’en A) était un bon coup. On s’en rend
compte après B3 et B5. Noir préfère être
plus avancé dans le centre, car la base
de vie de son groupe sur le bord est in-
certaine. Les coups 2 et 5 introduisent
le concept du haengma qui sera étudié
lors du chapitre 14. (Partie : Shaw vs
Matthews, British Championship Chal-
lenger’s League 1997 ).

11.4 Un autre groupe sous


pression Diagramme 39

Les principes d’attaque et de défense sont les mêmes avec


d’autres exemples de groupes susceptibles d’être mis en difficulté
sur le bord, bien que naturellement les détails varient.

Diagramme 40 Diagramme 41

(Dia. 40) Ici Blanc se jette en milieu hostile avec B1 à B5.


(Dia. 41) N1 et N3 préparent le placement en 5. Blanc devrait igno-
rer N1 et jouer 2 directement en A.
11.4. UN AUTRE GROUPE SOUS PRESSION 181

Diagramme 42 Diagramme 43

Blanc pourrait d’abord sortir avec le keima B1. (Dia. 42) Il s’en
tire bien si Noir mord à l’appât. (Dia. 43) Noir devrait jouer les
nozoki en 2 et 4, et attaquer.

Diagramme 44 Diagramme 45

(Dia. 44) Les variations précédentes ont montré que À est un


point clé. Par conséquent, il est meilleur pour Blanc de tourner
en 1 avant de s’étendre en 3. Blanc 5 est la réponse correcte au
bōshi en 4 (voir dia. 26 page 177). (Dia. 45) Proposer un kō est une
manière plus légère de gérer le moyo noir ; Â est encore le point
vital, menaçant 4.
182 CHAPITRE 11. À L’ÉTROIT

11.5 Chinoiseries
L’exploitation d’un groupe sous pression est au cœur du fuseki
chinois.

Diagramme 46 Diagramme 47 Diagramme 48

(Dia. 46) Blanc essaye de s’installer, mais le risque d’une suite


noire en A ou en B rend sa position inconfortable. (Dia. 47) Blanc
s’échappe en sacrifiant Á. (Dia. 48) Si Noir saute en tobi, il pourra
contrer B2 par N3.

Diagramme 49 Diagramme 50 Diagramme 51


(Dia. 49) Son plan : enfermer Blanc et réduire son espace vi-
tal. (Dia. 50) Blanc doit donc ignorer le nozoki pour le moment et
agrandir sa base de vie avec À. (Dia. 51) À est un choix intéres-
sant pour répondre au coup N3 du diagramme 48. Ceci s’est produit
dans une partie de professionnels. La coupe B3, bien qu’inhabituelle,
fonctionne bien ici. En défiant Noir par un kō sur le bord, Blanc a
évité de jouer passivement.
12 Infériorité numérique

12.1 Risques calculés


On peut avoir de très bonnes raisons de délaisser momentané-
ment une position pour faire tenuki, c’est à dire jouer ailleurs. Sur
un plan tactique, on peut par exemple préférer ignorer une menace
de kō ou un briseur de shichō. Autrement dit, on espère obtenir
une compensation plus importante en jouant ailleurs. Il peut aussi
y avoir de bonnes raisons stratégiques. Déjà, dans les stratégies de
fuseki d’il y a quelques siècles, il était courant d’ignorer les coups de
son adversaire. On peut même dire que le développement de la théo-
rie des jōseki de coin a eu un effet néfaste sur les joueurs amateurs,
qui sont devenus réticents à faire tenuki. Ils suivent diligemment les
coups de leur adversaire et courent ainsi à leur perte.
Bien évidemment, avant de choisir de laisser une position en
suspens, il vaut mieux avoir conscience des risques encourus.

Dia. 1 – Ë tenuki Diagramme 2

183
184 CHAPITRE 12. INFÉRIORITÉ NUMÉRIQUE

Si Noir décide d’ignorer À dans le diagramme 1, la continuation


naturelle pour Blanc est de jouer en Â. Ensuite (dia. 2), Noir peut
s’échapper du coin avec Í puis s’installer sur le bord avec Ï. La
pierre noire dans le coin a encore des ressources.
Blanc a une autre option pour attaquer : il peut jouer  en A
dans le diagramme 1. Cependant, Noir a une réponse naturelle en B
grâce à laquelle il devrait survivre dans le coin, à moins que Blanc
ne soit très solide localement (voir la forme 3.5L).

12.2 Ignorer la pince courte

Diagramme 3 Diagramme 4
Les exemples de cette section ont un thème en commun : les
conséquences d’un tenuki après une pince courte – la pierre M .
Dans le diagramme 3, Blanc peut vivre avec le warikomi en Á.
Blanc 8 est correct : avec A, Blanc pourrait également vivre, mais
après Noir B, le point de coupe en C est moins sévère. (Dia. 4)
Blanc 4 menace à la fois A et B.

Diagramme 5 Diagramme 6

Il vaut mieux ne pas ignorer la pince haute car Noir peut devenir
très solide. Si un tel échange se produit en début de partie, Blanc
souffrira dans les combats ultérieurs.
12.2. IGNORER LA PINCE COURTE 185

Diagramme 7 Diagramme 8

Dans le cas d’une approche haute (pierre M ), c’est la pince basse


qui appelle le plus une réponse. Noir est content de jouer en Ê, car
Blanc ne peut pas couper. Blanc joue en 2 pour empêcher Noir de
faire une gueule de tigre puis attend une opportunité de jouer en A.
Le diagramme 8 montre une autre manière de jouer pour Noir :
Blanc se retrouve avec des pierres lourdes.

Dia. 9 - Á tenuki Diagramme 10

Quand la pierre de pince se trouve sur la quatrième ligne (dia. 9),


Blanc peut même ignorer un coup supplémentaire et aller chercher
une vie dans le coin avec 4 et 6. C’est un
exemple de sabaki (voir chapitre 15).
Le coup Ê du diagramme 10 est une
mauvaise idée. Le ponnuki que Blanc
obtient après la capture en Å est une
forme pleine de ressources.
Dia. 11. Dans le cas d’une approche
du hoshi, la pince courte est courante
dans le go professionnel moderne. La
continuation habituelle repose sur les
idées de la section 5.3. Diagramme 11
186 CHAPITRE 12. INFÉRIORITÉ NUMÉRIQUE

L’invasion au san-san (dia. 12) est une autre manière simple de


répondre à Noir 1. Noir devient solide mais en gote. Ò peut aussi
être joué en 10.

Diagramme 12 Diagramme 13 Diagramme 14

Quand Blanc joue la glissade dans le coin après la pince M


(dia. 13), la bonne forme pour Blanc est de jouer le kosumi étrange
en Á. Les diagrammes 13 et 14 présentent deux continuations pos-
sibles. Localement, ces deux résultats sont acceptables pour Blanc.
Ð en 8 serait passif car Blanc n’aurait alors aucun mal à construire
une bonne forme en utilisant la faiblesse en A.

12.3 À proximité d’un shimari


Quand on joue aux abords d’une forteresse, il faut s’attendre à
subir quelques désavantages localement. Les exemples qui suivent
montrent comment construire des formes viables à proximité d’un
shimari.

Diagramme 15 Diagramme 16
Le tsuke en Á est une bonne ressource défensive. La réponse en
Ì est un peu passive. Blanc 6 et 8 sont légers.
12.3. À PROXIMITÉ D’UN SHIMARI 187

Diagramme 17 Diagramme 18

Si Noir joue le hane par au-dessus en Ì, Blanc peut provoquer


un kō. Le coup Ì du diagramme 18 est aussi une réponse passive.
Blanc sort en tobi avec à et vise à la fois A et B.

Diagramme 19 Diagramme 20

Si Noir répond en 5 comme ici, Blanc 6 est bon. Ensuite, N7 et


B8 sont naturels ; Blanc garde l’espoir de jouer en A plus tard. Il
est heureux de sauter et sortir vers le centre avec un pas d’avance.
La coupe immédiate du diagramme 20 échoue lamentablement.
Nous nous intéressons maintenant à des approches directes, fron-
tales, sur d’autres formes de shimari.

Diagramme 21 Diagramme 22
188 CHAPITRE 12. INFÉRIORITÉ NUMÉRIQUE

Dans le diagramme 21 (page précédente), Â est un point vital


pour prendre forme à l’extérieur (voir aussi la section 10.3). Blanc
peut aussi jouer en A pour vivre dans le coin, selon le contexte. Blanc
peut être satisfait du résultat du diagramme 22 puisqu’il obtient une
bonne forme.

Diagramme 23 Diagramme 24
Dans le cas du shimari formé par les pierres M , Blanc peut agir
immédiatement avec B3 puis B5. Blanc vivra, mais Noir en sort
renforcé.

Diagramme 25 Diagramme 26
Dans le cas du shimari en tobi, Blanc 1 n’est pas une bonne idée.
Blanc 3 au san-san semble intéressant, mais Blanc ne devrait pas
s’attendre à un bon résultat. Noir peut sécuriser le coin, et utiliser
le sente pour s’occuper du bord gauche. Ce résultat est médiocre en
comparaison avec la variante précédente contre le shimari à deux
espaces. En tout cas, Blanc doit connaître précisément les points
clefs de chaque shimari pour préparer sa défense.

12.4 Deux coups contre le hoshi


Ce genre de situation peut se produire
quand on ignore une menace de kō ou un briseur
de shichō.
Dia. 27
12.4. DEUX COUPS CONTRE LE HOSHI 189

Après 1 et 3, Noir peut donner forme


à sa pierre en jouant le centre de symétrie
en Í. Ensuite, Blanc connecte simplement en
5. L’idée est qu’aucun des deux atari en A ou
en B n’est particulièrement bon. Noir en tire
parti en se glissant au dehors avec Ï. Diagramme 28

Diagramme 29 Diagramme 30

Si Blanc joue l’atari, on peut s’attendre au résultat du dia-


gramme 29. Blanc n’a pas tiré le maximum de la position. Si Noir
descend en Í (dia. 30), Blanc se développe d’une façon similaire,
mais avec beaucoup plus d’influence.

Diagramme 31 Diagramme 32

Cela signifie également que  est douteux. Noir peut répliquer


avec 4. Blanc A, Noir B nous ramènent à une variation précédente.
Mais Blanc B, Noir A mènent à un combat difficile que Blanc peut
choisir s’il veut tenter d’obtenir un avantage clair.
190 CHAPITRE 12. INFÉRIORITÉ NUMÉRIQUE
Cinquième partie

Éléments de théorie

191
13 Éléments théoriques pour
un jeu efficace

13.1 Nécessaire ou superflu ?


Le personnage principal de La Dame de Pique, de Pouchkine, est
amené à sa perte quand il renonce à son principe le plus cher : « ne
pas risquer le nécessaire pour gagner le superflu ». Au jeu de go, il
est souvent difficile de les distinguer. Or, pour progresser au go, il
faut notamment se débarasser de tous les coups superflus. Dans un
sens, c’est plus important que de faire de bonnes formes. En jouant
une bonne forme plutôt que le deuxième meilleur coup, vous pouvez
gagner un ou deux points, alors qu’un coup joué dans la mauvaise
direction est quasiment inutile.
La valeur d’un coup médiocre peut être, par exemple, de 80%
ou de 50% de celle du coup idéal. En moyenne sur une partie, un
1er dan amateur a, grosso modo, une efficacité de 90% tandis que
les meilleurs joueurs tournent autour de 98% ou 99%. Ces chiffres
reposent sur l’hypothèse que les joueurs professionnels sont très
proches du jeu parfait. Mais ce n’est qu’une extrapolation depuis
l’état actuel de nos connaissances, et il est difficile de voir comment
la vérifier.

192
13.2. PRINCIPE 1-2-3 ET COUPS FORÇANTS 193

Pour quelles raisons joue-t-on ces coups superflus ? Voici


quelques raisons parmi les plus courantes :
 jouer pour sauver un groupe qui est déjà vivant ;
 menacer un groupe avec un coup qui n’est, en réalité, pas
sente ;
 capturer des pierres qui n’ont pas de valeur stratégique ;
 protéger un territoire qui est ouvert par ailleurs (par exemple
un territoire ouvert sur le bord) ;
 se laisser emporter passivement dans une séquence défavo-
rable.
Parmi les erreurs typiques, on trouve les coups trop prudents
(ce n’est pourtant guère prudent de jouer de mauvais coups), les
coups qui ont l’air sente et dont on laisse à l’adversaire le soin de
vérifier qu’ils le sont (si un coup « forçant » n’est pas clairement
sente et qu’il n’est pas non plus très utile dans l’immédiat, c’est
vraisemblablement un mauvais coup), et les erreurs de jugement
concernant l’importance de telle pierre ou de telle zone.

13.2 Principe 1-2-3 et coups forçants

Diagramme 1 Diagramme 2
Ces séquences permettent toutes deux à Blanc de s’échapper.
Mais dans le diagramme 1, Noir gagne plus d’influence extérieure.
Puisque l’échange B1–N2 n’est pas nécessaire, il devrait être omis.

Principe 1-2-3 : Ne jouez pas 1-2-3, jouez directement en 3.


194 CHAPITRE 13. JEU EFFICACE

Dia. 3. Il n’y a au-


cune raison de jouer Ê
ici. Noir s’enlève une li-
berté et perd une me-
nace de kō. De plus,
Noir perd l’opportunité
de jouer lui-même en 2 Diagramme 3 Diagramme 4
ou juste au-dessus.
Dia. 4. Une double-coupe. C’est une variante de la position de
la page 114 où Noir avait choisi de connecter solidement en E après
l’atari Ê, une illustration typique du principe « Ne jouez pas atari
pour ensuite connecter », comme si Noir n’avait pas de plan. Dans
ce diagramme en revanche, Ì fait partie d’un plan : il veut sacrifier
une pierre avec la séquence Blanc A, Noir B, Blanc C, Noir D. Il
construit une forme solide dans une direction. De manière générale,
si votre coup Ê a une réponse évidente, vous devez avoir prévu
votre coup Ì.

Le proverbe à retenir est : « Faites en sorte de ne pas avoir à


revenir en arrière pour réparer ». En général, un coup efficace
doit générer un élan durable.

13.3 Miai et principe ABC

Une situation courante


en combat. Avec À, Blanc
peut se créer une bonne
forme de deux manières
différentes (voir 15.1 pour
en savoir plus sur le
dia. 6).

Diagramme 5 Diagramme 6
13.4. FAIRE D’UNE PIERRE DEUX COUPS 195

Diagramme 7 Diagramme 8 Diagramme 9

Le mécanisme derrière de tels coups est un aspect du terme japo-


nais « miai ». Après avoir joué Ê dans la position des diagrammes
7 et 8, déjà vue en 9.1, Noir sera satisfait quelle que soit la réponse
de l’adversaire. Pour résumer, le coup en C du diagramme 9 rend
miai les points A et B. Noir est donc sûr d’obtenir l’un des deux.
Nous pouvons donc énoncer un autre principe utile :

Ne jouez ni A-B-C, ni B-A-C : jouez simplement en C.

13.4 Faire d’une pierre deux coups


L’expression « faire d’une pierre deux coups » existe dans de
nombreuses langues. Si vous voulez que vos pierres travaillent plus
dur pour vous, placez-les de sorte à ce que leur but dans la vie (ou
dans la mort) ne se limite pas à une seule direction de jeu.

Diagramme 10 Diagramme 11
196 CHAPITRE 13. JEU EFFICACE

Dans le diagramme 10, Noir n’a qu’une idée en tête : attaquer


Blanc. Alors que dans le diagramme 11, Ë prépare l’attaque en A
ou la construction d’un moyo avec B. C’est plus raisonnable. Les
points A et B sont en quelque sorte miai (13.3).

Diagramme 12

Si Blanc choisit de contester le bord nord avec Â, Noir 4 remplit


deux objectifs à la fois : attaquer et construire le bord en haut à
droite. Noir 6 en remplit trois : il sort ses pierres vers le centre tout
en attaquant les groupes blancs à gauche comme à droite.

Diagramme 13 Diagramme 14 Diagramme 15

Un piège de yose dans lequel il est facile de tomber (Ã devrait


être en 7). Ò déclenche deux kō simultanés, tous deux dangereux
pour Blanc. De plus, c’est à Blanc de trouver la première menace.
13.5. COUPS FORÇANTS 197

13.5 Jouer les coups forçants dans un but


précis

On dit qu’un coup est forçant si l’ad-


versaire ne peut pas se permettre de
l’ignorer. Ici, À est un coup forçant de
niveau professionnel. Une fois que Noir
a répondu en 2, A et B sont miai pour
vivre. Sans cet échange, Noir pourrait
tenter de tuer plus tard (voir dia. 17) mais Diagramme 16
après l’échange, Noir est clairement vi-
vant (d’après une analyse du Champion-
nat Britannique de 1999).
On peut donc être tenté d’ignorer
Blanc 1. Cependant, Noir aura trop de
points de coupe s’il le fait. Si Blanc a
l’opportunité de pousser en 2 dans le dia- Diagramme 17
gramme 16, Noir devra subir un combat
très défavorable.

Un coup forçant est très efficace s’il accomplit quelque chose


de précis, conserve l’initiative, et peut être abandonné une
fois joué. On peut douter de la pertinence d’un coup « for-
çant » quand il remplit l’une des conditions suivantes :
 l’adversaire peut envisager de ne pas y répondre,
 si, quand l’adversaire y répond, l’échange ne vous est pas
clairement favorable, ou pire, s’il vous est défavorable,
 s’il y a d’autres manières d’utiliser la faiblesse plus tard,
 s’il gâche une menace de kō.
 si l’adversaire peut répondre d’une manière qui ne va pas
dans votre sens, ou qui peut amener la partie dans une
direction inattendue,
 si vous vous sentez obligé de sauver la pierre jouée, ou si
vous pourriez vous embarquer dans un combat local qui
vous ferait perdre l’initiative.
198 CHAPITRE 13. JEU EFFICACE

Les joueurs forts sont généralement d’accord sur les questions


de formes, mais on ne peut pas en dire autant des coups
forçants. Si on les joue trop tôt, la partie sera constellée
de formes figées, manquant de flexibilité. Ces formes figées
étaient cependant une caractéristique des parties du grand
Sakata Eio.

13.6 Tester la réaction de l’adversaire


Une sonde ∗ est un coup qui contraint l’adversaire à révéler ses
intentions. Dans un sens, c’est un coup forçant, mais d’un type
différent. Une sonde réussie contraint votre adversaire à faire une
concession ou un choix là où vous n’étiez pas certain de sa décision.

Diagramme 18 Diagramme 19

À obtient la réponse Ë, ce qui signifie que Blanc pourra vivre


dans le coin plus tard avec B. Noir aurait pu choisir de répondre
en A, B ou C. Maintenant que Blanc sait que Noir a l’intention de
privilégier l’extérieur, il peut faire tenuki. Selon la situation dans le
reste du plateau, Blanc pourra, ou non, revenir en B avant que Noir
ne neutralise la pierre en jouant C.
Le coup  du diagramme 19 est une nouvelle sonde. Si Noir
répond en Í, Blanc pourra vivre avec D (si Noir F, Blanc G). Si
Noir avait été fort au centre, il aurait pu envisager de répondre à
Blanc 3 en D à la suite de quoi Blanc aurait dû s’enfuir vers le
centre avec Blanc 4 – Noir E. Si ce scénario est susceptible de se
produire dans l’avenir, alors  permet de tester la réaction de Noir
en remettant à plus tard la décision de vivre dans le coin en gote.
∗. NdT : yosumi en japonais.
13.7. COMPTAGE ET AUTO-CRITIQUE 199

13.7 Comptage et auto-critique

Une bonne manière de perdre une partie est de suivre ou de


continuer une stratégie qui n’a aucune chance de mener à la victoire,
même si l’on parvient à l’exécuter. Cela va de soi, mais à moins de
compter la partie, c’est un piège dans lequel on peut tomber sans
même s’en rendre compte. Si, après un comptage minutieux, vous
constatez qu’il vous manque quelques points, il faut vous demander
comment y remédier. Continuer la partie en espérant que l’adver-
saire commette une erreur peut fonctionner en pratique, mais ne
vous fera guère progresser (à part au yose). Autrement dit, si l’op-
portunité se présente de suivre un plan mais que celui-ci mène à
une impasse, il faut l’ignorer. Vous devez jouer chacun de vos coups
avec l’objectif d’avoir plus de points que votre adversaire, de telle
manière qu’il ne puisse se permettre de jouer un gros coup ou de
simplifier la partie en jouant le yose.

***

Évaluer les conséquences de vos choix au chuban

Intéressons-nous à trois catégories de coups de milieu de par-


tie que nous avons étudiés plus tôt dans cet ouvrage : les
double-coupes, les invasions, et les réductions. C’est typique-
ment le genre de coups que l’on peut envisager quand on se
sent en retard. Cela dit, il est nécessaire de compter pour
évaluer leurs effets.
C’est particulièrement important dans le cas des coups de ré-
duction (cf. 9.3). Si le coup de réduction le plus profond que
l’on puisse envisager sans prendre de risques laisse à l’adver-
saire suffisamment de points pour gagner, ce plan doit être
rejeté. Les options restantes sont : jouer une réduction plus
profonde en espérant que cela passe – une stratégie d’ama-
teur ; envahir profondément en mettant l’adversaire au défi de
tout tuer ; ou essayer de construire de la force qui permettra
de lancer une attaque dans une autre partie du plateau.
200 CHAPITRE 13. JEU EFFICACE

Dans le cas des invasions d’extensions sur le bord, vues au


chapitre 10, le comptage soulève un paradoxe intéressant. Le
territoire que ces pierres définissent ne dépasse pas les six ou
huit points et, en créant un petit groupe vivant à l’intérieur,
on peut espérer en gagner à peu près autant. Au total, cela
fait entre douze et quinze points. Cette valeur correspond à
celle d’un gros coup de yose, pas plus. En début de partie,
les plus gros coups valent deux fois plus et durant le chuban,
il est rare que l’on descende en-dessous de vingt points (et
souvent, ces coups valent beaucoup plus).
Cependant, il faut tenir compte des groupes faibles que ces
invasions engendrent. Ceux-ci ont une valeur négative, entre
dix et vingt points. Pour expliquer ces chiffres, il suffit de se
rendre compte que l’adversaire jouera contre eux l’équivalent
d’un gros coup de fin de partie en sente. Une invasion qui
crée un groupe faible n’a pas la même valeur qu’une invasion
purement territoriale.
Avec ces arguments en tête, il apparaît que la vraie valeur
des double-coupes, comme celles de la section 7.1, provient
essentiellement des groupes faibles qu’elles génèrent – jusqu’à
quatre. Dans l’exemple de la page 115, Blanc obtient deux
groupes stables, alors que Noir écope d’un coin minable et
pas tout à fait sûr et d’un groupe faible au centre. Cette
séquence est donc favorable à Blanc.
Pour aiguiser votre jugement positionnel, il vous faut ap-
prendre à évaluer la position avec objectivité, et à trouver
une stratégie réaliste qui, si elle fonctionne, a une chance de
vous mener à la victoire.
14 Haengma

Les deux derniers chapitres de cet ouvrage ont en commun de


traiter de sujets plus avancés qui font intervenir des considérations
de milieu de partie. Autrement dit, ils vont au delà des idées de l’in-
troduction et des premiers chapitres, vers des aspects plus profonds
du combat. Ils traitent aussi de manières de jouer pouvant sembler
dangereuses à qui ne les a pas étudiées.
Ce chapitre présente des exemples de ce que les joueurs coréens
appellent « haengma » (littéralement, « cheval en mouvement »). Ce
terme fait référence à l’impression de mouvement que l’on éprouve
en observant les groupes se développer sur le plateau.

14.1 Formes avancées


En complément des formes du chapitre 3,
intéressons-nous maintenant à quelques formes
avancées. De haut en bas (dia. 1) : le grand saut
de cheval, le pas d’éléphant et le saut de deux. Ces
formes sont difficiles à appréhender ; on peut no-
tamment les couper de multiples façons. Mais elles
ont des avantages : elles permettent de se dévelop-
per rapidement – c’est essentiel dans une course
vers le centre car sauter une ligne plus loin peut
vous apporter un avantage immédiat ; ce sont des
formes intrinsèquement légères qui procurent de la
flexibilité à votre position ; enfin, elles permettent
de construire de bonnes formes de multiples ma-
nières.
Diagramme 1
201
202 CHAPITRE 14. HAENGMA

14.2 Ogeima : le grand saut de cheval


On retrouve ici un exemple typique de
raisonnement par les formes.
Dia. 2. Cette séquence crée une forme
légère (le boomerang, forme J de 3.5).
Blanc pourra traiter la pierre À légère-
ment si Noir tente de la couper.
Dia. 3. Pourquoi ne pas sauter di-
rectement en 1, en se réservant le no- Diagramme 2
zoki en A (principe 1-2-3) ? Après tout,
les coups forçants font souvent perdre
quelque chose, et l’on ne peut pas être
absolument sûr de la réponse de l’adver-
saire.
Les diagrammes 4 et 5 sont de bons
exemples de variations qu’il faut considé-
rer avant de jouer l’ogeima. Dans le dia. 4, Diagramme 3
Noir coupe et renforce sa forme à droite. Il
est important que le coup Æ soit un bon
coup pour Blanc ; sinon, ce plan n’est pas
bon. Le diagramme 5 est une séquence de
coupe grossière, et normalement, Blanc
obtient un bon résultat.

Haengma en tant que forme Diagramme 4


dynamique

Les formes légères peuvent être ren-


forcées de plusieurs manières. Si
votre adversaire a intérêt à renfor-
cer vos formes d’une manière qui
est bonne pour vous d’un point de
vue global, vous aurez réussi à faire Diagramme 5
haengma.
14.2. OGEIMA : LE GRAND SAUT DE CHEVAL 203

Dia. 6. Dans cette partie


de professionnels, la forme
est aussitôt fixée. Noir 2
est un point vital : une
pierre blanche sur ce point
ferait également une bonne
forme. Blanc 3 connecte
solidement et maintenant
Blanc 1 est bien placé : Diagramme 6
Blanc veut aller vers le
groupe noir du bord infé-
rieur, en restant éloigné de
la pierre M pour éviter une
double attaque. Dans cette
situation, il serait moins
intéressant de sortir vers le
centre en jouant des tobis.
Diagramme 7
Dia. 7. Ici, dans une autre
partie de haut niveau, Blanc combine attaque et défense, en traitant
les pierres M légèrement. Blanc espère protéger ses points faibles en
’×’ en attaquant le groupe noir.

Le style Go Seigen

Ces exemples sont issus de parties de Go Seigen (1914-2014). Ce


joueur chinois – son nom chinois est Wu Qingyuan – fut natu-
ralisé japonais après avoir émigré durant son adolescence. Il est
considéré comme le joueur le plus brillant du vingtième siècle.
En plus de ses nombreuses innovations au fuseki, Go Seigen s’est
construit un style de milieu de partie très léger. L’usage consis-
tant du grand saut de cheval est typique de son génie.
Le joueur coréen Cho Hun-hyeon, qui était comme Go Seigen un
élève de Segoe Kensaku, est le plus grand représentant actuel a
du haengma.
a. NdT : dans les années 80-90.
204 CHAPITRE 14. HAENGMA

14.3 Le pas d’éléphant


Dia. 8. Le pas d’éléphant suscite immédiate-
ment une question naturelle : et si l’adversaire
joue dedans ? Dia. 9. Avec Â, Blanc surmonte la
crise. Noir ne peut pas gagner d’avantage décisif. Diagramme 8
Dias. 10 et 11. Par exemple, si Noir coupe d’un côté, il perd sa pierre
initiale. De l’autre, il perd le coin.

Diagramme 9 Diagramme 10 Diagramme 11

Diagramme 12 Diagramme 13 Diagramme 14


Dias. 12 à 15. Voici un exemple classique d’utilisation du pas
d’éléphant, tiré d’une partie du Meijin Shusai, protagoniste du
roman de Kawabata, Le Maître de go.
Blanc a ignoré la pince M et Noir attaque
avec le kosumi-tsuke en 1. Blanc 4 est une
manière de gérer cette situation. À l’issue
de la séquence Î – 11 , Blanc a obtenu
un embryon de forme. Ensuite (dia. 14),
Blanc coupe en 12 (cf. forme H). Les deux
groupes sur le bord sud et le coin vivent,
puis le bōshi en 33 fait revenir le combat
au centre.
Diagramme 15
14.3. LE PAS D’ÉLÉPHANT 205

Diagramme 16 Diagramme 17

L’exemple ci-dessus vient d’une partie plus récente (Cho Chikun


contre Yamabe). Cette fois la pierre de pince est sur la quatrième
ligne. Noir tente de démolir la forme de Blanc, mais le résultat après
16 est équilibré. Blanc peut viser la coupe en A.

Diagramme 18 Diagramme 19

Voici deux variations pour expliquer ces manœuvres.


Dia. 18. Blanc veut éviter de jouer le tsuke en 1 : après la réponse
Noir 2, Blanc ne pourra sans doute pas séparer Noir avec la coupe
en A alors que dans la séquence de la partie, cette coupe est encore
présente après Blanc 14. C’est pourquoi Noir choisit de faire une
forme solide avec 15.
Dia. 19. Blanc préfère jouer l’angle vide en A plutôt que de jouer
cette forme de table en À. En plus de la raison qui vient d’être
exposée, Blanc veut que la coupe en A du dia. 17 soit un atari.
206 CHAPITRE 14. HAENGMA

14.4 Le saut de deux


Le saut de deux peut être
coupé de plusieurs manières.
Dia. 20. Celle-ci conduit à
une double coupe. Dia. 21.
Blanc 1 est un coup à l’oreille
(les autres sont notés ’×’).
Ce coup prépare la coupe. Diagramme 20 Diagramme 21
Dia. 22. Généralement, pour
couper en bonne forme, c’est
ici qu’il faut jouer. Ensuite,
Blanc coupe en A ou B.
Dia. 23. Si Blanc se trompe
d’ordre, Noir peut résister en
2 (plus tard, il y a la possibi-
lité de Noir C, Blanc D). Diagramme 22 Diagramme 23

Diagramme 24 Diagramme 25 Diagramme 26


Dia. 24. Ce saut de deux peut sembler fragile à première vue. En
réalité, tant que Noir dispose de la séquence Noir A, Blanc B, Noir C
dans le coin, il n’y a pas de danger. Dia. 25.
Noir et Blanc se développent avec de bonnes
formes. Si Blanc souhaite couper le saut de
deux, il doit prendre en compte la présence
de la pierre de pince M .
Si Blanc veut couper immédiatement, 4
et 6 dans le dia. 26 sont corrects. S’il joue Å
comme dans le dia. 27, il abîme sa pierre de
pince M .
Diagramme 27
14.5. QUADRILATÈRES 207

14.5 Les quadrilatères en tant que formes


idéales

Diagramme 28 Diagramme 29 Diagramme 30

Dias. 28 et 29. Les formes légères peuvent être utilisées pour


construire de très bonnes formes, voire excellentes, si l’adversaire
n’empêche pas leur formation. Ce trapèze est un moyen idéal pour
renforcer un saut de deux ou une extension deux.
Dia. 30. Cette séquence est jōseki. Par la suite, Blanc pourra
sceller le bord droit, ou attaquer sur le bord Sud.

Diagramme 31 Diagramme 32 Diagramme 33

Dia. 31. Ces nozokis de Noir feront une grosse différence dans le
combat en cours, car ils aident les pierres M à prendre forme. Blanc
devrait donc résister, et jouer 2 en A.
Dia. 32. Ce coup 1 vise à faire un trapèze avec A ; si Blanc B, Noir C.
Dia. 33. Blanc 1 est au point vital. Noir aura maintenant des soucis
avec ces pierres.
208 CHAPITRE 14. HAENGMA

Diagramme 34 Diagramme 35

Dia. 34. Blanc 1 rend 2 et 3 miai pour construire un parallélo-


gramme à partir des pierres ∆. C’est souvent une bonne manière de
protéger la faiblesse en A.
Dia. 35. Ce grand carré est survenu dans une partie profession-
nelle. C’est une forme légère.

Diagramme 36 Diagramme 37

Ces deux derniers exemples sont des formes solides et influentes


qui surviennent parfois dans des parties réelles. Habituellement,
l’adversaire intervient pour empêcher leur construction. Celui du
diagramme 36 est une combinaison de deux boomerangs basés sur
un ogeima.
Une dernière remarque sur les formes solides : la solidité ne sert
que s’il y a des combats à mener dans leur voisinage.
15 Sabaki

Le sabaki est l’un des concepts les


plus importants que le go professionnel
japonais nous ait légués.
Dia. 1. Dans cet exemple issu de
la section 13.3, Blanc doit avoir en-
visagé la suite avant d’arriver à cette
position. Noir a ajouté la pierre M
pour protéger sa coupe. Du point de Diagramme 1
vue de Blanc, les pierres blanches ∆
sont devenues accessoires, jetables, et
peuvent être sacrifiées car la coupe
n’existe plus.
Dia. 2. Si Noir coupe, Blanc pré-
voit de s’en servir pour affaiblir la
pierre noire à gauche. Cette idée est
un exemple de sabaki. Diagramme 2

Diagramme 3 Diagramme 4
Par opposition, si Blanc choisit de protéger sa pierre en connec-
tant en Á quand Noir fait atari, Noir 5 est sévère. Ce résultat est
moins bon pour Blanc.

209
210 CHAPITRE 15. SABAKI

15.1 Une position fondamentale

Diagramme 5 Diagramme 6

Pour envahir un shimari comme celui du diagramme 5 – où dans


les cas où la pierre M se trouve sur l’un des points × – il est courant
de jouer au komoku. Si Noir bloque à l’extérieur (cf. 11.4), Blanc
joue le contre-hane 3 en envisageant de le sacrifier.
Dia. 6. Si Noir tente de capturer cette pierre immédiatement, le
résultat qu’il obtient pourrait se révéler mauvais globalement. Après
B19, Blanc peut soit s’échapper en A, soit capturer trois pierres.
Ce coup  repose sur un certain nombre d’idées de sabaki.

Diagramme 7 Diagramme 8

En jouant ici en Ê, Noir tente de capturer davantage de pierres.


Cependant, Blanc reste flexible avec Å. En revanche, le coup Ç du
dia. 8 est maladroit.
15.1. UNE POSITION FONDAMENTALE 211

Diagramme 9 Diagramme 10

Selon les circonstances, Blanc peut utiliser l’aji des pierres du


coin avec des manœuvres comme celles des diagrammes 9 et 10.
Blanc doit prévoir tout ceci depuis le début.
En jouant atari en 4 dans le
dia. 11, Noir alourdit le groupe blanc.
Ainsi, Blanc ne pourra pas utiliser de
techniques de sacrifices comme celles
que nous venons de voir. Noir essaye
de refuser à Blanc la possibilité de faire
sabaki. Les points clés dans cette po-
sition sont A, B et C : Blanc doit
construire un plan à partir de l’un Diagramme 11
d’eux.

Diagramme 12 Diagramme 13

Le clamp en À permet à Blanc de vivre rapidement. Dans le


dia. 12, Blanc vit dans le coin. Si Noir résiste avec Ë, comme dans
le dia. 13, Blanc réussit à transpercer le shimari noir en sente.
212 CHAPITRE 15. SABAKI

Diagramme 14 Diagramme 15

Si Blanc a une pierre en ∆, Blanc 1 et 3 créent une bonne forme.


Maintenant, aucun des atari en Í ne fonctionne bien. La combi-
naison de la pierre M avec Blanc 1 et 3 – le contre-hane – est digne
d’être retenue. Nous la reverrons en 15.2.

Diagramme 16 Diagramme 17

Les idées qui suivent sont jouables selon le contexte. Le coup à la


tête des pierres noires (dia. 16) construit de l’influence sur le bord
supérieur. La coupe en À du diagramme 17 peut être un moyen
pour construire une influence vers le centre.

Diagramme 18 Diagramme 19
Dans la suite de la séquence, issue d’une partie professionnelle,
les trois pierres M sont utilisées comme sacrifice pour construire vers
le centre. Noir 12 est la forme correcte. Le coup Noir 12 du dia. 19
est habituellement une mauvaise forme : comme Noir manque de
libertés, Blanc peut gagner des coups sur l’extérieur.
15.2. UN EXEMPLE À GRANDE ÉCHELLE 213

Diagramme 20 Diagramme 21

Dans le cas d’un shimari en tobi (pierre M ), Blanc va norma-


lement commencer par couper en À. L’idée est de sacrifier deux
pierres et d’obtenir Blanc 5 à l’extérieur, qui contraint l’adversaire
à jouer un angle vide. Après le saut en Blanc 13, il lui suffit d’un
coup dans le coin pour obtenir son deuxième œil.

15.2 Un exemple à grande échelle


Cette position pro-
vient d’une partie entre
amateurs. Elle est inté-
ressante en raison des
bōshis M . Grâce à eux,
Noir a rapidement cons-
truit un moyo sur la
partie inférieure du go-
ban. Blanc doit alors
trouver immédiatement
une manière d’y faire
face. L’échange Blanc A –
Noir B serait trop bon
pour Noir. Blanc doit
donc établir un plan
d’invasion ou de réduc-
tion. Diagramme 22
Aux yeux d’un professionnel, ce plan de Noir pourrait sembler
trop fragile, mais il a le mérite de contraindre Blanc à trouver de
bons coups tôt dans la partie.
214 CHAPITRE 15. SABAKI

Étant donné le thème


de 15.1, il est natu-
rel de penser à cette
invasion au komoku.
Blanc peut aussi envi-
sager une invasion au
san-san (Blanc 1 en 3).
C’est le genre de me-
sures qu’il faut prendre
dans ce genre de situa- Diagramme 23
tions. Après Blanc 5, le coin de Blanc en bas à droite est assez
gros. La position n’est pas simple à évaluer après Noir 6 ; mais cette
variation se produira-t-elle vraiment ?
Noir peut aussi choi-
sir de faire ressembler
cette invasion à une in-
vasion au san-san en
jouant Í de cette
manière. Les pierres
blanches M deviennent
faibles. Il lui est alors
facile de construire son
centre en les attaquant. Diagramme 24
Le défaut de ces deux invasions ordinaires apparaît clairement :
elles laissent à Noir le choix entre plusieurs options, dont l’une est
simple à jouer.
Les coups de réduc-
tion « × » se trouvent
à la profondeur recom-
mandée dans la sec-
tion 9.3. Cependant,
ils n’ont pas beaucoup
d’effet sur Noir.

Diagramme 25
15.2. UN EXEMPLE À GRANDE ÉCHELLE 215

Dia. 26. Toujours


selon les idées de la
section 9.3, on peut
être tenté de rappro-
cher son coup de ré-
duction du côté le plus
faible. Avec À, Blanc
joue un peu plus pro-
fondément en espérant Diagramme 26
tirer parti de la coupe
en Â. Ce coup at-
taque effectivement le
côté le plus fragile,
mais la forme blanche
a elle aussi ses dé-
fauts : Noir va immé-
diatement pousser vers
le centre et isoler la
pierre À. Diagramme 27
Le dia. 27 montre
la séquence jouée dans
la partie. Noir s’en sort
bien. Blanc 3 en 4 se-
rait lourd et Blanc se
trouverait rapidement
en difficulté à mesure
que les coups de Noir
menacent aussi le coin
Diagramme 28
en bas à gauche. Ce-
pendant, avec Â, Blanc ne met pas son groupe à l’abri du danger
non plus. Du point de vue de la direction, il est clair que le combat
se déroule près de la force de Noir, plutôt que proche de sa faiblesse
sur la droite. Blanc combat au mauvais endroit.
Blanc a choisi le tsuke en 1, mais a obtenu un mauvais résultat.
La lecture de la section 15.1 nous a appris que la forme du dia. 28
peut fonctionner très bien pourvu qu’il y ait une pierre blanche en A.
C’est un indice. Nous allons tenter de vous proposer une réponse
« correcte » pour Blanc depuis la position initiale.
216 CHAPITRE 15. SABAKI

Jusqu’ici, les coups que nous avons essayés semblaient ineffi-


caces, ou offraient trop de choix à Noir. Ce qui est requis ici, c’est
un coup au point clé, ayant un effet sur Noir, et qui réduise sa marge
de manœuvre de sorte à ce que ses choix de direction aient moins
d’importance que dans les variations montrées jusqu’à présent. Dans
chacune des invasions considérées jusqu’ici, Noir a obtenu des résul-
tats favorables en bloquant du bon côté.
Le choix entre invasion et réduction se fait ici en faveur de l’in-
vasion. On arrive à cette conclusion une fois que l’on a écarté les
coups inefficaces, tels que les réductions trop superficielles du point
de vue du comptage (cf. section 13.7). Ensuite, les idées exposées
dans les sections 13.2 à 13.6 peuvent aider à trouver le bon point
d’invasion. Il est probablement très difficile pour les joueurs d’un
niveau inférieur à celui de fort amateur de jouer méthodiquement
dans une telle position.
Dia. 29. Examinons le
choix Blanc 1. Nous
pensons que cette idée
est le meilleur coup
sur un plan concep-
tuel. Un de ses objectifs
est la séquence du dia-
gramme, qui rappelle
la section 15.1 – Blanc Diagramme 29
peut également glis-
ser en A. Mais Blanc
prépare également un
coup en 2. Noir ne
pourra donc pas empê-
cher Blanc de faire sa-
baki.
Dia. 30. Noir 6 n’est
pas bon pour Noir
lorsque la pierre M est Diagramme 30
déjà là. C’est une utilisation de l’idée de miai exposée en 13.3. Blanc
1 est le point clé : il s’associe bien avec la tactique de contre-hane
sur le bord, mais également avec la tactique de double-coupe dans
le coin. Ce n’est pas une mauvaise idée que de laisser à Noir le choix
15.2. UN EXEMPLE À GRANDE ÉCHELLE 217

entre deux possibilités qui sont miai plutôt que de lui offrir un choix
unique et clair.
Si Noir capture naï-
vement une pierre avec
N6 et N8, Blanc peut
s’enfuir vers le centre
comme dans le dia-
gramme 31. L’échange
M – M est une perte
pour Blanc, mais il
est évident que Noir
a beaucoup perdu à Diagramme 31
gauche.

Diagramme 32 Diagramme 33
Ici, le kosumi-tsuke en 2 du dia. 32 n’est pas une bonne forme
pour Noir. Après Blanc 3 et 5 (cf. dia. 33), Noir n’a pas de bon
moyen pour protéger à la fois A et B. Il est donc naturel pour Noir
d’approcher de l’autre
côté, comme dans le
dia. 34. Maintenant,
Blanc peut exploiter les
faiblesses de la position
noire à droite. Cepen-
dant, la coupe directe
n’est pas recommandée
ici.
Diagramme 34
218 CHAPITRE 15. SABAKI

Blanc initie une double-coupe avec


3 et 5. Les pierres blanches sont bien
placées, et les pierres noires du centre
paraissent trop éloignées de l’action.
Il y a de nombreuses variations, mais
peut-être le lecteur aura-t-il la sensa-
tion que les choses commencent à bien
tourner pour Blanc.
Il ne serait pas raisonnable pour
Blanc d’espérer dévaster entièrement Diagramme 35
le moyo noir. Prendre un gros coin suf-
fit à améliorer grandement la position.

Diagramme 36 Diagramme 37

Le dia. 36 est la meilleure manière de jouer pour Noir. Blanc


doit jouer 9 pour rester connecté à l’extérieur, puis Noir 10 protège
son territoire proprement. Cependant, le coin Blanc est devenu sub-
stantiel : quasiment vingt points. Noir 10 dans le dia. 37 est une
erreur importante – il va à l’encontre de la théorie en 13.2 et de
la forme selon 7.4. Blanc a une astuce de fin de partie : Blanc A,
Noir B, Blanc C.

***
15.2. UN EXEMPLE À GRANDE ÉCHELLE 219

La signification du sabaki

Il est plus facile de reconnaître un sabaki que de le définir


– c’est un objectif, pas un type de forme. Sa principale
caractéristique est que, grâce à une séquence sabaki, vous
pouvez jouer là où votre adversaire est déjà fort, et obte-
nir un résultat satisfaisant. La technique la plus courante
est la création délibérée de pierres pouvant être sacrifiées,
le but étant d’obtenir une forme légère, un groupe vivant
ou de créer des faiblesses dans les positions adverses. Na-
turellement, c’est un art qui demande aussi du talent et
des décisions inspirées.
Quand vous apprenez à capturer, vous êtes un soldat sur le
goban. En apprenant à compter, vous devenez un homme
d’affaires. La connaissance des formes et des tesujis fait
de vous un ingénieur, conscient des problèmes de struc-
ture dans la construction des groupes. Mais la maîtrise du
sabaki fait de vous un alchimiste, capable de transformer
la nature fondamentale des positions.

Conclusion

Les joueurs de go, du moins les plus consciencieux, aspirent sou-


vent à une compréhension du jeu plus précise et plus complète. Pour
certains, cela se traduit par une soif inextinguible de connaissances
sur le jeu. Les auteurs de livres de go savent bien que la recherche
du coup divin est une quête belle, mais illusoire : le go est un sujet
complexe, sa maîtrise tend à exclure toute autre considération dans
la vie, au moins pour un temps, et il n’y a pas de voie royale.
Les joueurs amateurs, dont font partie les deux auteurs de ce
livre, peuvent se permettre d’avoir une attitude plus décontractée
vis à vis de leur force au jeu. Cela n’est pas vraiment possible pour
les joueurs professionnels, qui en dépendent pour gagner leur vie.
Dans une partie de professionnels, les deux joueurs maîtrisent les
formes et la technique. Ils ne peuvent gagner en se contentant de
220 CHAPITRE 15. SABAKI

jouer de belles formes, les coups honte ∗ ne sont pas assez efficaces.
Un joueur tel qu’Otake Hideo, qui place pourtant la forme en très
haute estime, doit avoir en renfort de profondes ressources en ma-
tière de puissance de combat. Sa longue carrière au sommet té-
moigne du bien-fondé de son approche, quoique l’on puisse nuancer
cette remarque au vu du succès d’autres joueurs qui, par exemple,
s’appuient davantage sur leur jugement positionnel ou leur profon-
deur de lecture. Pour les amateurs, il suffit de se concentrer sur
les bonnes formes et les points vitaux, en laissant l’adversaire com-
mettre des erreurs de forme ou amener la partie dans des directions
qui ne l’avantagent pas, pour se rapprocher significativement du
cercle des bons joueurs de go.
Ainsi, le thème de la forme est un des aspects majeurs du go,
nécessaires pour progresser vers de meilleurs niveaux. Pour autant, il
ne se suffit pas à lui-même pour devenir « fort ». D’autres piliers du
jeu existent, comme les directions de jeu, l’évaluation de la position,
la lecture, l’évaluation des échanges ou la théorie du fuseki. La force
se déploie à travers un ensemble de compétences.
Beaucoup de joueurs considèrent que la puissance en situation
de combat total est la plus importante de toutes. Et en effet, il arrive
que certaines parties dégénèrent en un combat décisif qu’aucun des
des joueurs ne peut éviter. En pratique, un combat peut se jouer à
une liberté d’écart, ou bien à une fraction de forme d’œil, voire à
une ultime tentative de coupe désespérée. Mais il n’y a rien d’aléa-
toire là-dedans ! Ces questions ne demandent pas d’être un expert
de la forme, mais simplement d’en comprendre les principes fonda-
mentaux. Elles sont une affaire d’anticipation, de planification, et
ne doivent pas être laissées au hasard.

∗. NdT : littéralement, un coup honte est un coup « correct ». Plus précisé-


ment, c’est un coup solide qui ne laisse pas d’aji.
Problèmes avancés

À Noir de jouer dans tous ces problèmes

Problème 1 Problème 2

Problème 3 Problème 4

221
222 Problèmes - partie III

Diagramme 1 Diagramme 2
Noir commence par stabiliser la forme sur le bord droit avec le
coup à l’épaule Ê. Dans les deux diagrammes, Noir est alors en
mesure de fermer le bord droit.

Diagramme 3 Diagramme 4
Le simple nobi est correct. Après Á, Noir peut attaquer à droite.
Dans le dia. 4, Noir 1 est lourd et laisse à Blanc une coupe en A.

Diagramme 5 Diagramme 6
Dans cette situation, Noir devrait jouer solidement au point de
la gueule de tigre. Après N5, Blanc ne peut pas à la fois prendre le
coin et protéger le bord. Jouer dans le coin comme dans le dia. 6
est fragile et Noir doit renforcer avec Ì.
223

Diagramme 7 Diagramme 8

Blanc a une forme fragile. Noir peut exploiter ses faiblesses avec
la double coupe en 1 et 3 qui lui permet de pénétrer.

À Noir de jouer dans tous ces problèmes

Problème 5 Problème 6

Problème 7 Problème 8
224 Problèmes - partie III

Diagramme 9 Diagramme 10
Le coup au point vital des trois pierres est correct et mène à un
kō. Noir a une menace de kō intrinsèque avec 11 . En comparaison,
dans le dia. 10, Noir fait une mauvaise forme et se met dans le
pétrin.

Diagramme 11 Diagramme 12
Noir devrait couper en 1 pour élargir le champ de bataille. Dans
l’une ou l’autre de ces variations, 5 devient un bon coup. Ê permet
de tester la réaction de Blanc.

Diagramme 13 Diagramme 14
Le clamp en Ê fait une bonne forme. Les tentatives de Blanc
pour couper Noir par la suite sont infructueuses : dans les deux cas,
après Ò, Blanc n’a rien accompli.
225

Diagramme 15 Diagramme 16

Ici, le saut de deux en Ê est bon. Les diagrammes montrent


deux manières d’esquiver les attaques de Blanc.

À Noir de jouer dans tous ces problèmes

Problème 9 Problème 10

Problème 11 Problème 12
226 Problèmes - partie III

Diagramme 17 Diagramme 18

Après le pas d’éléphant en Ê, Noir A et Noir 3 (cf dia. 17) sont


miai.

Diagramme 19 Diagramme 20

Après le keima en 1, les bords haut et gauche deviennent miai.

Diagramme 21 Diagramme 22
Noir devrait jouer la connexion en escalier en Ê. Ensuite, Noir
peut couper et combattre avec une bonne forme. Blanc peut aussi
choisir la variation du dia. 22, qui est aussi une option raisonnable.
L’essentiel pour Noir est de ne pas laisser à Blanc la possibilité de
couper ou de jouer des coups forçants.
227

Diagramme 23 Diagramme 24

Le tsuke en Ê permet de faire sabaki. Dans ces deux variations,


Noir est devenu solide.
Annexes

228
A Index des formes

Boomerang
Point d’angle Forme anonyme
43 58 202 208
29 54 74 75 82 61

Angle vide 16 25 31
Boshi
32 56 60 66 74 77 Forme asymétrique
79 137 175 181 204
116 130 186 205 213 115
213

229
230 ANNEXE A. INDEX DES FORMES

Double coupe 52 68
Coup de boutoir
Contact avec soutien 77 82 83 103 114 118
71 77 81
76 131 188 194 199 218

Clamp
Contre-hane Double hane
8 36 38 74 129 169
210 212 215 64 65 71 121 131
211

Coup à l’épaule Double table


Connexion en équerre
9 108 109 110 222 14 48 71
121

Crêpe Double warikomi


Connexion solide
114 117 52
34 51 86 116 119
231

Équerre Fermeture par kō Hane


53 88 136 83 129 169 6 64 65 68 82 138 187

Keima
Grande équerre Grande table 54 57 58 58 60 89
53 54 20 73 122 123 178 213

Fauchage Gueule du tigre Keima (glissade)


81 90 91 122 48 56 69 80 124 9 44 89 186 189

Kosumi 23 24 54 55
Faux œil Guzumi 57 84 86 89 119 128
30 33 36 72 73 60 136 167
232 ANNEXE A. INDEX DES FORMES

Kosumi étrange Nez de chien Ogeima


59 84 186 59 201 202 208

Kosumi-tsuke Niken-tobi Coup à l’oreille


81 87 195 217 21 180 201 206 207 206

Moulin à vent Nobi Parallélogramme


114 114 131 208

Coup sur le nez Nœud de bambou Pas d’éléphant


67 73 79 212 14 19 27 28 31–33 70 74 75 201 204
233

Table
Pince haute Trapèze
14 15 18 20 27 31 48
à deux espaces 207
71 205
11 130 132

Trois corbeaux
Techu
Ponnuki 55
81
9 17 52 56 85 115 185

Tsuke
Tête de chat
Sous-marin 82 138 139 140 167
56
86 175 176 186 205

Tobi
Forme en T Tsuke et bloque
6 15 21 23 45 52 53
115 10 79
119 203
234 ANNEXE A. INDEX DES FORMES

Tsuke-nobi V volant
77 79 ch.8 61

Vol d’œil Warikomi


36 38 72 73 18 45 52 79 133 184
B Index des proverbes

Attaquez en keima. 60
Capturez la pierre de coupe. 10
Double coupe ? Nobi ! 114
Faites d’une pierre deux coups. 195
Faites hane à la tête de deux pierres. 6 64 121
Faites hane à la tête de trois pierres. 65
Jouez de sorte à ne pas revenir en arrière pour ré-
parer. 194
Jouez au centre des trois pierres. 71 74 133
Jouez loin de la force. 139 141
Keima coupe keima. 123 130 136
Le point vital de mon adversaire est aussi mon
point vital. 49
Même un fou connecte face à un nozoki. 125
Ne menacez pas les deux côtés d’un nœud de bam-
70 181
bou.
Ne permettez pas une gueule du tigre. 69
Ne jouez pas 1-2-3. Jouez simplement 3. 193
On s’étend de trois depuis un mur de deux. 9
Pour contrer l’influence, jouez léger. 119
Préservez la symétrie. 10 189
Sur la tête tu ne te cogneras pas. 71
Un ponnuki vaut trente points. 10 17

235

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